Rapport général n° 108 (2014-2015) de M. François BAROIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 19

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Rapporteur spécial : M. François BAROIN

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l'audiovisuel public, imputées sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » s'élèvent à 4,38 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, contre 4,36 milliards d'euros en 2014 . Cela représente une légère hausse de 0,43 %.

2. Le Gouvernement a annoncé, dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques de juillet 2014, la suppression, à l'horizon 2017, de l'ensemble des dotations budgétaires des sociétés de l'audiovisuel public , qui seront à cette date intégralement financées par la contribution à l'audiovisuel public. Cette décision se traduit dans le projet de loi de finances pour 2015 par la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et par la création d'un nouveau programme 847 « TV5 Monde » au sein du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Elle représente une économie de 76,2 millions d'euros pour le budget de l'État en 2015 et se traduit par une forte baisse des crédits de la mission « Médias » sur le triennal 2015-2017 .

3. Cette évolution soulève des questions sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés . De ce point de vue, votre rapporteur spécial estime que le Gouvernement manque de courage . Plutôt que de réformer l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public en l'adaptant aux nouveaux usages, il a fait le choix « court-termiste », au titre de l'année 2015, d'augmenter le montant de cette dernière de deux euros supplémentaires hors indexation sur l'inflation, ce qui pèsera sur le contribuable.

4. Le nombre de dépenses fiscales de la mission demeure stable, mais le chiffrage du coût de ces dépenses est fluctuan t, ce qui interroge quant à sa fiabilité. En outre, leur évaluation demeure lacunaire, voire inexistante . Si l'extension du taux super réduit de TVA à 2,1 % au profit des publications de presse en ligne, adoptée par le Parlement en février 2014, va dans le sens du respect du principe de neutralité technologique, elle fait peser un risque de contentieux qui pourrait se traduire par des sanctions financières en cas de condamnation.

5. En 2015, le principal enjeu pour l'Agence France Presse sera la mise en oeuvre de son nouveau contrat d'objectifs et de moyens (2014-2018), qui répond notamment aux demandes de la Commission européenne sur la distinction entre les activités commerciales de l'agence et ses missions d'intérêt général. Dans ce contexte, l'agence conserve un traitement budgétaire privilégié . Ses performances commerciales sont en progression mais doivent être confirmés.

6. Le montant des aides publiques à la presse écrite demeure globalement stable . Votre rapporteur spécial relève cependant une baisse de 500 000 euros de la dotation au fonds stratégique pour le développement de la presse par rapport à 2014, qui n'est pas cohérente avec la priorité affichée par le Gouvernement de réorienter les aides vers l'adaptation du secteur au numérique . Votre rapporteur spécial s'inquiète par ailleurs de l'accélération de la disparition des diffuseurs de presse sur le territoire , et de l'incapacité du Gouvernement à proposer des mesures pour enrayer cette évolution . Enfin, votre rapporteur spécial regrette que les aides au transport postal demeurent imputées sur la mission « Économie », ce qui nuit à la transparence budgétaire.

7. L'évolution des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » est fortement marquée par le rythme d'exécution d'avancement du chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu , site historique de la Bibliothèque nationale de France.

8. Le Centre national du cinéma et de l'image animée est transféré du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » vers le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Dans le présent projet de loi de finances, l'opérateur n'est pas mis à contribution dans le cadre de l'assainissement général des comptes publics . Votre rapporteur spécial interpelle donc le Gouvernement sur sa doctrine en matière de fiscalité affectée, notamment de sa rationalisation équilibrée entre les différents opérateurs.

9. Si les missions de la HADOPI ne seront finalement pas transférées au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), comme le recommandait le rapport Lescure, la Haute Autorité devra en 2015 se contenter d'une dotation stable par rapport à 2014, à hauteur de 6 millions d'euros, après deux années de très forte baisse. La persistance de ce traitement budgétaire rigoureux pourrait peser sur la capacité de la HADOPI à mener à bien ses différentes missions . Elle témoigne d'un manque d'ambition du Gouvernement en ce qui concerne la lutte contre le téléchargement illégal et le développement d'une offre légale et appelle au minimum une clarification de sa part quant au rôle qu'il entend assigner à la Haute Autorité.

10. Le principal enjeu de France Télévisions en 2015 sera de pouvoir respecter l'objectif du retour à l'équilibre financier tel que prévu par l'avenant au COM 2013-2015, dans un contexte incertain lié à la réduction des ressources publiques et à la forte baisse des ressources publicitaires . Le groupe poursuit sa réforme interne, qui prévoit notamment une baisse sensible des effectifs.

11. Arte France poursuivra en 2015 sa stratégie de reconquête de l'audience et de développement du numérique, qui s'est avérée fructueuse. Le groupe bénéficiera d'un traitement favorable , avec une légère hausse de sa dotation.

12. 2015 constituera une année cruciale pour Radio France, avec la mise en oeuvre de la stratégie axée sur le numérique , portée par son nouveau président Mathieu Gallet, la négociation du futur contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2015-2019, et l'ouverture du nouvel auditorium au printemps 2014. La dotation de l'entreprise sera stable. Dans ce contexte, plusieurs points appelleront une vigilance particulière : l'état d'avancement du chantier de rénovation de la Maison de la radio, notamment après l'incendie qui a frappé le bâtiment le 31 octobre dernier, le climat social et la performance du groupe au niveau des audiences.

13. Pour France Médias Monde, le principal enjeu sera le respect par l'État de la trajectoire financière fixée par le contrat d'objectifs signé en avril 2014 . Le groupe a en effet subi une réduction imprévue de ses crédits en loi de finances rectificative pour 2014, ce qui l'a contraint à reporter certains projets.

14. Après une ponction exceptionnelle de 20 millions d'euros en 2014 sur son fonds de roulement qui l'a contraint à renoncer à son projet immobilier, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) retrouve une dotation équivalente à celle de l'année 2013. Agnès Saal a remplacé Mathieu Gallet à la tête de la société au printemps 2014. Elle souhaite renforcer les ressources propres de la société . Le prochain contrat d'objectifs 2015-2019 devra définir un nouveau projet immobilier.

Au 10 octobre 2014, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 43,9 % des réponses portant sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » étaient parvenues à votre rapporteur spécial . Ce taux était de 74,5 % au 4 novembre 2014 .

PREMIÈRE PARTIE - ANALYSE GÉNÉRALE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA COMMUNICATION ET À L'AUDIOVISUEL EN 2015

I. UNE ÉVOLUTION STRUCTURANTE : LA SUPPRESSION DE TOUTE DOTATION BUDGÉTAIRE AUX SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC D'ICI 2017

A. UNE ANNONCE DU GOUVERNEMENT EFFECTUÉE AU MOMENT DU DÉBAT D'ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES

Le Gouvernement a annoncé en juillet 2014, au moment du débat d'orientation sur les finances publiques, son intention de supprimer à l'horizon 2017 l'ensemble des dotations budgétaires aux organismes de l'audiovisuel public , qui seront à cette date intégralement financés par la seule contribution à l'audiovisuel public (CAP), ex-redevance audiovisuelle.

Cette décision concerne essentiellement France Télévisions et France Médias Monde 1 ( * ) , et se traduit dès le projet de loi de finances pour 2015 par une évolution des maquettes respectives de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

B. LES CONSEQUENCES CONCRÈTES DE CETTE DÉCISION SUR L'ARCHITECTURE DE LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L `AUDIOVISUEL PUBLIC »

1. La suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » et la création du programme 847 « TV5 Monde »

Dans le sillage des annonces du Gouvernement, le projet de loi de finances prévoit la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Ce programme portait les dotations budgétaires attribuées à France Médias Monde et à TV5 Monde, pour un montant global de 150,6 millions d'euros en 2014, dont 74,4 millions d'euros pour France Médias Monde et 76,2 millions d'euros pour TV5 Monde.

La mission « Médias » ne comporte donc désormais plus que trois programmes :

- le programme 180 « Presse » ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » ;

- le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique ».

À l'inverse, le compte de concours financiers s'enrichit d'un nouveau programme 847 « TV5 Monde » , doté de 77,8 millions d'euros 2 ( * ) , montant stable par rapport à 2014. Le maintien de la dotation à son niveau de 2014 doit permettre à TV5 Monde de mettre en oeuvre les grands projets définis dans son plan stratégique 2014-2016, en particulier l'adaptation du réseau de distribution aux attentes des publics avec l'extension de la diffusion en haute définition en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique francophone.

Par ailleurs, la dotation attribuée au programme 844 « France Médias Monde » est quasiment doublée, passant de 169,9 millions d'euros en 2014 à 247 millions d'euros en 2015. Cette évolution s'explique par le transfert des crédits du programme 115 dédiés à France Médias Monde vers le programme 844. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.

2. Une baisse importante des crédits de la mission « Médias » sur le triennal 2015-2017

La deuxième conséquence remarquable qui découle de la décision du Gouvernement est la forte réduction des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » au cours du nouveau triennal 2015-2017 .

Le tableau suivant présente l'évolution attendue des crédits de paiement sur cette période.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur la période 2015-2017

(en millions d'euros)

LFI 2014 au format 2015*

PLF 2015

2016

2017

Plafond de la mission**

812

714

631

551

Évolution entre n-1 et n (en %)

/

- 12,07 %

- 11,62 %

- 12,68 %

* La LFI 2014 est présentée au format de la maquette budgétaire retenue pour la programmation 2015-2017 ; elle est également retraitée des modifications de périmètre et de transferts impactant la mission en PLF 2015.

** Hors contribution directe de l'État au CAS Pensions, conformément au projet de loi de programmation des finances publiques

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2015

Au total, les crédits de la mission doivent diminuer de 32,14 % entre 2014 et 2017, et de 22,83 % entre 2015 et 2017 .

