Article 9 bis B (art. 133-16-1 [nouveau] du code pénal ; art. 769, 770-1 [nouveau], 775, 775-1, 775-3 [nouveau], 777, 777-1 du code de procédure pénale ; art. 17 de la loi n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale) Transposition de deux décisions-cadre s'agissant de la prise en compte des condamnations étrangères pour les règles de réhabilitation des condamnations françaises et pour les règles relatives au casier judiciaire

Le présent article, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement lors de l'examen du projet de loi en séance publique, tend à adapter le code pénal et le code de procédure pénale aux règles issues des décisions-cadre 2008/675/JAI du Conseil du 24 juillet 2008 relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l'Union européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale et 2009/315/JAI du Conseil concernant l'organisation et le contenu des échanges d'informations extraites du casier judiciaire entre les États membres.

1 - Adaptation au droit communautaire des dispositions relatives à la réhabilitation

La décision-cadre 2008/675/JAI du 24 juillet 2008 relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l'Union européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale a pour but de déterminer les conditions dans lesquelles, à l'occasion d'une procédure pénale engagée dans un État membre à l'encontre d'une personne, les condamnations antérieures prononcées à l'égard de cette même personne dans un autre État membre pour des faits différents sont pris en compte. Elle a prévu que les mesures nécessaires pour se conformer à ses dispositions devraient être adoptées, au plus tard, le 15 août 2010 .

Le présent article tend à prendre en compte tardivement l'objectif poursuivi par cette décision-cadre s'agissant des décisions de réhabilitation.

Rappelons que l'article 133-13 du code pénal prévoit que la réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n'a subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle dans un certain délai qui dépend de la peine prononcée (voir supra le commentaire de l'article 9 bis A).

Le I du présent article propose d'insérer dans le code pénal un nouvel article 133-16-1, aux termes duquel, lorsque la personne a été condamnée par une juridiction pénale d'un État membre de l'Union européenne, la réhabilitation ne pourrait produire ses effets sur les condamnations françaises antérieures qu'à l'issue des délais suivants :

- lorsque la peine prononcée est une sanction pécuniaire, à partir de l'effacement de cette condamnation ou de l'écoulement d'un délai de trois ans à compter de son prononcé ;

- lorsque la peine prononcée est une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à partir de l'effacement de cette condamnation ou de l'écoulement d'un délai de dix ans à compter de son prononcé ;

- lorsque la peine prononcée est une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à dix ans, à partir de l'effacement de cette condamnation ou de l'écoulement d'un délai de 40 ans à compter de son prononcé ;

- enfin, lorsque la personne a été condamnée à une peine autre que celles qui viennent d'être mentionnées, à partir de l'effacement de cette condamnation ou de l'écoulement d'un délai de cinq ans à compter de son prononcé.

Ces délais correspondraient aux délais à l'issue desquels les condamnations françaises seraient susceptibles, en l'absence de nouvelle condamnation française, d'être réhabilitées malgré l'existence d'une condamnation étrangère.

Sans se prononcer sur le fond, qui ne présente aucun rapport avec aucune des dispositions initialement insérées dans le projet de loi, votre commission relève que le délai de transposition de cette décision-cadre était fixé au 15 août 2010. Dès lors, elle s'interroge sur les motifs qui ont conduit le Gouvernement à ne pas procéder à ces modifications plus tôt, alors même que les textes de procédure pénale n'ont pas manqué au cours des années récentes, et à les introduire par voie d'amendement en séance publique à l'Assemblée nationale, privant de ce fait votre commission, du fait des délais particulièrement contraints dans lesquels elle est tenue de se prononcer, de la possibilité d'évoquer ces dispositions dans le cadre des auditions et ainsi de se prononcer en toute connaissance de cause.

2 - Adaptation au droit communautaire des règles relatives au casier judiciaire

La décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 concernant l'organisation et le contenu des échanges d'informations extraites du casier judiciaire entre les États membres a pour objet :

- de définir les modalités selon lesquelles un État membre dans lequel est prononcée une condamnation à l'encontre d'un ressortissant d'un autre État membre transmet les informations relatives à cette condamnation à l'État membre de la nationalité de la personne condamnée ;

- de définir les obligations de conservation qui incombent à l'État membre de nationalité et de préciser les modalités que ce dernier doit respecter lorsqu'il répond à une demande d'informations extraites du casier judiciaire ;

- d'établir le cadre qui permettra de constituer et de développer un système informatisé d'échanges d'informations sur les condamnations pénales entre les États membres.

Le II du présent article modifie à cette fin les dispositions du code de procédure pénale relatives au casier judiciaire national.

