EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER - MODIFICATIONS DE LA LOI N° 77-808 DU 19 JUILLET 1977 RELATIVE À LA PUBLICATION ET À LA DIFFUSION DE CERTAINS SONDAGES D'OPINION

Composé des articles 1 er à 17, le titre premier de la présente proposition procède à une réécriture complète de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion.

Article 1er (art. 1er de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Définition du sondage et principes généraux

Le présent article modifie l'article 1 er de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, et ce sur plusieurs points importants .

La définition du sondage

En premier lieu, le présent article définit ce qu'est un sondage . Il s'agit de réparer une omission du législateur de 1977, omission qui aboutit à un paradoxe : la législation sur les sondages ne définit pas ce qu'est un sondage. C'est pourtant un préalable indispensable puisque cette définition conditionne l'application de la loi. L'article propose de définir le sondage comme « une opération visant à donner une indication quantitative des opinions, attitudes et comportements d'une population par l'interrogation d'un échantillon représentatif de celle-ci ».

L'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur a salué le principe d'inscrire une définition du sondage dans la loi.

S'agissant de la définition elle-même, elle a fait l'objet de certains commentaires.

Le statisticien M. Jean-Claude Deville a ainsi souligné, à juste titre, d'une part, que la formule « enquête statistique » était plus précise que le terme « opération », d'autre part, que les travaux préparatoires devaient bien insister sur le fait que le terme « représentatif » devait s'entendre comme « représentatif au sens d'une extrapolation mathématique ». En d'autres termes, l'échantillon n'est représentatif que parce qu'il peut être extrapolé à la population d'ensemble.

Par ailleurs, notre collègue Patrice Gélard a souligné que l'expression « échantillon représentatif » laisserait à penser que la définition ne vise que les sondages réalisés selon la méthode des quotas et non ceux fondés sur la méthode aléatoire.

Enfin, M. Pierre Zémor, membre de la commission des sondages en qualité de conseiller d'Etat, a proposé de préciser la définition envisagée par le présent article, d'une part, en indiquant que le sondage était réalisé « à une date déterminée » , d'autre part, qu'il pouvait porter non seulement sur des opinions mais également sur des « souhaits ». Il a fait valoir que les opinions portaient sur « des événements présents, des mesures prises ou des débats en cours » , tandis que le terme « souhaits » renvoyait à des « occurrences projetées, des choix à venir ou des consultations lointaines ».

Votre rapporteur juge judicieuses l'ensemble de ces observations.

En conséquence, sur sa proposition, votre commission a adopté un amendement prévoyant la nouvelle définition ci-dessous :

« Un sondage est une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d'une population par l'interrogation d'un échantillon représentatif de celle-ci, qu'il soit constitué selon la méthode des quotas ou selon la méthode aléatoire. »

Par ailleurs, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont indiqué que la définition du sondage proposée par le présent article pourrait avoir un effet pervers dans l'hypothèse où un institut réaliserait des sondages au sens de la définition ci-dessus mais qui seraient dénommés « études », « enquêtes », « consultations »... dans le seul but d'échapper aux dispositions prévues par la loi. Certes, la commission des sondages pourrait alors procéder alors à une requalification dès lors que l'opération, quelle que soit sa dénomination, répond bien à la définition du sondage donnée par la loi.

Il apparaît toutefois préférable, dans le souci d'éviter tout contournement de la loi, d'insérer dans le texte un dispositif exprès prévoyant que, pour l'application de la loi, sont assimilées à des sondages « les enquêtes statistiques répondant à la définition du sondage énoncée au premier alinéa, quelle que soit leur dénomination. »

Votre commission a adopté un amendement en ce sens, à l'initiative de votre rapporteur.

Une exigence nouvelle pour répondre à de nouvelles pratiques

En second lieu, l'article complète la définition mentionnée ci-dessus par une exigence nouvelle : « les personnes interrogées sont choisies par l'organisme réalisant le sondage et ne peuvent recevoir aucune gratification de quelque nature que ce soit. ».

Cette exigence résulte du constat, effectué dans le rapport d'information précité sur les sondages politiques, de la multiplication de sondages en ligne qui reposent sur un « panel d'internautes » se déclarant volontaires pour répondre régulièrement à des sondages, notamment politiques, attirés par des gratifications diverses (points cadeaux, participations à une loterie en fin d'année...). Ces gratifications constituent, à l'évidence, des « biais » méthodologiques, que dénoncent d'ailleurs de nombreux spécialistes ainsi que certains instituts qui refusent de développer ces méthodes.

Lors des auditions, il a été argué par certains que la gratification, fût-elle symbolique, serait nécessaire pour inciter des internautes à répondre à un sondage en ligne.

Votre rapporteur n'est guère convaincu de cette nécessité.

Il note que les deux autres modes d'interrogation, à savoir le téléphone et le face à face, ne reposent pas sur un système de gratification.

En outre, il croit à la « vertu républicaine » consistant, pour un citoyen, à donner un peu de son temps, sans rien attendre en retour, dès lors qu'il s'agit d'exprimer ses convictions dans le cadre d'un sondage portant sur un débat politique et électoral.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement précisant que les gratifications ne sont interdites que dans le cadre des sondages politiques et électoraux , et non pour l'ensemble des sondages.

L'extension du champ de la loi à tous les sondages politiques

En second lieu, le présent article étend le champ de la loi précitée de 1977 à l'ensemble des sondages politiques alors qu'il est aujourd'hui limité aux seuls sondages présentant un lien direct ou indirect avec un scrutin .

Rappelons que l'obligation d'un lien avec une échéance électorale, fût-il indirect, s'expliquait par la volonté du législateur de 1977 d'éviter que les sondages ne viennent influencer ou perturber la libre détermination du corps électoral.

La commission des sondages a interprété assez largement le caractère « indirect » du rapport avec un scrutin. Elle estime que les sondages soumis à la loi du 19 juillet 1977 sont les sondages « liés au débat électoral », notion qui s'apprécie différemment selon que l'on se situe à un moment plus ou moins proche d'une échéance électorale.

A l'approche d'un scrutin, un sondage portant sur l'opinion du public sur une question d'ordre politique, sur la popularité des personnalités politiques, sur l'opinion à l'égard du Gouvernement ou encore sur une réforme envisagée ou en cours, sera souvent considéré comme présentant un rapport au moins « indirect » avec le scrutin à venir, et sera donc soumis à la loi de 1977.

Il en va autrement lorsque le même sondage intervient à un moment éloigné d'une échéance électorale : il n'entre pas, en règle générale, dans le champ de la loi. Une exception notable à ce principe concerne les sondages publiés au moment des primaires , c'est-à-dire à l'occasion des procédures d'investiture mises en oeuvre par certaines formations politiques.

Or, certains sondages, publiés par la presse, sont utilisés par des personnalités pour faire valoir, à l'intérieur même de leur formation politique, ou dans le cadre de la procédure de désignation organisée par celle-ci, le bien-fondé de leur candidature, y compris lorsqu'ils portent sur une population plus large que celle qui formera le corps électoral. Ainsi est-ce le cas dans la pratique, désormais fréquente, où l'on interroge un échantillon d'électeurs d'une mouvance pour connaître quel serait à leurs yeux le meilleur candidat à de futures élections.

Ces sondages interviennent avant que les partis politiques n'aient achevé leur procédure de désignation. Ils portent généralement sur une population plus étendue -les sympathisants- que celle à qui il revient de désigner le candidat -les adhérents à la formation politique concernée (lorsque la consultation se limite à celle-ci). L'influence de l'opinion trouve ainsi prise sur les partis, surtout dans l'hypothèse où un candidat, qui n'était pas obligatoirement le favori des adhérents, se trouve projeté par l'ensemble des sympathisants de son camp très en avance sur ses concurrents et trouve ainsi un argument de poids pour la campagne interne à sa formation politique.

Bien que le premier tour de l'élection soit parfois très éloigné, la commission des sondages considère que les sondages ainsi réalisés relèvent du champ de loi de 1977 et se déclare ainsi compétente pour examiner leur objectivité et leur sincérité. Ils participent, en effet, à la définition d'une nouvelle offre politique et peuvent apparaître comme entretenant un lien indirect avec la future élection.

