Rapport n° 475 (2013-2014) de M. François MARC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 avril 2014

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N° 475

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 avril 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi tendant à rééquilibrer les règles relatives à la perception de la taxe communale sur la consommation finale d' électricité au bénéfice des communes ,

Par M. François MARC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

415 et 476 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

Réunie le jeudi 17 avril 2014 sous la présidence de Philippe Marini, président, la commission des finances du Sénat a procédé à l'examen du rapport de François Marc et établi le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 415 (2013-2014) tendant à rééquilibrer les règles relatives à la perception de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité au bénéfice des communes.

La loi de finances rectificative pour 2013 a prévu, à compter de 2015, le transfert de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) perçue par certaines communes aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité, sans aucune concertation ou évaluation préalable conséquente.

Lors de l'examen de ce texte, à l'initiative de votre commission des finances, le Sénat s'était opposé à ce transfert , qui pourrait porter sur un montant de l'ordre de 325 millions d'euros, afin de ne pas priver les communes de cette ressource, dans un contexte financier contraint. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a ensuite décidé de conserver le dispositif du projet de loi initial.

La présente proposition de loi reprend pour l'essentiel cette initiative et votre commission n'a souhaité la modifier que dans le souci de revenir à la rédaction antérieure à l'adoption de la loi de finances rectificative, qu'elle a jugée plus équilibrée.

La commission des finances a adopté la proposition de loi tendant à rééquilibrer les règles relatives à la perception de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité au bénéfice des communes ainsi modifiée .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

L'article 45 de la loi de finances rectificative pour 2013 1 ( * ) a prévu, à compter du 1 er janvier 2015, de rendre automatique la perception par les autorités organisatrices de la distribution d'électricité (AODE) de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE). Cette mesure conduit à une perte de recettes pour les communes de plus de 2 000 habitants ayant transféré cette compétence, dans la mesure où elles avaient jusqu'à présent la possibilité de conserver cette ressource.

Lors de l'examen de cette disposition, votre commission des finances avait considéré qu'un tel transfert ne pouvait avoir lieu sans concertation préalable et en l'absence de toute évaluation des conséquences financières, qui lui semblaient pourtant significatives. Elle avait donc proposé au Sénat, qui l'avait adopté, un amendement revenant sur l'automaticité de ce transfert.

En lecture définitive, l'Assemblée nationale avait néanmoins souhaité confirmer ce dispositif.

La présente proposition de loi entend revenir sur les dispositions adoptées en loi de finances rectificative pour 2013.

Votre commission des finances a considéré que les raisons qui l'avaient amenée en décembre dernier à s'opposer à ce transfert étaient toujours réunies.

Ainsi, dans la mesure où la présente proposition de loi reprend pour l'essentiel l'initiative de votre commission, celle-ci vous invite à l'adopter telle qu'elle l'a modifiée, dans le souci de revenir à la rédaction antérieure à l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2013.

I. UN TRANSFERT DU PRODUIT DE LA TCCFE PRÉVU PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2013

A. LA TAXE COMMUNALE SUR LA CONSOMMATION FINALE D'ÉLECTRICITÉ

1. Une imposition ancienne réformée pour satisfaire aux exigences du droit communautaire

Les taxes communale et départementale sur l'électricité ont été instaurées dès 1926 2 ( * ) . Elles ont cependant été profondément réformées par l'article 23 de la loi NOME 3 ( * ) de 2010 , qui a mis en place la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) et la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité (TDCFE) 4 ( * ) .

Cette réforme se justifiait par la nécessité de se mettre en conformité avec le droit communautaire 5 ( * ) et plus précisément avec la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

Celle-ci prévoit notamment l'obligation d'une taxation minimale de la plupart des produits énergétiques, dont l'électricité, afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et la réalisation des objectifs d'autres politiques communautaires, notamment la protection de l'environnement. C'est pourquoi, contrairement aux anciennes taxes communale et départementale sur l'électricité qui étaient facultatives, la TCCFE et la TDCFE sont obligatoires.

Par ailleurs, la directive impose que la base de taxation soit la consommation d'électricité, à l'exclusion des autres prestations pouvant être facturées par l'opérateur.

En revanche, elle ne prévoit pas que cette recette soit nécessairement perçue au profit des autorités organisatrices de la distribution d'électricité (AODE). Elle n'impose pas non plus une harmonisation des taux sur le territoire, que ce soit à l'échelle régionale ou infra-régionale, même si la Commission européenne a demandé au Gouvernement des compléments d'information et semble souhaiter l'instauration de taux uniques, au moins à une échelle régionale, sur le modèle de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

2. Un pouvoir de taux encadré

La TCCFE est assise sur la quantité d'électricité fournie ou consommée. En application de l'article L. 3333-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), son tarif est fixé :

- à 0,75 euro par mégawattheure (MWh) pour les installations non professionnelles et pour les installations professionnelles dont la puissance est inférieure ou égale à 36 kilovoltampères ;

- à 0,25 euro par MWh pour les installations professionnelles dont la puissance est supérieure à 36 kilovoltampères et inférieure ou égale à 250 kilovoltampères 6 ( * ) .

L'article L. 2333-4 du CGCT prévoit que les communes - ou leurs groupements - peuvent appliquer à ces tarifs un coefficient multiplicateur unique . La limite supérieure du coefficient multiplicateur est actualisée chaque année en fonction de l'évolution de l'indice moyen des prix à la consommation hors tabac 7 ( * ) .

Le coefficient multiplicateur est fixé par décision de l'organe délibérant compétent avant le 1 er octobre pour être applicable au 1 er janvier de l'année suivante. En l'absence de nouvelle délibération, il est automatiquement reconduit d'année en année.

