EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 24 NOVEMBRE 2010

La commission examine le rapport de M. François Zocchetto et le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 601 (2009-2010), modifiée par l'Assemblée nationale, relatif à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Nous allons examiner, en deuxième lecture, le rapport de M. François Zocchetto et le texte proposé par la commission pour la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée Nationale, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires.

M. François Zocchetto , rapporteur. - La proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille sur l'exécution des décisions de justice, qui nous revient après une première lecture à l'Assemblée nationale, vise à améliorer l'exécution des décisions de justice, à moderniser l'organisation et les compétences des juridictions, et à actualiser les conditions d'exercice de certaines professions judiciaires et juridiques.

En première lecture, l'Assemblée nationale a largement validé les dispositions adoptées par le Sénat, y apportant d'utiles précisions.

Plusieurs points de divergence demeurent cependant. A l'article 2, d'abord, nos collègues députés ont rétabli le renforcement de la valeur probante des constats d'huissiers; à l'article 3, ils ont étendu les prérogatives d'accès des huissiers aux parties communes d'un immeuble ; à l'article 31, ils ont étendu le champ de la procédure participative au divorce ; enfin, nos collègues ont supprimé notre projet d'intégration des conseils en propriété industrielle au sein de la profession d'avocat.

Cependant, en dépit de ces divergences, je vous invite à adopter le texte conforme. Les modifications limitées qui ont été apportées s'accompagnent des garanties nécessaires. Surtout, l'Assemblée nationale a déjà pris beaucoup de temps, alors que les mesures de ce texte sont très attendues par les professionnels : nous ne gagnerions rien à relancer la navette.

A l'article 2, l'Assemblée nationale a en fait rétabli le texte que nous avions adopté en commission, mais que le Sénat avait modifié après le vote d'un amendement de M. Mézard. Dans sa rédaction actuelle, le texte renforce la valeur probante des constats établis par les huissiers de justice : il opère un renversement de la charge de la preuve. C'est acceptable, dès lors qu'on reconnaît la probité des huissiers.

L'article 3 facilite l'accès des huissiers aux parties communes des immeubles dans le cadre de leur mission de signification comme d'exécution des décisions de justice. C'est utile compte tenu des nombreux dispositifs de sécurité et autres codes d'accès, qui sont venus compliquer leur tâche. L'Assemblée nationale a précisé qu'un huissier de justice peut, sans en faire la demande au parquet, obtenir sur le débiteur des informations relatives à l'état du patrimoine immobilier de la personne concernée : c'est pertinent. Elle a encore utilement supprimé la formalité du double original auquel sont soumis les actes d'huissiers.

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements étendant l'obligation de formation professionnelle continue, prévue pour les greffiers des tribunaux de commerce et les commissaires-priseurs judiciaires, aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi que des amendements permettant aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d'adopter un règlement national concernant les usages de la profession.

Nos collègues députés ont également prévu des dispositions facilitant certaines démarches judiciaires comme la reprise des locaux abandonnés par le locataire (article 3 bis), la signification des actes de procédure par voie électronique (article 16), ou la possibilité donnée à un tiers de réaliser un état des lieux locatif dans un cadre amiable (article 18).

Elle a par ailleurs limité au seul contentieux du surendettement des particuliers et à la procédure de rétablissement personnel, le transfert de compétences du tribunal de grande instance au tribunal d'instance, afin de tenir compte de la jurisprudence récente de la Cour de cassation (article 9).

Elle a adopté un article 5 bis habilitant le Gouvernement à procéder à l'adoption de la partie législative du code des procédures civiles d'exécution.

Ces dispositions ne me paraissent pas appeler de réserves particulières.

Les députés ont étendu le champ d'application de la procédure participative aux questions de divorce, ce que le Sénat avait formellement exclu. L'Assemblée nationale a cependant exclu les matières prud'homales de la procédure participative : cela nous semble judicieux, dès lors que la rupture négociée des contrats de travail fonctionne plutôt bien, sans qu'il soit besoin d'y ajouter la procédure participative. Sur le divorce, la position de nos collègues députés nous paraît acceptable, dès lors qu'ils ont pris le soin de préciser que l'engagement d'une procédure participative ne dispensait pas de suivre la procédure judiciaire du divorce.

La fusion des professions d'avocat et de conseillers en propriété industrielle, on s'en souvient, avait provoqué un très vif débat dans notre assemblée. Le Gouvernement souhaitait une telle évolution et il avait même proposé de légiférer par ordonnance, avant que notre commission indique clairement sa préférence pour une loi. Nous avions penché pour la fusion, mais nous n'avions été suivis que par une très faible majorité. L'Assemblée nationale n'en veut pas. Je crois que nous pouvons nous en accommoder, en continuant la réflexion pour trouver une solution plus adaptée, sachant que nous ne pourrions nous satisfaire d'un statu quo préjudiciable à la compétitivité de la France en matière de propriété industrielle. M. Laurent Béteille vous proposera des amendements en ce sens dans le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées.

Pour toutes ces raisons, je vous propose d'adopter la proposition de loi sans modification.

M. Jacques Mézard . - Je maintiens ma position sur l'article 2. Changer la charge de la preuve pour un constat d'huissier peut être extrêmement préjudiciable aux justiciables. Car nous savons bien que les constats d'huissiers peuvent varier du tout au tout, quand ils sont faits sur demande d'un particulier. Notre collègue M. Michel avait cité des exemples édifiants en séance publique.

