N° 690

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er septembre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (procédure accélérée),

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur,

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

672 et 691 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Avec la crise, les déficits sociaux se sont envolés pour atteindre des records : les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse se sont élevés à 23,5 milliards d'euros en 2009, ils devraient avoisiner 30 milliards en 2010. Pour 2011, les prévisions ne sont guère meilleures et l'on table actuellement sur un déficit à nouveau proche de 30 milliards. Au total, ce sont donc plus de 80 milliards d'euros de déficits que l'on pourra comptabiliser à la fin 2011.

Pour l'instant, l'Acoss porte ces déficits dans ses comptes, ce qui ne correspond pas à sa mission et comporte de nombreux risques, comme votre commission l'a souvent rappelé, de même que la Cour des comptes dans chacun de ses rapports consacrés à la sécurité sociale.

La dernière loi de financement, pour 2010, a ainsi autorisé l'Acoss à recourir à des ressources financières de court terme dans la limite totalement inédite de 65 milliards d'euros. Considérant ce montant aussi excessif que dangereux, votre commission avait estimé, dans un premier temps, préférable d'organiser dès 2010 une reprise partielle des déficits accumulés par la Cades, à hauteur de 20 milliards d'euros, avec une légère augmentation de la CRDS, de 0,15 point, pour faire face à ces nouvelles charges de remboursement.

Le Gouvernement s'était alors opposé à cette proposition mais il s'était engagé à lancer une réflexion destinée à permettre la prise de décisions, avant le projet de loi de financement pour 2011, sur le traitement des déficits sociaux. C'est à travers la commission de la dette sociale que la promesse du Gouvernement a été respectée. Quatorze parlementaires, sept députés et sept sénateurs (Yvon Collin, Sylvie Desmarescaux, Guy Fischer, Jean-Jacques Jégou, André Lardeux, Jacky Le Menn et votre rapporteur) ont été réunis dans ce cadre, sous la présidence du ministre des comptes publics et du budget, François Baroin, à trois reprises entre la fin mai et la fin juin. C'est au cours de la dernière réunion, le 30 juin, que le Gouvernement a présenté sa solution. Un des volets de celle-ci figure dans le présent projet de loi organique.

En effet, pas moins de quatre textes différents comprennent ou vont contenir des éléments relatifs au traitement de la dette sociale : le présent projet de loi organique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le projet de loi de finances pour 2011 et, pour une part aussi, le projet de loi de réforme des retraites. Deux de ces quatre textes seulement sont à ce jour disponibles, les derniers arbitrages sur les deux grandes lois financières de l'automne n'étant pas encore achevés. Il est donc difficile d'avoir une vision claire et globale de la réforme proposée, ce qui est particulièrement regrettable.

Anticipant cette situation, votre rapporteur avait interrogé par courrier le ministre dès le jour de l'adoption du présent projet de loi organique en conseil des ministres, le 13 juillet dernier, car il estimait nécessaire de disposer d'un certain nombre d'informations pour pouvoir examiner dans de bonnes conditions ce texte. Une réponse lui est parvenue le 30 août et le présent rapport fait état des informations qu'elle contient.

L'heure de vérité que votre commission annonçait dans son rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques est arrivée ; il importe à la fois plus que jamais de préserver la crédibilité du processus de remboursement de la dette sociale tout en s'interdisant d'en reporter trop massivement le poids sur les générations suivantes.

C'est à la lumière de ce principe, auquel votre commission s'est toujours tenue, qu'elle a procédé à l'examen du présent projet de loi organique.

I. UNE DETTE SOCIALE QUI DEVAIT S'ÉTEINDRE EN 2021

Depuis la création de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, les déficits sociaux ont été gérés de manière spécifique, la mission de cet établissement public étant en effet de financer et d'éteindre les dettes sociales qui lui sont transférées par la loi.

A l'origine, la Cades devait apurer la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale à fin 1996, prendre en charge les déficits 1995 et 1996 de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, la Canam, enfin verser une soulte à l'Etat au titre du remboursement de la dette contractée par l'Acoss et reprise par l'Etat dans la loi de finances pour 1994. L'ordonnance de création de la caisse prévoyait l'extinction de celle-ci en 2009.

Par la suite, plusieurs textes sont venus élargir les missions de la Cades et accroître le montant de la dette qui lui était confiée.