Si la suppression des dotations budgétaires attribuées à France Télévisions et à l'audiovisuel extérieur de la France se traduira par une économie sur le budget général de l'État , cela ne signifie pas pour autant que le niveau des ressources publiques attribuées à ces organismes diminuera d'autant. On le constate avec TV5 Monde, dont la dotation publique demeure constante entre 2014 et 2015.

C. UNE ÉVOLUTION QUI POSE DES QUESTIONS SUR L'AVENIR DU FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Le Gouvernement comme les sociétés de l'audiovisuel public estiment que la suppression des dotations budgétaires garantira davantage d'indépendance et de visibilité financière aux organismes concernés . Ils seront notamment moins soumis à la régulation budgétaire.

Il n'en reste pas moins que cette évolution soulève un certain nombre d'interrogations sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public. Votre rapporteur spécial estime à cet égard que le Gouvernement fait preuve d'un manque de courage . En effet, celui-ci a fait le choix « court-termiste » d'augmenter de deux euros supplémentaires , hors indexation sur l'inflation, le montant de la contribution à l'audiovisuel public en métropole, dont le montant passera de 133 euros en 2014 à 136 euros en 2015.

Or, une telle mesure ne peut être pérenne , le contribuable n'ayant pas vocation à supporter, année après année, une hausse de ladite contribution. Pour mémoire, le montant de la contribution à l'audiovisuel public a augmenté de 20 euros depuis 2008 en métropole, et de 8 euros en outre-mer.

Évolution du montant de la contribution à l'audiovisuel public
depuis 2008

(en euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Métropole

116

118

121

123

125

131

133

136

Outre-mer

74

75

78

79

80

84

85

86

Source : commission des finances du Sénat, d'après différents documents budgétaires

Cette hausse ne règle en rien la question de l'avenir du financement de l'audiovisuel public . Il importe donc de réfléchir à l'évolution de l'assiette de la redevance, en accord avec l'évolution des usages. En effet, la télévision peut désormais se regarder sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone . Or, ces appareils n'entrent pas aujourd'hui dans l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. Ce décalage entre les modalités de l'assiette et les usages pourrait poser un problème d'acceptabilité sociale et doit donc être rapidement traité .

Les dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public sont d'ailleurs unanimes sur la nécessité d'étendre l'assiette de la redevance aux appareils connectés.

D'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, « des réflexions sont en cours pour adapter la contribution à l'audiovisuel public au numérique, notamment en élargissant son assiette à l'ensemble des dispositifs techniques permettant de recevoir les services audiovisuels (principe de neutralité technologique ). Des études d'impact sur différentes hypothèses sont actuellement menées, afin notamment d'exonérer les personnes les plus vulnérables de cette extension (par exemple, les jeunes à faible niveau de revenus), et afin également que cette réforme ne se traduise pas par une hausse importante de la pression fiscale sur les contribuables. Le projet de loi de finances pour 2015 ne prévoit aucune disposition en la matière, la date de mise en oeuvre de cette réforme n'étant pas envisagée avant 2016 au plus tôt » 3 ( * ) .

II. LES MÉDIAS ET L'AUDIOVISUEL : DES SECTEURS GLOBALEMENT PRÉSERVÉS EN 2015

Dans le projet de loi de finances pour 2015, les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles 4 ( * ) et à l'audiovisuel public s'élèvent à 4,38 milliards d'euros, contre 4,36 milliards d'euros de crédits en 2014 . Cela représente une légère hausse de 0,4 % des moyens accordés à ces secteurs.

On peut donc considérer que ces domaines sont relativement épargnés par l'effort d'assainissement des comptes publics. Cette évolution tient en partie au compte de concours financiers qui permet « d'exonérer les avances à l'audiovisuel de toute discipline budgétaire puisque les dépenses faites sur ce compte échappent à la norme de dépense » 5 ( * ) .

Toutefois, cette évolution globale doit être nuancée selon les différents secteurs (cf. infra ).

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » EST MARQUÉE PAR LA PRÉDOMINANCE DES DÉPENSES D'INTERVENTION ET DE FONCTIONNEMENT

Le projet de loi de finances pour 2015 propose une dotation de 717,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 714,2 millions d'euros en crédit de paiement (CP) pour la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits des différents programmes de la mission entre 2014 et 2015, ainsi que l'exécution 2013.

Évolution des crédits des programmes de la mission « Médias, livre et industries culturelles » entre 2014 et 2015 et exécution 2013

(en euros)

Source : commission des finances, d'après les données du projet annuel de performances pour 2015

Par ailleurs, le graphique ci-après permet d'estimer le poids de chaque programme au sein de la mission.

Répartition des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et industries culturelles » dans le projet de loi de finances pour 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du projet annuel de performances pour 2015

La mission « Médias, livre et industries culturelles » se caractérise par la prédominance des dépenses d'intervention et de fonctionnement, qui représentent respectivement 50,4 % et 45,1 % des crédits de paiement de la mission demandés pour 2015.

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS FINANCE TRÈS MAJORITAIREMENT FRANCE TÉLÉVISIONS

Hors budget général de l'État, les ressources publiques destinées aux organismes de l'audiovisuel public, imputées sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » et financées par la contribution à l'audiovisuel public, s'élèvent à 3,67 milliards d'euros en 2015, contre 3,55 milliards d'euros en 2014 . Cela représente une hausse de 3,26 %, particulièrement remarquable dans le contexte actuel de réduction des déficits publics.

Cette évolution tient au dynamisme de la contribution à l'audiovisuel public, indexée sur l'inflation et augmentée de deux euros supplémentaires en 2015.

Le graphique ci-après présente la répartition des crédits de paiement du compte de concours financiers entre les différents programmes, et fait apparaître le poids prédominant de France Télévisions .

Répartition des crédits de paiement du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » dans le projet de loi de finances pour 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du projet annuel de performances pour 2015

Le tableau ci-après retrace quant à lui l'évolution, à périmètre courant, des dotations attribuées aux différents organismes de l'audiovisuel public entre 2014 et 2015, ainsi que l'exécution 2013.

Évolution de la répartition des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public entre les organismes de l'audiovisuel public » entre 2014 et 2015 et exécution 2013

(en euros) 6 ( * )

Programme

Exécution
2013

LFI 2014

PLF 2015

Écart 2015/2014

Programme 841 « France Télévisions »

2 300 400 000

2 429 824 798

2 369 360 683

-  2,49 % 7 ( * )

Programme 842 « Arte France »

268 100 000

265 940 903

267 249 469

+  0,49 %

Programme 843 « Radio France »

618 200 000

614 524 966

614 392 236

-  0,02 %

Programme 844 « France Médias Monde »

169 200 000

169 857 945

247 082 000

+ 45,46 % 8 ( * )

Programme 845 « Institut national de l'audiovisuel »

91 800 000

70 950 976

90 869 000

+ 28,07 %

Programme 847 « TV5 Monde » (nouveau)

/

/

77 834 205

Stabilité 9 ( * )

Total

3 447 700 000

3 551 099 588

3 666 787 593

+ 3,26 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

III. UN CHIFFRAGE APPROXIMATIF DES DÉPENSES FISCALES ET UN RISQUE DE CONTENTIEUX LIÉ AU TAUX SUPER RÉDUIT DE TVA APPLICABLE À LA PRESSE EN LIGNE

A. L'ÉVALUATION DU COÛT DES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE LA PRESSE ET DE L'AUDIOVISUEL EST FLUCTUANTE

Le nombre de dépenses fiscales principales sur impôts d'État en faveur du secteur de la presse et de l'audiovisuel demeure stable entre 2014 et 2015, mis à part la non-reconduction de la réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse.

En revanche, le chiffrage du coût de ces dépenses évolue sensiblement entre la prévision effectuée en projet de loi de finances pour 2014 et celle réalisée en projet de loi de finances pour 2015. Or, le Gouvernement ne fournit aucune explication sur ces évolutions, ce que l'on peut regretter.

Le tableau suivant présente les dépenses fiscales en faveur de la presse et de l'audiovisuel, leur coût estimé en projet de loi de finances pour 2014, leur coût actualisé pour 2014 dans le projet de loi de finances pour 2015, et la prévision de leur coût en 2015.

Évolution du chiffrage des dépenses fiscales en faveur de la presse et de l'audiovisuel entre 2014 et 2015

(en millions d'euros)

Dépense fiscale

Chiffrage 2014 (PLF 2014)

Chiffrage 2014 (PLF 2015)

Prévision pour 2015

Taux de TVA à 2,1 % applicable aux publications de presse

150

165

170

Déduction spéciale en faveur des entreprises de presse

Non chiffrable

2

2

Réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

Non chiffrable

Coût inférieur à 0,5 million d'euros

-

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste

482

499

487

Déduction intégrale de la TVA par les organismes du service public de la communication audiovisuelle consécutive à la soumission de la redevance au taux de TVA de 2,10 %

185

195

200

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des « droits acquis »

46

34

30

Coût total

863

895

889

Source : projets annuels de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public annexés au projet de loi de finances pour 2015 »

Votre rapporteur spécial relève par ailleurs que les projets annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne fournissent aucune indication quant aux évaluations des dépenses fiscales qui auraient pu être menées au titre de l'article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017 10 ( * ) .

Article 18 de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017

Les dépenses fiscales, d'une part, et les réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, d'autre part, font l'objet d'une évaluation annuelle de leur efficience et de leur efficacité.

Ces évaluations sont réalisées chaque année par cinquième des dépenses fiscales, réductions, exonérations ou abattements d'assiette sur l'ensemble de ceux qui, aux termes du texte qui les a institués, cesseront de s'appliquer dans les douze mois.

Ces évaluations sont transmises au Parlement.

Source : article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017

B. LE TAUX SUPER RÉDUIT DE TVA APPLICABLE À LA PRESSE EN LIGNE, UN RISQUE DE CONTENTIEUX À SURVEILLER

La loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne permet aux publications de presse en ligne de bénéficier du taux super réduit au même titre que les publications de presse écrite, en application du principe de neutralité technologique .

