Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Antoine LEFÈVRE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015

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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 18

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Antoine LEFÈVRE

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Selon le présent projet de loi de finances, la mission « Justice » bénéficierait, en 2016, de 7,971 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et 8,264 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE).

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 (et à périmètre constant), l'augmentation des crédits de paiement est modeste : elle s'élève à 78,9 millions d'euros, soit une hausse de 1 % .

Le décret d'avance de mars dernier a prévu, pour 2015, 107 millions d'euros de crédits supplémentaires , et la création de 811 emplois, dont 400 dans l'administration pénitentiaire.

Dans le cadre de la poursuite du déploiement du plan de lutte antiterroriste (PLAT), le présent projet de loi de finances prévoit la création, en 2016, de 283 ETP supplémentaires (et de 30 postes d'aumôniers) et l'ouverture de 46,85 millions d'euros (hors dépenses de personnel) , affectés à la mise en oeuvre des actions du ministère de la justice en matière de lutte contre le terrorisme.

Malgré cela, les crédits de la mission, hors dépenses de personnel, diminuent en 2016 de 48 millions d'euros ; c'est principalement le plan de lutte anti-terroriste qui permet au ministère de la justice de sauvegarder, globalement, ses moyens .

Suite aux attentats du 13 novembre 2015, le Président de la République a annoncé, lors son intervention devant le Congrès, le 16 novembre 2015, la création de 2 500 postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire et les services judiciaires . À titre de comparaison, en 2014, 76 509 équivalents temps plein travaillé (ETPT) étaient portés par les crédits de la mission.

Dans l'attente du détail de l'allocation de ces moyens supplémentaires, il importera de veiller à ce que les postes ainsi créés soient effectivement pourvus, malgré les difficultés de recrutement rencontrées par l'administration pénitentiaire, qui « puise » dans le même vivier que la police, la gendarmerie ou la défense.

Enfin, le programme relatif à l'administration pénitentiaire est doté plus de 40 % des crédits de la mission « Justice ». Or, il est aujourd'hui indispensable d' améliorer le fonctionnement de l'autorité judiciaire , en réduisant en particulier les délais de traitement dans les juridictions. Il est nécessaire de donner aux juridictions judiciaires les moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission . L'Allemagne consacre 114 euros par habitant pour la justice, contre 61 euros pour la France selon une étude de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) : pour que la justice française dispose de moyens équivalents à la justice allemande, il faudrait pratiquement doubler son budget .

À la date du 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, votre rapporteur spécial avait reçu 30,7 % des réponses portant sur la mission « Justice ».

PREMIÈRE PARTIE - APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION

L'analyse porte sur les crédits tels que proposés par le présent projet de loi de finances, avant les annonces du Président de la République devant le Congrès le 16 novembre 2015, concernant en particulier la création de 2 500 postes au ministère de la justice.

I. LA JUSTICE : UNE PRIORITÉ

A. UNE HAUSSE RÉGULIÈRE DES CRÉDITS DEPUIS 2007

Entre 2007 et 2016, les dépenses relatives à la mission « Justice » ont augmenté de 1,8 milliard d'euros, soit une hausse de 29 % en neuf ans en euros courants (+ 3 % par an).

Évolution des crédits de la mission « Justice » (2007-2016)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la Justice au questionnaire

Il convient toutefois de souligner que la mission « Justice » ne retrace pas l'ensemble des crédits consacrés par l'État à la justice, dans la mesure où, depuis 2005, la justice administrative dispose de son propre programme, au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Cette « disjonction », qui interdit que la maquette budgétaire reflète l'ensemble de la politique publique en faveur de la justice avait été critiquée par notre ancien collègue, alors rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice », Roland du Luart.

B. ENTRE LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2015 ET LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016, LES CRÉDITS AUGMENTENT AU MÊME RYTHME QUE L'INFLATION (1 %)

Entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances pour 2016, la hausse des crédits est de 1 %.

Évolution (2015-2016) des crédits par programme

(en millions d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2015-2016 (en CP)

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

2994,67

3 064,76

3 118,91

3 086,67

21,91

0,71%

Administration pénitentiaire

4 703,14

3 374,58

3 597,82

3 408,61

34,03

1,01%

Protection judiciaire de la jeunesse

779,88

777,38

800,87

795,62

18,24

2,35%

Accès au droit et à la justice

359,15

357,73

366,36

366,98

9,25

2,59%

Conduite et pilotage de la politique de la justice

354,1

315,44

374,63

310,78

-4,66

-1,48%

Conseil supérieur de la magistrature

3,62

4,34

3,48

4,44

0,10

2,30%

Total

9 194,56

7 894,23

8 262,07

7 973,10

78,87

1,00%

Source : réponse du ministère de la justice au questionnaire de votre rapporteur spécial

Cette augmentation de 78,9 millions d'euros concerne en particulier le programme « Administration pénitentiaire » (+ 34 millions d'euros), alors que les crédits de la « Justice judiciaire » augmentent, quant à eux, de 21,9 millions d'euros, (+ 0,71 %), soit moins que l'inflation prévue en 2016 (+ 1 %).

Si l'on considère également les ressources extrabudgétaires prévues pour financer l'aide juridictionnelle (68 millions en 2016, soit + 23 millions d'euros), les ressources publiques consacrées à la justice s'élèvent à 8,04 milliards d'euros - contre 7,94 milliards d'euros en 2015, soit une augmentation de l'ordre de 100 millions d'euros (+ 1,25 %).

Les dépenses de personnel (61 % des crédits de la mission en 2015) expliquent cette hausse des dépenses, entre 2015 et 2016 : ils augmentent au total de 126 millions d'euros.

Évolution des dépenses (2014-2016) par type

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire de votre rapporteur spécial

Au contraire, les crédits de la mission « Justice », hors dépenses de personnel, diminuent, entre 2015 et 2016, de 47,7 millions d'euros en CP, soit 1,6 % .

Évolution (2015-2016) des dépenses (hors dépenses de personnel) par programme

(en millions d'euros)

2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation (CP) 2015-2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Administration pénitentiaire

908,6

1 137,3

2 585,7

1 257,2

1 413,0

1 223,8

-33,4

-2,66%

Justice judiciaire

859,9

920,8

858,1

928,2

942,2

910,0

-18,2

-1,96%

Protection judiciaire de la jeunesse

309,1

308,3

319,6

317,1

327,3

322,0

4,9

1,55%

Accès au droit et à la justice

381,7

381,6

359,1

357,7

366,4

367,0

9,2

2,58%

Conduite et pilotage de la politique de la justice

203,0

164,9

222,7

184,1

237,4

173,6

-10,5

-5,69%

Conseil supérieur de la magistrature

0,9

1,1

1,0

1,7

0,9

1,8

0,1

8,05%

Total

2 663,2

2 914,0

4 346,3

3 046,0

3 287,2

2 998,2

-47,7

-1,57%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les économies (hors titre 2) ne suffisent pas à respecter la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques. En effet, l'annuité 2016 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 s'élève à 6,305 milliards d'euros pour la mission « Justice ». Pour 2016, les dépenses prévues, hors crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », s'élèvent à 6,373 milliards d'euros : l'écart à la trajectoire s'élève par conséquent à 58 millions d'euros .

