CHAPITRE III
Dispositions améliorant
la lutte contre les infractions
en matière d'armes et contre la cybercriminalité

Les articles 7, 8, 9 et 10 ont pour objet d'améliorer le cadre juridique réprimant les infractions relatives aux armes :

- l'article 7 vise à aligner certaines dispositions applicables aux armes de catégorie B et C aux armes de catégorie D ;

- les articles 8 et 10 autorisent la technique particulière d'enquête du « coup d'achat » pour caractériser les infractions liées aux armes relevant du champ de la délinquance organisée, au bénéfice des forces de l'ordre (art. 8) et des agents des douanes (art. 10), ces derniers étant par ailleurs autorisés à recourir à la technique de l'infiltration pour caractériser les infractions en matière d'armes (art. 10). Par ailleurs, l'article 8 élargit le champ des infractions relatives aux armes pouvant faire l'objet du régime procédural de la délinquance organisée en supprimant la condition de la commission de ces infractions en bande organisée . Enfin, l'article 8 étend le périmètre du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

- l' article 9 a pour objet de renforcer les dispositions réprimant les manquements à la législation des armes relevant des catégories A et B, qui sont les armes les plus dangereuses.

Article 7 (art. L. 312-3, L. 312-3-1 [nouveau], L. 312-4, L. 312-4-1 et L. 312-16 du code de la sécurité intérieure) - Interdiction d'acquisition et de détention d'armes

Le présent article a pour objet de modifier les dispositions pénales relatives aux armes de catégorie B, C et D, en étendant à cette dernière catégorie certains mécanismes aujourd'hui applicables aux seules armes de catégorie B et C . Par ailleurs, cet article crée une procédure administrative nouvelle au bénéfice du représentant de l'État dans le département, lui permettant de prononcer préventivement une interdiction de détention d'arme à l'égard de personnes signalées comme présentant un risque pour elle ou pour autrui.


Une classification et un régime de détention des armes simplifiés en 2012

Jusqu'à la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, la classification des armes résultait d'une stratification de textes, parfois très anciens.

Il en découlait un ensemble sans cohérence et illisible, dans la mesure où la classification antérieure à la loi du 6 mars 2012 se caractérisait par l'existence de critères différents, liés à la finalité des armes ou à leur dangerosité, comme l'avait alors constaté notre collègue M. Antoine Lefèvre 127 ( * ) .

La classification des armes repose désormais sur leur seule dangerosité.

Celles-ci sont classées en quatre catégories principales , obéissant à des régimes administratifs différents (art. L. 312-1 à L. 312-6 du code de la sécurité intérieure).

Classement actuel des armes
(art. L. 311-2 du code de la sécurité intérieure)

- Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions de l'article L. 2336-1, subdivisée en deux sous-catégories :

- A1 : les armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve d'exceptions très limitées prévues à l'article L. 312-2 128 ( * ) ;

- A2 : les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ;

- Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention ;

- Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention ;

- Catégorie D : armes soumises à enregistrement et armes et matériels dont l'acquisition et la détention sont libres.

Les armes de catégorie A font l'objet d'une interdiction de principe d'acquisition et de détention par les particuliers, sauf exceptions :

- pour certains fonctionnaires et agents publics de l'État relevant du ministère de l'intérieur, de l'administration des douanes et de l'administration pénitentiaire ou du ministère de la défense ;

- pour les besoins des films et spectacles : mais il s'agit d'armes neutralisées et de munitions, le cas échéant, à blanc ou inertes 129 ( * ) ;

- au titre de collections, au bénéfice de l'État, des collectivités territoriales, des personnes physiques et organismes d'intérêt général établissement d'enseignement et de formation 130 ( * ) ;

- au titre des essais industriels, pour les entreprises qui testent ces armes ou effectuent des tests de résistance 131 ( * ) ;

- pour les experts judiciaires qui ne doivent toutefois disposer que d'un exemplaire de chaque arme et 10 000 cartouches tous exemplaires confondus 132 ( * ) .

Les armes de catégorie B, C ou D sont soumises à un régime d'acquisition et de détention retracé par le tableau ci-dessous.

Conditions applicables à la délivrance d'une arme de catégorie B, C ou D

Catégorie B

Catégorie C

Catégorie D

Bulletin n° 2 du casier judiciaire exempt d'une condamnation de la liste de l'article L. 312-3 (L. 312-3 1°)

Oui

Oui

Non

Détention et acquisition libres sous réserves d'obligations particulières définies par décret (art. L. 312-4-2) : R. 312-52 à R. 312.58. Par exemple, présentation d'une licence de tir ou de chasse pour l'acquisition de certaines armes relevant de la catégorie D.

Ne pas se signaler par un comportement dangereux (L. 313-3 2°)

Oui

Oui

Non

Copie d'une licence de chasse en cours de validité (L. 312-4-1)

Sans objet

Oui

En fonction de l'arme

Copie d'une licence de tir en cours de validité (L. 312-4)

Oui

Oui

En fonction de l'arme

Copie d'une carte de collectionneur d'arme

Sans objet

Oui
(L. 312-4-1 3°)

Non

Certificat médical datant de moins d'un mois circonstancié attestant d'un état de santé physique et psychique compatible (art. L. 312-4)

Oui : cumulatif avec la production d'une licence de tir en cours de validité

Oui (L. 312-5) : alternative à la production d'une licence de tir ou de chasse ou d'une carte de collectionneur. Toutefois, l'article R. 312-53 prévoit un principe inverse cumulatif .

Non

Établissement d'une déclaration par l'armurier ou par le détenteur de l'arme dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (art. L. 312-4-1)

Non

Oui

Non

Dispositions réglementaires (art. R. 312-2 à R. 312-4 du code de la sécurité intérieure : pièces justificatives, descriptifs, etc.)

Oui

Oui

Oui

Source : commission des lois du Sénat

La différence entre le régime d'acquisition et de détention d'une arme de catégorie B et d'une arme de la catégorie C est limitée : en effet, si la fourniture d'un certificat médical semble pour les armes de catégorie C une alternative à la fourniture d'une licence de tir ou d'un permis de chasse, l'article R. 312-53 du code de la sécurité intérieure prévoit au contraire que ces deux conditions sont cumulatives comme tel est le cas pour les armes de catégorie B.

Dans certains cas, des armes de catégorie B et leurs munitions peuvent être détenues en application de dispositions réglementaires : pour certaines activités de sécurité privée (art. R. 312-37), en cas de risque pesant sur la personne en raison de l'exercice de sa profession (R. 312-39), etc.

En tout état de cause, la détention d'une arme ou de munitions de catégorie B est subordonnée à la présentation de la copie d'une licence de tir en cours de validité (art. L. 312-4), même en cas de motif autre que sportif.

En raison des risques d'atteintes à l'ordre public présentés par la détention d'armes ou de munitions, le représentant de l'État dispose de deux instruments lui permettant de faire cesser ce risque :

- la remise de l'arme ou des munitions en application des articles L. 312-7 et suivants du code de la sécurité intérieure, qui autorise le préfet à ordonner à une personne présentant un risque pour elle-même ou pour autrui, en raison de son comportement ou de son état de santé , de lui remettre l'arme ou les munitions qu'elle détient. En cas de refus, le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie peut saisir les armes et munitions au domicile de la personne concernée, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD), entre 6 heures et 21 heures. Pendant une durée d'un an à compter de cette remise, la personne peut présenter des observations, le préfet décidant ensuite de restituer ou de saisir définitivement les armes et munitions, qui sont alors vendues, le produit étant reversé à la personne ayant fait l'objet de la mesure ;

- le dessaisissement d'une arme ou de munitions : en application des articles L. 312-11 et suivants du code de la sécurité intérieure, pour des raisons d'ordre public ou pour la sécurité des personnes, le préfet peut ordonner à tout détenteur d'une arme de catégorie B ou C de s'en dessaisir. La procédure est en principe contradictoire, sauf urgence. En cas de refus du détenteur, la procédure est semblable à celle de la remise de l'arme : la saisie est effectuée sous le contrôle du JLD. En revanche, dans ce cadre, la remise de l'arme ne fait pas l'objet d'une indemnisation 133 ( * ) .

Les personnes ayant fait l'objet de ces mesures sont inscrites au fichier nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA), en application de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure. Elles ont interdiction d'acquérir des armes ou des munitions de toutes catégories, le préfet pouvant limiter cette interdiction à certaines catégories d'armes 134 ( * ) .

Le fichier nominatif des personnes interdites d'acquisition
et de détention d'armes

Le FINIADA a été créé en 2011. Défini à l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure, il a pour objet de recenser les personnes interdites de détention et d'acquisition d'armes et de munition.

Outre les personnes ayant fait l'objet d'une des procédures précitées de remise ou de dessaisissement, le fichier mentionne également les personnes condamnées à une peine d'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ou condamnées à la confiscation d'une ou de plusieurs armes.

Ce fichier est placé sous la responsabilité du ministère de l'intérieur.

Seuls les agents du ministère de l'intérieur relevant de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) individuellement désignés et spécialement habilités et les agents des services préfectoraux chargés de l'application de la réglementation relative aux armes, également désignés individuellement et spécialement habilités, ont accès au fichier 135 ( * ) . Il existe en outre un mécanisme d'accès sur requête individuelle pour obtenir le statut d'une personne notamment pour les armuriers, l'Office national des forêts ou les fédérations de tir sportif (art. R. 312-81).

Les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale mentionnée à l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure ont également l'interdiction d'acquérir ou de détenir une arme. Le FINIADA ne vise toutefois pas les personnes faisant l'objet de ces mesures.

