K. AUDITION DE M. M. ANTHONY REQUIN, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'AGENCE FRANCE TRÉSOR (1ER JUILLET 2015)

Réunie le mercredi 1 er juillet 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor.

Mme Michèle André , présidente . - Notre cycle d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement s'achève avec celle de Anthony Requin, que nous n'avons pas encore eu l'occasion de recevoir depuis sa prise de fonction comme directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), le 6 mars.

En 2014, les dépenses au titre de la charge de la dette ont été inférieures à la prévision initiale, dans une conjoncture de taux très bas mais aussi grâce à la politique de gestion active de la dette de l'État par l'AFT. Cette charge étant très sensible au niveau des taux, il est particulièrement intéressant de vous entendre dans le contexte actuel de la zone euro.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Anthony Requin cherche des investisseurs prêts à acheter nos emprunts au prix le plus bas possible, mais il n'est responsable ni de l'inflation, ni de la croissance, ni des taux d'intérêt. Il hérite d'une situation de plus en plus difficile, qu'il ne maîtrise pas. Quel niveau de taux d'intérêt peut-on supporter ? La hausse d'un point entraîne une hausse de dépense de 2,4 milliards d'euros en 2015 et jusqu'à 7 milliards d'euros en 2017, ce qui est considérable. Quel est le niveau de croissance indispensable ? La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) a emprunté 18,2 milliards d'euros en 2014 pour financer les déficits accumulés de la Sécurité sociale. Est-ce raisonnable ? Nous laissons la dette s'accroître, par l'augmentation continue du déficit budgétaire et des emprunts, qu'il faut ensuite rembourser. Nous vivons aux crochets des autres. Nous serons perdus le jour où ils ne répondront plus à nos émissions.

Les emprunts effectués en 2007 et 2008, d'un montant important, devront être remboursés en 2015 et 2016, ce qui augmentera nos emprunts et explique peut-être la hausse de 50 milliards d'euros de la dette.

Le Gouvernement continue d'augmenter les dépenses - nous évoquions le droit d'asile tout à l'heure - et ce, sans aucune efficacité. Nous n'avons plus d'argent, mais nous nous endettons, sans écouter les recommandations de la Cour des Comptes, de la Banque de France ni de l'Union européenne. La situation est grave. Chaque année le budget est construit sur des recettes trop élevées et les réductions de dépense trop faibles.

Quelles seraient les conséquences d'une sortie de la Grèce de la zone euro ? Ne risque-t-on pas une hausse des taux d'intérêt de nos emprunts, menant à une cessation de paiement ? Nous sommes soumis à la bonne volonté des emprunteurs étrangers.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je pose la même question que le rapporteur spécial, Serge Dassault, sur la sortie de la Grèce de la zone euro. Le stock de dette a augmenté de 50 milliards d'euros en trois mois, ce qui la porte à 2 088 milliards d'euros. En politique d'émission, existe-t-il un phénomène de saisonnalité ? Emprunte-t-on plus au premier trimestre ? Est-ce lié à une situation d'opportunité ? Comment la politique d'émission de dette indexée sur l'inflation est-elle déterminée ? Il est paradoxal d'emprunter à taux variable alors qu'une hausse de l'inflation est annoncée.

La CADES emprunte parfois en devises, contrairement à l'Agence France Trésor. Pourquoi ?

Les collectivités territoriales risquent de se désengager de l'investissement public en raison de la baisse de leurs dotations. Ne pourrait-on pas dégager une marge de manoeuvre en favorisant l'emprunt à de meilleures conditions ? Celles-ci, aujourd'hui, sont plus défavorables pour les collectivités territoriales que pour l'État alors que leur situation est souvent plus saine. Le stock de dettes des collectivités est de 170 milliards d'euros, contre plus de 2 000 milliards d'euros pour l'État. Or elles assurent les deux tiers de l'investissement public civil.

M. Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor. - Pour ce qui est de la sensibilité de la charge de la dette à une hausse des taux d'intérêt, je vous renvoie à l'analyse que nous produisons dans le cadre de la préparation de la loi de finances, et qui analyse l'impact d'une hausse des taux de 1 % au 1 er janvier. Une augmentation de cent points de base par rapport à notre scénario de référence entraîne, la première année, un alourdissement de la charge de la dette de 2,4 milliards d'euros, en comptabilité maastrichtienne. Cet alourdissement est en partie imputable à la dette de court terme. Ce cas est très théorique, mais donne un ordre de grandeur. Sur les emprunts de moyen et long terme, la maturité moyenne de la dette française étant de sept ans, l'impact se fait sentir progressivement, au fil des renouvellements.

Les chocs de taux ne sont pas si brutaux, même si, entre avril et mai, la hausse a été voisine de 100 points de base. La transmission de ce choc de taux est généralement progressive, avec un décalage d'un an, notamment sur la partie moyen et long terme de la dette. C'est pourquoi la hausse est assez sensible dès la deuxième année, à 5,3 milliards d'euros, au moment où les coupons des titres à moyen et long terme émis en 2015 sont payés, avec une augmentation de cent points de base.

M. André Gattolin . - À inflation constante ?

M. Anthony Requin. - Sans hypothèse particulière sur l'inflation. En étudiant l'évolution des taux à dix ans entre janvier et avril 2015, on constate que, s'agissant de la France, les taux ont d'abord baissé d'environ 0,55 %, jusqu'à 0,33 % (point atteint le 16 avril) avant de remonter. Ils sont actuellement stabilisés autour de 1,20 %.

En allongeant la période de référence au 1 er janvier 2014, on relativise cette hausse des taux : nous sommes revenus aujourd'hui aux niveaux connus avant le discours de M. Mario Draghi à Jackson Hole annonçant la mise en place par la Banque centrale européenne (BCE) du quantitative easing , programme d'achats de titres du secteur public (PSPP). Les conditions de taux sont équivalentes à celles qui prévalaient au moment de la construction du budget 2015.

Si l'on recule plus encore la période de référence, pour mettre en perspective les conditions de taux actuelles au regard de celle prévalant en 2007, que constate-t-on ? En 2007, le niveau des taux était de 4 à 4,5 %. Depuis, nous bénéficions de conditions extrêmement favorables, et les hypothèses de la loi de finances initiale pour 2015 ne devraient pas être démenties. Grâce à des taux plus faibles que prévu en début d'année, il est encore possible de réaliser la prévision du Gouvernement établie dans le cadre du programme de stabilité de 1,2 milliard d'économies sur la charge de la dette moyen long terme. Il n'y aura pas de mauvaise surprise. En 2015, grâce à une inflation plus faible que prévu, nous économiserons environ 1,5 milliard d'euros sur la charge de la dette.

Je suis extrêmement prudent au sujet de la Grèce. Il est délicat de prévoir la réaction des marchés. Celle-ci est, à ce stade, modérée et sans panique. Lundi, à l'ouverture des marchés, en raison d'un mouvement de fuite vers la qualité, l'écart de taux a augmenté de 8 points de base entre la France et l'Allemagne, et de 35 à 40 points de base entre l'Allemagne et l'Italie ou l'Espagne. En fin de journée, ces hausses s'étaient réduites à 4 points de base pour la France et environ 20 pour l'Italie et l'Espagne.

En revanche, le niveau absolu des taux a baissé. Le taux d'emprunt à dix ans de la France a perdu 4 à 5 points de base. Sa dette reste perçue comme solide. Si les marchés se montrent calmes c'est aussi peut-être parce que la BCE peut intervenir à tout moment via les programmes PSPP et les opérations monétaires sur titres (OMT), et parce qu'ils avaient déjà intégré l'aggravation de la situation en Grèce.