L'article L. 5212-24 du CGCT dispose que lorsque le syndicat intercommunal ou le département perçoit la taxe en lieu et place des communes, l'organe délibérant du syndicat ou le conseil général arrête un coefficient multiplicateur unique pour l'ensemble du territoire .

3. Une recette importante pour les communes

La TCCFE a représenté un produit de près de 1,4 milliard d'euros en 2013, soit environ 1,5 % des recettes de fonctionnement du secteur communal, qui s'élèvent à près de 100 milliards d'euros.

Ce montant se répartit entre d'une part, communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), pour un total de 800 millions d'euros environ, et d'autre part, syndicats intercommunaux et départements ayant la compétence d'AODE 8 ( * ) (600 millions d'euros environ).

Sur les 600 millions d'euros perçus par les syndicats et départements, environ 200 millions d'euros sont reversés à leurs communes membres, d'après les chiffres de la fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).

B. LE TRANSFERT PRÉVU PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2013

Le V de l'article 22 du projet de loi de finances rectificative (LFR) pour 2013 9 ( * ) comportait, malgré son intitulé, « Précisions relatives à la taxe sur la consommation finale d'électricité », des dispositions qui modifiaient profondément les règles relatives à la perception de la TCCFE .

1. avant la LFR 2013 : un transfert pour les seules communes de moins de 2 000 habitants

L'article L. 2333-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui institue la TCCFE, prévoit que celle-ci est perçue « au profit des communes ou, selon le cas, au profit des établissements publics de coopération intercommunale ou des départements qui leur sont substitués au titre de leur compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité ».

En principe, la TCCFE est donc perçue par les communes, mais elle peut être perçue « en lieu et place des communes » par un EPCI, un syndicat intercommunal ou le département, à condition que celui-ci exerce la compétence d'AODE.

Les conditions de cette substitution sont posées à l'article L. 5212-24 du CGCT pour les syndicats intercommunaux et les départements, à l'article L. 5214-23 pour les communautés de communes (CC), à l'article L. 5215-32 pour les communautés urbaines (CU) et à l'article L. 5216-8 pour les communautés d'agglomération (CA) 10 ( * ) . Deux cas sont à distinguer :

- pour les communes de moins de 2 000 habitants, la perception par l'organisme de coopération ou le département est de droit 11 ( * ) ;

- pour les autres communes, la perception par l'organisme de coopération ou le département est soumise à une délibération concordante des instances concernées.

2. La LFR 2013 : un transfert automatique de la TCCFE des communes à l'Autorité organisatrice de la distribution d'électricité

L'article 45 de la loi de finances rectificative pour 2013 a modifié les articles du CGCT précités afin de prévoir que la TCCFE soit perçue par l'EPCI, le syndicat ou le département ayant la compétence d'AODE, quelle que soit la population de la commune considérée.

En d'autres termes, la LFR 2013 organise le transfert automatique de la perception de la TCCFE à l'AODE, au détriment des communes de plus de 2 000 habitants qui conservaient jusqu'ici cette recette .

La LFR 2013 a toutefois prévu la possibilité pour l'AODE de reverser aux communes jusqu'à 50 % du produit de la TCCFE perçue sur leur territoire . Cette possibilité est soumise à délibérations concordantes des instances concernées : à défaut, la recette demeure à l'AODE.

Ce dernier dispositif implique donc une autre perte de recettes pour certaines communes. En effet les AODE peuvent aujourd'hui reverser aux communes une fraction de la TCCFE perçue sur leur territoire, sans aucune limite. Ainsi, les communes qui ne perçoivent pas la TCCFE directement mais qui bénéficient d'un reversement par l'AODE d'une part supérieure à 50 % du produit perçu sur leur territoire verront cette ressource diminuer.

Ces dispositions entrent en vigueur au 1 er janvier 2015 .

Perception de la TCCFE et possibilités de reversement

Détenteur de la compétence d'autorité organisatrice
de la distribution d'électricité (AODE)

Situation appliquée actuellement

(avant l'entrée en vigueur de la LFR 2013)

Situation en vigueur à compter du 1 er janvier 2015
(LFR 2013)

Communes de moins de 2 000 habitants

Communes de plus de 2 000 habitants

Communauté de communes

Perception par l'EPCI

Perception par l'EPCI sur délibérations concordantes

(par analogie avec l'article L. 5212-24)

Perception par l'EPCI/ le syndicat intercommunal / le département, selon l'autorité exerçant la compétence ;

Possibilité de reverser à chaque commune 50 % du produit perçu sur son territoire, sur délibérations concordantes.

Communauté d'agglomération

Communauté urbaine

Pratiques variables selon les CU

Syndicat intercommunal
et département

Perception par le syndicat/ le département

Perception par le syndicat/ le département sur délibérations concordantes

Possibilité de reverser à chaque commune « une fraction » du produit perçu sur son territoire

Source : commission des finances du Sénat

II. DES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES IMPORTANTES POUR LES COMMUNES

A. UNE PERTE DE RECETTES POUR LES COMMUNES DIFFICILE À CHIFFRER MAIS SIGNIFICATIVE

Le transfert de la perception de la TCCFE des communes aux AODE prévu par la LFR 2013 implique une perte de recettes pour les communes d'au moins 2 000 habitants qui conservaient jusqu'à présent cette ressource, même lorsqu'elles n'exerçaient pas la compétence d'AODE.

Le chiffrage de cette perte de recettes est complexe , puisqu'il nécessite de croiser les montants de TCCFE perçus par les seules communes de plus de 2 000 habitants avec l'exercice de la compétence d'AODE. Pour calculer exactement la perte de recettes, il faudrait ensuite pouvoir prendre en compte la possibilité qu'auront les AODE de reverser aux communes jusqu'à 50 % du produit perçu sur leur territoire.