Cette évolution explique la hausse du coût des dépenses fiscales, d'ailleurs modérée, associée à ce taux réduit .

Si elle est pertinente du point de vue de la neutralité fiscale, il n'en reste pas moins qu'elle fait peser un risque de contentieux européen qui pourrait se traduire par des sanctions financières en cas de condamnation .

En effet, la Commission européenne a adressé à la France, le 10 juillet 2014, une lettre de mise en demeure . On rappellera également pour mémoire qu'elle a saisi en septembre 2013 la Cour de justice de l'Union européenne contre la France s'agissant de l'application du taux réduit de TVA au livre numérique.

Rappel du cadre juridique applicable aux taux réduits de TVA

En application de la directive 98 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA, l'annexe III de cette directive liste de manière limitative les biens et services éligibles à un taux réduit de TVA et permet notamment aux États membres de soumettre à ce taux :

- les livres (livraison et location) et produits assimilés tels que les journaux et périodiques (point 6) ;

- la réception de services de radiodiffusion et de télévision (point 8) ;

- les prestations de service fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus (point 9).

Le paragraphe 2 de l'article 98 de la directive dispose toutefois que « les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique visés à l'article 56, paragraphe 1, point K ».

La Commission européenne considère donc de manière constante que les services culturels en ligne (livre numérique, presse en ligne, vidéo à la demande, musique en ligne), qui entrent dans la catégorie des services fournis par voie électronique, sont exclus par la réglementation communautaire en vigueur au bénéficie d'un quelconque taux de TVA minoré et ne peuvent donc se voir appliquer que le taux normal.

Elle estime en conséquence que l'application en France du taux réduit de TVA au livre numérique et du taux super-réduit à la presse en ligne contreviennent au droit de l'Union européenne.

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE - LES POINTS SAILLANTS RELATIFS AUX CRÉDITS DÉDIÉS À LA COMMUNICATION ET À L'AUDIOVISUEL EN 2015

I. LES DÉPENSES EN FAVEUR DE LA PRESSE ET DES RADIOS LOCALES SONT GLOBALEMENT PRÉSERVÉES, CE QUI PEUT SE JUSTIFIER AU REGARD DE LEUR RÔLE FONDAMENTAL DANS LA DÉMOCRATIE ET LE PLURALISME

A. L'AGENCE FRANCE PRESSE BÉNÉFICIE D'UNE HAUSSE DE SA DOTATION, EN LIEN AVEC SON NOUVEAU CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS

Pour la deuxième année consécutive, l'Agence France Presse (AFP) bénéficie d'une hausse de sa dotation. Elle passe ainsi de 123 millions d'euros en 2014 à 126 millions d'euros en 2015, soit une hausse de 2,6 %.

Cette évolution favorable est liée à la mise en oeuvre du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (2014-2018) de l'agence, à partir du 1 er janvier 2015, le coeur de ce nouveau document stratégique étant la clarification des relations financières entre l'État et l'Agence .

1. La fin de la procédure communautaire et la négociation d'un nouveau COM

L'année 2014 a été marquée par la fin de la procédure communautaire relative aux relations financières de l'État et de l'AFP.

Pour mémoire, en février 2010, une agence de presse allemande avait déposé une plainte alléguant que la France aurait accordé des aides d'État à l'AFP. Après quatre ans d'instruction, la Commission européenne a transmis fin mars 2014 au Gouvernement français une lettre dite de « mesures utiles » qui valide le soutien financier de l'État à l'AFP sous-réserve que la France s'engage à plusieurs évolutions visant à mettre en conformité avec les règles sur les aides d'État les relations entre l'État et l'agence .

Le Gouvernement dispose d'un an pour prendre ces mesures. Il s'est notamment engagé à définir plus précisément, dans le cadre du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM), les missions d'intérêt général confiées à l'agence, qui tiennent au caractère complet et impartial de l'information ainsi qu'au caractère d'organisme d'information à rayonnement mondial.

En outre, le COM doit définir les modalités de calcul et de versement de la compensation des missions d'intérêt général de l'agence.

2. Des performances commerciales en progression, qui doivent se confirmer

Parallèlement au soutien public important dont elle dispose, l'AFP s'efforce de développer ses ressources propres .

Ainsi, l'indicateur de performance relatif au développement de produits et de marchés à fort potentiel de croissance témoigne des progrès réalisés par l'agence depuis 2012 . En effet, le chiffre d'affaires provenant des marchés à fort potentiel de croissance est passé de 39,4 millions d'euros en 2012 à 40,3 millions d'euros en 2013, avec une prévision actualisée de 42,4 millions d'euros en 2014, supérieure à la prévision initiale (42,1 millions d'euros).

En outre, votre rapporteur spécial relève les bons résultats de l'AFP s'agissant du chiffre d'affaires issu de son activité multimédia , qui doit passer de 23,1 millions d'euros en 2013 à 28,3 millions d'euros en 2014, la prévision actualisée pour cette dernière année étant supérieure de 4 points à la prévision initiale. On relèvera cependant que le chiffre d'affaires lié à cette activité a diminué entre 2012 et 2013.

Ces résultats sont donc encore fragiles et doivent être confirmés, dans un univers très concurrentiel .

Enfin, l'agence réalise également des performances satisfaisantes du point de vue de la croissance de la masse salariale du groupe, qui a baissé entre 2012 et 2013, passant de 2,18 % à 1,75 %. La prévision pour 2014 est de 1,6 %.

En revanche, s'agissant de l'ensemble des indicateurs de performance, on peut regretter que le projet annuel de performance ne mentionne pas encore la prévision pour 2015 et la cible pour 2017, qui « seront fixées dans le plan d'affaires du contrat d'objectifs et de moyens qui doit être signé au dernier trimestre 2014 » 11 ( * ) .

B. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DES AIDES À LA PRESSE DANS LA CONTINUITÉ DE LA RÉFORME INITIÉE EN 2013

Dans la continuité de la réforme des aides à la presse écrite initiée en 2013, les crédits qui leur sont dédiés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 diminuent à hauteur de 3 %.

Au cours de l'année 2014, le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 a fusionné les sections du fonds stratégique pour le développement de la presse, « afin de mettre fin au cloisonnement entre aides destinées à la presse imprimée ou numérique » 12 ( * ) . En outre, ce décret a modifié les critères d'éligibilité et les taux de subvention du fonds de façon à réorienter ses interventions vers les projets mutualisés et technologiquement innovants .

Une réforme de l'aide au portage est également en cours, dans le but de favoriser le portage multi-titres et le développement des abonnés portés.

Le tableau ci-après présente l'évolution des différents types d'aides entre 2014 et 2015.

Évolution des différentes aides à la presse entre 2014 et 2015 (en CP)

(en millions d'euros)

Types d'aides

2014

2015

Aides à la diffusion

57 227 519

58 543 125

Aides au portage de la presse

36 000 000

36 000 000

Exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse

21 227 519

22 543 125

Aides au pluralisme

11 475 000

11 475 000

Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale (IPG) à faibles ressources publicitaires

8655 000

8 655 000

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'IPG à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1 420 000

1 420 000

Aides à la modernisation

66 372 481

60 099 707

Aide à la modernisation sociale de la presse d'IPG

12 572 774

7 000 000

Aide à la modernisation de la distribution de la presse

18 850 000

18 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

4 000 000

4 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

30 949 707

30 449 707

Total « Aide à la presse »

135 075 000

130 117 832

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données des projets annuels de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de loi de finances pour 2014 et 2015

On constate la stabilité du niveau des différents types d'aides , à l'exception de l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale (IPG) et de la dotation du Fonds stratégique pour le développement de la presse.

S'agissant de la première aide, les crédits ouverts en 2015 au titre de la participation de l'État au coût des départs anticipés pour la presse quotidienne nationale (PQN) et la presse quotidienne régionale (PQR) ont été évalués à 7 millions d'euros, et se répartissent entre la PQN (2,8 millions d'euros) et la presse locale - PQR/presse quotidienne départementale - PQD (4,2 millions d'euros). Ces prévisions sont inférieures à celles de 2014 (respectivement 4,4 millions pour la PQN, 7,6 millions pour la presse locale et 0,6 million de provisions). Le nombre de bénéficiaires décroît d'année en année, passant de 114 pour la PQN et 244 pour la PQR en 2014 à 105 pour la PQN et 228 pour la PQR en 2015.

En ce qui concerne le Fonds stratégique, on peut regretter la baisse de sa dotation, certes limitée . En effet, celui-ci est présenté par le Gouvernement comme l'outil principal de la modernisation de la presse, objectif central de la réforme des aides à la presse écrite. Dans ce contexte, la baisse de la dotation ne paraît pas très cohérente avec les priorités affichées par le Gouvernement.

Votre rapporteur spécial s'inquiète également de l'accélération de la disparition des diffuseurs de presse - kiosquiers, maisons de la presse - sur l'ensemble du territoire, notamment dans les villes moyennes, et regrette l'incapacité du Gouvernement à proposer des mesures pour enrayer cette évolution .

Il souhaite enfin rappeler que, depuis l'année dernière, les crédits dédiés à l'aide au transport postal de la presse ont été transférés vers le programme « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie », décision qui peut paraître contestable du point de vue de la transparence budgétaire.

D'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, les aides au transport postal passeront de 150,5 millions d'euros en 2014 à 130 millions d'euros en 2015 , après une très forte réduction entre 2013 et 2014, liée à l'arrêt de la compensation du moratoire de l'aide postale décidé en 2009 et à la baisse tendancielle, prévue par les accords « Schwartz 13 ( * ) », du besoin de compensation des tarifs postaux.

C. UNE STABILITÉ DE LA DOTATION EN FAVEUR DES RADIOS LOCALES DE PROXIMITÉ

L'action 10 « Soutien à l'expression radiophonique locale » retrace le financement public de l'aide aux radios associatives, attribué dans le cadre du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER). Une aide est ainsi accordée aux radios locales associatives dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total.

Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, la stabilité de la dotation attribuée aux radios associatives locales est satisfaisante, à hauteur de 29 millions d'euros depuis 2010 . Ces radios remplissent en effet des missions sociales de proximité fondamentales, tant en métropole qu'en outre-mer, et contribuent à ce titre au dynamisme et au pluralisme de la démocratie locale, dans le contexte par ailleurs incertain de la réforme territoriale et de la réduction des dotations aux collectivités territoriales.

Votre rapporteur spécial prend par ailleurs acte de la réforme annoncé du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER). Celle-ci vise à « renforcer le caractère incitatif et la sélectivité du dispositif, avec une part plus large consacrée à la subvention sélective, laquelle sera attribuée sur la base de critères plus exigeants. L'objectif est donc d'éviter un « saupoudrage » de la subvention sélective en augmentant le montant moyen de cette subvention et en la réservant aux radios les plus engagées dans la communication sociale de proximité » 14 ( * ) .

II. LE LIVRE ET LA LECTURE : DES CRÉDITS MARQUÉS PAR LE POIDS DE LA SUBVENTION DÉDIÉE À LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

A. LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE PERÇOIT 80 % DES CRÉDITS DÉDIÉS AU LIVRE ET À LA LECTURE

Les crédits de l'action 01 « Livre et lecture » du programme 334 sont essentiellement consacrés à la dotation de la Bibliothèque nationale de France (BnF), qui représente près de 80 % des crédits de paiement de cette action.

Le montant total des crédits de l'opérateur (fonctionnement et investissement) augmente de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Alors que le montant de la subvention de fonctionnement est reconduit, à hauteur de 189 millions d'euros, les dotations en fonds propres augmentent pour permettre à l'établissement de financer ses besoins de maintenance bâtimentaire, à hauteur de 18 millions d'euros.

Le principal enjeu pour l'année 2015 tient à la mise en oeuvre du nouveau contrat de performance 2014-2016. Il conviendra notamment de veiller à l'atteinte de l'objectif visant à garantir l'accès aux collections nationales et à favoriser la lecture, dans un contexte de dégradation de la fréquentation des bibliothèques .

B. UNE ACTION DONT LE MONTANT DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT EST LIÉ À L'ÉVOLUTION DU CHANTIER DE RÉNOVATION DU QUADRILATÈRE RICHELIEU

En outre, comme en témoigne l'écart entre le montant des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement, l'évolution des crédits de l'action 01 « Livre et lecture » est très marquée par le rythme d'avancement du chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France. Pour mémoire, cette opération vise à rénover intégralement les bâtiments et les équipements du site Richelieu en vue d'assurer la sécurité du public et biens, ainsi que la sûreté des collections patrimoniales.

Comme tous les grands chantiers, notamment culturels, la réalisation de ce dernier appelle une vigilance particulière quant au respect des coûts prévus et du calendrier initiaux .

D'après les éléments transmis à votre rapporteur spécial, le coût global du chantier est désormais estimé à 218,3 millions d'euros , contre une prévision initiale de 212 millions d'euros.

C. LA PRÉSERVATION DES CRÉDITS D'INTERVENTION DÉCONCENTRÉS EN FAVEUR DE LA POLITIQUE DU LIVRE

Les crédits d'intervention déconcentrés dédiés au développement de la lecture et des collections augmentent très légèrement par rapport à 2014, à hauteur de 10,39 millions d'euros en 2015 , contre 10,23 millions d'euros en 2014.

Dans le contexte actuel des finances publiques, cette évolution est satisfaisante, alors que les collectivités jouent un rôle essentiel dans la diffusion de la lecture et que les médiathèques en particulier constituent parfois le seul service public culturel de certains territoires.

III. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DÉDIÉS AUX INDUSTRIES CULTURELLES DEMEURENT TRÈS MARGINAUX

A. LE TRANSFERT PERTINENT DU CNC DANS LE CHAMP DU PROGRAMME 334 « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit le transfert du Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC) du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » vers le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Cette évolution est cohérente avec le champ du programme 334 précité. Elle répond d'ailleurs à une demande exprimée par la commission des finances du Sénat 15 ( * ) .

Votre rapporteur spécial relève à cet égard que, de par ce transfert, le poids des crédits extra-budgétaires dédiés aux industries culturelles dépasse très largement celui des crédits budgétaires imputés sur l'action 02 « Industries culturelles » du programme 334. En effet, la prévision de recettes affectées au CNC au titre de l'année 2015 est de 630,4 millions d'euros, contre 10,3 millions d'euros de crédits budgétaires.

Crédits de paiement demandés pour l'action 02 « Industrie culturelles » du programme 334 « Livre et industries culturelles » et recettes fiscales affectées au CNC prévues pour 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Dans le présent projet de loi de finances, le CNC n'est pas mis à contribution dans le cadre de l'assainissement général des comptes publics. Dans ce contexte, votre rapporteur spécial interpelle le Gouvernement sur sa doctrine en matière de fiscalité affectée et notamment de sa rationalisation équilibrée entre les différents opérateurs.

B. LA HADOPI TOUJOURS INCERTAINE SUR SON AVENIR

S'agissant des crédits dédiés aux industries culturelles, votre rapporteur spécial souhaite par ailleurs insister sur la situation de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI).

Le transfert de ses missions au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), tel qu'il avait été proposé par le rapport Lescure, n'est plus d'actualité.

Après deux années de très forte baisse de sa dotation en 2013 et 2014 , la HADOPI voit sa subvention stabilisée à hauteur de 6 millions d'euros pour 2015. Elle estime toutefois que ce montant n'est pas suffisant pour lui permettre de mener à bien ses différentes missions, notamment celles qui tiennent au développement de l'offre légale, et réclame une dotation de l'ordre de 7,5 millions d'euros .

Évolution de la subvention budgétaire de la HADOPI depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Votre rapporteur spécial estime que le Gouvernement devrait clarifier au plus vite sa position sur le rôle qu'il entend assigner à la HADOPI : soit il en fait le bras armé de la lutte contre le téléchargement illégal et du développement de l'offre légale, en lui donnant les moyens d'accomplir ces missions, soit il la supprime. Mais cette situation d'entre-deux ne paraît pas satisfaisante et témoigne du manque d'ambition du Gouvernement en ce qui concerne l'accompagnement de l'adaptation des industries culturelles aux défis liés au numérique et la protection des droits de propriété intellectuelle des créateurs.

IV. LES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC DOIVENT POURSUIVRE LEUR PROCESSUS DE RÉFORME ET LEUR ADAPTATION AU NUMÉRIQUE

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE SITUATION FINANCIÈRE TOUJOURS COMPLIQUÉE, QUI FAIT PESER DES DOUTES SUR LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE EN 2015

1. Une situation financière encore tendue, liée à une diminution des ressources de l'entreprise...

En raison de la dégradation des ressources publiques et publicitaires de l'entreprise, un avenant au contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 de France Télévisions a été approuvé par le conseil d'administration de France Télévisions le 31 octobre 2013, puis signé le 22 novembre 2013 avec l'État. Ce document couvre la période 2013-2015 et repose sur trois axes principaux :

- la révision de la trajectoire de ressources de l'entreprise, aussi bien publiques que publicitaires ;

- les efforts à engager par l'entreprise et le périmètre de ses missions de service public à l'horizon 2015, au regard de l'évolution de son environnement et des priorités des pouvoirs publics ;

- le retour à l'équilibre de ses comptes en 2015 .

L'avenant au COM prend également en compte les aléas qui pèsent sur la trajectoire de retour à l'équilibre financier , et qui tiennent :

- aux fortes incertitudes qui pèsent sur l'évolution du marché publicitaire ;

- à la fragilité inhérente à la part du financement public de France Télévisions reposant sur le budget général de l'État (régulation budgétaire notamment) ;

- au caractère volontaire du plan de départs qui sous-tend l'hypothèse de diminution de la trajectoire d'effectifs prévue par l'avenant au COM, et plus généralement au caractère exogène de certaines baisses de charges prévues par le plan d'affaires.

Évolution des ressources publiques et publicitaires de France Télévisions depuis 2008

(en millions d'euros)

Source : réponse de France Télévision au questionnaire budgétaire de votre rapport spécial

En 2013, l'entreprise a limité la dégradation de son résultat net (y compris coûts de restructuration) à - 84,6 millions d'euros, contre - 131,7 millions d'euros dans l'avenant au COM. En outre, le résultat net hors coûts de restructuration s'avère proche de l'équilibre, à - 8,1 millions d'euros contre une prévision de - 41,8 millions d'euros.

L'année 2014 s'annonce plus incertaine . En effet, le budget initial repose sur :

- une hypothèse de ressources publicitaires en retrait de près de 25 millions d'euros par rapport aux prévisions de l'avenant au COM, « en raison d'une conjoncture générale incertaine et des handicaps concurrentiels spécifiques à l'offre de FTV » 16 ( * ) ;

- un effort complémentaire du groupe sur les charges hors programmes et la poursuite de la réduction des effectifs ;

- la préservation des moyens affectés aux programmes.

Sur la base de ces hypothèses, le budget initial 2014 prévoit un résultat cohérent avec le COM 17 ( * ) et compatible avec le retour à l'équilibre financier en 2015.

Toutefois, l'actualisation de ces chiffres au regard de l'exécution 2014 s `avère plus pessimiste . Si les recettes publicitaires sont stables par rapport au budget, France Télévisions considère qu'il « existe un risque sur le niveau de remplissage des écrans publicitaires compte tenu du contexte économique incertain » 18 ( * ) .