Une partie de la hausse du stock de dette au premier trimestre résulte du déficit, 74 milliards d'euros pour 2015, qu'il faut financer. Le cycle infra-annuel de trésorerie explique aussi une part de la hausse, car nous accumulons une encaisse. Ce cycle n'est pas propre seulement à l'État mais aussi aux autres entités publiques. La CADES, par exemple, exécute l'essentiel de son programme annuel de financement au premier semestre, ce qui pèse dans le niveau de dette brute émise. D'importants amortissements de l'État sont intervenus fin avril - 34 milliards d'euros d'amortissements de dette (capital et intérêt) dont 15 milliards de coupons d'intérêts devaient être versés - et d'autres auront lieu fin juillet. Aussi doit-on prévoir une encaisse de trésorerie. Il ne s'agit pas d'un dérapage de l'endettement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Comment l'endettement de l'État a-t-il progressé de plus de 50 milliards d'euros en un trimestre ?

M. Anthony Requin . - Ce chiffre concerne l'ensemble des administrations publiques, ce qui comprend les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La part des collectivités territoriales est très faible.

M. Anthony Requin . - Les administrations de sécurité sociale dont la CADES et l'ACOSS représentent 16 milliards d'euros et l'État 37 milliards.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Une dette arrivée à maturité financée par une autre dette ne se traduit pas par une augmentation.

M. Anthony Requin . - Le programme d'émission est linéaire tout au long de l'année, mais il faut bâtir une encaisse de trésorerie pour le mois d'avril. Les 50 milliards d'euros doivent se trouver sur le compte du Trésor à cette date, ce qui suppose d'émettre davantage. Le delta entre la fin du premier trimestre et la fin de l'année précédente correspond à de la dette brute supplémentaire de l'État.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - La hausse de 50 milliards d'euros n'est-elle pas due aux remboursements et aux coupons ?

M. Anthony Requin. - Il n'y a pas de dérive de la charge de coupons ou de principal à rembourser. Je vous renvoie à notre rapport annuel, dans lequel est détaillé le cycle infra-annuel de trésorerie de l'État. Les points hauts et bas dépendent du rythme d'encaissement des impôts, des dépenses et des amortissements sur la charge de la dette. Il n'est pas nécessaire de disposer de grosses encaisses de trésorerie en fin d'année puisqu'aucun amortissement de coupon ou de principal n'est effectué en janvier. Les premiers ont lieu fin février.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Quel sera le niveau de la dette à la fin de l'année ?

M. Anthony Requin. - À la fin du premier trimestre, elle s'élevait à 2 089 milliards d'euros.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Et à la fin de l'année ?

M. Anthony Requin. - Je ne dispose pas de ce chiffre précis avec moi mais la projection de dette sur PIB devrait être respectée.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La dette diminuera-t-elle en fin d'année ?

M. Anthony Requin . - Elle devrait représenter 96,3 % du produit intérieur brut (PIB) en fin d'année, toutes administrations publiques confondues. En revanche, les rebasages de niveau de PIB par l'Insee peuvent augmenter légèrement. Il s'agit de la seule variable de nature à modifier l'objectif.

S'agissant de la dette indexée, la France émet des titres indexés sur l'inflation française depuis 1998, et sur l'inflation européenne depuis 2001. Cela représente aujourd'hui 170 milliards d'euros d'encours. Elle possède le marché le plus profond en titres indexés, avec un objectif de 10 % de l'encours total de la dette. Ces titres ont un intérêt particulier pour certains investisseurs qui ont besoin de se couvrir contre le risque d'inflation. Tous les gestionnaires de livrets bancaires et livrets A en achètent ; les fonds de pension néerlandais par exemple en sont friands également, comme les investisseurs de très long terme. L'intérêt de l'État est de capturer la prime d'inflation que les investisseurs sont prêts à payer, afin d'émettre à un coût moindre et de diversifier la base d'investisseurs.

Enfin, l'effet contracyclique est intéressant pour le budget de l'État. En cas de ralentissement de la croissance, celle-ci provoque une baisse des recettes fiscales, mais également un ralentissement de l'inflation. On retrouve pour partie en moindre charge ce qu'on perd en recettes fiscales. La charge d'intérêts de l'État a ainsi été amoindrie de 1,9 milliard d'euros en 2014 par l'indexation d'une partie de la dette sur l'inflation, et de 1,5 milliard d'euros en 2015.

