CHAPITRE II - LA CARTE DE SÉJOUR TEMPORAIRE PORTANT LA MENTION « CARTE BLEUE EUROPÉENNE »

Le présent chapitre tend à insérer dans la partie législative du code des étrangers les dispositions nécessaires pour permettre la délivrance en France de la « carte bleue européenne », créée par la directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié.

L'adoption de cette directive s'inscrit dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne », définie par le Conseil européen de mars 2000, qui a fixé comme objectif à l'Union européenne de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l'horizon 2010. Le programme de La Haye, adopté par le Conseil européen des 4-5 novembre 2004, a reconnu le rôle important joué par l'immigration légale dans le développement économique de l'Europe. Dans ce cadre, la mobilité des travailleurs - et tout particulièrement des travailleurs hautement qualifiés - est appelée à jouer un rôle prépondérant.

Aux termes du considérant n°7 de la directive, celle-ci vise « à contribuer à la réalisation de ces objectifs et à la résorption des pénuries de main-d'oeuvre, en favorisant l'admission et la mobilité - aux fins d'un emploi hautement qualifié - des ressortissants de pays tiers pour des séjours de plus de trois mois, de manière à rendre la Communauté plus attrayante pour ces travailleurs du monde entier et à soutenir la compétitivité et la croissance économique de celle-ci. Pour atteindre ces objectifs, il y a lieu de faciliter l'admission des travailleurs hautement qualifiés et de leur famille, en instituant une procédure d'admission accélérée et en leur reconnaissant des droits sociaux et économiques équivalents à ceux des ressortissants de leur Etat-membre d'accueil dans un certain nombre de domaines. Il est également nécessaire de tenir compte des priorités, des besoins du marché du travail et des capacités d'accueil des Etats-membres. La présente directive devrait être sans préjudice de la prérogative qu'ont les Etats-membres de maintenir ou d'introduire de nouveaux titres de séjour nationaux à des fins d'emploi . Les ressortissants de pays tiers concernés devraient avoir la possibilité de demander une carte bleue européenne ou un titre de séjour national. En outre, la présente directive ne devrait pas empêcher le titulaire d'une carte bleue européenne de jouir des droits et prestations supplémentaires qui peuvent être prévus par la législation nationale et qui sont compatibles avec la présente directive ».

Par ailleurs, le considérant n°23 indique que « des conditions favorables au regroupement familial et à l'accès des conjoints au marché du travail devraient constituer un élément fondamental de la présente directive en vue d'attirer des travailleurs hautement qualifiés issus de pays tiers. Pour atteindre cet objectif, il convient de prévoir des dérogations particulières à la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial . La dérogation prévue à l'article 15, § 3, de la présente directive n'empêche pas les Etats-membres de maintenir ou d'introduire des conditions et des mesures d'intégration, y compris l'apprentissage de la langue, pour les membres de la famille du titulaire d'une carte bleue européenne ».

Les articles 13 à 16 du présent projet de loi procèdent à la transposition de cette directive, dans le respect des principes rappelés ci-dessus.

Article 13 (art. L. 313-10 du CESEDA) - Création d'un titre de séjour portant la mention « carte bleue européenne » pour les travailleurs immigrés hautement qualifiés

Le présent article tend à insérer dans le code des étrangers les dispositions nécessaires à la création de la « carte bleue européenne ».

En l'état du droit, l'article L. 313-10 du code des étrangers définit les conditions dans lesquelles une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle peut être délivrée. Plusieurs titres de séjour sont susceptibles d'être délivrés sur ce fondement : la carte de séjour temporaire peut ainsi porter la mention « salarié » (et a alors une durée supérieure ou égale à 12 mois), « travailleur temporaire » (d'une durée inférieure à douze mois), « travailleur saisonnier » (pour des travaux n'excédant pas six mois sur douze mois consécutifs), « salarié en mission » (destinée aux cadres étrangers détachés par un employeur établi hors de France dans l'un des établissements d'une même entreprise ou entre entreprises du même groupe) ou, enfin, celle de la profession commerciale, industrielle ou commerciale ou encore de l'activité exercée.