En outre, l'entreprise pourrait pâtir de la réduction de crédits de 7 millions d'euros intervenue en loi de finances rectificative pour 2014 19 ( * ) , portant sur la subvention budgétaire, au titre de l'effort supplémentaire lié à la réduction des déficits publics. Le groupe estime qu'à ce stade, la réduction de la ressource publique en cours d'année viendra directement dégrader le résultat prévisionnel, lui-même voté en déséquilibre.

Votre rapporteur spécial souhaite rappeler à cet égard qu'il est essentiel que l'État respecte ses engagements contractuels et ne modifie pas en cours de route les règles du jeu fixées par la trajectoire financière du COM . En effet, la visibilité sur les ressources publiques est un élément essentiel pour la bonne gestion financière des sociétés de l'audiovisuel public. Cela n'enlève rien au constat qu'elles doivent de leur côté poursuivre les réformes engagées pour réduire leurs dépenses .

Au total, compte tenu de la baisse des ressources publiques et des tensions sur certaines charges d'exploitation, France Télévisions estime que l'atteinte de l'objectif budgétaire comporte des facteurs de risques .

Le processus budgétaire pour l'exercice 2015 est en cours de réalisation et repose sur les prévisions de l'avenant au COM. On peut s'attendre à ce que l'exercice soit difficile, au regard des incertitudes fortes qui pèsent sur la trajectoire des ressources et des charges de l'entreprise .

2. ...malgré de réels efforts de réforme, qui devront être poursuivis dans le cadre du prochain COM

D'après les informations communiquées à votre rapporteur spécial, les résultats de l'exécution 2013 résultent d'une forte maîtrise des dépenses sur l'exercice 2013, sur l'ensemble des types de charges, y compris sur la masse salariale . Ainsi, les effectifs moyens du groupe France Télévisions s'élevaient à 10 120 équivalents temps plein (ETP) en 2013, contre 10 316 ETP au budget prévisionnel 2013 et 10 490 ETP en 2012. En outre, certaines dépenses ont vu leur engagement décalé dans le temps, en particulier celles relatives à l'impact de la mise en oeuvre du nouvel accord collectif.

Enfin, deux autres facteurs ont favorisé ce résultat plutôt satisfaisant : des coûts de restructuration inférieurs à la prévision initiale et un résultat fiscal favorable en 2013, alors qu'il était défavorable en 2012. Au total, au budget 2013, l'entreprise souligne « qu'aucune des missions de l'entreprise n'a été remise en cause sur le fond 20 ( * ) ».

D'après les données transmises à votre rapporteur spécial, entre 2010 et 2014, les ressources globales de l'entreprise hors internet ont diminué de 4 % (- 113 millions d'euros), avec des ressources publiques stables et des recettes publicitaires en baisse de 27 %.

En outre, les charges opérationnelles ont été contenues, avec une hausse du coût des programmes de 4 %, principalement due aux glissements salariaux, mais une baisse de 12 % des autres dépenses du diffuseur, marquée par l'arrêt de la diffusion analogique. Sur cette période, l'économie sur les charges opérationnelles est de 160 millions d'euros en euros constants .

Les efforts d'économies de France Télévisions ont notamment porté sur les dépenses de personnel , à travers la réduction des effectifs, la maîtrise des charges de personnel, la réduction du taux d'emploi non permanent (à hauteur de 15,4 % en 2013 contre 18,2 % en 2012), l'amélioration des processus de planification des activités et des personnels, et la mutualisation des moyens et des équipes.

Ces efforts doivent être poursuivis . Ce sera notamment l'un des enjeux du prochain contrat d'objectifs et de moyens, dont les négociations débuteront au cours de l'année 2015, et qui couvrira la période 2016-2020.

Un deuxième enjeu particulièrement important du futur COM tiendra à l'évolution de l'offre régionale et locale de France 3, dans le sillage du rapport d'Anne Brucy . 21 ( * ) Globalement, ce travail valide le modèle de France 3, chaîne nationale avec décrochage régionaux, et bien identifiée comme telle par le public, la place de l'offre régionale et son apport à la chaîne, ainsi que le rôle que doit jouer France 3 dans la réforme territoriale.

B. LES AUTRES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC ENTRE RÉFORME ET RENOUVEAU

1. France Médias Monde bénéficie d'une dotation en hausse en accord avec son contrat d'objectifs et de moyens

En 2015, France Médias Monde (FMM) bénéficiera d'une dotation de 247,1 millions d'euros 22 ( * ) , montant en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cette évolution est conforme au contrat d'objectifs et de moyens signé en avril 2014. L'entreprise a été affectée par une réduction de crédits de 600 000 euros dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août 2014 . Cette annulation a représenté 25 % de la dotation supplémentaire prévue par l'État en 2014 par rapport à l'exécution 2013, laquelle devait permettre la mise en oeuvre des projets actés dans le cadre du COM.

Afin de faire face à cette baisse imprévue des ressources, France Médias Monde a décidé de reporter à 2015 le lancement d'une nouvelle rédaction de RFI en langue bambara . L'entreprise regrette ce report, estimant qu'il est « essentiel pour RFI de pouvoir toucher au Mali et dans la région des auditeurs pour lesquels le bambara constitue la langue véhiculaire 23 ( * ) ».

En 2015, France Médias Monde devra notamment consolider la couverture mondiale de France 24 , poursuivre l'adaptation de ses programmes radiophoniques aux attentes de son public, à travers le développement de programmes en langue locale, renforcer sa stratégie de diffusion sur l'ensemble des supports numériques et poursuivre le développement de synergies avec les autres groupes audiovisuels publics.

La société devra par ailleurs s'attacher à confirmer sa stratégie de relance des ressources propres , qui semble porter ses fruits, le budget 2014 prévoyant un montant de 9,5 millions d'euros à ce titre, contre 8,1 millions d'euros en 2013. Cette prévision n'égale toutefois pas celui atteint en 2012 (10,7 millions d'euros).

Enfin, il conviendra de rester vigilant sur l'évolution du climat social au sein de France Médias Monde , dans le cadre de la négociation du futur accord d'entreprise, conséquence de la fusion juridique réalisée en 2012. Le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avance à l'audiovisuel public » indique à cet égard que « France Médias Monde négocie actuellement avec ses organisations syndicales un accord d'entreprise dont l'objectif est de fonder un statut social pour l'ensemble des collaborateurs de FMM, harmonisé dans ses fonctionnements et dans ses modes de traitement des différents catégories de personnel. Cet exercice est complexe compte tenu des régimes très disparates entre les antennes ».

De façon plus générale, dans le domaine des ressources humaines, le COM de l'entreprise prévoit pour 2014 et 2015 une stabilité des effectifs, ainsi qu'une limitation du recours à l'emploi non permanent .

2. Arte France doit poursuivre sa fructueuse stratégie fondée notamment sur le développement du numérique, afin de confirmer ses bonnes performances en matière d'audience et de gestion

En 2015, Arte France bénéficiera d'une dotation en légère hausse de 0,5 %, pour un montant global de 267,2 millions d'euros 24 ( * ) . Cette évolution favorable des crédits marque une rupture avec les deux années précédentes au cours de laquelle la dotation publique du groupe avait été réduite, en contradiction avec la trajectoire financière prévue par le COM 2012-2016.

Elle doit permettre à Arte France d'accroître ses investissements dans les programmes et de poursuivre sa stratégie fondée sur le développement d'une riche offre numérique, qui participe de son succès en matière de relance des audiences .

La hausse des crédits confirme par ailleurs le traitement favorable réservé à la chaîne publique. Pour mémoire, au terme du débat parlementaire, celle-ci a en effet échappé à la réduction des crédits initialement prévue par le Gouvernement dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août 2014, afin de récompenser ses bonnes performances.

Enfin, Arte France devra également poursuivre ses efforts de gestion.

3. La nouvelle stratégie de Radio France doit lui permettre de consolider ses audiences et de poursuivre ses efforts de gestion

En 2015, Radio France verra ses crédits stabilisés, à hauteur de 614,3 millions d'euros . Cela ne signifie pas pour autant que le groupe bénéficiera effectivement de ce montant. En effet, la loi de finances rectificative d'août 2014 a réduit de 1,5 million d'euros les crédits votés en loi de finances initiale, mesure dont l'impact portera sur la capacité d'autofinancement de l'entreprise.

L'année 2015 sera notamment marquée par la négociation du nouveau contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019, en lien avec la stratégie portée par le nouveau président, Mathieu Gallet . Ce projet stratégique « vise à adapter l'entreprise aux exigences d'une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital 25 ( * ) ». Il s'articule autour de quatre axes principaux :

- s'affirmer comme une entreprise publique responsable ;

- s'adapter aux nouveaux usages de la radio ;

- conforter et conquérir tous les publics ;

- conforter l'action musicale de Radio France.

Les résultats de la performance du groupe en 2015 devront donc être analysés à cette aune .

En outre, il conviendra d'étudier l'impact de l'ouverture du nouvel auditorium de la Maison de la radio à l'automne 2014 , qui pourrait pâtir de la concurrence de la Philharmonie de Paris, dont l'inauguration est prévue en janvier 2015.

Enfin, il conviendra de rester attentif à l'évolution du climat social , en lien avec la négociation d'un nouvel accord collectif d'entreprise , ainsi qu'à celle du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, notamment du point de vue du coût et du calendrier, alors que le bâtiment a été affecté par un incendie le 31 octobre dernier.

D'après les informations communiquées à votre rapport spécial, le coût final estimé du chantier s'établit désormais à 385,8 millions d'euros 26 ( * ) (soit 430 millions d'euros en euros courant). Ce montant est supérieur de 57,6 millions d'euros 27 ( * ) (+ 17,6 %) à l'enveloppe budgétaire définie dans le contrat d'objectifs et de moyens, qui s'établissait à 328,2 millions d'euros (valeur juin 2008).

Il conviendra également de rester vigilant sur l'évolution des recettes propres de Radio France , qui ont baissé de 0,6 million d'euros en 2013 par rapport à 2012. Le budget 2014 prévoit une stabilité de ces recettes par rapport à 2013, mais on peut espérer que l'ouverture du nouvel auditorium en 2014 se traduira par un sursaut des recettes liées aux concerts.

