Rapport général n° 164 (2015-2016) de Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015

Disponible au format PDF (626 Koctets)


N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 4

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteurs spéciaux : Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Dans un contexte international de croissance de l'aide publique au développement, l'aide de la France a fortement diminué ces dernières années , passant de 0,5 % de son revenu national brut (RNB) en 2010 à 0,36 % en 2014. Ainsi, la France perd encore une place et se classe douzième pays donateur en pourcentage du RNB, derrière l'Irlande.

2. L'annonce du Président de la République en septembre dernier d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 signifie en fait une augmentation de 4 milliards d'euros des engagements en prêts de l'AFD. L'effort budgétaire correspondant pour l'État représenterait entre 300 et 550 millions d'euros , selon la façon dont sera financée la bonification du prêt par l'AFD. Parallèlement, il a été annoncé que les dons augmenteraient de 370 millions d'euros à l'horizon 2020 .

Respecter l'objectif de 0,7 % du RNB impliquerait de doubler notre effort et d'accorder à cette politique 8 milliards d'euros supplémentaires chaque année. Les annonces du Président de la République ne sont donc pas à la hauteur des enjeux. La « France qui veut toujours montrer l'exemple » devrait d'abord atteindre un niveau d'aide au moins égal à la moyenne des pays du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

3. Vos rapporteurs spéciaux soulignent la baisse continue des financements accordés à cette politique . Par rapport à 2011, à champ courant, les crédits de la mission ont diminué de 16,5 % en quatre ans (- 545 millions d'euros), ceux du compte de concours financier de 16,6 % (- 111 millions d'euros), les recettes fiscales affectées n'ayant représenté que 135 millions d'euros supplémentaires.

4. Le projet de loi de finances pour 2016 déposé le 30 septembre n'inverse pas la tendance : les crédits de la mission sont en baisse de 6,3 % par rapport à 2015 (- 178 millions d'euros). Les votes intervenus à l'Assemblée nationale permettent à peine de ramener les ressources consacrées à l'aide publique au développement à leur niveau de 2014 , soit l'année où notre APD en fonction du RNB a été le plus faible (0,36 %).

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 69 % des réponses étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux.

PREMIÈRE PARTIE - LES GRANDES TENDANCES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE ET FRANÇAISE

Aux termes de la loi de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale 1 ( * ) , « la politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes ». Sa vocation première est de « lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l'humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l'extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau ».

Elle s'inscrit dans le cadre défini par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui fixe la liste des pays bénéficiaires et comptabilise les dépenses pouvant être prises en compte au titre de cette politique.

I. LES GRANDES TENDANCES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE

A. DES RENDEZ-VOUS STRATÉGIQUES POUR L'AVENIR DES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT

L'année 2015 est marquée par la tenue de plusieurs conférences concernant l'aide publique au développement.

1. La conférence internationale d'Addis-Abeba sur le financement du développement a essentiellement rappelé les objectifs passés

Tout d'abord, du 13 au 16 juillet, s'est tenue à Addis-Abeba , sous l'égide de l'ONU, la troisième conférence internationale sur le financement du développement , après celles de Monterrey (2002) et de Doha (2008).

Force est de constater que le programme d'action adopté à l'issue de la conférence ne présente pas d'ambition particulière . Il insiste sur la mobilisation des ressources intérieures des pays en développement ainsi que sur le rôle central des financements privés, des investissements directs à l'étranger et du développement du commerce international. L'engagement des pays en développement de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) est renouvelé (point 51), sans donner d'horizon temporel, le programme se contentant de préciser que les chefs d'États et de gouvernement « exhortent [les pays n'ayant pas atteint cet objectif] à redoubler d'efforts en vue d'accroître leur APD et de faire des efforts concrets supplémentaires en vue d'atteindre les objectifs ». Il mentionne également le développement des financements innovants.

En revanche, une des principales revendications des pays en développement, la mise en place d'un organisme fiscal intergouvernemental au sein de l'ONU destiné à lutter contre la fraude fiscale, n'a pas abouti. Pourtant, celle-ci leur coûte chaque année 100 milliards de dollars, d'après la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Le programme d'action se limite à un engagement à intensifier la coopération internationale (point 27).

S'agissant de la lutte contre le changement climatique, le document final renvoie pour l'essentiel à la conférence de Paris (cf. infra ) et rappelle l'engagement des pays développés de « mobiliser collectivement auprès de diverses sources 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 » (point 60).

2. Le sommet de New York sur le développement durable définit un nouveau programme de développement pour les années 2016-2030

Au Sommet sur le développement durable, en septembre dernier, les États membres de l'ONU ont adopté un nouveau programme de développement, destiné à se substituer à partir du 1 er janvier prochain aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD) adoptés en 2000. Ces 17 objectifs de développement durable (ODD) ont pour échéance 2030.

Les objectifs de développement durable

1. Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde

2. Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l'agriculture durable

3. Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge

4. Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge

5. Parvenir à l'égalité entre les sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles

6. Garantir l'accès de tous à l'eau, l'assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau

7. Garantir l'accès de tous à des services énergétiques fiables, durables, modernes et abordables

8. Promouvoir croissance économique soutenue, plein emploi productif et travail décent pour tous

9. Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable et encourager l'innovation

10. Réduire les inégalités dans les pays et d'un pays à l'autre

11. Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables

12. Établir des modes de consommation et de production durables

13. Prendre d'urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions

14. Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines

15. Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable

16. Promouvoir l'avènement de sociétés pacifiques, l'accès de tous à la justice et des institutions efficaces

17. Renforcer les moyens du partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser

Source : Programme des Nations unies pour le développement

3. La nécessité de prendre en compte la situation des pays en développement lors de la COP 21

Enfin, Paris accueillera du 30 novembre au 11 décembre prochains la vingt-et-unième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la « COP 21 » . Ce sujet est rarement abordé sous l'angle des pays en développement. Leur soutien sera pourtant essentiel, qu'il s'agisse des pays émergents, dont il faudrait que les émissions de gaz à effet de serre diminuent, ou des pays les moins avancés (PMA), pour lesquels il est fondamental qu'ils adoptent dès aujourd'hui une stratégie de croissance bas carbone.

Vos rapporteurs spéciaux ont récemment étudié la question spécifique des PMA et formulé plusieurs propositions 2 ( * ) :

- mieux prendre en compte la situation particulière des PMA dans la politique climat de la France , en prévoyant, d'une part, de consacrer au minimum 20 % des financements climats à des actions d'adaptation au changement climatique et, d'autre part, de consacrer au minimum 20 % des financements climats aux PMA ;

- soutenir activement le Fonds vert pour le climat , en exhortant, notamment dans le cadre de la COP 21, nos partenaires des pays industrialisés à contribuer à ce fonds et que, à terme, l'objectif de consacrer 100 milliards de dollars par an à la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement soit atteint ;

- surmonter la contrainte budgétaire actuelle grâce aux « financements innovants » et notamment en profitant de la tenue de la conférence de Paris pour discuter de la mise en place, au niveau international, d'une taxe sur les carburants des navires et des avions.

B. UN NIVEAU D'APD HISTORIQUEMENT HAUT EN 2014

Le montant total de l'aide publique au développement des pays du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE a atteint en 2014 son plus haut niveau historique , battant le record de l'année 2013.

Composition de l'APD nette émanant des pays membres du CAD

(en millions de dollars constants de 2013)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du CAD de l'OCDE - les données 2014 sont provisoires

D'après les données publiées par le CAD, en avril dernier, les apports nets (c'est-à-dire déduction faite des remboursements de prêts) d'aide publique au développement (APD) versés par les membres en 2014 se sont établis à 135,2 milliards de dollars , ce qui représente 0,29 % de leur revenu national brut (RNB). Ce montant est à peine supérieur à celui de l'an dernier, même s'il faut noter qu'en termes réels, c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation, il est en légère baisse de 0,5 %.

Si l'on s'intéresse à la composition de l'APD, on observe que l'aide bilatérale affectée à des projets et programmes de développement - c'est-à-dire hors allègements de dette et aide humanitaire - a progressé de 0,6 %, que les contributions aux institutions multilatérales ont diminué de 0,7 % et que l'aide humanitaire a crû de 22 % (après une hausse de 25 % l'année précédente). Les dons nets au titre des remises de dettes ont en revanche diminué de 87 %.

L'APD bilatérale au profit de l'Afrique subsaharienne est en baisse de 5 % en dollars constants par rapport à 2013, après une précédente diminution de 4 %, et atteint 25 milliards de dollars. L'aide au continent africain dans son ensemble a également décru de 5 %, pour atteindre 28 milliards de dollars.

L'APD bilatérale nette au profit du groupe des pays les moins avancés (PMA) est en recul de 16 %, la moitié de cette diminution s'expliquant par son niveau élevé en 2013 du fait de l'allègement de la dette du Myanmar.

Selon les prévisions du CAD, le volume d'APD devrait augmenter légèrement en 2015, avant de se stabiliser jusqu'en 2018 .

C. UN OBJECTIF DE 0,7 % DU RNB PEU RESPECTÉ

Les États-Unis demeurent le principal donneur en volume, avec 32,7 milliards de dollars d'APD nette en 2014.

APD des pays du CAD en 2014

(en milliards de dollars)

Source : commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE - les données 2014 sont provisoires

Le Royaume-Uni demeure deuxième donneur (19,4 milliards de dollars) devant l'Allemagne (16,2 milliards de dollars). La France repasse devant le Japon (9,2 milliards de dollars) avec 10,4 milliards de dollars d'APD en 2014, en baisse de 9,2 % .

En valeurs relatives, c'est-à-dire au regard du ratio aide publique au développement sur revenu national brut (RNB), les cinq principaux donneurs, en 2014, ont été, dans l'ordre, la Suède, le Luxembourg, la Norvège, le Danemark et le Royaume-Uni.