Ces dispositions ne sont pas exclusives d'autres titres de séjour délivrés en raison de l'activité professionnelle de l'étranger : carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique » ou « profession artistique et culturelle », titres de séjour délivrés aux étudiants ou aux stagiaires, carte de séjour portant la mention « compétences et talents », etc.

A cet égard, votre commission ne peut que constater, comme son homologue de l'Assemblée nationale, que ce foisonnement de titres de séjour ne contribue pas à améliorer la lisibilité de notre droit 85 ( * ) .

Le I du présent article tend à compléter l'article L. 313-10 précité afin d'introduire dans notre droit la carte bleue européenne.

1 - Conditions d'octroi de la carte bleue européenne

L'octroi de la carte bleue européenne serait soumis à trois conditions cumulatives :

- d'une part, elle pourrait être délivrée à l'étranger qui dispose d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à un an . Conformément à l'article L. 5221-2 du code du travail, ce contrat devrait être visé par l'autorité administrative ou assorti d'une autorisation de travail ;

- en outre, l'étranger devrait, dans le cadre de ce contrat de travail, bénéficier d'une rémunération annuelle brute au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence - lequel serait fixé chaque année par un arrêté du ministre chargé de l'immigration. Ce seuil correspond en France à 47.898 euros, soit 3.991 euros par mois en 2008 86 ( * ) .

Ce seuil est conforme à l'article 5 de la directive.

Il convient de noter que ce même article permet de déroger à ce seuil s'agissant de professions caractérisées par un besoin particulier de travailleurs ressortissants de pays tiers (cadres infirmiers et sages-femmes, etc.) : la directive permet d'abaisser ce seuil à 1,2 fois le salaire annuel brut moyen dans l'Etat membre concerné pour ces seules professions. Le Gouvernement n'a pas souhaité introduire cette possibilité de dérogation dans notre droit, craignant un effet « d'appel d'air » et relevant que certaines des professions visées par cette dernière pourraient en tout état de cause prétendre à une carte de séjour « compétences et talents » 87 ( * ) ;

- enfin, l'étranger qui demande à bénéficier d'une carte bleue européenne devrait être titulaire d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures délivré par un établissement d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat dans lequel cet établissement se situe, ou justifier d' une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable. La situation de l'emploi ne pourrait lui être opposée.

Cette dernière condition paraît conforme à la définition donnée par l'article 2 de la directive de la notion d'emploi hautement qualifié et de qualifications professionnelles élevées.

Conformément au II du présent article, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, la délivrance de la carte bleue européenne serait exonérée de la taxe pour délivrance du premier titre de séjour acquittée par l'OFII.

2 - Durée de validité de la carte bleue européenne

En principe, la carte de séjour temporaire a une durée de validité d'un an. Toutefois, par dérogation, la carte bleue européenne aurait une durée de validité maximale de trois ans renouvelable .

Ces dispositions sont conformes à l'article 7 de la directive, qui prévoit une période de validité comprise entre un et quatre ans.

Pour le Gouvernement, « la durée de validité de trois ans présente l'avantage d'être cohérente avec la durée des titres « salarié en mission » et « compétences et talents » et d'établir un équilibre entre nécessaire attractivité (puisque la France sera placée en situation de concurrence avec les autres Etats membres) et contrôle du non-accès à d'autres emplois qualifiés en portant sur ce titre de séjour une restriction professionnelle pendant deux ans à compter de la délivrance du titre » 88 ( * ) .

Dans le cas où le contrat de travail aurait une durée inférieure à trois ans, la carte bleue européenne serait délivrée ou renouvelée pour la seule durée du contrat de travail.

La directive prévoit que, dans ce cas, la carte bleue européenne est émise ou renouvelée pour la durée du contrat de travail « plus trois mois ».

Pour le Gouvernement, « l'introduction de ce délai de trois mois répond à la demande de certains Etats-membres qui ne souhaitaient pas que ces salariés puissent se maintenir et percevoir, le cas échéant, sur une plus longue durée une indemnisation au titre du chômage ». Or, en France, aucun cas de retrait pour cause de chômage involontaire n'est prévu. En outre, l'étranger titulaire d'une carte de séjour portant la mention « salarié » se trouvant dans cette situation bénéficie d'une prolongation automatique de son autorisation de travail pour un an, puis, le cas échéant, pour la durée de versement des allocations de chômage restant dues. L'article 14 du projet de loi adapte ces dispositions à la carte bleue européenne. Le droit français étant donc sur ce point plus favorable que le droit prévu par la directive, le projet de loi n'a pas retenu la solution tendant à étendre la durée de validité de la carte bleue européenne à la durée du contrat de travail augmentée de trois mois.