Le rapport d'information précité sur les sondages politiques approuve la conception extensive de la commission des sondages sur le caractère « indirect » du lien qu'un sondage doit présenter avec un scrutin. Il considère que pour éviter les difficultés précitées et écarter toute subjectivité il est nécessaire de franchir une nouvelle étape et d'étendre le champ de la loi précitée de 1977 à l'ensemble des sondages politiques.

On peut certes considérer que tout sujet est « potentiellement politique » et qu'il est malaisé de savoir à partir de quand un sujet relève de la sphère politique. L'exemple de la réforme des retraites a été cité : un sondage sur cette question relèverait de la loi ? La réponse de votre rapporteur est clairement positive. Il considère qu'il serait juste de prendre en compte une conception relativement extensive de la notion de « politique » : il est clair que la plupart des grands débats de société entrent dans le champ de la politique et qu'il sera protecteur que les sondages sur ces grands débats relèvent de la loi.

Votre rapporteur souligne qu'il appartiendra à la commission des sondages d'élaborer progressivement à cet égard une jurisprudence.

Il rappelle également que cette commission n'est pas seulement un organe susceptible de décider de sanctions mais également - et surtout - une instance de dialogue qui peut être consultée par tout institut et tout organe de presse sur tel ou tel projet de sondage en cas de doute sur le respect de la loi.

Enfin, votre rapporteur souligne que si l'extension du champ de la loi est susceptible de créer, les premiers temps, une certaine insécurité, cet inconvénient est largement compensé par la nécessité de préserver la sincérité du débat politique dans son ensemble , et pas seulement celle du débat électoral.

En particulier, la sincérité du débat parlementaire - composante importante du débat politique - commande une telle extension du champ de la loi. En effet, les sondages sont régulièrement invoqués au cours des débats dans les hémicycles à l'appui de telle ou telle thèse : quelques illustrations récentes sont d'ailleurs données dans le rapport d'information précité 2 ( * ) .

Une précision à l'heure de la mondialisation de l'information

Enfin, le présent article apporte une précision importante à l'heure de la circulation des informations à l'échelle de la planète : « sont soumis à la présente loi les organes d'information qui, en France, font état, sous quelque forme que ce soit, d'un sondage tel que défini au présent article publié ou diffusé depuis un lieu situé hors du territoire national. »

A titre d'exemple, si un organe de presse français relaie un sondage publié en Belgique ou en Suisse, ce sondage devra être soumis à la loi. Cette précision vient opportunément combler une lacune de la loi de 1977.

Votre commission a adopté l'article 1 er modifié par l'ensemble des amendements visés plus haut ainsi que par un amendement rédactionnel.

Article 2 (art. 2 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Mentions obligatoires au moment de la publication d'un sondage

L'article 2 améliore l'information de la population et des médias au moment de la publication d'un sondage.

Aux termes de la rédaction actuelle des articles 2 et 3-1 de la loi du 19 juillet 1977 précitée, la publication et la diffusion de tout sondage électoral doivent être accompagnés des indications suivantes :

- le nom de l'organisme ayant réalisé le sondage ;

- le nom et la qualité de l'acheteur du sondage ;

- le nombre des personnes interrogées ;

- la ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ;

- le texte intégral des questions posées ;

- une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice méthodologique (voir commentaire de l'article 3).

Le texte proposé apporte trois modifications à cette liste afin d'améliorer l'information de la population et des médias au moment de la publication du sondage.

En premier lieu, il assouplit l'exigence de publication « du texte intégral des questions posées » . L'organe d'information pourrait s'affranchir de cette obligation par la publication d'un résumé fidèle de l'ensemble des questions posées.

En second lieu, il permet une meilleure connaissance de tous les maillons de la chaine du sondage . D'une part, il prévoit la publication du nom et de la qualité de l'acheteur du sondage s'il est différent du commanditaire. Il a pu en effet arriver que la personne qui achète le sondage ne soit pas celle qui l'a commandé, cette dernière souhaitant rester « discrète » et s'abriter derrière, par exemple, une association. D'autre part, il garantit la publicité de l'acheteur de la « partie du sondage » : en effet, dans le cadre des enquêtes à clients multiples, encore appelées « enquêtes omnibus », le client n'achète qu'une partie du sondage, c'est-à-dire un certain nombre de questions.

Enfin, il prévoit la publication, le cas échéant, des observations méthodologiques de la commission des sondages durant le mois précédant un scrutin.

Au total, le texte prévoit que la publication et la diffusion de tout sondage politique devraient désormais être accompagnées des indications suivantes :

- le nom de l'organisme ayant réalisé le sondage ;

- le nom et la qualité du commanditaire du sondage ou de la partie du sondage, ainsi que ceux de l'acheteur s'il est différent ;

- le nombre des personnes interrogées ;

- la ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ;

- le texte intégral des questions posées ou un résumé qui en reflète fidèlement la teneur ;

- le cas échéant, les observations méthodologiques de la commission des sondages dans le mois précédant un scrutin ;

- une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice méthodologique auprès de la commission des sondages.

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de réécriture de l'article 2 afin d'y apporter trois modifications.

En premier lieu, l'amendement précise que, conformément à la jurisprudence de la commission des sondages, la publication ou diffusion des mentions légales ne s'impose qu'à l'occasion de la première publication ou la première diffusion d'un sondage. En cas de reprise par un autre organe d'information, ce dernier doit simplement citer sa source selon le droit commun du droit de citation.

En deuxième lieu, au même article 2, la commission a prévu que la publication ou la diffusion d'un sondage devaient être accompagnées des marges d'erreur des résultats , le cas échéant par référence à la méthode aléatoire. Cette indication, qui prend peu de place, paraît essentielle pour connaître le degré de précision d'un sondage ; elle mérite donc de figurer parmi les mentions légales qui accompagnent la publication et la diffusion d'un sondage, et non dans la seule notice méthodologique.

Enfin, l'amendement revient sur la possibilité, ouverte par la proposition de loi, de publier un résumé fidèle de « l'ensemble des questions posées » par le sondage, cette possibilité apparaissant peu compatible avec la rigueur que l'on doit exiger en matière de sondages politiques. En contrepartie, l'organe d'information pourrait faire figurer le texte intégral de l'ensemble des questions sur son site Internet , à condition d'en donner l'adresse au lecteur, auditeur ou téléspectateur.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. 3 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Notice méthodologique déposée auprès de la commission des sondages

Le présent article modifie l'article 3 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 afin de renforcer les obligations de transparence qui s'imposent aux instituts.

Dans sa rédaction actuelle, cet article 3 impose une obligation pour le sondeur de communiquer à la commission, dès la publication du sondage , une notice d'information comportant les principales données relatives à la réalisation du sondage, à savoir :

- l'objet du sondage ;

- la méthode selon laquelle les personnes interrogées ont été choisies, le choix et la composition de l'échantillon ;

- les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations ;

- le texte intégral des questions posées ;

- la proportion des personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions ;

- les limites d'interprétation des résultats publiés ;

- s'il y a lieu, la méthode utilisée pour en déduire les résultats de caractère indirect qui seraient publiés.

Cette notice est consultable auprès de la commission des sondages. En effet, afin de favoriser la transparence dans les conditions de production des enquêtes, le législateur a souhaité, en 2002, ouvrir à toute personne le droit de consulter ces notices méthodologiques. Comme indiqué précédemment (cf commentaire de l'article 2) , la loi a également précisé que les personnes devaient être informées de l'existence de ce droit à consultation au moment de la publication du sondage

Le présent article apporte plusieurs modifications importantes à l'article 3 de la loi de 1977.

La règle des 24 heures

Dans sa rédaction actuelle, cet article 3 impose une obligation pour le sondeur de communiquer à la commission la notice méthodologique, avant la publication ou la diffusion du sondage .

