II. UNE OCCASION DE RÉFORME RATÉEE ET LE RENFORCEMENT DE CE SYSTÈME INJUSTE PAR LA DÉCISION DU 26 MAI 2014

A. L'ABANDON DE LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DANS SON « PAQUET RESSOURCES PROPRES »

La structure des recettes du budget communautaire fait l'objet de nombreuses critiques , à commencer par la dénonciation des différentes corrections. Ces dernières confèrent, en effet, au système des ressources propres de l'UE un caractère opaque et injuste . De plus, l'abandon de ces corrections faciliterait non seulement la mise à plat du système des recettes mais aussi de la structure des dépenses du budget communautaire, dans la mesure où les deux aspects sont interdépendants à travers les questions de solde net.

Dans son « paquet ressources propres » publié le 29 juin 2011 8 ( * ) , la Commission européenne recommandait de supprimer les rabais (en mettant toutefois en place dès 2014 des systèmes de corrections temporaires en faveur de l'Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède), d' abandonner la ressource propre liée à la TVA à la fin de l'année 2013 et de la remplacer progressivement par deux nouvelles ressources propres :

- une taxe sur les transactions financières à compter du 1 er janvier 2018 au plus tard et dont le produit était évalué à 37 milliards d'euros en 2020 (22,7 % du budget communautaire) ;

- une nouvelle ressource TVA comprenant la suppression d'un certain nombre d'exonérations ou d'exceptions existantes et dont le produit était évalué à 29,4 milliards d'euros en 2020 (18,1 % du budget UE). Le taux applicable ne devait pas excéder deux points de pourcentage du taux normal et le projet de règlement d'exécution fixait ce taux à 1 %.

Votre rapporteur spécial regrette que la Commission européenne ait renoncé dans son projet à proposer de nouvelles recettes liées aux politiques de lutte contre les changements climatiques , à l'image d'une taxe énergétique (en particulier la taxation qui aurait conduit à frapper les importations), d'une taxe sur le transport aérien , ou, encore, du produit de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre .

Mais il déplore plus encore que les propositions de réforme présentées par la Commission européenne aient elles-mêmes été abandonnées par les États membres .

En effet, de nombreux États membres se sont opposées à toute réforme profonde du système des ressources propres.

B. UNE NOUVELLE DÉCISION QUI RENFORCE LES DÉFAUTS DU SYSTÈME EXISTANT

Alors que la Commission européenne avait proposé de supprimer les rabais, le Conseil européen des 7 et 8 février 2013 a décidé de maintenir l'essentiel du système en vigueur , avec ses défauts. En effet, le mode de financement de l'UE est passé au second plan des négociations sur les perspectives financières 2014-2020 et, dans ses conclusions, le Conseil européen n'a pas repris le projet d'une nouvelle ressource propre , même s'il a demandé au Conseil de « poursuivre les travaux sur la proposition de la Commission en vue d'une nouvelle ressource propre fondée sur la TVA » et a indiqué que la taxe sur les transactions financières « pourrait servir de base à une nouvelle ressource propre pour le budget de l'UE » 9 ( * ) ). Le Conseil européen a surtout prévu de conserver le rabais britannique, les rabais sur ce rabais, les corrections sur la ressource propre TVA et, enfin, les chèques forfaitaires annuels .

Suite au Conseil européen des 7 et 8 février 2013, le Conseil a donc orienté son travail législatif non plus sur la refonte du système des ressources propres mais sur une simple modification à la marge du système actuel de ressources propres.

Et c'est le 26 mai 2014, que le Conseil a adopté la nouvelle DRP dont le présent projet de loi propose l'approbation dans le cadre d'une procédure législative spéciale, après que le Parlement européen a rendu son avis le 16 avril 2014.

