CONCLUSION

L'accord de Paris est fondé sur l'agrégation des volontés politiques des Parties , ce qui en fait à la fois la force et la fragilité .

Il repose non seulement sur les engagements pris par les États, mais aussi et surtout, sur une dynamique de tous les acteurs, impulsée par l'émergence d'une prise de conscience de l'opinion publique au niveau international. La mobilisation a été visible dans de nombreux secteurs, et à l'échelle mondiale .

Cette mobilisation devra perdurer au cours des prochaines années et décennies, afin de concrétiser la démarche progressive mise en place par l'accord de Paris, et ce malgré les aléas des cycles politiques et économiques .

Sur ce chemin, la COP 22, prévue en novembre à Marrakech, sera essentielle.

Votre Commission a pu constater la mobilisation du Maroc pour la réussite de cette « COP de l'action », qui devra rendre opérationnels les engagements pris à Paris. Elle en souhaite bien sûr le succès car ce succès est la condition de celui de l'accord de Paris , dont elle vous propose d'autoriser la ratification en adoptant le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 25 mai 2016, sous la présidence de Mme Nathalie Goulet, vice-présidente, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Cambon sur le projet de loi n° 614 (2015-2016) autorisant la ratification de l'Accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Joël Guerriau . - Nous serons bien évidemment favorables à cet accord. Mais quelles en seront les déclinaisons opérationnelles en France ? La France saura-t-elle se montrer exemplaire ? Je pense en particulier à certaines entreprises du secteur de l'énergie dont les effets d'annonce ne sont pas toujours suivis d'effets.

Mme Éliane Giraud . - J'ai participé, avec Cédric Perrin et Leila Aïchi, au travail de notre commission sur l'Arctique, qui a montré que les conséquences du changement climatique n'étaient pas qu'environnementales mais aussi géostratégiques, en lien notamment avec la remilitarisation de la Russie et ses relations avec la Chine.

Il faut bien évidemment ratifier cet accord rapidement, car il y a urgence, et la volonté politique est là. L'accord ne règle pas toutes les questions mais que se passerait-il si nous ne l'avions pas obtenu ? Nous sommes partis de loin. Vous avez relevé un certain nombre de résistances aux États-Unis. Mais il existe aussi là-bas des ONG qui travaillent sur des questions scientifiques, sur des innovations de nature à lutter contre le dérèglement du climat.

L'accord de Paris doit s'accompagner d'une coopération régionale et internationale. Devant nous, la semaine dernière, Mme Hakima El Haité, ministre de l'environnement du Maroc, a appelé l'ensemble des acteurs à se mettre en mouvement, y compris les entreprises, qui y ont intérêt. Le Sénat, en ratifiant cet accord, doit aussi encourager la coopération décentralisée, qui est très importante car c'est une coopération d'acteurs. Nous devons tous rester mobilisés.

M. Jean-Paul Emorine . - Nous approuvons tous cet accord. La ministre du Maroc évoquait la nécessité de mobiliser les entreprises. Mais, par rapport à la Chine, l'effort demandé aux entreprises françaises doit être proportionné, et tenir compte de l'avance que nous avons sur ces sujets. À défaut, les raffineries resteront dans les pays producteurs de pétrole ; nous perdrons de l'activité. Nous devons être réalistes et suivre avec attention l'application de cet accord de Paris.

Mme Nathalie Goulet . - Depuis l'accord de Kyoto, la prise de conscience internationale a beaucoup progressé. Il faut donc espérer que l'accord de Paris fonctionne. Combien de pays ont déjà ratifié ?

M. Christian Cambon . - La détermination du gouvernement français, après le succès de l'accord de Paris, semble totale. Cette détermination est partagée puisque l'accord fait l'objet d'un consensus. On notera néanmoins que l'application de la loi de transition énergétique est retardée et que le gel de crédits, récemment annoncé, touche non seulement le budget de la recherche mais aussi celui de l'écologie. Nous jugerons en fonction des actes.

Je rejoins le point de vue d'Éliane Giraud sur la mobilisation des ONG et des régions, qui est essentielle. Les parlements ont également un rôle important à jouer, en tant qu'aiguillons du gouvernement. Le suivi parlementaire de la mise en oeuvre de l'accord de Paris doit être organisé.

La France fait des efforts plus que proportionnels à son importance économique. Les signaux envoyés par la Chine sont très positifs mais ce pays part de très loin. Nous ne pouvons en effet pas faire assumer à nos entreprises une charge disproportionnée.

