C. UN PROJET DE LOI SIGNIFICATIVEMENT COMPLÉTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Nos collègues députés se sont pleinement saisis des enjeux portés par le présent projet de loi, souscrivant à l'ensemble des mesures qu'il propose. À l'issue de leurs délibérations, 42 articles additionnels ont été ajoutés au projet de loi ordinaire, tendant, pour l'essentiel d'entre eux, à améliorer la détection des formes occultes de la délinquance économique et financière d'une part, et à renforcer de façon importante les pouvoirs accordés aux administrations fiscale et douanière d'autre part. Par ailleurs, le projet de loi organique a été complété par un article additionnel tendant à assurer une meilleure spécialisation des magistrats financiers.

1. Des dispositions visant à faciliter la détection des faits et l'exercice des poursuites

Plusieurs dispositions ajoutées par les députés au projet de loi ordinaire visent à améliorer la détection des faits et à faciliter l'exercice des poursuites.

Les députés ont ainsi souhaité appliquer aux infractions de blanchiment, de corruption, de trafic d'influence et de fraude fiscale le dispositif des diminutions de peine applicable aux « repentis », aujourd'hui prévu pour plusieurs domaines de la criminalité organisée ( article 1 er ter ).

Reconnaissant l'importance des « lanceurs d'alerte », ils ont souhaité protéger tout salarié ou tout fonctionnaire ayant témoigné sur des faits constitutifs d'une infraction pénale ou ayant dénoncé de tels faits contre une éventuelle sanction ou mesure discriminatoire ( article 9 septies ).

Corrélativement, ils ont prévu que le salarié ou le fonctionnaire ayant dénoncé une infraction devrait être mis en relation avec le service central de prévention de la corruption (SCPC) ( article 9 octies ).

S'agissant des services de police chargés d'enquêter sur ces formes particulières de délinquance, nos collègues députés ont décidé d'étendre la compétence des agents des douanes judiciaires aux délits d'association de malfaiteurs, lorsque ceux-ci sont en lien avec des infractions relevant de leur compétence ( article 9 quinquies ) et permettre au service national de douane judiciaire de recourir à des logiciels de rapprochement judiciaire ( article 9 sexies ).

S'agissant du délai dans lequel les faits peuvent être poursuivis, les députés ont souhaité inscrire dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation relative au point de départ du délai de prescription des infractions dissimulées ( article 9 quater ), et porter de trois à six ans le délai de prescription du délit de fraude fiscale ( article 11 sexies ). Un article 11 bis E tendant à simplifier les dispositions relatives au dépôt de plainte par l'administration fiscale auprès du parquet a également été adopté.

De nombreuses mesures tendant à favoriser la prévention et la détection des fonds d'origine douteuse ont été inclues dans le projet de loi. Ainsi en va-t-il des articles tendant à :

- créer un registre public des trusts ( article 3 bis B ) et alourdir les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de déclaration de trusts par leur administrateur ( article 3 bis C ) ;

- sanctionner le non-respect par les établissements bancaires de leurs obligations de déclaration concernant les comptes répertoriés dans FICOBA ( article 3 quinquies ) ;

- porter de 30 à 60 jours le délai pendant lequel les créanciers ont la possibilité de s'opposer à la dissolution d'une société ( article 9 bis ) ;

- assujettir les caisses des règlements pécuniaires des avocats aux obligations de vigilance de déclaration de soupçon prévues par le code monétaire et financier ( article 10 quinquies ) ;

- obliger l'Autorité de contrôle prudentiel à communiquer à l'administration fiscale tout document relatif à une éventuelle fraude fiscale ( article 11 quinquies ) ;

- étendre à l'or, aux jetons, plaques et tickets de casinos représentant un montant de plus de 10 000 euros l'obligation de déclaration à l'administration des douanes en cas de transfert ( article 11 septies ) ;

- renforcer les obligations de transparence sur les prix de transfert en obligeant les entreprises à transmettre directement à l'administration des informations sur ces prix à l'occasion de chaque déclaration d'impôt sur les sociétés ( article 11 bis D ) ;

- rendre possible l'inscription sur la liste des États non coopératifs en matière fiscale les États qui refusent de s'engager dans le transfert automatique des données bancaires ( article 11 nonies ).

2. Un accroissement significatif des sanctions en cas de fraude fiscale ou d'atteintes à la probité

Plusieurs articles du projet de loi ordinaire adoptés par nos collègues députés élèvent le montant de l'amende pénale encourue par les personnes morales condamnées pour un crime ou un délit, en l'indexant sur le chiffre d'affaires de l'entreprise ( articles 1 er bis et 1 er ter A ) - l'article 1 er quater prévoyant quant à lui une augmentation importante des quantums de peines d'amende encourues par les personnes physiques pour les infractions d'atteinte à la probité.

