2. Un dispositif à compléter, des efforts à poursuivre

Afin de compléter , pour en améliorer l'efficacité, le dispositif issu du vote de l'Assemblée nationale , votre rapporteure propose de réguler , parallèlement à l'interdiction du rabais de 5 % lorsqu'une commande passée en ligne est livrée à domicile, les conditions de facturation du service de livraison .

Si l'obligation de facturer les frais de port au coût de revient poserait des difficultés de contrôle, le système des coûts internes d'une société étant protégé par le secret des affaires, et se traduirait sans nul doute par une « prime » aux acteurs les plus puissants, le fixation d'un prix plancher, soit une administration des prix sur la prestation de livraison, n'est pas non plus envisageable au regard du principe de liberté du commerce.

Demeure donc a minima l'interdiction d'offrir ce service à titre gratuit , même si, à l'évidence, les prix pratiqués par Amazon, en raison des conditions tarifaires obtenues auprès des logisticiens comme de sa capacité à rentabiliser son activité sur d'autres secteurs que celui du livre, resteront inférieurs à ceux que pourront pratiquer la majorité de ses concurrents. Même symbolique, la facturation de la livraison aura un effet psychologique sur le consommateur , en faisant disparaître un argument commercial majeur de la société américaine.

Le dispositif introduit par la proposition de loi ainsi modifiée, complété du « plan librairie » et d'un contrôle renforcé du respect de la législation sur le prix unique du livre, constituent des signaux indéniablement positifs en faveur les librairies.

Néanmoins, comme l'estime Olivier Babeau, professeur à l'université Paris VIII, dans sa tribune publiée dans Les Echos en date du 6 décembre dernier : « La vente en ligne en général et Amazon en particulier ont mis en évidence des faiblesses inhérentes au réseau de librairies traditionnel, notamment des délais trop longs d'acheminement et des coûts mal maîtrisés . Comme dans de nombreux secteurs, Internet a considérablement élevé la barre des attentes des consommateurs en termes de prix et de rapidité ». (...) Protégés par la loi imposant le prix unique du livre, les librairies ont peut-être eu trop tendance à négliger leurs efforts de modernisation ».

Si les librairies ne font pas l'effort nécessaire, le plan annoncé par Aurélie Filippetti, l'amélioration des contrôles grâce aux dispositifs prévus par le projet de loi relatif à la consommation, comme les dispositions de la présente proposition de loi ne feront que retarder les échéances, voire, s'agissant de l'interdiction du rabais de 5 % sur la vente en ligne, potentiellement les accélérer en permettant à Amazon d'améliorer ses marges.

Au contraire, le répit obtenu par ces mesures doit inciter les libraires à poursuivre l'effort de modernisation . Ainsi que les exhorte Olivier Babeau dans la tribune précitée : « les libraires devraient voir dans le numérique une formidable opportunité plutôt qu'une menace : leur offre peut désormais toucher, grâce aux plateformes en ligne, une zone de chalandise à l'échelle du monde » . Mais pour récolter les fruits de la révolution numérique plutôt que de la subir , une évolution des mentalités et des pratiques commerciales est nécessaire : « la librairie traditionnelle doit également savoir devenir « cross-canal », en intégrant une capacité à livrer [à domicile] des commandes réalisées en ligne. »

La mission confiée à l'IGAC en 2012 sur « la librairie indépendante et les enjeux du commerce électronique » estime toutefois que les efforts des librairies resteront vains tant qu'une réflexion ne sera pas menée sur la modernisation des canaux de distribution , afin de limiter les délais de livraison aux commerces physiques et de satisfaire, ainsi, des consommateurs de plus en plus exigeants.

De la même manière, comme l'indiquait Vincent Monadé lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, lorsque la librairie est présente sur Internet, il est urgent que les libraires et les distributeurs réfléchissent à un nouveau mode de partage de la valeur , en cas d'envoi direct de la commande par le distributeur, afin de développer des modalités de livraison à domicile dont les délais seraient équivalents à ceux opérés par Amazon.

Votre rapporteure partage ces réflexions. Elle considère cependant que les efforts de régulation du marché par les pouvoirs publics comme de modernisation par les libraires n'auront de véritable utilité que lorsque les conditions d'une concurrence saine et équitable seront établies, c'est-à-dire lorsqu'Amazon se verra appliquer les mêmes modalités d'imposition fiscale que les autres acteurs de la chaîne du livre.

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