4. Le retour à une dotation « normale » de l'INA après une ponction exceptionnelle sur son fond de roulement en 2014

Après une ponction exceptionnelle de 20 millions d'euros en 2014, qui a entraîné l'annulation de son projet immobilier prévu par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2010-2014, l'INA retrouvera en 2015 une dotation équivalente à celle de l'année 2013, à hauteur de 90,9 millions d'euros .

L'INA a par ailleurs été exonéré de la contribution à l'effort supplémentaire de réduction des dépenses dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août 2014.

L'année 2014 a été marquée par le départ de Mathieu Gallet et l'arrivée d'Agnès Saal à la tête de l'institut. Cette dernière souhaite notamment accroître les recettes propres de l'établissement, notamment en développant l'expertise de l'INA à l'international.

L'État et l'établissement ont engagé des négociations sur le contenu du futur contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui couvrira la période 2015-2019.

Les principaux enjeux du futur document stratégique tiendront à la poursuite des activités historiques de conservation et de valorisation du patrimoine audiovisuel français, ainsi qu'au développement de nouvelles activités fondées sur l'expertise technologique et numérique de l'INA.

Le nouveau COM devra également présenter un nouveau projet immobilier .

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLES 56 QUINQUIES ET 56 SEXIES (nouveaux) (articles 27 et 28 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013) - Entrée en vigueur des modifications du crédit d'impôt jeux vidéo

Commentaire : les présents articles visent à repousser la date d'entrée en vigueur des modifications du crédit d'impôt jeux vidéo.

L'Assemblée nationale a adopté les présents articles à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances.

Ces deux articles visent à repousser la date d'entrée en vigueur des modifications du crédit d'impôt jeux vidéo adoptées aux articles 27 et 28 de la loi de finances rectificative de décembre 2013 28 ( * ) .

Les dispositions de l'article 27 précité visent à rehausser le seuil d'éligibilité et à étendre l'assiette du crédit d'impôt jeux vidéo . L'article 28 prévoit quant à lui une extension de l'éligibilité de certains jeux vidéo au crédit d'impôt.

L'ensemble de ces mesures étant constitutives d'une aide de l'État, elles devaient être notifiées à la Commission européenne, pour une entrée en vigueur prévue au 1 er janvier 2015 par la loi de finances rectificative .

Or, le Gouvernement n'a notifié ces dispositions auprès de la Commission européenne que cet été. Elles sont donc toujours en cours de notification, dans l'attente de la décision de la Commission européenne. Cela rend difficilement envisageable l'entrée en vigueur desdites dispositions au premier janvier 2015.

Votre rapporteur spécial relève à cet égard la notification particulièrement tardive de ces mesures à la Commission européenne, huit mois après l'adoption de la loi de finances rectificative, ce qui traduit un manque de diligence du Gouvernement.

Les deux nouveaux articles visent à tirer les conséquences de cette situation en décalant l'entrée en vigueur des mesures concernées par rapport à la date que prévoyait la loi de finances rectificative pour 2013.

Ils revêtent donc une portée purement formelle et n'introduisent pas de nouvelle disposition de fond sur le champ et les modalités du crédit d'impôt jeux vidéo. Les mesures adoptées l'année dernière ont une importance particulière pour raffermir la compétitivité de notre industrie culturelle et doivent donc pouvoir entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter ces articles sans modification.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 4 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Baroin, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » (et articles 56 quinquies et 56 sexies ).

Mme Michèle André , présidente . - Je donne la parole à notre collègue François Baroin, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Je salue la présence de notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis sur l'audiovisuel et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » à la commission de la culture.

M. François Baroin , rapporteur spécial . - La mission « Médias, livre et industries culturelles » retrace les crédits dédiés à la presse écrite - avec l'Agence France Presse et les aides directes à la presse écrite -, à la politique du livre et à la lecture, aux industries culturelles et aux radios associatives. Elle porte également les crédits budgétaires consacrés à compenser la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Le compte de concours financiers retrace quant à lui toutes les avances faites aux organismes de l'audiovisuel public financés par la contribution à l'audiovisuel public, anciennement appelée « redevance audiovisuelle ». Les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l'audiovisuel public s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2015, à 4,38 milliards d'euros, contre 4,36 milliards d'euros en 2014. Cela représente une légère hausse de 0,43 %. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés et que les crédits transcrivent la volonté gouvernementale.

Le Gouvernement a annoncé dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques de juillet 2014 son intention de supprimer à l'horizon 2017 l'ensemble des dotations budgétaires dédiées aux sociétés de l'audiovisuel public.

Cette évolution soulève des questions sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés. Pour ma part, j'estime que le Gouvernement manque de courage sur ce point. Plutôt que de réformer l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, afin de tenir compte des nouveaux usages - notamment l'utilisation des s martphones - et de l'évolution de notre société, comme l'ont fait nos voisins allemands ou d'autres pays qui sont sur cette voie d'intégration globale des nouveaux usages dans l'assiette des contributions au financement de leur pôle audiovisuel public, la politique est « court-termiste » et consiste à augmenter l'an prochain le montant de la redevance de deux euros supplémentaires, hors inflation. C'est un choix qui pèsera sur le contribuable à travers cette non-réforme.

D'après les informations dont je dispose, des travaux sont en cours sur cette question, qui pourrait être traitée dans le projet de loi de finances pour 2016. Mais il n'y a pas de raison objective d'attendre 2016. On entend parler de l'extension de l'assiette de la redevance depuis de nombreuses années - c'était déjà le cas dans le gouvernement auquel j'appartenais. À partir du moment où la décision de supprimer la publicité a été prise, ce qui revenait à réduire une part importante des sources de financement, la question a été posée. Il faut donc mettre le Gouvernement en face de ses responsabilités lorsque la loi de finances ne répond pas aux enjeux et aux attentes.

J'en viens plus précisément à quelques secteurs couverts par les deux missions dont je suis le rapporteur spécial. L'Agence France Presse (AFP) bénéficie d'un traitement favorable, en lien avec la mise en oeuvre de son nouveau contrat d'objectifs et de moyens qui clarifie les relations financières qu'elle entretient avec l'État, à la demande de la Commission européenne. Les performances commerciales de l'agence ont par ailleurs progressé, mais cette tendance positive doit être confirmée en 2015.

S'agissant des aides à la presse écrite, les dotations sont stables pour la plupart des aides, à l'exception de l'aide à la modernisation sociale de la presse d'information politique et générale. La réduction s'explique par l'évolution de la démographie de la population concernée. Je note par ailleurs que la seule autre dotation qui diminue est celle du fonds stratégique pour le développement de la presse. Cela me paraît paradoxal, peut-être même contestable, alors que ce fonds est présenté comme l'outil principal pour permettre à la presse de s'adapter aux évolutions du numérique.

Je voudrais également souligner l'accélération inquiétante de la disparition progressive des diffuseurs de presse, qu'il s'agisse des kiosquiers ou des maisons de la presse, notamment dans les villes moyennes, mais aussi dans les grandes villes. C'est un processus engagé sur l'ensemble du territoire. Je regrette à cet égard la non-réponse du Gouvernement face à cette évolution préoccupante. Il n'est pas possible d'avoir une ambition en matière d'aides directes à la presse sans avoir également une ambition pour la distribution, sachant par ailleurs que des tensions sociales existent et vont bientôt faire l'actualité, entre Presstalis d'une part, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) d'autre part. La politique publique d'accompagnement de la diffusion de la presse écrite qui répond à une mission presque institutionnelle de l'État devrait pourtant se lire dans les choix budgétaires de la mission.

En ce qui concerne les dépenses fiscales du secteur, l'extension du taux super réduit de TVA à 2,1 % aux publications de presse en ligne, adoptée en application du principe de neutralité technologique, fait peser un risque de contentieux communautaire, et donc de sanction financière en cas de condamnation.

Le soutien aux radios locales associatives demeure stable, pour la cinquième année consécutive. Dans le contexte actuel des finances publiques, cela me paraît satisfaisant, ces radios jouant un rôle fondamental de proximité, notamment dans les territoires les plus reculés. À cet égard, je relève également la préservation des crédits d'intervention déconcentrés en faveur de la politique du livre, ce qui me semble aller dans la bonne direction.

Le chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France, se poursuit et devra être surveillé avec attention. Son coût global a en effet été réévalué de 6,3 millions d'euros par rapport à la prévision initiale, pour un montant global de 218,3 millions d'euros. Il y a un dérapage, il faudra en contrôler les raisons.

S'agissant des dépenses culturelles, deux évolutions appellent plus particulièrement des commentaires. Tout d'abord, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est transféré vers le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », alors qu'il était précédemment rattaché au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». Cette évolution me paraît cohérente. Le CNC est une institution fondamentale pour le dynamisme de l'industrie culturelle qu'est le cinéma. L'opérateur n'est pas mis à contribution dans le cadre de l'assainissement général des comptes publics en ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2015. On peut s'interroger sur la doctrine du Gouvernement en matière de fiscalité affectée et notamment sur sa rationalisation équilibrée entre les différents opérateurs. Je ne prends pas de position et je ne proposerai pas d'amendements, mais il est important de noter que le CNC, qui bénéficie d'une importante fiscalité affectée et d'une trésorerie de plus de 500 millions d'euros, n'est pas contributeur à l'effort partagé de réduction des déficits publics dans le projet de loi de finances pour 2015 tel que proposé par le Gouvernement.

