Article 4 (art. 41 et 81 du code de procédure pénale) Compétence de principe du secteur associatif habilité pour réaliser les enquêtes présententielles

Cet article tend à confier par priorité les enquêtes présententielles au secteur associatif, que le procureur de la République ou le juge d'instruction peut aujourd'hui confier indifféremment au service pénitentiaire d'insertion et de probation, au service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou à toute personne habilitée.

Au titre de ses attributions générales énumérées à l'article 41 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut demander la réalisation d'une enquête de personnalité destinée, d'une part, à l'informer sur la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne faisant l'objet d'une enquête ; d'autre part à l'informer sur les « mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressé ». Ces diligences sont obligatoires avant toute réquisition de placement en détention provisoire dans quatre cas de figure :

- en cas de poursuites contre un majeur âgé de moins de 21 ans au moment de la commission de l'infraction lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement ;

- en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate prévue par les articles 395 à 397-6 du code de procédure pénale ;

- en cas de poursuites selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue par les articles 495-7 à 495-13 du code de procédure pénale ;

- lorsque la personne a fait connaître qu'elle exerce à titre exclusif l'autorité parentale sur un mineur de 16 ans ou plus ayant chez elle sa résidence (ces diligences ne sont en revanche pas nécessaires en cas de crime, en cas de délit contre un mineur ou en cas de non respect des obligations du contrôle judiciaire) - article 145-5 du code de procédure pénale.

De même, une enquête est obligatoire avant que ne soient engagées des poursuites à l'encontre d'un étranger pour une infraction susceptible d'entraîner le prononcé d'une mesure d'interdiction du territoire français lorsque l'intéressé déclare se trouver dans l'une des situations visées par l'article 131-30-1 (justifiant alors une décision spécialement motivée de la juridiction) ou par l'article 131-30-2 (rendant impossible le prononcé d'une peine d'interdiction du territoire) du code pénal. Ces diligences peuvent cependant être écartées en cas de poursuite des chefs d'entrée ou séjour irrégulier ou de soustraction à une mesure d'interdiction du territoire ou de reconduite à la frontière. Aux termes de l'article 41 (9 ème alinéa) du code de procédure pénale, les déclarations de la personne de nationalité étrangère doivent être vérifiées par l'officier de police judiciaire, le SPIP, le service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou toute personne habilitée.

Le juge d'instruction, en application de l'article 81 du code de procédure pénale, peut également demander au SPIP, au service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou à toute association habilitée une enquête présententielle sur la personne mise en examen. A moins qu'elle ait déjà été prescrite par le ministère public, cette enquête est obligatoire chaque fois que le juge d'instruction envisage de placer en détention provisoire un majeur âgé de moins de 21 ans au moment des faits lorsque la peine encourue n'excède pas 5 ans d'emprisonnement.

Le projet de loi tend à prévoir que la compétence pour effectuer ces enquêtes reviendra à une personne habilitée dans les conditions prévues par l'article 81 ou, « en cas d'impossibilité matérielle », au SPIP. Le projet de loi initial prévoyait le recours au SPIP lorsqu'il n'existait pas une personne habilitée dans le ressort du tribunal, rédaction estimée trop restrictive par les députés parce qu'elle ne prenait pas en compte l'insuffisance des moyens humains ou matériels du secteur associatif susceptible de justifier un recours au SPIP. Votre rapporteure ne peut que s'étonner de ce raisonnement qui conduit à faire des SPIP la variable d'ajustement des moyens du secteur associatif.

Les personnes physiques ou morales appelées à mener ces enquêtes devront être habilitées dans les conditions prévues par les articles R. 15-34 et suivant du code de procédure pénale. L'habilitation est délivrée, après instruction, par l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet du tribunal ou de la cour d'appel. Une convention signée avec la personne morale détermine ces conditions d'intervention.

Par ailleurs, s'agissant des enquêtes menées sur les déclarations d'un étranger pour une infraction susceptible d'entraîner le prononcé d'une mesure d'interdiction du territoire français, la compétence de l'officier de police judiciaire « suivant les cas » est maintenue dans les termes actuels de l'article 41 du code de procédure pénale.

Les modifications proposées par cet article sont destinées, selon le Gouvernement, à recentrer les SPIP sur leur « mission première de suivi des personnes condamnées ». Selon l'étude d'impact, les SPIP ont réalisé 16.552 enquêtes sociales rapides en 2010 soit la mobilisation de 131 ETP pour un coût de 6,7 millions d'euros. Les associations ont accompli 10.823 enquêtes rapides pour un montant de 1,9 million d'euros (actuellement financé au titre des frais de justice). Le transfert des enquêtes rapides réalisées par les SPIP représenteraient un coût de 2,9 millions d'euros en année pleine.

L'attention de votre rapporteure a été attirée sur les difficultés financières des personnes habilitées pour mener ces enquêtes sociales compte tenu des retards dans le remboursement de leurs prestations au titre de frais de justice. Faut-il par ailleurs ajouter que les personnes physiques, directement réglées par les régies des tribunaux, ne cotisent pas aux régimes de sécurité sociale, pratique contraire aux dispositions du décret du 17 janvier 2000 qui prévoit que les collaborateurs occasionnels du service public de la justice sont « affiliés au régime général de la sécurité sociale » ?

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 41 du code de procédure pénale introduit des rigidités procédurales par rapport au droit en vigueur. Ainsi, comme l'ont relevé plusieurs des magistrats rencontrés par votre rapporteure, elle aura pour effet d'obliger le parquet à saisir par principe les personnes privées même si celles-ci ne sont pas en mesure -malgré leur habilitation- de fournir un service de qualité. En outre, certains prévenus sont déjà suivis en post-sentenciel par le SPIP, dès lors plus à même d'informer rapidement le tribunal et d'éclairer l'enquête de personnalité à la lumière du suivi en cours.

En conséquence, sur proposition conjointe de sa rapporteure, des membres du groupe socialiste et des membres du groupe CRC, la commission a supprimé l'article 4.

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