C. LE PLAN DE LUTTE ANTI-TERRORISTE : 323 ETP EN 2016 ET 47 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS

Malgré l'ouverture de 48,9 millions d'euros (hors T2) supplémentaires, les crédits, hors dépenses de personnel, diminuent en 2016 ; c'est principalement le plan de lutte anti-terroriste qui permet au ministère de la justice de sauvegarder, globalement, ses ressources .

Plan de lutte anti-terroriste :
dépenses (hors dépenses de personnel) et créations d'emplois

(en millions d'euros ou en nombre)

2015

2016

M€

ETP

M€

ETP

Justice judiciaire

29,7

192

18,6

105

Administration pénitentiaire

31

402

25,7

172

Protection judiciaire de la jeunesse

3,5

163

2,55

6

Conduite et pilotage

16

14

Sous-total

80,2

771

46,85

283

Aumôniers

30

30

École nationale de l'administration pénitentiaire

9

0

École nationale de la magistrature

10

10

Total

80,2

811

46,85

323

Source : commission des finances du Sénat à partir du décret d'avance et du projet de loi de finances pour 2016

Le plan de lutte anti-terroriste (PLAT)

Le Gouvernement a annoncé, en janvier 2015, la création de 2 680 emplois supplémentaires au cours des trois prochaines années, dont 950 au ministère de la justice.

En particulier, il est alors prévu de renforcer la juridiction antiterroriste parisienne (+ 27 personnels), de créer, au sein de plusieurs établissements pénitentiaires, cinq quartiers dédiés aux détenus radicalisés. Le nombre d'aumôniers musulmans doit augmenter de 30 % (+ 60 aumôniers) en 2015 et 2016.

Avec le décret n° 2015-402 du 9 avril 2015 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, la mission « Justice » a bénéficié de l'ouverture nette de 106,7 millions d'euros, dont 78,6 millions d'euros hors dépenses de personnel . Les crédits supplémentaires ainsi ouverts doivent permettre de financer 771 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, dont 402 au profit de l'administration pénitentiaire, 202 au sein de la justice judiciaire, 163 pour la protection judiciaire de la jeunesse et 14 affectés en particulier au déploiement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ).

Le présent projet de loi de finances prévoit, au titre du PLAT :

- pour le programme « Justice judiciaire » : 18,6 millions d'euros (hors dépenses de personnel) visant à « renforcer les effectifs de magistrats chargés de la lutte anti-terroriste ; la sécurisation des sites judiciaires sensibles et exposés ; l'augmentation des frais de justice et des moyens technologiques et informatiques mis à disposition des juridictions ; le renforcement des supports » ; 105 ETP (correspondant à la création de 114 emplois) ;

- pour le programme « Administration pénitentiaire » : 25,7 millions d'euros (hors dépenses de personnel) qui financent notamment cinq recherches-actions pour la mise en place de programmes de dé-radicalisation, la création d'un « programme arrivants » pour détecter dès leur entrée les détenus susceptibles d'être radicalisés en détention, la sécurité des établissements (brouillage des communications illicites), la restructuration du renseignement pénitentiaire ; la création de cinq unités dédiées pour les personnes radicalisées ; l'augmentation des activités en détention et l'élargissement des formations dispensées à l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) ; 172 emplois supplémentaires auxquels s'ajoutent 30 emplois d'aumôniers ;

- pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » : 2,55 millions d'euros (hors dépenses de personnel) pour la « mise en place d'une mission de veille et d'information ; le renforcement des services et de la formation des agents ; la prise en charge des publics à risque » ; 6 ETPT supplémentaires ;

Source : décret d'avance n° 2015-402 du 9 avril 2015 et projet de loi de finances pour 2016

II. CRÉER DES EMPLOIS ET LES POURVOIR

A. UNE CRÉATION DE 979 ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN TRAVAILLÉ (ETP) PRÉVUE EN 2016

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, 979 nouveaux emplois sont créés, qui se répartissent comme suit :


Répartition des créations d'emplois par programme

(en ETP)

Justice judiciaire

157

Administration pénitentiaire

725

Protection judiciaire de la jeunesse

60

Conduite et pilotage de la politique de la justice

1

Sous-total (sous plafond d'emplois)

943

Aumôniers

30

École nationale de la magistrature

6

Total

979

Source : commission des finances du Sénat à partir des schémas d'emplois du projet annuel de performance pour 2016

La programmation triennale prévoyait la création de 650 équivalent temps plein travaillé (ETP) entre 2015 et 2016 ; s'y ajoutent 323 ETP au titre du plan de lutte contre le terrorisme (PLAT).

B. LA NÉCESSITÉ DE RECRUTER EFFECTIVEMENT

En 2014, alors que le plafond d'emplois s'élevait à 77 951 ETPT, la réalisation est en-deçà : plus de 1 400 ETPT n'ont pas été occupés effectivement (soit 1,8 %). Si cette situation n'est pas préoccupante en tant que telle, il importe d'être particulièrement attentif au fait que les créations d'emploi prévues par le présent projet de loi de finances soient bien suivies des recrutements nécessaires et qu'ils soient bien affectés aux tâches assignées en priorité, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme.

Écart entre le plafond d'emplois et l'effectif réel

(en ETPT)

2014

2015

PLF 2016

Plafond d'emplois

Réalisé

Écart

Plafond d'emplois

Prévision de réalisation*

Écart

Plafond d'emplois

Justice judiciaire

31 640

31 036

-604

-1,9%

31 641

30 783

-858

-2,7%

31 743

Administration pénitentiaire

35 812

35 271

-541

-1,5%

36 758

36 428

-330

-0,9%

37 823

Protection judiciaire de la jeunesse

8 507

8 312

-195

-2,3%

8 567

8 472

-95

-1,1%

8 763

Conduite et pilotage de la politique de la justice

1 970

1 872

-98

-5%

1 953

1 866

-87

-4%

1 929

Conseil supérieur de la magistrature

22

18

-4

-18%

22

22

0

0%

22

Total

77 951

76 509

-1 442

-1,8%

78 941

77 571

-1 370

-1,7%

80 280

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire de votre rapporteur spécial

Selon les cadres d'emplois et les programmes, l'écart entre le plafond et la réalité résulte de plusieurs facteurs : des conditions de rémunération peu attractives (par exemple pour les informaticiens recrutés pour la gestion des projets informatiques ou pour les personnels de surveillants de l'administration pénitentiaire) ou encore un important turn-over lié à des conditions de travail difficiles (par exemple dans la protection judiciaire de la jeunesse).