Anne-Marie Escoffier, alors ministre déléguée chargée de la décentralisation, avait estimé le 20 février dernier 12 ( * ) que la perte de recettes s'élevait à 750 millions d'euros environ. Ce chiffre a depuis été très largement repris dans ce débat, notamment par les associations d'élus.

Cependant, d'après les données qui lui ont été transmises, votre rapporteur considère que ce montant est vraisemblablement surévalué .

Sur les 800 millions d'euros de TCCFE perçus par les communes (cf. supra ), les communes de moins de 2 000 habitants qui ont conservé la compétence d'AODE représentent environ 50 millions d'euros, ce qui conduit bien au chiffre de 750 millions d'euros de recettes pour les communes de plus de 2 000 habitants.

Cependant, il est nécessaire de prendre en compte le fait que parmi ces villes de plus de 2 000 habitants, beaucoup ont conservé la compétence d'AODE et ne seraient donc pas touchées par ce transfert de recettes. 500 communes environ n'appartiennent pas à un syndicat intercommunal ayant la compétence d'AODE, à commencer par Paris et la plupart des grandes villes françaises. Or, de par leur population, ces communes représentent une fraction importante du produit de la TCCFE. À partir d'une enquête interne menée auprès de ses adhérents (c'est-à-dire la totalité des syndicats, à l'exception d'un, et des départements ayant la compétence d'AODE), la FNCCR a indiqué à votre rapporteur que la TCCFE perçue par ces communes s'élevait à environ 500 millions d'euros.

Il faudrait donc en déduire que le transfert de produit de TCCFE serait de l'ordre de 250 millions d'euros. Votre rapporteur n'est toutefois pas en mesure de confirmer ce chiffre.

À cette perte de recettes s'ajoute celle résultant de l'introduction d'une limite aux reversements des syndicats à leurs communes membres , à hauteur de 50 % du produit perçu sur leur territoire. Ainsi, les communes qui bénéficiaient d'un reversement plus important verraient cette ressource écrêtée.

La FNCCR estime que les syndicats qui reversent la totalité de la TCCFE qu'ils perçoivent représentent un flux financier de 150 millions d'euros. Si l'on émet l'hypothèse - probable - que les syndicats qui rétrocédaient plus de 50 % reverseraient 50 % (soit le plafond prévu par la LFR 2013), on arrive à une perte supplémentaire d'au moins 75 millions d'euros.

Au total, la perte de recettes serait donc, en se basant sur ces chiffres, d'un peu plus de 325 millions d'euros . Ce montant est relativement proche de l'estimation de 400 millions d'euros évoquée par l'association des maires de France (AMF) en février dernier 13 ( * ) .

*

Votre rapporteur regrette que le Gouvernement n'ait pas été en mesure de lui fournir des chiffres plus précis. Il n'est pas en mesure de formuler une estimation précise mais considère que le montant des transferts de recettes pour les communes concernées serait plus proche de 325 ou 350 millions d'euros que de 750 millions. Si ce montant est beaucoup moins élevé que ce qui avait pu être craint, il n'en demeure pas moins significatif.

B. DES CONSÉQUENCES INDIRECTES SUR UNE REDEVANCE VERSÉE PAR ERDF

Au-delà des effets financiers directs évoqués ci-avant, le dispositif adopté en LFR 2013 pourrait avoir pour effet indirect de réduire une redevance versée par Électricité Réseau Distribution France (ERDF) aux AODE .

En effet, en application de l'annexe 1 du modèle de cahier des charges élaboré par la FNCCR, une des redevances versées par ERDF aux autorités concédantes, la redevance d'investissement dite « R2 », comprend une part 14 ( * ) égale à la moitié de la différence entre le montant total des travaux réalisés et le produit de la TCCFE perçue par l'autorité concédante.

Ainsi, l'augmentation du produit de TCCFE perçu par les AODE pourrait diminuer la redevance perçue, d'un montant égal à la moitié de l'accroissement des ressources. Une perte de recettes supplémentaire viendrait donc s'ajouter à celle évoquée dans le paragraphe précédent, qui serait supportée par les AODE, et donc, indirectement, par les communes. En 2012, la redevance « R2 » versée par ERDF s'est élevée au total à 157 millions d'euros.

Deux éléments atténuent cet effet :

- d'une part, bien que cet aspect reste marginal, il faut noter que quelques AODE ont négocié localement avec leur concessionnaire une formule de calcul qui ne fait pas référence au montant de TCCFE perçu ;

- d'autre part, conformément au protocole d'accord conclu en 2007 entre la FNCCR et Électricité de France (EDF) au niveau national, les montants de taxe perçus et reversés par une autorité concédante à ses communes de plus de 2 000 habitants ne sont pas à pris en compte dans le calcul de la redevance « R2 ».

En termes de calendrier, la redevance est calculée à partir des données de la pénultième année : si le nouveau dispositif s'appliquait à partir de 2015, il n'aurait donc de conséquences sur cette redevance qu'à compter de 2017.

Il faut enfin noter que ce point n'est pas de nature législative, puisqu'il relève des relations conventionnelles entre ERDF et les autorités concédantes. Néanmoins, en l'absence de modification des conventions 15 ( * ) , il se traduirait bien par une perte de recettes supplémentaire pour les collectivités.

