Article 3 Reconduction jusqu'au 31 décembre 2016 du recours à la procédure d'expropriation d'extrême urgence pour la construction d'établissements pénitentiaires

Cet article vise à reconduire jusqu'au 31 décembre 2016 la faculté ouverte par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice de recourir à la procédure accélérée d'expropriation pour cause d'utilité publique pour la construction d'établissements pénitentiaires.

La procédure d'expropriation de droit commun s'articule autour de trois étapes successives : la déclaration d'utilité publique, le transfert de propriété, la fixation des indemnités -soit, en moyenne, un délai d'un an à compter de la déclaration d'utilité publique.

Cette procédure peut être accélérée sous deux formes :

- la procédure d'urgence simple (articles L. 15-4 et L. 15-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique) permet de réduire les délais de la phase indemnitaire en autorisant la prise de possession moyennant le paiement d'une indemnité (ou le cas échéant la consignation d'une somme provisionnelle correspondant à ce montant) ;

- la procédure d'extrême urgence raccourcit quant à elle l'ensemble de la procédure : absence d'enquête préalable, compétence pour prononcer l'envoi en possession des terrains transférée du juge à l'administration 32 ( * ) .

Certes la procédure est entourée de plusieurs garanties : elle ne peut concerner que des terrains non bâtis lorsque leur prise de possession risque de retarder des travaux de construction. Elle est subordonnée à un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat. En outre, la prise de possession ne peut avoir lieu qu'après paiement provisionnel d'une somme égale à l'évaluation du service des domaines ou à l'offre de l'autorité expropriante si celle-ci est supérieure -« en cas d'obstacle au paiement ou de refus de recevoir, cette condition est remplacée par l'obligation pour l'administration de consigner la somme correspondante ». Si l'administration ne poursuit pas la procédure d'expropriation dans le mois qui suit la prise de possession comme la loi le lui impose (article L. 15-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique), le propriétaire a la faculté de saisir le juge afin que ce dernier prononce le transfert de propriété s'il n'a pas encore été ordonné et fixe le prix du terrain et, éventuellement, l'indemnité spéciale aux intéressés qui justifient d'un préjudice lié à la rapidité de la procédure.

En tout état de cause, la procédure a pour avantage de permettre à l'Etat de prendre possession des terrains sans attendre que soit opéré le transfert de propriété par voie d'ordonnance judiciaire .

Le Gouvernement avait souhaité lors de la mise en oeuvre du programme « 13.200 » places pouvoir utiliser l'expropriation d'extrême urgence pour les terrains bâtis -cette extension du champ d'application de la procédure d'extrême urgence impliquait l'intervention du législateur 33 ( * ) .

Dans ce cadre, le législateur avait ajouté deux séries de garanties à l'égard des personnes concernées par l'expropriation :

- d'une part, en vertu de l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme, si l'éviction est définitive, tous les occupants doivent se voir proposer au moins deux solutions de relogement ; ils bénéficient en outre des droits de priorité et de préférence soit pour obtenir un nouveau logement dans un local soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré, soit pour bénéficier d'un prêt à l'accession à la propriété ; ce droit de priorité peut concerner enfin l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération ou de parts ou actions d'une société immobilière donnant vocation à l'attribution d'un tel local ;

- d'autre part, en application de l'article L. 314-6 du même code, les commerçants et artisans peuvent être indemnisés s'ils justifient d'un préjudice causé par la réduction progressive des facteurs locaux de commercialité et s'engagent à cesser leur activité et, s'ils sont locataires, à quitter les lieux dès le versement de l'indemnité.

Le projet de loi propose de reconduire dans les mêmes termes ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2016 afin de mettre en oeuvre la construction de plus de 24.000 places nettes. Selon l'étude d'impact, « vingt-trois projets sont en cours d'étude ou de réalisation. Pour un certain nombre d'entre eux, les sites ont été identifiés ; pour d'autres, les recherches de sites sont en cours. Dans le cadre du projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines, une trentaine de sites nouveaux devront également être recherchés pour construire des établissements spécifiques pour les courtes peines. Ces établissements devront être localisés dans des zones très urbanisées ». L'administration pénitentiaire ne dispose guère de réserve foncière préalable pour l'implantation de ces nouvelles structures -à l'exception des sites de Bordeaux et de Marseille. Tel était le cas lors de la réalisation du programme « 13.200 » places et néanmoins l'Etat n'a jamais fait usage de la procédure d'extrême urgence . L'intérêt de ce dispositif dérogatoire peut laisser perplexe.

Par cohérence avec son opposition à l'accroissement du parc pénitentiaire prévu par l'annexe du présent projet de loi, votre commission, sur proposition conjointe de sa rapporteure, des membres du groupe socialiste et des membres du groupe CRC, a supprimé l'article 3.


* 32 La procédure est la suivante : sur la base d'un projet motivé comportant un plan parcellaire fixant les terrains que l'administration se propose d'occuper, le Conseil d'Etat peut « à titre exceptionnel » autoriser la prise en possession de ces terrains. Dans les vingt-quatre heures de la réception de ce décret, le préfet prend des arrêtés autorisant l'administration intéressée à prendre possession des terrains (notification de la mesure au propriétaire et rédaction d'un procès-verbal de prise de possession en présence de celui-ci).

* 33 L'exemple le plus récent d'une telle autorisation concerne l'aménagement de la nouvelle branche du tram-train T4 en Ile de France jusqu'à Clichy-sous-Bois et Montfermeil (loi du 12 juillet 2010 - article 53).

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