Rappelons qu'avant la loi du 19 février 2002 3 ( * ) , l'article 3 de la loi du 19 juillet 1977 prévoyait, « à l'occasion » de la publication de la diffusion de tout sondage de caractère électoral, le dépôt auprès de la commission des sondages, par l'institut ayant réalisé ce sondage, d'une notice d'information. Comme le souligne le rapport de notre collègue M. Patrice Gélard sur le projet de loi qui a abouti à cette loi 4 ( * ) , la commission des sondages avait fait valoir, à l'époque, que la formule « à l'occasion » n'était pas suffisante pour lui permettre d'exercer son contrôle, surtout lorsque la publication intervient quelques jours seulement avant un scrutin. La commission des sondages avait estimé qu'il lui était essentiel « pour pouvoir assurer, avant le jour de l'élection, le contrôle le plus efficace de sondages qui pourront être publiés ou diffusés très peu de temps avant le scrutin, de disposer très rapidement des éléments nécessaires à ce contrôle, ce qui est loin d'être la pratique habituelle des instituts qui envoient les notices au dernier moment, parfois même après la publication du sondage, obligeant ainsi le secrétariat à des rappels téléphoniques. La Commission souhaite donc, dans cette optique que l'article 3 de la loi du 19 juillet 1977 soit modifié afin de prévoir que la notice que les instituts doivent remettre à la Commission parvienne au secrétariat de la Commission au plus tard 24 heures avant la publication ou la diffusion du sondage. »

Le législateur n'avait que partiellement répondu à cette demande en prévoyant que la notice d'information devrait être transmise à la commission des sondages avant la publication ou la diffusion du sondage, et non pas « à l'occasion » de celle-ci.

Le présent article propose de franchir une étape supplémentaire et d'inscrire dans la loi le délai de 24 heures que la commission des sondages appelle de ses voeux depuis 2002.

Votre rapporteur relève que ce délai a été critiqué par les instituts de sondages. Ces derniers considèrent qu'il ferait perdre une certaine « fraicheur » aux sondages publiés ou diffusés. A titre d'exemple, les sondages diffusés le vendredi qui précèdent un scrutin seraient fondés sur l'interrogation de personnes le mercredi alors qu'aujourd'hui l'interrogation a lieu le jeudi, voire le vendredi matin.

Toutefois, votre rapporteur insiste sur le fait que seule l'instauration d'un délai de 24 heures permettra à la commission d'exercer efficacement son pouvoir de contrôle de la notice méthodologique.

Il ajoute que ce délai est indispensable si l'on veut donner à la commission des sondages la compétence pour établir, a priori , des observations à caractère méthodologique dans le mois précédant un scrutin, observations qui seraient obligatoirement publiées en même temps que le sondage (voir commentaire de l'article 10).

La mise en ligne des notices méthodologiques par la commission des sondages

Le présent article apporte une deuxième modification à la loi du 19 juillet 1977 : la mise en ligne systématique des notices méthodologiques remises à la commission des sondages.

Comme indiqué précédemment, cette notice peut actuellement être consultée par toute personne auprès de la commission des sondages.

La mise en ligne systématique constituerait une étape supplémentaire dans la transparence, ce qu'approuve votre commission.

Par ailleurs, le présent article prévoit que la notice méthodologique devrait non seulement être plus accessible mais également plus précise et plus complète puisqu'elle devrait comporter les marges d'erreur des résultats publiés ainsi que les critères généraux des redressements .

Les marges d'erreurs

Le présent article apporte une troisième modification importante à l'article 3 de la loi actuelle : il prévoit que la notice méthodologique devrait comporter les marges d'erreur des résultats publiés , le cas échéant par référence à la méthode aléatoire.

Pour comprendre la portée de cette modification, il convient d'indiquer que le sondage ne relevant pas de la science exacte, il est nécessairement affecté d'une marge d'erreur , dite aussi marge d'incertitude ou intervalle de confiance. Beaucoup de statisticiens soutiennent qu'avec un échantillon de 1000 personnes (taille généralement retenue pour les sondages), la marge d'erreur serait d'environ 3 %. Elle serait toutefois plus faible quand les écarts sont importants (par exemple environ 2 % quand les deux options testées recueillent 15 et 85 %) 5 ( * ) . En revanche, la marge d'erreur progresse à mesure que la taille de l'échantillon se réduit.

On peut donc se réjouir que la loi du 19 juillet 1977 ait prévu, pour la clarté du débat, que la notice fasse apparaître « les limites d'interprétation des résultats publiés », c'est-à-dire la marge d'erreur qui affecte le sondage.

Toutefois, les instituts de sondage ont très vite considéré que l'obligation qui leur était faite de présenter cette donnée ne serait pas applicable dès lors qu'ils utilisent la méthode des quotas .

Or, le rapport d'information précité sur les sondages politiques souligne qu'il est tout à fait possible de considérer que la méthode des quotas génère des marges d'incertitude similaires à celles obtenues par la méthode aléatoire . Le rapport fournit d'ailleurs en annexe une contribution de M. Pascal Ardilly, statisticien, qui est fort éclairante sur ce point.

Le présent article propose donc de remplacer la formule actuelle « les limites d'interprétation des résultats publiés » par une rédaction plus claire et plus contraignante , à savoir : « les marges d'erreur des résultats publiés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire ».

En revanche, il convient de noter que la présente proposition de loi ne fait pas figurer la marge d'erreur parmi les mentions qui accompagnent la publication du sondage ( voir commentaire de l'article 2 ).

Trois raisons principales justifient ce choix :

- compte tenu des contraintes inhérentes au format de l'information, une telle mention supplémentaire serait de nature à décourager les organes de presse de publier un sondage sauf s'ils entendent consacrer une large place à ce sondage et à ses commentaires ;

- la proposition relative aux observations méthodologiques de la commission des sondages ( voir commentaire de l'article 10 ) rend inutile toute référence à la marge d'erreur au moment de la publication ou de la diffusion du sondage ; en effet, ces observations feront, le cas échéant, apparaître, au moins dans le cas où la marge d'erreur est anormalement élevée (par exemple lorsque la taille de l'échantillon est réduite), que le sondage doit être interprété avec la plus grande prudence , ce qui peut paraître suffisant, à charge ensuite pour les personnes intéressées de consulter la notice pour en savoir plus ;

- enfin, il faudrait préciser que les pourcentages ne sont pas équiprobables puisque la probabilité qu'on soit au centre de l'intervalle est la plus forte. Concrètement, si l'on part du principe que la marge d'erreur d'une enquête est de 3,2 % pour 1000 sondés, cela signifie que si 50 % d'un échantillon de 1000 personnes a répondu A à une question, il y a 95 % de chances sur 100 pour que cette même réponse A soit effectivement donnée dans l'ensemble de la population par un pourcentage situé entre 46,8 % et 53,2 %. Le taux de probabilité s'accroît cependant dans la zone située à proximité (en plus ou en moins) de 50 %.

En tout état de cause , votre rapporteur relève que l'obligation, prévue par le présent article, de faire figurer dans la notice « les marges d'erreur des résultats publiés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire » constitue d'ores et déjà une avancée en matière de transparence au regard de la rédaction en vigueur.

A cet égard, il note avec satisfaction que cette évolution n'a pas suscité d'opposition de la part des instituts de sondages qu'il a réunis à l'occasion d'une table-ronde pour recueillir leurs observations sur la présente proposition de loi. Il relève même que quelques jours après la publication du rapport d'information précité un grand quotidien a publié un sondage avec la formule suivante, pourtant non requise par la loi : « l'institut rappelle que les résultats de ce sondage doivent être lus en tenant compte des marges d'incertitude : 2 à 3 points au plus pour un échantillon de 1000 répondants »

En conséquence, votre commission a approuvé sans modification la disposition sur les marges d'erreurs publiées .

Les critères généraux de redressement

Quatrième et dernière modification significative à l'article 3 de la loi de 1977 : la référence aux critères généraux de redressement des sondages électoraux.

Pour prendre la mesure des enjeux de cette question, rappelons que les instituts procèdent pour la quasi-totalité des sondages électoraux à des redressements politiques.

Le redressement est une opération consistant à modifier les résultats bruts du sondage afin de renforcer la qualité méthodologique de ce dernier. Si on assimile le sondage à une photographie instantanée, on peut dire qu'avant redressement la photo est floue et devient nette après.

Il existe deux types de redressement : le redressement sociodémographique et le redressement politique.

Le premier est le plus simple à comprendre : il consiste à rétablir, dans le cas de la méthode des quotas, les bonnes proportions en affectant un poids (coefficient de pondération ou clé de correction) à chaque individu en fonction de ses caractéristiques. Par exemple, si l'échantillon comporte 46,8 % d'hommes, le sondage devrait être légèrement redressé car les hommes représentent 47,8 % de la population française, soit 1 % de plus. Le redressement consiste donc à rendre, de manière artificielle, l'échantillon parfaitement conforme en proportions à la population de référence. Dans la quasi-totalité des cas, le redressement sociodémographique se fait à la marge, l'échantillon retenu étant très fidèle.

