II. L'ACCORD ENTRE LA FRANCE ET LE TURKMÉNISTAN RELATIF AUX SERVICES AÉRIENS

A. LA PORTÉE DE L'ACCORD

Le présent accord définit un cadre juridique moderne applicable aux services aériens des deux Etats.

Ainsi, il comporte des dispositions classiques pour ce type d'accord bilatéral, conformes aux principes définis par la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 et qui reprennent globalement les clauses du modèle d'accord aérien établi par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) : octroi des droits, désignation des entreprises de transport aérien, exploitation des services agréés, sûreté et sécurité, redevances et droits de douanes, représentation commerciale des compagnies aériennes, tarifs, transferts de recettes...

Il instaure également un système de règlement des différends (art.21 de l'accord), qui offre aux entreprises et aux Etats une certaine sécurité juridique.

Les dispositions de cet accord sont également conformes au droit communautaire, de sorte que la France pourra, le cas échéant, désigner des compagnies aériennes communautaires établies sur son territoire en vue d'exploiter les services aériens entre les deux pays.

Pour la France, il apporte une garantie importante, qui est le libre survol du territoire turkmène par les compagnies françaises et la possibilité d'y effectuer des escales techniques.

En effet, le Turkménistan n'a pas encore adhéré à l'Accord de Chicago du 7 décembre 1944 relatif au transit des services aériens internationaux, qui stipule que les compagnies des Etats parties ont le droit de traverser son espace aérien et d'atterrir pour des raisons non commerciales.

Ce volet est particulièrement important pour la société Air France. En 2011, la compagnie française, dont les vols quotidiens à destination de l'Asie du Sud-Est transitent par l'espace aérien turkmène 1 ( * ) , s'était vu interdire l'accès à cet espace aérien, ce qui a occasionné pour elle des frais importants.

B. LES DISPOSITIONS DE L'ACCORD

L'accord comporte 25 articles et une annexe.

L'article 1 définit les termes de l'accord : « Convention » (qui désigne la Convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale), autorités aéronautiques », « entreprise de transport aérien désignée », « service aérien », « routes spécifiées », « services agréés, « tarifs », « redevances d'usage » et « accord ».

L'article 2 définit les droits octroyés par l'accord . Il accorde ainsi aux entreprises de transport aérien de chaque Partie contractante le droit d'exploiter les « libertés de l'air » suivantes :

- le droit de survoler son territoire sans y atterrir (première liberté);

- le droit d'y effectuer des escales pour des raisons non commerciales (deuxième liberté) ;

- le droit d'embarquer et de débarquer des passagers, des bagages et du fret, y compris du courrier, à destination ou en provenance du territoire de l'autre Partie (troisième et quatrième liberté) ;

L'article exclut le droit de cabotage, qui est le droit pour un transporteur d'assurer un service entre deux points situés sur le territoire d'un même Etat, ce qui est habituel pour ce type d'accord.

L'article 3 porte sur la désignation par les Parties des entreprises de transport aérien habilitées à exploiter les services agréés (services aériens réguliers) sur les routes spécifiées à l'accord. Chaque partie peut autoriser plusieurs entreprises, la désignation se faisant par écrit par la voie diplomatique.

Cet article définit les conditions que doit respecter tout entreprise désignée pour se voir accorder par les autorités aéronautiques de l'autre Partie les autorisations d'exploitation (lieu d'établissement, contrôle réglementaire effectif, propriété du capital de l'entreprise de transport aérien concernée). Il permet à la France de désigner des compagnies aériennes françaises mais aussi des compagnies communautaires établies en France, conformément à la réglementation en vigueur.

L'article 4 prévoit la possibilité de révoquer ou suspendre l'autorisation d'exploitation des entreprises de transport aérien ne respectant pas l'une des conditions définies à l'article 3.

L'article 5 énonce les grands principes régissant l'exploitation des services aériens agréés : conditions de concurrence équitables, adéquation entre l'offre et la demande de transport, afin de permettre « un remplissage raisonnable » compatible avec des tarifs également raisonnables.

L'article 6 prévoit l 'application des lois et règlements d'une Partie contractante, en matière douanière et de navigation aérienne , pour l'entrée sur son territoire et dans son espace aérien des aéronefs, équipages, passagers et bagages de l'autre Partie contractante. L'article 17 prévoit néanmoins une facilitation pour les passagers, les bagages et le fret en transit.

L'article 7 énonce l'objectif commun de définir un cadre de concurrence loyale en matière d'exploitation des services aériens, conformément aux orientations prises par la politique extérieure commune de l'Union européenne en matière d'aviation civile (déclaration du conseil de l'Union européenne du 20 décembre 2012).

Les conditions de concurrence entre transporteurs aériens pourront faire l'objet de consultations entre autorités aéronautiques des Parties contractantes et, le cas échéant, de mesures compensatoires appropriées, proportionnées et restreintes en termes de champ d'application et de durée.

Ces mesures, qui ne sont pas précisées à ce stade, seraient vraisemblablement la suspension provisoire, voire l'annulation, des droits de trafic accordés à l'autre Partie, ou la révocation/suspension d'une autorisation d'exploitation accordée à une ou plusieurs compagnies désignées par l'autre Partie.

A l'article 8, les parties reconnaissent comme objectif commun la création d'un environnement de concurrence loyale pour l'exploitation des services aériens. Cela plaide notamment pour que les entreprises « exploitent leurs activités sur une base totalement commerciale et ne bénéficient pas de subventions publique s ». En cas de pratiques portant atteinte à cet objectif de concurrence loyale, les autorités aéronautiques de l'une des Parties peuvent soumettre des observations par écrit ou demander des consultations sur le sujet aux autorités de l'autre Partie. Si à l'issue de celles-ci, ces pratiques persistent, la Partie contractante peut prendre des mesures appropriées, proportionnées et restreintes en termes de champ d'application et de durée.