Liste des condamnations interdisant à une personne ayant été condamnée
au titre de l'une d'entre elles d'acquérir et de disposer d'une arme

- Meurtre, assassinat ou empoisonnement ( art. 221-1 et suivants du code pénal)

- Tortures et actes de barbarie ( art. 222-1 et suivants du code pénal)

- Violences volontaires ( art. 222-7 et suivants du code pénal)

- Menaces d'atteinte aux personnes (art. 222-17 et suivants du code pénal)

- Viol et agressions sexuelles (art. 222-22 et suivants du code pénal)

- Exhibition sexuelle ( art. 222-32 du code pénal)

- Harcèlement sexuel ( art. 222-33 du code pénal)

- Harcèlement moral ( art. 222-33-2 et 222-33-2-1 du code pénal)

- Enregistrement et diffusion d'images de violence ( art. 222-33-3 du code pénal)

- Trafic de stupéfiants ( art. 222-34 et suivants du code pénal)

- Enlèvement et séquestration ( art. 224-1 et suivants du code pénal)

- Détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ( art.  224-6 et suivants du code pénal)

- Traite des êtres humains ( art. 225-4-1 et suivants du code pénal)

- Proxénétisme et infractions qui en résultent ( art. 225-5 et suivants du code pénal)

- Recours à la prostitution des mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables ( art. 225-12-1 et suivants du code pénal)

- Exploitation de la mendicité ( art. 225-12-5 et suivants du code pénal)

- Vols ( art. 311-1 et suivants du code pénal)

- Extorsions ( art. 312-1 et suivants du code pénal)

- Recel de vol ou d'extorsion ( art. 321-1 et suivants du code pénal)

- Destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes ( art. 322-5 et suivants du code pénal)

- Menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et fausses alertes ( art. 322-12 et 322-14 du code pénal)

- Blanchiment (art. 324-1 et suivants du code pénal)

- Participation à un attroupement en étant porteur d'une arme ou provocation directe à un attroupement armé ( art. 431-5 et 431-6 du code pénal)

- Participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d'une arme ( art. 431-10 du code pénal)

- Intrusion dans un établissement d'enseignement scolaire par une personne porteuse d'une arme ( art. 431-24 et 431-25 du code pénal) ;

- Introduction d'armes dans un établissement scolaire ( art. 431-28 du code pénal)

- Rébellion armée et rébellion armée en réunion ( art. 433-8 du code pénal) ;

- Destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes (art. 322-1 et suivants du code pénal commises en état de récidive légale)

- Fabrication ou commerce des matériels de guerre ou d'armes ou de munitions de défense sans autorisation ( art. L. 2339-2, L. 2339-3 et L. 2339-4 du code de la défense ainsi que par les articles L. 317-1-1 , L. 317-2 et L. 317-3-1 du code de la sécurité intérieure)

- Acquisition, cession ou détention, sans autorisation, d'une ou plusieurs armes ou matériels des catégories A, B, C ou d'armes de catégorie D mentionnées à l'article L. 312-4-2 ou de leurs munitions ( art. L. 317-4 , L. 317-5, L. 317-6 et L. 317-7) ;

- Port, transport et expéditions d'armes des catégories A, B, C ou d'armes de la catégorie D soumises à enregistrement sans motif légitime ( art. L. 317-8 et L. 317-9 )

- Importation sans autorisation des matériels des catégories A, B, C ou d'armes de la catégorie D énumérées par un décret en Conseil d'État ( art. L. 2339-10 et L. 2339-11 du code de la défense)

- Fabrication, vente, exportation, sans autorisation, d'un engin ou produit explosif ou incendiaire, port ou transport d'artifices non détonants ( art. L. 2353-4 à L. 2353-13 du code de la défense)


Des modifications ponctuelles apportées au régime de détention des armes de catégorie B, C et D, la création d'une procédure d'interdiction d'acquisition d'arme et une extension du FINIADA opérées par le texte

En premier lieu, le présent article opère plusieurs modifications du code de la sécurité intérieure afin de durcir les conditions d'acquisition et de détention des armes de catégorie D , en les alignant sur les conditions prévues pour les armes de catégorie B et C.

Ainsi, le présent article étend l'obligation de disposer d'un casier judiciaire exempt d'une condamnation de la liste de l'article L. 312-3 pour acquérir une arme de catégorie D .

Par ailleurs, l'ambiguïté relative aux conditions d'autorisation de détention ou d'acquisition d'une arme de catégorie C relative à la présentation alternative d'un certificat médical ou d'une licence de tir sportif ou de permis de chasse serait levée. La présentation de ces deux documents serait désormais exigée pour obtenir l'autorisation . Toutefois, une exception serait prévue pour les armes les moins dangereuses de cette catégorie.

Enfin, l'obligation de présenter systématiquement une licence de tir en cours de validité pour acquérir ou détenir une arme de catégorie B serait supprimée pour ne plus l'imposer qu'en cas de demande d'une arme pour un motif de tir sportif.

En second lieu, le présent article a également pour objet de compléter les pouvoirs du préfet, en lui permettant d'interdire préventivement l'acquisition ou la détention d'arme de catégorie B, C et D à une personne dont le comportement est dangereux pour elle-même ou pour autrui (art. L. 312-3-1 nouveau du code de la sécurité intérieure).

Enfin, le présent article étend le champ d'application du FINIADA .

Ainsi ce fichier porterait également mention des personnes interdites de détention et d'acquisition d'armes en raison d'une condamnation judiciaire dont la liste est fixée à l'article L. 312-3 précité.

Dans la mesure où la finalité du fichier est « la mise en oeuvre et le suivi, au niveau national, des interdictions d'acquisition, de détention, de port et de la confiscation des armes » et que la condamnation à une des infractions fixée par l'article L. 312-3 est un tel motif d'interdiction, l'extension proposée se justifie.

D'autre part, les personnes ayant fait l'objet de la nouvelle procédure d' interdiction préventive de détention d'armes par le préfet seraient également intégrées au fichier.


La position de votre commission : actualiser la rédaction de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure interdisant l'acquisition et la détention d'armes au titre de certaines condamnations

Les modifications proposées des régimes d'acquisition et de détention des armes de catégorie B et C sont bienvenues : elles lèvent un certain nombre d'ambiguïtés.

Toutefois, l'extension des dispositions relatives à l'interdiction de détention d'une arme de catégorie B ou C aux armes de catégorie D pose une difficulté. En effet, cette dernière regroupe en réalité deux catégories d'armes : celles soumises à enregistrement , en raison de leur dangerosité, et celles n'étant soumises à aucune formalité . En raison de la disproportion manifeste qu'il y aurait à interdire toute détention ou acquisition d'une arme de catégorie D non soumise à enregistrement, votre commission a adopté un amendement COM-88 de son rapporteur limitant aux armes de catégorie D soumises à enregistrement les modifications prévues par le présent article.

En outre, les cas d'interdiction d'acquisition ou de détention des armes de catégorie B et C - et à terme de catégorie D soumises à enregistrement, au regard du présent article - en cas de condamnation judiciaire , nécessitent d'être actualisés. En effet, de manière surprenante, les condamnations pour terrorisme ou pour association de malfaiteurs, par exemple, ne figurent pas au nombre des condamnations judiciaires interdisant d'acquérir ou de détenir une arme.

En conséquence, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-88 opérant une réécriture et une mise à jour des condamnations justifiant une telle interdiction, afin d'y inclure les infractions suivantes :

- administration de substances nuisibles (art. 222-15) ;

- exploitation de la vente à la sauvette (art. 225-12-8) ;

- travail forcé (art. 225-14-1) ;

- réduction en servitude (art. 225-14-2) ;

- embuscade (art. 222-15-1) ;

- destruction, dégradations et détérioration d'un bien (art. 322-1) ;

- diffusion de procédés pour fabriquer des engins incendiaires ou explosifs (art. 322-6-1) et transport, sans motif légitime, d'explosifs ou d'éléments entrant dans la composition d'explosifs (art. 322-11-1 du code pénal) ;

- actes de terrorisme (art. 421-1 et suivants du code pénal) ;

- entrave à l'exercice des libertés d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation (art. 431-1 du code pénal) ;

- participation à un groupe de combat interdit (art. 431-13 et suivants du code pénal) ;

- association de malfaiteurs (art. 450-1 du code pénal) ;

- demande de fonds sous contrainte (art. 312-12-1) ;

- par coordination, les infractions nouvelles relatives aux armes créées à l'article 222-52 à 222-62 du code pénal 136 ( * ) ;

- l'évasion (art. 434-30 du code pénal).

Enfin, trois a mendements rédactionnels ou de coordination COM-89, COM-90 et COM-91 ont été adoptés.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 8 (art. 706-55 du code de procédure pénale) - Inclusion des infractions liées aux armes dans le champ du fichier national automatisé des empreintes génétiques

Initialement, cet article présentait deux objets principaux distincts : en premier lieu, il visait à élargir le champ des infractions intégrées au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), pour y actualiser les références relatives aux infractions ayant trait aux armes ; en second lieu, il avait pour objet de modifier le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale définissant les infractions relevant de la criminalité organisée , pour les infractions liées aux armes, permettant donc la mise en oeuvre de techniques spéciales d'enquête.

Enfin, le présent article autorise une technique nouvelle d'enquête au bénéfice des forces de l'ordre leur permettant d'acquérir des armes ou de fournir des moyens logistiques aux auteurs d'infractions, sans être pénalement responsables (technique dite du « coup d'achat »). À cet égard, les agents des douanes bénéficieraient également de cette facilité, à l'article 10 du présent projet de loi.

Au regard du caractère distinct de ces deux mesures et pour plus de clarté, votre commission a adopté un amendement COM-92 de son rapporteur supprimant les dispositions relatives à la criminalité organisée et à la nouvelle technique de coup d'achat en matière d'infractions relatives aux armes, afin de les insérer, par un amendement COM-93 de son rapporteur, au sein d'un article additionnel 8 bis .

Dans la nouvelle rédaction proposée par votre commission, le présent article a donc pour seul objet d'actualiser la liste des infractions relatives aux armes relevant du FNAEG.

Ce fichier, créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs 137 ( * ) et régi par l'article 706-54 du code de procédure pénale, comporte les empreintes génétiques et les traces biologiques des personnes condamnées ou mises en cause pour une des infractions mentionnées à l'article 706-55.

Ce fichier était initialement réservé aux seules infractions sexuelles, mais son champ d'application a été progressivement étendu à de nombreuses autres infractions : les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, les crimes et délits relatifs aux vols, extorsions et atteintes aux biens, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, en particulier les actes de terrorisme, ainsi que les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l'une des infractions précitées.

En particulier, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a étendu le champ de ce fichier à certaines infractions relatives aux armes définies par le code de la défense (art. 706-55 5° du code de procédure pénale).

Sont également recueillies dans le fichier les empreintes génétiques à l'occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une disparition ainsi que pour identifier les personnes décédées dont l'identité n'a pas pu être établie.

Le profil génétique d'une personne soupçonnée d'avoir commis une des infractions de l'article 706-55 peut être rapproché des empreintes contenues dans le fichier, mais les données de cette personne ne sont pas incluses dans le fichier, contrairement aux mis en causes.

Enfin, les empreintes génétiques des personnes poursuivies pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale sont également conservées dans ce fichier.

L'article 706-56 prévoit les modalités de recueil de l'empreinte génétique. Il incrimine le refus de se soumettre au prélèvement ou le fait d'avoir substitué ou tenté de substituer des éléments d'empreinte génétique d'une autre personne à l'occasion du prélèvement.

