B. UN PAYS ENCLAVÉ ENTRE LA CHINE ET LA RUSSIE, QUI CHERCHE À DÉVELOPPER UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE AUTONOME

1. Un pays fortement dépendant de ses voisins russe et chinois
a) Une histoire nationale marquée par les deux puissants voisins

Etat d'Asie du Centre-Est enclavé entre la Russie et la Chine, la Mongolie a longtemps été soumise à l'influence de ses deux puissants voisins.

Les relations entre la Mongolie et la Chine sont historiquement sensibles. La Grande Muraille de Chine a été construite pour lutter contre les attaques des peuplades d'Asie centrale. Au XIIIème siècle, les Mongols, avec à leur tête le petit-fils de Gengis Khan, conquièrent la Chine et l'intègrent à leur vaste empire. Les Mongols sont chassés de Chine un siècle plus tard, mais de nombreuses tentatives d'invasion de la Chine par les Mongols et d'invasion de la Mongolie par la Chine suivront. Pendant la dynastie Qing au 18 ème et au 19 ème siècle, la Mongolie est finalement incorporée à l'Empire chinois . Elle est alors divisée en deux provinces, la Mongolie-intérieure et la Mongolie-extérieure.

Les Mongols profitent de la chute de la dynastique Qing et de la proclamation de la République de Chine en 1912 pour déclarer l'indépendance de la Mongolie extérieure, après plus de deux siècles de domination chinoise. Ils bénéficient de l'appui de la Russie, qui chasse les troupes chinoises de Mongolie. En 1924 est proclamée la République populaire de Mongolie , qui sera finalement reconnue par la Chine nationaliste puis par la République populaire de Chine en 1949.

De 1924 à 1990, la Mongolie est soumise à l'influence russe . La République populaire de Mongolie entretient des relations étroites avec l'URSS, qui maintient un stationnement permanent de forces soviétiques en Mongolie. Après le schisme sino-soviétique au début des années 1960, la Mongolie, qui reste suspicieuse à l'égard de la Chine, soupçonnée de vouloir récupérer une partie de son territoire, s'aligne sur l'URSS. Dans les années 1980, la Mongolie suit l'exemple de Mikhaïl Gorbatchev et entreprend d'améliorer ses relations avec la Chine (en même temps qu'avec les Etats-Unis).

b) Un renforcement des relations bilatérales depuis les années 1990

Après la chute de l'URSS, la Mongolie entame un rapprochement marqué avec la Chine, qui aboutit à la normalisation de la relation sino-mongole par la signature d'un traité d'amitié et de coopération en 1994. La Chine devient le premier partenaire commercial de la Mongolie : 87 % des exportations mongoles lui sont destinées. De nombreux investisseurs chinois sont présents en Mongolie, notamment dans l'industrie minière. La Chine est le premier investisseur, le premier client et le deuxième fournisseur du pays . Les deux pays coopèrent en matière de lutte contre le terrorisme et de sécurité régionale.

Les relations entre la Russie et la Mongolie se distendent avec la fin de la guerre froide : le commerce russo-mongol baisse de 80 % au début des années 1990. Les années 2000 voient une volonté de rapprochement de la Russie à l'égard de la Mongolie. La visite de Vladimir Poutine en 2000 est la première visite d'un président russe depuis la fin de l'URSS et donne lieu à la signature d'un traité bilatéral. En 2003, la Russie procède à l'annulation de 98 % de la dette mongole. Le rapprochement avec la Russie est vu par la Mongolie comme un utile contrepoids à l'influence chinoise. La Russie est le premier fournisseur de la Mongolie . La société des chemins de fer russe possède 50 % de la compagnie mixte opérant en Mongolie. Soucieuse de ménager de bonnes relations avec son voisin russe, la Mongolie s'est abstenue lors du vote de la résolution des Nations Unies 68/262 sur l'Ukraine.

2. Un pays soucieux de développer une politique étrangère autonome en se rapprochant de ses « troisièmes voisins »
a) Un pays soucieux de mener une politique étrangère autonome

La politique étrangère de la Mongolie se caractérise par une forte volonté d'autonomie . Le pays cherche ainsi à asseoir son statut de neutralité permanente . En septembre 2015, le président mongol a sollicité, lors de la 70 ème Assemblée générale des Nations Unies, le soutien de la communauté internationale pour faire reconnaître ce statut.

Cette volonté d'autonomie est également illustrée par les efforts de la Mongolie pour consacrer son statut de « zone exempte d'armes nucléaires ». Une initiative en ce sens a été annoncée dès 1992, et a été bien accueillie par la Russie et la Chine. Il s'agit d'une initiative originale, puisque jusqu'alors, les zones exemptes d'armes nucléaires étaient constituées exclusivement de groupes de pays. En 2000, le Parlement mongol a adopté la « loi de Mongolie sur son statut de zone exempte d'armes nucléaires » : elle a acté l'interdiction, sur le territoire du pays, de l'acquisition, du développement, de l'essai ou du contrôle d'armes nucléaires. La même année, l'assemblée générale des Nation Unies a adopté la résolution 55/33S intitulée « Sécurité internationale et statut d'État exempt d'armes nucléaires de la Mongolie » reconnaissant le nouveau statut du pays.

L'indépendance de la politique étrangère mongole se manifeste aussi dans les relations qu'elle entretient avec la Corée du Nord . Ces relations régulières visent à encourager le dialogue entre Pyongyang et Séoul, même si la Mongolie condamne les programmes nucléaire et balistique nord-coréens. Le ministère des affaires étrangères mongol accueille chaque année un stagiaire nord-coréen. Depuis le printemps 2013, la Mongolie souhaite jouer un rôle direct dans le règlement du dossier nord-coréen. L'importante communauté mongole en Corée du Sud (20 000 personnes en 2016) rend la Mongolie sensible à ce dossier.