C. UNE ÉVENTUELLE HAUSSE INDUITE DE LA PRESSION FISCALE

Le transfert de la perception de la TCCFE à l'AODE implique que le coefficient multiplicateur soit fixé par cette dernière et donc harmonisé sur son territoire.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, il semblerait que les villes de plus de 2 000 habitants aient, en moyenne, un coefficient multiplicateur plus bas que les AODE. L'harmonisation pourrait donc se traduire par une hausse de la pression fiscale .

III. UNE PROPOSITION DE LOI QUI RÉPOND À DES INQUIÉTUDES LARGEMENT EXPRIMÉES

A. L'OPPOSITION DU SÉNAT AUX DISPOSITIONS DE LA LFR 2013

Lors de l'examen du PLFR pour 2013, votre commission des finances avait adopté, à l'initiative de son rapporteur général, un amendement revenant sur l'automaticité du transfert du produit de la TCCFE aux AODE, le subordonnant à une délibération concordante des communes et AODE concernées.

Cette opposition au transfert du produit de la TCCFE reposait sur plusieurs arguments, qui conservent leur pertinence aujourd'hui.

1. Une baisse des recettes des communes, dans un contexte financier déjà difficile

L'évaluation préalable annexée au PLFR indiquait que l'article 22 16 ( * ) n'avait « pas d'incidence financière significative directe sur les personnes physiques et morales ».

Considérant que les montants en jeu impliquaient des conséquences financières importantes, que le Gouvernement ne semblait pas en mesure d'évaluer, votre rapporteur général avait souhaité supprimer ce transfert. Les estimations qui ont été faites depuis lors n'ont fait que confirmer le bien-fondé de cette préoccupation .

Votre rapporteur rappelle que cette perte de recettes s'inscrit dans un contexte financier contraint pour les communes , avec la diminution des dotations de l'État aux collectivités territoriales. Dès lors, la réduction d'une recette significative des communes, sans qu'une amélioration évidente de la performance de l'action publique puisse en être attendue de manière certaine, semble d'autant plus inopportune.

2. Une concertation insuffisante avec les élus

Dans la perspective de la préparation du projet de loi de finances pour 2014, dès mars 2013, le Gouvernement avait engagé une grande concertation avec les élus locaux et les parlementaires, lancée par la première conférence des finances locales (12 mars 2013), rythmée par les nombreuses réunions du Comité des finances locales (CFL) et de ses groupes de travail et concrétisée par le « pacte de confiance et de responsabilité » entre l'État et les collectivités territoriales, conclu le 16 juillet dernier.

À l'inverse, les dispositions du PLFR 2013 relatives à la TCCFE n'avaient jamais été évoquées devant le CFL ou devant les représentants des collectivités ou les parlementaires et ont donc été insérées sans aucune concertation préalable .

Votre commission des finances regrette la méthode utilisée pour procéder à ce transfert de recettes, d'autant plus qu'elle s'éloigne de l'effort de concertation avec les collectivités territoriales dans lequel s'était engagé le Gouvernement.

3. Les doutes quant à la pertinence de ce transfert

Le Gouvernement a justifié les dispositions du PLFR 2013 en avançant notamment qu'il s'agissait de lier l'exercice de la compétence d'AODE à la perception de la TCCFE.

Cependant, il faut rappeler que la TCCFE n'est pas une taxe affectée à l'exercice d'une compétence, mais une ressource fiscale des communes, qui vient alimenter leur budget . De plus, on peut remarquer que les départements perçoivent également une taxe sur la consommation finale d'électricité, dont le produit n'est pas transféré aux AODE, alors que leur périmètre est souvent départemental (55 syndicats intercommunaux couvrent intégralement un département).

Votre commission des finances n'est donc pas convaincue par la nécessité d'établir un lien automatique entre perception de la TCCFE et exercice de la compétence d'AODE.

Elle s'interroge également sur la nécessité d'accroître de façon aussi importante les ressources des AODE alors que la répartition des compétences en matière de transition énergétique n'est pas encore déterminée.

En effet, le total des investissements annuels réalisés par les AODE s'élève à 1 milliard d'euros environ : les dispositions de la LFR 2013 ont donc pour effet de les augmenter d'un tiers environ, si l'on se base sur les estimations évoquées précédemment.

Certes, votre rapporteur constate que certains syndicats mènent des actions importantes, par exemple dans le domaine de l'efficacité énergétique, mais il considère qu'en l'absence de répartition définitive des compétences en matière de transition énergétique - et donc de son financement - il apparaît prématuré d'attribuer l'intégralité de la TCCFE aux AODE.

B. UN DISPOSITIF QUI ALIMENTE L'INQUIÉTUDE DES ÉLUS

Si la volonté de votre commission des finances de revenir sur le dispositif proposé par le Gouvernement a convaincu le Sénat, qui a adopté l'amendement qu'elle lui proposait dans le cadre de l'examen du PLFR 2013, le rejet de l'ensemble du texte par la Haute assemblée a rendu vaine cette initiative.

Lors de l'examen du texte en nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale, nos collègues députés n'ont en effet pas jugé utile de reprendre à leur compte cet amendement . Les seuls amendements déposés ont porté sur la part pouvant être reversée aux communes par les AODE, mais le mécanisme de transfert lui-même n'a pas été remis en cause.

Pourtant, quelques semaines seulement après l'adoption définitive de ce texte, une forte inquiétude a été exprimée par les maires, relayée par les associations d'élus et les assemblées parlementaires .

Ainsi, par un courrier du 4 février dernier, Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), faisait part au ministre délégué chargé du budget de ses inquiétudes à ce propos, tandis que notre collègue Jacqueline Gourault interpelait sur ce sujet le Gouvernement lors des questions d'actualité du 20 février, suivie du député Jean-Jacques Candelier lors des questions d'actualité du 25 février. Le 5 mars, les cabinets de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique et de la ministre déléguée chargée de la décentralisation ont reçu une délégation d'associations de collectivités locales concernées par le changement d'affectation de la part communale de la TCCFE.