La constitutionnalité de ce fichier a été contestée, à l'occasion d'une QPC, au motif notamment que son champ était trop étendu mais le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées étaient constitutionnelles, dans la mesure où toutes les infractions concernées par le fichier « portent atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, incriminent des faits en permettant la commission ou ceux qui en tirent bénéfice (...) qu'il en résulte que la liste prévue par l'article 706-55 est en adéquation avec l'objectif poursuivi par le législateur et que cet article ne soumet pas les intéressés à une rigueur qui ne serait pas nécessaire et ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués » 138 ( * ) .

Au 1 er septembre 2013, le FNAEG contient les profils génétiques de 2 547 499 individus, dont 1 911 675 personnes mises en causes, 430 298 personnes condamnées et 149 097 traces non identifiées 139 ( * ) .

La liste des infractions relatives aux armes prévues par le FNAEG est toutefois incomplète : en particulier, les importantes modifications intervenues dans le code de la défense et dans le code de la sécurité intérieure, à la suite notamment de l'adoption de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif 140 ( * ) n'ont pas été prises en compte ( Voir le commentaire de l'article 7 ).

En matière d'infractions relatives aux armes, le 5° de l'article 706-55 ne prévoit en effet que les infractions présentes dans le code de la défense, en particulier la fabrication d'engins explosifs (art. L. 2353-4), la fabrication d'armes ou de munitions sans autorisation (art. L. 2339-2), les violations des obligations des importateurs ou exportateurs d'armes (art. L. 2339-10 et suivants).

Certains des articles du code de la défense renvoient en outre de manière générale au code de la sécurité intérieure, ce qui crée des difficultés de lisibilité de ces dispositions.

En outre, des articles L. 2339-11-1 et L. 2339-11-2 ont été créés dans le code de la défense postérieurement à la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure précitée, afin de prévoir des sanctions pénales en cas d'importation et d'exportation de matériels de guerre et n'entrent pas dans le périmètre du FNAEG.

Ainsi, le projet de loi de ratification des ordonnances relatives à l'établissement du code de la sécurité intérieure n° 1378 141 ( * ) , déposé à l'Assemblée nationale le 18 septembre 2013, mais jamais adopté, prévoyait à son article 10 de modifier l'article 706-55 du code de procédure pénale, afin d'actualiser la liste des infractions susceptibles d'être intégrées dans le FNAEG . L'étude d'impact du projet de loi de ratification précise que la CNIL a été préalablement consultée sur l'extension du champ de ce fichier et qu'elle a émis un avis favorable aux modifications proposées 142 ( * ) .

Le présent article reprend donc les dispositions de l'article 10 du projet de loi de ratification précité en opérant une actualisation des références du code de la défense et du code de la sécurité intérieure.

Seraient ainsi visés les articles L. 2339-11-1 et L. 2339-11-2 du code de la défense, relatifs aux violations d'obligations en matière d'exportation d'armes ou de la tenue des registres, l'article L. 2353-4 pénalisant la fabrication d'engin explosif et l'article L. 2353-13 sanctionnant l'acquisition, la détention, le transport ou le port illégal de produits explosifs ou d'engins explosifs du code de la défense. En outre, les articles du code de la défense opérant des renvois vers le code de la sécurité intérieure figurant actuellement à l'article 706-55 seraient supprimés et remplacés par les références aux articles L. 317-1-1 à L. 317-9 et L. 317-9-2 du code de la sécurité intérieure, c'est-à-dire l'ensemble des infractions relatives aux armes du code de la sécurité intérieure .

La modification du périmètre du FNAEG proposée par le présent article est justifiée au regard de la gravité des infractions relatives aux armes , qui portent effectivement atteinte à la sécurité des personnes et des biens.

En cohérence avec les modifications adoptées à l'article 9 du présent projet de loi, consistant à intégrer un certain nombre d'infractions relatives aux armes de catégorie A et B dans le code pénal, votre commission a adopté un amendement COM-92 prenant en compte ces modifications, en les ajoutant à la liste des infractions visées par le 5° de l'article 706-55.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 8 bis (nouveau) (art.  706-73 et 706-106-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Élargissement des infractions liées aux armes dans le champ de la criminalité organisée et autorisation de la technique du « coup d'achat » en matière de trafic d'armes

Cet article, inséré par votre commission par un amendement COM-94 de votre rapporteur, a pour objet de créer un article distinct relatif à l'intégration des délits relatifs aux armes dans le champ de la criminalité organisée et à la création d'une technique d'enquête permettant aux forces de l'ordre de procéder à des « coups d'achat » d'armes , afin de faciliter le constat des infractions relatives aux armes.

1.- L'élargissement des infractions relatives aux armes relevant de la criminalité organisée

Le régime procédural applicable à la criminalité organisée, définie aux article 706-73 et suivants du code de procédure pénale présente plusieurs spécificités : un régime de garantie des droits moins favorable , en particulier en matière de durée de la garde à vue, qui peut durer jusqu'à quatre-vingt-seize heures (art. 706-88), le recours à des techniques spéciales d'enquête , comme l'enquête sous pseudonyme (706-87-1), l'infiltration (art. 706-81 à 706-87), les perquisitions en dehors des heures légales (art. 706-91), les interceptions judiciaires (art. 706-95), l'intrusion informatique (art. 706-102-1), etc.

En l'état du droit, les infractions relatives aux armes entrant dans le champ de la criminalité organisée concernent la fabrication et le commerce d'arme sans l'autorisation de l'État (art. L. 2339-2), les infractions relatives au non-signalement de découverte ou d'invention de mécanisme par une entreprise ayant déposé un brevet en ce sens (art. L. 2332-6 par renvoi de l'article L. 2339-3), le fait de ne pas signaler les commandes de matériels de guerre non destinés à l'exportation et n'ayant pas été effectuées par l'État (art. L. 2332-10 par renvoi de l'article L. 2332-4), le non-respect de l'obligation de coopérer avec les agents publics chargés des contrôles (art. L. 2339-1, par renvoi de l'article L. 2339-3), la mise au point, la fabrication ou la détention d'armes microbiologiques (art. L. 2341-1, par renvoi de l'article L. 2341-4) ou le financement de l'achat de ce type d'arme (art. L. 2341-2, par renvoi de l'article L. 2341-4), la fabrication d'engins explosifs ou de substance entrant dans sa composition (art. L. 2353-4), la production, l'importation ou l'exportation d'explosifs sans agrément ou autorisation (art. L. 2352-1, par renvoi de l'article L.2353-5).

En outre, plusieurs infractions définies par le code de la sécurité intérieure entrent dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale : les infractions liées à l'achat d'armes par des particuliers dans des ventes publiques sans être autorisé à les détenir (art. L. 312-5 du code de la sécurité intérieure, par renvoi de l'article L. 317-2), le non-respect de l'obligation de coopérer avec les agents publics chargés des contrôles (art. L. 317-1 par renvoi de l'article L. 317-2), le fait de vendre au détail des matériels de guerre ou des armes en violation des prescriptions légales (art. L. 317-2), le fait de vendre ou de céder des armes à un mineur en dehors des cas autorisés (art. L. 317-2) ou le fait de détenir un dépôt d'armes ou de munitions de catégorie A, B ou D (art. L. 317-7).

Toutes ces infractions doivent avoir été commises en bande organisée pour entrer dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale.

Le présent article ne modifie que très marginalement la liste des infractions susceptibles de relever du champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale, en y ajoutant simplement l'infraction relative au fait de porter ou de transporter des matériels de guerre ou des armes sans motif légitime relevant des catégories A et B (art. L. 317-8 1° du code de la sécurité intérieure).

En revanche, la modification majeure apportée par le présent article consiste à supprimer la condition selon laquelle les infractions en cause doivent être commises en bande organisée .

Il peut être observé que pour quelques infractions relevant de l'article 706-73, la condition qu'elles aient été commises en bande organisée n'est pas imposée, notamment l'infraction de contrefaçon monétaire (art. 442-1), le blanchiment (art. 324-1 et 324-2 du code pénal) ou le recel (art. 321-1 du code pénal).

Lors de l'examen de la loi Perben II du 2 mars 2004, qui a créé le mécanisme dérogatoire de l'article 706-73 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a constaté que les infractions établies par l'article 706-73 du code de procédure pénale « sont susceptibles, pour la plupart, de porter une atteinte grave à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes 143 ( * ) » et que cet élément justifiait que la procédure spéciale de l'article 706-73 du code de procédure pénale s'applique. Ainsi, dans la même décision, le Conseil constitutionnel a émis deux réserves d'interprétation, pour le vol et pour l'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France commis en bande organisée en considérant que ces délits ne relèvent de la délinquance organisée que « s'il[s] présente[ent] des éléments de gravité suffisants pour justifier les mesures dérogatoires en matière de procédure pénale 144 ( * ) ». Dans le cas contraire, le Conseil constitutionnel souligne que « ces procédures spéciales imposeraient une rigueur non nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration de 1789 ; qu'il appartiendra à l'autorité judiciaire d'apprécier l'existence de tels éléments de gravité dans le cadre de l'application de la loi » 145 ( * ) .

Dans sa décision 2014-420/421 QPC, le Conseil constitutionnel a rappelé que dans le cadre de la fixation du champ d'application pénale, le législateur doit « éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions 146 ( * ) ». Il a ainsi considéré que le délit d'escroquerie , qui est un délit commis contre les biens, « même lorsqu'il est commis en bande organisée (...) n'est pas susceptible de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ; qu'en permettant de recourir à la garde à vue selon les modalités fixées par l'article 706-88 du code de procédure pénale au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ce délit, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi 147 ( * ) ». Il a donc jugé que la disposition déférée était contraire à la Constitution.

Il ressort de ces décisions que le critère retenu pour intégrer des infractions dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale est moins un critère de commission en bande organisée 148 ( * ) que le fait que les délits considérés portent atteinte « en [eux]-même[s] à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ».

Dès lors, la suppression de la condition de bande organisée se justifie pour les infractions en matière d'armes ou d'explosifs, qui portent effectivement atteinte à la sécurité ou à la vie des personnes, même lorsqu'elles ne sont pas commises en bande organisée.

En cohérence avec les modifications intervenues à l'article 9 du présent projet de loi, la liste des infractions a été complétée par celles relatives aux armes de catégorie A et B intégrées dans le code pénal par un amendement COM-95 de votre rapporteur 149 ( * ) .