3 - Mobilité au sein de l'Union européenne

L'étranger qui justifierait avoir séjourné pendant au moins dix-huit mois dans un autre Etat-membre de l'Union européenne sous couvert d'une carte bleue européenne délivrée par cet Etat obtiendrait en France, de plein droit, une carte de séjour temporaire portant la mention « carte bleue européenne », à deux conditions :

- d'une part, qu'il remplisse les conditions précitées pour obtenir un tel titre (contrat de travail d'une durée au moins égale à un an, rémunération au moins égale à une fois et demie le salaire moyen de référence, qualifications professionnelles) ;

- d'autre part, qu'il sollicite la délivrance de ce titre dans le mois qui suit son entrée en France. La production d'un visa de long séjour ne serait pas exigée.

Ces dispositions paraissent conformes à l'article 18 de la directive.

4 - Droits octroyés au conjoint et aux enfants mineurs du titulaire d'une carte bleue européenne

Conformément aux objectifs poursuivis par la directive (considérant n°23), le Gouvernement a fait le choix de dispenser les membres de la famille du titulaire de la carte bleue européenne de la procédure de regroupement familial, en optant pour la procédure plus favorable de « famille accompagnante ».

Ainsi, le conjoint et les enfants mineurs du titulaire d'une carte bleue européenne bénéficieraient de plein droit d'une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale », sans que soient exigées une durée minimale de séjour ou la signature d'un contrat d'accueil et d'intégration, ni que soient vérifiées les ressources et les conditions de logement du titulaire de la carte.

Ce titre de séjour leur serait également délivré lorsque leur père/mère ou conjoint se voit accorder en France une carte bleue européenne alors qu'il/elle a déjà bénéficié d'un tel titre dans un autre Etat-membre pendant au moins dix-huit mois, à condition qu'ils en fassent la demande dans le mois suivant leur entrée en France et que la famille ait déjà été constituée à cette époque.

La carte de séjour temporaire ainsi accordée aux membres de la famille du titulaire de la carte bleue européenne serait renouvelée de plein droit durant la période de validité de ce titre.

Enfin, le conjoint et les enfants bénéficieraient d'un droit au séjour autonome dès lors qu'ils justifient d'une durée de résidence de cinq ans : le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que la carte de séjour « vie privée et familiale » serait renouvelée de plein droit au conjoint, y compris lorsque la communauté de vie a cessé, et que les enfants devenus majeurs recevraient de plein droit une carte temporaire de séjour portant la mention « carte bleue européenne ».

S'agissant de ce dernier point, qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale, votre commission observe qu'il n'est pas cohérent de permettre aux enfants devenus majeurs d'obtenir de plein droit une carte bleue européenne lorsqu'ils ne remplissent pas les conditions ambitieuses de son obtention. Elle a donc adopté un amendement de son rapporteur tendant à préciser qu'au terme de cinq ans de résidence, les enfants du titulaire d'une carte bleue européenne devenus majeurs se voient délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », et non une carte bleue européenne, conformément aux objectifs initialement poursuivis par le présent article.

L'ensemble de ces dispositions, particulièrement favorables, devraient contribuer à l'attractivité de ce nouveau titre de séjour destiné à encourager l'immigration légale de travailleurs étrangers hautement qualifiés en France.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

Article 14 (art. L. 311-8, L. 311-9 et L. 311-11 du CESEDA) - Maintien de la carte bleue européenne en cas de chômage involontaire, exonération de son titulaire et de sa famille de la souscription d'un contrat d'accueil et d'intégration et mesure de coordination

Le présent article tend à prévoir que la carte bleue européenne ne peut être retirée en cas de chômage involontaire de son titulaire et à dispenser ce dernier, son conjoint et ses enfants de la conclusion d'un contrat d'accueil et d'intégration. Il procède également à une mesure de coordination.