Enfin, le sujet a été abordé à plusieurs reprises au CFL.

Consciente de ces inquiétudes, Anne-Marie Escoffier, alors ministre déléguée chargée de la décentralisation, a annoncé en février que le Gouvernement n'était pas opposé à une concertation, avant de préciser que « le Gouvernement [avait] clairement dit qu'il allait retravailler avec l'ensemble des élus locaux et des associations pour réviser les conditions dans lesquelles cette taxe pourra effectivement être versée aux communes . Ce travail doit être fait en parfaite concertation avec les uns et les autres » 17 ( * ) .

C. UNE PROPOSITION DE LOI QUI REPREND POUR L'ESSENTIEL LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LE SÉNAT À L'INITIATIVE DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard reprend pour l'essentiel l'amendement au PLFR 2013 qu'avait adopté votre commission des finances.

Ainsi, son article 1 er vise à revenir sur l'automaticité du transfert de la TCCFE des communes aux AODE.

Le 1° et le 2° du I de l'article 1 er modifient l'article L. 5212-24 du CGCT, relatif aux syndicats intercommunaux et aux départements exerçant la compétence d'AODE.

Le 1° limite la substitution de l'AODE pour la perception de la TCCFE par le syndicat ou le département aux communes de 2 000 habitants au maximum. Pour les autres communes, le transfert de la perception de la TCCFE est soumis à une délibération concordante des instances concernées.

Il revient également sur le mécanisme de « cristallisation ». En effet, les dispositions de l'article L. 5212-24 prévoyaient que les communes de plus de 2 000 habitants ayant transféré la TCCFE avant le 31 décembre 2010 ne pouvaient plus revenir sur ce transfert. Il s'agit en quelque sorte d'un « effet cliquet », qui cristallise les situations existantes, et qui figurait déjà dans cet article antérieurement à la loi NOME 18 ( * ) .

Enfin, il précise que la TCCFE est recouvrée « dans les conditions prévues à l'article L. 5212-24-1 », c'est-à-dire en appliquant des frais de déclaration et de versement de 1 %, afin de s'assurer que ce n'est pas l'article L. 2333-5 qui s'appliquera, celui-ci prévoyant des frais de 1,5 %, alors que le texte issu de la LFR 2013 indique qu'elle est recouvrée « dans les conditions de droit commun ».

Le 2° supprime le plafond du reversement de l'AODE à ses communes membres, limité par la LFR 2013 à 50 % du produit perçu sur le territoire de la commune.

Les 3°, 4° et 5° du I procèdent aux mêmes modifications respectivement pour les communautés de communes (article L. 5214-23 du CGCT), les communautés urbaines (article L. 5215-32 du CGCT) et les communautés d'agglomération (article L. 5216-8 du CGCT).

Le II modifie le VII de l'article 1379-0 bis du code général des impôts (CGI), qui précise, dans la rédaction issue de la LFR 2013, que les EPCI exerçant la compétence d'AODE se substituent à leurs communes membres pour l'application des dispositions relatives à la TCCFE : cette substitution automatique devient une possibilité, par cohérence avec les dispositions précédentes.

Enfin, l'article 2 constitue le « gage » de la proposition de loi, destiné à assurer sa recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution, dans la mesure où elle implique une perte de recettes pour les départements ayant la compétence d'AODE, au profit des communes de plus de 2 000 habitants.

D. UNE PROPOSITION DE LOI QUE VOTRE COMMISSION DES FINANCES VOUS INVITE À ADOPTER DANS LA RÉDACTION ISSUE DE SES TRAVAUX

Entre ceux qui voudraient aller plus loin dans la concentration de la ressource au niveau des AODE et ceux qui souhaiteraient profiter de ce texte pour revenir sur des situations existantes, votre commission des finances défend une position équilibrée, qui consiste à s'en tenir à un retour à la situation antérieure à la LFR 2013 , conformément à la volonté qu'elle avait exprimée en décembre dernier et qui est également celle des auteurs de la proposition de loi.

C'est dans cet esprit qu'elle a adopté un amendement visant à rétablir le mécanisme de « cristallisation » , prévu à l'article L. 5212-24 du CGCT dans sa rédaction antérieure à la LFR 2013 et supprimé par la proposition de loi. D'après les informations transmises à votre rapporteur, 1 400 communes seraient concernées, pour un montant de TCCFE de 130 millions d'euros.

À l'inverse, elle n'a pas souhaité revenir sur deux points qui s'écartent de l'amendement adopté par le Sénat en LFR 2013 :

- d'une part, elle a maintenu la suppression du plafond du reversement de l'AODE à ses communes membres : elle a considéré qu'il s'agissait là d'une souplesse utile dans les relations entre les communes et l'AODE ;

- d'autre part, elle s'est interrogée sur la nécessité de préciser, à l'article L. 5212-24 du CGCT, que la TCCFE était recouvrée dans les conditions prévues à l'article L. 5212-24-1 (cf. supra ), étant donné que Bernard Cazeneuve, alors ministre délégué chargé du budget, avait indiqué 19 ( * ) que cette précision n'était pas utile car déjà satisfaite ; néanmoins, dès lors qu'elle permet de lever toute ambiguïté, votre commission des finances n'a pas souhaité la supprimer.

Elle invite donc à l'adoption de cette proposition de loi ainsi modifiée .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 17 avril 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Marc et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de loi n° 415 (2013-2014) de M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE, tendant à rééquilibrer les règles relatives à la perception de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité au bénéfice des communes.