D'après la nouvelle DRP, les défauts du système actuel des ressources propres, complexe, opaque et injuste, sont même renforcés puisque :

- le Danemark bénéficiera d'un nouveau rabais forfaitaire sur sa contribution RNB (à hauteur de 130 millions d'euros par an) ;

- les rabais forfaitaires sur la contribution RNB accordés à la Suède et aux Pays-Bas sont augmentés (ils s'élèveront à 695 millions d'euros et 185 millions d'euros par an) ;

- l'Autriche a obtenu un nouveau rabais temporaire dégressif pour sa ressource RNB (30 millions d'euros en 2014, 20 millions d'euros en 2015 et 10 millions d'euros en 2016) en raison de son retour au taux d'appel normal pour la ressource TVA ;

- les taux d'appel réduits de TVA dont bénéficiaient les Pays-Bas et la Suède sont alignés sur celui de l'Allemagne, soit une augmentation de 0,10 % à 0,15 %, les rapprochant du taux d'appel normal, fixé à 0,3 % (c'est en échange de ce moindre taux réduit que les Pays-Bas et la Suède ont obtenu une hausse de leurs rabais forfaitaires sur la ressource RNB) ;

- enfin, le « chèque déguisé » en faveur des gros importateurs et en particulier des Pays-Bas, qui concerne les frais de perception des RPT (essentiellement les droits de douane), est maintenu, bien que réduit. En effet les frais de perception retenus par les États membres sur les RPT de l'UE s'élèvent à 25 %, alors que ces frais réels sont de l'ordre de 2 % du produit fiscal. Il s'agit en réalité d'un geste réalisé au profit des Pays-Bas, dont l'activité commerciale est forte. Ces frais de perception élevés vont diminuer, mais seulement passer de 25 à 20 %.

Par ailleurs, la nouvelle DRP propose de fixer le plafond annuel des ressources propres à 1,23 % du RNB des États membres en CP et à 1,29 % en CE, au lieu de respectivement 1,24 % et 1,31 %. Et bien que cette décision n' entrera en vigueur qu'à l'issue de son approbation par l'ensemble des États membres 10 ( * ) , elle sera applicable à compter du 1 er janvier 2014, avec un effet qui sera donc rétroactif.

Votre rapporteur spécial préconise d' approuver la nouvelle DRP , en dépit de ses défauts. Il rappelle que le mode de fonctionnement de la construction européenne impose d' aboutir à des compromis toujours imparfaits . Il souligne tout de même que, suite à la nouvelle DRP, la France et l'Italie seront les seuls contributeurs nets à ne pas bénéficier d'un rabais spécifique 11 ( * ) . La France, opposée aux rabais par principe, n'a d'ailleurs pas souhaité en demander pour elle-même pendant les négociations.

Le cadre 2014-2020 constitue donc une occasion de réforme ratée et la question d'une refonte profonde du système des ressources propres doit maintenant être reposée dans la perspective de l'après 2020. Auteur en 2011 d'un rapport sur le cadre financier 2014-2020 de l'Union européenne 12 ( * ) , votre rapporteur spécial avait alors invité à « affranchir la négociation sur les dépenses du raisonnement des États membres en termes de juste retour et de soldes nets » en créant une nouvelle ressource propre au profit du budget de l'Union européenne.

Il se propose, à ce stade, de mettre en regard la nouvelle DRP et les grands équilibres de dépenses tels qu'ils ressortent des perspectives financières 2014-2020. Une telle démarche permettra de préciser les évolutions à venir de la contribution française au budget de l'UE.


* 8 Le paquet comprenait un projet de décision du Conseil relatif au système de ressources propres de l'UE destinée à se substituer à l'actuelle décision ressources propres (DRP) ; une proposition de règlement du Conseil portant mesure d'exécution de cette DRP et, enfin, une proposition de règlement du Conseil relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des différentes ressources à l'UE.

* 9 Ce qui, selon le Conseil européen, n'aurait aucune incidence sur les États membres non participants ni sur le calcul de la correction en faveur du Royaume-Uni.

* 10 Compte tenu des délais d'approbation propres à chaque État, la date d'entrée en vigueur envisagée par la Commission européenne est le 1 er janvier 2016.

* 11 Le cas de la Finlande est mis de côté en raison du faible niveau de son solde net.

* 12 Rapport d'information n° 738 (2010-2011) fait au nom de la commission des affaires européennes.

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