Je crois plutôt qu'en validant ce renforcement, le Gouvernement et sa majorité cherchent surtout à distribuer des compensations, en donnant satisfaction aux huissiers, mécontents de la réforme sur l'acte d'avocat. Que devient l'intérêt du justiciable ?

Je crois aussi qu'il est dangereux d'étendre au divorce la procédure dite participative. Ou bien on sort le divorce du cadre judiciaire, mais en le renvoyant par exemple devant les notaires, ou bien on le maintient dans ce cadre, mais il faut alors maintenir aussi le rôle du juge, sans quoi nous ne protègerons pas suffisamment la partie la plus faible.

M. Jean-Pierre Michel . - Je déplore aussi cette distribution d'avantages professionnels, l'acte aux avocats, le Pacs aux notaires, ce texte aux huissiers : ce mercato est indigne de l'intérêt des justiciables ! Nous n'acceptons pas l'article 2 tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, non plus que de voir le divorce, procédure d'ordre public, entrer ainsi dans le champ de la procédure participative.

M. Laurent Béteille . - L'Assemblée nationale a pris beaucoup de temps pour examiner ce texte. Nous l'avions adopté en février 2009 et ce n'est que très récemment que nos collègues l'ont modifié, et il a fallu toute la force de conviction du président de notre commission pour parvenir à ce résultat.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - J'ai clairement signifié que si l'Assemblée nationale n'examinait aucune proposition de loi d'origine sénatoriale, nous déciderions la réciproque !

M. Laurent Béteille . - Sur le fond, l'Assemblée nationale n'a pas déformé notre texte. J'avais déjà proposé de renforcer la force probante du constat d'huissier : ce sont des officiers publics et ministériels, leur constat vaut beaucoup plus que de simples renseignements et l'article 2 ne répond à aucun marchandage.

Ce n'est pas un sujet de marchandage. L'éventuelle divergence d'appréciation entre deux constats n'a rien de dirimant : deux magistrats aussi peuvent avoir des opinions différentes sur le même sujet. C'est pourquoi on a institué un appel. Il faut donc aller dans ce sens, qui ne changera d'ailleurs pas grand-chose, puisque les constats d'huissiers ont déjà une portée supérieure à celle d'une simple information.

À propos des conseils en propriété industrielle, l'importance de maintenir la compétitivité des professionnels français par rapport à leurs homologues européens me conduit à suggérer le maintien de deux professions distinctes, qui pourraient être simultanément exercées par une seule personne.

M. Pierre-Yves Collombat . - Que vient faire la compétitivité dans ce domaine ?

M. Laurent Béteille . - La procédure participative en matière de divorce est plus protectrice que le recours à un seul avocat dont le projet sera soumis à l'homologation du juge. En l'occurrence, deux avocats devront intervenir.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Il n'y a pas d'homologation dans ce cas, on revient aux règles habituelles.

M. Patrice Gélard . - Le texte de l'Assemblée nationale est si mal rédigé qu'il aboutit à une disposition dénuée de toute portée. Rien n'interdit aujourd'hui une démarche participative avant la saisine du juge. Le problème est que si l'on supprime ces dispositions, l'Assemblée nationale rétablira son dispositif, incompréhensible !

Par souci de simplification, je me rallie au point de vue du rapporteur, tout en regrettant que les députés adoptent de si mauvais amendements. Je retire le mien.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - C'est une vraie question. Monsieur le rapporteur, l'accord entre les parties est soumis à l'homologation du juge, alors que la convention participative tente de tout régler d'avance, pour déboucher sur la procédure classique.

Il est heureux que de plus en plus de divorces soient prononcés par consentement mutuel, les époux ayant réglé d'avance l'essentiel.

M. François Zocchetto , rapporteur. - Il est vrai que je n'ai pas été suivi en première lecture par la commission et le Sénat, car nous n'avions pas assez réfléchi sur les conséquences de la nouvelle procédure pour le droit de la famille. Quoique mal rédigé, le texte de l'Assemblée nationale me semble intéressant, car il formalise une pratique existante. On sait que lorsqu'il n'y a qu'un seul avocat, cela se termine souvent mal.

M. Alain Anziani . - Pas dans la majorité des cas !

M. François Zocchetto , rapporteur. - Le nouvel article offre une nouvelle procédure avant l'intervention classique du juge.

À propos des huissiers, j'insiste sur le fait qu'ils se limitent aux constatations matérielles, en excluant tout avis. Et le texte ne s'applique pas en matière pénale. Si l'on pense qu'ils font bien leur travail, ce texte les met face à leurs responsabilités ; dans le cas contraire, il faut revoir leur statut. Il reste que les sommations interpellatives, consistant à poser des questions contenant la réponse, peuvent piéger l'interlocuteur. Je me méfie de cette procédure, en souhaitant que les magistrats fassent preuve de prudence à ce propos.

Examen des amendements au projet de loi

Le sort de l'ensemble des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 31

Procédure participative de négociation assistée par avocat

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GÉLARD

1

Exclusion du divorce et de la séparation de corps du champ d'application de la procédure participative

Retiré

M. GÉLARD

2

Coordination avec l'amendement n° 1

Retiré

La proposition de loi est adoptée sans modification.

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