M. François Marc , rapporteur. - Le second point de notre ordre du jour concerne un sujet sur lequel nous nous étions déjà penchés à l'automne dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013 : la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE).

La proposition de loi de Jacques Mézard revient sur cet épisode en nous proposant, pour l'essentiel, de défaire le dispositif adopté en loi de finances rectificative (LFR) pour 2013.

La TCCFE représente une recette importante pour les communes, qui s'est élevée en 2013 à près de 1,4 milliard d'euros. Actuellement, cette taxe est perçue par les communes, mais les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les syndicats intercommunaux ou les départements peuvent s'y substituer, s'ils exercent la compétence d'autorité organisatrice de la distribution d'électricité (AODE). Pour les communes de moins de 2 000 habitants, la perception par l'organisme de coopération ou le département est de droit ; pour les autres communes, la perception par l'organisme de coopération ou le département est soumise à une délibération concordante des instances concernées. En pratique, de nombreuses communes de plus de 2 000 habitants, bien qu'ayant transféré la compétence d'AODE, conservent le produit de la TCCFE.

L'article 45 de la LFR pour 2013 a modifié ces règles et prévoit le transfert automatique, au 1 er janvier 2015, de la perception de la TCCFE à l'EPCI, au syndicat ou au département ayant la compétence d'AODE, quelle que soit la population de la commune considérée.

L'AODE pourra reverser aux communes jusqu'à 50 % du produit de la TCCFE perçue sur leur territoire, en cas de délibérations concordantes des instances concernées. Ce dernier dispositif implique une autre perte de recettes pour certaines communes, dans la mesure où, actuellement, les possibilités de reversement ne sont pas plafonnées.

La perte de recettes pour les communes est significative. Elle est toutefois difficile à chiffrer. Anne Marie Escoffier, alors ministre déléguée chargée de la décentralisation, avait estimé que la perte de recettes s'élevait à 750 millions d'euros environ. Ce chiffre a depuis été très largement repris dans le débat, notamment par les associations d'élus, mais il est vraisemblablement surévalué.

En effet, ces 750 millions d'euros représentent l'ensemble de la TCCFE perçue par les communes de plus de 2 000 habitants, mais parmi ces villes, environ 500, dont Paris et la plupart des grandes villes, ont conservé la compétence d'AODE et ne seront donc pas concernées par ce transfert de recettes.

À partir d'une enquête interne menée auprès de ses adhérents, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) m'a indiqué que la TCCFE perçue par ces communes s'élevait à environ 500 millions d'euros. Il faudrait donc en déduire que le transfert de produit de TCCFE serait de l'ordre de 250 millions d'euros.

À cette perte de recettes s'ajoute celle résultant du plafonnement du reversement des syndicats à leurs communes membres. En se basant à nouveau sur les chiffres de la FNCCR, on peut estimer cette perte de recettes à au moins 75 millions d'euros supplémentaires.

Je considère donc que le montant du transfert résultant de la LFR serait plus proche de 300 ou 350 millions d'euros que des 750 millions avancés par le Gouvernement. Si ces chiffres sont beaucoup moins élevés que ce qui avait pu être craint, le transfert de recettes n'en demeure pas moins significatif.

Le dispositif adopté en LFR 2013 pourrait également avoir deux effets indirects sur une redevance versée par Electricité Réseau Distribution France (ERDF) aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité, d'une part, et sur la pression fiscale, d'autre part.

Concrètement, l'augmentation du produit de TCCFE perçu par les AODE pourrait diminuer la « redevance d'investissement » reversée par ERDF, dont le montant tient compte du produit de la taxe perçu par l'autorité concédante. Toutefois, ce point n'est pas de nature législative, puisqu'il relève des relations conventionnelles entre ERDF et les autorités concédantes, et n'aurait en tout état de cause de conséquences sur cette redevance qu'à compter de 2017, car elle est calculée à partir des données de la pénultième année.

Par ailleurs, le transfert de la perception de la TCCFE à l'AODE implique que le « coefficient multiplicateur », c'est-à-dire en quelque sorte son taux, soit fixé par cette dernière et donc harmonisé sur son territoire. Or, il semblerait que les villes de plus de 2 000 habitants aient, en moyenne, un coefficient multiplicateur inférieur à celui des AODE. L'harmonisation pourrait donc se traduire par une hausse de la pression fiscale.

Lors de l'examen du PLFR pour 2013, nous avions adopté un amendement supprimant le transfert automatique de la TCCFE, qui se justifiait par trois raisons principales.

Tout d'abord, nous étions opposés à la perte de recettes pour les communes, dans un contexte financier contraint et sans qu'une amélioration sensible de la performance de l'action publique puisse être attendue de manière certaine. Par ailleurs, nous avions regretté qu'aucune concertation n'ait été menée sur ce sujet. Enfin, nous avions émis des doutes quant à la pertinence de ce transfert : la TCCFE n'est pas une taxe affectée à l'exercice d'une compétence, mais une ressource fiscale des communes, qui vient alimenter leur budget ; il n'y a donc pas de raison de lier sa perception à l'exercice d'une compétence.

De plus, je m'interroge sur la nécessité d'accroître de façon aussi importante les ressources des AODE alors que la répartition des compétences en matière de transition énergétique n'est pas encore déterminée.

L'amendement de notre commission avait été adopté par le Sénat, mais le rejet de l'ensemble du projet de loi de finances rectificative avait rendu vaine cette initiative. Lors de l'examen du texte en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, nos collègues députés n'avaient en effet pas jugé utile de la reprendre à leur compte.