Enfin, le sort de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) demeure incertain. Il ne s'agit certes pas d'un enjeu budgétaire important, mais je voudrais mettre en lumière cette institution. La ministre a indiqué que ses missions ne seraient finalement pas transférées au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), mais la dotation budgétaire de 6 millions d'euros, stable par rapport à 2015, après deux années de très forte baisse, ne permet pas de considérer que cet organisme peut remplir correctement ses missions. Je rappelle que la Haute Autorité a subi une baisse de 51 % de sa subvention budgétaire en quatre ans. Dans ces conditions, il me semble que le Gouvernement doit clarifier la situation : soit il supprime la HADOPI, parce qu'il tire les conséquences des faibles crédits de fonctionnement restant pour financer cette structure indépendante dotée de 60 personnes, soit il la conserve en lui donnant les moyens de fonctionner. En tout état de cause, cette situation d'entre-deux et de non-choix n'est pas satisfaisante. Elle témoigne à tout le moins d'un manque d'ambition du Gouvernement. On peut imaginer - je me tourne en cet instant vers le rapporteur général - un partage de mission avec le CNC, qui a également vocation à accompagner la protection des créateurs et des oeuvres.

J'en viens maintenant aux organismes de l'audiovisuel public. 2015 marquera une année importante, voire cruciale, pour la plupart d'entre eux. France Télévisions, dont les moyens publics diminuent de 0,5 % par rapport à 2014, doit en effet revenir à l'équilibre financier. C'est un objectif sur lequel pèsent de fortes incertitudes, tenant notamment au caractère erratique de ses ressources publicitaires. Dans ces conditions, l'entreprise publique devra poursuivre avec détermination la réforme entamée en 2013. Le processus d'élaboration du prochain contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 se met par ailleurs en place, différents groupes de travail ayant été nommés. Ce document devra en particulier trancher la question de l'avenir de France 3.

France Médias Monde bénéficiera d'une hausse de sa dotation, en cohérence avec le contrat d'objectifs et de moyens signé en avril 2014. La réalisation des objectifs de ce document stratégique a été perturbée par la réduction imprévue des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. À cet égard, je souhaite insister sur la nécessité pour l'État de respecter ses engagements contractuels. C'est une question de crédibilité pour lui et de continuité de politiques publiques. Les sociétés concernées ont besoin d'un minimum de visibilité sur leurs ressources. Cela n'enlève rien au constat qu'elles doivent de leur côté poursuivre les efforts et réformes engagés pour réduire leurs dépenses.

Arte France bénéficiera également d'une légère hausse de sa dotation, après deux années de baisse. Le groupe se distingue depuis deux ans par la réussite de sa stratégie de reconquête de l'audience et de développement du numérique, et par sa capacité à maîtriser ses charges de fonctionnement. Il faudra donc confirmer en 2015 ce qui est considéré comme des bons résultats.

Radio France bénéficiera d'une dotation stable par rapport à 2014. Il lui faudra mettre en oeuvre le plan stratégique du nouveau président visant, je cite, à « adapter l'entreprise aux exigences d'une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital » . Il faudra par ailleurs analyser, en termes de performance, l'impact de l'ouverture du nouvel auditorium à l'automne 2014 qui permettra normalement d'augmenter la fréquentation des concerts, alors que la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes début 2015. Il y a là une politique publique ambitieuse sur laquelle exercer un suivi.

Enfin, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) retrouvera en 2015 un niveau de dotation comparable à celui de 2013, après une année 2014 marquée par une ponction de 20 millions d'euros sur son fonds de roulement, ce qui l'a contraint à annuler son projet immobilier. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, devra donc définir un nouveau projet immobilier susceptible de garantir la préservation des collections dans les meilleures conditions. La nouvelle présidente, nommée au printemps 2014, ambitionne de renforcer les ressources propres de la société. Il sera donc intéressant d'étudier la performance de l'INA à cet égard en 2015.

Je précise que l'Assemblée nationale a examiné le 30 octobre les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », et qu'elle les a adoptés sans modification.

En conclusion, je dirais que ce budget manque d'ambition - en tout cas, il ne traite pas avec courage les problématiques d'avenir sur les différents thèmes et sujets. Que ce soit pour l'accompagnement de la presse dans son processus de modernisation et de restructuration, que ce soit dans le cadre de la réforme du financement de l'audiovisuel public ou de la protection des droits de propriété intellectuelle, nous restons au milieu du gué.

Je vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté deux articles rattachés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances.

Ce sont des dispositions purement formelles qui visent à décaler la date d'entrée en vigueur des mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de décembre 2013, relatives à l'extension et au renforcement du crédit d'impôt jeux vidéo. Je rappelle que cette dépense fiscale vise à doper le secteur dans sa partie développement industriel. Aux termes de la loi, les mesures votées en décembre 2013 devaient entrer en vigueur au plus tard le 1 er janvier 2015.

Ces dispositions correspondent à une aide d'État qui procure un avantage concurrentiel et doivent à ce titre préalablement être notifiées à la Commission européenne ; elles requièrent son autorisation pour être appliquées. Or, le Gouvernement ne les a notifiées que cet été, ce qui témoigne d'un manque de diligence, sachant que la loi a été adoptée fin décembre 2013. La Commission n'a pas encore statué, ce qui rend difficilement envisageable l'entrée en vigueur de ces dispositions dès le 1 er janvier 2015. Les deux articles rattachés tirent les conséquences de cette situation.

Je vous propose néanmoins d'adopter ces deux articles sans modification car les mesures adoptées l'an dernier sur le crédit d'impôt jeu vidéo ont vocation à raffermir la compétitivité de notre industrie culturelle et il me paraît important, à ce titre, qu'elles puissent entrer en vigueur dans les meilleurs délais. Ne rajoutons pas, en repoussant les dispositions votées par l'Assemblée, une complexité supplémentaire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je remercie le rapporteur spécial d'avoir souligné les enjeux de cette mission qui est sans doute celle qui est la plus marquée par les évolutions technologiques, qu'il s'agisse du secteur du livre ou de celui de la presse. Il est vrai que nos dispositifs d'aides à la presse, de TVA à taux réduit, de perception de la redevance, sont sans doute devenus un peu obsolètes par rapport à ces évolutions technologiques. De ce point de vue, je suis d'accord sur le fait que ce budget manque de courage.

Le rapporteur spécial nous invite à rejeter les crédits de la mission et je le suivrai. Il n'est donc pas possible de déposer à présent un amendement sur la HADOPI, mais je proposerai sans doute un dispositif en vue de la séance. Il faut en effet être clair : soit on considère que le téléchargement illégal doit être traité par un autre organisme ou que ce n'est pas un enjeu, soit on dote la HADOPI de crédits nécessaires. On ne peut pas être dans un non-dit qui consiste à baisser les crédits de la Haute Autorité au point qu'elle ne puisse plus remplir les missions pour lesquelles elle a été créée. Mon futur amendement visera à faire clarifier la position du Gouvernement quant à ces enjeux majeurs que sont la lutte contre le téléchargement illégal et le développement parallèle d'une offre légale.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Je voudrais réagir sur deux points, la HADOPI et le financement de France Télévisions. La HADOPI a été au coeur d'un combat politique dont elle subit encore aujourd'hui les conséquences. Le rapport Lescure avait proposé de transférer ses compétences au CSA. La ministre a indiqué que ce n'était plus d'actualité. Il faut donc clarifier la situation de la HADOPI. Pour ma part, je l'ai toujours soutenue. Ce n'est pas un gendarme, mais un pédagogue. Depuis sa création, elle a envoyé 3,5 millions de premières recommandations et 359 092 secondes recommandations. En outre, la commission de protection des droits de la Haute Autorité a rendu 1 339 délibérations. Seuls 124 dossiers ont fait l'objet d'une transmission aux procureurs de la République, ce qui a donné lieu à 25 décisions de justice. Nous constatons dans les auditions que nous menons que l'aspect pédagogique fonctionne, notamment chez les jeunes. À notre avis, il faut soutenir cette lutte contre le piratage, ne serait-ce que par pédagogie. Si la commission des finances proposait un renforcement des moyens de la HADOPI, j'y serais extrêmement favorable car, en l'état actuel, elle ne peut plus tenir ses missions.

Sur le financement de France Télévisions, il est temps d'étendre l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. Il y aura un « effet de ciseaux » le jour où le téléviseur unique dans les maisons disparaîtra et que l'on regardera les images animées uniquement sur les autres types d'écrans. Il faudrait qu'assez rapidement nous ayons le courage d'asseoir la contribution sur l'ensemble des écrans, même si la formule à trouver n'est pas simple. Personnellement, je suis favorable à la fin de la subvention de l'État à France Télévisions pour une question d'indépendance de l'audiovisuel public. Et il faudra que la contribution à l'audiovisuel public assure le financement de ce service public dont il faudra bien définir les missions.

M. Roger Karoutchi . - Je suis un peu réticent à l'idée d'augmenter la contribution au gré des besoins de France Télévisions. France télévisions ne devrait-elle pas plutôt faire quelques économies ? Il y a eu récemment une polémique sur le fait qu'une des chaînes du service public faisait 0 % d'audience. La question s'est posée pour savoir si ce 0 % représentait 10 ou 100 téléspectateurs... Avant de savoir s'il faut augmenter la contribution ou son assiette, n'y a-t-il pas une question à se poser sur le périmètre du service public et de son offre ? La BBC, qui est en meilleure santé que France Télévisions, a supprimé une chaîne. Est-il bien sérieux de garder toutes ces petites radios ou chaînes qui ne font que très peu d'audience ? Les chaînes du câble ferment lorsqu'il n'y a pas assez de ressources, pas assez de spectateurs. Seul le service public pourrait continuer de s'étendre, de créer des chaînes de radio, de télévision, de ne pas avoir de spectateurs ou d'auditeurs et de bénéficier de la contribution ? Est-ce possible ?