Cet amendement ajoute en outre à l'article 706-73 du code de procédure pénale deux séries d'infractions :


• les infractions relatives à la suppression des marquages destinés à déterminer la traçabilité d'une arme
, quelle qu'en soit la catégorie (art. 222-55 nouveau du code pénal, reprenant l'article L. 317-7-1 du code de la sécurité intérieure), l'acquisition, la vente, le port et le transport d'armes dépourvues de marquage destinés à en assurer la traçabilité (art. 222-55-1 nouveau du code pénal, reprenant l'article L. 317-7-2 du code de la sécurité intérieure), la contrefaçon de poinçons d'épreuve ou l'utilisation frauduleuse de tels poinçons (art. 222-55-2 nouveau du code pénal, reprenant l'article L. 317-9-2 du code de la sécurité intérieure) ainsi que l'infraction nouvelle de constitution ou de reconstitution d'une arme , le fait de la modifier en lui faisant changer de catégorie et le fait de détenir en connaissance de cause, d'acquérir, de vendre, de livrer ou de transporter une arme ayant fait l'objet d'une modification destinée à faire obstacle à sa traçabilité (art. 222-55-3 nouveau du code pénal).

Votre rapporteur justifie cette extension en raison des difficultés particulières qui existent en matière de trafic d'armes pour démanteler les filières d'approvisionnement des armes ou des munitions et lutter ainsi efficacement en amont contre la criminalité organisée mais aussi contre le terrorisme.

L'altération des marquages des armes vise à empêcher de retrouver leur origine et entrave de ce fait la lutte contre le trafic d'armes. La difficulté liée au démantèlement de ces filières est en lien direct avec la mise en cause de la sécurité et la vie des personnes et justifie donc pleinement cette extension.

En outre, la remilitarisation d'armes neutralisées vise par essence à rendre à nouveau opérationnelles des armes dangereuses, relevant des catégories A et B ;


les infractions du code pénal relatives à la diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction (art. 322-6-1 du code pénal) et la détention ou le transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs ainsi que d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs (art. 322-11-1 du code pénal).

En effet, ces délits, dont les peines ont été alourdies par l'article 9 du présent projet de loi, présentent également des risques importants pour la sécurité et la vie des personnes, comme l'ont illustré les récents attentats. Par ailleurs, des délits relativement équivalents réprimés par le code de la défense figurent déjà dans la liste des infractions de l'article 706-73 du code de procédure pénale (art. L. 2353-4 et L. 2352-1 du code de la défense).

Extension du champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale

Actuel

Proposé par le texte

Adopté en commission

Commission de ces infractions en bande organisée

Suppression de la condition de commission de ces infractions en bande organisée

Suppression de la condition de commission de ces infractions en bande organisée

Code de la défense

L. 2339-2

L. 2339-2

L. 2339-2

L. 2339-3

L. 2339-3

L. 2339-3

L. 2339-10

L. 2339-10

L. 2339-10

L. 2341-4

L. 2341-4

L. 2341-4

L. 2353-4

L. 2353-4

L. 2353-4

L. 2353-5

L. 2353-5

L. 2353-5

Code de la sécurité intérieure

L. 317-2

L. 317-2

L. 317-2

L. 317-4

L. 317-4

Supprimé et remplacé par l'article 222-52 nouveau du code pénal : acquisition, détention ou cession d'arme de catégorie A ou B

L. 317-7

L. 317-7

Art. L. 317-7 (limité au dépôt d'armes de catégorie C ou D, dans la mesure où l'article 222-53 nouveau du code pénal crée une infraction spécifique pour les dépôts d'armes de catégorie A ou B).

L. 317-8

L. 317-8 1°

Supprimé et remplacé par l'article 222-54 nouveau du code pénal : port et transport d'armes de catégorie A ou B sans motif légitime hors de son domicile

Code pénal

L. 317-7

° L. 317-7

Dépôt d'arme de catégorie A ou B : art. 222-53 nouveau du code pénal

-

-

Supprimer, altérer les marquages destinés à garantir leur identification : art. 222-55 nouveau du code pénal

-

-

Acquisition, vente, livraison ou transport d'armes dépourvues de marquage destinés à garantir leur identification : art. L. 222-55-1 nouveau du code pénal

-

-

Contrefaçon de poinçon d'épreuve ou utilisation de poinçons contrefaits : art. 222-55-2 du code pénal

-

-

Constituer ou reconstituer des armes neutralisées, changer la catégorie d'arme ou détenir en connaissance de cause, acquérir, vendre, livrer ou transporter une arme ayant fait l'objet d'une modification destinée à en supprimer ou altérer le marquage :
art. 222-55-3 du code pénal

-

-

Diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction élaborés à partir de poudre ou de substances explosives, de matières nucléaires, biologiques ou chimiques, ou à partir de tout autre produit destiné à l'usage domestique, industriel ou agricole :
art. 322-6-1 du code pénal

-

-

Détention ou transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs ainsi que d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des infractions définies à l'article 322-6 ou d'atteintes aux personnes :
art. 322-11-1 du code pénal

2.- La création d'une technique spéciale de coup d'achat pour la répression du trafic d'armes

Le présent article vise également à créer une technique spéciale d'enquête particulière pour la répression des infractions relatives aux armes, permettant aux forces de l'ordre d'acquérir des armes ou de fournir une aide logistique aux personnes se livrant à l'achat d'armes , afin de permettre de caractériser une telle infraction, sans être pénalement responsables .

Le coup d'achat serait autorisé aux officiers de police judiciaire (OPJ) et aux agents de police judiciaire (APJ) placés sous leur autorité, avec autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction qui doit avoir averti préalablement le parquet.

L'autorisation doit être versée au dossier et selon un schéma classique, les actes commis par les enquêteurs ne doivent pas constituer une incitation à commettre l'infraction, selon le même équilibre que pour les cyber-patrouilles prévues à l'article 706-87-1 du code de procédure pénale.

Le dispositif proposé est inspiré de la technique du coup d'achat en matière de produits stupéfiants, autorisé par l'article 706-32 du code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Toutefois, le dispositif proposé par le présent article n'ouvre cette possibilité que pour les seules armes , alors même que les éléments d'armes - pour reconstituer une arme neutralisée -, les munitions ou les explosifs sont étroitement liés au trafic d'arme.

En conséquence, l' amendement COM-94 précité de votre rapporteur a complété le dispositif pour prévoir que le coup d'achat pouvait également avoir pour objet d'acheter des munitions, des éléments d'armes ainsi que des produits explosifs.

Votre commission a adopté l'article 8 bis ainsi rédigé .

Article 9 (art. 132-16-4-1 [nouveau], 222-52 à 222-67 [nouveaux], 322-6-1, 322-11-1, 421-1, 431-28 du code pénal, art. L. 2339-10, 2339-14, 2353-4 du code de la défense, L. 312-3, L. 317-4, L. 317-5, L. 317-7, L. 317-7-1 à L. 317-7-4, L. 317-8, L. 317-9 du code de la sécurité intérieure, art. 46 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et art. 40 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concessions) - Création d'une section nouvelle au sein du code pénal relative au trafic d'armes de catégorie A et B

Le présent article a pour objet de durcir la réglementation relative aux armes de catégorie A et B, qui sont les armes les plus dangereuses, en augmentant en particulier les quantum des peines encourues.

1.- Un constat : des dispositions pénales réprimant le trafic d'armes souffrant d'une faible effectivité.

À la suite de la réforme de la classification des armes et des munitions opéré par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif 150 ( * ) , l'ancienne classification des armes, illisible, a été revue et fondée sur la dangerosité de l'arme .

Dans la réforme de la classification, le législateur a interdit aux particuliers, sauf exceptions très limitatives, d'acquérir et de détenir des armes de catégorie A , qui est une catégorie regroupant les armes de guerre et leurs accessoires. En raison de sa dangerosité, les armes de catégorie B sont soumises à autorisation 151 ( * ) .

- Des infractions prévues au sein des codes de la défense et de la sécurité intérieure

Le dispositif réprimant la violation des dispositions relatives aux armes figure actuellement au code de la sécurité intérieure , aux articles L. 317-1 et suivants. En outre, le code de la défense prévoit diverses incriminations, relevant davantage de la violation d'obligations en lien avec l'importation, l'exportation ou la fabrication de matériels de guerre.

Il n'existe que quelques infractions relatives aux armes au sein du code pénal , notamment le fait pour une personne autorisée à pénétrer dans un établissement scolaire en étant porteuse d'arme sans motif légitime (art. 431-28) ou des infractions relatives aux explosifs ou aux matières dangereuses , le fait de détériorer le bien d'autrui à l'aide d'une substance explosive ou incendiaire (art. 322-6), le fait de diffuser des procédés permettant de fabriquer d'engins de destruction (art. 322-6-1) et la détention de matière explosifs ou incendiaires (art. 322-11-1).

Les infractions prévues par le code de la sécurité intérieure concernent, d'une part, les fabricants et les vendeurs au détail 152 ( * ) qui ne respectent pas les dispositions du code (L. 317-1-1 à L. 317-3-2) et, d'autre part, les particuliers .

Dans ce dernier cas, le code de la sécurité intérieure pénalise principalement trois types de comportements :

- le fait d'acquérir, de céder ou de détenir une arme de catégorie A ou B sans autorisation , puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (art. 317-4). Pour les armes de catégorie C, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (art. L. 317-4-1) ;

- la détention d'un dépôt d'armes ou de munitions de catégorie A, B ou D , puni de cinq ans d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende (art. 317-7) ;

- le fait de porter ou de transporter sans motif légitime des armes , puni de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour une arme ou des munitions de catégorie A ou B, de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende pour les armes de catégorie C et d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende pour les armes de catégorie D soumises à enregistrement (art. L. 317-8 du code de la sécurité intérieure).

Par ailleurs, le fait de modifier les marquages d'une arme , pour en dissimuler l'origine, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (art. L. 317-7-1 à L. 317-7-4 du code de la sécurité intérieure).

Ces articles prévoient en outre un certain nombre de circonstances aggravantes .

Dans certains cas, la peine est aggravée en cas de commission de l'infraction en bande organisée , en particulier en cas d'acquisition, cession ou détention d'armes ou de munitions sans autorisation, en bande organisée (art. 317-4) ou en cas de masquage frauduleux de l'origine de l'arme (art. L. 317-7-3), ou de détention d'un dépôt d'armes ou de munitions (art. L. 317-7).