L'article 769 du code de procédure pénale serait ainsi modifié afin de prévoir que les condamnations prononcées par une juridiction étrangère ne pourraient pas être retirées du casier judiciaire , comme c'est actuellement le cas des condamnations prononcées pour des faits imprescriptibles.

Seraient en revanche retirées du casier les condamnations prononcées par les juridictions étrangères, dès réception d'un avis d'effacement de l'État de condamnation ou d'une décision de retrait de mention ordonnée par une juridiction française. Il serait toutefois précisé que, si la condamnation a été prononcée par une juridiction d'un État membre de l'Union européenne, le retrait ordonné par une juridiction française ne pourrait faire obstacle à sa retransmission aux autres États membres de l'Union européenne ( 1° du II ).

Le 2° du II précise la procédure applicable lorsqu'un ressortissant français faisant l'objet d'une condamnation prononcée par une juridiction étrangère et inscrite au bulletin n°1 de son casier judiciaire souhaite demander le retrait de cette mention : la juridiction compétente serait alors le tribunal correctionnel de son domicile, ou le tribunal correctionnel de Paris s'il réside à l'étranger. L'intéressé ne pourrait toutefois formuler cette requête que dans les délais prévus à l'article 133-16-1 du code pénal, créé par le I du présent article (voir supra ). La requête serait instruite et jugée dans les conditions définies à l'article 703 du code de procédure pénale, qui définit les règles relatives aux demandes présentées par un condamné en vue d'être relevé d'une interdiction, d'une déchéance, d'une incapacité ou d'une mesure de publication. Enfin, il serait expressément indiqué que, si la condamnation émane d'une juridiction d'un État membre de l'Union européenne, le retrait de sa mention au bulletin n°1 ne devrait pas faire obstacle à sa retransmission aux autres États membres.

Alors que l'article 775 du code de procédure pénale prévoit à l'heure actuelle que les condamnations prononcées par les juridictions étrangères ne figurent pas sur le bulletin n°2, le 3° du II limite ces dispositions aux seules condamnations prononcées par des juridictions étrangères concernant un mineur ou dont l'utilisation à des fins autres qu'une procédure pénale a été expressément exclue par la juridiction de condamnation. Les autres condamnations seraient désormais portées au bulletin n°2 de la personne condamnée.

Le 4° du II précise la procédure applicable à un ressortissant français condamné par une juridiction étrangère souhaitant solliciter l'exclusion de la mention de cette condamnation du bulletin n°2. Le 7° du II procède à une coordination.

Le 5° du II prévoit que les informations communiquées au bulletin n°2 du casier judiciaire d'une personne, lorsqu'elles sont relatives à une condamnation prononcée par une juridiction étrangère, font l'objet d'un retrait dans les délais prévus au nouvel article 133-16-1 du code pénal, créé par le I du présent article (voir supra ).

Le 6° du II limite le champ du bulletin n°3 aux seules condamnations prononcées pour crime ou délit mentionnées à l'article 777 du code de procédure pénale par une juridiction nationale. Il permet toutefois la mention à ce bulletin des condamnations prononcées par les juridictions étrangères à des peines privatives de liberté d'une durée supérieure à deux ans qui ne sont assorties d'aucun sursis. Enfin, il autorise la transmission du bulletin n°3 à l'autorité centrale d'un État membre de l'Union européenne, lorsque celle-ci est saisie par la personne concernée.

Enfin, les III et IV fixent au 27 avril 2012 - date définie par la décision-cadre du 26 février 2009 pour l'adoption des mesures de transposition nécessaires à sa mise en oeuvre - l'entrée en vigueur des modifications précitées.

Ici encore, votre commission observe que ces dispositions techniques, qui ont une incidence essentielle sur le « droit à l'oubli » en matière judiciaire, ont été introduites par voie d'amendement en séance publique à l'Assemblée nationale dans des délais ne lui permettant pas de se prononcer en pleine connaissance de cause, alors même qu'au moins deux textes législatifs 52 ( * ) sont venus modifier les dispositions du code de procédure pénale relatives au casier judiciaire depuis l'adoption de cette décision-cadre.

S'interrogeant sur les motifs pour lesquels le Gouvernement n'a pas souhaité introduire ces dispositions dans un texte antérieur ou dès l'élaboration du présent projet de loi - ce qui aurait permis au Conseil d'Etat de les examiner et au Parlement de bénéficier des indications contenues dans l'étude d'impact, votre commission a, sur la proposition de sa rapporteure, supprimé l'article 9 bis B.


* 52 Loi n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale et loi n°2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs

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