SECONDE PARTIE - LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LE PROGRAMME « JUSTICE JUDICIAIRE »

A. BIEN QUE LA JUSTICE SOIT UNE MISSION PRIORITAIRE, LES CRÉDITS DE LA JUSTICE JUDICIAIRE AUGMENTENT TRÈS FAIBLEMENT EN 2016 (+0,7 %)

Détail de l'évolution (2015-2016) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Variation (CP) 2015-2016

AE

CP

AE

CP

DEPENSES DE PERSONNEL (TITRE 2)

2 136,56

2 136,56

2 176,66

2 176,66

40,10

1,9%

AUTRES DEPENSES (HORS TITRE 2)

858,11

928,20

942,25

910,01

-18,20

-2,0%

Frais de justice

444,09

444,09

462,96

462,96

18,87

4,2%

Fonctionnement courant - hors immobilier

140,80

140,80

138,55

138,55

-2,25

-1,6%

Intervention

4,00

4,00

3,29

3,29

-0,71

-17,8%

ENM

23,80

23,80

27,77

27,77

3,97

16,7%

Immobilier - Occupant

183,80

160,33

194,11

158,97

-1,36

-0,8%

Immobilier - Propriétaire

61,62

155,19

115,58

118,48

-36,71

-23,7%

Total

2 995

3 065

3 119

3 087

22

0,7%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire de votre rapporteur spécial

En réalité, les crédits du programme sont stables puisque 23,1 millions d'euros de crédits prévus pour 2016 correspondent en fait aux cotisations sociales dues aux collaborateurs occasionnels du service public (COSP) pour les prestations de traduction et d'interprétariat. En effet, jusqu'à présent, le ministère de la justice ne payait pas les cotisations sociales des COSP, considérant qu'ils étaient uniquement assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette dépense est imputée sur la brique de budgétisation « frais de justice ».

Alors que la justice est régulièrement présentée comme une priorité, c'est en réalité l'administration pénitentiaire qui bénéficie prioritairement de moyens supplémentaires .

Selon la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), qui ne prend en compte que les composantes principales du système judiciaire (tribunaux, ministère public, aide judiciaire) afin de pouvoir comparer les pays, malgré la hausse régulière du budget, en 2012, « l'effort consenti par la France en faveur de la justice reste en-deçà de la moyenne au regard de la richesse nationale. À niveau de richesse comparable, l'Allemagne et les Pays-Bas consentent un effort beaucoup plus important que la France en faveur de leur système judiciaire : respectivement 114 et 125 euros par habitant, à comparer à 61 euros pour la France 1 ( * ) » : si la France souhaitait consacrer autant de moyens que l'Allemagne à la justice, elle devrait pratiquement doubler le budget alloué à la justice .

B. UNE STRATÉGIE DE MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE À POURSUIVRE

Les frais de justice représentent plus de 400 millions d'euros par an ; il s'agit notamment des frais résultant des expertises informatiques, toxicologiques, d'interprétariat et de traduction, demandés par les magistrats.

Concernant le recours plus systématique aux marchés publics, recommandé par la Cour des comptes 2 ( * ) , la Chancellerie a indiqué à votre rapporteur spécial que « l'opportunité de passer des marchés publics est désormais étudiée. Un grand nombre de « segments d'achats » (interprétariat, traduction, expertises informatiques, toxicologie...) est analysé.

« Toutefois, en pratique, au regard des spécificités relatives aux prestations occasionnant des frais de justice, le recours au marché public ne s'avère pas toujours possible. (...) Un pôle achat a été renforcé (...) aux fins de rechercher des solutions innovantes conciliant la démarche achat et la liberté de prescription des magistrats et des officiers de police judiciaire en matière de frais de justice 3 ( * ) ».

Par ailleurs, le ministère a engagé plusieurs actions visant à maîtriser les frais de justice. La plate-forme Internet Chorus Portail Pro doit permettre de simplifier le dépôt des mémoires de frais par les prestataires tout en réduisant les délais de traitement et de paiement. L e déploiement de la plate-forme nationale d'interceptions judiciaires (PNIJ) devrait permettre de réaliser des économies car, grâce à elle, les officiers de police judicaire pourront faire appel de façon dématérialisée aux opérateurs de communications électroniques .

Enfin, le ministère de la justice organise un point spécifique concernant la maîtrise des frais de justice lors des dialogues de gestion entre le responsable de programme et les chefs de cour, afin de les sensibiliser à ces dépenses et aux nécessités de contrôles.

C. UNE URGENCE : DOTER LA FRANCE D'UN NOMBRE SUFFISANT DE MAGISTRATS

Le schéma d'emplois fait apparaître, en 2016, la création de 178 postes (ETP) pour des magistrats .

En 2014, la différence entre le plafond d'emplois et la réalisation représente 484 ETPT, soit un écart de 5,3 %, ce qui s'avère particulièrement élevé par rapport aux écarts constatés globalement pour la mission (cf. supra ).

Écart, pour les magistrats de l'ordre judiciaire,
entre le plafond d'emplois et l'effectif réel

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

S'il n'est pas nécessaire de « saturer » le plafond d'emplois, il n'en demeure pas moins qu'il conviendra de s'assurer que les créations de postes de magistrats prévues sont bien réalisées .

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit d'augmenter les effectifs de l'école nationale de la magistrature (ENM) de 11 ETP par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. L'école bénéficie également de près de 4 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires et devrait ainsi être en mesure de former 118 auditeurs supplémentaires (passant de 711 à 829 en ETPT).

II. LE PROGRAMME « ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE »

A. UN TAUX DE DENSITÉ CARCÉRALE DE 114,6 % EN 2015

Au 1 er janvier 2015, 66 270 écroués étaient détenus, alors que la capacité opérationnelle des établissements pénitentiaires s'élevait à 57 841 places.

Bien que le nombre d'écroués ait augmenté de 18 000 personnes entre 2005 et 2015, le taux d'occupation est resté relativement stable (116,2 % en 2005 contre 114,6 % en 2015). Cela résulte d'abord de l'augmentation du nombre d'écroués non détenus, placés sous surveillance électronique , (+ 10 000 en dix ans) et du nombre de places créées (7 700 en dix ans).

Évolution du nombre d'écroués (détenus et non détenus)
et taux d'occupation (ou densité carcérale)

(en nombre) (en nombre d'écroués détenus pour 100 places)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

Le programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires doit permettre de continuer à créer de nouvelles places tout en fermant les établissements les plus vétustes.

Évolution du nombre de places construites depuis 2012

(en nombre)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Construction de places brutes dans l'année

1366

1113

1170

2403

604

2610

942

808

Fermetures de places dans l'année

-1432

-655

-700

-595

-390

-1751

-403

0

Solde net (création nette de places)

-116

468

470

1 808

214

859

539

808

Source : réponse du ministère de la justice au questionnaire

Ce sont par conséquent 3 703 places supplémentaires qui devraient avoir été construites entre 2012 et 2017.

B. UNE DÉPENSE RIGIDE

Les dépenses portées par ce programme correspondent principalement à des dépenses de personnel (2,2 milliards d'euros prévus en 2016), des dépenses relatives aux partenariats-publics-privés (PPP) ou à la gestion déléguée et des dépenses de santé des détenus. Par conséquent, ce poste s'avère particulièrement rigide : les seules marges de manoeuvre concernent les dépenses en gestion publique.