Il existe aussi des circonstances aggravantes particulières aux infractions relatives aux armes :

- lorsque l'auteur de l'infraction « a été antérieurement condamné à l'emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit », ce qui revient donc en réalité à instaurer un mécanisme de récidive général et perpétuel . Cette circonstance est applicable en matière d'acquisition et de détention d'arme sans autorisation (art. L. 317-4) ;

- si l'infraction a été commise « par au moins deux personnes ensemble ». C'est le cas par exemple en cas de transport ou de port d'armes (art. L. 317-9).

Enfin, le code de la sécurité intérieure prévoit des peines complémentaires obligatoires d'interdiction de détenir ou de porter une arme, de confiscation des armes, le retrait du permis de chasser (art. L. 317-12 du code de la sécurité intérieure). Toutefois, le juge peut ne pas prononcer la mesure par une décision spécialement motivée, selon un mécanisme analogue à une peine-plancher et peut faire varier la durée de la peine.

- La faible répression du trafic d'armes et de munitions

Le trafic d'armes et de munitions est un trafic qui irrigue la délinquance organisée de droit commun mais également le terrorisme, les individus ayant perpétré les récentes attaques terroristes menées à Paris en 2015 disposant d'armes de guerre.

Estimations quantitatives en matière de trafic d'armes

Inscrit dans le paysage de la criminalité organisée, le trafic d'armes a pour particularité de reposer sur des biens « durables » - à l'exception des munitions - et dont la technologie s'est largement développée, contrairement à d'autres trafics transnationaux qui portent sur des produits « périssables », tel que le trafic de stupéfiants. Il résulte de cette caractéristique que les revenus générés par ce trafic sont bien inférieurs à ceux du trafic de stupéfiants : les stocks d'armement ne font pas l'objet d'un renouvellement régulier, donnant lieu à des trafics de faible ampleur et plus difficiles à déceler.

De plus, ce trafic porte sur des objets dont la production, le commerce et la détention ne sont pour certaines catégories d'entre eux pas prohibés, contrairement à d'autres trafics, conduisant à une possible alimentation du commerce illicite par le marché réglementé, en cas de détournement ou de non-respect de la législation en vigueur.

Chiffres relatifs aux saisies d'armes

Pour l'année 2012, la section centrale armes, explosifs et matières sensibles (SCAEMS) de la direction centrale de la police judiciaire, a recensé la saisie de 5.198 armes à feu par les services de police et de gendarmerie, ce qui représente une hausse de 33 % par rapport à 2011 et de 92 % par rapport à 2010 153 ( * ) .

Toutefois, les saisies d'armes de guerre et d'armes automatiques interdites aux particuliers ne représentent que 2 % des armes saisies (109 saisies). Parmi ces dernières, la Kalachnikov occupe une place prépondérante : en 2012, 89 Kalachnikov ou armes assimilées ont été saisies, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux années précédentes (65 saisies en 2011, 30 en 2010).

Ce constat traduit l'action des services répressifs et des parquets qui ont mis l'accent sur la lutte contre la circulation de ce type d'armement, en particulier dans les zones de sécurité prioritaires. Toutefois, il démontre également une certaine disponibilité de cette arme, achetée au prix de 300 à 500 euros dans les Balkans, et qui se négocie entre 2.000 et 3.000 euros en France 154 ( * ) .

Source : Direction des affaires criminelles et des grâces

Les sources d'approvisionnement du trafic d'armes sont principalement de trois natures 155 ( * ) :

- la contrebande internationale en provenance des Balkans , qui constituent une zone sensible au regard des estimations faites : on compterait 2 millions d'armes en Serbie, environ 300 000 à 400 000 armes au Kosovo et un peu plus en Macédoine ;

- la remilitarisation d'armes à feu neutralisées. L'opération de neutralisation, consistant à rendre une arme à feu impropre au tir, en principe de manière définitive, est en réalité parfois réversible, si l'opération de neutralisation a été imparfaitement menée, à l'aide de pièces achetées notamment sur Internet, ;

- le commerce illégal d'armes, alimenté par des vols ou des échanges illicites d'armes entre amateurs et collectionneurs.

Le contentieux relatif aux armes représentait, au 31 décembre 2014, 5,5 % de l'activité globale des JIRS en matière de criminalité organisée depuis leur création en 2004, avec 137 dossiers sur un total de 2 511 156 ( * ) .

Toutefois, si entre 2004 et 2010, les JIRS ont traité 53 dossiers d'infractions à la législation sur les armes, entre 2011 et 2014, elles se sont saisies de 84 dossiers 157 ( * ) .

Une dépêche du 24 novembre 2015 demande d'ailleurs aux JIRS de se saisir en priorité de dossiers de trafic d'armes.

Nombre d'affaires de trafics d'armes
dans des dossiers de criminalité organisée JIRS

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Total

Bordeaux

0

0

0

1

0

0

1

0

0

0

1

3

Fort deFrance

0

0

1

0

0

0

2

1

1

3

4

12

Lille

0

0

1

0

0

0

2

1

1

3

4

12

Lyon

0

0

0

0

2

0

0

4

3

7

4

20

Marseille

1

4

0

3

1

4

2

3

9

7

1

35

Nancy

0

1

1

0

0

1

0

0

1

1

2

7

Paris

3

5

4

4

5

1

6

6

5

13

6

58

Rennes

0

0

0

0

0

0

0

1

1

0

0

2

Total

4

10

6

8

8

6

11

15

20

31

18

137

Source : Direction des affaires criminelles et des grâces

Les infractions relatives aux armes sont relativement peu prononcées comme l'illustre le tableau ci-après, non exhaustif, même si l'augmentation des condamnations prononcées entre 2013 et 2014 est tout à fait réelle.

Il résulte de ce tableau que les condamnations pour des infractions relatives aux armes sont rarement prononcées à titre principal : autrement dit, la plupart des condamnations relatives aux armes sont prononcées à l'occasion d'une condamnation principale pour trafic de stupéfiants, etc.

En outre, le nombre de condamnations pour la détention et l'acquisition d'armes de catégorie A est très marginal en proportion des condamnations relatives aux armes de catégorie B, comme le relève d'ailleurs l'étude d'impact 158 ( * ) .

Plusieurs facteurs expliquent la répression relativement faible des infractions relatives aux armes :

- il existe un nombre très important d'infractions relatives aux armes, à la rédaction parfois compliquées, parfois redondante entre elles, voire contradictoire ;

- les infractions relatives aux armes figurent en outre au sein de deux codes différents, le code de la sécurité intérieure et le code de la défense qui opèrent de nombreux renvois entre eux : ainsi, Mme Morgane Daury-Fauveau, professeur de droit privé à l'université de Picardie Jules Verne, relève que la législation en la matière est ainsi peu accessible ou intelligible en raison notamment de « l'éclatement des textes entre le code de la défense et le code de la sécurité intérieure qui contiennent parfois exactement les mêmes dispositions et opèrent des renvois incessants entre eux » 159 ( * ) .

Le fait que les infractions relatives aux armes ne figurent pas dans le code pénal aggrave en outre cette complexité.

2.- La solution peu ambitieuse du projet de loi

Les dispositions du présent article ont pour objectif de renforcer la répression des infractions relatives au trafic d'armes , en opérant diverses modifications des infractions existantes du code de la sécurité intérieure et du code de la défense.

Ainsi, le projet de loi propose de renforcer la répression de la l'acquisition, la cession ou la détention d'une arme de catégorie A ou B , en portant de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros les peines applicables, la peine d'emprisonnement étant portée à sept ans, au lieu de cinq, en cas de condamnation antérieure de l'auteur.

Par ailleurs, le présent article étend les peines applicables aux personnes ayant fait l'objet d'une peine de confiscation ou de dessaisissement et qui se seraient ultérieurement procuré des armes ou des munitions, aux personnes ayant fait l'objet d'une mention dans le fichier automatisé comme ne pouvant pas disposer d'une arme ou de munitions et pour les personnes ayant fait l'objet de la mesure d'interdiction préventive du préfet, nouvelle mesure créée par le présent projet de loi 160 ( * ) , soit une peine de trois ans et de 45 000 euros d'amende (art. L. 317-5 code de la sécurité intérieure).

La détention d'un dépôt d'armes à l'article L. 317-7 serait punie plus sévèrement puisque l'amende serait portée à 75 000 euros d'amende au lieu de 3 750 euros, afin de rendre l'amende cohérente avec la peine d'emprisonnement de cinq ans encourue.

Enfin, l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure, qui réprime le port et le transport d'une arme sans motif légitime serait complété par une circonstance aggravante en cas de condamnation antérieure pour un ou plusieurs crimes ou délits relevant de la criminalité organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an ferme . Dans ce cas, la peine pourrait être alors portée à dix ans d'emprisonnement, le quantum d'amende restant inchangé.

Le code de la défense ferait également l'objet de modifications en vue d'alourdir les peines encourues : ainsi, à l'article L. 2339-10 du code de la défense, qui réprime l'importation sans autorisation de matériels relevant des catégories A à D , la peine d'amende serait mise en cohérence avec la peine d'emprisonnement encourue de cinq ans, en passant l'amende de 9 000 euros à 75 000 euros.

Le non-respect des dispositions relatives au transfert des armes , prévus à l'article L. 2335-17 serait puni des mêmes peines.

Enfin, la peine de réclusion criminelle de 15 ans et d'un 1,5 million d'euros d'amende serait applicable aux personnes ayant commis l'infraction à l'article L. 2339-10 (importation sans autorisation de matériels des catégories A à D).

Les dispositions du présent article opèrent une réforme à la portée tout à fait limitée des dispositions relatives aux infractions applicables en cas de violation des dispositions relatives aux armes.

En effet, l'aggravation du quantum de peines encourus ou leur mise en cohérence avec les peines d'emprisonnement ne répond que très partiellement aux lacunes du dispositif actuel : les éléments transmis dans l'étude d'impact ou figurant dans le tableau présentant quelques condamnations au titre des infractions sur les armes montrent que les montants moyens des amendes ou des peines prononcées sont très en deçà des plafonds .

La réforme a minima proposée ne répond pas non plus à l'absence d'intelligibilité ou à la complication des mesures applicables exposées précédemment qui semblent pourtant expliquer, pour une large part, la faible répression en matière d'armes.

3.- La proposition de votre commission : créer un cadre juridique dédié aux infractions relatives aux armes de catégorie A et B au sein du code pénal

La répression efficace du trafic d'armes est un élément clef dans la lutte contre la délinquance organisée, mais aussi contre le terrorisme .