1 - Maintien de la carte bleue européenne en cas de chômage involontaire

En l'état du droit, l'article L. 311-8 du code des étrangers prévoit que la carte de séjour temporaire et la carte de séjour « compétences et talents » doivent être retirées si leur titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour leur délivrance.

Une dérogation est toutefois prévue : s'agissant des seules cartes de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », le titre de séjour ne peut pas être retiré lorsque l'étranger s'est trouvé, autrement que de son fait, privé d'emploi.

Par ailleurs, l'article L. 313-10 du code des étrangers prévoit que lorsque la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention « salarié », celle-ci est renouvelée.

Le code du travail prévoit quant à lui que la validité d'une autorisation de travail constituée par la carte de séjour portant la mention « salarié » est prorogée d'un an si, à la date du premier renouvellement, l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Si la période de chômage se prolonge au-delà de la durée de la prorogation, la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » est instruite en se fondant sur les droits ouverts à l'intéressé au régime d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi.

Le I du présent article tend à compléter l'article L. 311-8 précité afin de prévoir que le chômage involontaire du titulaire d'une carte bleue européenne ne peut donner lieu au retrait du titre de séjour. Ainsi, la carte bleue européenne restera attribuée à son titulaire jusqu'à l'expiration normale de sa validité.

Ce faisant, le Gouvernement a retenu une option plus favorable que ce que prévoit la directive (voir supra ). L'article 13 de cette dernière prévoit que « le chômage ne constitue pas en soi une raison pour retirer une carte bleue européenne, à moins qu'il ne s'étende sur plus de trois mois consécutifs, ou qu'il ne survienne plus d'une fois durant la période de validité d'une carte bleue européenne ».

2 - Dispense de conclusion d'un contrat d'accueil et d'intégration

L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre 16 et 18 ans et qui souhaite s'y maintenir durablement est tenu de préparer son intégration républicaine dans la société française. A cette fin, il conclut avec l'Etat un contrat d'accueil et d'intégration, par lequel il s'oblige à suivre une formation civique et, si cela est nécessaire, linguistique.

Toutefois, certaines catégories d'étrangers sont dispensées de la conclusion d'un tel contrat :

- étrangers ayant effectué leur scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français à l'étranger pendant au moins trois ans ;

- étrangers âgés de 16 à 18 ans qui remplissent les conditions d'acquisition de la nationalité française ;

- enfin, étrangers titulaires d'une carte de séjour portant la mention « salarié en mission » ou d'une carte de séjour « compétences et talents », ainsi que leurs conjoints et leurs enfants âgés de plus de 16 ans.

Le II du présent article tend à compléter ces dispositions afin de prévoir que le titulaire d'une carte bleue européenne, son conjoint et ses enfants sont également dispensés de la conclusion d'un contrat d'accueil et d'intégration.

3 - Mesure de coordination

Par coordination avec les dispositions introduites par l'article 13 du présent projet de loi, le III tend à compléter le 3° de l'article L. 313-11 du code des étrangers, qui prévoit qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit aux enfants devenus majeurs et au conjoint d'un étranger titulaire d'une carte « compétences et talents » ou « salarié en mission ». Ces dispositions seraient étendues aux enfants et au conjoint du titulaire d'une carte bleue européenne.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .

Article 15 (art. L. 314-8-1 [nouveau] et L. 314-14 du CESEDA) - Accès du titulaire d'une carte bleue européenne et des membres de sa famille au statut de résident de longue durée - CE

Le présent article définit les conditions dans lesquelles le titulaire d'une carte bleue européenne peut accéder au statut de résident de longue durée - CE.

En l'état du droit, tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq ans en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert d'un des titres de séjour énoncés à l'article L. 314-8 du code des étrangers, peut obtenir une carte de résident portant la mention « résident de longue durée - CE » à condition de disposer d'une assurance maladie. Sont également pris en compte son intention de s'établir durablement en France, les conditions de son activité professionnelle et ses moyens d'existence.

Le présent article tend à prévoir de semblables dispositions pour les titulaires d'une carte bleue européenne tout en tenant compte de leurs années de résidence passées dans un autre Etat-membre de l'Union européenne .