Détail de l'évolution (2014-2016) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation (CP) 2015-2016

Variation (AE) 2015-2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

DEPENSES DE PERSONNEL

2 034

2 034

2 117

2 117

2 185

2 185

67

3,2%

67

3,2%

AUTRES DEPENSES (HORS TITRE 2)

909

1 137

2 586

1 257

1 413

1 224

-33

-2,7%

-1 173

-45,4%

Gestion publique

201

199

265

214

237

231

17

7,9%

-28

-10,7%

Autres moyens de fonctionnement et aménagements de peine

97

88

89

86

93

90

5

5,3%

4

4,9%

Gestion déléguée

118

321

1 542

335

224

329

-6

-1,9%

-1 317

-85,4%

ENAP

24

24

25

25

26

26

2

6,1%

2

6,1%

PPP - fonctionnement

59

83

103

103

124

124

21

20,7%

21

20,7%

Santé des détenus SD

33

32

32

32

33

33

2

5,0%

2

5,0%

Santé des détenus ACOSS

95

95

95

95

93

93

-2

-1,9%

-2

-1,9%

Dépenses du propriétaire

281

294

435

367

581

296

-71

-19,3%

146

33,6%

Total

2 943

3 171

4 703

3 375

3 598

3 409

34

1,0%

-1 105

-23,5%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

1. Des difficultés concernant le recrutement des surveillants pénitentiaires

En ce qui concerne en particulier les surveillants (27 320 ETPT prévus en 2016), bien que le nombre de candidats inscrits au concours soit particulièrement important (16 000 en 2016 pour 630 postes offerts), des difficultés de recrutement demeurent :

« D'une part, le nombre de candidats utiles est faible, d'autre part, la déperdition entre le nombre de reçus et le nombre d'élèves qui entrent en formation à l'École nationale d'administration pénitentiaire est importante (autour de 10 %). Cette déperdition est probablement liée à l'image de l'administration pénitentiaire dans l'opinion publique et aux spécificités du métier.

« Dès lors que les candidats connaissent mieux l'institution pénitentiaire, la déperdition par démission est beaucoup plus réduite. C'est pourquoi l'administration pénitentiaire a décidé d'organiser, à destination des candidats admissibles, une session de présentation de l'administration pénitentiaire et a réalisé, en 2012, à l'attention de ce public, un film présentant une journée de travail d'un surveillant au sein d'un établissement pénitentiaire.

« Par ailleurs, les départs sont souvent liés à la réussite à d'autres concours, notamment internes à l'administration pénitentiaire ou vers d'autres administrations relevant du domaine de la sécurité (Police, Gendarmerie, Douanes...) 4 ( * ) ».

En effet, le coût d'entrée 5 ( * ) d'un surveillant de l'administration pénitentiaire s'élève à 27 328 euros, contre 31 940 euros pour un gardien de la paix .

Les besoins de formation sont particulièrement importants, puisqu'en 2016, 1 352 « primo-recrutements » sont prévus, afin de compenser les sorties et de réaliser le plan de lutte anti-terrorisme.

2. Les programmes immobiliers de rénovation et de construction : la nécessité d'entretenir le parc existant

Selon le ministère de la justice, « en raison des difficultés liées à la ressources en crédits de paiement, beaucoup d'opérations [du programme 13 200 6 ( * ) ] ont été retardées ou suspendues ».

Outre la création de nouveaux établissements, un programme de rénovation est engagé depuis 1998, qui concerne le centre de détention de Nantes, les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis et de Paris-La Santé et le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes.

En ce qui concerne Fleury-Mérogis, que votre rapporteur spécial a visité en septembre, les études ont commencé dès 2004, et les travaux ont débuté en 2006. La réalisation des travaux est conduite en site occupé et leur coût est estimé à 432,85 millions d'euros pour le quartier des hommes. En 2018, Fleury-Mérogis devrait pouvoir offrir 3 600 places (y compris la maison d'arrêt des femmes et le centre de jeunes détenus).

Le coût élevé de ces rénovations met en évidence la nécessité d'entretenir autant que possible le parc existant, afin d'éviter de devoir mener de telles opérations particulièrement lourdes de rénovation .

La diminution des autorisations d'engagement (AE) en 2016 par rapport à 2015 s'explique par le cadencement du « programme 63 500 » : après une année 2015 marquée par la livraison de trois établissements (Valence, Beauvais et Riom) en partenariat public privé (PPP) et avant une année 2017 qui prévoit un important programme de livraison et de construction, notamment en Polynésie française, à Draguignan et aux Baumettes 2.

III. LE PROGRAMME « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE »

A. DES MOYENS RENFORCÉS (+ 2,9 % EN 2016)

L'augmentation de 18 millions d'euros des crédits de paiement cache un abondement budgétaire de 4,7 millions d'euros non dédié à la réalisation des missions de la PJJ :

- 2,5 millions d'euros permettent de financer le fonds national de financement de la protection de l'enfance « pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers, et ce, afin de contribuer au financement par l'État des évaluations pour la détermination de la minorité des jeunes concernés 7 ( * ) » ;

- 2,2 millions d'euros sont destinés à la rémunération des stagiaires (transférés depuis le programme 103).

Détail de l'évolution (2014-2016) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation (CP) 2015-2016

Variation (AE) 2015-2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

DÉPENSES DE PERSONNEL (TITRE 2)

450

450

460

460

474

474

13

2,9%

13

2,9%

AUTRES DEPENSES (HORS TITRE 2)

309

308

320

317

327

322

5

1,6%

8

2,4%

Secteur associatif habilité

210

216

225

225

224

224

-1

-0,6%

-1

-0,6%

Secteur public hors immobilier

44

45

46

45

47

47

2

4,3%

1

1,4%

Secteur public intervention

1

1

2

2

6

6

4

257,5%

4

257,5%

Immobilier dépenses du propriétaire

14

13

9

10

8

10

0

0,5%

-1

-5,9%

Immobilier dépenses de l'occupant

39

33

38

35

42

35

0

0,0%

5

12,2%

Total

759

758

780

777

801

796

18

2,3%

21

2,7%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

B. LES MOYENS DE LA PJJ SONT-ILS EN ADÉQUATION AVEC SES MISSIONS ?

Si l'on peut s'interroger sur les effets des restructurations internes engagées par la DPJJ à la suite de la RGPP (- 632 ETPT entre 2008 et 2012), qui ont conduit la DPJJ à organiser son action sur des territoires moins nombreux mais plus grands (passage de 15 directions régionales à 9 directions interrégionales), le recentrage de la PJJ sur le volet pénal peut justifier ce choix.

En revanche, le renforcement de la pluridisciplinarité des personnels recrutés, affiché comme objectif par la circulaire du 24 mai 2013 et la possibilité, ouverte depuis 2003, de recruter des contractuels alimentent l'impression d'un décalage entre les objectifs toujours plus ambitieux assignés à la PJJ et la réalité des moyens dont elle dispose pour y parvenir .

Les mineurs et la radicalisation

Dans une note adressée le 27 janvier 2015 aux directeurs interrégionaux de la PJJ et à la Directrice générale de l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse, la DPJJ rappelle en effet que « sur les derniers recensements, les structures de la PJJ ont eu à connaître plus d'une cinquantaine de situations de mineurs, garçons et filles majoritairement âgés entre 16 et 18 ans, confrontés à la problématique de la radicalisation ». Interrogée par votre rapporteur, la DPJJ précise qu' « au 1 er août 2015 , ont été recensés : 67 mineurs poursuivis dans le cadre de procédures pénales liées à des infractions à caractère raciste, d'apologie du terrorisme (suite aux attentats de janvier 2015) ou d'association de malfaiteurs en vue d'entreprise terroriste ; 39 mineurs en risque de radicalisation faisant l'objet d'une procédure ouverte dans le cadre de la protection de l'enfance ; 48 mineurs ont par ailleurs été pris en charge par la PJJ au titre de la protection de l'enfance en raison de la radicalisation de leurs parents ».