Enfin, la Mongolie porte un intérêt particulier à l'Asie centrale , et notamment au Kazakhstan, au Turkménistan et au Kirghizstan. Cet intérêt s'accompagne du sentiment d'un destin partagé du fait des choix démocratiques, notamment du Kirghizstan.

b) Une présence importante dans les instances internationales

La Mongolie est membre de nombreuses instances internationales et régionales . Le pays a récemment été élu au Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies le 28 octobre 2015 avec l'appui de la France.

Elle est devenue le 57 ème Etat participant de l'OSCE en novembre 2012 . Cette candidature a été motivée principalement par la volonté mongole de dépasser les seules relations avec la Russie et la Chine ainsi que par le souhait de se rapprocher des organisations internationales. Le 26 juin 2013, une importante mission d'observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH), institution autonome de l'OSCE, a ainsi pu observer pour la première fois les élections présidentielles dans ce pays. De même, l'Assemblée parlementaire de l'OSCE (AP-OSCE) s'y est réunie pour la première fois du 15 au 18 septembre 2015 sur le thème des défis de sécurité et du rôle des parlementaires en matière de coopération régionale.

La Mongolie est, par ailleurs, devenue partenaire de l'ASEM en septembre 2006 et accueillera le 11e sommet Europe-Asie à Oulan-Bator les 15 et 16 juillet 2016.

Dans le domaine de la sécurité, elle est l'un des douze "partenaires du dialogue" de l'ARF (ASEAN Regional Forum, le forum régional de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est) . Une coopération entre la Mongolie et l'OTAN existe dans le cadre des relations de l'Alliance avec les « pays contacts ». Un programme individuel de partenariat et de coopération avec la Mongolie a ainsi été approuvé le 19 mars 2012 par le Conseil de l'Atlantique Nord.

La Mongolie participe à de nombreuses opérations de maintien de la paix (OMP) sous mandat des Nations unies. Elle en est le premier contributeur mondial par rapport à sa population . Elle a également participé à des opérations sous commandement de la coalition, en Irak, en Afghanistan 4 ( * ) et au Kosovo 5 ( * ) .

La Mongolie a le statut d'observateur de l'Organisation de coopération de Shanghai 6 ( * ) . La Russie et la Chine souhaitent une adhésion pleine et entière mais la Mongolie a pour l'heure toujours décliné. Néanmoins le pays relève que la coopération économique au sein de l'OCS est prometteuse pour la Mongolie surtout pour les projets de transport et de transits auxquels la Mongolie a intérêt à prendre part.

Elle entretient des relations étroites avec le FMI, le PNUD et la Banque Mondiale pour mener à bien son développement. Elle a adhéré à la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) en juillet 2006. La Mongolie est l'un des pays fondateurs de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures crée en octobre 2014 à Pékin.

c) Le rapprochement avec les « troisièmes voisins »

Depuis la transition démocratique, la Mongolie est soucieuse de maintenir un équilibre dans la relation avec ses deux grands voisins immédiats que sont la Russie et la Chine. Dans ce but, et pour diversifier ses relations, elle a adopté une approche trilatérale en incluant à sa politique étrangère le concept de « troisième(s) voisin(s) ». Elle a ainsi développé ses relations avec les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud, mais aussi avec l'Union européenne et ses Etats membres, en particulier l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Les liens de la Mongolie avec les Etats-Unis sont étroits . La Mongolie a participé à l'intervention en Irak (en 2007, le contingent mongol en Irak s'élevait à 130 hommes). En 2005, George W. Bush a été le premier président américain en activité à se rendre en Mongolie dans le cadre d'une visite officielle. Le pays est également très proche du Japon, qui est un des principaux soutiens de la Mongolie depuis la transition démocratique et le premier pays donateur. En Corée du Sud, la communauté mongole, qui était estimée à 33 000 en 2008 et 20 000 en 2016, constitue l'une des premières communautés mongoles à l'étranger .

Depuis les années 1990, la Mongolie est également soucieuse de se rapprocher de l'Europe. Elle entretient des relations avec l'Allemagne qui datent d'avant la transition démocratique, les programmes de coopération avec l'ex-RDA ayant été pour l'essentiel maintenus. En 1991, la Mongolie a signé des accords de protection des investissements avec l'Allemagne et la France, et un traité de coopération avec le Royaume-Uni.

Les pays d'Europe centrale sont également des partenaires privilégiés de la Mongolie. A l'instar du Royaume-Uni et de la France, la République tchèque, la Bulgarie et la Hongrie disposent d'ambassades à Oulan-Bator (les autres pays de l'UE sont accrédités auprès de Pékin), et la Pologne d'un ambassadeur non résident-permanent.


* 4 La Mongolie a fourni des troupes à la Force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) depuis mars 2010 sous la forme d'un peloton d'infanterie.

* 5 De décembre 2005 à mars 2007, la Mongolie a fourni un peloton intégré au contingent belge.

* 6 L'organisation de coopération de Shanghaï a été créée les 14 et 15 juin 2001 par la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. En 2016, l'Inde et le Pakistan rejoindront cette organisation intergouvernementale comme membres à part entière. Les Etats-Unis et le Japon se sont vus refuser le statut d'observateur. Succédant au « 5 de Shanghaï », cette organisation vise à régler les problèmes de frontières, notamment sino-soviétique et à faciliter la coopération économique.

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