M. Maurice Vincent . - Je ne partage pas l'appréciation générale de manque de courage de notre rapporteur spécial que je trouve sévère. On peut être en désaccord sur les modalités, mais on ne peut taxer un Gouvernement de manquer de courage quand il procède à des ajustements financiers, dès lors qu'il a arrêté une politique ambitieuse en matière d'audiovisuel public. Sur la HADOPI, les chiffres cités posent réellement question. Faut-il acter l'échec une bonne fois pour toutes de ce type d'institution et de procédures qui mobilisent des moyens conséquents pour arriver à des résultats limités en nombre d'actions concrètes ? On peut en effet imaginer que l'aspect pédagogique puisse être mené au sein d'autres institutions. Je pense pour ma part qu'il faut acter l'échec de cette stratégie et réfléchir à d'autres approches pour maîtriser les risques du téléchargement illégal.

Enfin, je souhaiterais réagir sur un point qui est peu évoqué dans le rapport, mais qui est fortement ressenti, me semble-t-il, en province. C'est le coût, en période de pénurie budgétaire, d'un certain nombre de chantiers culturels dans la capitale et de leurs dérapages, en particulier la Philharmonie de Paris.

Mme Michèle André , présidente . - Cela relève de la mission « Culture ». Notre ancien collègue Yann Gaillard qui s'occupait de cette mission avait fait un remarquable rapport sur la Philharmonie de Paris qui doit être encore d'actualité.

M. Jean Germain . - On peut attendre du rapporteur général une proposition d'augmentation ou d'extension de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. On a choisi de faire peser la contribution sur un poste de télévision par foyer. Ensuite, il y a eu des tentations de l'étendre aux résidences secondaires. À partir du moment où il y a de la télévision connectée, il est bien évident que ce n'est plus forcément la détention d'un appareil de télévision qui indiquera que l'on suit un programme de télévision. Il ne s'agit pas de faire preuve de courage, mais d'essayer de se tenir un minimum à la page de ce qui se passe. Mais ce n'est pas si simple. En Allemagne qui a été citée comme exemple, la réforme a été suspendue fin 2013 en raison des protestations contre ce qui a été perçu comme la transformation de la redevance en taxe. Je précise que leur niveau de redevance est équivalent à la nôtre, à 13,80 euros par mois.

Pour la BBC, c'est le même sujet, même s'ils ont des moyens de contrôle plus importants. Tout le monde est conscient du problème et il faut arriver à se mettre d'accord pour que le courage soit partagé. Par ailleurs, acte-t-on à tout jamais l'absence de publicité à partir de certaines heures ? On passe ici du courage aux religions révélées. Quelle est la personne qui a décidé une fois pour toutes qu'il n'y aurait plus jamais de publicité, y compris sur l'audiovisuel public ? On ne peut décider en France de rester à l'écart de tout. À mon avis, la question de la publicité devra être rediscutée.

M. Michel Bouvard . - J'observe l'apparition du nouveau programme 847 « TV5 Monde », à côté du programme 844 « France Médias Monde ». Or je pensais que TV5 Monde participait à la présence médiatique et audiovisuelle internationale de la France. Nous avons un rapport encore récent de Jacques Attali sur la francophonie, nous nous efforçons de développer une politique de la francophonie, nous avons créé une chaîne d'information France 24 qui est légitime. Il faudra bien à un moment donné, dans une période budgétaire difficile, se poser le problème de la coordination de tout cela et de l'implication de TV5 Monde dans cette stratégie d'ensemble. Nous ne sommes pas tous seuls dans TV5 Monde. Il serait bon que cela nous inspire pour réfléchir à l'ouverture des autres médias à des pays contributeurs dans le cadre de la francophonie. Je suis déçu de constater la logique de cloisonnement avec laquelle sont traités TV5 Monde et France Médias Monde et le refus de traiter globalement l'audiovisuel extérieur.

M. Jean-Claude Boulard . - Je crois que nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la recherche d'économies dans un secteur qui n'arrête pas de nous donner des leçons en la matière. Le monde de l'audiovisuel, et notamment de l'audiovisuel public, ne donne pas l'exemple. Je vous propose de regarder les organigrammes. Le nombre de chefs, de sous-chefs, de directeurs, de sous-directeurs, est hallucinant ! Je ne parle pas du nombre de cameramen car il faut maintenir les acteurs de terrain. Il est légitime que la commission des finances du Sénat interpelle ces gens, qui sont selon moi presque en tête des donneurs de leçon sur la nécessité de donner l'exemple par les temps qui courent.

M. François Baroin , rapporteur spécial . - Les problèmes soulevés sont au moins du niveau d'un ministre de la culture, peut-être plus ! Sur la question du nombre trop élevé du chaînes, les exemples comparés en Italie, en Allemagne, et singulièrement en Grande-Bretagne, montrent qu'il est possible de faire des économies en conservant sa part de marché, qui est la problématique centrale, qu'on soit une télévision privée ou publique. Dans le système concurrentiel actuel, il faudra a contrario faire la démonstration que supprimer des chaînes publiques permet au « vaisseau amiral » de la télévision publique de récupérer ses parts de marché. Je rappelle que le contrat d'objectifs et de moyens actuel prévoit une trajectoire d'économies sur la période 2013-2015. Dans ce cadre, France Télévisions s'est engagé à réduire son budget de fonctionnement et ses dépenses de personnel, le nombre de postes étant passé de 10 490 équivalents temps plein (ETP) en 2012 à 10 120 en 2013. L'objectif est de ramener le nombre d'ETP à 9 750 fin 2015. Parallèlement, l'entreprise a entrepris une lutte contre la précarisation, en prenant en compte la problématique des intermittents. Il reste encore malgré tout certainement des marges de manoeuvre au niveau des sources d'économies.

Taxer le Gouvernement de « manque de courage » peut paraître à certains un peu fort, mais permet de faire réfléchir les acteurs concernés. Sur la HADOPI, je ne pense pas qu'on puisse en acter l'échec sans en avoir transféré les compétences au CSA, il en avait été question il y a un an. J'ajoute que le modèle HADOPI sert d'élément de référence à l'étranger, y compris aux États-Unis aujourd'hui. Pour sortir d'un référentiel libéral et anglo-saxon, ils se sont tournés vers de vieux pays producteurs de droit comme les nôtres. Ils observent en particulier ce qu'a fait la France en matière de protection de la diffusion des oeuvres et des droits de propriété intellectuelle sur Internet pour s'en inspirer. J'ajoute que la HADOPI est également un centre de recherche et de réflexion sur des logiciels qui permettraient d'avancer sur une meilleure protection des auteurs. Elle mène notamment des travaux sur une rémunération proportionnelle du partage des oeuvres sur Internet.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » et d'adopter sans modification les articles 56 quinquies et 56 sexies.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission et du compte spécial, ainsi que d'adopter sans modification les articles 56 quinquies et 56 sexies .

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

France Télévisions

M. Rémy Pflimlin, président-directeur général

M. Fabrice Lacroix, directeur général délégué aux ressources

Mme Juliette Rosset-Cailler, chargée des relations institutionnelles

HADOPI

M. Eric Walter, secrétaire général

Mme Pauline Blassel, secrétaire générale adjointe

M. Damien Combredet, responsable des relations institutionnelles

Ministère de la Culture et de la Communication

Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles

M. Fabrice de Battista, chargé de mission pour la coordination et la synthèse budgétaire

M. Mafasumi Tanaka, chef du bureau du secteur audiovisuel public

M. Fabrice Comoy, bureau du régime économique de la presse et des métiers de l'information


* 1 Anciennement société « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF), qui regroupe France 24, Radio France Internationale (RFI) et la radio Monte Carlo Doualiya.

* 2 Montant toutes taxes comprises (TTC), soit 76,2 millions d'euros hors taxes (HT).

* 3 Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 4 Qui sont imputées sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

* 5 Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2012 du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

* 6 Montants toutes taxes comprises (TTC).

* 7 Si l'on additionne l'ensemble des ressources publiques de France Télévisions portées par le compte de concours financiers ainsi que par le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », l'évolution des moyens dédiés à la société entre 2014 et 2015 est de - 0,5 %.

* 8 La forte hausse s'explique par le transfert des crédits du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », qui disparaît dans le projet de loi de finances pour 2015, vers le programme 844. À périmètre constant, la dotation de France Médias Monde augmente de 0,9 % entre 2014 et 2015.

* 9 Si l'on rapporte les crédits 2014 de TV5 Monde, portés par le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », à ceux de la dotation 2015 portée par le nouveau programme 847, on constate la stabilité de la dotation en 2015 par rapport à 2014.

* 10 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 11 Source : projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2015.

* 12 Source : projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2015.

* 13 Les accords Schwartz couvrent la période 2009-2015. Ces accords tripartites entre l'État, la presse et le groupe La Poste prévoient un engagement réciproque de chacune des parties sur des évolutions progressives et programmées : hausse de la productivité de La Poste, augmentation des tarifs acquittés par les éditeurs de presse et baisse de la compensation de l'État versée à La Poste.

* 14 Source : projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2015.

* 15 Voir à cet égard le rapport budgétaire de Claude Belot sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur le projet de loi de finances pour 2013.

* 16 Source : réponse de France Télévisions au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 17 La perte prévisionnelle pour 2014 est estimée à 40,5 millions d'euros, en ligne avec le résultat prévu au plan d'affaires de l'entreprise (- 38,3 millions d'euros), l'écart résultant d'un abattement des concours publics de 2,5 millions d'euros intervenu en fin de débat parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2015.

* 18 Source : réponse de France Télévisions au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 19 Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 20 Source : réponse de France Télévisions au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 21 « France 3, un avenir régional : France 3 sans les régions n'a pas de sens, les régions sans France 3 n'ont pas de force », rapport d'Anne Brucy, juillet 2014.

* 22 Montant TTC.

* 23 Source : réponse de France Médias Monde au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 24 Montant toutes taxes comprises, le montant hors taxe étant de 261,8 millions d'euros.

* 25 Source : rapport d'orientation - projet stratégique pour Radio France 2014-2019.

* 26 Valeur juin 2008 au 31 décembre 2013.

* 27 Valeur juin 2008.

* 28 Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

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