CHAPITRE II DISPOSITIONS VISANT À AMÉLIORER L'EXÉCUTION DES PEINES
Article 4A (nouveau) (art. 132-24 du code pénal) Aménagement systématique des peines d'emprisonnement ferme inférieures ou égales à trois mois
Cet article, introduit par votre commission à l'initiative de sa rapporteure, prévoit l'aménagement systématique des peines d'emprisonnement ferme inférieures ou égales à trois mois.
Il s'inscrit dans le prolongement de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. En effet, dans la nouvelle rédaction issue de ce texte, l'article 132-24 du code pénal pose deux principes fondamentaux :
- en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ;
- lorsqu'une telle peine est prononcée, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement de peine (semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement de peines).
La disposition proposée ici marque une avancée supplémentaire : dans tous les cas , une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée égale ou inférieure à trois mois devrait faire l'objet d'un aménagement.
En effet, de l'avis de la grande majorité des acteurs de la chaîne pénale rencontrés par votre rapporteure, une incarcération pour une aussi courte période provoque une rupture des liens sociaux existants sans que, par ailleurs, puisse être conduit pendant le temps de détention une action efficace en faveur de la réinsertion.
Votre commission a adopté l'article 4A (nouveau) ainsi rédigé .
Article 4B (nouveau) (Chapitre I bis [nouveau], art. 712-1-A à 712-1-F [nouveaux] du code de procédure pénale Interdiction du dépassement de la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires
Cet article, introduit dans le projet de loi sur proposition de votre rapporteure, reprend le premier volet de la proposition de loi présentée par MM. Dominique Raimbourg, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues députés, visant à instaurer un mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire 34 ( * ) . Il tend à insérer dans le code de procédure pénale un nouveau chapitre constitué de six articles afin de réguler les flux d'entrée et de sortie des personnes détenues.
Le dispositif proposé repose sur le principe affirmé dans un nouvel article 712-1 A du code de procédure pénale, qu'« aucune détention ne peut ni être effectuée ni mise à exécution dans un établissement pénitentiaire, au-delà du nombre de places disponibles ».
Le second alinéa du nouvel article 712-1 A prévoit que « pour permettre l'incarcération immédiate des nouveaux condamnés, des places sont réservées dans chaque établissement, afin de mettre en oeuvre le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire prévu à l'alinéa précédent. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en oeuvre de ce mécanisme ». Ainsi, lorsque le parquet estimera nécessaire de ramener immédiatement à exécution une peine d'emprisonnement, ou lorsqu'un placement en détention provisoire sera décidé par un juge des libertés et de la détention, l'incarcération immédiate sera possible en permanence grâce à l'utilisation du volant de places réservées qui pourrait représenter 5 % de la capacité de l'établissement.
Comme l'indiquait M. Dominique Raimbourg dans son rapport 35 ( * ) , « la régulation de la surpopulation s'opérera alors par la mise en oeuvre du mécanisme prévu aux nouveaux articles 712-1 B à 712-1 F. Ainsi, aux termes de l'article 712-1 B, lorsque l'admission d'un détenu obligera à utiliser l'une de ces places réservées, la direction de l'établissement devra mettre en oeuvre l'une des possibilités d'aménagement de peine prévues par la loi pour une des personnes détenues dans l'établissement et éligible à l'un de ces aménagements. Selon les cas, il pourra s'agir soit d'un aménagement de peine stricto sensu (placement extérieur, semi-liberté, suspension de peine, fractionnement de peine, placement sous surveillance électronique, libération conditionnelle) qui sera décidé dans les formes simplifiées prévues aux articles 723-19 à 723-27 du code de procédure pénale, soit d'un placement sous surveillance électronique (PSE) « fin de peine » prévu à l'article 723-28 du code de procédure pénale. Quel que soit le cadre dans lequel elle se réalisera, cette libération sera naturellement subordonnée au respect par le condamné des conditions prévues par les textes tant en ce qui concerne les durées de peine prononcées ou restant à subir que s'agissant des garanties d'insertion ».
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, avait estimé, lors de son audition par l'auteur de la proposition de loi, que ce mécanisme, adossé au mécanisme simplifié d'aménagement de peine voté dans la loi pénitentiaire qui prévoit que l'aménagement est proposé par le directeur du SPIP et homologué par le juge de l'application des peines (JAP), apparaissait pertinent.
Afin de permettre que l'aménagement de peine ou le PSE « fin de peine » soient matériellement préparés et mis en oeuvre par le SPIP, ce qui ne saurait être exactement concomitant de l'incarcération en surnombre, il est proposé que la décision d'aménagement de peine ou de mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 723-28 du code de procédure pénale intervienne dans un délai de deux mois à compter de la date d'écrou du détenu entré en surnombre. Elle doit être mise en oeuvre sans délai. Loin d'aboutir à des libérations sèches ou à des libérations dans le cadre d'aménagements mal préparés, le mécanisme proposé agira en fait simplement comme un accélérateur d'un aménagement de peine qui, dans tous les cas, aurait fini par être décidé un peu plus tard.
Pour le cas, en principe exceptionnel, où aucun détenu ne pourrait être libéré dans le cadre d'un aménagement ou d'un PSE « fin de peine » dans le délai de deux mois, un nouvel article 712-1 D prévoit l'octroi, au bénéfice du « détenu le plus proche de la fin de peine dans l'établissement, choisi parmi ceux condamnés à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à deux ans ou ceux condamnés à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans (...), d'un crédit de réduction de peine égal à la durée de l'incarcération qu'il lui reste à subir ». Les articles 712-1 E et 712-1 F prévoient qu'« en cas d'égalité de situation entre deux ou plusieurs personnes condamnées », le crédit de réduction de peine prévu à l'article 712-1 D est octroyé en prenant en compte, dans cet ordre, les critères suivants : en premier lieu, l'absence ou le plus faible nombre de procédures disciplinaires ; en second lieu, la durée de peine prononcée la plus courte. La décision d'octroi du crédit de peine devrait intervenir dans les huit jours de l'expiration du délai de deux mois prévu précédemment.
Comme le relevait M. Dominique Raimbourg, « cet octroi d'une réduction particulière de réduction de peine a néanmoins vocation à rester subsidiaire : compte tenu des flux d'entrée et de sortie permanents des maisons d'arrêt, l'impossibilité absolue d'aménager une peine d'un détenu de l'établissement en remplissant les conditions apparaît peu vraisemblable. Du reste, cette réduction de peine exceptionnelle serait non seulement subsidiaire, mais aussi résiduelle : ici encore, les flux d'entrée et de sortie dans les maisons d'arrêt sont tels qu'il y a, chaque semaine voire chaque jour dans les établissements les plus importants, un ou plusieurs détenus sortants ».
Enfin, le paragraphe final de cet article prévoit que les dispositions relatives au mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire entrent en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la loi. Ce délai permettra aux autorités pénitentiaires de se préparer à sa mise en oeuvre et au Gouvernement d'adapter les moyens humains et matériels des services pénitentiaires de milieu ouvert aux nouveaux besoins d'accompagnement et de contrôle des condamnés libérés.
Votre commission a adopté l'article 4B (nouveau) ainsi rédigé .
* 34 http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2753.asp .
* 35 Dominique Raimbourg, instaurer un mécanisme de prévention de la surpopulation pénale, rapport n° 2941, commission des lois, novembre 2010. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r2941.asp