Dans cette perspective, il semble plus efficace de se concentrer sur les infractions relatives aux catégories A et B et certaines infractions communes à toutes les catégories mais se caractérisant par la volonté de compliquer le travail des enquêteurs contre les filières d'approvisionnement.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-95 créant une section nouvelle relative au trafic d'armes au sein du chapitre du code pénal relatif aux atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne, s'inspirant pour partie de la section relative au trafic de stupéfiants.

Le principe de la modification opérée est de créer un système respectant les grands équilibres du code de la sécurité intérieure et du code de la défense ainsi que la logique des infractions existantes, en s'appuyant sur les trois principes suivants :

- le choix d'une répression aussi sévère des armes de catégorie A et B ;

- le maintien dans le code de la sécurité intérieure des infractions relatives aux armes de catégorie C et D ainsi que toutes les infractions relatives à la vente ou à la fabrication au détail des armes et des munitions ;

- le maintien dans le code de la défense des infractions relatives aux armes de catégories A et B commises dans le cadre de la fabrication, l'importation ou l'exportation à une échelle industrielle de ces armes .

Cette nouvelle section serait organisée selon les différents ensembles suivants.


La création de trois délits principaux

La section serait tout d'abord organisée autour de trois délits principaux relatifs aux armes de catégorie A et B :

- l'acquisition, la détention ou la cession non autorisée d'armes ou de munitions (art. 222-52 nouveau)

- la détention d'un dépôt d'armes ou de munitions (art. 222-53 nouveau) ;

- le port et le transport d'armes ou de munitions (art. 222-54 nouveau). Dans ce dernier cas, l'infraction prévue par l'article 431-28 du code pénal, relative au fait pour une personne autorisée à pénétrer dans une école avec une arme serait intégrée au sein d'un article 222-55 nouveau au sein de cette section, avec des peines alourdies 161 ( * ) . En conséquence, l'article 431-28 du code pénal serait abrogé .


L'intégration dans le code pénal des délits relatifs à la suppression des éléments permettant d'identifier la provenance d'une arme

En outre, plusieurs autres délits, communs, pour certains, à toutes les catégories et actuellement prévus par le code de la sécurité intérieure, seraient intégrés dans cette section nouvelle en raison de leur lien avec la criminalité organisée, en ce qu'ils répriment des comportements visant à rendre plus compliquée l'identification des filières d'approvisionnement , en procédant à l'altération des marquages, à l'utilisation de poinçons contrefaits (articles 222-56 à 222-58 nouveaux).


La pénalisation nouvelle de la remilitarisation d'une arme neutralisée ou le fait de modifier une arme conduisant à en modifier la classification

Enfin, une infraction nouvelle serait créée, afin de punir de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de « remilitariser » une arme neutralisée, c'est-à-dire le fait de la rendre à nouveau opérationnelle (art. 222-59). Ce même article sanctionnerait des mêmes peines, d'une part, le fait de faire changer une arme de catégorie - nécessairement vers une catégorie supérieure à celle d'origine -, et, d'autre part, de détenir en connaissance de cause, d'acquérir, de céder, de transporter ou de porter une arme dont les marquages ont été frauduleusement altérés.


L'uniformisation des circonstances aggravantes

Les circonstances aggravantes applicables à ces délits seraient en outre uniformisées .

En premier lieu, la circonstance aggravante de commission en bande organisée serait remplacée par la commission de l'infraction par deux personnes au moins , agissant en qualité d'auteur ou de complice. Cette circonstance aggravante serait prévue pour les infractions d'acquisition, cession et détention d'armes (art. 222-52), de dépôt d'armes ou de munitions (art. 222-53), et de port ou transport d'armes ou de munitions (art. 222-54).

La circonstance aggravante de commission en bande organisée , plus difficile à prouver que la circonstance aggravante serait toutefois maintenue pour les infractions d'altération frauduleuse des éléments d'identification d'une arme (art. 222-57) et pour le fait d'avoir remilitarisé une arme neutralisée , de l'avoir fait changer de catégorie ou de détenir en connaissance de cause, d'acquérir, de céder, de transporter ou de porter une arme dont les marquages ont été frauduleusement altérés (art. 222-59).

Enfin, la circonstance aggravante relative au fait que la personne a déjà été condamnée à une peine d'emprisonnement , trop imprécise , serait remplacée par la rédaction proposée par l'article 9 du présent projet de loi, qui crée une circonstance aggravante si l'auteur des faits a été antérieurement condamné pour un ou plusieurs crimes ou délits relevant de la criminalité organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an ferme . Cette circonstance aggravante serait applicable aux infractions d'acquisition, cession et détention d'arme ou de munitions (art. 222-52) de dépôt d'armes ou de munitions (art. 222-53) et de port ou transport d'armes ou de munitions (art. 222-54) ainsi que pour le fait d'avoir remilitarisé une arme neutralisée , de l'avoir fait changer de catégorie ou d'avoir cédé, transporté etc. des armes aux marquages altérés (art. 222-59).

• La mise en cohérence de l'échelle des peines

À l'occasion de la création de cette section nouvelle au sein du code pénal, les peines applicables seraient revues, en application du tableau ci-dessous :

Révision de l'échelle des peines applicables
aux infractions relatives aux armes de catégorie A et B

INFRACTIONS

Peine actuelle

pour les armes de catégorie A et B

Peine proposée par le texte transmis

pour les armes de catégorie A et B

Peine proposée par la commission pour les armes de catégorie A et B

Acquisition, détention, cession

3 ans

45.000 €

5 ans

75 000 €

5 ans

75 000

... par une personne déjà condamnée

5 ans

45.000 €

7 ans

75 000 €

7 ans

100.000 €

... en bande organisée

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

Remplacé par la circonstance aggravante de commission par au moins deux personnes

... par au moins deux personnes

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €

Détention d'un dépôt d'armes

5 ans

3.750 €

5 ans

75 000 €

5 ans

75.000 €

... par une personne déjà condamnée

10 ans

3.750 €

10 ans

75 000 €

Remplacé par la circonstance aggravante de commission par une personne déjà condamnée au titre de la délinquance organisée

... par une personne déjà condamnée pour un crime ou un délit relevant de la délinquance organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €

... en bande organisée

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

Remplacé par la circonstance aggravante de commission par au moins deux personnes

... par au moins deux personnes

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €

Port, transport

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

7 ans

100.000 €

Port d'armes dans un établissement scolaire (art. 431-28 du code pénal) 162 ( * )

3 ans

45.000 €

Sans objet

7 ans

100.000 €

... par au moins deux personnes

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

10 ans

500.000 €

... par une personne déjà condamnée pour un crime ou un délit relevant de la délinquance organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an

Pas d'aggravation

10 ans

75 000 €

10 ans

500 000 €

Modification des éléments d'identification d'une arme

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

Acquisition, vente, livraison, transport d'une arme dont les éléments d'identification ont été modifiés

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

5 ans

75.000 €

Acquisition, vente, livraison, transport, en bande organisée, d'une arme dont les éléments d'identification ont été modifiés

10 ans

150.000 €

10 ans

150.000 €

10 ans

500.000 €

Constitution, reconstitution d'une arme, modification d'une arme la faisant changer de catégorie, détention, port, transport, etc. d'une arme aux éléments d'identification altérés

Sans objet

Sans objet

5 ans

75.000 €

... par une personne déjà condamnée pour un crime ou un délit relevant de la délinquance organisée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an

Sans objet

Sans objet

7 ans

100 000 €

... en bande organisée

Sans objet

Sans objet

10 ans

500.000 €


La prise en compte de la tentative de l'infraction

Au sein de cette section nouvelle, l'article 222-60 nouveau pénaliserait la tentative des délits d'acquisition, détention, cession (art. 222-54) et d'altération des marquages d'une arme (art. 222-56, 222-57 et 222-58 nouveaux) des mêmes peines que celles prévues à ces articles.

La pénalisation de la tentative d'acquisition, détention ou cession sera particulièrement utile, en complément des techniques nouvelles d'enquêtes offertes aux enquêteurs en matière d'armes.


L'harmonisation des peines complémentaires applicables

Les peines complémentaires applicables seraient calquées sur celles pouvant être prononcées dans le cadre du code de la sécurité intérieure, complétées d'un certain nombre de peines complémentaires généralement encourues en cas d'atteintes aux personnes.

Pour les personnes morales , les peines complémentaires applicables seraient ainsi, en application d'un article 222-61 nouveau, la peine d'amende prévue à l'article 131-38 du code pénal ainsi que l'ensemble des peines complémentaires encourues par une personne morale prévues à l'article 131-39 du code pénal, notamment la dissolution , le placement sous surveillance judiciaire , la fermeture définitive ou temporaire , l'exclusion des marchés publics ou l' interdiction de l'exercice de l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (art. 222-61 alinéa 2).

Pour les personnes physiques , les peines complémentaires seraient en partie calquées sur celles de l'article 317-12 du code de la sécurité intérieure, soit l'interdiction de détenir ou de porter une arme ou la confiscation des armes (art. 222-62 nouveau).

Par ailleurs, pourraient être également encourues les peines complémentaires d'interdiction de séjour (art. 222-63), l'interdiction du territoire français (art. 222-64), le suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1 à 131-36-13 du code pénal).

Enfin, une disposition générale permettrait de prononcer la confiscation de tous les biens constituant l'instrument de l'infraction ou le produit direct ou indirect de celle-ci (art. 222-66 nouveau).


Plusieurs dispositions de cohérence ou de coordination

En premier lieu, par cohérence avec l'aggravation des infractions relatives aux armes, les infractions du code pénal relatives aux explosifs figurant aux articles 322-6-1 et 322-11-1, réprimant la diffusion de moyens de fabrication d'un engin explosif ou incendiaire et le transport de substances explosifs ou incendiaires en vue de commettre une atteinte aux personnes ou aux biens seraient aggravées en étant portée, d'une part, de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende, et, d'autre part, de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende. Au même article, la détention ou le transport sans motif légitime de substance ou de produit explosifs ou incendiaires seraient portée de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

En second lieu, l'article 421-1 du code pénal, relatif à la qualification d'acte de terrorisme serait modifié pour intégrer dans son champ les infractions nouvelles créées par l'amendement de votre rapporteur, de manière symétrique aux infractions relatives aux armes qui y figurent actuellement : seuls seraient visés l ' acquisition, la cession et la détention d'armes de catégorie A ou B (art. 222-52), la détention d'un dépôt d'armes de catégorie A ou B (art. 222-53) et le port ou le transport d'armes de catégorie A ou B (art. 222-54).

Par ce même amendement, votre commission a également effectué une harmonisation des dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense, afin d'opérer des modifications de conséquence au sein de certains articles du code de la sécurité intérieure, en particulier pour ne viser que les armes de catégorie C ou D soumises à enregistrement.

