B. LE MAL-MOURIR EN FRANCE

Les débats nombreux organisés depuis trois ans ont établi le constat accablant du mal-mourir en France. Cette expression, contenue dans le rapport Sicard, recouvre deux réalités :

- d'une part, la différence entre la mort souhaitée, apaisée et à domicile, et les conditions de mort de la majorité des Français à l'hôpital voire aux urgences . L'enquête de l'Institut national d'études démographiques (Ined) sur la « Fin de vie en France », réalisée à partir de données de 2009, constate que « 3 personnes sur 5 meurent à l'hôpital » mais que « la moitié seulement étaient hospitalisées un mois avant leur décès » : 28 % des personnes ayant achevé leur existence à l'hôpital y sont rentrées au cours de leur dernière semaine ; non seulement on meurt de plus en plus souvent à l'hôpital mais, plus grave encore, on rentre à l'hôpital pour y mourir. Pour plus de la moitié des personnes décédées à l'hôpital, les traitements reçus au cours du dernier mois visaient simplement à assurer leur confort. De plus, le rapport 2013 de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV) relève que près de 75 % des personnes décédées aux urgences ont plus de 75 ans (dont 22 % qui ont 90 ans ou plus) ;

- d'autre part, l'absence d'une véritable culture palliative en France, malgré les progrès réalisés depuis la loi de 1999 créant un droit d'accès aux soins palliatifs 2 ( * ) dans la prise en charge de la douleur.

En effet, dans les pays où elle est autorisée (Pays-Bas depuis 2001, Belgique en 2002, Luxembourg en 2009) l'euthanasie reste marginale par rapport au nombre total de décès (moins de 0,2 % au Luxembourg, de 2 % en Belgique, de 3,5 % aux Pays-Bas) ; elle n'est donc pas une solution souhaitée par la majorité des personnes concernées.

A l'inverse, le besoin en soins palliatifs en France reste aujourd'hui particulièrement important. L'étude conduite en 2011 par l'ONFV en collaboration avec l'Inserm permet de penser que 64 % des personnes décédées en 2008 étaient susceptibles de nécessiter de tels soins. Or, ainsi que le relève la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2015, « aucune estimation globale du nombre de personnes ayant effectivement bénéficié de soins palliatifs sur une année donnée n'est disponible ». Des informations contenues dans le rapport de la Cour, il ressort que le nombre de prises en charge palliatives lors d'une hospitalisation en court séjour a été multiplié par 1,7 entre 2009 et 2013. L'avis citoyen publié le 14 décembre 2013 et issu de la Conférence de citoyens sur la fin de vie affirme pour sa part que « seules 20 % des personnes qui devraient bénéficier des soins palliatifs y ont accès avec en outre de lourdes inégalités territoriales qui existent en ce qui concerne les structures palliatives comme le nombre de lits dédiés en milieu hospitalier ». Cette affirmation a été largement reprise dans les débats ultérieurs.

Force est de constater l'insuffisance des moyens disponibles en France plus de quinze ans après la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Vos rapporteurs partagent donc l'avis du rapport du CCNE sur « le scandale que constituent (...) le non accès aux droits reconnus par la loi, la situation d'abandon d'une immense majorité de personnes en fin de vie et la fin de vie insupportable d'une très grande majorité de nos concitoyens » . Le Président Gérard Larcher a pour sa part dénoncé l'existence de très fortes inégalités territoriales dans l'accès aux soins palliatifs. En effet, si chaque région dispose désormais d'une unité de soins, « 62 % des unités soit 69% des lits sont concentrés dans cinq régions qui représentent 47 % de la population (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nord Pas-de-Calais et Bretagne). Si la moyenne nationale du nombre de lits d'unité de soins palliatifs pour 100 000 habitants se situe à 2.09, ce taux d'équipement varie de 0 (Guyane) à 5.45 lits (Nord-Pas-de-Calais) » 3 ( * ) .

Le plein développement d'une culture palliative, c'est-à-dire non seulement de lits ou de structures spécialisées là où il en manque, mais aussi et peut-être surtout d'une prise en charge palliative dès le début des soins et comme complément nécessaire aux traitements curatifs, doit être une priorité nationale. Il est essentiel d'enseigner, dès la formation initiale des personnels soignants, que les soins palliatifs et les soins curatifs vont de pair, et que palliatif ne signifie pas fin de vie mais accompagnement (physiologique, psychologique et social).


* 2 Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs.

* 3 Bilan du programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012, juin 2013.

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