Article 4C (nouveau) (art. 733-1-A à 733-1-G [nouveaux] du code de procédure pénale) Libération conditionnelle aux deux tiers de la peine
Cet article, introduit dans le projet de loi à l'initiative de votre rapporteure, reproduit le second volet de la proposition de loi présentée par MM. Dominique Raimbourg, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues députés, visant à instaurer un mécanisme de prévention de la surpopulation pénale 36 ( * ) . Il tend à insérer sept articles dans le code de procédure pénale permettant la mise en place d'un mécanisme de libération conditionnelle au deux tiers de la peine.
Votre commission partage avec les auteurs de la proposition de loi et avec les acteurs de la justice et de l'exécution des peines, la conviction de l'efficacité du mécanisme de la libération conditionnelle pour prévenir la récidive.
Définie dans son objet et ses conditions par l'article 729 du code de procédure pénale, la libération conditionnelle « tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive ». Aujourd'hui, peuvent en bénéficier « les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté (...) s'ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale » et justifiant de l'une des cinq situations suivantes : « exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de leur assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle », « participation essentielle à la vie de leur famille », « nécessité de suivre un traitement médical », « efforts en vue d'indemniser leurs victimes » ou « implication dans tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion ».
Sous réserve des dispositions du code pénal relatives aux périodes de sûreté, l'article 729 prévoit que « la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui restant à subir ». Toutefois, pour les condamnés en état de récidive, cette mesure ne peut intervenir « que si la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir ». Dans le cas particulier des personnes condamnées pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, l'article 729 prévoit que la libération conditionnelle ne peut être accordée si la personne « refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines » et si elle « ne s'engage pas à suivre, après sa libération, le traitement qui lui est proposé ».
Comme l'observe M. Dominique Raimbourg dans son rapport, « les dispositions actuelles du code de procédure pénale présentent un défaut majeur : la libération conditionnelle n'y est conçue que comme un dispositif facultatif, accordé aux détenus les plus sûrs en termes de risque de récidive, ce qu'atteste le faible nombre de libérations conditionnelles accordées chaque année ».
La direction de l'administration pénitentiaire, dans son rapport d'activité pour 2009, s'interrogeait sur les moyens de développer cet aménagement de peine : « bénéficier d'une libération conditionnelle nécessite un projet particulièrement structuré. Accordée tardivement ou allongeant la durée du contrôle, elle n'est plus attractive. Le développement de cette mesure passe nécessairement par des modifications des conditions de son octroi. Sa relance pourrait passer, comme pour d'autres pays européens, par un système automatique, passage obligé vers une libération définitive ».
Le placement sous le régime de la libération conditionnelle demeurerait donc, pour les condamnés qui n'étaient pas en état de récidive, facultatif à compter de la moitié de leur peine, mais deviendrait, aux termes du nouvel article 733-1 A, de droit « lorsque la durée de la peine accomplie est égale au double de la durée de la peine restant à subir et ce sauf avis contraire du juge de l'application des peines », c'est-à-dire aux deux tiers de la peine, sous réserve des dispositions relatives à la période de sûreté.
Pour les récidivistes, « qu'il convient surtout de ne pas exclure de cette règle de la libération conditionnelle de droit afin de garantir qu'ils ne sortent pas de prison sans accompagnement ni contrôle », le moment où ils deviendraient éligibles à la libération conditionnelle coïnciderait avec le moment où celle-ci serait de droit, toujours sous réserve d'opposition du juge de l'application des peines .
Afin de permettre la mise en place selon une procédure simplifiée de cette libération conditionnelle de droit, le nouvel article 733-1 B prévoit que le dossier de chacun des condamnés éligibles est examiné en temps utile par le directeur du SPIP, « afin de déterminer, après avis du chef d'établissement pénitentiaire, la mesure de libération conditionnelle la mieux adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale ». Conformément à la procédure simplifiée d'aménagement prévue depuis la loi pénitentiaire par les articles 723-19 et suivants du code de procédure pénale et, hormis en cas d'absence de projet sérieux d'insertion ou de réinsertion ou d'impossibilité matérielle de mettre en place une mesure de libération, il incomberait ensuite au directeur du SPIP, après avoir obtenu l'accord du condamné à la mesure qui lui est proposée, d'adresser au procureur de la République, en vue de la saisine du juge de l'application des peines (JAP), une proposition de libération comprenant, le cas échéant, une ou plusieurs des obligations et interdictions énumérées à l'article 132-45 du code pénal. Le procureur de la République disposerait alors d'une alternative entre transmettre la proposition pour homologation au juge de l'application des peines, lequel devrait dans un délai de trois semaines accorder ou refuser l'homologation, ou informer le juge de l'application des peines qu'il n'estime pas la proposition justifiée, le JAP disposant de la faculté d'accorder l'aménagement proposé ou un autre aménagement malgré l'avis contraire du procureur de la République.
En application du nouvel article 733-1 C, la décision de refus d'homologation devrait être prise par une ordonnance motivée du JAP, qui serait susceptible de recours par le condamné et par le procureur de la République devant le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel. À défaut de réponse du JAP dans le délai de trois semaines, le nouvel article 733-1 D prévoit que le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pourrait, « sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d'aménagement ». Cette décision, qui serait préalablement notifiée au JAP, constituerait alors une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.
Le nouvel article 733-1 F prévoit que, après homologation par le JAP ou mise à exécution par le directeur du SPIP de la proposition d'aménagement, la mesure d'aménagement sera « directement mise en oeuvre dans les meilleurs délais par le service pénitentiaire d'insertion et de probation. En cas d'inobservation par le condamné de ses obligations, le directeur du service saisit le juge de l'application des peines aux fins de révocation de la mesure conformément aux dispositions de l'article 712-6. Le juge peut également se saisir d'office à cette fin, ou être saisi par le procureur de la République ».
Enfin, dans une logique de préparation à la sortie et de retour progressif et encadré à la liberté, le nouvel article 733-1 G permet au directeur du SPIP d'« adresser au procureur de la République, aux fins de saisine du juge de l'application des peines, une proposition de permission de sortir » destinée à préparer le futur aménagement.
Votre commission a adopté l'article 4C (nouveau) ainsi rédigé .
* 36 http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2753.asp .