La CADES émet un tiers environ de son programme en devises diverses (dollar, yen, franc suisse, dollar australien, dollar canadien) afin de profiter d'opportunités et de taux d'intérêt attractifs. Elle couvre le risque de change en swappant ses émissions en euros. L'État émet exclusivement en euros, de trois mois à cinquante ans, de façon prévisible et transparente. Émettre en devises, ce serait rompre avec la régularité, réaliser des coups en opportunité, sans pouvoir garantir un volume d'émissions à venir dans cette devise, ni couvrir toutes les maturités. Il s'agirait d'un changement complet d'attitude et de stratégie.

L'État et la CADES se répartissent les univers d'investisseurs. Les États-Unis émettent en dollars américains, la Chine en renminbis, et non dans une autre monnaie. L'Allemagne n'a réalisé qu'une seule opération en devises, en 2009. La France n'a pas ce projet, à ce stade.

Les collectivités territoriales n'ont pas toutes la même notation que l'État. Elles émettent à des coûts plus importants car leurs opérations sont petites et ponctuelles, contrairement à l'État qui est un émetteur régulier, entretenant une courbe des taux entière, avec des souches extrêmement liquides, ce qui est un grand avantage. Une cinquantaine de collectivités se sont rassemblées pour attirer des investisseurs par des émissions groupées à travers l'Agence France Locale. Les taux d'intérêt, la qualité du crédit et la liquidité de la dette attirent les investisseurs.

M. Claude Raynal . - La qualité du travail et le professionnalisme de l'Agence France Trésor lui confèrent une excellente image à l'extérieur ainsi que sur les marchés financiers. L'opinion des banques spécialistes en valeur du Trésor est extrêmement positive, en partie parce que l'action de l'agence est prévisible et rassurante. Son efficacité réduit de quelques points de base le coût de l'emprunt pour la France.

On dit que la dette très importante du Japon n'est pas grave puisqu'elle est financée par l'épargne japonaise. On dit aussi que les Français épargnent beaucoup et qu'une grande partie de la dette française est étrangère. Quel en est le ratio, et est-il important que l'épargne française couvre la dette de la France ?

M. Philippe Dallier . - Le secrétaire d'État au budget Christian Eckert nous a rassurés il y a quelques semaines en déclarant que le budget de l'État était à l'abri d'une évolution défavorable des taux d'intérêt puisque la quasi-totalité du programme était déjà réalisé. Le confirmez-vous ? À partir de quel niveau de taux la prévision budgétaire des intérêts à payer serait-elle dépassée ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - La part des collectivités territoriales est stable. Elle ne devrait pas être agrégée avec celle de l'État, les deux n'ayant aucun rapport. La première correspond à de l'investissement, la seconde à du déficit. C'est insupportable. Je ne suis pas du tout certaine que cet agrégat pénalise l'État. Il serait important de pouvoir constater ce qu'apportent les collectivités territoriales dans la trésorerie. On leur en demande trop.

M. Vincent Delahaye . - Quel est le montant de la dette en valeur absolue ? Les 96,3 % du PIB de fin de l'année signifient-ils un montant supérieur aux 2 089 milliards d'euros cités plus tôt ? La hausse de 1 % des taux en 2015 ajoute 2,4 milliards d'euros de charge d'intérêts. Sur quel taux d'intérêt moyen vous êtes-vous appuyés pour conclure à 1,2 milliard d'euros d'économies ?

M. Maurice Vincent . - J'ai noté que la prévision 2017 montre l'amorce d'une décrue du rapport entre la dette publique et le PIB. Nous sommes proches de 100 %. Cela inquiète nos concitoyens et il faut effectivement une décrue. L'évolution n'est pas liée à une surestimation de l'évolution du PIB, ni volontaire et ni involontaire d'ailleurs. J'imagine donc qu'elle repose sur des hypothèses de taux d'intérêt et de réduction des déficits publics. Comment arrive-t-on à ce recul du ratio d'endettement public ?

Mme Fabienne Keller . - Quel est l'impact de l'évolution des taux d'intérêt sur la charge de la dette, qui a été réajustée à la baisse, à 43 milliards d'euros cette année ? Quelle est votre évaluation de l'évolution de la charge de la dette des trois ou cinq prochaines années en cas de hausse de 1 % des taux d'intérêt ?