Pourtant, quelques semaines seulement après l'adoption définitive de ce texte, une forte inquiétude a été exprimée par les maires, relayée par les associations d'élus et les parlementaires. Consciente de ces inquiétudes, Anne-Marie Escoffier a annoncé en février que le Gouvernement n'était pas opposé à une concertation et précisé qu'il fallait retravailler cette question.

Sur ce sujet de la répartition du produit de la TCCFE, nous avons d'un côté ceux qui voudraient, dans le prolongement de la LFR, aller plus loin dans la concentration de la ressource au niveau des AODE et ceux qui, à l'inverse, souhaiteraient profiter de ce texte pour revenir sur des situations existantes et redonner plus de choix aux communes, y compris celles de moins de 2 000 habitants.

Pour ma part, je vous propose un équilibre entre ces deux positions, qui consiste à s'en tenir à un retour à la situation antérieure à la LFR 2013, conformément à la volonté que nous avions exprimée en décembre dernier et qui est également celle des auteurs de la proposition de loi. C'est de cette position de principe que découleront l'amendement et les avis que je vous proposerai tout à l'heure sur les amendements qui ont été déposés.

La proposition de loi reprend pour l'essentiel l'amendement que nous avions adopté à l'automne en revenant sur l'automaticité du transfert, qui serait soumis à délibérations concordantes. Elle s'en distingue néanmoins sur quelques points, sur lesquels je vais me concentrer.

Tout d'abord, elle supprime le plafond du reversement de l'AODE à ses communes membres, limité par la LFR 2013 à 50 % du produit perçu sur le territoire de la commune. Dans la mesure où il s'agit d'une souplesse supplémentaire dans les relations entre les communes et l'AODE et qu'elle permet de ne pas remettre en cause des situations existantes, je ne vous propose pas de revenir sur ce point.

Par ailleurs, elle précise le calcul des frais de gestion prélevés par les fournisseurs d'électricité, afin de s'assurer qu'ils seront les plus faibles possibles. Cette précision ne me semble pas indispensable d'un point de vue juridique mais, dès lors qu'elle permet de lever toute ambiguïté, je vous propose de la conserver.

Enfin, la PPL revient sur le mécanisme de « cristallisation ». Les dispositions antérieures à la LFR 2013 prévoyaient que les communes de plus de 2 000 habitants ayant transféré la TCCFE avant le 31 décembre 2010 ne pouvaient plus revenir sur ce transfert. Il s'agit en quelque sorte d'un «  effet cliquet ».

Afin de ne pas remettre en cause les situations existantes et conformément au souhait des auteurs de la proposition de loi de « revenir à la situation antérieure », je vous propose de réintroduire ce mécanisme de « cristallisation » à la date du 31 décembre 2010. Tel est l'objet de l'amendement qui vous a été distribué.

M. Vincent Delahaye . - Je suis favorable au retour à la situation antérieure mais je me demande si cette proposition de loi a des chances d'aboutir ? Sera-t-elle reprise par l'Assemblée nationale ? Un amendement à la prochaine loi de finances rectificative ne serait-il pas préférable ?

M. Philippe Marini , président . - Monsieur le rapporteur, quel accueil les ministres réserveront-ils à cette proposition de loi ? Quel est votre pronostic sur son cheminement ?

M . François Marc , rapporteur . - Le Sénat a toute légitimité à se mettre en avant sur le sujet. Le Gouvernement envisage de revenir sur la disposition adoptée en décembre ; ce sera peut-être dans le prochain projet de loi de finances rectificative. La proposition de loi rappelle opportunément ce que le Sénat, dans sa sagesse, avait voté.

M. Philippe Marini , président . - Compte tenu de la baisse à venir des dotations aux collectivités territoriales, dont les communes, le Gouvernement serait bien inspiré de saisir la perche que nous lui tendons !

M. Philippe Dallier . - Je suis très favorable à ce texte mais je souhaiterais des précisions sur l'article 2 ; pourrait-il entraîner une perte de recettes pour des collectivités ?

M . François Marc , rapporteur . - Non, il s'agit que d'un gage formel pour assurer la recevabilité de la proposition de loi au regard de l'article 40.

M. Pierre Jarlier . - La disposition prise en loi de finances rectificative avait suscité l'émotion dans beaucoup de communes. Le lien qui existe entre le transfert des compétences et le transfert des moyens est problématique. On a transféré systématiquement aux syndicats d'électrification une taxe qui n'était pas affectée. Il y a là une perte de recettes pour les communes, qui continuent pourtant d'assurer les charges de fonctionnement en matière d'électrification. Certains syndicats ont des réserves importantes ; le transfert ne devrait donc pas être systématique. La nouvelle donne budgétaire dans les communes justifie une remise à plat, y compris pour les communes de moins de 2 000 habitants.

M. François Fortassin . - Le texte est, je crois, équilibré. Il faut prendre en compte les besoins des communes et le bon fonctionnement des syndicats départementaux.

M. Philippe Marini , président . - Je remercie François Fortassin qui a été l'un des initiateurs de cette proposition de loi.

M . François Marc , rapporteur . - Je me souviens que le groupe RDSE s'était fait l'écho, en séance, de ces préoccupations.

M. Jean-Claude Frécon . - En revenant à la situation antérieure, on conserve un régime différent pour les communes de plus de 2 000 habitants et de moins de 2 000 habitants. Or, comme Pierre Jarlier l'a souligné à juste titre, toutes ont les mêmes difficultés financières. Cette proposition de loi ne peut-elle être mise à profit pour aller plus loin ?

M. Philippe Adnot . - Ne risque-t-on pas de mettre en difficulté les syndicats ? Si demain les communes qui ont déjà reçu les financements du syndicat peuvent ne plus y cotiser, cela pose un problème pour l'équilibre financier de ce dernier.

