EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 13 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Genest, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - C'est avec un grand plaisir que je présente devant vous, pour la première fois, les crédits pour 2015 du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » ou « Facé ». En tant que président du syndicat départemental d'énergies de l'Ardèche, fonction que j'occupe depuis sept ans, je pourrais vous en parler très longuement, mais je m'en tiendrai à une présentation synthétique des faits marquants. Créé en 1936, le « Fonds d'amortissement des charges d'électrification » est resté jusqu'à aujourd'hui le Facé. Il a en effet conservé le même acronyme tout en changeant de statut en 2012 en devenant un compte d'affectation spéciale intitulé « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

Je remarque tout d'abord que les recettes du Facé ont beau être assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, en particulier Électricité Réseau Distribution France (ERDF), son coût est in fine imputé sur le consommateur d'électricité. Cette contribution, attendue à hauteur de 377 millions d'euros en 2015, soit un montant stable depuis 2012, est recalculée régulièrement, de manière à couvrir exactement les crédits prévus sur l'exercice. Par exemple, les taux en vigueur à ce jour ont été récemment fixés par un arrêté du ministre chargé de l'énergie en date du 30 juillet 2014. Aux termes de cet arrêté, le taux de la contribution, calculé en centimes d'euros par kWh, s'élève ainsi à 0,035119 en zone rurale et à 0,175593 en zone urbaine. Il est donc cinq fois plus élevé en zone urbaine, faisant du Facé, dès le stade de son financement, un dispositif de péréquation. Lorsqu'il a été instauré en 1936, le Gouvernement a d'ailleurs annoncé vouloir faire payer ceux qui avaient l'électricité pour installer l'électricité là où il n'y en avait pas, en général en zone rurale. Ce mécanisme de répartition des charges entre communes rurales et communes urbaines doit rester selon moi du même ordre.

S'agissant des destinataires des aides du Facé, il s'agit des « autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité » ou AODE. Ces AODE peuvent être des communes ou, le plus souvent, des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d'électrification à l'échelle départementale, dans la mesure où ces collectivités sont les maîtres d'ouvrage des travaux d'électrification rurale. À cet égard, je me félicite qu'en 2014, la tendance au regroupement des syndicats soit quasiment achevée. Seuls six départements n'ont pu faire aboutir ce regroupement pour des raisons liées à des circonstances locales.

Le taux de prise en charge du coût des travaux s'établit à 80 % hors taxes et les dotations sont notamment réparties en fonction des départs mal alimentés (DMA) calculés par ERDF. J'attire votre attention sur le fait que ces critères de calcul ont été modifiés de manière unilatérale en 2011, ce qui a réduit de manière très importante le nombre de clients considérés comme mal alimentés. Par exemple, en Ardèche, ils sont passés de 4 845 à 2 778, soit une baisse de 43 % sans aucun travaux. Cela revient à casser le thermomètre plutôt que de faire baisser la température. Alors que le taux d'aide est aujourd'hui uniforme, j'estime qu'une réflexion pourrait être engagée sur la variation des taux d'aide selon les collectivités et la nature des travaux.

Ces dotations sont destinées à financer des travaux sur les réseaux de distribution d'électricité. En 2015, les investissements sur les réseaux de distribution publique d'électricité auront, comme à l'accoutumée, diverses finalités et j'en cite pour mémoire quelques-unes. Tout d'abord, 184 millions d'euros seront consacrés au renforcement des réseaux. Cette action vise à accroître la qualité de l'électricité distribuée, qui peut se dégrader en raison de l'augmentation du nombre d'abonnés raccordés sur un départ basse tension par rapport à la capacité électrique de l'ouvrage de distribution. Un montant de 81 millions d'euros financera la sécurisation des réseaux, en prévision d'évènements exceptionnels tels que les tempêtes ou d'autres intempéries, qui peuvent provoquer l'interruption de la fourniture. Des aides à hauteur de 55,5 millions d'euros seront allouées pour l'enfouissement, permettant d'importantes améliorations esthétiques, mais également de fiabilisation, en particulier en zone de montagne. Enfin, 47 millions d'euros sont prévus pour l'extension des réseaux afin d'assurer leur développement. J'estime que les actions de renforcement et de sécurisation doivent bien demeurer des axes prioritaires pour les missions du Facé, mais il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d'extension et d'enfouissement.

Alors qu'en 2012, 2013 et 2014, on a constaté l'existence d'importants reports de crédits d'une année sur l'autre, j'invite le Gouvernement à veiller à ce que l'exécution 2014 soit la plus élevée possible, à procéder aux paiements dans les délais les plus brefs et à faire preuve de bienveillance dans l'examen des dossiers. J'affirme avec force que les retards de paiement connus en 2012, il est vrai peut-être en partie dus à la réforme, ne doivent plus jamais se reproduire.

Pour conclure, mes recommandations sont au nombre de trois. Les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer des axes prioritaires pour les missions du Facé, mais il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d'extension et d'enfouissement. La répartition des charges et des produits entre zone rurale et zone urbaine doit rester identique. Et enfin, alors que le taux d'aide est aujourd'hui uniforme, une réflexion est à engager sur la variation des taux d'aide selon les collectivités et la nature des travaux.

C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits pour 2015 du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), qui est pour moi un bel instrument de solidarité entre les territoires, principe de solidarité qui m'est cher.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je remercie le rapporteur spécial d'avoir souligné l'importance du Facé et d'avoir insisté sur la question de la sécurisation des réseaux et de la qualité de la distribution. Il est indispensable de maintenir une part consacrée à l'investissement pour renforcer et renouveler des réseaux qui sont parfois vieillissants. Se pose également le problème de la sécurisation des fils nus. La qualité de courant est globalement satisfaisante en France, mais nous devons faire attention à la conserver. Quelle solution peut être proposée pour sécuriser une part des crédits du Facé de façon à assurer la fiabilisation des réseaux ?