Le second type de redressement, plus complexe, est de nature politique . Il part du constat, établi de longue date, que certains votes sont traditionnellement sous-représentés dans les résultats bruts : il s'agit des votes pour les partis situés à l'extrémité de l'échiquier politique, tels que le Front national. Cette situation résulte d'une certaine réticence des sondés à rendre public leur vote pour ce type de formation politique. A l'inverse, on peut observer que certains partis de la gauche sont généralement sur-représentés , phénomène dénommé « sinistrisme » que les spécialistes de science politique peinent à expliquer.

Les redressements politiques se font généralement à partir des « souvenirs de vote ». S'il apparaît un décalage entre ce que les sondés déclarent avoir voté dans certains scrutins précédents et les résultats effectivement obtenus, les instituts en déduisent que les résultats bruts doivent être corrigés. Par exemple, si seuls 5 % des sondés déclarent avoir voté pour le Front national aux dernières élections alors qu'il a obtenu 15 % des suffrages, le sondeur considèrera que ce parti est sous-estimé dans le sondage et que ce dernier doit donc être redressé.

En 1977, le législateur a prévu que ne figurerait dans la notice que « la méthode utilisée pour (...) déduire les résultats de caractère indirect du sondage », formule sibylline qui renvoie en fait aux critères de redressement politique du sondage. Les instituts s'acquittent généralement de cette obligation par la formule imprécise : « redressement effectué à partir du souvenir de vote ».

En revanche, la commission des sondages peut, elle et elle seule, avoir connaissance des méthodes précises de redressement, puisqu'en vertu de l'article 4 de la loi de 1977 (voir commentaire ci-après de l'article 4 de la proposition de loi) : « L'organisme ayant réalisé un sondage tel que défini à l'article 1 er tient à la disposition de la commission des sondages (...) les documents sur la base desquels le sondage a été publié ou diffusé. » 6 ( * ) .

Autrement dit, la commission des sondages a connaissance des chiffres bruts et de la manière dont ils sont redressés. Ces éléments ne figurent pas dans la notice méthodologique et ne sont donc pas publics en l'état actuel du droit.

Lors de leur audition, un certain nombre d'instituts ont jugé cet équilibre satisfaisant et ont récusé toute publicité des méthodes précises de redressement des sondages, et ce pour deux raisons essentielles :

- d'une part, il convient, selon eux, de ne pas contraindre les instituts de sondage à dévoiler « leurs secrets de fabrication » aux concurrents et, d'une manière générale, au grand public, de même qu'il ne viendrait à l'idée de personne d'imposer à un cuisinier de livrer sa recette précise ;

- d'autre part, si les chiffres bruts étaient publiés en même temps que les chiffres nets, ils sèmeraient le trouble et déclencheraient des polémiques sans fin sur l'ampleur des corrections opérées : les instituts pourraient être perçus comme des « bricoleurs », voire des « manipulateurs », à rebours de l'objectif de sérénité et de sincérité du débat électoral.

Telle n'est pas la position de votre rapporteur . Puisque le sondage est revendiqué par les « instituts » 7 ( * ) comme un travail largement scientifique, il doit être assumé comme tel et être soumis, comme tous les travaux scientifiques, à une obligation de transparence et de démonstration puisque tout travail scientifique doit être vérifiable et reproductible.

En conséquence, votre rapporteur approuve le choix que fait la proposition de loi de rendre publiques les méthodes de redressement. Il considère que la publicité donnée aux méthodes de redressement ne manquera pas de susciter un débat dans l'opinion sur les méthodes d'élaboration des sondages qui obligera les instituts à expliquer leurs choix, comme c'est le cas dans toute démarche relevant des sciences sociales.

Une telle transparence ne pourra que renforcer la crédibilité des instituts .

Votre rapporteur estime même que la publicité prévue par la proposition de loi est insuffisante .

En effet, ce texte établit une distinction entre :

- les critères généraux de redressement, qui doivent figurer dans la notice méthodologique, mise en ligne sur le site Internet de la commission des sondages (article 3 de la proposition de loi)

- les critères précis de redressement, consultables uniquement sur demande auprès de la commission (article 4 de la proposition de loi).

L'exposé des motifs de la proposition de lois justifie cette distinction en indiquant que la publicité donnée aux méthodes d'élaboration du sondage devrait, compte tenu de leur technicité, être plus restreinte que celle de la notice méthodologique qui est, elle, accessible sur Internet.

Au fil des auditions auxquelles il a procédé, votre rapporteur a acquis la conviction qu'il n'est pas opportun de restreindre la publicité des critères précis de redressement et qu'en conséquence ces derniers mériteraient de figurer dans la notice méthodologique afin d'être aisément accessibles . Il en va de la sincérité du débat public et de la qualité du contrôle de la commission des sondages.

Votre commission a donc adopté un amendement présenté par votre rapporteur en ce sens.

Votre commission a adopté à cet article quatre autres amendements sur proposition de son rapporteur :

- un amendement d'harmonisation rédactionnelle ;

- un amendement de coordination avec l'amendement, présenté à l'article 2, supprimant la possibilité de publier un « résumé fidèle de l'ensemble des questions posées » ;

- un amendement clarifiant le fait que la notice méthodologique ne devient publique qu'après la publication ou la diffusion du sondage, conformément à une demande légitime des instituts de sondages ;

- un amendement tendant à rendre obligatoire l'insertion, dans la notice, du taux de non-réponses à l'enquête. Le droit actuel vise simplement « la proportion des personnes n'ayant pas répondu à chacune des questions ». Or, il importe de savoir, en outre, quel pourcentage des personnes contactées ont, d'emblée, refusé de répondre au sondage lui-même, avant même que les questions ne leur soient posées. Ce pourcentage peut, dans certains cas, atteindre 80 %.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 4 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Possibilité de consulter l'ensemble des documents sur la base desquels le sondage a été réalisé

Le présent article réécrit l'article 4 de la loi du 19 juillet 1977 afin de prévoir la possibilité de consulter l'ensemble des documents sur la base desquels le sondage politique ou électoral a été réalisé.

En vertu de l'article 4 précité, ces documents, qui comprennent les méthodes précises de redressement des résultats bruts, sont actuellement remis à la seule commission des sondages.

Le présent article prévoit que toute personne aurait désormais le droit de consulter ces documents auprès de la commission des sondages.

Comme indiqué précédemment (voir commentaire de l'article 3) , votre commission juge préférable, s'agissant des critères précis de redressement, de les faire figurer dans la notice méthodologique du sondage, qui, elle, doit être mise en ligne sur le site Internet de la commission des sondages.

En revanche, elle approuve le fait que les autres documents sur la base desquels le sondage a été réalisé puissent être simplement consultables auprès de la commission des sondages et non mis en ligne. En effet, il s'agit de documents à caractère technique (liste des enquêteurs, instructions qui leur ont été donnés, contrôles effectués, détails du plan d'échantillonnage...) qui ne méritent pas une publicité aussi large que les mentions de la notice méthodologique évoquée plus haut.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (art. 4-1 [nouveau] de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Sondages relatifs au second tour d'une élection

L'article 5 insère un article 4-1 dans la loi du 19 juillet 1977 afin d'encadrer la publication, avant le premier tour d'une élection, de sondages portant sur le second tour.

En 1977, le législateur avait souhaité que la commission des sondages fût habilitée « à définir les clauses qui doivent figurer obligatoirement dans les contrats de vente des mêmes sondages et, notamment, celles ayant pour objet d'interdire la publication, avant le premier tour de scrutin, de tout sondage portant sur les votes au second tour » (article 5 de la loi).

Les travaux préparatoires montrent que, par cette rédaction, le Parlement avait en fait entendu poser une interdiction , celle de publier, avant le premier tour de scrutin, tout sondage portant sur les votes au second tour. Il s'agissait d'éviter que des sondages ne soient publiés sur un second tour de scrutin avant même que les résultats définitifs du premier tour ne soient connus : ça n'est en effet qu'à ce moment là que se pose de manière précise la question essentielle des reports de voix .

Afin de concilier le principe de libre détermination du corps électoral avec celui de la liberté de la presse - qui s'oppose à une interdiction générale et absolue de tout sondage de second tour -, le présent article reprend, en l'aménageant, le principe énoncé à l'article 5, en prévoyant que « les hypothèses testées dans un sondage relatif au second tour d'une élection, publié avant le premier tour, doivent correspondre aux données qui résultent d'un sondage de premier tour, obligatoirement réalisé et publié ou diffusé en même temps ».

