Article 5 (art. 717-1, 721 et 729 du code de procédure pénale) Renforcement de l'incitation aux soins en détention
Cet article tend à modifier trois articles du code de procédure pénale afin de renforcer l'incitation aux soins en détention.
Depuis plusieurs années, le législateur s'est efforcé de rechercher un équilibre entre le principe du consentement aux soins (une personne jugée pénalement responsable de ces actes ne saurait être soignée de force) et l'exigence d'une prise en charge thérapeutique inscrite dans le parcours de réinsertion de la personne condamnée.
Cet équilibre se décline différemment selon que la personne condamnée est détenue ou libre. Dans le second cas de figure, l'exigence de soins s'impose plus fortement à l'intéressé, soit sous la forme d'une obligation de soins dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve (article 132-45 du code pénal), soit surtout sous la forme de l' injonction de soins lorsqu'un suivi socio-judiciaire est prononcé (article 131-36-4 du code pénal) ou dans le cadre d'une surveillance judiciaire (article 723-30 du code de procédure pénale) ou de la libération conditionnelle (article 731-1 du code de procédure pénale) lorsqu'un suivi socio-judiciaire est encouru.
Ainsi lorsque la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire, le président de la juridiction de jugement rappelle à l'intéressé qu'à l'issue de sa libération -et pendant la période pendant laquelle il est soumis à l'injonction de soins- « aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que, s'il refuse les soins qui lui sont proposés, l'emprisonnement prononcé 39 ( * ) pourra être mis à exécution » (article 131-36-4, 2 ème alinéa, du code pénal).
En détention , la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire ne peut être soumise à une obligation de soins considérée comme contraire à la déontologie médicale. Elle est néanmoins fortement incitée à suivre un traitement. Ainsi, elle est avisée par le président de la juridiction qu'elle aura la possibilité de commencer un traitement pendant l'exécution de sa peine privative de liberté (article 131-36-4, 3 ème alinéa, du code de procédure pénale).
En outre, la personne pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire permettant d'assurer un suivi médical et psychologique adapté. Elle est informée par le juge de l'application des peines de la possibilité de suivre un traitement si un médecin estime que cette personne est susceptible de bénéficier d'un tel traitement (article 717-1 du code de procédure pénale). Lorsque la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire, elle est immédiatement informée par le juge de l'application des peines de la possibilité d'entreprendre un traitement (cette information étant au moins renouvelée une fois tous les ans lorsque l'intéressé ne consent pas à suivre ce traitement -article 763-7 du code de procédure pénale).
Certains aménagements de peine sont, en outre, subordonnés au suivi d'un traitement.
Ainsi le juge de l'application des peines peut ordonner le retrait des réductions de peine si une personne condamnée pour un crime ou un délit, commis sur mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle, refuse les soins qui lui sont proposés (article 721, 3 ème alinéa, du code de procédure pénale).
De manière plus impérative, la personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru qui refuse de suivre le traitement proposé pendant son incarcération ne pourra bénéficier ni des réductions de peine supplémentaires, sauf décision contraire du juge de l'application des peines (article 721-1, premier alinéa, du code de procédure pénale) ni d'une libération conditionnelle.
Pour permettre au juge de l'application des peines de se prononcer sur l'octroi d'une réduction de peine supplémentaire, l'article 717-1 du code de procédure pénale prévoit que le médecin traitant de la personne détenue délivre à celle-ci des attestations de suivi du traitement (notion plus étendue que l'acceptation ou le refus d'un traitement) afin de lui permettre d'en justifier auprès du juge de l'application des peines.
Le projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait que le médecin délivrait directement copie de ces attestations sous pli fermé au juge de l'application des peines tous les trimestres ou chaque fois que ce magistrat le demandait 40 ( * ) .
Une telle disposition aurait sapé le lien de confiance indispensable à une thérapie et qu'il est toujours difficile de construire dans un espace où le patient n'a pas le choix de son médecin et subit, de manière générale, une forte contrainte. Ces mécanismes peuvent conduire la personne détenue à s'engager de manière artificielle dans des suivis aux seules fins d'obtenir des remises de peine.
Face aux réactions suscitées au sein du corps médical par cette disposition, l'Assemblée nationale est opportunément revenue au principe selon lequel les attestations sont transmises exclusivement au patient, à charge pour celui-ci de les remettre au juge de l'application des peines.
Néanmoins, l'Assemblée nationale a réintroduit une périodicité trimestrielle pour cette délivrance, pourtant supprimée par sa commission des lois.
Or, comme l'ont observé les représentants de l'association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire lors de leur rencontre avec votre rapporteure, un traitement, notamment psychothérapeutique, peut être interrompu pendant plusieurs mois afin de permettre une maturation progressive de la nécessité d'un accompagnement psychologique.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a précisé que les expertises sont adressées au médecin traitant à sa demande ou à l'initiative du juge de l'application des peines. Celui-ci peut adresser toute autre pièce utile du dossier. Il est tenu de lui communiquer la décision de condamnation. Cette dernière mesure, en particulier, ne semble ni réaliste, ni vraiment justifiée. Il est fréquent que le juge de l'application des peines ne dispose pas du jugement de condamnation (il en est ainsi chaque fois qu'une personne est incarcérée sur mandat de dépôt dans le cadre d'une comparution immédiate) et, dans le cas contraire, la charge que représentera pour le greffe la copie et la transmission de milliers de pièces judiciaires semble hors de mesure avec l'intérêt de ces documents pour le médecin (voir commentaire de l'article 4 bis ).
Enfin, le projet de loi, non modifié sur ce point par l'Assemblée nationale, prévoit que le juge de l'application des peines peut retirer des réductions de peine ou refuser des réductions de peine supplémentaires et la libération conditionnelle non seulement lorsque la personne condamnée refuse les soins qui lui sont proposés comme tel est actuellement le cas mais aussi lorsque le magistrat est « informé, conformément aux dispositions de l'article 717-1, que le condamné ne suit pas de façon régulière le traitement qui lui a été proposé ». Il est préférable d'en rester sur, ce point aussi, au droit en vigueur.
Compte tenu de ces observations, votre commission, sur proposition conjointe de sa rapporteure, des membres du groupe socialiste et des membres du groupe CRC, a supprimé l'article 5.
* 39 En effet, l'inobservation par le condamné des obligations résultant du suivi socio-judiciaire est sanctionnée par un emprisonnement dont la durée doit être initialement fixée par la décision de condamnation.
* 40 Dans le milieu ouvert, cette information reste une simple faculté laissée à l'appréciation du médecin traitant sauf lorsque l'interruption du traitement intervient contre son avis ; dans ce cas, le médecin traitant est tenu de signaler sans délai au médecin coordonnateur qui en informe immédiatement « dans le respect des dispositions relatives au secret médical » le juge de l'application des peines (en cas d'indisponibilité du médecin coordonnateur, le médecin traitant peut informer directement le juge de l'application des peines du refus ou de l'interruption du traitement) (article L. 3711-3, premier alinéa, du code de la santé publique).