TITRE III DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L'ÉLOIGNEMENT
CHAPITRE PREMIER LES DÉCISIONS D'ÉLOIGNEMENT ET LEUR MISE EN oeUVRE

Article 23 (art. L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) Unification de la procédure administrative d'éloignement des étrangers en situation irrégulière - Création d'une interdiction de retour sur le territoire français

Les dispositions de cet article tendent à transposer la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Elles réécrivent ainsi totalement l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, afin, en premier lieu, de remplacer les deux procédures qui préexistaient pour éloigner des étrangers en situation irrégulière -l'obligation de quitter le territoire français et la reconduite à la frontière -par une procédure unique d'obligation de quitter le territoire ; en second lieu d'introduire une procédure d'interdiction administrative de retour sur le territoire français.

En première lecture, les principales modifications apportées par le Sénat au présent article avaient concerné la nouvelle mesure d'interdiction de retour sur le territoire français.

En effet, le III de l'article L. 511-1 permet la transposition de l'article 11 de la directive « retour » qui crée une procédure d'interdiction de retour valable sur l'ensemble du territoire européen.

Le texte dispose que les étrangers encourent une interdiction de retour dans deux cas, pour lesquels le paragraphe 1 de l'article 11 de la directive oblige les États-membres à le prévoir :

- si aucun délai n'a été accordé pour le départ volontaire . Cette interdiction de retour est prévue par le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1, elle est prononcée pour une durée de trois ans au maximum (la durée maximale prévue par la directive étant de cinq ans) ;

- si l'obligation de retour avec délai de départ volontaire n'a pas été respectée , l'étranger qui s'était vu accorder un délai de départ volontaire n'ayant pas quitté la France au terme de ce délai. Cette interdiction de retour est prévue par le troisième alinéa du III de l'article L. 511-1.

Le projet de loi initial disposait que l'administration avait, dans ces deux cas, une simple faculté d'ajouter une interdiction de retour à la décision d'éloignement. En outre, il prévoyait que l'interdiction de retour et sa durée seraient décidées en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé : durée de présence sur le territoire, nature et ancienneté de ses liens avec la France, circonstance qu'il a déjà fait ou non l'objet d'une mesure d'éloignement, éventuelle existence d'une menace pour l'ordre public.

En première lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait décidé de faire de la décision d'interdiction de retour une obligation pour l'administration , « sauf dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires », et elle avait prévu que l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ne pourrait avoir un effet que sur la durée de l'interdiction de territoire , et non sur la décision de prononcer ou non cette mesure.

Votre commission avait estimé en première lecture que, tant le texte de la directive que la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n°93-325 DC du 13 août 1993) n'étaient pas compatibles avec un tel caractère automatique de l'interdiction de retour sur le territoire.

Elle avait, en conséquence, adopté un amendement de son rapporteur rétablissant le texte du Gouvernement sur ce point, afin que l a décision de prononcer une interdiction de retour soit dans tous les cas une simple faculté pour l'administration . Celle-ci devra dès lors la motiver au regard de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait ou non l'objet d'une mesure d'éloignement, et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français . Au passage, votre commission avait d'ailleurs estimé que les critères énumérés par la loi étaient en nombre suffisant et avait donc supprimé le « notamment » qui précédait ces critères.

Le retour au caractère facultatif de l'interdiction de retour a été approuvé par l'Assemblée nationale en seconde lecture. En revanche, elle a réintroduit l'adverbe « notamment », en estimant que l'administration devait pourvoir motiver sa décision de prononcer ou non une interdiction de retour en s'appuyant sur davantage de critères que ceux expressément mentionnés.

Pour le reste, s'agissant du cinquième alinéa du III qui précise, pour les autres cas, les conditions dans lesquelles l'administration peut assortir les décisions de refus de séjour d'une décision d'interdiction de retour, et qui transposent le dernier alinéa du paragraphe 1 de l'article 11 de la directive 17 ( * ) , l'Assemblée nationale avait maintenu en première lecture le caractère facultatif de l'interdiction de retour.

Par ailleurs, l'article 23 précise les conditions dans lesquels une interdiction de retour peut être abrogée par l'administration :

- cette abrogation est la règle lorsque l'étranger, après avoir fait l'objet d'une OQTF avec délai de départ volontaire, s'y est conformé dans les délais requis ;

- l'étranger peut solliciter l'abrogation de retour s'il justifie résider hors de France, sauf circonstances particulières (exécution d'une peine d'emprisonnement ferme, ou assignation à résidence). Cette condition est conforme au paragraphe 3 de l'article 11 de la directive qui prévoit la possibilité de lever ou de suspendre une interdiction d'entrée dans une telle hypothèse.

Sur ce point, votre commission avait souhaité que les modalités de désinscription du Système d'information Schengen, lorsque l'étranger a été l'objet d'une interdiction de retour mais que celle-ci a été annulée par le juge administratif ou, si l'étranger a obtempéré dans le délai imparti à une OQTF, que celle-ci a été abrogée) ainsi que les modalités par lesquelles un étranger qui a obtempéré à une mesure d'éloignement pourra obtenir l'abrogation de l'éventuelle interdiction de retour soient précisées par voie réglementaire. Elle avait donc adopté un amendement en ce sens. Cette modification a été approuvée par l'Assemblée nationale en seconde lecture.

Les députés ont enfin adopté en séance, contre l'avis du gouvernement et de la commission des lois, un amendement de M. André Schneider, qui prévoit que « l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sauf s'il a été placé en rétention ou si, au vu de son dossier, il a déjà bénéficié de son aide ». Ces dispositions figurent cependant déjà, soit à l'article 34 du présent projet de loi (pour l'impossibilité de bénéficier de l'aide au retour dans les centres de rétention), soit dans la partie réglementaire du CESEDA (pour les dispositions permettant à l'administration de mettre en place un fichier destiné à éviter que les mêmes personnes reçoivent plusieurs fois l'aide au retour : article R 611-35). Votre commission les a donc supprimées.

Les modifications apportées par votre commission

Le seul point de désaccord important entre les deux assemblées réside ainsi dans le caractère achevé ou non de l'énumération des éléments que l'administration devra prendre en compte afin de prononcer ou non une interdiction de retour.

Votre commission a estimé qu'il était souhaitable d'encadrer l'action de l'administration sur ce point. Elle a donc adopté un amendement de votre rapporteur supprimant à nouveau le mot « notamment ».

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .


* 17 Le cinquième alinéa du III permet ainsi à l'autorité administrative de prononcer une interdiction de retour, pour une durée maximale de deux ans, lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire.

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