Votre rapporteur approuve l'économie du dispositif proposé mais considère, à la suite des auditions auxquelles il a procédé, que le terme « correspondre » est par trop restrictif .

En effet, il convient d'ouvrir la possibilité de tester et publier plusieurs hypothèses de second tour , en particulier lorsque les scores établis pour le premier tour sont suffisamment proches pour que, compte tenu des marges d'erreur qui les affectent 8 ( * ) , l'identité des candidats qualifiés pour le second tour est incertaine.

En conséquence, sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement substituant au terme « correspondre » celui, plus large, de « tenir compte » : ainsi, les hypothèses testées dans un sondage relatif au second tour d'une élection, publié avant le premier tour, devront « tenir compte des données» et non « correspondre aux données » qui résultent d'un sondage de premier tour, obligatoirement réalisé et publié ou diffusé en même temps.

Par ailleurs, votre rapporteur souhaite dissiper certaines inquiétudes exprimées lors des auditions. Le dispositif proposé n'aura pas pour effet d'interdire la publication de cotes de popularité et autres baromètres, voire des questions sur les « préférences » des sondés (« préférez-vous tel ou tel candidat ? »). Il interdira simplement de publier des sondages qui mettraient le sondé en situation de se prononcer explicitement sur un vote au second tour d'un scrutin en lui présentant des hypothèses non réalistes au vu de sondages réalisés sur le premier tour. A titre d'exemple, si aucun sondage ne donne des candidats X et Y en situation de passer au second tour, même en tenant compte de la marge d'incertitude propre à tout sondage, il apparaît illogique de tester un second tour présentant X contre Y.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 (art. 5 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Indépendance et compétence générale de la commission des sondages

L'article 6 réécrit l'article 5 de la loi du 19 juillet 1977 afin, d'une part, de consacrer l'indépendance de la commission des sondages, d'autre part, de donner à cette dernière une compétence générale pour vérifier que les sondages politiques ont été commandés, réalisés, publiés ou diffusés conformément à la loi et aux textes réglementaires applicables.

En premier lieu, le texte proposé consacre la commission des sondages comme une autorité administrative indépendante (AAI) , qui ne reçoit, dans l'exercice de ses attributions, aucune instruction.

Rappelons que cette commission a été reconnue comme telle par le Conseil d'Etat dans son rapport public de 2001 consacré aux autorités administratives indépendantes. Toutefois, cette qualité n'a jamais été inscrite dans la loi de 1977.

En second lieu, le présent article donne à la commission des sondages une compétence générale « pour vérifier que les sondages politiques ont été commandés, réalisés, publiés ou diffusés conformément à la loi et aux textes réglementaires applicables. » Il reprend, en l'étendant, la formulation prévue à l'article 8 de la loi, article que la proposition de loi abroge par coordination (voir commentaire de l'article 9 de la proposition de loi).

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7 (art. 6 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Composition de la commission des sondages et régime d'incompatibilité de ses membres et du personnel

L'article 7 réécrit l'article 6 de la loi du 19 juillet 1977 afin d'élargir et de diversifier les compétences qui y seront réunies.

D'une part, il prévoit qu'elle comprend 6 magistrats et 5 personnalités qualifiées , au lieu de respectivement 9 et 2 actuellement.

D'autre part, il définit un strict régime d'incompatibilités a priori et a posteriori des membres de la commission et du personnel.

En premier lieu, le présent article modifie sensiblement la composition de la commission des sondages. Il entend ainsi remédier au déficit de légitimité de cette commission, mis en avant par le rapport d'information précité sur les sondages politiques.

La composition actuelle de la commission

En vertu de l'article 6 de la loi du 19 juillet 1977, la commission des sondages était initialement composée de membres désignés par décret, en nombre égal et impair, parmi les membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. L'article premier du décret du 25 janvier 1978 précisait ainsi la composition :

- trois membres du Conseil d'Etat , dont au moins un président de section ou conseiller d'Etat, président de la commission ;

- trois membres de la Cour de cassation , dont au moins un président de chambre ou conseiller ;

- trois membres de la Cour des comptes , dont au moins un président de chambre ou conseiller maître.

Notons que d'autres autorités collégiales comparables, exerçant une mission de contrôle sur des questions touchant à la compétition électorale et à la vie politique, ont une composition identique ou similaire : il en va ainsi de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Ces membres sont nommés pour trois ans par décret, sur proposition respectivement du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du premier président de la Cour des comptes.

La loi du 19 février 2002 a élargi la composition de la commission des sondages en prévoyant la présence de deux personnalités qualifiées en matière de sondages, également désignées par décret.

La commission est donc aujourd'hui composée de onze personnes .

La nouvelle composition proposée par l'article

Le présent article poursuit la démarche engagée par le législateur en 2002 en renforçant la présence des personnalités qualifiées.

Certes, comme le souligne le rapport d'information précité, l'instruction des dossiers est confiée à des experts vacataires indépendants qui apportent leurs connaissances techniques, en particulier en matière de méthodologie d'élaboration des sondages et de détection de biais.

Toutefois la décision appartient à la commission des sondages qui demeure, en dépit de l'amélioration apportée en 2002, très largement composée de magistrats (neuf sur onze).

Compte tenu de la technicité des sujets traités par la commission et de la nécessité de veiller au respect de l'objectivité et de la sincérité des sondages, le rapport d'information souligne la nécessité, pour les professionnels du droit, de confronter leurs points de vue avec ceux de praticiens : politologues, sociologues, experts, statisticiens, mathématiciens...

Le rapport considère toutefois que les magistrats doivent demeurer majoritaires au sein de cette commission eu égard à la nature quasi-juridictionnelle de ses décisions, susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat.

Le présent article constitue la traduction législative de ces observations.

Il propose que la commission soit composée de :

- six magistrats (deux du Conseil d'Etat, deux de la Cour de cassation et deux de la Cour des comptes) contre neuf à l'heure actuelle ;

- cinq personnalités qualifiées en matière de sondages (au lieu de deux dans le schéma actuel).

Par ailleurs, afin d'écarter tout soupçon quant au choix des personnalités qualifiées, le texte prévoit que ces dernières devraient être désignées, non par le pouvoir exécutif comme aujourd'hui, mais par des instances compétentes dans les domaines des mathématiques, de la statistique et de la science politique .

Il est proposé que ces personnalités soient nommées par :

- l'Académie des Sciences ;

- le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

- la Conférence des chefs d'établissements de l'enseignement supérieur 9 ( * ) ;

- l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ;

- l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

La position de votre commission concernant la composition de la commission des sondages

Votre rapporteur considère que la nouvelle composition de la commission des sondages proposée par cet article renforce la capacité d'expertise de la commission des sondages, fondée sur une plus grande pluridisciplinarité .

Toutefois, il a acquis la conviction au fil des auditions auxquelles il a procédé que cette composition ainsi que les modalités de désignation des membres méritaient d'être sensiblement modifiées .

En premier lieu, il apparaît nécessaire que les six hauts magistrats soient désignés, non par le pouvoir exécutif comme le prévoit le présent article, mais par l'assemblée générale des juridictions elles-mêmes .

En second lieu, votre rapporteur estime que le CNRS et l'Académie des Sciences risquent de désigner des profils de personnes très proches , spécialisées dans le domaine des mathématiques. En outre, la composition proposée par le texte devrait aboutir à la présence d'un spécialiste de sciences politiques ou de droit public, alors qu'il apparaît nécessaire que ces deux disciplines soient représentées au sein de la commission des sondages. En conséquence, il apparaît opportun d'inclure dans la commission une personne désignée par la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP).

En troisième lieu, il apparaît préférable de désigner la personnalité qualifiée en droit public par l'Académie des Sciences morales et politiques plutôt que par la Conférence des chefs d'établissements de l'enseignement supérieur.

Enfin, votre rapporteur relève que l'INSEE est un institut sous tutelle du ministère de l'économie et des finances et qu'il est ainsi préférable, dans un souci d'indépendance, de prévoir la nomination d'un statisticien par l'ENSAE (Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique).

En conséquence, sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement qui garantit la représentation, au sein de la commission des sondages, des disciplines suivantes : sciences politiques, droit public, sciences sociales, mathématiques et statistiques.