Ces cinq pays sont les seuls à respecter l'objectif d'une APD représentant 0,7 % du RNB.

Avec un ratio de 0,36 % en 2014, contre 0,41 % en 2013, la France perd encore une place et se classe douzième, derrière l'Irlande. Son APD passe en dessous de la moyenne des pays du CAD . Les États-Unis occupent la dix-neuvième place, avec 0,19 % de leur RNB.

APD des pays du CAD en 2014

(en pourcentage du RNB)

Moyenne des pays du CAD (0,39 %)

Objectif de 0,7 %

Source : commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE - les données 2014 sont provisoires

II. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE

A. DES ANNONCES DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FAUSSEMENT AMBITIEUSES

La France a souscrit depuis de nombreuses années à l'objectif d'accorder 0,7 % au moins de son RNB à l'aide publique au développement. Ainsi, le rapport annexé à la loi de programmation précitée prévoit que « la France s'appuie sur le consensus de Monterrey, adopté par les Nations unies en 2002, qui fixe l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement. »

Cependant cet objectif n'a jamais été respecté et l'échéance à laquelle il le sera n'a pas été précisée dans la loi, celle-ci se contentant de prévoir que « la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux qu'elle s'est fixés dès lors qu'elle renouera avec la croissance ».

Dans ce contexte, le Président de la République a fait deux annonces qui auraient pu susciter un certain espoir.

Le 28 septembre dernier, lors de son intervention au débat général de la soixante-dixième assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a annoncé que « les financements annuels de la France pour le climat, qui sont de trois milliards d'euros aujourd'hui, dépasseront cinq milliards d'euros en 2020 », en précisant que cet accroissement ne se ferait pas uniquement sous forme de prêts.

Le même jour, lors du Sommet sur le développement durable à New York, le Président de la République a annoncé que « la France, qui veut toujours montrer l'exemple, [...] a décidé d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 ». Il est également revenu sur le projet de taxe sur les transactions financières au niveau communautaire, qui pourrait être opérationnelle en 2017, évoquant l'affectation d'une partie de son produit « à la lutte contre les inégalités, les pandémies et le réchauffement ».

Cependant, ces 4 milliards d'euros supplémentaires ne correspondent pas à une hausse de 4 milliards de notre APD au sens de l'OCDE, mais à une augmentation de la capacité annuelle d'octroi de prêts de l'AFD , d'ici 2020. Il n'est pas facile de détermine le niveau d'aide résultant in fine d'un prêt ; néanmoins, on peut calculer que l'effort budgétaire correspondant pour l'État représenterait entre 300 et 550 millions d'euros , selon la façon dont sera financée la bonification du prêt par l'AFD. Cette fourchette est calculée en tenant compte de l'effet de levier moyen des prêts de l'AFD en 2016 (13,5 d'après les documents budgétaires) et en regardant la part des bonifications actuellement financées à travers la « ressource à condition spéciale » (60 %) - c'est-à-dire à travers un prêt très concessionnel accordé à l'État par l'AFD - et celle financée à travers les bonifications du programme 110.

En définitive, l'effort consenti est donc bien inférieur aux 4 milliards d'euros annoncés .

Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères a annoncé au Conseil des ministres du 14 octobre dernier que le montant des dons serait « en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui » (3,38 milliards d'euros en 2013) .

Respecter l'objectif de 0,7 % du RNB impliquerait de doubler notre effort et d'accorder à cette politique 8 milliards d'euros supplémentaires chaque année (9,9 milliards de dollars 3 ( * ) ). On voit donc que les annonces du Président de la République ne sont pas à la hauteur des enjeux. La « France qui veut toujours montrer l'exemple » devrait d'abord s'astreindre à atteindre un niveau d'aide au moins égal à la moyenne des pays du CAD .

S'agissant de l'objectif d'augmenter de 4 milliards d'euros les engagements de l'AFD , celui-ci ne semble pas hors d'atteinte si l'on observe l'évolution récente des engagements du groupe. Ceux-ci sont passés de 1,8 milliard d'euros en 2004 à 3,7 milliards d'euros en 2007 et 7,5 milliards d'euros en 2013 pour atteindre 8 milliards d'euros en 2014 (dont 5,4 milliards d'euros d'activité de l'AFD dans les pays en développement). Les augmenter de 50 % en 6 ans parait donc crédible, d'autant plus que le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts devrait renforcer ses fonds propres et lui permettre d'accorder des prêts plus facilement.

L'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations

Le Président de la République a annoncé le 24 août dernier l'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations et une mission de préfiguration relative à ce rapprochement a été confiée à Remy Rioux.

L'objectif poursuivi serait notamment le renforcement des fonds propres de l'AFD et de lui permettre d'emprunter à des taux plus favorables, ces deux éléments lui permettant d'accorder plus de prêts.

B. UNE BAISSE DE 20 % DE NOTRE APD EN QUATRE ANS

Depuis un maximum atteint en 2010, l'APD versée par notre pays n'a cessé de diminuer , passant de 12,9 milliards d'euros (0,50 % du RNB) à 10,4 milliards d'euros (0,36 %) en 2014, soit une baisse de 20 % en valeur et de 28 % en pourcentage du RNB.

APD de la France entre 2000 et 2014

Source : commission des finances du Sénat à partir de données de l'OCDE - les données 2014 sont provisoires

Le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement » annexé au présent projet de loi de finances prévoit que l'aide publique au développement de la France repartirait à la hausse après un point bas atteint en 2014 (8 milliards d'euros). Il serait quasiment stable en 2015, avant d'atteindre 8,6 milliards d'euros en 2016 et 8,8 milliards d'euros en 2017.

En pourcentage du RNB, notre aide serait pratiquement stable sur l'ensemble de la période : 0,37 % en 2014 4 ( * ) et en 2015, puis 0,38 % en 2016 et 2017.

Évolution des prévisions d'aide publique au développement
entre le PLF 2015 et le PLF 2016

(en millions d'euros et en pourcentage du RNB)

2013

2014

2015

2016

2017

Prévisions PLF 2016

8 540

8 005

8 050

8 550

8 790

Prévisions PLF 2015

8 540

7 943

9 349

9 050

9 265

Prévisions PLF 2016

0,40 %

0,37 %

0,37 %

0,38 %

0,38 %

Prévisions PLF 2015

0,40 %

0,37 %

0,42 %

0,39 %

0,39 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires 2015 et 2016

Vos rapporteurs spéciaux notent que le document de politique transversale ne trace pas la trajectoire annoncée par le Président de la République, puis qu'il s'arrête en 2017, comme les prévisions de l'an dernier, au lieu de se poursuivre jusqu'en 2020 .

Par ailleurs, vos rapporteurs spéciaux constatent également que les prévisions d'APD sont en baisse très importante pour 2015 (- 1,3 milliard d'euros), pour 2016 (- 500 millions d'euros) et pour 2017 (- 500 millions d'euros) par rapport aux prévisions d'il y a un an à peine, sans que cette diminution soit expliquée.

C. UNE ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS À LA BAISSE

Parallèlement à cette diminution de l'APD au sens de l'OCDE, on constate logiquement une diminution des financements accordés à travers la mission « Aide publique au développement », le compte de concours financier « Prêts à des États étrangers » (hors prêt à la Grèce) et les taxes affectées.

Exécution des crédits de la mission et du compte de concours financier
et produit des taxes affectées au développement

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

L'affectation au développement de recettes fiscales - une part de la taxe sur les billets d'avion et une part de la taxe sur les transactions financières -, qui devaient venir s'ajouter aux crédits budgétaires, a certes permis de limiter la baisse, mais sans compenser totalement cette diminution . On peut d'ailleurs regretter cette tendance à la débudgétisation, particulièrement visible sur le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP), dont la baisse des crédits est compensée par l'affectation de ressources fiscales.

Ainsi, à champ courant, les crédits de la mission ont diminué de 16,5 % en quatre ans (- 545 millions d'euros), ceux du compte de concours financier de 16,6 % (- 111 millions d'euros), les recettes fiscales affectées n'ayant représenté que 135 millions d'euros supplémentaires.

La diminution des crédits de la mission était d'ailleurs prévue par l'article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Elle dispose ainsi que ses crédits - hors compte d'affectation spéciale « Pensions » - diminuent de 100 millions d'euros en 2016 puis de 70 millions d'euros en 2017.

Plafond de la mission « Aide publique au développement »
(hors CAS « Pensions »)

(crédits de paiement en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2,77

2,67

2,60

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019

Cette baisse vient confirmer la tendance des trois dernières lois de programmation des finances publiques.

La mission « Aide publique au développement » (hors CAS « Pensions »)
dans les trois dernières lois de programmation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, alors que la loi de programmation pour les années 2011 à 2014 5 ( * ) prévoyait une stabilisation des crédits - hors compte d'affectation spéciale « Pensions » - à 3,31 milliards d'euros en CP, la loi de programmation pour 2012-2017 6 ( * ) , adoptée en décembre 2012, prévoyait une baisse des crédits à un niveau de 3,07 milliards d'euros par an. Si l'on compare le plafond 2017 au plafond 2011, on constate une baisse de près de 21 % en six ans (- 710 millions d'euros).

D. LES BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE FRANÇAISE

1. L'aide bilatérale

L'aide bilatérale nette française s'est élevée en 2013 à 5 121 millions d'euros selon l'enquête définitive d'APD transmise à l'OCDE.

Cette aide est majoritairement destinée à l'Afrique (46 %) et aux pays d'Afrique sub-saharienne (33 %). Cependant ce dernier chiffre est en baisse, puisqu'en 2012, 40 % de l'aide bénéficiait aux pays d'Afrique subsaharienne.

Le tableau ci-dessous retrace la ventilation de l'aide bilatérale française par zone géographique.