L'article 9 est relatif à la sécurité de l'aviation . Il prévoit que chaque partie peut demander des consultations au sujet des normes de sécurité adoptées par l'autre partie. A l'issue de ces consultations, s'il s'avère que ces normes ne sont pas au moins égales aux normes minimales exigées par la Convention de Chicago, elle peut lui demander de prendre des mesures correctives. A défaut, elle peut révoquer ou suspendre l'autorisation d'exploiter. Par ailleurs, chaque partie contractante peut effectuer des inspections au sol sur les aéronefs de l'autre partie contractante. Si elle en conclut que la sécurité n'est pas assurée, de même qu'en cas de refus d'accès, elle peut suspendre ou modifier unilatéralement une autorisation d'exploiter.

L'article 10 concerne la fixation des redevances d'usage , imposées aux entreprises de transport aérien au titre de l'utilisation des installations et services aéroportuaires et autres installations de sécurité, de sûreté, de navigation aérienne: celles-ci doivent notamment être « justes, raisonnables, non-discriminatoires et faire l'objet d'une répartition équitable entre les catégories d'usagers ». Elles doivent refléter, sans toutefois excéder, une part équitable du coût supporté pour la mise à disposition des installations et services aéroportuaires ainsi que des services et installation de sécurité, de sûreté et de navigation aérienne.

L'article 11 porte sur les droits de douane et les taxes imposés aux services aériens. Il prévoit des exemptions de droits sur différents équipements et fournitures (carburants, consommables, pièces détachées, provisions de bord...) nécessaires à l'exploitation des services aériens internationaux, conformément à la pratique et à la réglementation internationales en la matière.

L'article 12 vise à permettre les activités commerciales des transporteurs aériens d'une Partie contractante sur le territoire de l'autre Partie contractante, en garantissant notamment la liberté d'établir des agences commerciales, l'autorisation de faire entrer et séjourner du personnel ou encore le droit de vendre des services de transport aérien.

L 'article 13 permet aux compagnies aériennes de convertir et de transférer librement et sans délai les excédents de recettes qui ont été accumulés dans l'autre Etat partie vers le pays de son choix (le pays d'établissement de l'entreprise dans la plupart des cas, mais pas exclusivement). Il confirme également le droit pour les compagnies d'employer librement les recettes générées localement pour leurs besoins liées à l'exploitation de services (activités commerciales, redevances aériennes, taxes diverses).

L'article 14 permet aux entreprises de transport aérien de choisir librement leur prestataire pour les services d'assistance en escale (contrôle du chargement, manipulation du fret et du courrier, guidage de l'avion, nettoyage de l'appareil, fourniture de matériel, de carburant, assistance aux passagers, traitement des bagages...). Il les autorise aussi à pratiquer l'auto-assistance en escale, qui consiste, pour un transporteur aérien, à effectuer pour son propre compte un ou plusieurs services d'assistance.

L'article 15 garantit la libre fixation des tarifs par les entreprises de transport aérien désignées. Il prévoit que les autorités aéronautiques de chaque Partie contractante peuvent se faire communiquer ces tarifs et intervenir en cas de prix trop discriminatoires, trop élevés ou encore trop bas.

L'article 16 prévoit la soumission pour approbation des programmes d'exploitation des entreprises de transport désignées , et de toute modification qui leur est apportée, aux autorités aéronautiques de l'autre Partie contractante, au moins 30 jours avant leur application. Ces programmes détaillent les services réguliers, leur fréquence, les types d'aéronefs, leur configuration et leur capacité en nombre de sièges.

L'article 17 prévoit des contrôles simplifiés pour les passagers, bagages et marchandises qui ne font que transiter par le territoire des parties contractantes (en vue d'une destination finale se trouvant dans un pays tiers). Il exonère de droits de douane et autres redevances les bagages et marchandises en transit direct.

L'article 18 permet la communication aux autorités aéronautiques de chaque Partie contractante des documents statistiques nécessaires pour examiner l'exploitation des services agréés.

L'article 19 est relatif à la sûreté de l'aviation . Il rappelle l'obligation des Parties de garantit la sûreté de l'aviation civile contre les actes d'intervention illicite. Conformément aux dispositions prévues par l'OACI, il fixe les principes de coopération et d'assistance mutuelle des Parties contractantes, pour prévenir et traiter des atteintes à la sûreté de l'aviation civile du fait d'actes d'intervention illicite.

Les articles suivants comprennent les stipulations qui régissent classiquement la mise en oeuvre des traités : consultations et modifications (article 20), règlement des différends ( article 21 ), compatibilité avec un accord multilatéral passé ultérieurement ( article 22 ), dénonciation ( article 23 ), enregistrement auprès de l'OACI ( article 24 ) et entrée en vigueur ( article 25 ).

Enfin, l'annexe est constituée par le tableau des routes qui pourront être exploitées par les entreprises de transport aérien de chacune des Parties contractantes.


* 1 En février 2011, les autorités turkmènes ont interdit pendant une courte période leur espace aérien à la compagnie Air France, qui avait été contrainte de suspendre le règlement des redevances liées au survol du territoire turkmène suite à une saisie-attribution. Dans cette affaire, Air France était le tiers-saisi dans une procédure qui opposait un créancier et le gouvernement turkmène. Ce cas de figure, très particulier, ne s'est pas représenté.

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