N° 366

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 février 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne présentée par MM. Gérard CÉSAR et Simon SUTOUR au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur le régime des autorisations de plantation de vigne ,

Par M. Roland COURTEAU,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

286 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Après plusieurs années de lutte pour le maintien des droits de plantation de vigne, la bataille engagée par les professionnels et les élus trouvera-t-elle un épilogue heureux ?

Les propositions du groupe de haut niveau sur le vin (GHN) mis en place par la Commission européenne au début de l'année 2012 vont incontestablement dans le bon sens , en ouvrant la voie à la prolongation, sous des formes devant encore être précisées, d'un dispositif communautaire d'encadrement du potentiel de production viticole.

Système ancien et éprouvé, les droits de plantation existent en effet en France depuis plus d'un demi-siècle et en Europe depuis la fin des années 1970 et ont pour but d'équilibrer l'offre et la demande, pour échapper aux crises de surproduction.

Lors de la réforme de l'Organisation commune du marché (OCM) vitivinicole de 2008, le vent de libéralisation et de dérégulation avait conduit le Conseil des ministres de l'Union européenne à programmer la disparition à l'horizon 2015 d'un dispositif qui, pourtant, ne coûtait rien aux finances de l'Union européenne.

Les dangers d'une telle perspective ont conduit les professionnels de la vigne et du vin à mener la fronde. Les États membres de l'Union européenne producteurs de vin se sont progressivement coalisés pour remettre en cause ce choix malheureux . Le Sénat a participé activement à ce mouvement, en adoptant en février 2011 une proposition de résolution européenne demandant le maintien des droits de plantation de vigne, ou encore en accueillant en avril 2011 un colloque sur le sujet.

La nouvelle proposition de résolution européenne, présentée par nos collègues Gérard César et Simon Sutour, adoptée par la commission des Affaires européennes le 23 janvier 2013 et adoptée à son tour, moyennant quelques modifications, par la commission des Affaires économiques du Sénat le 20 février, s'inscrit donc dans cette filiation.

Elle ne se contente pas de saluer les conclusions du GHN du 14 décembre 2012, même s'il s'agit d'une avancée importante. Mais cette avancée ne sera complète que si elle se traduit dans une modification de l'OCM actuellement en discussion dans le cadre de la réforme de la PAC . Et en la matière le diable se niche dans les détails : le nouveau dispositif d'autorisations de plantations nouvelles proposé par le GHN doit en effet être précisé. Quel sera le taux d'augmentation global au niveau européen et le taux d'augmentation national admissible de plantations nouvelles ? Quand passer au nouveau système ? Quelles modalités de mise en oeuvre doit-on retenir ?

La proposition de résolution européenne réclame que les autorités françaises ne relâchent pas leur attention sur ce dossier , et défendent les ambitions régulatrices du nouveau dispositif.

I. LA LONGUE BATAILLE POUR LE RÉTABLISSEMENT DES DROITS DE PLANTATION.

A. LA SUPPRESSION DES DROITS DE PLANTATION : UNE ERREUR HISTORIQUE.

1. Les droits de plantation : un système ancien et éprouvé d'encadrement des capacités de production.
a) Le système national des droits de plantation.

Au niveau national, les droits de plantation de la vigne ont été mis en place par le décret n° 53-977 du 30 septembre 1953, qui institue une discipline stricte d'encépagement. L'objectif de cet instrument est alors tant quantitatif - contrôler le rythme de croissance des surfaces plantées de vigne - que qualitatif : améliorer la qualité des vins en replantant les bonnes vignes sur les bons territoires . Car le dispositif visait d'abord et avant tout à organiser une stratégie de replantation après arrachage, en distinguant les cépages recommandés et les cépages autorisés, pour lesquelles les surfaces autorisées en replantation subissent un abattement de 30 %.

Ce sont les articles R. 665-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime qui régissent aujourd'hui les droits de plantation, qui s'appliquent tant aux vignes destinées à la production de vin sous signe de qualité - appellation d'origine ou indication géographique protégée - qu'aux vins sans indication géographique.

b) Un dispositif existant dans l'Union européenne depuis plus de trente ans.