La prise de conscience au niveau international est forte. Mais 16 pays seulement ont ratifié l'accord à ce jour. Si nous adoptons ce projet de loi le 8 juin, la France sera le pays le plus important à ratifier l'accord depuis sa signature. J'ai mentionné aussi les freins existant aux États-Unis, avec la décision récente de la Cour suprême, rendue à la demande de 27 États américains.

Mme Leila Aïchi . - Nous voterons cet accord mais il convient d'en préciser les limites. Les questions des transports maritime et aérien n'y sont pas abordées. Il n'est pas non plus fait état des conséquences du dérèglement climatique en termes de sécurité. L'engagement relatif au financement reste imprécis. Où en est le Fonds vert ?

M. Robert del Picchia. - L'Union interparlementaire a adressé un courrier à tous les présidents de parlements pour les mobiliser et évoquer le suivi de l'accord, en prévision de la COP 22. La déclaration du président Gérard Larcher à Luxembourg contribuera certainement à mobiliser les pays européens.

M. Christian Cambon . - Le rapport pointe les difficultés qui concernent le secteur maritime et le secteur aérien, qui représentent à eux deux 5 % des émissions de gaz à effet de serre. Le secteur maritime doit mettre en place un dispositif de mesure des émissions, avant de s'interroger sur sa limitation. Ces questions sont traitées au niveau de l'Organisation maritime internationale.

La question du financement sera centrale à Marrakech. L'objectif de 100 milliards de dollars par an est loin d'être atteint. Le Fonds vert est doté à ce jour de 10 milliards de dollars. La difficulté de cet accord de Paris tient entièrement à sa concrétisation, s'agissant notamment des financements en direction des pays en voie de développement, qui sont très attentifs aux efforts que les autres pays accompliront. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis la conférence de Copenhague, mais la principale préoccupation des pays en développement reste d'assurer un niveau de vie suffisant à leurs populations. Si l'on reste très en dessous du chiffre de 100 milliards de dollars par an, Paris aura été un beau rassemblement pour un résultat modeste. Espérons qu'il n'en sera rien.

Il est important que l'Union interparlementaire se mobilise. Il reviendra en effet aux parlements nationaux de mettre en oeuvre l'accord. C'est pourquoi nous veillerons à ce qu'ils soient étroitement associés à la COP 22.

Mme Nathalie Goulet . - Le parlement doit montrer l'exemple en matière de dématérialisation, comme un certain nombre de régions le font.

M. Cédric Perrin . - Nous avons travaillé sur ce sujet avec Leila Aïchi et Eliane Giraud l'an dernier. Nous avions notamment indiqué qu'en 2050, le dérèglement climatique était susceptible de causer des dommages de l'ordre de 1000 milliards de dollars par an. J'approuve le discours pragmatique, non idéologue que nous a tenu la ministre de l'environnement du Maroc, car s'il est nécessaire d'avancer, il faut le faire en tenant compte du facteur industriel.

Ce ne sont pas les gouvernants mais les peuples qui nous feront avancer. Les parlements doivent se saisir de ce sujet éminemment important et continuer à le suivre, au-delà de l'accord de Paris, qui nous a particulièrement mobilisés l'année dernière. Ce sujet nous concerne tous. Le montant de 100 milliards de dollars par an recherché est à comparer à celui du risque potentiel, qui s'élève à 1000 milliards de dollars par an. Si la Chine traite le problème c'est que la pression populaire y est forte. Ce sera le cas dans de nombreux pays si nous n'avançons pas rapidement. Je souhaite que l'unanimité puisse se faire sur ce sujet.

M. Christian Cambon . - Je remercie encore une fois Cédric Perrin, Leila Aïchi et Eliane Giraud pour la qualité de leur rapport sur les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique. On ne peut en effet qu'abonder en leur sens, en constatant l'effet déstabilisateur d'un million de réfugiés, alors que le risque climatique pourrait déplacer 200 millions de réfugiés. Nous avons intérêt à nous saisir très rapidement de ce dossier et à inciter les États à mettre l'accord de Paris en application. Sur la question du rôle exemplaire des parlements, je rappelle que notre commission est candidate pour expérimenter dès que cela sera possible des réunions « zéro papier ».

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité, à l'unanimité. Il sera examiné par le Sénat en séance publique le 8 juin 2016, selon la procédure normale.

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