Répartition géographique de l'aide
bilatérale française en 2014

Zone géographique

Afrique, total

45 %

dont Afrique sub-saharienne

32 %

dont Afrique du Nord

12 %

Asie

13 %

Amérique du Sud

12 %

Europe

5 %

Amérique du nord et centrale

5 %

Moyen-Orient

3 %

Océanie

2 %

Multi-pays

14 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les vingt premiers États étrangers bénéficiaires de l'aide publique au développement bilatérale de la France, en 2014, sont le Maroc (539 millions d'euros), la Colombie (478 millions d'euros), le Sénégal (294 millions d'euros), le Brésil (223 millions d'euros), le Mexique (220 millions d'euros), la Turquie (183 millions d'euros), le Cameroun (167 millions d'euros), le Viêt Nam (158 millions d'euros), les Philippines (131 millions d'euros), l'Inde (117 millions d'euros), le Mali (96 millions d'euros), le Kenya (92 millions d'euros), la Chine (92 millions d'euros), le Gabon (88 millions d'euros), le Nigéria (82 millions d'euros), la Guinée (77 millions d'euros), le Mozambique (72 millions d'euros), l'Île Maurice (71 millions d'euros), la Côte-d'Ivoire (68 millions d'euros) et le Ghana (68 millions d'euros).

2. L'aide multilatérale

Le tableau ci-dessous retrace les dix premiers bénéficiaires de l'aide multilatérale française en 2013 , les données 2014 n'étant pas encore disponibles.

Dix premiers bénéficiaires l'APD française multilatérale 2013

(en millions de dollars)

1 - Turquie

378

2 - Bangladesh

179

3 - Kenya

161

4 - Éthiopie

136

5 - Tanzanie

130

6 - République démocratique du Congo

109

7 - Inde

107

8 - Nigéria

98

9 - Serbie

97

10 - Maroc

83

Total dix premiers bénéficiaires

1 478

Total aide multilatérale imputée

4 275

Part des dix premiers bénéficiaires dans le total

35 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire

DEUXIÈME PARTIE - LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » ET LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIER « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

La mission « Aide publique au développement » est la principale mission budgétaire concourant à la politique d'aide publique au développement, mais elle n'est pas la seule. Ainsi, en 2013, les crédits de cette mission - hors aide à effet de levier - représentaient un tiers (34 %) de l'APD de la France.

Les autres missions du budget général en représentaient 42 %. Y contribuent notamment les missions « Recherche et enseignement supérieur » (12 % de l'APD selon les estimations 2015), « Action extérieure de l'État » et « Immigration, asile et intégration ».

À ces crédits budgétaires, il faut ajouter la contribution des prêts, les ressources provenant de la taxe sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la quote-part française de l'aide transitant par le budget communautaire.

I. LES FINANCEMENTS CONSACRÉS À L'APD

A. LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

La mission « Aide publique au développement » constitue la principale mission du budget contribuant à la politique menée en faveur des pays en développement. Ses crédits s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2016 à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement, en baisse de 6,3 % par rapport à 2015 (soit - 178 millions d'euros) .

La diminution des CP s'accompagne d'une très forte baisse des AE (- 16,7 %), qui laisse peu augurer d'une remontée du niveau d'APD de la France à court terme.

Évolution des crédits de la mission « Aide publique au développement »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

110 « Aide économique et financière au développement »

2 002,0

687,0

409,2

1 033,5

1 026,6

988,0

- 65,7%

- 40,4%

- 0,7%

- 3,8%

209 « Solidarité à l'égard des pays en développement »

1 718,7

1 793,4

1 657,4

1 719,3

1 771,8

1 632,7

+ 4,3%

- 7,6%

+ 3,1%

- 7,8%

Total de la mission

3 720,7

2 480,5

2 066,5

2 752,8

2 798,4

2 620,7

- 33,3%

- 16,7%

+ 1,7%

- 6,3%

Source : documents budgétaires

Cette diminution s'explique notamment par la baisse des crédits consacrés au fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme (- 60 millions d'euros), à la reconstitution des fonds multilatéraux (- 55 millions d'euros), aux contrats de désendettement et de développement (- 34 millions d'euros) ou encore au fonds de solidarité prioritaire (- 11 millions d'euros).

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace pour sa part des opérations de versements et de remboursements relatives aux prêts accordés aux pays en développement et, depuis 2010, à la Grèce.

Évolution des crédits du compte de concours financier « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

851 - Réserve pays émergents

263,4

330,0

330,0

229,3

440,0

300,0

+ 25,3%

+ 91,9%

- 31,8%

852 - Prêts pour consolidation de dettes

0,0

652,1

734,7

0,0

652,1

734,7

+ 12,7%

+ 12,7%

853 - Prêts à l'AFD

447,0

760,0

400,0

327,0

390,0

58,5

+ 70,0%

- 47,4%

+ 19,3%

- 85,0%

854 - Prêts aux États membres dont la monnaie est l'euro

- 5 411,4

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

- 100,0%

Total du compte

- 4 701,1

1 742,1

1 464,7

556,3

1 482,1

1 093,2

- 137,1%

- 15,9%

+ 166,4%

- 26,2%

Source : documents budgétaires

Ses crédits de paiement sont en baisse de 26,2 % par rapport à l'an dernier. De plus, vos rapporteurs spéciaux rappellent que, comme ils l'avaient montré lors de l'examen de la loi de règlement pour 2014, le programme 852 souffre d'un taux d'exécution particulièrement bas : 39,3 % en 2012, 5,5 % en 2013 et 0 % en 2014 .

C. L'ÉVOLUTION DU PRODUIT DES TAXES AFFECTÉES AU DÉVELOPPEMENT

Bien qu'il ne s'agisse pas de crédits budgétaires, vos rapporteurs spéciaux ont choisi de présenter ici l'évolution des taxes affectées au développement, dans la mesure où le Gouvernement lui-même les présente souvent comme un moyen de compenser des baisses de crédits budgétaires.

Il s'agit tout d'abord d'une part, plafonnée à 210 millions d'euros, de la taxe sur les billets d'avions , prévue à l'article 302 bis K du code général des impôts. Le produit total de cette taxe serait de 230 millions d'euros en 2016.

Produit de la taxe sur les billets d'avions affecté au développement

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

162

163

175

185

185

204

210

210

210

Source : Réponse au questionnaire budgétaire et tome I de l'évaluation des voies et moyens

Il s'agit d'autre part de la taxe sur les transactions financières (TTF), prévue à l'article 235 ter ZD du même code, dont le I de l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 prévoit qu'une part est affectée à l'aide publique au développement, dans la limite du plafond fixé à l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution de la part de TTF affectée à l'aide publique au développement, qui n'a atteint que 13 % du produit total de la taxe en 2015 .

Produit de la taxe sur les transactions financières

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

Produit de la TTF

870,6

1 050,0

1 092,8

Part affectée au développement

15,0 %

25,0 %

25,0 %

Part affectée au FSD hors plafonnement

130,6

262,5

273,2

Montant affecté au FSD après plafonnement

100,0

140,0

160,0

Soit, en pourcentage du produit de la TTF

11,5 %

13,3 %

14,6 %

Montant revenant au budget général

770,6

910,0

932,8

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

II. L'ÉVOLUTION THÉMATIQUE DES CRÉDITS

A. L'AIDE BILATÉRALE

1. L'AFD : des moyens confirmés

Le présent paragraphe retrace les moyens budgétaires mis à disposition de l'Agence française de développement (AFD), au titre de l'aide publique au développement, qu'ils relèvent du programme 110, du programme 209 ou du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Moyens budgétaires mis à disposition de l'AFD

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Subventions projets de l'AFD

195,8

172,0

172,0

188,1

158,0

151,0

Assistance technique

45,0

45,0

45,0

43,0

Bonification des prêts outre-mer 7 ( * )

-

-

-

17,3

15,0

12,0

Bonifications de prêts dans les États étrangers

241,9

250,0

255,0

164,8

178,0

180,0

Bonifications de prêts pour le Clean Technology Fund

-

30,0

-

5,2

11,1

5,2

Ressource à condition spéciale

447,0

760,0

400,0

327,0

390,0

58,5

Rémunération de l'AFD

27,0

27,0

27,0

27,0

27,0

27,0

Rémunération de l'AFD pour les opérations réalisées pour le compte de l'État

2,0

3,0

3,0

2,4

3,0

3,0

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programmes 110, 209 et 853)

L'AFD reçoit tout d'abord des subventions pour financer des projets sous forme de dons . Ces crédits s'élèvent à 172 millions d'euros en AE en 2016, auxquels on peut ajouter 45 millions d'euros au titre de l'assistance technique. Cette enveloppe de 217 millions d'euros en AE est parfaitement stable par rapport à 2015 . Les crédits de paiement sont fixés à 194 millions d'euros, soit légèrement moins qu'en 2014.

Par ailleurs, l'AFD intervient dans les États étrangers en accordant des prêts, plus ou moins concessionnels, cette concessionnalité étant financée sous plusieurs formes.

D'une part, lorsqu'elle se finance aux conditions du marché, les bonifications de prêts par l'État lui permettent d'abaisser directement le taux d'intérêt proposé aux bénéficiaires de ses concours. Celles-ci représentent 180 millions d'euros en CP en 2016.

D'autre part, l'AFD bénéficie de la part de l'État d'une « ressource à condition spéciale » (RCS) , sous la forme d'un prêt à des termes préférentiels (durée de trente ans dont dix ans de différé du remboursement en capital, à un taux de 0,25 %), qui lui permet d'accorder des prêts concessionnels. La RCS est en forte baisse en 2016, en atteignant 400 millions d'euros en AE (- 360 millions d'euros) et à peine 59 millions d'euros en CP (- 331 millions d'euros).

