Article 8 (art. L. 315-2 du code de l'action sociale et des familles) Dispense d'appel à projet pour la création d'établissements et de services relevant du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse

Le présent article propose de dispenser les établissements et services relevant du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de la procédure d'appel à projet créée par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi HPST »), dans le but de faciliter la création des 20 nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) annoncée par le Gouvernement.

La loi « HPST » du 21 juillet 2009 a remplacé l'ancienne procédure d'autorisation des établissements et services sociaux et médico-sociaux - dont font partie les services et établissements relevant de la PJJ - par une procédure d'appel à projet, permettant de rationaliser l'offre de prise en charge sur le territoire.

Cette procédure impose à l'autorité administrative, au vu des besoins définis dans le cadre des instances de planification et de programmation et au regard des financements disponibles, de lancer un appel à projet sur la base d'un cahier des charges. Une commission de sélection est alors chargée d'établir, après instruction des projets reçus, un classement de ces derniers ; sauf cas particulier, l'autorisation de création du service ou de l'établissement est délivrée au projet classé en tête de liste.

La protection judiciaire de la jeunesse présente des spécificités au sein de la catégorie des services et établissements sociaux et médico-sociaux, puisque les mineurs délinquants qui lui sont confiés par les juridictions pour enfants dans le cadre d'une mesure pénale ont vocation à être pris en charge, soit par l'un des 264 services et établissements relevant du secteur public de l'Etat (gestion « en régie »), soit par l'un des 1 293 services et établissements relevant du secteur associatif habilité, qui sont gérés par 573 associations 44 ( * ) .

En l'état du droit, certains projets relevant de la PJJ sont d'ores et déjà exclus de la phase d'appel à projet. Il s'agit :

- des projets de création d'établissements et services du secteur public dont les missions ne sont pas susceptibles d'être exercées par le secteur associatif habilité (services éducatifs auprès du tribunal, services territoriaux éducatifs de milieu ouvert et services territoriaux éducatifs de milieu ouvert et d'insertion) ;

- des projets d'extension inférieure ou égale à 30%, 15 places ou lits de la capacité initialement autorisée des établissements et services (secteur public et secteur associatif habilité) ;

- des opérations de regroupement d'établissements ou de services préexistants qui ne s'accompagnent pas d'une augmentation de plus de 30%, 15 places ou lits de la capacité globale initialement autorisée (secteur public et secteur associatif habilité) ;

- enfin, des transferts d'autorisation lorsqu'ils ne s'accompagnent pas d'un changement de public ou de capacité.

Le présent article propose d'élargir le champ de ces exceptions, en prévoyant que l'ensemble des établissements et services du secteur public de la PJJ seront désormais exemptés de la procédure d'appel à projet.

Ce faisant, cet article a un champ bien plus large que l'objectif qu'il poursuit , qui est de faciliter l'implantation de 20 nouveaux CEF par transformation de foyers d'hébergement existants, conformément aux engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen de la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale indique à ce sujet qu' « il ne semble pas souhaitable que les services de la protection judiciaire de la jeunesse soient mis en concurrence avec des acteurs privés pour assurer la gestion d'établissements et services répondant à une mission régalienne. En l'état actuel du droit, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ne dispose plus de la liberté de répondre par elle-même aux besoins constatés » 45 ( * ) .

Or force est de constater que l'étude d'impact est muette sur les conséquences que cette modification législative pourrait avoir sur l'ensemble de l'offre de prise en charge supervisée par la PJJ, notamment sur le secteur associatif habilité.

En outre, la modification proposée par cet article paraît procéder de considérations totalement étrangères à l'objet du présent projet de loi , qui est de faciliter l'exécution des peines prononcées par les juridictions.

Au demeurant, votre commission a déjà eu à plusieurs reprises l'occasion d'exprimer ses plus vives réserves quant à ce projet d'extension du nombre de centres éducatifs fermés au détriment d'autres structures d'hébergement .

Comme l'indiquait à votre rapporteure M. Jean-Louis Daumas, directeur de la PJJ, lors de son audition, les « foyers classiques » (ou établissements de placement éducatif - EPE) disposent à l'heure actuelle d'une capacité de 950 places, réparties dans 70 unités ; les CEF offrent quant à eux une capacité d'environ 500 places réparties dans 44 centres (dont les trois quarts sont gérés par le secteur associatif habilité). Le but poursuivi par le Gouvernement est de procéder à un rééquilibrage entre ces deux dispositifs, en transformant 20 EPE en CEF. A terme, la capacité d'accueil des EPE serait de 760 places, tandis que celle des CEF serait portée à 750 places. 90 ETP seraient dégagés afin de renforcer le taux d'encadrement des établissements affectés par cette transformation.

Or, comme le rappelait notamment notre collègue Nicolas Alfonsi dans son avis budgétaire consacré aux crédits alloués à la PJJ par le projet de loi de finances pour 2012, « votre rapporteur pour avis rejoint nos collègues Jean-Claude Peyronnet et François Pillet pour considérer cette orientation comme étant particulièrement préoccupante. Dans leur rapport d'information précité 46 ( * ) , nos collègues ont estimé que, « s'il [paraissait] certes nécessaire d'accroître le nombre de places en CEF, afin de répondre aux besoins des magistrats, cet accroissement ne [devrait] pas se faire au détriment des foyers classiques, dont la capacité d'accueil devrait être au minimum maintenue ».

« En effet, une telle orientation aura pour effet d'appauvrir significativement la « palette » des réponses ouvertes aux juges des enfants, au préjudice de l'ensemble des mineurs concernés :

« - d'une part, les établissements de placement éducatif (foyers traditionnels) offrent un mode de prise en charge adapté à certains mineurs délinquants qu'il importe d'extraire de leur environnement habituel sans que, pour autant, ils présentent des difficultés telles qu'un placement en CEF soit nécessaire ;

« - d'autre part, un placement en CEF - ou une détention - ne peut être qu'une étape dans le parcours du jeune, qui doit pouvoir bénéficier d'une continuité du suivi éducatif à l'issue du dispositif, dans un foyer ou dans un service de milieu ouvert. Or, comme l'ensemble des professionnels concernés le reconnaissent, les « sorties sèches » de détention ou de centre éducatif fermé ne peuvent que favoriser la réitération et l'échec des prises en charge - coûteuses - assurées par la collectivité nationale » 47 ( * ) .

En conséquence, votre commission ne peut qu'être défavorable à cet article.

Sur proposition conjointe de sa rapporteure, des membres du groupe socialiste et des membres du groupe CRC, votre commission a supprimé l'article  8.


* 44 Chiffres de juillet 2011.

* 45 Rapport n°4112 de M. Jean-Paul Garraud, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, décembre 2011, page 136.

* 46 « Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ? », rapport d'information n°759 (2010-2011), juillet 2011. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-759-notice.html .

* 47 Avis n°112 - tome XIV (2011-2012) de M. Nicolas Alfonsi, fait au nom de la commission des lois du Sénat sur les crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse par le projet de loi de finances pour 2012, page 30. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a11-112-14/a11-112-14.html .

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