Les députés ont également inséré de nouvelles dispositions aggravant les peines encourues en cas de d'abus de biens sociaux commis par le biais de montages complexes impliquant des organismes établis à l'étranger ( article 9 ter ).

Enfin, ils ont adopté un nouvel article 2 bis tendant à élargir la définition du délit de blanchiment.

3. Un élargissement des prérogatives de l'administration fiscale et douanière

Plusieurs articles, insérés dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, ont pour but de renforcer sensiblement les prérogatives reconnues aux agents de la DGFIP et à l'administration des douanes. Ils tendent ainsi à :

- renforcer la prévention des « carrousels » de TVA ( article 3 bis A ) ;

- autoriser les agents des services fiscaux à copier des fichiers informatiques dont ils sont amenés à constater l'existence lors de la procédure de contrôle inopiné ( article 3 bis E ) ;

- étendre la possibilité pour l'administration fiscale d'utiliser toute preuve illicite, celle-ci pouvant désormais être obtenue dans le cadre de l'ensemble du droit de communication reconnu par les textes à l'administration ( article 10 ) ;

- permettre à l'administration fiscale ou douanière de soumettre au juge des libertés et de la détention (JLD) des informations obtenues de façon irrégulière à l'appui d'une demande de visite domiciliaire ( article 10 bis ) ;

- permettre à l'administration des douanes d'exploiter tout document communiqué dans le cadre de son droit de communication à l'appui d'une procédure de contrôle ou de saisie ( article 10 ter ) ;

- corrélativement, permettre au JLD d'autoriser une visite domiciliaire des agents des douanes dans le cadre du code des douanes sur le fondement de tels documents ( article 10 quater ) ;

- limiter la possibilité, pour les dirigeants d'entreprise, de rendre insaisissable leur domicile personnel, dès lors qu'ils se sont livrés à des manoeuvres frauduleuses ou ont négligé de manière grave et répétée leurs obligations fiscales ( article 11 bis A ) ;

- permettre aux agents des douanes de recourir à des experts qualifiés ( article 11 bis B ) ;

- prévoir une sanction en cas d'opposition du contribuable à la prise de copie par l'administration fiscale lors d'un contrôle ( article 11 bis C ) ;

- augmenter de deux ans le délai de prescription de l'action en recouvrement pour les redevables établis dans un État non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ( article 11 bis F ) ;

- autoriser le recours aux « perquisitions informatiques » par l'administration des douanes ( article 11 bis ) ;

- prévoir que le délai de vérification sur place de trois mois maximum et la mise en demeure avant la procédure de taxation d'office ne sont pas applicables en cas d'activités occultes du contribuable ( article 11 ter ) ;

- enfin, prévoir que les dispositions encadrant le délai de réponse de l'administration aux observations du contribuable ne sont pas applicables aux personnes morales et sociétés en participation à l'actif desquelles sont inscrits des titres de placement ou de participation pour un montant d'au moins égal à 7,6 millions d'euros ( article 11 quater ).

4. Un renforcement du dialogue entre l'administration fiscale et l'autorité judiciaire

S'ils se sont beaucoup interrogés sur le sujet, nos collègues députés n'ont toutefois pas souhaité remettre en cause le monopole dont dispose à l'heure actuelle l'administration fiscale pour mettre en mouvement l'action publique en matière de fraude fiscale.

Ils ont en revanche renforcé les modalités de dialogue entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale, et invité cette dernière à davantage de transparence dans son action.

Les dispositions qu'ils ont adoptées au sein du projet de loi ordinaire tendent ainsi à :

- demander à la commission des infractions fiscales (CIF) de remettre au Gouvernement et au Parlement un rapport chaque année sur son activité ( article 3 bis ) et à élargir la composition de cette commission ( article 3 bis D ) ;

- renforcer la coopération entre l'administration fiscale et l'autorité judiciaire en prévoyant un échange plus systématique d'informations entre eux ( article 3 ter ) ;

- inscrire dans la loi les conditions dans lesquelles l'administration fiscale peut transiger, en prévoyant également la remise d'un rapport au Parlement sur ce sujet ( article 3 bis F ) ;

- enfin, diversifier la composition du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes en ajoutant deux personnalités nommées par chacune des assemblées ( article 3 quater ).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page