M. Richard Yung . - Votre prévision d'une montée modeste mais régulière des taux est liée à la politique de la BCE. Quelle est votre hypothèse quant à la Federal Reserve , pour 2015-2016 ? Elle danse un tango, je n'ose pas dire argentin mais américain depuis six à huit mois, l'annonce d'une hausse du taux de base n'étant jamais suivie d'effet.

M. François Marc . - La France tire profit de la fuite vers la qualité, dites-vous. Cela flatte l'ego national. Mais pour combien de temps ? Quelle est la définition de la qualité ? Depuis 2007, 54 pays émergents ont fait l'objet de 189 relèvements par les différentes agences de notation. Le risque émergent devient de plus et plus acceptable. Les hiérarchies peuvent-elles s'inverser, et quand ?

M. Éric Doligé . - Il faut distinguer entre l'endettement pour investir et l'endettement pour combler le déficit. L'État rembourse la charge, les collectivités territoriales remboursent la charge et le stock. Il serait intéressant d'établir des comparaisons. Avez-vous une solution pour que les collectivités ne remboursent plus que la charge ?

Mme Michèle André , présidente . - Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit que les États-membres transmettent leur programme d'émissions de dettes à la Commission européenne afin que celle-ci en assure la coordination. Comment cette coordination se traduit-elle concrètement ?

M. Anthony Requin. - Notre dette est détenue à 64 % par des non-résidents. Les 35 % restants sont détenus par des résidents à hauteur de 20 % environ par les compagnies d'assurance, à 10 % par les institutions bancaires, le reste l'étant par des gestionnaires d'actifs, selon des données de la Banque de France. Sur les 65 % détenus par des non-résidents, à travers des enquêtes du FMI, on peut estimer que la moitié l'est par des investisseurs de la zone euro. Les autres appartiennent à des catégories et des zones géographiques diverses. Depuis 2007, la moitié des achats nets de dette française environ est réalisée par des banques centrales, qui ont accumulé d'importantes réserves qu'elles se soucient de ne pas placer uniquement en dollars, et qui recherchent des dettes de qualité, liquides et offrant un rendement. Assez peu sensibles au niveau des taux d'intérêt, elles ont tendance à détenir la dette jusqu'à son échéance, ce qui en fait des détenteurs peu volatils. Ainsi, en 2011, alors que des résidents ont pu vendre notre dette, les banques centrales du monde entier continuaient à en acheter.

Au Japon, l'épargne des ménages est très élevée et supérieure à l'endettement public. Elle finance aisément des déficits importants à des taux d'intérêt très faibles.

Le taux d'exécution de notre programme s'établit aujourd'hui à 68 %, soit un taux d'exécution en ligne avec les années précédentes. La charge de notre dette en 2015 est quasiment fixée, puisque ce n'est qu'à l'année n+1 qu'il faut s'acquitter du coupon plein de la dette émise l'année n. Comme a pu vous l'indiquer Monsieur Eckert, nous sommes en 2015 dans une situation confortable. Comme la charge d'indexation est déterminée par l'évolution des prix de mai à mai, il n'y a plus d'aléas liés à l'inflation pour le reste de l'année. De plus, cette évolution a été significativement inférieure aux prévisions de la loi de finances initiale : en France, 0,3 % au lieu de 0,8 %, et 0,2 % au lieu de 1 % en Europe. Nous économisons environ 1,5 milliard d'euros. La remontée des taux longs ne devrait pas avoir d'impact sur la charge budgétaire, car nous avions prévu un niveau plus élevé qu'il ne l'a été fin 2014 et début 2015, et leur hausse actuelle n'aura un plein impact que dans un an. Aussi la charge budgétaire de la dette en 2015 ne pourrait s'accroître que sous l'effet d'un choc très violent sur les taux courts. Notre dette à moyen ou long terme s'élève environ à 1 400 milliards d'euros, et notre endettement à court terme à 170 milliards d'euros. Les bons du Trésor à trois, six ou douze mois subiraient de plein fouet l'effet d'une hausse des taux courts. Cependant, celle-ci ne semble pas devoir se produire. Actuellement, nous empruntons même à des taux négatifs : environ - 0,19 % pour les emprunts à trois, six ou douze mois, au lieu des 0,05 % prévus au moment de la loi de finances.

