ARTICLE 12 bis (nouveau) (Art. L. 31-10-2, L. 31-10-3, L. 31-10-9, L. 31-10-11 et L. 31-10-12 du code de la construction et de l'habitation) : Recentrage du prêt à taux zéro (PTZ+)

Commentaire : le présent article propose d'améliorer les conditions du PTZ+ pour les ménages les plus modestes.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE DROIT EXISTANT ET LE RECENTRAGE DE 2012

Le PTZ+, créé par la loi de finances pour 2011, a été révisé et recentré par la loi de finances pour 2012, pour les offres de prêt émises à compter du 1 er janvier 2012.

Alors que dans sa version initiale, ce dispositif était ouvert à tous, la loi de finances (LFI) pour 2012 a prévu sa mise sous plafonds de ressources et fait intervenir plusieurs critères dans la définition des ménages bénéficiaires .

En application de l'article L. 31-10-2 du code de la construction et de l'habitation, le bénéfice de ce prêt est réservé aux personnes physiques primo accédantes, sous condition de ressources .

L'article L. 31-10-3 précise cette condition qui fait intervenir trois facteurs :

- le « montant total des ressources » qui est la somme des revenus fiscaux de référence ou, s'il est plus élevé, le coût total de l'opération, divisé par dix ;

- un coefficient familial , qui sert de multiplicateur pour le calcul des ressources et également pour déterminer le montant maximum de l'opération. Il est déterminé en fonction du nombre de personnes destinées à occuper à titre de résidence principale le logement, selon le tableau suivant :

Nombre de personnes

1

2

3

4

5 et plus

Coefficient familial

1,0

1,4

1,7

2,0

2,3

- la localisation du logement selon la traditionnelle catégorisation du territoire au regard de la tension du marché immobilier (zones A, B1, B2 et C).

La loi se limite à préciser les bornes inférieures et supérieures de ce montant de ressources qui « ne peut être supérieur à 43 500 euros (en zone A), ni inférieur à 26 500 euros (en zone C) » et renvoie au décret la fixation des paliers intermédiaires qui entraînent l'application de conditions de montant, de quotité et de durée des prêts.

Le classement par tranches ainsi défini est présenté dans le tableau suivant.

Plafonds de ressources pour l'éligibilité au PTZ+ (pour un célibataire)

Tranche

NEUF

Zone A

Zone B1

Zone B2

Zone C

1

= 23 000€

= 18 000€

= 14 000€

= 11 500€

2

> 23 000€ et = 25 500€

> 18 000€ et = 19 500€

> 14 000€ et = 15 000€

> 11 500€ et = 13 000€

3

> 25 500€ et = 28 500€

> 19 500€ et = 21 500 €

> 15 000€ et = 16 500€

> 13 000€ et = 14 000€

4

> 28 500€ et = 31 000€

> 21 500€ et = 23 500€

> 16 500€ et = 18 000€

> 14 000€ et = 15 000€

5

> 31 000€ et = 36 000€

> 23 500€ et = 26 000€

> 18 000€ et = 20 000€

> 15 000€ et = 18 500€

6

> 36 000€ et = 43 500€

> 26 000€ et = 30 500€

> 20 000€ et = 26 500€

> 18 500€ et = 26 500€

Tranche

ANCIEN (VENTE DU PARC SOCIAL À SES OCCUPANTS)

Zone A

Zone B1

Zone B2

Zone C

1

= 20 500€

= 16 000€

= 12 500€

= 11 500€

2

> 20 500€ et = 23 000€

> 16 000€ et = 18 000€

> 12 500€ et = 14 000€

> 11 500€ et = 13 000€

3

> 23 000€ et = 25 500€

> 18 000€ et = 19 500€

> 14 000€ et = 15 000€

> 13 000€ et = 14 000€

4

> 25 500€ et = 28 500€

> 19 500€ et = 21 500€

> 15 000€ et = 16 500€

> 14 000€ et = 15 000€

5

> 28 500€ et = 31 000€

> 21 500€ et = 23 500€

> 16 500€ et = 18 000€

> 15 000€ et = 16 500€

6

> 31 000€ et = 43 500€

> 23 500€ et = 30 500€

> 18 000€ et = 26 500€

> 16 500€ et = 26 500€

Source : ministère de l'égalité des territoires et du logement, réponses au questionnaire budgétaire 2013