M. Marc Laménie . - Je m'interroge sur le regroupement des syndicats d'électrification. Il s'agit souvent de fédérations départementales. Or les syndicats ont le mérite d'être un échelon de proximité pour les interventions, en particulier pour les communes rurales. Par ailleurs, il est incontestable que l'électrification joue un rôle essentiel en termes d'investissements, d'emplois, d'activité. Je voudrais savoir pourquoi les crédits du programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries » sont si faibles. Par ailleurs, quelle est l'évolution des crédits du programme 793 « Électrification rurale » par rapport aux exercices antérieurs ?

M. Jean-Claude Requier . - Le Facé est un exemple de péréquation nationale réussi. C'est une péréquation à destination des zones rurales qui n'avaient pas l'électricité. Ce système marche bien depuis 1936 et n'a pas été remis en cause par la réforme de 2012. Les syndicats d'électrification sont à l'échelle départementale sauf six d'entre eux, contrairement aux syndicats des eaux. Ils peuvent avoir une vision d'avenir départementale. Il reste du travail à faire. Car contrairement à ce que pensent les habitants des zones urbaines, il existe encore des endroits où l'on manque d'électricité en quantité et en qualité, ce dernier point étant important à l'heure où les appareils informatiques sont sensibles aux variations électriques. Il ne faut également pas oublier l'enfouissement qui participe à l'esthétique de nos villages et nos villes.

Le budget du Facé, qui représente 377 millions d'euros, attire les convoitises dans le cadre de la future réforme territoriale. Certains conseils généraux se verraient bien récupérer cette compétence et l'argent qui l'accompagne. Il est vrai que certains syndicats ont des réserves, mais celles-ci correspondent à des travaux en attente qui sont déjà programmés et engagés. Je voterai pour les crédits de ce compte d'affectation spéciale.

M. Michel Canevet . - Certains conseils généraux voudraient effectivement bien récupérer cette compétence. Il faudrait encore qu'ils puissent affecter le montant de la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité qu'ils perçoivent actuellement à des travaux effectifs d'électrification, ce qui est loin d'être le cas pour ceux que je connais. Ce compte s'appelle « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». Il faudrait y ajouter « pour l'électrification littorale » car sur le littoral, le faible nombre de constructions raccordées accroît les coûts et l'exposition aux intempéries oblige souvent à des efforts d'enfouissement des réseaux pour permettre d'assurer la continuité de la distribution électrique. Je souhaiterais que cette spécificité soit prise en compte.

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - Il est vrai, monsieur le rapporteur général, qu'il faut augmenter les renforcements. Mais l'équation est difficile à résoudre car ERDF et l'État ont changé les critères permettant d'en bénéficier et moins de clients deviennent éligibles. Comme je vous l'ai déjà dit, en Ardèche, nous avons baissé de 43 % le nombre de clients considérés comme mal raccordés sans faire de travaux, du simple fait du changement de ces critères. Les crédits du Facé ont en conséquence légèrement baissé, car il y a moins de besoins pris en compte.

Les syndicats sont au niveau départemental, qui correspond au niveau où sont effectués les travaux. En Ardèche, sur les 3 millions d'euros perçus au titre de la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité, rien n'est reversé pour l'électrification. Si les conseils généraux reprennent cette compétence, en période de disette, on peut craindre que les travaux d'électrification ne soient vite abandonnés.

Le Facé est un bon outil qui s'est poursuivi sous les différents gouvernements. Le contexte a été modifié récemment par l'actualisation du classement des communes en zone rurale et en zone urbaine, qui devait être menée par les préfets avant le 30 septembre 2014. Cela a des conséquences extrêmement importantes. En Ardèche, une commune en zone rurale voit ses travaux d'électrification menés par le syndicat et perçoit une subvention de 75 % hors taxes, le reste pouvant être financé par des prêts sur dix ans sans intérêts, tandis qu'en zone urbaine, ERDF intervient et la subvention est de 40 %, les 60 % restants devant être versés en capital. Il y a des endroits où ce changement de classement s'est mal passé. Il ne faut pas oublier que les lignes électriques appartiennent aux communes et non à ERDF. Cela doit même être rappelé à certains maires ruraux qui, selon un sondage, sont 70 % à penser que les lignes appartiennent à ERDF.

M. Daniel Raoul . - Pour le téléphone, les communes avaient payé les constructions des lignes. C'est pourtant France Télécom qui en a héritées.

M. Jacques Genest , rapporteur spécial . - En parlant de France Télécom, je souligne que ce sont les syndicats et les communes qui enfouissent à leurs frais les lignes de téléphone en même temps que les lignes électriques.

M. Philippe Adnot . - Je suis obligé de réagir aux propos tenus sur les départements qui voudraient reprendre la responsabilité du Facé. Il ne faut pas oublier les demandes des intercommunalités. Personnellement, je suis un fervent partisan des syndicats départementaux qu'ils soient des eaux ou d'électricité. Quant à reprocher aux conseils généraux de ne pas reverser la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité, ce n'est pas le cas de mon département qui la reverse en partie, et l'a fait intégralement dans le passé. Ce n'est pas une taxe affectée, mais une ressource budgétaire qui en tant que telle n'a pas à être affectée à l'électrification. Je ne voudrais pas que vos propos laissent penser que les départements ne s'intéressent pas à l'électrification.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

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Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale.

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