C'est la comptabilité maastrichtienne qui agrège l'ensemble des dettes publiques, y compris celles des collectivités territoriales. La loi prévoit qu'en dernier recours, c'est l'État qui est d'une certaine mesure garant en dernier ressort les dettes des collectivités territoriales, c'est pourquoi elles sont incluses dans le périmètre.

Le rapport entre dette et PIB devrait atteindre en 2016 un maximum de 97 %, si l'on tient compte des opérations de soutien aux États de la zone euro, dont la Grèce. Puis il baissera légèrement, à 96,9 %, en 2017. La France a présenté aux autorités européennes sa trajectoire budgétaire, qui repose sur des hypothèses de croissance relativement prudentes : 1 % cette année et 1,5 % l'an prochain, quand l'OCDE, l'Union européenne ou le FMI tablent respectivement sur 1,2 % en 2015 et entre 1,5 et 1,8 % en 2016. Quant aux projections de taux d'intérêt présentées dans le programme de stabilité, elles prévoient, sur les OAT à dix ans, une augmentation des taux longs de 90 points de base en 2016, puis en 2017 et encore 50 points de base l'année suivante. Nous prévoyons un relèvement des taux d'intérêt courts de la Banque centrale européenne (BCE) à la fin des mesures d'assouplissement quantitatif, à partir de septembre 2016. Dans ce scénario, l'augmentation de la charge de la dette serait compensée par la hausse de la croissance et de l'inflation.

Quant à la mesure de la sensibilité de la dette, je vous renvoie aux chiffres mesurant l'impact d'une hausse de 1 % sur la charge de la dette de l'État, puisque celle-ci représente 80 % de la dette publique.

La hausse des taux de la Fed est intégrée dans nos hypothèses d'évolution des taux longs (90 points de base). Le relèvement interviendra-t-il en 2015, en 2016 ? Quelles annonces seront faites ? Quel sera le rythme et l'ampleur du relèvement ? Nous étudierons attentivement les prochaines communications de la Fed, afin d'en tenir compte dans le projet de loi de finances pour 2016.

Combien de temps durera la fuite vers la qualité ? Aussi longtemps que nous tiendrons nos engagements, les marchés continueront à nous faire crédit. Les hiérarchies se transforment lorsque les agences de notation modifient leurs notes ou lorsque les politiques économiques s'infléchissent.

Dans le programme de financement de l'État, sur les 187 milliards d'euros d'émissions à moyen long terme prévus en 2015, 74,4 milliards couvrent le déficit budgétaire, et 116 milliards amortissent la dette de moyen long terme. Comme les collectivités territoriales, l'État doit régulièrement amortir ou « roller » des encours de dette. Si sa comptabilité n'est pas soumise aux mêmes règles que celles d'une collectivité territoriale, il doit cependant respecter les traités européens.

La France communique chaque année en décembre son programme d'émission aux marchés ainsi qu'à la Commission européenne, comme les autres États membres. Nous précisons ensuite chaque trimestre les dates d'adjudication et l'ampleur des émissions que nous entendons réaliser. L'Allemagne annonce avec une grande précision le type d'émission qu'elle réalisera ; nous annonçons simplement aux marchés que, chaque premier jeudi du mois, nous émettrons des titres de maturité comprise entre sept et cinquante ans, et chaque troisième jeudi des titres entre deux et sept ans ainsi que des titres indexés sur l'inflation. Une semaine avant l'émission, nous choisissons la maturité des titres émises, après écoute des recommandations des Spécialistes en Valeurs du Trésor, afin de coller aux besoins du marché et émettre ainsi à meilleur prix.

Mme Michèle André , présidente . - Merci. Ces questions nous intéressent, et nous aurons l'occasion de vous entendre à nouveau dans l'avenir !

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