La baisse importante des AE s'explique par le fait que ces crédits contribuaient, en 2015, à la fois au financement des opérations courantes de l'AFD et à une partie du prêt de 430 millions d'euros accordé par la France à l'Association internationale de développement (AID), le guichet concessionnel de la banque mondiale, et géré par l'AFD. La différence importante entre AE et CP s'explique par le retranchement de 280 millions d'euros de CP en 2016 - comme cela avait été le cas en 2015 - du fait de la recapitalisation, à hauteur de ce montant de l'AFD par l'État, à travers le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (voir encadré).

Le renforcement des fonds propres de l'AFD

Le niveau des fonds propres de l'AFD est un sujet de préoccupation récurrent de vos rapporteurs spéciaux, dans la mesure où la nécessité de respecter les ratios bancaires limitera sa capacité à prendre de nouveaux engagements dans certains pays. Les signatures de nouvelles conventions de prêts au Maroc se trouvent limitées aux remboursements en capital.

Aussi, le Gouvernement a-t-il décidé en 2014 la conversion de la ressource à condition spéciale (RCS) en véritables fonds propres, à hauteur de 840 millions d'euros. En 2015, 2016 et 2017, 280 millions d'euros de crédits de paiement sur la RCS sont supprimés par rapport à 2014, tandis que l'État acquiert - pour un même montant - des titres subordonnés de l'AFD, à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Ce renforcement des capacités de l'AFD prendra également la forme de son adossement à la Caisse des dépôts et consignations (cf. supra ).

L'AFD met également en oeuvre le programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC), une partie des subventions aux ONG, les aides budgétaires globales et les contrats de désendettement et de développement (C2D), qui sont traités dans les paragraphes suivants.

Enfin, la rémunération de l'AFD atteint 30 millions d'euros, en AE comme en CP, et n'évolue pas par rapport à 2015. Elle correspond aux opérations réalisées par l'AFD pour le compte de l'État (aides budgétaires globales, opérations de conversion de dettes, etc.) et pour des actions confiées à l'AFD (dons projets, C2D, crédits délégués, etc.). Ces rémunérations sont calculées à partir de formules basées en particulier sur les volumes d'engagement.

Ainsi, vos rapporteurs spéciaux constatent que les moyens de l'AFD sont préservés.

2. Des crédits d'aide liée stables en AE

L'aide liée est constituée des dispositifs pour lesquels une part minimale des contrats financés doit correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises. Pour pouvoir être liée, l'aide doit répondre à des critères de l'OCDE, notamment en matière de concessionnalité.

Les deux principaux outils de l'aide liée française sont la Réserve pays émergents (RPE) et le Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP). La RPE, mise en oeuvre par la direction générale du Trésor, prend la forme de prêts concessionnels, tandis que le FASEP permet de financer, sous forme de dons, des études de faisabilité ou d'assistance technique.

Évolution des crédits de l'aide liée en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Développement du commerce extérieur

263,4

330,0

330,0

229,3

440,0

300,0

FASEP

7,1

18,6

18,3

21,5

20,9

22,2

Évaluation préalable et appui pour le montage des projets (RPE et FASEP)

0,3

0,3

0,3

0,1

0,3

0,3

Rémunération de Natixis

3,2

3,4

3,4

3,2

3,4

3,4

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programmes 110 et 851)

Les crédits de la première action, « prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France », qui comprennent notamment la « Réserve pays émergents », sont stables, ce qui pourrait laisser supposer une baisse des crédits réellement affectés au développement .

En effet, depuis l'an dernier et l'adoption de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 8 ( * ) , le champ d'intervention de cette action a été élargi, contre l'avis de votre commission des finances et du Sénat, à des prêts non concessionnels destinés à soutenir les exportations françaises. Vos rapporteurs spéciaux regrettent à nouveau ce choix, d'autant plus que les documents budgétaires ne permettent pas de différencier les crédits destinés au développement des autres.

3. La coopération technique : des crédits relativement stables

Le développement des pays du sud nécessite une expertise technique, pour renforcer leurs capacités à mettre en place des politiques publiques complexes en matière d'infrastructures ou de santé par exemple, qui peut être apportée à travers l'aide publique au développement.

Il s'agit également pour la France de diffuser des modèles d'organisation et des normes conformes à ses valeurs et à ses intérêts. L'aide technique, qui représente un marché considérable évalué à près de 100 milliards d'euros par an, constitue en effet un moyen privilégié de mettre en valeur nos savoirs faires et d'influer sur des choix qui peuvent se traduire in fine par des contrats pour des entreprises françaises. La coopération technique relève ainsi à la fois de la solidarité et de l'influence.

Le tableau ci-dessous présente les crédits de divers dispositifs de coopération technique. Cependant, ils sont loin de couvrir à eux seuls la politique de coopération technique bilatérale de la France, qui représentait 1 584 millions d'euros d'APD selon l'OCDE, en 2013 .

Évolution des crédits de l'aide technique en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

« Expertise France » (dotation ex-Adetef)

7,4

4,0

3,9

9,8

4,0

4,9

« Expertise France » (dotation ex- GIP Esther)

3,4

3,6

3,4

3,4

3,6

3,4

Programme de renforcement des capacités commerciales (géré par l'AFD)

-

3,0

13,6

3,0

3,0

1,5

Bourses

6,9

6,6

5,8

6,9

6,6

5,8

Échanges d'expertise

2,5

2,9

2,4

2,5

2,9

2,4

Volontariat international

17,1

19,2

19,2

17,9

19,2

19,2

Canal France international

12,1

11,2

9,5

11,9

11,2

9,5

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programmes 110 et 209)

L'augmentation des AE au titre du programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC) s'explique par le renouvellement de ce programme, le « PRCC 4 » (2013-2015) étant arrivé à son terme.

On constate également que « Expertise France » bénéficie de deux lignes de financement, l'une provenant du ministère de l'économie, correspondant à la dotation qui était consacrée au GIP Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières (Adetef), et une provenant du ministère des affaires étrangères, correspondant à la dotation qui était consacrée au GIP Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau (Esther). Il s'agit là d'une conséquence de la fusion en 2014 , au sein de « Expertise France », de France expertise internationale (FEI), du GIP Adetef, du GIP Esther, du GIP International (Inter), du GIP Santé protection sociale internationale (SPSI) et du GIE Agence pour le développement et la coordination des relations internationales (Adecri).

4. L'aide humanitaire et alimentaire en légère hausse

Le fonds d'urgence humanitaire permet de financer par exemple des interventions humanitaires d'urgence mises en oeuvre par l'État, l'expédition de matériels ou de personnels, des subventions accordées à des ONG, etc.

L'aide alimentaire française s'oriente en priorité vers les populations victimes de crise.

Ces crédits sont en très légère hausse (+ 1 million d'euros).

Évolution des crédits relatifs à l'aide humanitaire et d'urgence en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Fonds d'urgence humanitaire

15,4

10,9

11,9

15,5

10,9

11,9

Aide alimentaire

34,5

37,1

37,1

34,4

37,1

37,1

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programmes 110 et 209)

5. La coopération décentralisée

La coopération décentralisée est essentiellement financée par les collectivités territoriales, sur leurs fonds propres. Mais le MAEDI intervient pour des cofinancements, en fonction des priorités retenues.

Ces crédits permettent donc de soutenir - et d'orienter, sur la base d'appels à projets - les actions des collectivités territoriales françaises en matière de coopération avec des autorités locales étrangères. On rappellera que l'APD des collectivités représentait, en 2013, 63 millions d'euros au total. Ces crédits sont stables par rapport à 2015 .

Évolution des crédits relatifs à la coopération décentralisée en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

8,7

9,3

9,3

8,6

9,3

9,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programme 209)

6. Les autres dispositifs d'aide bilatérale

Le présent paragraphe présente les autres dispositifs d'aide bilatérale, dont le montant peut être très variable.

Globalement, ces crédits sont en diminution de 27,6 millions d'euros en CP, malgré la hausse des crédits destinés aux organisations non gouvernementales (ONG) (+ 14 millions d'euros).

Évolution des crédits des autres dispositifs d'aide bilatérale en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Fonds français pour l'environnement mondial

-

90,0

-

26,0

27,0

22,0

Aides budgétaires globales (gérées par l'AFD)

33,5

33,0

35,0

40,0

50,0

35,0

Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel

0,5

0,3

0,3

0,6

0,3

0,3

Dotations pour opérations aux EAF

0,4

0,7

0,4

0,4

0,7

0,4

Autres moyens bilatéraux d'influence

7,4

7,7

2,3

7,5

7,7

2,3

Fonds de solidarité prioritaire (FSP)

42,9

45,0

34,0

46,9

43,0

32,1

Subventions ONG (gérées par l'AFD)

58,2

71,0

79,0

51,2

60,0

74,0

AFPAK

4,1

5,0

-

3,1

5,0

-

Fonds Pacifique

1,4

1,5

1,5

1,4

1,5

1,5

Aide budgétaire post-conflit et sortie de crise

35,4

22,3

22,3

35,6

22,3

22,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programmes 110 et 209)

Le fonds de solidarité prioritaire (FSP), qui est l'instrument d'aide projet du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), voit ses crédits diminuer de 25 % après une baisse de 10 % en 2015.

B. DES TRAITEMENTS DE DETTES LIMITÉS ESSENTIELLEMENT AUX CONSOLIDATIONS DE DETTES

Le traitement de la dette des pays en développement peut prendre trois formes :

- une annulation de dette , qu'elle soit décidée dans un cadre bilatéral (accords de Dakar I et II et conférence de Paris) ou multilatéral (G8 de Gleneagles de juillet 2005 par exemple) ; ces annulations doivent être compensées à l'AFD ;

- un refinancement par dons des échéances dues sous la forme de « contrats de désendettement et de développement » ( C2D ) : le pays bénéficiaire continue d'honorer sa dette, mais la France reverse le montant perçu pour financer des programmes de développement spécifiques ; ces contrats sont gérés par l'AFD ;

- un refinancement au moyen d'un nouveau prêt , accordé dans des conditions plus favorables.