Les associations capables d'apporter leur soutien à la PJJ sur le volet de la radicalisation et de la lutte contre le terrorisme sont trop peu nombreuses, les 169 ETPT attribués à la PJJ par le PLAT semblent indispensables à la direction pour assurer ses missions.

C. LES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS : AMÉLIORER LES OUTILS D'ÉVALUATION

Les Centres éducatifs fermés (CEF) constituent une alternative à la rétention pour les mineurs délinquants multirécidivistes de 13 à 18 ans placés en application d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'un placement à l'extérieur ou à la suite d'une libération conditionnelle. Ils accueillent chacun de 10 à 12 jeunes et proposent un accompagnement constant à l'intérieur et à l'extérieur du centre selon un parcours structuré qui comprend des activités d'enseignement, de formation professionnelle et de sport, destinées à réintégrer les mineurs dans la société.

Actuellement, ce dispositif regroupe 51 établissements, dont 34 du secteur associatif habilité (SAH) et 17 du secteur public (SP).

De nombreux 8 ( * ) travaux ont été conduits afin de dresser un bilan de l'action des centres éducatifs fermés et leurs principales préconisations ont été reprises dans une circulaire de mai 2013 afin de renforcer la gouvernance des CEF et de prévenir les cas de récidive consécutifs à un placement dans ce type de centre.

Néanmoins, à ce stade et comme le relevait la Cour des comptes dans le rapport 9 ( * ) demandé par la commission des finances du Sénat, la faiblesse des outils analytiques concernant le suivi de ces mesures interroge, compte tenu de leur coût élevé .

Au regard de l'importance mais aussi du dynamisme du prix de journée dans le CEF (SAH et service public confondus), il est indispensable de pouvoir mesurer l'efficacité de cette prise en charge .

Évolution (2010-2014) du coût de journée dans un CEF

(en euros)

2010

2011

2012

2013

2014

SAH - coût / j

617

598

557

564

613

SP - coût / j

659

666

732

721

782

Source : commission des finances du Sénat à partir des RAP et des PAP

IV. LE PROGRAMME « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

Le programme « Accès au droit et à la justice » retrace en particulier les crédits budgétaires consacrés à l'aide juridictionnelle (AJ), à hauteur de 336 millions d'euros prévus pour 2016.

Détail de l'évolution (2014-2016) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation (CP) 2015-2016

Variation (AE) 2015-2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide juridictionnelle

327,7

328,5

332,4

332,4

336,7

336,7

4,4

1,3%

4,4

1,3%

Médiation familiale et accès au droit

8,3

8,2

8,4

8,4

10,3

10,3

1,8

21,6%

1,8

21,6%

Aide aux victimes

12,9

12,9

18,4

16,9

19,4

20,0

3,1

18,0%

1,0

5,6%

Fonds d'indemnisation des avoués

32,8

32,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Total

381,7

381,6

359,1

357,7

366,4

367,0

9,2

2,6%

7,2

2,0%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

A. UNE RÉFORME DU FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE REPOSANT EN PARTIE SUR LES AVOCATS

La réforme de l'AJ 10 ( * ) proposée par la ministre de la justice dans le projet de loi de finances prévoit notamment d'augmenter de 100 000 le nombre de bénéficiaires de l'AJ en modifiant le plafond de ressources déterminant l'éligibilité. Par ailleurs, elle prévoit une revalorisation de l'unité de valeur (UV) à partir de laquelle la rétribution des avocats est calculée, une progressive convergence tarifaire ainsi qu'une révision du barème.

Selon l'évaluation préalable de l'article 15 du projet de loi de finances, le coût total de cette réforme, évalué à 25 millions d'euros en 2016 et 50 millions d'euros en 2017, serait pris en charge par une hausse de la fiscalité (augmentation de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers, de la taxe sur les contrats d'assurance de protection juridique), et par un prélèvement sur les produits financiers des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).

Détail du coût des mesures

(en millions d'euros)

Coût de la mesure

2016

2017

Augmentation du seuil

7

28

Médiation

3

8

Revalorisation UV

5

20

Rétribution complémentaire et contractualisation

16

25

Sous-total : coûts des mesures inscrites dans le PLF 2016

31

81

Réforme du barème et de l'AJ partielle

-8

-33

Consultation juridique préalable

2

2

TOTAL du coût de la réforme après mesures d'économies non inscrites dans le PLF 2016

25

50

Note de lecture : en italique, les mesures non prévues par le présent projet de loi de finances

Source : commission des finances du Sénat à partir des évaluations préalables

B. LA NÉCESSAIRE POURSUITE DES NÉGOCIATIONS MALGRÉ L'ÉCHEC DE LA RÉFORME

À la suite de plus de deux semaines de grève des avocats, un protocole d'accord a été conclu le 28 octobre dernier entre le ministère de la justice et les représentants des avocats, qui remet largement en cause la réforme - et qui, en particulier, revient sur la possibilité d'effectuer un prélèvement sur les produits financiers des CARPA.

Aussi, la commission des finances du Sénat a proposé de supprimer le prélèvement de 5 millions d'euros sur les produits financiers des CARPA , conformément à l'engagement du Gouvernement, en considérant que les avocats ne pouvaient être les seuls à financer l'aide juridictionnelle. Si les négociations entre les représentants des avocats et le ministère de la justice doivent se poursuivre afin de trouver un financement pérenne à l'AJ, il conviendra, à court terme, de compenser les 5 millions d'euros manquants.

Budget de l'aide juridictionnelle en 2015 et 2016

(en millions d'euros)

2015

PLF 2016

Crédits budgétaires

332,4

336,7

Ressources affectées au CNB

43

68

TOTAL

375,4

404,7

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des réponses du ministère de la justice

V. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE »

Les dépenses de ce programme regroupent les fonctions d'état-major du ministère et retracent les dépenses relatives aux projets informatiques portés par le ministère, qui doivent permettre la modernisation de la justice et la rationalisation des procédures.

Détail de l'évolution (2014-2016) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation (CP) 2015-2016

Variation (AE)
2015-2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

331

293

354

315

375

311

-4,7

-1,5%

20,5

5,8%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

Il s'agit en particulier de :

- la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui devrait bénéficier de 7 millions d'euros en CP en 2016 (coût cumulé évalué à 140 millions d'euros) ; le système, qui a pris du retard, permet de transmettre par voie électronique les réquisitions judiciaires reçues des enquêteurs et les réponses des opérateurs ;

- l'application Cassiopée (Chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants), qui couvre l'ensemble de la chaîne pénale des tribunaux de grande instance (TGI), doit prochainement être généralisée dans les Cours d'appel. Au total, ce projet a coûté, à ce jour, 61,3 millions d'euros ; 8,1 millions d'euros de CP sont prévus à ce titre en 2016 ;

- le projet GENESIS vise à remplacer l'application GIDE (Gestion informatisée des détenus en établissement) afin d'articuler ensemble les différents services intervenant dans la vie d'une personne écrouée (greffe, formation, activités, gestion des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), etc.) ; son coût total est estimé à 38,3 millions d'euros et 2,8 millions d'euros de CP sont prévus en 2016.