Composition de la commission des sondages proposée par votre commission

1° Deux membres du Conseil d'État, d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l'assemblée générale du Conseil d'État ;

2° Deux membres de la Cour de cassation, d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l'assemblée générale de la Cour de cassation ;

3° Deux membres de la Cour des comptes, d'un grade au moins égal à celui de conseiller maître, élus par l'assemblée générale de la Cour des comptes ;

4° Une personnalité qualifiée en matière de sciences politiques désignée par décret sur proposition de la Fondation nationale des sciences politiques;

5° Une personnalité qualifiée en matière de droit public désignée par décret sur proposition de l'Académie des Sciences morales et politiques ;

6° Une personnalité qualifiée en matière de sciences sociales désignée par décret sur proposition de l'École des hautes études en sciences sociales ;

7° Une personnalité qualifiée en matière de mathématiques désignée par décret sur proposition de l'Académie des Sciences ;

8° Une personnalité qualifiée en matière de statistiques désignée par décret sur proposition de l'Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique.

Le même amendement a précisé que la commission élirait en son sein un Président, qui disposerait d'une voix prépondérante en cas de partage des voix.

En outre, votre commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteur, prévoyant que le mandat des membres de la commission des sondages n'est pas renouvelable, ce qui constitue un facteur d'indépendance des membres.

Le régime d'incompatibilités des membres et du personnel de la commission des sondages

En second lieu, le présent article complète le régime d'incompatibilités des membres et du personnel de la commission des sondages .

En effet, le régime d'incompatibilités fixé par le décret n° 78-79 du 25 janvier 1978 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1977 est insuffisant .

L'article 5 de ce texte prévoit que ne peuvent être membres de la commission des sondages les personnes qui perçoivent ou ont perçu dans les trois dernières années précédant leur désignation une rémunération, de quelque nature qu'elle soit, d'un organisme réalisant des sondages électoraux. Il s'agit de prévenir tout conflit d'intérêt de nature à porter atteinte à l'indépendance de la commission.

En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne définit un régime d'incompatibilités a posteriori , relatives aux responsabilités auxquelles ne peuvent pas accéder les anciens membres de la commission.

En conséquence, le texte fixe le principe selon lequel, dans les trois années qui suivent la fin de leur mandat , les anciens membres de la commission ne peuvent percevoir une rémunération, de quelque nature que ce soit, d'un institut de sondages dès lors qu'il consacre une part de son activité à des sondages politiques ou électoraux.

Le texte propose de rendre ces dispositions applicables au personnel de la commission ainsi qu' aux experts désignés par la commission pour instruire les dossiers.

Votre commission vous propose de renforcer ce régime d'incompatibilité en visant également les médias.

En effet, la commission des sondages contrôle autant les instituts que les médias qui publient ou diffusent les sondages. A titre d'exemple, la commission s'assure que les médias :

- font figurer les mentions légales ;

- publient les mises au point qu'elle ordonne ;

- n'émettent pas des commentaires qui altèrent la portée des résultats obtenus, c'est-à-dire des commentaires trompeurs ou tendancieux ;

- ne publient pas un sondage électoral la veille et le jour d'un scrutin.

En conséquence, sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement prévoyant que les membres de la commission des sondages ne pourraient, dans les trois années précédant leur désignation ainsi que dans les trois années qui suivent la fin de leur mandat, recevoir une rémunération non seulement d'instituts mais également de médias.

Votre commission a adopté l'article 7 modifié par les trois amendements visés plus haut ainsi que par un amendement rédactionnel.

Article 8 (art. 7 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Coordination

L'article 8 procède à une coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 5 de la loi du 19 juillet 1977 (voir commentaire de l'article 6 de la proposition de loi).

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .

Article 9 (art. 8 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Coordination

L'article 9 supprime l'article 8 de la loi du 19 juillet 1977, les dispositions de ce dernier ayant été reprises à l'article 6 de la présente proposition de loi.

Votre commission a adopté l'article 9 sans modification .

Article 10 (art. 9 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Observations méthodologiques et mises au point de la commission des sondages

Le présent article réécrit l'article 9 de la loi de 1977, dans le double objectif de :

- donner compétence à la commission des sondages pour établir, a priori , des observations à caractère méthodologique publiées ou diffusées en même temps que le sondage ;

- garantir la visibilité des mises au point ordonnées par la commission des sondages a posteriori.

Les observations méthodologiques a priori

En premier lieu, le présent article donne compétence à la commission des sondages pour établir, a priori , des observations à caractère méthodologique dans le mois précédant un scrutin, observations qui seraient obligatoirement publiées ou diffusées en même temps que le sondage. Ce mécanisme constitue l'une des innovations les plus marquantes proposées par le rapport d'information précité.

De quoi s'agit-il ?

Comme indiqué précédemment, le rapport d'information, dans le souci de garantir la sérénité du débat démocratique, juge nécessaire de mieux informer le public sur les conditions d'élaboration des sondages politiques publiés ou diffusés .

Afin de ne pas porter atteinte à la liberté de la presse, il préconise que cette transparence soit surtout garantie à l'approche d'une échéance électorale , car c'est à ce moment là que cette liberté doit impérativement être conciliée avec les principes de sincérité du scrutin et de libre détermination du corps électoral.

En conséquence, il propose que, dans le mois précédant un scrutin, la commission des sondages, lorsqu'elle relève certains manquements méthodologiques 10 ( * ) , formule des observations qui devraient figurer parmi les mentions obligatoires accompagnant la publication ou la diffusion du sondage.

Le présent article constitue la traduction législative de cette préconisation.

Votre rapporteur relève que ces observations pourraient, par exemple, prendre la forme de simples réserves et, dans les cas les plus graves, de mises au point .

En conséquence, un sondage ne serait jamais interdit mais serait assorti d' observations méthodologiques, obligatoirement publiées, en cas de méconnaissance des règles d'objectivité et de sincérité.

Insistons sur le fait que ces observations porteraient sur des anomalies en termes de méthodologie et en aucun cas sur le caractère prédictif du sondage puisqu'un sondage est dépourvu de toute valeur prédictive 11 ( * ) : il constitue au mieux une photographie instantanée de l'opinion.

Ce système se justifie par le fait qu'à l'approche d'une élection, le contrôle a posteriori - toujours possible - de la commission est insuffisant : non seulement les mises au point risquent d'intervenir trop tard mais surtout ne peuvent guère contrebalancer l'influence qu'a pu avoir le sondage litigieux dans l'opinion au moment de sa publication.

Votre rapporteur souligne qu'une telle évolution implique l'introduction d'un contrôle a priori de la commission des sondages, contrôle qui justifie le dépôt de la notice du sondage au moins 24 heures avant sa publication ou sa diffusion, comme le propose l'article 3 (voir commentaire de cet article).

On peut ajouter que la possibilité pour la commission des sondages d'imposer des observations méthodologiques :

- serait utile aux organes de presse : elle leur permettrait d'être pleinement informés sur les éventuels défauts des sondages qu'ils achètent (aujourd'hui ils sont parfois tenus de publier des mises au point qui les décrédibilisent alors qu'ils ne sont en rien responsables des erreurs méthodologiques commises par les instituts) et, par ricochet, elle les inviterait à s'intéresser davantage aux conditions d'élaboration des sondages et à relativiser leur portée. A cet égard, de nombreuses personnes ont critiqué, lors des auditions, le traitement médiatique approximatif des sondages ;

- assurerait une certaine visibilité à la commission des sondages qui souffre aujourd'hui d'un déficit de notoriété.

La visibilité des mises au point de la commission des sondages

En second lieu, le présent article garantit la visibilité des mises au point ordonnées par la commission des sondages a posteriori , et ce en toutes circonstances.

Pour comprendre la portée de cette proposition, il convient d'indiquer que la commission des sondages - et c'est là son pouvoir le plus efficace à l'heure actuelle - peut ordonner des mises au point par les organes d'information qui publient ou diffusent un sondage électoral en violation de la loi et des textes réglementaires applicables ou en altérant la portée des résultats obtenus. Comme le précise le décret précité du 25 janvier 1978 en son article 11, ces mises au point font suite soit à une saisine d'office, soit à la réception d'une réclamation puisque toute personne qui entend contester la validité d'un sondage qui ne lui paraît pas conforme aux exigences de la loi peut saisir par voie de réclamation la commission de sondages dans les cinq jours de la publication litigieuse. Ces réclamations doivent en principe être motivées.

En 2002 le législateur a renforcé, pendant la période de deux mois précédant le scrutin , les obligations en matière de publication ou de diffusion des mises au point de la commission des sondages.