Évolution des crédits relatifs aux traitements de dettes en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Compensation à l'AFD des annulations de dette bilatérale

-

-

-

52,6

48,2

42,9

Compensation des annulations de la dette multilatérale

291,8

-

-

49,6

59,2

62,6

Contrats de désendettement et de développement (C2D)

86,1

85,8

51,8

86,1

85,8

51,8

Refinancement de dettes des PPTE

-

652,1

734,7

-

652,1

734,7

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programmes 110, 209 et 852)

Aucune nouvelle annulation de dette n'est prévue en 2016, en conséquence aucune AE n'est ouverte. Seuls des C2D devraient être signés, avec le Cameroun, la Guinée, et la République démocratique du Congo.

Enfin, les AE ouvertes au titre des consolidations de dettes des pays pauvres très endettés concernent la Somalie, Cuba, Grenade et le Zimbabwe.

C. L'AIDE MULTILATÉRALE

1. Aide multilatérale hors aide communautaire : une diminution compensée par les taxes affectées

L'aide économique et financière multilatérale occupe une place prépondérante parmi ces crédits : il s'agit essentiellement de la reconstitution des différents fonds multilatéraux de développement , ce qui explique les variations très importantes des AE d'une année à l'autre, selon le rythme de reconstitution.

Évolution des crédits de l'aide multilatérale en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Aide économique et financière multilatérale

1 421,5

286,7

76,2

638,0

653,4

597,9

Contributions volontaires ONU

46,9

48,0

49,1

46,9

48,0

49,1

Jeunes experts associés

6,6

4,0

3,5

6,5

4,0

3,5

Francophonie (hors loyer)

49,9

49,4

47,4

49,9

49,4

47,4

Francophonie (loyer)

-

-

-

5,6

5,5

5,5

Fonds mondial contre le Sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP)

214,0

187,0

127,0

214,0

187,0

127,0

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programmes 110 et 209)

S'agissant du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP), qui permet de financer des programmes luttant contre ces maladies, il perçoit 127 millions d'euros, en AE comme en CP, en baisse de 60 millions d'euros par rapport à l'an dernier, où il subissait déjà une diminution de 27 millions d'euros. La contribution de la France au FMLSTP est cependant maintenue à 360 millions d'euros, grâce au produit des taxes affectées .

2. La coopération communautaire

La mission « Aide publique au développement » porte les crédits de la contribution française au Fonds européen de développement (FED), principal instrument de l'aide européenne à destination des pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP).

Cet outil se situe hors budget communautaire et les contributions des États membres relèvent donc d'une clé de répartition différente . Dans la perspective de son intégration éventuelle au budget communautaire à l'horizon 2020, la clé de contribution de la France a été diminuée afin de se rapprocher progressivement de celle du budget (15,9 %) : elle est ainsi passée de 24,3 % dans le neuvième FED (2000-2007 ; 13,8 milliards d'euros) à 19,55 % dans le dixième (2008-2013 ; 22,7 milliards d'euros) et enfin 17,81 % dans le onzième FED (30,5 milliards d'euros ; 2014-2020).

Le montant des crédits demandés est basé sur les prévisions des appels à contribution de la Commission européenne.

Évolution des crédits de la coopération communautaire en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

640,4

703,8

700,8

640,5

703,8

700,8

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programme 209)

D. DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN BAISSE

Les crédits de personnel sont en baisse en 2016 (- 3,1 %).

Évolution des dépenses de personnel en 2016

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

Exécutées 2014

LFI 2015

Demandées en PLF 2016

197,6

201,8

195,5

197,6

201,8

195,5

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (programme 209)

Le programme 209 porte le plafond d'autorisation d'emplois de la mission. Il s'élève à 1 979 équivalent temps plein annuel travaillé, contre 2 063 en 2015, soit une diminution de 37 postes , hors effet des corrections techniques (- 47). Ces 1 979 ETPT correspondent à 184 titulaires et agents recrutés sur contrat à durée indéterminée (CDI) en administration centrale, 117 titulaires et CDI dans le réseau, 1 465 agents recrutés sur contrat à durée déterminée (CDD) et volontaires internationaux et enfin, 213 agents de droit local.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Nos collègues députés ont adopté plusieurs amendements sur la mission « Aide publique au développement », ainsi que des amendements portant sur la première partie du projet de loi de finances, mais ayant des conséquences sur la politique d'aide publique au développement :

- à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a majoré de 50 millions d'euros les crédits du programme 209, afin de financer plusieurs organisations internationales en faveur des réfugiés (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés notamment) ;

- à l'initiative du Gouvernement, les députés ont majoré de 100 millions d'euros le plafond de la part de la TTF affectée au Fonds de solidarité pour le développement et supprimé le plafond de 25 % (article 14 du présent projet de loi de finances) ;

- à l'initiative de plusieurs de nos collègues députés et avec l'avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement affectant 25 % du produit de la TTF à l'Agence française de développement, soit environ 270 millions d'euros (article 15 bis du présent projet de loi de finances) ;

- à l'initiative de la commission des affaires étrangères et avec l'avis favorable - à titre personnel - du rapporteur spécial et l'avis défavorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement transférant 50 millions d'euros du programme 110 au programme 209 , afin de « rééquilibrer les politiques de prêts et de dons » ;

- enfin, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement diminuant de 162 millions d'euros les crédits du programme 209 afin de compenser en partie les 270 millions d'euros affectées en première partie à l'AFD ou, pour reprendre les termes du Gouvernement, de « revenir partiellement sur les amendements votés en première partie ».

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des montants affectés à l'aide publique au développement sur la mission « Aide publique au développement » et à travers les taxes affectées.

Évolution des ressources de l'aide publique au développement

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

PLF

2016

Texte transmis au Sénat

Crédits de paiement de la mission

3120,2

2898,9

2798,4

2620,7

2508,7

TTF affectée au FSD

100,0

100,0

140,0

160,0

260,0

TTF affectée à l'AFD

-

-

-

-

270,0

Taxe sur les billets d'avion

185,0

204,0

210,0

210,0

210,0

Total

3405,2

3202,9

3148,4

2990,7

3248,7

APD de la France

(en % du RNB)

0,40%

0,37%

0,37%

-

-

Source : commission des finances du Sénat

Votre rapporteure spéciale Fabienne Keller constate que les deux amendements déposés par le Gouvernement pour augmenter de 150 millions d'euros les ressources affectées à l'aide publique au développement permettent au Gouvernement de répondre dans l'urgence à la stupeur et au flot de critiques qui ont accueilli la présentation du budget de l'aide publique au développement pour 2016 .

Le 28 septembre, le Président de la République annonce à la tribune des Nations unies que « la France, qui veut toujours montrer l'exemple, [...] a décidé d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 ». Deux jours après le projet de loi de finances prévoit une diminution de plus de 6 % de ces crédits, soit la plus forte baisse du budget 2016 en excluant les mesures de périmètre, alors même que la France n'est plus que le douzième pays donateur en proportion du revenu national brut (RNB).

Ces 150 millions d'euros, conjugués aux 20 millions d'euros de hausse du plafond déjà prévus dans le projet de loi de finances, permettent tout juste de retrouver le niveau des crédits de l'an dernier (hors dépenses de personnel), qui était déjà très bas.

L'amendement adopté par nos collègues députés sur la première partie du projet de loi de finances montre qu' il serait nécessaire d'apporter des ressources supplémentaires à cette politique, afin de retrouver un niveau cohérent avec les intentions affichées et les enjeux auxquels nous sommes confrontés . Mais le Gouvernement a préféré se contenter de sauver les apparences et est revenu - certes partiellement - sur cet amendement par le biais d'une baisse des crédits de la mission « Aide publique au développement ». C'est un nouveau signal négatif adressé aux pays en développement.

Le bilan de la première lecture à l'Assemblée nationale est que les crédits alloués à cette politique sont tout juste revenus à leur niveau de 2014, année où notre pourcentage d'APD en fonction du RNB a été le plus bas (0,37 %).

On peut également regretter la débudgétisation de cette politique : en à peine trois ans, les crédits de la mission ont diminué de plus de 600 millions d'euros, partiellement compensés par une hausse de 455 millions d'euros environ du produit des taxes affectées. Celles-ci sont passées de 285 millions d'euros en 2013 à 740 millions d'euros en 2016.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ À LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVEOPPEMENT »

ARTICLE 48 - Majoration du plafond d'autorisation d'annulations de dettes additionnelles accordées par la France au bénéfice
de pays pauvres très endettés

Commentaire : le présent article relève le plafond d'autorisation d'annulations de dettes aux pays pauvres très endettés afin de tenir compte des annulations prévues jusqu'en 2020.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 64 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991 prévoit :

- un plafond pour les annulations de dettes qui peuvent être accordées par la France dans le cadre du Club de Paris aux pays éligibles aux concours de l'Association internationale pour le développement (AID), le guichet concessionnel de la Banque mondiale. Ce premier plafond s'élève à 18,7 milliards d'euros ;

- un second plafond pour les remises de dettes additionnelles accordées par la France aux pays pauvres très endettés (PPTE), qui s'élève à 2,85 milliards d'euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Au 31 décembre 2014, le montant des annulations de dettes additionnelles accordées par la France aux PPTE, depuis la mise en place du plafond précité, s'élevait à 2,322 milliards d'euros. Les annulations de dettes de 2015 s'élèvent à 333 millions d'euros (au bénéfice de la Côte-d'Ivoire notamment) et celles prévues en 2016 à 288 millions d'euros (au bénéfice principalement du même pays).

Les annulations atteindraient donc 2,943 milliards d'euros et le plafond serait dépassé . Les annulations prévues s'élèvent à environ 242 millions d'euros en 2017 puis un peu plus de 210 millions d'euros par an jusqu'en 2020, ce qui conduirait à atteindre un montant total de 3,820 milliards d'euros environ à cette date (3,823 milliards d'euros d'après l'évaluation préalable).