Par ailleurs, l'article L. 2353-4 du code de la défense réprimant le fait de fabriquer un engin explosif a fait l'objet d'une modification de cohérence, afin que le montant de la peine encourue soit porté de 3 750 euros à 75 000 euros.

Enfin, diverses coordinations ont été effectuées au sein de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et au 1° de l'article 40 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, prévoyant les cas d'exclusion des entreprises des marchés publics.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi rédigé .

Article 10 (art.  67 bis et 67 bis-1 du code des douanes) - Autorisation de la technique du « coup d'achat » et de l'infiltration en matière de trafic d'armes au bénéfice des agents des douanes

Cet article a pour objet de modifier le code des douanes afin de permettre aux agents des douanes de disposer de deux techniques supplémentaires afin de constater les infractions relatives au trafic d'armes : l'infiltration et le coup d'achat .

L'infiltration est une technique d'enquête permettant de faire passer un agent des douanes comme un complice, co-auteur ou une personne intéressée à la fraude, afin de permettre de collecter des éléments de preuve et de constater un certain nombre d'infractions 163 ( * ) .

En matière douanière, ce procédé est autorisé par l'article 67 bis du code des douanes pour lutter contre le trafic de biens interdits et contre le trafic de biens fortement taxés (alcools ou tabacs) en contrebande, mais aussi en matière d'importation ou d'exportation de marchandises contrefaites (art. 414) ou de fonds provenant de la vente de substances ou de plantes classées comme stupéfiants (art. 415).

Les conditions de mise en oeuvre de cette technique nécessitent l'autorisation préalable du procureur de la République , l'opération étant réalisée sous son contrôle. L'agent infiltré n'est pas pénalement responsable mais il ne peut inciter à commettre des infractions . Dans ce cadre, les agents peuvent alors acquérir, détenir, transporter, etc. des biens tirés de la commission de l'infraction ou fournir des moyens logistiques aux personnes se livrant à ces infractions.

En pratique, très peu d'opérations d'infiltrations sont menées, au regard des risques encourus.

Le « coup d'achat » est une technique également éprouvée en matière douanière, autorisée par l'article 67 bis -1 du code des douanes, consistant, comme pour les forces de l'ordre à acquérir des marchandises dont la détention est illégale ou qui sont le produit d'une infraction ou à fournir des moyens logistiques à des personnes se livrant à des infractions données.

Comme pour les forces de l'ordre, les douaniers doivent disposer de l'autorisation préalable du procureur de la République , qui doit être versée au dossier de procédure. Par ailleurs, les actes de l'enquêteur ne doivent pas inciter une personne à commettre une infraction .

Dans ce cadre, les agents des douanes bénéficient également d'une technique particulière, dite de « cyber-patrouille », leur permettant d'utiliser une identité d'emprunt lors d'échanges en ligne et d'acquérir, extraire ou de conserver des données relatives aux auteurs de l'infraction. Dans le code de procédure pénale, cette technique existe en tant que telle, indépendamment de la mise en oeuvre d'une technique de coup d'achat.

Le présent article étendrait l'application de ces deux techniques aux infractions d'importation et d'exportation ou de détention d'armes à feu, de leurs éléments, des munitions et des explosifs 164 ( * ) .

Si cette extension se justifie pleinement, en particulier en raison des modes d'approvisionnement des réseaux de trafiquants d'armes, la mention d'armes « à feu » est inopportune, dans la mesure où lors de la révision de la catégorisation des armes par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, le choix a été fait de ne pas distinguer les armes à feu des autres, afin d'éviter de rendre obsolète la classification des armes en raison d'évolutions technologiques futures 165 ( * ) . En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-96 de son rapporteur supprimant cette mention.

Par ailleurs, la rédaction du dispositif relatif aux cyber-patrouilles dans le code des douanes apparaît toutefois relativement ambigüe. Dans la mesure où cette rédaction a été clarifiée dans le code de procédure pénale, par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, votre commission a adopté un amendement COM-97 opérant une rédaction de l'article 67 bis -1 analogue aux dispositions réécrites dans le code de procédure pénale.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. 113-2-1 [nouveau] du code pénal, art. 43, 52, 382, 706-72, 706-72-1 à 706-72-6 [nouveaux] et 706-73-1 du code de procédure pénale) - Dispositions relatives à la détermination des juridictions compétentes en matière de cybercriminalité

L'article 11 du présent projet de loi vise d'une part, à fonder la compétence des juridictions françaises à connaître des infractions commises au moyen d'Internet, et d'autre part, à préciser les critères de compétence des juridictions entre elles et les procédures d'enquête applicables.


Sécuriser la compétence française en matière de cybercriminalité

Le I du présent article introduit un nouvel article 113-2-1 du code pénal prévoyant la compétence de la loi pénale française lorsqu'une infraction est commise par le biais d'un réseau de communication électronique au préjudice d'une personne résidant en France ou d'une personne morale y ayant son siège.

Cette disposition constitue une avancée significative bienvenue au regard de la nature des comportements propres à la cybercriminalité, souvent commis à l'étranger et/ou par des étrangers.

Les juridictions françaises peuvent actuellement retenir leur compétence dans plusieurs hypothèses. En premier lieu, selon l'article 113-2 du code pénal, si l'un des faits constitutifs d'une infraction a été commis sur le territoire français, l'infraction est réputée commise en France. Néanmoins, il est parfois malaisé de prouver la commission d'un élément constitutif en France. La compétence française peut également être retenue si les infractions ont été commises par un Français, selon l'article 113-6 du code pénal, mais l'auteur est rarement identifié dès le stade de la plainte. Enfin, l'article 113-6 permet de retenir la compétence de la justice française si la victime d'une infraction est française. Néanmoins, la victime doit porter plainte préalablement à l'enquête du ministère public. Or les plaintes préalables sont très rares.

Aussi, si les dispositions actuelles du code de procédure pénale permettent de justifier de la compétence française pour la quasi-totalité des crimes et délits relatifs à la cybercriminalité, il semble opportun de lever tout doute et toute difficulté d'interprétation en créant, comme le recommandait le rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, dirigé par le procureur général Marc Robert 166 ( * ) , un nouveau cas de compétence des juridictions pénales françaises.


• Clarifier les critères de compétence entre juridictions françaises

Le 1° à 3° du II du présent article tend également à clarifier les critères de compétence entre les juridictions françaises.

Selon les articles 43, 52 et 382 du code de procédure pénale, trois critères déterminent la compétence territoriale du procureur de la République, du juge d'instruction ou du tribunal correctionnel : le lieu de résidence des personnes soupçonnées, le lieu d'arrestation des suspects et le lieu de détention de ces personnes - critères peu pertinents en matière de cybercriminalité où les enquêtes ne permettent d'identifier l'auteur supposé qu'après un long travail d'investigation - ainsi que le lieu de l'infraction, mais ce critère est peu opérant en matière de cybercriminalité, où l'infraction est soit réputée commise sur l'ensemble du territoire, soit commise depuis l'étranger.

Cette organisation de la compétence territoriale ne permet pas de recouper des éléments issus de plaintes déposées sur tout le territoire et exposent les enquêtes à des risques récurrents de dessaisissement. La spécificité des infractions de la cybercriminalité nécessite de créer un nouveau critère de compétence territoriale fondé sur le lieu de résidence des victimes de ces actes, selon la recommandation n° 31 du rapport précité 167 ( * ) .

Cette disposition vient consacrer dans la loi un critère jusque-là jurisprudentiel, dégagé par l'arrêt de la chambre d'instruction de Paris du 3 mai 2008. Elle a vocation à permettre une répartition plus rationnalisée du contentieux.


Étendre l'application du régime procédural de la criminalité organisée

Le 5° du II du présent article vise à introduire dans l'article 706-73-1 168 ( * ) , qui permet le recours à certaines techniques du régime procédural de la criminalité organisée, le délit d'atteinte en bande organisée aux systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'État, prévu à l'article 323-4-1, ainsi que le délit d'évasion commis en bande organisée prévu à l'article 434-30 du code pénal. En conséquence, le supprime l'article 706-72 du code de procédure pénale, rétabli par la loi du 13 novembre 2014 qui permettait l'application de plusieurs techniques d'enquêtes dérogatoires au droit commun, au délit d'atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'État.

Application du régime procédural au délit d'atteinte
aux systèmes de traitement automatisé de données
à caractère personnel mis en oeuvre par l'État

Droit actuel

Droit tel que modifié par le texte issu de l'Assemblée nationale

Droit tel que proposé par le texte de la commission

L'article 706-72 du code de procédure pénale permet l'application de :

L'intégration du délit à l'article 706-73-1 du code de procédure pénale permet l'application de :

L'article 706-72 (nouvelle rédaction) combiné avec l'article 706-73-1 permettent l'application de :

- L'extension de la compétence territoriale des OPJ et des APJ pour surveiller les personnes suspectes (art. 706-80 du code de procédure pénale)

- L'organisation d'opérations d'infiltration qui permettent aux OPJ et APJ d'utiliser une identité d'emprunt et à commettre certains actes illicites limitativement énumérés (art. 706-81 et s. du code)

- La constatation d'infractions via le dispositif d'enquête sous pseudonyme sur Internet (cyberpatrouille) défini à l'article 706-87-1 du code de procédure pénale.

- Le recours aux perquisitions de nuit (articles 706-89 à 706-94 du code de procédure pénale)

- L'interception de correspondances émises par la voie des télécommunications (écoutes téléphoniques)
(article 706-95 du code de procédure pénale)

- Le recours aux saisies de données informatiques (nouveaux articles 706-95-1 et s.)

- La sonorisation et la fixation d'images de certains lieux ou véhicules (articles 706-96 à 706-102 du code).

- La captation des données informatiques à l'insu de la personne (art. 706-102-1 et suivants du code).

- La possibilité d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen (article 706-103 du code de procédure pénale).

Compétence possible des JIRS (706-75 et suivants du code de procédure pénale)

Compétence concurrente de Paris

Source : commission des lois du Sénat

Outre la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit et de permettre une enquête menée par les juridictions interrégionales spécialisées, cette translation s'effectue, peu ou prou, à droit constant. Néanmoins, l'actuel article 706-72 permet jusqu'à présent l'application de ces techniques au blanchiment de ce délit, ce qui ne semble pas prévu par le projet de loi.


