Article 9 (art. 12-3 [nouveau] de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) Convocation dans un délai de cinq jours par les services de la protection judiciaire de la jeunesse d'un mineur faisant l'objet d'une mesure de milieu ouvert
Le présent article vise à prévoir qu'un mineur condamné à une mesure de milieu ouvert, dans le cadre d'une mesure éducative, d'une sanction éducative ou d'une peine, doit être obligatoirement convoqué devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse compétent dans un délai maximal de cinq jours.
Il propose, à cette fin, de modifier l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour la huitième fois depuis 2007.
1 - Des délais de prise en charge encore importants
Les délais d'exécution des décisions de justice sont fréquemment désignés comme l'une des difficultés principales de la justice pénale des mineurs. Comme le rappelait notre collègue Nicolas Alfonsi dans son avis budgétaire précité, « la réduction des délais d'exécution des mesures judiciaires constitue également un objectif essentiel permettant d'asseoir la crédibilité de l'autorité judiciaire et des décisions prononcées » 48 ( * ) .
Le délai total de prise en charge se décompose en deux temps :
- une première période maîtrisée par la juridiction, séparant la date de la décision du magistrat ou du tribunal de la date de notification de cette décision au service éducatif en charge de son exécution ;
- une seconde période, imputable au service éducatif, séparant la date de notification de la décision de la date de prise en charge du mineur par un éducateur.
Les délais d'exécution des mesures décidées par les juridictions pour mineurs diffèrent sensiblement selon les territoires et la nature de la mesure prononcée.
Comme l'indique notre collègue Nicolas Alfonsi dans son avis budgétaire, « le délai global de prise en charge du mineur par les services de la PJJ est [...] passé de 28,4 jours en 2002 à 20,6 jours en 2010.
« Cette amélioration globale dissimule néanmoins des disparités importantes selon le type de mesure prononcée :
« - un placement doit pouvoir être réalisé dans des délais très brefs : ce délai, qui était de presque cinq jours en 2002, a été ramené à près de deux jours en 2010 ;
« - en revanche, une mesure à exécuter en milieu ouvert, comme un travail d'intérêt général ou une réparation pénale, par exemple, nécessite un temps de préparation (définition du TIG ou de la réparation à faire réaliser par le mineur, identification de la personne publique ou de l'association où sera exécutée la mesure, etc.) : alors que le délai d'exécution de ces mesures était de 55 jours en 2002, il a été ramené à 36,7 jours en 2010 [...].
« S'il y a lieu de saluer et d'encourager cette diminution globale des délais de prise en charge, votre rapporteur pour avis appelle toutefois à interpréter ces données avec précaution.
« S'agissant des décisions de placement, il convient en effet de relever qu'un juge des enfants rend rarement une ordonnance de placement avant d'avoir effectivement trouvé une place dans un établissement, ce qui explique le très court délai de prise en charge des mineurs faisant l'objet d'une telle mesure.
« En outre, les données de la PJJ incluent les renouvellements de mesures, pour lesquels il n'y a pas d'attente, ce qui tend à faire diminuer mécaniquement la moyenne.
« Enfin, s'agissant des mesures réalisées par les services de milieu ouvert (investigation et mesures de milieu ouvert), les données transmises par la PJJ ne constituent que des moyennes : or, sur certains territoires à « forte densité pénale », on constate parfois de très longs délais d'exécution, et il n'y est pas rare qu'un mineur réitère alors même qu'une première mesure prise à son encontre n'a pas encore été exécutée.
« Ces difficultés persistantes ne sont pas nécessairement imputables à la PJJ. Par exemple, les mesures de travail d'intérêt général (2 848 mesures prononcées en 2009, soit trois fois plus qu'en 2003) ont un délai d'exécution très long : 18 mois en moyenne, d'après les informations communiquées par le ministère de la Justice, un tiers des peines de TIG étant exécutées plus d'un an après leur prononcé » 49 ( * ) .
L'étude d'impact annexée au projet de loi se fonde quant à elle sur le constat d'un délai moyen de prise en charge des mineurs dans le secteur public de la PJJ de 12 jours en moyenne - ce délai moyen incluant les investigations (hors RRSE) et mesures de milieu ouvert, mais non les mesures de placement. Toutefois, le Gouvernement admet que ce délai moyen peut atteindre 30 jours dans certains départements très sensibles.
Afin de faire face à ces difficultés, le Gouvernement avait annoncé, dans le cadre de la discussion de la loi de finances pour 2012, l'affectation de 50 nouveaux emplois spécifiquement dédiés à la prise en charge des mineurs en milieu ouvert dans les territoires connaissant les retards les plus importants (régions de Lille, Paris, Lyon et Marseille).