La date d'extinction de la Cades a ainsi, en 1998, été repoussée à 2014 . Puis la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a fait disparaître le principe d'une date pour l'achèvement de la mission de la caisse, remplaçant cette mention par une formule prévoyant que la caisse restera en place « jusqu'à l'extinction » de ses missions d'apurement de la dette sociale .

L'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale est alors venu mettre un terme au risque de voir se perpétuer, année après année, de nouveaux allongements de la durée d'amortissement de la dette sociale par simple transfert des déficits accumulés à la Cades. Il a fixé une règle, dont le Conseil constitutionnel a consacré la valeur organique, selon laquelle tout nouveau transfert de dette à la Cades devra être assorti des recettes permettant à celle-ci de ne pas accroître sa durée d'amortissement .

La « sanctuarisation » de la date d'extinction de la Cades

L'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 a inséré un article 4 bis dans l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au financement de la dette sociale ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions législatives en vigueur à la date de la publication de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, tout nouveau transfert de dette à la caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale.

« Pour l'application de l'alinéa précédent, la durée d'amortissement est appréciée au vu des éléments présentés par la caisse dans ses estimations publiques. »

Par sa décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, la Conseil constitutionnel a précisé que le nouvel article 4 bis de l'ordonnance de 1996 revêtait bien un caractère organique :

« Considérant que l'article 20 de la loi organique insère dans l'ordonnance du 24 janvier 1996 susvisée un article 4 bis en vertu duquel "tout nouveau transfert de dette de la caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale" ;

« Considérant que cette disposition doit être combinée avec le b) du 2° du C du I du nouvel article L. O. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que, dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, la loi de financement de la sécurité sociale "détermine l'objectif d'amortissement au titre de l'année à venir des organismes chargés de l'amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et elle prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit" ; qu'elle trouve son fondement dans l'habilitation conférée à la loi organique par le vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution en vertu duquel "les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier... dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ; qu'ainsi, l'article 20 est de caractère organique et non contraire à la Constitution ».

L'article 4 bis de l'ordonnance ne peut dont être modifié que par une loi organique.

A. DES RESSOURCES ADAPTÉES

Un élément essentiel du bon fonctionnement de la Cades réside dans la solidité des recettes qui lui sont affectées et, au premier chef, de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), créée spécifiquement pour éteindre la dette sociale et qui constitue, depuis l'origine, sa ressource essentielle.

La contribution pour le remboursement de la dette sociale

La CRDS regroupe en réalité cinq contributions couvrant une pluralité d'assiettes et correspondant à presque toutes les catégories de revenus : activité et remplacement, patrimoine, placement, jeux, ventes de métaux et objets précieux.

Son taux est de 0,5 % sur chacune de ces assiettes.

Son assiette est plus large que celle de la contribution sociale généralisée (CSG) : elle s'applique en effet, à la différence de la CSG, sur les prestations familiales (hors allocation d'éducation de l'enfant handicapé, qui n'est assujettie à aucune des deux contributions), sur le RSA « chapeau », sur les aides personnalisées au logement et l'allocation de logement social, sur certains revenus d'activité et de remplacement d'origine étrangère perçus par des personnes fiscalement domiciliées en France mais ne relevant pas de la sécurité sociale française, et enfin sur les ventes de métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection et d'antiquité.

Au total, la valeur d'un point de CRDS représente environ 1,06 fois celle d'un point de CSG.

Assiette de la CRDS en 2009

(en milliards d'euros)

Revenus d'activité

788

Revenus de remplacement

252

dont secteur privé

168

dont retraites (base et complémentaire), préretraite

109

dont allocations chômage

7

dont prestations familiales et allocations logement

40

dont IJ et invalidité

13

dont secteur public

53

dont autres régimes (non-salariés, RS...)

31

Produits de placement

61

Revenus du patrimoine

50

Gains de jeux

4

Ventes d'objets précieux

1

Majorations et pénalités

2

Source : direction de la sécurité sociale

En 2010, le rendement attendu de la CRDS (net des frais d'assiette et de recouvrement) est de 5,9 milliards d'euros .

Lors de la dernière reprise de dette intervenue fin 2008 et début 2009, la loi de financement de la sécurité sociale a complété la ressource traditionnelle de la Cades en lui affectant 0,2 point de CSG prélevé sur les recettes du FSV.

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