A été prévu que, dans ces circonstances, « la mise au point demandée par la commission des sondages doit être, suivant le cas, diffusée sans délai et de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle de ce sondage, ou insérée dans le plus prochain numéro du journal ou de l'écrit périodique à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'aura provoquée et sans aucune intercalation. »

L'objectif était que la mise au point demandée soit publiée dans les délais les plus brefs et d'une manière susceptible de susciter un écho comparable à celui du sondage lui-même.

S'il s'agit d'un sondage dont les résultats ont été diffusés sur une chaîne de télévision ou de radio, la mise au point demandée doit être diffusée, au plus tard, dans un délai de vingt-quatre heures, et surtout « de manière que lui soit assurée une audience équivalente » à celle de ce sondage, pour reprendre une formule retenue par la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, à propos du droit de réponse.

S'il s'agit d'un sondage publié dans la presse écrite, la mise au point doit être publiée dans le plus prochain numéro du journal ou de l'écrit périodique. L'insertion doit figurer « à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'aura provoquée et sans aucune intercalation », selon la formule de la loi 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à propos du droit de réponse également.

Le présent article propose d'étendre ce régime et de supprimer la condition restrictive « des deux mois précédant le scrutin ». En effet, comme le souligne la commission des sondages dans son rapport d'activité 2008-2009 (page 11) les organes de presse qui publient les mises au point, en dehors de la période des deux mois, ne leur accordent généralement pas une place équivalente à celle qui avait été réservée au sondage litigieux. La publication de la mise au point est fréquemment faite selon une typographie plus modeste et dans un espace moindre que la publication des résultats du sondage. Elle est même parfois cantonnée à la rubrique du courrier des lecteurs.

En conséquence, le présent article modifie l'article 9 de la loi de 1977 pour garantir qu' en toutes circonstances , et non seulement deux mois avant un scrutin, les mises au point demandées par la commission des sondages reçoivent un écho comparable à celui du sondage litigieux. Autrement dit, il s'agit de garantir en toutes circonstances la visibilité des mises au point de la commission des sondages.

Votre commission approuve cette modification.

Votre commission a, en outre, adopté au présent article un amendement de précision rédactionnelle .

Elle a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. 10 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Clarification

L'article 11 reprend, en le simplifiant, le dispositif figurant à l'article 10 de la loi de 1977.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .

Article 12 (art. 10 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Rapport annuel et autonomie budgétaire de la commission des sondages

L'article 12 complète l'article 10 de la loi de 1977 afin de créer l'obligation, pour la commission des sondages, de publier un rapport annuel d'activité, remis au Président de la République et aux présidents des deux assemblées et consacre le principe d'autonomie budgétaire de la commission.

En premier lieu, il inscrit dans la loi l'obligation pour la commission des sondages de rendre public, chaque année, un rapport annuel d'activité . Il s'agit de consacrer et d'étendre la pratique actuelle de la commission. Cette dernière publie aujourd'hui des rapports d'activité à l'occasion des différents scrutins. L'obligation de publier un rapport annuel peut être analysée comme une coordination avec l'extension proposée de son champ de compétence à tous les sondages à caractère politique (voir commentaire de l'article 1 er ).

Ce rapport serait adressé au Président de la République ainsi qu'aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette transmission, conforme à la recommandation n° 27 du rapport de notre collègue Patrice Gélard sur les AAI 12 ( * ) , pourrait naturellement être suivie par une audition du Président de la commission des sondages par les commissions des lois des assemblées parlementaires afin de renforcer le contrôle démocratique de l'activité de cette commission et de détecter d'éventuelles insuffisances dans la loi sur les sondages rendant nécessaires certains ajustements.

En second lieu, le présent article propose de consacrer le principe d' autonomie budgétaire de la commission des sondages, comme d'ailleurs le Parlement vient de le faire à l'initiative de votre commission pour le Conseil supérieur de la magistrature (article 9 de la loi n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution) et pour le Défenseur des droits (article 3 du projet de loi ordinaire adopté par le Sénat le 3 juin 2010, confirmé par l'Assemblée nationale le 18 janvier 2011).

Ce principe implique non seulement que la Commission des sondages devra être autonome dans l'utilisation des crédits qui lui sont alloués mais également que son budget devra être sanctuarisé au sein d'un programme budgétaire spécifique. Il s'agit de neutraliser le principe, institué par la LOLF, de fongibilité des crédits au sein d'un même programme.

En effet, les crédits de la Commission des sondages étant mêlés à ceux du Conseil d'Etat, ils pourraient théoriquement servir de « variable d'ajustement » pour abonder les crédits de la Haute juridiction.

La nomenclature budgétaire devrait donc évoluer pour rattacher les crédits de la commission des sondages au programme « protection des droits et libertés » de la mission « direction de l'action du Gouvernement » ; rappelons que ce programme, créé fin 2008, est né de la volonté renouvelée du Sénat de préserver les crédits des autorités administratives indépendantes en charge de la protection des droits et libertés. Ce programme regroupe différentes autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité), la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH)...

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement précisant que l'ordonnateur des crédits de la commission des sondages est son président et non la commission. En effet, un ordonnateur est nécessairement une personne unique et non un organe collégial.

Elle a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (section IV de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Interdiction de la publication, de la diffusion et du commentaire de sondages électoraux la veille et le jour d'un scrutin

L'article 13 de la proposition de loi vise à abroger la section IV de la loi du 19 juillet 1977 et son unique article, l'article 11, relatif à l'interdiction de publier, diffuser et commenter tout sondage électoral la veille et le jour d'un scrutin, dans la mesure où l'article 18 de la proposition de loi effectue le transfert dans le code électoral des dispositions qu'il contient, avec des adaptations et aménagements préconisés par le rapport d'information sur les sondages précité. Par ailleurs, une partie des dispositions de l'article 11, celles relatives aux mises au point demandées par la commission des sondages et portant sur les sondages publiés, a été intégrée par l'article 10 de la proposition de loi au sein de l'article 9 de la loi de 1977, sous une forme nouvelle.

Avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1977, il n'était pas interdit aux médias de publier un sondage sur l'issue d'un scrutin le jour même de ce scrutin. Cette situation, qui pouvait avoir pour effet d'altérer la sincérité du scrutin en influençant le comportement des électeurs, fut une des justifications de la loi du 19 juillet 1977.

L'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 dispose ainsi que sont interdits la veille et le jour d'un scrutin la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage électoral, cette interdiction valant pour les sondages ayant fait l'objet d'une publication, d'une diffusion ou d'un commentaire avant la veille du scrutin. La seule exception à cette règle consiste à autoriser la poursuite de la diffusion des publications parues avant la veille du scrutin et des données mises en ligne sur internet avant cette même date. Cette interdiction vaut pour les élections générales, quelles qu'elles soient, comme pour les élections partielles s'il y a lieu, sans oublier les référendums. Dans le cas d'une élection partielle ne sont concernés que les sondages portant directement ou indirectement sur cette élection. Sont ainsi visées par cette interdiction les élections législatives et sénatoriales, les élections municipales, cantonales et régionales, les élections européennes, ainsi que l'élection présidentielle 13 ( * ) .

Or, il est apparu à votre rapporteur que le transfert de ces dispositions vers le code électoral aurait pour conséquence de les rendre inapplicables à l'élection présidentielle.

En effet, l'élection présidentielle est régie par la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, qui est de valeur organique. Ce texte prévoit expressément l'application au scrutin présidentiel de certaines dispositions du code électoral qui ne sauraient, sans cette mention, lui être applicables de plein droit car étant de valeur législative ordinaire.

Le Conseil constitutionnel a cependant développé depuis le début des années 1990 une jurisprudence dite de la « cristallisation », en vertu de laquelle une loi organique peut certes rendre applicables à la matière dont elle traite des dispositions contenues dans une loi ordinaire antérieure, mais dans la rédaction qui est celle en vigueur à la date de l'adoption définitive de la loi organique 14 ( * ) . Ainsi, toute modification ultérieure des dispositions ordinaires auxquelles fait référence la loi organique n'est pas applicable à la matière traitée par la loi organique. Cette jurisprudence est tout à fait légitime en droit, car le législateur ordinaire ne saurait, par le jeu d'un renvoi auquel procède une loi organique, pénétrer dans le domaine du législateur organique, dont la protection est assurée par le Conseil constitutionnel en vertu de la Constitution. Toutefois, elle présente un grave inconvénient pratique, qui apparaît dans le cas de la présente proposition de loi, mais qui ne saurait être surmonté en l'état.