Au niveau communautaire, un régime de droits de plantation de la vigne a été mis en place en 1976 dans le cadre de l'OCM vitivinicole . Les plantations nouvelles ont été interdites dans le but de limiter la production de vins de table et prévenir les excédents structurels de l'offre. Le dispositif, conçu comme temporaire, a été reconduit dix fois de suite, lors des réformes successives de l'OCM, jusqu'en 2008.

Il oblige l'ensemble des États membres producteurs de vins à ne pas augmenter leurs surfaces plantées, et à mettre en place au niveau national un encadrement des replantations, à l'exception des États membres ayant une production résiduelle de vins - moins de 25 000 hl par an - qui sont exemptés de ce régime 1 ( * ) . Sont distingués trois types de droits : les droits applicables aux plantations nouvelles, les droits de replantation, qui doivent être automatiquement accordés aux viticulteurs qui procèdent à l'arrachage, et les droits de plantation issus de la réserve nationale.

2. La libéralisation des plantations de vigne décidée en 2008 : une grave erreur.
a) Une suppression des droits de plantation au nom de la compétitivité de la filière viticole.

La réforme de l'OCM vitivinicole en 2008 avait pour objectif d'améliorer la compétitivité du secteur. Bien que n'ayant pas d'incidence financière, le système des droits de plantation avait pour inconvénient aux yeux de la Commission européenne de brider les capacités à innover des viticulteurs et d'enfermer l'appareil de production dans un carcan administratif lourd à gérer. La volonté de conquérir des nouveaux marchés, et notamment de faire face à la concurrence des producteurs de vin du Nouveau Monde (Amérique latine, Océanie), en particulier sur les marchés asiatiques en pleine croissance, justifiait cette stratégie.

La réforme avait prévu des délais relativement longs de passage de l'ancien système à la libéralisation totale : la fin des droits de plantation était prévue au 31 décembre 2015, avec possibilité pour les États membres de prolonger leur dispositif d'encadrement des droits de plantation jusqu'au 31 décembre 2018.

Peu d'États membres 2 ( * ) s'étaient opposés à cette libéralisation . La France, représentée alors par son ministre de l'agriculture, Michel Barnier, avait elle-même soutenu cette stratégie, ne permettant pas sur ce sujet de constituer une minorité de blocage.

b) Les risques de la libéralisation des plantations de vigne.

Or une telle libéralisation est lourde de risques pour le secteur viticole. Chargée par le Gouvernement, en janvier 2010 d'une mission destinée à analyser les impacts de la réforme de 2008, Catherine Vautrin dressait dans son rapport d'octobre 2010 3 ( * ) la liste des effets négatifs de celle-ci :

- Tout d'abord, la libéralisation fait peser un risque accru de surproduction , l'offre pouvant dépasser la demande du marché.

- Ensuite, la libéralisation pourrait conduire à l'extension de la zone viticole vers les zones de plaine , où les conditions d'exploitation de la vigne sont plus faciles que dans les bassins traditionnels : irrigation plus aisée, terrain plat favorable à la mécanisation. Cette extension pourrait aussi avoir un effet d'éviction sur les territoires viticoles existant aujourd'hui, moins faciles à exploiter.

- Par ailleurs, on ne peut écarter un schéma d'industrialisation de la vigne , avec la constitution de domaines viticoles pilotés par des grands groupes, menaçant le modèle viticole français fait de petites exploitations.

- Enfin, pour les vins d'appellation, la libéralisation fait peser le risque de détournement de notoriété . Il existe en effet de vastes surfaces non plantées de vigne à l'intérieur même des zones d'appellation d'origine. Des vins sans indication géographique pourraient ainsi être produits dans les mêmes zones que celles des appellations d'origine, et venir les concurrencer directement.


* 1 Irlande, Royaume-Uni, Danemark, Suède, Finlande, Pays-Bas, Belgique, Pologne, Estonie, Lettonie, Lituanie.

* 2 Allemagne, Italie, Autriche, Chypre, Luxembourg, Hongrie.

* 3 Les droits de plantation, un outil éprouvé et moderne de gestion harmonieuse du potentiel viticole européen - Catherine Vautrin - Octobre 2010.

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