Article 9 bis A (art. 133-16 du code pénal ; art. 736, 746, 775 et 783 du code de procédure pénale) Dispositions relatives à la réhabilitation
Le présent article, issu de deux amendements identiques du rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Jean-Paul Garraud, et de M. Eric Ciotti, visent à modifier les dispositions relatives à la réhabilitation.
1 - Règles relatives à la réhabilitation
La réhabilitation a pour effet d'effacer la condamnation ainsi que toutes les interdictions, incapacités et déchéances qui peuvent l'accompagner. Contrairement à l'amnistie, elle suppose l'exécution - réelle ou fictive 51 ( * ) - de la peine principale.
Il existe deux formes de réhabilitation :
- la réhabilitation légale, dite de plein droit, régie par les articles 133-12 à 133-17 du code pénal ;
- la réhabilitation judiciaire, régie par les articles 783 à 798-1 du code de procédure pénale.
La réhabilitation légale se produit par l'effet du temps lorsque la personne n'a subi au cours d'une période déterminée suivant l'exécution de la condamnation aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle (article 133-13 du code pénal).
Les délais courent à compter de l'exécution de la peine et varient selon la peine prononcée pour la condamnation :
- trois ans pour la condamnation à l'amende ou à la peine de jour-amende ;
- cinq ans pour la condamnation unique à une peine d'emprisonnement n'excédant pas un an ou une peine autre que pécuniaire ou privative de liberté ;
- dix ans dans l'hypothèse soit d'une condamnation unique à un emprisonnement n'excédant pas dix ans, soit de condamnations multiples à l'emprisonnement dont l'ensemble ne dépasse pas cinq ans.
Un délai unique de cinq ans est prévu pour la réhabilitation des personnes morales et s'applique aux condamnations à l'amende, à compter du jour du paiement de l'amende ou de la prescription accomplie, ainsi qu'aux condamnations à une peine autre que l'amende ou la dissolution à compter de l'exécution de la peine ou de la prescription accomplie.
La réhabilitation judiciaire peut, quant à elle, être sollicitée par le condamné, lorsque les conditions prévues pour la réhabilitation légale paraissent trop exigeantes ou lorsque la peine prononcée ne peut donner lieu à une telle réhabilitation (par exemple, une peine de réclusion criminelle). Elle ne peut être accordée avant l'expiration d'un certain délai - en principe cinq ans, trois ans ou un an selon que la peine prononcée était de nature criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle. Sauf exception, le condamné ne peut prétendre à la réhabilitation que s'il justifie du paiement de l'amende et des dommages-intérêts.
Dans le souci de ne pas faire obstacle aux règles sur la récidive, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a prévu le maintien des condamnations réhabilitées au bulletin n°1 du casier judiciaire, avec la mention selon laquelle la réhabilitation est intervenue, et a modifié le code pénal pour prévoir que ces condamnations pourraient être prises en compte pour la récidive.
2 - Modifications proposées par le présent article
En l'état du droit, l'article 133-16 du code pénal prévoit que la réhabilitation légale, qui intervient de plein droit à l'issue d'un certain délai (voir supra ) en l'absence de nouvelle condamnation, efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation.
Or, pour les auteurs de cet amendement, cette règle n'est pas cohérente lorsque la juridiction de condamnation a expressément prononcé ces incapacités et déchéances en fixant pour celles-ci une durée supérieure au délai de réhabilitation. D'ores et déjà, la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a prévu que, lorsqu'une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire ou d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs a été prononcée, la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin de la mesure.
Le présent article tend à compléter cet état du droit, en prévoyant l'hypothèse dans laquelle une juridiction aurait prononcé une interdiction, une incapacité ou une déchéance à titre définitif . Dans ce cas, la réhabilitation ne produirait ses effets qu'à l'issue d'un délai de 40 ans , qui correspond au délai maximal de conservation des condamnations au casier judiciaire.
A cette fin, seraient modifiés l'article 133-16 du code pénal, qui définit les effets de la réhabilitation, ainsi que les articles 736 et 746 du code de procédure pénale relatifs au sursis simple et au sursis avec mise à l'épreuve. Par coordination serait également modifié l'article 775 du code de procédure pénale, relatif aux mentions portées au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Enfin, l'article 783 du code de procédure pénale serait modifié pour prévoir qu'en cas de réhabilitation judiciaire accordée par la chambre de l'instruction, la réhabilitation produirait immédiatement ses effets. Comme l'indique l'exposé des motifs des deux amendements identiques, « la décision étant alors prise, en connaissance de cause, par la chambre de l'instruction, mais ne découlant pas de façon automatique de l'expiration d'un délai prévu par la loi, il est logique que l'interdiction puisse disparaître ».
L'entrée en vigueur de ces dispositions serait reportée au 1 er janvier 2015 afin de permettre d'apporter les adaptations nécessaires à l'application informatique du casier judiciaire.
3 - Des dispositions insuffisamment évaluées
Sans se prononcer sur le fond, votre commission des lois observe que ces dispositions - techniques et sans rapport avec aucune disposition du projet de loi initial - ont été intégrées au projet de loi lors de l'examen de ce dernier en séance publique par les députés. Compte tenu des délais extrêmement restreints dans lequel le Sénat est contraint de se prononcer, ces dispositions n'ont pas pu être évoquées lors des auditions. En outre, ces dispositions n'ont donné lieu à aucun débat à l'Assemblée nationale permettant d'éclairer le Sénat sur les éventuelles difficultés que pourrait soulever cet article.
En outre, votre commission observe que les dispositions relatives à la réhabilitation ont fait l'objet d'une importante réforme dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et que les difficultés justifiant l'adoption du présent article n'ont à aucun moment des débats été évoquées.
Considérant que les conditions d'examen du présent texte ne lui permettent pas de se prononcer en toute connaissance de cause sur cet article, votre commission des lois, sur proposition de sa rapporteure, a supprimé l'article 9 bis A.
* 51 L'article 133-17 du code pénal dispose que « pour l'application des règles sur la réhabilitation, la remise gracieuse d'une peine équivaut à son exécution ».