C'est pourquoi l'article 48 du présent projet de loi de finances propose de relever le plafond relatif aux PPTE à 3,850 milliards d'euros .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le relèvement du plafond des autorisations d'annulation de dette en faveur des pays pauvres très endettés permettra à la France d' honorer l'engagement pris à Yaoundé en 2001 d'annuler la totalité des créances résiduelles d'APD sur les pays ayant bénéficié de l'initiative PPTE . Vos rapporteurs spéciaux vous invitent donc à adopter cet article sans modification.

Ils soulignent que ce relèvement du plafond conduit à terme à une réduction des recettes de l'État . L'annulation des créances fait l'objet d'une annulation en loi de règlement, sans nécessiter l'ouverture de crédits budgétaires , à l'exception des créances portées par l'AFD qui lui sont compensées à travers le programme 209.

Décision de votre commission des finances : votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie mercredi 21 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Fabienne Keller et de M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » (et article 48) et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Mme Fabienne Keller , rapporteur spécial . - Avant de vous présenter les crédits de la mission et du compte de concours financiers, je voudrais revenir sur quelques évènements importants concernant la politique d'aide publique au développement.

En juillet dernier, s'est tenue à Addis-Abeba, sous l'égide de l'ONU, la troisième conférence internationale sur le financement du développement, qui n'a pas fait preuve d'une ambition particulière. L'engagement des pays en développement de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) est renouvelé, sans fixer d'horizon temporel précis.

Puis, en septembre, ont été adoptés 17 « objectifs de développement durable », destinés à se substituer à partir du 1 er janvier prochain aux « objectifs du millénaire pour le développement » adoptés en 2000.

Enfin, dans quelques semaines, Paris accueillera la COP 21, au cours de laquelle la question des financements destinés à lutter contre le changement climatique dans les pays en développement sera fondamentale. Nous avons récemment publié un rapport sur ce sujet, qui s'attardait spécifiquement sur les pays les moins avancés et proposait notamment de taxer les carburants des navires et des avions, je n'y reviendrai pas.

J'en viens maintenant à la mission « Aide publique au développement », qui est la principale mission budgétaire concourant à la politique d'aide publique au développement de la France.

Ses crédits s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2016 à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), en baisse de 6,3 % par rapport à 2015, soit une diminution de 178 millions d'euros. L'aide publique au développement est la mission dont les crédits diminuent le plus !

Cette diminution s'explique notamment par la baisse de 60 millions d'euros des crédits consacrés au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, par les moindres besoins de reconstitution des fonds multilatéraux, à hauteur de 55 millions d'euros, par la diminution de 34 millions d'euros des crédits correspondant aux contrats de désendettement et de développement ou encore à la baisse de 11 millions d'euros des crédits du fonds de solidarité prioritaire.

Une analyse thématique des crédits montre que les moyens de l'Agence française de développement (AFD) sont confirmés : les crédits des subventions sont stables et ceux des bonifications de prêts en légère hausse ; par ailleurs, le renforcement des fonds propres de l'agence se poursuit, à travers l'achat par l'État de titres subordonnés de l'AFD, à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Les crédits de plusieurs dispositifs d'aide bilatérale sont en baisse de 27,6 millions d'euros en CP, malgré la hausse des crédits destinés aux organisations non gouvernementales de 14 millions d'euros. Il s'agit notamment du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), qui est l'instrument d'aide projet du ministère des affaires étrangères et du développement international, qui voit ses crédits diminuer de 25 % après une baisse de 10 % en 2015.

Enfin, les dépenses de personnel diminuent de 3,1 %.

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace pour sa part des opérations de versements et de remboursements relatives aux prêts accordés aux pays en développement et, depuis 2010, à la Grèce.

Ses crédits de paiement sont en baisse de 26,2 % par rapport à l'an dernier. De plus, il faut souligner que le programme 852 relatif au retraitement de dettes souffre d'un taux d'exécution particulièrement bas : 39,3 % en 2012, 5,5 % en 2013 et 0 % en 2014.

Ces évolutions sont en ligne avec celles des années précédentes : entre 2011 et 2014, à champ courant, les crédits de la mission ont diminué de 545 millions d'euros et ceux du compte de concours financiers de 111 millions d'euros, tandis que les recettes fiscales affectées ne représentaient que 135 millions d'euros supplémentaires.

Ainsi, avec une aide représentant 0,36 % de notre RNB en 2014, contre 0,41 % en 2013, la France perd encore une place et se classe douzième pays donateur, derrière l'Irlande et devant la Nouvelle-Zélande. Notre APD passe en dessous de la moyenne des pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE... Nous sommes bien loin du Royaume-Uni qui atteint 0,71 %.

Les annonces du Président de la République, il y a à peine trois semaines à New York, ont pu susciter un certain espoir : « la France, qui veut toujours montrer l'exemple, [...] a décidé d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 ».

Cependant, ces 4 milliards d'euros supplémentaires ne correspondent pas à une hausse de 4 milliards d'euros de notre APD au sens de l'OCDE, mais à une augmentation de 4 milliards d'euros des prêts accordés par l'AFD.

En tenant compte de l'effet de levier, l'effort budgétaire correspondant pour l'État représenterait entre 300 et 550 millions d'euros, selon la façon dont sera financée la bonification du prêt par l'AFD.

Respecter l'objectif de 0,7 % du RNB impliquerait de doubler notre effort et d'accorder à cette politique 8 milliards d'euros supplémentaires chaque année. On voit donc que les annonces du Président de la République ne sont pas à la hauteur des enjeux. La « France qui veut toujours montrer l'exemple » devrait d'abord atteindre un niveau d'aide au moins égal à la moyenne des pays de l'OCDE.

Dans quelques semaines, la France accueillera la COP 21. Je pense qu'il aurait fallu donner un signal aux pays en développement et proposer un budget qui rompe véritablement avec les baisses sensibles des années précédentes. Tel n'est pas le cas. Certes, des modifications ont été apportée à l'Assemblée nationale et Yvon Collin va maintenant vous les présenter, mais je considère pour ma part que le compte n'y est pas et vous propose donc de rejeter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Je partage le constat de Fabienne Keller sur les évolutions récentes de notre politique d'aide publique au développement et les regrette, d'autant plus qu'à l'occasion de la COP 21, nous aurions dû en effet avoir le souci d'être exemplaire.

Néanmoins, je pense que les annonces récentes, combinées aux mesures adoptées - ou en passe de l'être - à l'Assemblée nationale, permettent de voir le verre à moitié plein et d'estimer que la tendance s'est inversée.

Tout d'abord, concernant le budget 2016, je constate qu'à l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, le montant affecté au développement devrait être égal à celui de l'an dernier, hors dépenses de personnel.

En effet, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, nos collègues députés ont adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement majorant de 100 millions d'euros le montant de la taxe sur les transactions financières (TTF) affecté au Fonds de solidarité pour le développement, afin de financer la lutte contre le changement climatique, notamment en matière d'adaptation dans les pays en développement. Cet amendement répond d'ailleurs au souci que nous avions exprimé avec Fabienne Keller dans notre récent rapport sur les financements climat à destination des pays les moins avancés.

Le projet de loi de finances prévoyait déjà une hausse de 20 millions d'euros de la TTF affectée au développement : la hausse globale par rapport à l'an dernier est donc de 120 millions d'euros.

S'y ajoute un amendement majorant de 50 millions d'euros les crédits du programme 209, afin de financer des actions en faveur des réfugiés, à travers des contributions à diverses organisations internationales et notamment au Haut Commissariat aux réfugiés. Certes, cet amendement n'a pas encore été examiné, mais ayant été déposé par le Gouvernement, je suis confiant quant à ses chances d'être adopté...

Au total, ces 170 millions d'euros permettent de revenir au niveau du budget de l'an dernier.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement affectant une part supplémentaire de la TTF - 230 millions d'euros en plus - à l'Agence française de développement, afin de financer notamment sa politique de dons. Cet amendement a été adopté contre l'avis du Gouvernement et de la commission des finances, je ne suis donc pas totalement convaincu qu'il restera tel quel dans le texte définitif, mais j'observe que le Gouvernement n'a pas profité de la seconde délibération pour le faire disparaître.

Enfin, la commission a adopté un amendement transférant 50 millions d'euros du programme 110 au programme 209, afin de « rééquilibrer les politiques de prêts et de dons ». Je comprends l'intention mais il faut veiller à ne pas venir réduire la capacité de l'AFD à accorder des subventions, dont les crédits sont également portés par le programme 110. L'affectation de recettes supplémentaires à l'AFD grâce à la TTF pourrait résoudre cette difficulté. À ce stade, nous attendons de voir si cet amendement sera adopté en séance.

Je reviens maintenant sur les annonces du Président de la République. Il est vrai que l'annonce de 4 milliards d'euros supplémentaires a fait naître certains espoirs qui ont pu être déçus du fait qu'il ne s'agisse en fait que de prêts. Il n'en demeure pas moins que l'aide augmentera.

J'insiste également sur le fait que cette annonce est crédible. Les engagements du groupe AFD sont passés de 1,8 milliard d'euros en 2004 à 3,7 milliards d'euros en 2007 et 7,5 milliards d'euros en 2013. En 2014, ils ont atteint leur niveau record, à 8 milliards d'euros, dont 5,4 milliards d'euros d'activité de l'AFD dans les pays en développement. Les augmenter de 4 milliards d'euros en six ans parait donc possible, d'autant plus que le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) devrait renforcer ses fonds propres et lui permettre d'accorder des prêts plus facilement.