2 - L'obligation d'une prise en charge dans un délai maximal de cinq jours
Le présent article propose d'insérer dans l'ordonnance du 2 février 1945 un nouvel article 12-3 disposant que, lorsque le mineur fait l'objet d'une mesure pénale à l'exception d'un placement ou d'une peine d'emprisonnement, il est convoqué, dès la fin de l'audition ou de l'audience, devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse compétent dans un délai maximal de cinq jours ouvrables.
A cette fin, comme l'indique l'étude d'impact, il incombera au service de la PJJ de communiquer préalablement aux magistrats et juridictions des tableaux offrant des plages de convocations des mineurs, ainsi que, le cas échéant, aux bureaux de l'exécution des peines dont la généralisation est programmée.
Si le mineur ne se présente pas à la date fixée, le juge des enfants ou le juge d'instruction pourrait le convoquer s'il le juge utile, soit devant lui, soit, dans un délai maximal de dix jours, devant le service de la PJJ.
Comme l'a observé M. Jean-Louis Daumas, directeur de la PJJ, lors de son audition par votre rapporteure, la mise en oeuvre de ces dispositions ne sera pas possible sans l'affectation d'éducateurs supplémentaires dans les services connaissant les délais d'exécution les plus longs, à moins d'augmenter significativement le nombre de mineurs confiés à chaque éducateur (actuellement fixé à 25 mineurs par éducateur), ce qui ne paraît pas souhaitable. A cette fin, le rapport annexé au projet de loi prévoit le renforcement des effectifs en milieu ouvert dans 29 départements prioritaires par la création de 120 emplois d'éducateurs en 2013 et 2014 . Corrélativement, l'entrée en vigueur des dispositions créées par le présent article serait fixée au 1 er janvier 2014 .
3 - Une disposition d'affichage inutile
Comme l'ont observé l'ensemble des professionnels de la justice des mineurs entendus par votre rapporteure, les dispositions du présent article seront dépourvues de toute mise en oeuvre si les moyens nécessaires ne sont pas dégagés rapidement.
Tout d'abord, comme l'a souligné Mme Catherine Sultan, présidente de l'Association des magistrats de la jeunesse et de la famille, il convient de ne pas confondre l'obligation de convocation par le service éducatif dans un délai de cinq jours instaurée par le présent article, qui permettra une simple prise de contact entre le mineur et son éducateur, avec la mise en oeuvre effective, dans la durée et la continuité, de la mesure éducative.
En outre, l'ensemble des personnes entendues ont rappelé les diminutions de crédits et de personnels qu'avait subies la PJJ au cours des années récentes (diminution de 6,3% de son budget et suppression de 540 emplois sur la période 2008-2011 50 ( * ) ). Or les économies d'emplois permises par la restructuration des services déconcentrés de la PJJ et la fin des prises en charge au civil n'ont que partiellement compensé la charge de travail supplémentaire indue par l'augmentation du nombre de mineurs délinquants confiés à la PJJ sur la même période (+6,75% entre 2008 et 2010, +44% sur la période 2002-2010) et l'affectation d'effectifs nombreux en centres éducatifs fermés, en établissements pénitentiaires pour mineurs et en quartiers mineurs.
Aussi, si votre commission ne conteste pas l'objectif de réduction des délais de prise en charge des décisions des juridictions pour mineurs, force est de constater que l'objectif poursuivi par le présent article s'inscrit en contradiction avec les diminutions de moyens décidées depuis 2008.
En effet, votre commission observe que la réduction des délais d'exécution des décisions de justice pourrait être obtenue par la seule affectation de moyens supplémentaires aux services confrontés à une forte charge de travail , accompagnée, si nécessaire, d'instructions précises données aux greffes des juridictions et aux services de milieu ouvert pour améliorer les conditions d'exécution des décisions des juridictions pour mineurs : le recours à la loi ne constitue pas un préalable, et sera privé de toute exécution si les moyens nécessaires ne sont pas dégagés .
Opposée à cette disposition qu'elle considère comme une disposition d'affichage tant qu'elle ne s'accompagnera pas d'engagements concrets et effectifs quant à l'affectation de personnels supplémentaires aux services, votre commission, sur proposition conjointe de sa rapporteure, des membres du groupe socialiste et des membres du groupe CRC, a supprimé l'article 9.
* 48 Rapport précité, page 19.
* 49 Rapport précité, pages 19 et suivantes.
* 50 Voir l'avis budgétaire précité de notre collègue Nicolas Alfonsi.