Votre rapporteur spécial souhaite que, le cas échéant, les moyens dédis à la PNIJ soient renforcés afin de garantir aux officiers de police judiciaire et aux magistrats de disposer d'un outil performant pour mener leurs enquêtes, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme .

VI. LE PROGRAMME « CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE »

Depuis 2012, les crédits du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sont retracés dans un programme spécifique, afin de garantir son indépendance.

Le CSM dispose de 4,4 millions d'euros, soit une légère augmentation, de 2 %, par rapport à la LFI 2015.

Détail de l'évolution (2014-2016) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Variation (CP) 2015-2016

Variation (AE) 2015-2016

AE

CP

AE

CP

Dépenses de personnel

2 657 111

2 657 111

2 629 003

2 629 003

-28 108

-1%

-28 108

-1%

Fonctionnement

964 540

1 680 461

853 360

1 815 720

135 259

8%

-111 180

-12%

Total

3 621 651

4 337 572

3 482 363

4 444 723

107 151

2%

-139 288

-4%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

Hors dépenses de personnel, les dépenses du CSM sont principalement constituées du loyer engagé en 2013 et les charges locatives associées, pour un montant total de 1,3 million d'euros. L'augmentation des dépenses de fonctionnement résulte de la hausse du loyer, en 2016, prévue lors de la négociation.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Justice ».

En seconde délibération , à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement minorant de 37,5 millions d'euros les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de la mission « Justice ».

D'une part, cet amendement tire les conséquences de la mise en oeuvre du protocole relatif à l'avenir de la fonction publique et à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations : cela conduit à une majoration des crédits de 7,42 millions d'euros de dépenses de personnel.

D'autre part, afin de garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État, il est procédé à une diminution des crédits de 45 millions d'euros (en AE et en CP), qui se répartit de la manière suivante :

- 15,3 millions d'euros sur le programme « Justice judiciaire » ;

- 20,6 millions d'euros sur le programme « Administration pénitentiaire » ;

- 6,2 millions d'euros sur le programme « Accès au droit et à la justice » ;

- 2,9 millions d'euros sur le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ;

- 0,03 million d'euros sur le programme « Conseil supérieur de la magistrature ».

La justification retenue est proche de celle justifiant l'amendement de seconde délibération déposé par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, à savoir, pour tous les programmes (sauf le programme Accès au droit et à la justice), « l'actualisation des estimations concernant le rythme de réalisation des investissements immobiliers » ou « informatiques » et « les économies sur les dépenses de fonctionnement courant ».

S'agissant du programme « Accès au droit et à la justice », qui retrace notamment les dépenses d'aide juridictionnelle, la réduction des crédits serait permise par « une optimisation de la gestion financière du dispositif ». Le détail de cette optimisation n'est pas précisé, alors même que des crédits supplémentaires au titre de l'aide juridictionnelle doivent régulièrement être votés en cours de gestion.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 18 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a examiné le rapport de M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, sur la mission « Justice » .

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - L'équilibre de cette mission va être profondément modifié après les annonces du Président de la République devant le Congrès.

Pour l'instant, il est prévu qu'en 2016, le ministère de la justice devrait disposer de 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement et de plus de 8 milliards d'euros en autorisations d'engagement. C'est une augmentation modeste de 79 millions d'euros, soit 1 %. Ces moyens ont d'ailleurs été réduits de 40 millions par un amendement du Gouvernement en seconde délibération à l'Assemblée. L'augmentation de ce budget résulte des créations de postes : 979 au total, dont plus de 700 dans l'administration pénitentiaire et environ 150 dans les juridictions. Aux 650 emplois prévus par le triennal s'ajoutent 323 emplois au titre du plan de lutte anti-terroriste.

Plus de 800 emplois ont été créés en 2015 dans le cadre du décret d'avance de février, après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper-cacher. Outre les dépenses de personnel associées à ces créations de postes, 80 millions d'euros ont été budgétés.

Ce projet de loi de finances prévoit la création de 323 équivalents temps plein (ETP), et 47 millions d'euros supplémentaires au titre de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit de renforcer le nombre de magistrats chargés de la lutte anti-terroriste et de mettre à leur disposition des moyens technologiques modernes dans le cadre des interceptions judiciaires. Ils sont une soixantaine à se consacrer directement à la lutte anti-terroriste : 37 magistrats au tribunal de grande instance de Paris, 25 magistrats du siège à la cour d'appel de Paris, et plusieurs magistrats du parquet général.

Les crédits ouverts dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste financent également le programme de dé-radicalisation dans les établissements pénitentiaires, le brouillage des communications illicites en prison, la création de cinq unités dédiées pour les détenus radicalisés et la détection des individus radicalisés. Ils prennent également en charge la formation des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) à ce risque spécifique. Selon la direction de la PJJ, au 1 er août, 67 mineurs étaient poursuivis dans le cadre de procédures pénales liées à des infractions à caractère raciste, d'apologie du terrorisme, ou d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste ; 39 mineurs étaient identifiés comme à risque de radicalisation et faisaient l'objet d'une procédure dans le cadre de la protection de l'enfance et 48 mineurs étaient pris en charge par la PJJ en raison de la radicalisation de leurs parents.

Devant le Congrès, le Président de la République a annoncé la création de 2 500 postes supplémentaires pour l'administration pénitentiaire et les services judiciaires. La répartition entre types de postes devrait être connue prochainement. Il faudra veiller à ce que les postes soient effectivement pourvus - l'administration pénitentiaire m'a fait part de ses craintes en la matière. Les emplois de surveillants pénitentiaires sont des postes de catégorie C, alors que les gardiens de la paix sont des catégories B : le vivier étant le même, il n'est pas toujours facile pour cette administration de recruter. De même, l'absence de professionnels ou d'associations ayant une réelle expertise sur la dé-radicalisation en prison pose problème.

Il est indispensable de donner les moyens de leurs missions aux juges. Lorsqu'on annonce une augmentation du budget de la justice, nos concitoyens pensent que les juridictions vont mieux fonctionner. Or 40 % des crédits sont affectés à l'administration pénitentiaire, notamment au patrimoine immobilier, cher à entretenir voire à construire. Selon une étude de 2014, l'Allemagne consacre 114 euros par habitant à la justice ; la France, seulement 61 euros. Il est indispensable de donner aux forces de sécurité et de défense les moyens de faire face aux nouvelles menaces, mais n'oublions pas que, dans un État de droit, le juge reste le garant des libertés.

Sous réserve de la traduction des annonces du Président de la République sur ce projet de budget, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Yves Détraigne , rapporteur pour avis de la commission des lois . - Je vous remercie de m'avoir invité. La commission des lois a nommé trois rapporteurs sur la justice ; je suis chargé de la justice judiciaire. Compte tenu de la situation actuelle et de l'adoption du projet de loi sur la justice du XXI e siècle, nous devons veiller à ce que les arbitrages ne soient pas défavorables au fonctionnement des juridictions. Il serait regrettable que l'on n'ait pas les moyens de mettre en oeuvre les nouvelles dispositions.