Je rappelle en effet que le Président de République a annoncé le 24 août dernier l'adossement de l'AFD à la CDC et qu'une mission de préfiguration relative à ce rapprochement a été confiée à Remy Rioux. Le problème récurrent de l'insuffisance des fonds propres de l'AFD serait ainsi résolu.

J'ajoute que les annonces du Président de la République ont été complétées par une communication en conseil des ministres, le 14 octobre dernier, qui prévoit que le montant des dons serait « en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui ».

Enfin, les éléments qui nous ont été récemment transmis par le Gouvernement prévoient une hausse du niveau de notre APD en proportion du RNB. Nous atteindrions 0,37 % en 2015 et 0,38 % en 2016 et 2017. Ce n'est pas parfait mais la courbe est inversée.

Mme Fabienne Keller , rapporteur spécial . - Encore une courbe qui devrait s'inverser !

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - C'est donc parce que je perçois, pour ma part, une inflexion à la hausse dans l'évolution des crédits de cette politique, et parce que je suis bien conscient du contexte budgétaire et économique global, que je vous propose d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

Je vous présente également l'article 48, rattaché à la mission « Aide publique au développement ». Le II de l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 prévoit un plafond pour les remises de dettes additionnelles accordées par la France aux pays pauvres très endettés (PPTE), qui s'élève à 2,85 milliards d'euros.

Au 31 décembre 2014, ces annulations de dettes s'élevaient à 2,322 milliards d'euros. Compte tenu des annulations décidées en 2014 et qui auront des effets sur les années à venir, le plafond serait dépassé en 2016. Il est donc proposé de le relever à 3,850 milliards d'euros, afin de tenir compte des différences échéances déjà prévues.

Ce relèvement du plafond permettra à la France d'honorer ses engagements, nous vous proposons donc d'adopter cet article sans modification. Nous attirons tout de même votre attention sur le fait que ces annulations se traduiront par une diminution des recettes pour l'État.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je regrette que l'aide diminue fortement, passant de 0,5 % du RNB en 2010 à 0,36 % en 2014. Cette situation est paradoxale alors que nous faisons face à un problème migratoire majeur.

Le Président de la République annonce une augmentation des prêts aux pays pauvres, mais c'est d'ici 2020 ! Pour 2016, les crédits de la mission diminuent de 6,3 % par rapport à 2015. C'est la réalité des chiffres : ce budget est en baisse, alors même qu'il faut réaliser un effort. Je suis donc très réservé sur ce budget.

M. Henri de Raincourt , rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Je crois que les deux rapporteurs spéciaux comme le rapporteur général ont fait une présentation exacte de la situation. Ce budget est en retrait, mais le cheminement engagé à l'Assemblée nationale devrait permettre d'atteindre le niveau de l'année dernière. Je milite depuis longtemps en faveur d'une hausse sensible de l'aide publique au développement car c'est la paix de la planète pour les décennies à venir qui est en jeu. Je rappelle d'ailleurs que la population de l'Afrique devrait passer de un milliard à deux milliards d'ici 2050.

Par ailleurs, la taxe sur les transactions financières s'avère difficile à mettre en place, en particulier au niveau européen. La France est en avance sur ce sujet.

La commission des affaires étrangères ne s'orientera pas vers un rejet des crédits de cette mission.

Mme Hélène Conway-Mouret , rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Je préfère, comme Yvon Collin, considérer le verre à moitié plein. Bien sûr, il faut déplorer la baisse continuelle des crédits depuis 2010, mais se réjouir des amendements déposés à l'Assemblée nationale pour stabiliser ce budget. De plus, des progrès seront réalisés grâce à la COP 21. Il faut également noter l'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations, qui permettra de renforcer les fonds propres de l'agence.

M. Philippe Dallier . - Je souhaiterais revenir sur la taxe sur les billets d'avion, dont le produit est estimé à 230 millions d'euros en 2016. Air France en paie un peu plus du quart - c'est un coût faible, comparé à celui d'une grève des pilotes - mais où en sommes-nous aujourd'hui ? Sommes-nous le seul pays à l'avoir mise en place ?

M. Éric Bocquet . - On ne peut que regretter la baisse des crédits. Aider au développement des autres pays, c'est nous aider nous-mêmes.

Je note avec intérêt qu'il est fait référence à la lutte contre la fraude fiscale : une association comme le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre Solidaire) considère que pour un euro d'aide versé par les pays du Nord, ce sont dix euros qui s'échappent dans les paradis fiscaux : c'est le tonneau des Danaïdes !

Il est fait mention dans le rapport d'un projet, non abouti, de création d'un organisme fiscal intergouvernemental au sein de l'Organisation des Nations unies (ONU) : un tel organisme me paraît très pertinent et je souhaiterais savoir pourquoi le projet n'a pas abouti.

M. Richard Yung . - L'objectif de 0,7 % est fixé mondialement et l'un des tableaux du rapport met en évidence le fait que depuis 2000, la France a atteint au mieux 0,5 % : cet objectif est-il raisonnable ? Pouvons-nous véritablement l'atteindre ? Je ne suis pas obsédé par le 0,7 % : c'est un objectif des Nations unies, mais c'est un idéal platonicien.

Nous discutons ici de l'aide bilatérale, mais c'est une petite partie de l'ensemble des dispositifs d'aide. La France contribue aussi à la Banque africaine de développement, au fonds européen de développement et à la Banque européenne d'investissement qui se lance en Afrique.

En plus de ces dispositifs, il existe le « recyclage du remboursement de la dette », grâce aux contrats de désendettement et de développement (C2D) : le pays nous rembourse le prêt et nous remettons immédiatement l'argent à disposition. Pour la Côte-d'Ivoire, cela représente plus de 1,5 milliard d'euros par an. La principale difficulté, c'est la capacité d'absorption des pays.

Enfin, on a l'impression que les taxes affectées s'évaporent car il n'y en a qu'une partie qui finance le développement. Je considère d'ailleurs, avec d'autres, que la taxe sur les transactions financières doit plutôt constituer une ressource propre de l'Union européenne.

M. Vincent Delahaye . - L'article 48 me pose deux problèmes. On donne l'autorisation au ministre de dépenser un milliard d'euros, et je ne suis pas favorable à donner des autorisations supplémentaires, quel que soit le ministre.

On parle de remises de dette additionnelle pour une catégorie de pays, mais il s'agit en fait principalement de la Côte-d'Ivoire. J'aimerais que nous ayons un débat sur ce sujet : la Côte-d'Ivoire n'est pas le seul pays pauvre.

M. Michel Bouvard . - Le projet annuel de performances ne tient pas compte du rapprochement de l'Agence française de développement avec la Caisse des dépôts et consignations. Il faut pourtant qu'on y voie clair sur les conséquences de ce rapprochement pour la Caisse. Les propos de notre collègue Hélène Conway-Mouret sur l'augmentation des fonds propres de l'AFD ne me rassurent pas. Je rappelle que les fonds propres de la Caisse des dépôts sont alimentés par ses propres résultats, qu'ils permettent de faire des prêts et sont ainsi le support d'actions pour le développement territorial. On ne doit pas être dans une stratégie de bonneteau, où les fonds propres sont sous trois gobelets en même temps. Il faut y voir clair sur les conséquences, pour la Caisse, du rapprochement avec l'AFD, d'autant qu'il y a également la question des prêts à l'export avec la Banque publique d'investissement (BPI). Il faut que nous puissions étudier le modèle prudentiel et que nous auditionnions le président de la commission de surveillance et le directeur général.

M. Vincent Capo-Canellas . - Comme Philippe Dallier, j'aimerais revenir sur la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite « taxe Chirac ». Je ne remets pas en cause le bien-fondé de cette taxe, mais elle affecte la compétitivité du transport aérien français, qui rencontre actuellement de grandes difficultés. L'année dernière, une réflexion avait été menée, à l'initiative de notre collègue député Bruno Le Roux, afin de revoir l'assiette de cette taxe, mais ce sujet s'est évaporé depuis. Il y aurait certes d'autres façons de soutenir le transport aérien français, et j'essaierai de faire des propositions en ce sens lorsque je présenterai le budget de l'aviation civile. Mais je tiens à souligner que la ponction financière est importante, et que celle-ci repose en grande partie sur le transport aérien français en raison du faible nombre de pays contributeurs. Les problèmes de compétitivité que rencontre ce secteur s'en trouvent aggravés.

M. Gérard Longuet . - Je suis un peu frustré, car le document qui nous a été transmis mentionne de manière superficielle les bénéficiaires de l'aide française, alors que les sommes ne sont pas négligeables puisqu'elles dépassent les cinq milliards d'euros. Nous sommes contents de savoir que 45 % de l'aide française va à l'Afrique, dont 32 % à l'Afrique sub-saharienne, mais il ne serait pas inutile, compte tenu des sommes en jeu, de savoir quels sont les pays bénéficiaires, pour quels types d'opérations menées et avec quels types de résultats. Il en est de même s'agissant de l'aide multilatérale : il serait utile de savoir à quoi cette aide sert et en quoi elle contribue au développement des pays qui la reçoivent.

M. Jean-Claude Boulard . - Dans l'optique de disposer d'une vision la plus complète possible de l'ensemble des aides publiques au développement, il pourrait être intéressant de présenter en annexe de ce rapport le montant consolidé des aides décentralisées versées par les collectivités locales.

M. François Patriat . - Je trouve le réquisitoire de Fabienne Keller un peu manichéen. Ne pas voter les crédits de cette mission, c'est endosser une responsabilité qui n'a échappé à personne. On ne peut pas d'un côté se plaindre tous les jours que le budget général de l'État ne baisse pas et demander individuellement que les crédits de toutes les missions augmentent. Je sais bien qu'il s'agit d'une vieille pratique au Parlement, mais il y a un moment où le cynisme doit s'effacer devant la responsabilité.