Un nouvel article L. 314-8-1 ouvrirait ainsi la possibilité de délivrer une carte de résident portant la mention « résident de longue durée - CE » au titulaire d'une carte bleue européenne qui justifie d'une résidence ininterrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins cinq années sur le territoire d'un Etat-membre de l'Union européenne sous couvert d'une carte bleue européenne, dont, en France , les deux années précédant sa demande de délivrance de la carte de résident.

A cet égard, il serait précisé que les absences du territoire de l'Union européenne ne suspendent pas le calcul de cette période si elles ne s'étendent pas sur plus de douze mois consécutifs et ne dépassent pas au total dix-huit mois sur l'ensemble de cette période de résidence ininterrompue d'au moins cinq années.

Ces conditions correspondent aux critères définis par l'article 16 de la directive.

L'intention de l'étranger de s'établir durablement en France serait également prise en compte pour l'octroi du statut de résident de longue durée - CE.

A l'expiration de cette carte de résident, l'étranger pourrait demander à bénéficier d'une carte de résident permanent, dont la durée de validité est indéterminée.

L'ensemble de ces dispositions ne s'appliqueraient pas au conjoint et aux enfants du titulaire de la carte bleue européenne, qui pourraient prétendre au statut de résident de longue durée - CE dans les conditions de droit commun rappelées ci-dessus.

Votre commission a adopté l'article 15 sans modification .

Article 16 (art. L. 531-2 du CESEDA) - Procédure de remise d'un étranger titulaire d'une carte bleue européenne délivrée par un autre Etat-membre

En l'état du droit, un ressortissant étranger en situation irrégulière peut être remis par la France aux autorités compétentes de l'Etat-membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats-membres de l'Union européenne (article L. 531-1 du code des étrangers).

Ces dispositions sont également applicables aux demandeurs d'asile dont la demande relève de la compétence d'un autre Etat en application du règlement « Dublin II » du 18 février 2003, ainsi qu'aux personnes entrées en France en méconnaissance des accords de Schengen, c'est-à-dire dépourvues d'un visa uniforme ou, s'agissant des étrangers dispensés de visa, qui ont dépassé la durée maximale de séjour de trois mois.

L'article L. 531-2 du code des étrangers prévoit que peut également être remis dans les mêmes conditions l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée - CE en cours de validité accordé par un autre Etat-membre, lorsque cet étranger fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français.

Le présent article tend à compléter ces dispositions afin d'envisager trois hypothèses, lorsque la France est placée en situation de second Etat-membre d'accueil :

- l'étranger titulaire d'une carte bleue européenne dans un autre Etat-membre s'est vu refuser la délivrance de ce même titre par les autorités françaises ;

- la carte bleue européenne délivrée par un autre Etat-membre arrive à expiration et l'étranger se trouve sur le territoire français ;

- la carte bleue européenne délivrée à l'étranger par un autre Etat-membre est retirée pendant que les autorités françaises examinent sa demande.

Dans ces cas, l'étranger pourrait être remis par la France à cet Etat-membre dans des conditions qui devraient être déterminées par décret en Conseil d'Etat.

L'ensemble de ces dispositions seraient également applicables aux membres de la famille de l'étranger.

Elles sont conformes aux dispositions de l'article 18 de la directive.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 16 bis (art. L. 313-12, L. 316-3 et L. 431-2 du CESEDA) - Droit au séjour des victimes de violences conjugales

Le présent article tend à simplifier, à droit constant, le dispositif de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants portant sur le droit au séjour des victimes de violences conjugales.

En l'état du droit, le mariage est susceptible de fonder un droit au séjour dans deux hypothèses :

- soit l'étranger est marié avec un ressortissant français ;

- soit l'étranger est marié avec un étranger séjournant régulièrement en France et il est autorisé à le rejoindre au titre du regroupement familial 89 ( * ) .

Deux titres de séjour peuvent être successivement délivrés :

- une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », sur le fondement des articles L. 313-11 (conjoints de ressortissants français) et L. 431-1 (conjoints d'étrangers) du code des étrangers ;

- une carte de résident, sous réserve de remplir un certain nombre de conditions (résidence minimale en situation régulière de trois ou cinq ans sur le territoire français notamment).

