B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION : UNE CONTRACTUALISATION QUI NE CONCERNE QU'UNE PART LIMITÉE DES POPULATIONS IMMIGRÉES EN FRANCE

1. Les accords ne concernent pas les principaux pays d'origine des immigrés en France

Au-delà du bilan des accords en vigueur, il faut souligner que les pays concernés ne présentent qu'une infime part en flux comme en stock des populations immigrées en France.

Sur les dix pays dont la population est la plus largement représentée dans les populations immigrées en France, seuls deux, la Tunisie et le Sénégal, ont fait l'objet d'accords.

Aucun accord n'a été conclu ni avec l'Algérie ni avec le Maroc, pays dont les ressortissants représentent les deux premières populations immigrées.

Au contraire, l'accord conclu avec des pays tels que le Bénin ou avec ceux qui font l'objet de ce rapport, le Cap-Vert et le Burkina Faso, concerne des pays dont les ressortissants sont peu représentés parmi la population immigrée sur le territoire français.

Dès lors, la contribution de ces accords à la réduction de la pression migratoire aux portes de la France par le développement solidaire ou à l'amélioration des procédures de réadmission doit être relativisée.

2. La mise en oeuvre des dispositions relatives à l'immigration professionnelle est inégale

La mise en oeuvre des dispositions relatives à l'immigration se traduit pour l'instant par une application prudente des dispositions favorisant la circulation des acteurs de la relation bilatérale.

La délivrance des visas de circulation suit une tendance variable selon les pays. Elle atteint en 2009, en proportion des visas de court séjour délivrés, 40,9 % avec la Tunisie, 20,5 % avec le Gabon, 16,6 % avec le Sénégal, 15,6 % avec le Bénin, 13,5 % avec le Congo.

On constate que la contribution des accords de gestion concertée à l'augmentation des attributions de visas de circulation est variable selon les pays.

Sénégal

Bénin

Tunisie

Part des visas de circulation dans les visas de court séjour

2004

2009

2007

2009

2007

2009

15 %

16 %

15,9 %

15,6 %

34 %

40 %

Les dispositions relatives à l'immigration professionnelle font, quant à elles, l'objet d'une mise en oeuvre limitée.

Un bilan complet de la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'immigration professionnelle est, à ce stade, encore prématuré eu égard à l'entrée en vigueur trop récente des accords et au contexte économique défavorable.

On constate cependant, à ce jour, que l'immigration professionnelle demeure très réduite avec le Gabon, le flux d'entrée en 2009 se composant de 84 travailleurs salariés (92 en 2008), de 13 travailleurs temporaires (18 en 2008) et de 3 salariés en mission (chiffres OFII), 4 cartes « compétences et talents » ayant été délivrées à des ressortissants gabonais. L'accord d'échanges de jeunes professionnels a été signé en février 2010 et est en cours de mise en oeuvre.

Avec le Congo , l'immigration professionnelle reste également très minime par rapport à l'immigration familiale, avec un flux d'entrée de 104 travailleurs salariés en 2009 (140 en 2008), 7 travailleurs temporaires (39 en 2008) et 4 salariés en mission, 2 cartes « compétences et talents » ayant été délivrées à des ressortissants congolais.

Il en va de même avec le Bénin , à partir duquel l'immigration professionnelle, bien que légèrement croissante, demeure très faible par rapport à l'immigration familiale ou la venue d'étudiants ou de stagiaires : le flux d'entrée en 2009 se compose de 125 travailleurs salariés (95 en 2007, mais, d'ores et déjà, 89 pour les 7 premiers mois de 2010, de 30 travailleurs temporaires (21 en 2008) et de 2 salariés en mission. 2 cartes « compétences et talents » ont été délivrées à des ressortissants béninois.

En revanche, avec le Sénégal , l'immigration professionnelle est en forte progression avec un flux d'entrée de 701 travailleurs salariés en 2009 (163 en 2005, 601 en 2008, déjà 526 sur les 7 premiers mois de 2010), 76 travailleurs temporaires (105 en 2008) et 4 salariés en mission.

L'accès au marché français du travail, sur la base de la liste de 105 métiers annexée à l'accord, requiert la mise en place par les deux pays d'un dispositif de rapprochement entre les offres d'emplois des entreprises françaises et les demandes d'emplois sénégalaises.