M. Michel Berson . - Le mot est lâché !

M. François Patriat . - S'agissant de la lutte contre la fraude fiscale, qui est importante et nécessaire, et qui marque de la part de la France un effort qui doit être salué, je souhaite que cette action reste du ressort de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qu'elle ne soit pas transférée à l'Organisation des Nations unies (ONU), comme cela a pu être évoqué à un certain moment.

Mme Fabienne Keller , rapporteur spécial . - J'ai du mal à accepter le qualificatif utilisé à mon endroit par François Patriat.

Nous sommes à la veille de la COP 21, nous connaissons en Europe un afflux d'immigrés sans précédent, et nous sommes tous conscients que la solution de long-terme consiste à aider les pays du Sud à se développer. Nous discutons ici du budget qui met en oeuvre cette stratégie d'accompagnement des pays du Sud. Or, il s'agit du budget qui baisse le plus ! C'est cette incohérence que je souligne. Je crois qu'il faut envoyer un signal au Gouvernement, afin de ne pas sacrifier une nouvelle fois, comme c'est le cas depuis plusieurs années, les crédits de l'aide publique au développement. Après une dizaine d'années de tendance à la hausse, à l'issue de laquelle cette aide a atteint un montant égal à 0,5 % du revenu national brut (RNB), il se produit depuis quatre ans une nette inflexion.

J'en viens aux différentes questions qui ont été posées. Je remercie les rapporteurs pour avis Hélène Conway-Mouret et Henri de Raincourt pour leurs analyses et pour les travaux qu'ils ont réalisé sur l'aide publique au développement au sein de la commission des affaires étrangères. Ils sont peut-être plus diplomates que moi dans leur positionnement s'agissant du vote sur les crédits de cette mission. Henri de Raincourt a souligné, à juste titre, la croissance démographique attendue en Afrique. J'aime à dire qu'il y a des migrants « économiques » et qu'il y aura des migrants « climatiques » et des migrants « démographiques », en raison de la pression démographique africaine.

Philippe Dallier a souligné le poids que représente la taxe sur les billets d'avion pour le transport aérien, ce qui est juste puisqu'un quart de cette taxe est acquitté par Air France. Neuf pays adhèrent à ce dispositif, dont j'aimerais souligner les effets positifs : il a permis d'alimenter le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme avec efficacité. D'un autre côté, il est vrai que l'on peut regretter qu'il n'y ait que neuf pays contributeurs. Bien que la contribution par billet ne soit que de un euro pour un vol à l'intérieur de l'espace économique européen par exemple, il peut y avoir des « effets de bord », puisque cette taxe s'ajoute à d'autres charges comme les taxes d'aéroport. Dans notre précédent rapport, nous avions proposé que la COP 21 puisse être l'occasion d'un engagement de l'ensemble des pays sur la mise en place d'une taxe, à un niveau très faible, sur le carburant des avions et des bateaux, qui ne sont soumis actuellement à aucune fiscalité, avec l'idée de flécher les montants perçus vers des mesures d'adaptation au changement climatique.

Éric Bocquet a souligné, à juste titre, la question des migrants. S'agissant de la lutte contre la fraude fiscal, les pays du Sud ont exprimé le souhait, lors de la conférence d'Addis-Abeba, de traiter cette question à un niveau mondial afin de lutter contre un phénomène qui leur coût chaque année 100 milliards d'euros, mais les pays développés ont préféré rester dans le cadre de l'OCDE.

Richard Yung a posé une question relative au périmètre de la mission « Aide publique au développement ». Celle-ci comprend également les contributions de la France aux organisations internationales et donc à l'aide multilatérale. Il s'agit en particulier de la contribution à des fonds multilatéraux comme le guichet concessionnel de la Banque mondiale, des contributions volontaires à l'ONU ou de l'aide communautaire. Ces aides sont donc bien inclues dans le périmètre dont nous discutons aujourd'hui et dont l'évolution est négative. Certaines annulations de dettes ne transitent pas par le budget, c'est d'ailleurs l'objet de l'article 48 rattaché à la mission.

La part des taxes sur les billets d'avion et sur les transactions financières qui ne bénéficient pas au développement abondent le budget général ; 15 % seulement de la taxe sur les transactions financières bénéficie aux pays du sud.

Vincent Delahaye a souligné qu'il s'opposait au relèvement du plafond d'autorisation d'annulations de dettes aux pays pauvres très endettés. Je voudrais lui rappeler qu'il s'agit d'honorer les engagements pris en 2001 à Yaoundé d'annuler la totalité des créances résiduelles d'APD sur les pays ayant bénéficié de l'initiative PPTE. La Côte-d'Ivoire est effectivement le principal pays concerné par les annulations à venir, mais il n'est pas le seul à avoir bénéficié de cet engagement. Ces annulations se font dans le cadre des C2D, ce qui oblige ces pays à flécher les montants annulés vers des actions de développement.

Michel Bouvard a indiqué que le rapport ne développait pas suffisamment la question du rapprochement entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations. Ce projet, en cours d'élaboration, n'est pour l'instant pas très avancé. Le conseil d'administration de l'AFD n'a d'ailleurs pas été informé de ce rapprochement. Ce n'est que récemment que nous avons eu des informations, très succinctes au demeurant. L'objectif est de permettre à l'AFD de renforcer ses fonds propre afin d'accorder des prêts supplémentaires dans des pays où ses engagements ont déjà atteint le niveau maximum autorisé par les règles prudentielles, en particulier des pays du Maghreb.

Vincent Capo-Canellas a également soulevé le problème de la taxe sur les billets d'avion. On voit bien que lorsqu'une fiscalité n'est pas appliquée partout, elle peut poser des difficultés en termes de compétitivité.

Gérard Longuet a estimé que le rapport était relativement succinct s'agissant des bénéficiaires de l'aide publique au développement. Nous pourrons enrichir cette question-là dans le rapport définitif.

Jean-Claude Boulard a souligné l'importance de l'aide décentralisée. Nous sommes nombreux à partager l'idée qu'il s'agit en effet d'un levier important de coopération, qui s'inscrit dans la durée. L'AFD inclut d'ailleurs dans ses actions de coopération des financements complémentaires des collectivités. Ce sont souvent des moyens en personnel qui sont sollicités.

Yvon Collin et moi sommes des passionnés d'aide au développement, qui est une politique qui s'inscrit dans le long-terme. Or, compte tenu des pressions budgétaires à court terme, le budget de l'aide au développement est le budget le plus sacrifié. Nous souhaitons donc envoyer un signal au Gouvernement en lui demandant d'agir pour préserver l'avenir. C'est le moment ou jamais à quelques semaines de la COP 21.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Je voudrais remercier Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret de partager mon sentiment du « verre à moitié plein ». Nous aurions tous souhaité que ce budget soit meilleur, et que les crédits en direction des pays les plus défavorisés augmentent. Mais dans le contexte budgétaire actuel, il faudra savoir s'en contenter.

Pour répondre à Jean-Claude Boulard, l'aide apportée par les collectivités territoriales représente un montant de 53 millions d'euros. Cette aide n'est effectivement pas retracée dans le budget, qui concerne les crédits de l'État.

Gérard Longuet nous a interrogés sur l'utilité de l'aide au développement. Dans le cadre des travaux de contrôle menés pour la commission des finances, nous avons constaté que l'argent investi par la France pour l'aide au développement est bien utilisé, par exemple dans des opérations de développement des réseaux d'eau, de remise en état de rizières ou de scolarisation. Les agents de l'AFD sont des militants de la cause du développement et réalisent un travail formidable. Ils font en sorte que la traçabilité des aides accordées soit assurée. Je crois qu'il faut leur rendre hommage.

M. Gérard Longuet . - Cela m'intéresserait d'avoir ces informations.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Ceci dit, la culture de l'évaluation et du résultat doit nous habiter. C'est d'ailleurs le discours que je tiens continuellement auprès de l'AFD en tant qu'administrateur.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », et l'adoption, sans modification, de l'article rattaché 48.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen définitif de la mission « Aide publique au développement », du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et de l'article rattaché 48.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous avons rejeté les crédits de la mission et du compte spécial et adopté sans modification l'article 48. Après avoir majoré les crédits de la mission de 50 millions d'euros en première délibération, l'Assemblée nationale les a diminués de 162 millions d'euros en seconde délibération.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Cette mission est celle dont les crédits ont connu la plus forte baisse dans le projet de loi initial : - 6,7 %. Après leur avoir affecté 25 % de la taxe sur les transactions financières (TTF), l'Assemblée nationale les a de nouveau rabotés, en seconde délibération. Au total, les moyens alloués seraient en légère hausse par rapport à 2015, au même niveau qu'en 2014, mais ils ne retrouveraient pas le niveau de 2013. Après trois années consécutives de baisse, l'aide publique au développement est à 0,37 % du RNB, ce qui ne suffira pas pour mettre en oeuvre les annonces du Président de la République sur la COP 21 et sur le soutien au développement, indispensable pour alléger la pression migratoire. Je vous propose de confirmer notre décision de rejeter les crédits de la mission.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le sujet des migrants pèse dans le contexte actuel. Je confirmerai mon vote de rejet.

À l'issue de ce débat, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », et l'adoption, sans modification, de l'article rattaché 48.


* 1 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 2 Fabienne Keller et Yvon Collin, Financements climat : n'oublions pas les pays les plus pauvres , rapport d'information n° 713 (2014-2015), 30 septembre 2015.

* 3 Taux de change euro / dollar de la Banque de France pour 2014.

* 4 Le chiffre indiqué par le Gouvernement (0,37 %) diffère légèrement de celui de l'OCDE (0,36 %).

* 5 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 6 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 7 Les bonifications de prêts en outre-mer ne correspondent pas à de l'aide publique au développement et relèvent, depuis 2010, de la mission « Outre-mer » (les CP correspondent exclusivement à des engagements antérieurs).

* 8 Article 3 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

Page mise à jour le

Partager cette page