M. Philippe Marini , président . - La proposition de loi revient à la situation antérieure, ce risque est donc écarté.

M . François Marc , rapporteur . - Je crois que Philippe Adnot répond aux arguments développés par notre collègue Pierre Jarlier : en allant plus loin, nous pourrions en effet provoquer des déséquilibres. Revenons simplement à la situation antérieure.

M. Philippe Marini , président . - Le retour au statu quo qui vous est proposé pour l'instant est la démarche la plus consensuelle. Il sera évidemment loisible de défendre en séance une vision plus extensive de cette proposition de loi et il appartiendra au Sénat de trancher les oppositions naturelles entre les élus de communes de plus ou moins de 2 000 habitants, les départementalistes qui souhaitent renforcer les structures syndicales au niveau départemental et les communalistes. Efforçons-nous pour l'instant de nous en tenir au consensus proposé.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M . François Marc , rapporteur . - L'article L. 5212-24 du code général des collectivités prévoyait que les communes de plus de 2 000 habitants qui avaient transféré la TCCFE au 31 décembre 2010 ne pouvaient plus revenir sur ce transfert. Cet « effet cliquet » serait supprimé par la présente proposition de loi. Je vous propose avec l'amendement n° 1 de réintroduire ce mécanisme de cristallisation, conformément au souhait des auteurs de la proposition de loi de « revenir à la situation antérieure ».

M. Philippe Marini , président . - C'est un retour au statu quo dans toutes ses dimensions, y compris ce mécanisme de cristallisation. On peut penser que les communes qui ont transféré avant le 31 décembre 2010 l'ont fait en toute connaissance de cause. Il en est résulté pour les syndicats des charges récurrentes de fonctionnement ou d'investissement à financer. Si la ressource disparaît, comment financeront-ils les charges ?

M . François Marc , rapporteur . - L'amendement n° 2 rectifié de Pierre Jarlier vise à supprimer l'automaticité du transfert de la TCFE pour les communes de moins de 2 000 habitants. Cela changerait la donne par rapport à la situation ex ante . Je suis défavorable à cet amendement. Les amendements n° 3 de Xavier Pintat et n° 5 de François Patriat vont dans le sens inverse : ils visent à reprendre les dispositions de la loi de finances rectificative, c'est-à-dire à rétablir le transfert automatique de la TCFE aux syndicats intercommunaux. Cela contredit l'objet même de la proposition de loi. Avis défavorable, comme à l'amendement n°4 de Xavier Pintat, qui complète le n° 3.

M. Philippe Marini , président . - On voit les familles d'esprit, ou en tout cas les intérêts défendus. Le n° 2 rectifié est d'inspiration communaliste, les suivants d'inspiration syndicaliste, et le rapporteur s'efforce de tenir le milieu.

M. Pierre Jarlier . - Je ne suis pas systématiquement communaliste, mais il faut adapter la ressource aux besoins, tout en revenant au système classique de fonctionnement des syndicats. Pourquoi ne pas se donner la possibilité de moduler chaque année le prélèvement sur la taxe en fonction des besoins réels du syndicat ? Certains syndicats sont dans une situation assez confortable.

Je veux bien retirer l'amendement, puisqu'il n'est pas tout à fait au point techniquement, mais il faudrait trouver une solution d'ici la discussion en séance pour que ces transferts ne soient pas systématiques. Il pourrait y avoir chaque année un vote des représentants des communes qui composent le syndicat pour déterminer les montants nécessaires de prélèvement sur la taxe.

M. François Fortassin . - On ne peut pas du tout comparer un syndicat départemental de l'énergie ou de l'électricité avec un syndicat d'eau ou d'assainissement.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'amendement n° 2 rectifié est retiré.

Les amendements n° 3, 4 et 5 ne sont pas adoptés.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.


* 1 Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 2 Loi du 13 août 1926 dite « Niveaux » autorisant les communes et les départements à établir des taxes.

* 3 Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité.

* 4 Le même article a également créé une taxe au profit de l'État, la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE).

* 5 Voir notamment l'avis n° 617 (2009-2010) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juillet 2010.

* 6 Au-delà, les installations sont soumises à la TICFE.

* 7 Ainsi, si le coefficient multiplicateur devait à l'origine être fixé entre 0 et 8, la limite supérieure du coefficient s'élève en 2014 à 8,44.

* 8 Seuls deux départements exercent cette compétence : la Sarthe et le Loiret.

* 9 Devenu l'article 45 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 10 Pour les communautés urbaines, les dispositions de l'article L. 5215-32 contenaient certaines ambiguïtés si bien que des pratiques divergentes avaient pu être constatées.

* 11 Néanmoins, par dérogation à ce principe et pour la seule année 2014, ce transfert est soumis à une délibération du syndicat intercommunal (huitième alinéa de l'article L. 5212-24).

* 12 Lors de la séance de question d'actualité au Sénat, en réponse à une question de notre collègue Jacqueline Gourault.

* 13 Communiqué de presse de l'AMF du 14 février 2014.

* 14 Le « terme T ».

* 15 Le protocole national conclu entre ERDF et la FNCCR le 4 avril dernier pour la période 2014-2017 prévoit entre autre un lissage de la redevance R2, à la hausse comme à la baisse ; il n'aborde pas, en revanche, les conséquences des dispositions de la LFR 2013.

* 16 Devenu article 45 de la LFR 2013.

* 17 Assemblée nationale, séance de questions d'actualité au Gouvernement du 25 février 2014.

* 18 La date d'effet de ce mécanisme de « cristallisation » a été réactualisée régulièrement.

* 19 Assemblée nationale, deuxième séance du 17 décembre 2013.

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