En outre, l'accès à la justice et la situation de l'aide juridictionnelle nous soucient.

Mme Marie-France Beaufils . - On constate, depuis deux ans, une grande différence entre les plafonds d'emplois prévus et les emplois effectivement créés à la PJJ. J'ai d'ailleurs pu me rendre compte du manque criant de personnel sur le terrain alors qu'il faut suivre nombre de jeunes à la dérive et les accompagner vers une vie plus responsable.

M. Daniel Raoul . - Où sont les manques les plus criants en matière de postes ? Il est impensable que les greffes des tribunaux mettent plus de six mois à notifier les jugements. Comment sont transmises les informations entre juges et greffes ? Le manque de formation, de qualification est évident, et le matériel est obsolète...

M. Vincent Delahaye . - Un tableau du rapport montre que les postes créés ne sont pas forcément pourvus. Pour 2015, l'écart est de 1 370 ETP. Il est essentiellement prévu de créer des postes de catégorie C : à quoi vont-ils servir ? C'est le manque de greffiers qui ralentit les procédures. La mobilité dans la fonction publique d'État devrait être encouragée : ne pourrait-on proposer à des personnels de l'éducation nationale de devenir greffiers ?

Au cours des années passées, nous avions identifié la formation d'une dette importante en matière de frais de justice. S'est-elle réduite ?

M. Richard Yung . - Le budget de la mission « Justice » va augmenter significativement après les annonces du Président de la République. Reste à savoir où vont être créés les 2 500 postes promis, car nous manquons de magistrats, de greffiers, de personnels pénitentiaires, de conseillers en orientation et en insertion professionnelle pour les jeunes.

Nous nous félicitons que l'aide juridictionnelle augmente de 25 millions d'euros en 2016 et de 50 millions d'euros en 2017. De même, les trente nouveaux postes d'aumôniers dans les prisons sont une bonne chose ; nous avons tout particulièrement besoin d'aumôniers musulmans pour lutter contre la radicalisation dans les prisons.

M. Bernard Lalande . - Qu'il s'agisse de la justice, de l'enseignement, de la sécurité ou de la santé, les besoins en personnel sont immenses, surtout après les évènements récents. Des postes vont être créés, je m'en félicite, mais n'oublions pas qu'il faut former ces nouveaux personnels, et donc de prévoir des crédits spécifiquement dédiés à ces formations.

M. Gérard Longuet . - Je suis préoccupé par les coûts unitaires, notamment ceux des centres éducatifs fermés : 700 euros par jour, cinq fois plus que pour un détenu classique. À Fleury-Mérogis, la rénovation a coûté 120 000 euros par place rénovée. Disposons-nous d'éléments de comparaison avec nos voisins européens ? Sommes-nous dans la moyenne européenne ou sommes-nous atypiques ?

Question malicieuse, le pôle financier de Paris bénéficie-t-il toujours de locaux dont les loyers sont supérieurs au coût du marché, ce qui est plutôt cocasse s'agissant de magistrats chargés d'instruire les affaires financières ?

M. André Gattolin . - Je suis très affecté par les récents évènements. Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme va-t-il être abondé ? L'État va-t-il prendre en charge les frais de funérailles ? Les familles sont en plein désarroi, or les services du ministère de la justice renvoient pour l'instant aux entreprises de pompes funèbres. La prévention, c'est bien, mais n'oublions pas les victimes et leurs familles : il faut agir, mais aussi soigner, réparer. Pour l'heure, les moyens mis à disposition me semblent insuffisants.

M. Jean-Claude Boulard . - En France, à chaque fois que nous rencontrons un problème, nous créons des emplois. Je ne suis pas sûr que cela suffise car nous ne nous interrogeons pas sur leur efficacité. D'ailleurs, la comparaison avec nos voisins serait sans doute accablante... Nous avons beaucoup plus besoin de greffiers et de moyens informatiques que de magistrats. La justice fonctionne de façon totalement archaïque.

Enfin, il faudrait que les magistrats aient une expérience professionnelle de plusieurs années dans la vraie vie pour appréhender les réalités concrètes de notre monde.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Les créations de postes annoncées ont été réalisées, et s'agissant des plafonds, ils n'ont pas nécessairement vocation à être atteints, mais il faut tenter de s'en rapprocher. Je tiens à indiquer à Marie-France Beaufils que 163 postes à la PJJ ont été créés au titre du plan anti-terrorisme : c'est un accroissement de moyens significatif.

Nous manquons surtout de greffiers et de magistrats, comme l'a souligné Daniel Raoul. Un effort en matière d'investissement en matériels informatiques est prévu.

En réponse à Vincent Delahaye, les postes de catégorie C prévus sont ceux des surveillants de prison. Quant aux greffiers, ils reçoivent bien sûr une formation spécifique, indispensable, dans une école dédiée.

S'agissant des frais de justice, un travail de fiabilisation a révélé que la dette accumulée était moindre qu'estimée jusqu'alors.

Les crédits consacrés à l'aide juridictionnelle augmentent : 25 millions d'euros supplémentaires cette année, et encore 25 millions d'euros l'année prochaine. Comme vous, je me réjouis des trente postes d'aumôniers supplémentaires dans les prisons : cela permettra de lutter contre la radicalisation. Il faudra poursuivre l'effort.

Oui, l'École nationale d'administration pénitentiaire et l'École nationale de la magistrature bénéficient de créations de postes pour former les personnels recrutés.

Certes, comme le relève Gérard Longuet, les coûts unitaires des centres éducatifs fermés sont élevés, mais les taux d'encadrement y sont très importants. Je ne dispose pas d'éléments de comparaisons avec nos voisins. En revanche, nous comptons une proportion de détenus supérieure aux autres pays européens. Aux Pays-Bas, les maisons d'arrêt ne sont pas remplies, si bien que des places sont proposées aux détenus belges ! Enfin, je ne dispose pas d'informations précises sur les loyers du pôle financier de Paris.

S'agissant du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme évoqué par André Gattolin, il est financé par un prélèvement sur les contrats d'assurances et non par des crédits inscrits sur le budget de la justice. Cela dit, il faudra tout faire pour alléger les soucis financiers des victimes et des familles. Ainsi, la ministre de la santé a annoncé que les frais médicaux seraient pris en charge par l'État.

Enfin, Jean-Claude Boulard s'est interrogé sur l'efficacité des nouveaux recrutements. En quelques années, le nombre de juges anti-terroristes a fortement augmenté. Est-ce suffisant devant l'ampleur des difficultés ?

Vincent Delahaye m'a interrogé sur les frais de justice : au 31 décembre 2015, les engagements non soldés sont estimés à 149 millions d'euros contre 493 millions d'euros en 2014.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je suis bien sûr favorable aux 2 500 créations de postes dans les administrations judiciaire et pénitentiaire. Nous venons d'envoyer un questionnaire au Gouvernement sur l'impact budgétaire des annonces du P résident de la République, sachant que chaque poste représente entre 35 000 et 50 000 euros de dépenses par an. Nous voulons savoir de quels emplois il s'agit et nous n'ignorons pas les grandes difficultés de recrutement dans la pénitentiaire. Il faut compter cinq ans pour former un magistrat : ces créations de postes ne se traduiront donc pas immédiatement sur le terrain. Si les 2 500 emplois étaient tous pourvus au 1 er janvier 2016, il en coûterait environ 80 millions d'euros.