En effet, sauf à adopter une proposition de loi organique 15 ( * ) destinée à mettre à jour l'article 4 de la loi du 6 novembre 1962 - lequel assure l'actualisation des dispositions ordinaires auxquelles renvoie la loi 16 ( * ) -, la suppression au sein de la loi du 19 juillet 1977 de l'interdiction de publier, diffuser ou commenter un sondage électoral la veille et le jour du scrutin et son insertion au sein du code électoral conduiraient à exclure l'élection présidentielle du champ de cette interdiction, ce qui n'est à l'évidence pas l'intention de la proposition de loi puisque ce sont en particulier les sondages portant sur les élections présidentielles qui ont principalement suscité la réflexion qui a nourri le rapport d'information sur les sondages précité.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement destiné à maintenir l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977, sous réserve de certaines adaptations et harmonisations rédactionnelles avec l'article L. 52-2 du code électoral au sein duquel l'article 18 de la proposition de loi visait à inclure ses dispositions. De la sorte, les dispositions prohibant la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage électoral la veille et le jour d'un scrutin continueront à s'appliquer à l'élection présidentielle.

Il convient néanmoins d'ajouter, ainsi que cela a été indiqué à votre rapporteur, qu'il était prévu que la loi du 19 juillet 1977 soit intégralement intégrée dans le code électoral, de même d'ailleurs que la loi du 6 novembre 1962, dans le cadre du processus de recodification de ce code, engagé depuis 2007 sous l'égide de la Commission supérieure de codification. Ainsi, à terme, les dispositions concernant les sondages électoraux pourraient rejoindre le code électoral tout en continuant à s'appliquer à l'élection présidentielle, grâce à l'insertion de dispositions organiques adéquates. Votre rapporteur considère qu'il sera opportun d'intégrer la loi du 19 juillet 1977 dans le code électoral, même si son champ d'application ne se limiterait plus, comme actuellement, aux seuls sondages électoraux mais s'étendrait à tous les sondages portant sur des sujets liés au débat politique et électoral. On se trouve dans la situation classique où le champ des articles d'une loi excède celui de la codification envisagée.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

Article 14 (section V et art. 12 de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Dispositions pénales

Le présent article réécrit l'article 12 de la loi du 19 juillet 1977 relatif aux sanctions pénales.

Il vise à prévoir un dispositif pénal plus clair et plus large pour renforcer l'efficacité à la commission des sondages.

En premier lieu, le texte propose une rédaction plus claire de l'article 12 de la loi. En effet, le législateur a choisi d'établir une liste des manquements à la loi de 1977 passibles d'une amende de 75.000 €. Le texte propose de remplacer cette liste par un dispositif global :

« Est puni d'une amende de 75.000 € le fait de commander, réaliser ou laisser publier un sondage en violation des dispositions de la présente loi et des textes réglementaires applicables. »

En second lieu, le présent article élargit le champ des sanctions pénales (amende de 75.000 €) en ajoutant deux hypothèses :

- le fait de faire obstacle aux pouvoirs de vérification de la commission des sondages ; autrement dit, il s'agit de créer un délit d'entrave ;

- le fait d'utiliser le terme « sondage » pour des enquêtes liés au débat ou électoral qui ne répondent à la définition du sondage. L'objectif recherché est de protéger l'appellation « sondages » souvent galvaudée.

En effet, certaines enquêtes publiées, portant sur le débat politique ou électoral, sont désignées comme des « sondages » alors qu'elles ne répondent pas aux exigences méthodologiques minimales propres à tout sondage, à savoir le respect du caractère représentatif de l'échantillon.

Ces « sondages » sont en fait de simples consultations basées sur le volontariat : les personnes ne sont pas sélectionnées en fonction de leur profil : elles décident elles-mêmes de répondre et peuvent d'ailleurs se prononcer plusieurs fois sur la même question.

Ces consultations ont tendance à proliférer sous des rubriques diverses : « votre avis nous intéresse », « la question du jour »...

Afin de ne pas fausser les débats, le présent article prévoit que le fait d'utiliser le terme « sondage » pour des enquêtes portant sur des sujets liés au débat politique ou électoral et ne répondant pas à la définition du sondage, énoncée à l'article premier, doit être pénalement sanctionné.

Lorsqu'elles se présentent comme des sondages politiques, ces enquêtes donnent en effet au public l'impression fausse d'obéir à certaines exigences méthodologiques et de relever de la loi de 1977 alors qu'elles ne sont soumises à aucune règle ni à aucun contrôle.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement afin d'étendre le champ de l'amende pénale à l'hypothèse où un organe d'information ne publie pas une mise au point demandée par la commission des sondages (voir commentaire de l'article 10) ou la publie mais dans des conditions contraires aux prescriptions fixées par cet article , c'est-à-dire tardivement et/ou avec une médiocre visibilité.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 15 (art. 13 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Clarifications

L'article 15 apporte certaines clarifications rédactionnelles à l'article 13 de la loi du 19 juillet 1977.

Votre commission a adopté l'article 15 sans modification .

Article 16 (art. 14 de la loi n° 77-808 de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Application outre-mer

L'article 16 clarifie l'application outre-mer de la loi du 19 juillet 1977.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 17 (intitulé de la loi n° 77-808 de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion) - Intitulé de la loi du 19 juillet 1977

L'article 17 modifie l'intitulé de la loi du 19 juillet 1977, par coordination avec l'extension de son champ d'application à l'ensemble des sondages politiques.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification .


* 2 Pages 20 et 21.

* 3 Loi n° 2002-214 du 19 février 2002 qui a modifié la loi du 19 juillet 1977.

* 4 Rapport n° 193 (2001-2002) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois, déposé le 31 janvier 2002, consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l01-193/l01-193.html

* 5 Autrement dit, plus les avis sont divisés sur une question (50 % de satisfaits par exemple), plus la marge d'erreur est forte alors qu'à l'inverse plus les répondants convergent dans leurs réponses (85% de satisfaits), plus cette marge est réduite.

2 Cette contribution figure en annexe du présent rapport.

* 6 Les membres de la commission des sondages sont naturellement astreints au secret professionnel comme le précise l'article 6 du décret du 25 janvier 1978.

* 7 Ce terme a d'ailleurs une connotation scientifique évidente.

* 8 Comme indiqué au commentaire de l'article 3, le sondage ne relevant pas de la science exacte, il est nécessairement affecté d'une marge d'erreur, dite aussi marge d'incertitude ou intervalle de confiance, qui s'accroît d'ailleurs à mesure que la taille des échantillons utilisés par les instituts se réduit.

* 9 Nouvelle appellation de la Conférence des Présidents d'Université depuis la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 10 Le rapport d'information souligne que les observations méthodologiques de la commission des sondages devraient reposer sur un faisceau de critères, en particulier l'objectivité et l'honnêteté de la question, l'ordre des questions, la « fraîcheur » du sondage, la continuité des redressements et la taille des échantillons.

* 11 À cet égard, la référence, faite à l'article 5 de la loi de 1977, à la « prévision électorale » apparaît être particulièrement inopportune.

* 12 Rapport n° 404 (2005-2006) de M. Patrice Gélard, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, déposé le 15 juin 2006 sur les autorités administratives indépendantes, consultable à l'adresse suivante : http:/www.senat.fr/rap/r05-404-1/r05-404-1.html

* 13 L'article 1 er de la loi du 19 juillet 1977 dispose en effet qu'est concerné par la loi tout sondage ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection présidentielle ou l'une des élections réglementées par le code électoral ainsi qu'avec l'élection des représentants français au Parlement européen.

* 14 Décisions du Conseil constitutionnel n° 90-273 DC du 4 mai 1990, n° 92-305 DC du 21 février 1992, n° 94-353/356 DC du 11 janvier 1995, n° 98-400 DC du 20 mai 1998, n° 2003-482 DC du 30 juillet 2003 et n° 2008-566 DC du 9 juillet 2008.

* 15 Encore faudrait-il, en outre, que cette proposition de loi organique soit définitivement adoptée après la présente proposition de loi, ou au mieux simultanément.

* 16 L'article 4 de la loi du 6 novembre 1962 est actuellement ainsi rédigé : « Les dispositions du code électoral auxquelles renvoient la présente loi (...) sont applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. »

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