La LFI pour 2012 a procédé à trois autres modifications du régime initial du PTZ :

- les quotités (montant du prêt par rapport au montant de l'opération) ont été réduites de 5 % (soit de 1 à 2 points de réduction selon les cas) ;

- la durée de remboursement du PTZ+, qui pouvait atteindre 30 ans pour les prêts émis en 2011, a été plafonnée à 25 ans ;

- le bénéfice du PTZ a été réservé aux logements neufs .

B. LE RECENTRAGE PROPOSÉ

Le présent article, qui résulte d'un amendement du Gouvernement, propose plusieurs mesures en vue de « renforcer l'aide accordée aux ménages les plus modestes ».

Le dispositif prévoit d' abaisser les plafonds de ressources au niveau de la cinquième tranche, sur la base des tranches définies en 2012, soit aux montants respectifs de 36 000 euros (pour la zone A) et 16 500 euros  (pour la zone C) .

Il propose également de réduire de 40 % à 35 % la quotité maximum du prêt, sauf pour les logements neufs dont le niveau de performance énergétique globale est supérieur à un ou plusieurs niveaux fixés par décret.

Il précise aussi que, pour les logements destinés à être occupés par des titulaires de contrats de location-accession, la règle antérieure qui situe la quotité entre 30 % et 5 % est maintenue.

Il assouplit les conditions du différé de remboursement, qui pourrait porter sur la totalité du montant du prêt alors qu'il est actuellement limité à 45 %. Selon l'exposé des motifs, cette faculté ne serait toutefois accordée qu'aux « emprunteurs relevant des deux premières tranches de revenus », donc les plus modestes.

Enfin, il simplifie les règles de durée du prêt en maintenant toutefois la limite à 25 ans.

C. LE PTZ + DANS L'ANCIEN

Le régime du nouveau PTZ (PTZ +), en vigueur depuis la loi de finances pour 2011, a succédé à trois dispositifs antérieurs : l'ancien prêt à 0 % ; le Pass-foncier et la déduction des intérêts d'emprunt de l'impôt sur le revenu (issue de la loi TEPA).

Dans sa première version, le dispositif permettait l'acquisition de logements neufs et de logements anciens. Il favorisait toutefois les logements neufs titulaires du label Bâtiment basse consommation « BBC » et les logements anciens performants énergétiquement, appartenant à une catégorie énergétique E, F ou G du diagnostic de performance énergétique (DPE).

Pour ramener le coût fiscal du PTZ+ à une dépense générationnelle totale de 800 millions d'euros, alors qu'il était initialement plafonné par la loi à 2,6 milliards d'euros annuels, le projet de loi de finances pour 2012 a proposé d'une part, de limiter le bénéfice du PTZ pour les logements anciens à ceux dans lesquels des travaux sont réalisés et, d'autre part, pour les logements neufs, à ceux qui sont situés dans les zones les plus tendues, soit les zones A et B1.

Ce schéma a été modifié par l'Assemblée nationale et, malgré l'opposition du Sénat, confirmé par le texte définitif, afin :

- de réserver le PTZ+ aux seuls logements neufs qui justifient d'un niveau élevé de performance énergétique et donc de supprimer le PTZ+ dans l'ancien avec travaux ;

- d'élargir à l'ensemble du territoire l'éligibilité au PTZ+.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

On ne saurait exclure , par principe, un aménagement des conditions du PTZ+ au profit des ménages les plus modestes, même si des mesures de ce type ne pourront certainement pas, à elles seules, compenser les conséquences de la disparition de l'acteur majeur de l'accession très sociale à la propriété, qu'est le Crédit immobilier de France (CIF). Il reste qu'il n'est pas satisfaisant non plus de modifier une nouvelle fois les règles applicables au PTZ+ qui sont très instables puisque le présent article constitue la troisième version d'un mécanisme entré en application le 1 er janvier 2011 .