Organiser la spécialisation de l'organisation judiciaire en matière de cybercriminalité

Enfin, votre rapporteur considère que la cybercriminalité présente indéniablement une technicité particulière dont l'appréhension nécessite une sensibilisation, une formation et une capacité d'adaptation certaine. Le rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité, dirigé par le procureur général Marc Robert soulignait le manque d'efficacité de la lutte en raison d'un « manque de stratégie et de cohérence d'ensemble » et d'un mode de traitement « inadapté » à un contentieux « souvent massif » qui exige des recoupements 169 ( * ) . Or, ces derniers seraient d'autant plus facilités s'il existait une centralisation de fait, induite par une compétence concurrente.

Aussi, votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-98 de votre rapporteur visant à créer une juridiction parisienne spécialisée en matière de cybercriminalité, qui serait compétente concurremment aux juridictions de droit commun, pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certains délits et crimes qui relèvent de la cybercriminalité.

Cette proposition, souhaitée par le parquet de Paris, apparaît utile et pertinente au regard de la forte technicité de ce contentieux aux enjeux considérables, de la localisation actuelle des services enquêteurs et de l'importance d'une spécialisation accrue pour l'organisation d'une répression efficace.

Comme pour la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la cybercriminalité repose sur des services spécialisés à très haute compétence technique qui se trouvent en région parisienne tels l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), rattaché à la direction centrale de la police judiciaire, ou la Brigade d'enquête sur les fraudes aux technologies de l'information (BEFTI), qui relève de la préfecture de police de Paris.

Une spécialisation des magistrats poursuivant et instruisant ces dossiers semble aujourd'hui nécessaire. Depuis septembre 2014, le parquet de Paris dispose d'une section spécialisée - dite F1 - dédiée à la lutte contre la délinquance astucieuse et la cybercriminalité, dont le pôle cybercriminalité, composé de deux vice-procureurs et d'un assistant spécialisé, est compétent pour toutes les affaires d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données et de faux ordres de virements internationaux. L'instauration d'une compétence concurrente poursuivrait ainsi ce mouvement de spécialisation.

La compétence concurrente, telle qu'elle résulterait du présent article, présente l'avantage de donner une compétence nationale à la juridiction parisienne pour les infractions de cybercriminalité. Cette disposition permettrait ainsi de lever tout doute sur la compétence territoriale, souvent hasardeuse lorsque les faits ont été commis virtuellement.

Elle organiserait une certaine centralisation du contentieux, une synergie des moyens en confiant le traitement des affaires les plus complexes à des services spécialisés ; enfin elle contribuerait à la définition d'une stratégie pénale. Cette compétence non exclusive permettrait aux juridictions territoriales de droit commun de pouvoir mener investigations et poursuites dans un cadre souple sans induire une compétence systématique de la juridiction parisienne . Néanmoins, la nécessaire communication avec celle-ci entraînerait une centralisation des informations et donc des recoupements et une exploitation optimale des informations.

Les nouveaux articles 706-72-2 à 706-72-6 du code de procédure pénale visent à organiser les conditions d'un dessaisissement consensuel . Son initiative appartiendrait au seul procureur de la République localement compétent, qui pourrait requérir le juge d'instruction localement compétent de se dessaisir. Après les observations des parties, le juge d'instruction rendrait son ordonnance entre huit jours et un mois plus tard. Celle-ci ne prendrait effet que cinq jours après, sans conséquence sur les titres de détentions et les mandats décernés. Le ministère public, la partie civile et la défense disposeraient de cinq jours pour former un recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui disposerait de huit jours pour statuer. La juridiction parisienne aurait l'obligation de se déclarer incompétente quand les faits ne relèvent pas des infractions de cybercriminalité limitativement énumérés.

Le nouvel article 706-72-5 du code de procédure pénale préciserait que l'ensemble des actes de procédure (mandat de dépôt ou d'arrêt, actes de poursuite ou d'instruction) antérieurs à la décision de dessaisissement ou d'incompétence conserveraient leur force exécutoire ou leur validité et n'auraient donc pas à être renouvelés.

Votre rapporteur souligne qu'il est d'autant plus cohérent et pertinent de confier cette compétence concurrente au TGI de Paris, qu'il dispose déjà d'une telle compétence en matière de terrorisme. En effet, il existe un important contentieux lié aux infractions terroristes commises par la voie d'un service de communication au public en ligne qui relève d'ores et déjà de la compétence de la juridiction parisienne. De plus, les cyber-attaques relèvent parfois de la même organisation et de l'utilisation des mêmes techniques que les groupements terroristes. Par ailleurs, le parquet de Paris dispose d'une compétence concurrente, en application de l'article 693 du code de procédure pénale, pour connaître des infractions commises hors du territoire français, à l'instar de la plupart des infractions cybercriminelles. Il est à souligner que l'exercice de cette compétence pourrait s'appuyer sur le réseau de référents cybercriminalité, dont un membre est présent dans chaque parquet.

Le présent article ne propose pas de mettre en place cette compétence concurrente pour l'ensemble du contentieux de la cybercriminalité. Seules les infractions spécifiques à la cybercriminalité, qui sont dirigées contre les systèmes d'information, seraient concernées , c'est-à-dire :

- l'accès ou le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données (STAD), défini à l'article 323-1 du code pénal ;

- l'atteinte à l'intégrité du STAD, définie à l'article 323-2 ;

- l'atteinte à l'intégrité des données du STAD, définie à l'article 323-3 ;

- la détention, l'offre, la cession ou la mise à disposition d'un équipement d'atteinte aux STAD, définies à l'article 323-3-1 ;

- la participation à un groupe formé en vue de commettre des fraudes informatiques, définie à l'article 323-4 ;

- et le fait de détruire, détériorer ou détourner tout STAD afin de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, défini par l'article 411-9 du code pénal.

Ainsi, les infractions de droit commun commises au moyen des nouvelles technologies de l'information, soit pour véhiculer des contenus illicites, soit pour faciliter la commission d'une autre infraction, ne relèveraient pas de cette compétence concurrente.

Enfin, certaines procédures d'enquête dérogatoires issues du régime propre à la criminalité organisée pourraient être appliquées pour la poursuite de ces infractions, à savoir : l'extension de la compétence territoriale des OPJ et des APJ pour surveiller les personnes suspectes, l'organisation d'opérations d'infiltration qui permettent aux OPJ et APJ d'utiliser une identité d'emprunt et à commettre certains actes illicites limitativement énumérés, les enquêtes sous pseudonyme sur Internet, les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications, le recours aux saisies de données informatiques, la sonorisation et la fixation d'images de certains lieux ou véhicules, la captation des données informatiques à l'insu de la personne et la possibilité d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen (article 706-103 du code de procédure pénale).

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .


* 127 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html

* 128 Voir le commentaire de l'article 9.

* 129 Art. R. 312-26 du code de la sécurité intérieure.

* 130 Art. R. 312-27 du même code.

* 131 Art. R. 312-30 du même code.

* 132 Art. R. 312-31 et suivants du même code.

* 133 Cette procédure de dessaisissement a été considérée comme conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel : décision n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012 M. Jean-Claude G. [Procédure de dessaisissement d'armes].

* 134 En application de l'article L. 312-13, préfet peut ultérieurement lever cette interdiction si la personne ne présente plus de menace.

* 135 Art. R. 312-79 du code de la sécurité intérieure.

* 136 Voir le commentaire de l'article 9.

* 137 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl97-011.html

* 138 Décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 M. Jean-Victor C. [Fichier empreintes génétiques].

* 139 Source : CNIL. Dans les commentaires de la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 M. Jean-Victor C. [Fichier empreintes génétiques] , il est précisé qu'au 1 er juin 2010, 1 363 704 personnes étaient inscrites dans le FNAEG (313 106 personnes condamnées et 1 050 598 personnes soupçonnées).

* 140 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html

* 141 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/ratification_ordonnances_code_securite_interieure.asp

* 142 Étude d'impact, p. 19.

* 143 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité .

* 144 Considérant n° 17 et 18.

* 145 Considérant 17.

* 146 Décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, M. Maurice L. et autre [Prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour des faits d'escroquerie en bande organisée].

* 147 Considérant n° 13.

* 148 Dans sa décision 2004-492 précité, le Conseil constitutionnel relève ainsi que « si le vol commis en bande organisée trouve sa place dans cette liste, il ne saurait en être ainsi que s'il présente des éléments de gravité suffisants pour justifier les mesures dérogatoires en matière de procédure pénale prévues à l'article 1er de la loi déférée (considérant 17).

* 149 Voir commentaire de l'article 9.

* 150 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html. Voir le commentaire de l'article 7.

* 151 Voir le commentaire de l'article 7.

* 152 La vente et le commerce à l'échelle industrielle sont régies par le code de la défense.

* 153 « La criminalité en France » Rapport 2013 de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

* 154 Le trafic d'armes dans les Balkans occidentaux : La Revue du Grasco n°3, octobre 2012.

* 155 Source : DACG.

* 156 Source : DACG.

* 157 Source : DACG.

* 158 Étude d'impact, p. 35 : « la très grande majorité de ces condamnations de port d'armes concerne des armes de catégorie B avec 170 condamnations en 2014. On retrouve une proportion similaire pour les transports d'armes de catégorie B. »

* 159 JCL Fasc. 30 : Armes et munitions. Matériels de guerre. - Fabrication et commerce, 4.

* 160 Voir le commentaire de l'article 7.

* 161 En outre, cette infraction ne distinguerait pas les catégories d'armes.

* 162 Quelle que soit l'arme introduite.

* 163 Une disposition identique existe au bénéfice des forces de l'ordre, pour les infractions liées à la criminalité organisée (art. L. 706-81 du code de procédure pénale). L'article 8 du présent texte étend cette possibilité pour les forces de l'ordre au trafic d'armes.

* 164 Pour les forces de l'ordre, la technique du coup d'achat serait également étendue pour permettre l'acquisition d'armes : voir le commentaire de l'article 8 du présent texte.

* 165 Rapport n° 149 (2011-2012) de M. Antoine Lefèvre fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-255.html

* 166 Recommandation n° 30, issue du Rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité « Protéger les internautes - Rapport sur la cybercriminalité », dirigé par Marc Robert, février 2014 , page 211.

* 167 Recommandation n° 31, issue du Rapport de Marc Robert, précité, page 212.

* 168 Cet article, créé par la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne afin de tirer les conséquences de la décision n° 2004-420/421, définit un régime procédural spécifique reprenant toutes les dispositions de la procédure applicable à la criminalité organisée à l'exception de la prolongation de la garde à vue jusqu'à quatre jours.

* 169 Rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité « Protéger les internautes - Rapport sur la cybercriminalité », dirigé par Marc Robert, février 2014 , page 42.

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