Demain, le Gouvernement nous en dira sûrement plus et déposera des amendements. Nous les examinerons avec bienveillance mais sans négligence : le pacte de sécurité ne doit pas enterrer le pacte de stabilité.

M. Didier Guillaume . - Cela va de soi !

Mme Michèle André , présidente . - Nous veillerons aux deux.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Justice ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Justice ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Secrétariat général du ministère de la justice

- M. Éric LUCAS, secrétaire général.

Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

- Mme Catherine SULTAN, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- M. Dominique VARRY, sous-directeur du pilotage et de l'optimisation des moyens.

Direction de l'administration pénitentiaire

- M. Charles GIUSTI, chef de service ;

- M. Stéphane BREDIN, sous-directeur du pilotage et de la sécurité des services ;

- Mme Sabrina SCHPITZ, chef du bureau de la synthèse.

Ordre des avocats de Paris

- M. Louis DEGOS, délégué du bâtonnier aux affaires publiques ;

- M. Nicolas CORATO, directeur des affaires publiques du Barreau de Paris.

Conseil national des barreaux

- M. Yves TAMET, président de la commission Accès au droit et à la justice ;

- M. Jacques-Édouard BRIAND, conseiller chargé des relations avec les pouvoirs publics.

Protection judiciaire de la jeunesse à LAON (02)

- M. Christian BASTIEN, directeur inter-régional de la Protection judiciaire de la jeunesse du Grand Nord ;

- M. Pascal CARBILLET, directeur territorial adjoint ;

- Mme Agnès DELAGE, directrice du centre éducatif fermé de Laon ;

- Mme Emmanuelle BOURDIN, responsable de l'unité éducative du centre éducatif fermé de Laon.

Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (91)

- Mme Nadine PICQUET, directrice.

ANNEXE : RÉPONSE DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE CONCERNANT LE NOMBRE D'AUMÔNIERS PAR CULTE

Interrogée par votre rapporteur spécial dans le cadre du questionnaire budgétaire, l'administration pénitentiaire a fourni la réponse ci-dessous.

En préambule, il convient de rappeler que les intervenants d'aumônerie sont soit des aumôniers (art. D 439 du code de procédure pénale), soit des auxiliaires bénévoles d'aumônerie (art. D 439-2 du code de procédure pénale), ces derniers étant agréés pour une période de 2 ans renouvelable.

Le tableau ci-dessous indique, pour chaque culte, le nombre d'intervenants d'aumônerie agréés, en distinguant les aumôniers indemnisés, les aumôniers bénévoles et les auxiliaires bénévoles d'aumônerie.

Le montant global de crédits alloués à l'indemnisation des aumôniers de chaque culte est également précisé.

Aumôniers des prisons (effectifs par statut au 1 er août 2015)

Statut des intervenants d'aumônerie

Nombre d'intervenants d'aumônerie

Montant de la dotation (en €)

Aumôneries

Indemnisé

Bénévole

Auxiliaire

Culte bouddhiste

0

11

0

11

9 670

Culte catholique

198

341

148

687

1 103 054

Culte israélite

43

24

2

69

184 233

Culte musulman

175

21

2

198

(1) 920 062

Culte orthodoxe

23

21

3

47

50 000

Culte protestant

85

249

21

355

420 798

Culte des Témoins de Jéhovah

11

98

3

112

9 670

Autres

0

39

0

39

0

TOTAL

535

804

179

1518

2 697 487

(1) Le budget de l'aumônerie musulmane a bénéficié d'une revalorisation à hauteur de 30 ETP (+ 290 100 €) dans le cadre des mesures annoncées par le Premier ministre le 21 janvier 2015. Pour 2016, il est prévu de procéder à une nouvelle revalorisation de 290 100 € pour atteindre les 60 postes annoncés.

Source : Rapports d'activité des directions interrégionales des services pénitentiaires

Pour mémoire, il appartient à l'aumônier national de chaque culte de désigner les aumôniers qui seront indemnisés, dans la limite de 1 000 vacations horaires/an (1 ETPT). Le taux forfaitaire horaire de ces vacations est fixé par un arrêté interministériel du 1er décembre 2008 : 9,67 € pour un aumônier local, 11,60 € pour un aumônier régional et 12,57 € pour un aumônier national.

La mise en relation des crédits et des effectifs d'aumônerie doit être abordée avec prudence. À titre d'exemple, le pourcentage d'aumôniers indemnisés au sein de chaque culte n'est pas un indicateur pertinent dans la mesure où le niveau d'indemnisation est très disparate, certains aumôniers étant indemnisés à concurrence de 45 vacations horaires/an tandis que d'autres sont indemnisés à concurrence de 1 000 vacations horaires/an. De fait, l'aumônier national répartit sa dotation en tenant compte de nombreux critères : investissement, assiduité, distance domicile/établissement, situation professionnelle ou familiale, etc.

Pour cette raison, les indemnités ne sont pas soumises à la logique du service fait. Autrement dit, l'administration pénitentiaire n'exerce aucun contrôle comptable sur les heures de présence effectives des intervenants d'aumônerie. Dès lors, le raisonnement en termes d'ETPT perd tout son sens.

Par ailleurs, ce tableau ne rend pas compte des modalités particulières d'organisation des aumôneries bouddhiste, catholique et protestante, au sein desquelles les sommes perçues par les aumôniers indemnisés sont intégralement mutualisées (au niveau de la Fédération protestante de France pour le culte protestant, au niveau des diocèses pour le culte catholique et au niveau de l'Union bouddhiste de France pour le culte bouddhiste) afin de couvrir les frais de transport engagés par les aumôniers et l'organisation de différentes formations, si bien que, pour ces trois cultes, la distinction entre aumôniers indemnisés et intervenants d'aumônerie bénévoles n'est pas pertinente.


* 1 Infostat justice n° 131, Les chiffres de la justice française à l'aune des critères européens d'efficacité, Laëtita Brunin, octobre 2014.

* 2 Rapport demandé à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et paru dans le rapport d'information n° 31 (2012-2013) de Edmond Hervé, fait au nom de la commission des finances, 10 octobre 2012.

* 3 Réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 4 Réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire.

* 5 Y compris charges sociales et hors CAS « Pensions ».

* 6 Ce programme de construction de 13 200 places brutes et la fermeture de 2 885 places a été lancé en 2002 ; révisé, il prévoit désormais un solde net de 9 453 places.

* 7 Projet annuel de performances pour 2016.

* 8 Rapport d'information « Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ? », n° 759 (2010-2011) de François Pillet et Jean-Claude Peyronnet, fait au nom de la commission des lois, juillet 2011 ; rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales, inspection générale des services judiciaires et inspection de la protection judiciaire de la jeunesse (janvier 2013) ; relevé d'observations de la Cour des comptes du 18 décembre 2013 ; observations du contrôleur général des lieux privatifs de liberté ; avis rendus par le Défenseur des droits.

* 9 Rapport d'information « PJJ : poursuivre la modernisation », n° 217 (2014-2015) d'Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances, janvier 2015.

* 10 Voir commentaire de l'article 15 du rapport général de M. Albéric de Montgolfier.

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