Ces titres de séjour étant délivrés en raison de la vie commune entre l'étranger et le ressortissant français ou l'étranger en situation régulière, la rupture de cette dernière justifie un retrait ou un refus de renouvellement du titre de séjour :

- la carte de séjour temporaire est retirée si son titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance (article L. 311-8 du code des étrangers) ;

- le renouvellement de la carte de séjour accordée au conjoint d'un ressortissant français est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé (article L. 313-12) ;

- en cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. En outre, lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder (article L. 431-2) ;

- enfin, le retrait de la carte de résident, motivé par la rupture de la vie commune, peut intervenir dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage, sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l'étranger titulaire de la carte de résident établisse contribuer effectivement depuis la naissance à l'entretien et à l'éducation de ceux-ci (article L. 314-5-1).

Cet état du droit soulevait de graves difficultés dans les situations de violences conjugales - la crainte pour la victime de perdre son titre de séjour constituant un obstacle très sérieux à la dénonciation de tels faits.

Le droit antérieur à la loi du 9 juillet 2010 avait pris en compte cette situation, en prévoyant :

- d'une part, que lorsque les violences conjugales sont postérieures à l'arrivée en France mais antérieures à la délivrance du premier titre de séjour, la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit ;

- d'autre part, que l'autorité administrative ne peut pas retirer le titre de séjour lorsque la vie commune a été rompue du fait de violences conjugales et qu'elle a la possibilité d'en accorder le renouvellement.

De même, l'article L. 314-5-1 du code des étrangers prévoit qu'une carte de résident ne peut être retirée sur ce fondement. En toutes hypothèses, ce titre est renouvelable de plein droit (article L. 314-1 du code des étrangers).

Par la loi du 9 juillet 2010 précitée, le législateur a souhaité renforcer la protection accordée aux victimes de violences conjugales, en liant le droit au séjour de ces dernières à la délivrance d'une ordonnance de protection - nouvel instrument juridique créé par cette loi, qui permet au juge aux affaires familiales de prendre en urgence et pour une durée maximale de quatre mois l'ensemble des mesures propres à assurer la protection de la victime : cette loi a ainsi complété les articles L. 313-12 et L. 431-2 précités pour prévoir qu'en outre, la délivrance et le renouvellement de la carte de séjour temporaire sont de plein droit lorsque l'étranger victime de violences conjugales bénéficie d'une ordonnance de protection.

Le présent article tend à simplifier , à droit constant , cet état du droit, en regroupant ces dispositions dans un seul article inséré dans le chapitre du code des étrangers consacré aux dispositions applicables aux étrangers ayant déposé plainte pour certaines infractions, témoigné dans une procédure pénale ou bénéficiant de mesures de protection. Le fait de bénéficier d'une ordonnance de protection permettrait à la victime d'obtenir de plein droit , soit la délivrance d'une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » , y compris lorsqu'elle est entrée en France irrégulièrement, soit le renouvellement de son titre de séjour (notion plus large qui est susceptible d'inclure les cartes de séjour temporaires délivrées sur un fondement autre que le mariage).

Il convient enfin de rappeler que la loi du 9 juillet 2010 a également prévu qu'en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident pourrait être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte pour des faits de violences conjugales (article L. 316-4 du code des étrangers).

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à apporter deux séries de corrections formelles à cet article :

- d'une part, dans un souci de cohérence du projet de loi, elle a inséré cet article, qui figure actuellement dans le chapitre consacré à la carte bleue européenne, au sein du chapitre consacré aux dispositions diverses relatives aux titres de séjour ;

- d'autre part, elle a procédé à deux corrections de référence.

Votre commission a par conséquent supprimé cet article pour l'insérer dans un article additionnel avant l'article 17 A.


* 85 Voir le rapport AN n° 2814 de M. Thierry Mariani, fait au nom de la commission des lois, septembre 2011, pages 174-175.

* 86 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 83.

* 87 Idem, pages 83-84.

* 88 Etude d'impact annexée au projet de loi, page 88.

* 89 L'article L. 313-11, 7°, prévoit également que « l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ».

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