Un certain nombre de questions se posent aussi quant au sens des mesures proposées , dont on pourrait craindre qu'elles ne soient contre-performantes du point de vue du maintien d'un dispositif efficace et sécurisé pour l'accession sociale à la propriété.

Certaines des mesures sont, en effet, particulièrement défavorables à l'accession à la propriété dans la zone C , qui - faut-il le rappeler - ne bénéficie plus d'aide fiscale à l'investissement immobilier. On peut donc s'étonner du choix de réduire le montant du plafond de ressources , ouvrant droit au PTZ +, en zone C, dans une proportion bien plus élevée (- 38%) que celle que subit la zone A (-17%). Ce traitement plus sévère renforce le caractère déjà très discriminant des plafonds de ressources actuels qui se situent à des niveaux très différents. Le plafond en zone C était inférieur de 39 % au plafond de zone A, il deviendrait inférieur de 54 %. Dans ces conditions, le PTZ+ devient incontestablement un « PTZ moins » en zone C , où le CIF était le plus présent.

En outre, si l'on doit favoriser l'accession très sociale , on peut se demander s'il est utile de le faire en défaveur de l'accession sociale . Les bénéficiaires de l'actuel PTZ+ entrant dans les plafonds de la sixième tranche de revenus pourraient-ils mener à bien leur projet d'accession sans l'appui de ce dispositif, qui permet souvent aux primo accédants d'atteindre le niveau requis d'apport personnel ? On peut en douter compte tenu des réticences actuelles sur le marché des crédits à l'habitat pour les ménages à revenus modestes. Or, dans une période conjoncturelle défavorable au secteur de la construction, cette clientèle constitue un apport très utile.

On rappellera aussi que le PTZ+ est encore l'unique niche fiscale dont le coût total est plafonné . Or, le Gouvernement n'apporte pas d'élément chiffré convaincant qui justifierait que les conséquences financières éventuelles des avantages relatifs accordés aux tranches « inférieures » sont telles qu'elles imposeraient des restrictions pour la tranche « supérieure ».

Votre rapporteur général vous propose donc, par amendement ,

- de ne pas modifier les plafonds de ressources actuels , les nouveaux plafonds proposés par le présent article étant particulièrement défavorables à la zone C et peu opportuns dans la conjoncture actuelle du secteur du bâtiment ;

- et à titre accessoire, de supprimer , par coordination, une référence inopérante compte tenu de la nouvelle rédaction de l'article L. 31-10-12 du code de la construction et de l'habitation.

Il vous propose également, par amendement , de revenir à ce qui était la position du Sénat lors du débat sur la loi de finances pour 2012 et d'autoriser, à nouveau le bénéfice du PTZ dans l'ancien sous condition de travaux.

Cette mesure a deux justifications.

La première est sociale. Le fait de restreindre le bénéfice du PTZ+ aux seuls logements neufs a pour conséquence d'exclure nombre de jeunes ménages qui ne disposent pas des revenus suffisants pour acquérir dans le neuf, et surtout le neuf à haut niveau de performance énergétique, dont les coûts d'acquisition sont supérieurs d'environ 20 % à l'ancien.

La seconde est économique. Le marché du logement connaît une crise profonde qui se manifeste par un blocage sévère des achats, une baisse de l'activité de l'ensemble du secteur (construction neuve et rénovation) et, par contrecoup, un effet négatif sur les recettes des collectivités territoriales. Les mesures proposées par le Gouvernement en faveur de l'offre de foncier et, en conséquence, de la construction, pourraient être complétées pour permettre à l'activité du bâtiment de s'appuyer également sur les travaux de remise en état et d'amélioration des logements. Faciliter l'acquisition de logements anciens avec travaux peut participer à cette relance.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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