Le Comité mixte paritaire de suivi de l'application de l'accord du 27 janvier 2010 a arrêté, en décembre dernier, un dispositif retenant la direction de l'emploi du ministère sénégalais de l'emploi comme interlocuteur de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) ainsi qu'une mise en oeuvre sur une liste plus restreinte de métiers à titre de test. Ce dispositif est en cours de lancement.

Ce Comité a décidé également d'une sensibilisation plus systématique aux possibilités de perfectionnement professionnel ouvertes tant par l'accord de 2001 relatif aux échanges de jeunes professionnels (venue de 12 jeunes professionnels sénégalais en France en 2009) que par la délivrance de cartes « compétences et talents » (16 cartes délivrées en 2009).

Ces chiffres sont cependant à rapprocher de l'ensemble des flux migratoires du Sénégal vers la France. Si on ne retient que les bénéficiaires de premiers titres de séjour, il y a eu, en 2008 : 4 169 titres accordés à des Sénégalais dont 1 924 pour des motifs familiaux. On compte, par ailleurs, 54 854 personnes de nationalité sénégalaise détentrices d'un titre ou d'une autorisation de séjour en France.

Avec la Tunisie , l'immigration professionnelle est également en progression, avec un flux d'entrées, en 2009, de 884 travailleurs salariés (369 en 2005, 1 191 en 2008 et déjà 604 au 1 er semestre 2010), et 337 travailleurs temporaires (247 en 2005, 455 en 2008 et 256 au 1 er semestre 2010, la baisse de 2009 étant due à la situation du marché de l'emploi).

Une hausse est constatée par rapport à 2008 sur certaines des catégories de l'accord :


• travailleurs saisonniers : 922 en 2009 (811 en 2008),


• compétences et talents : 45 en 2009 (32 en 2008),


• jeunes professionnels : 180 en 2009 (172 en 2008 déjà 249 sur les 7 premiers mois de 2010).

Ces chiffres sont à rapprocher de l'ensemble des flux migratoires de la Tunisie vers la France. Si on ne retient que les bénéficiaires de premiers titres de séjour, il y a eu en 2008 : 10 238 titres accordés à des Tunisiens dont 6 285 pour des motifs familiaux. On compte, par ailleurs, 176 888 personnes de nationalité tunisienne détentrices d'un titre ou d'une autorisation de séjour en France.

Certes, les volets immigration professionnelle des accords sont dans une phase de montée en puissance, mais ces accords touchent pour l'instant une part très limitée des flux migratoires des pays concernés, sans qu'on ait le sentiment qu'ils aient véritablement favorisé l'augmentation des possibilités de migration professionnelle.

Certains dispositifs, comme les cartes « talents compétences » qui avaient suscité beaucoup d'espoir, connaissent une application très limitée, avec 4 cartes pour le Gabon, 2 au Congo, 2 au Bénin, 12 au Sénégal, 45 en Tunisie. On est très en deçà des objectifs annoncés lors de l'adoption des conventions. Il était considéré alors que les plafonds fixés par les conventions étaient également des objectifs à atteindre : 150 pour le Congo et le Bénin, 1 500 pour la Tunisie.

Pour 2008, le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire avait fixé un objectif de délivrance de 2 000 cartes tous pays confondus, dont 1 000 par le biais des préfectures et 1 000 par le biais des ambassades. Or, en 2008, 473 cartes ont été délivrées, dont 303 (64 %) pour l'exercice d'activités professionnelles salariées. En 2009, on en compte 593 dont 382 (64 %) délivrées à des salariés.

Un rapport établi pour le compte de la commission des finances du Sénat analyse comme suit les raisons de ce nombre limité 5 ( * ) :

« Un certain retard dans la mise en oeuvre de la carte, et une promotion insuffisante, voire quasi nulle, à l'exception de certains consulats, réalisée par les postes à l'étranger (...)

« La grande richesse des cartes existantes, et la création concurrente, selon les préfectures, de cartes à destination des étudiants et des scientifiques (...)

« Le caractère restrictif des critères d'attribution de la carte actuelle. Pas moins de 13 cas de figures précis sont prévus».

La carte « compétences et talents » était censée ouvrir un espace à des personnes présentant un profil particulier susceptible d'enrichir notre pays, mais sa mise en oeuvre se révèle singulièrement longue et complexe.

Votre commission devra, sur ce point, comme sur l'ensemble du volet immigration professionnelle des accords, approfondir sa réflexion afin de comprendre les raisons de cette lente montée en puissance des accords.


* 5 Rapport d'information de M. André FERRAND, fait au nom de la commission des finances,
n° 414 (2007-2008) - 25 juin 2008

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