B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une dotation de l'État qui représente plus de 70 % des ressources des opérateurs relevant du programme

Une enquête réalisée par la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle permet d'appréhender les problématiques financières des établissements relevant du programme 150 11 ( * ) .

Il apparaît ainsi que la part des ressources de ces établissements issues des crédits de l'État reste globalement très importante puisqu'elle représente plus de 72 % en 2016 , soit 11,85 milliards d'euros sur les 16,37 milliards d'euros de ressources globales.

Pour les seules universités et établissements assimilés , les subventions pour charges de service public représentent 77,5 % de leurs ressources . En tenant compte des autres subventions d'exploitation et de financement des actifs (dont celles des régions et de l'Union européenne), les subventions atteignent 86 % de leurs budgets.

Parallèlement, comme votre rapporteur spécial l'a souligné à l'occasion de ses précédents rapports, les autres ressources des universités restent, pour la plupart, trop limitées, notamment sous l'effet des choix politiques opérés par le Gouvernement. Ainsi en est-il notamment de la réforme de la taxe d'apprentissage, laquelle ressource ne représente que 0,7 % des ressources des universités (93,6 millions d'euros).

Il en est de même de la décision de ne pas augmenter les droits d'inscription , gelés depuis deux rentrées universitaires (2015 et 2016) alors qu'ils sont déjà particulièrement peu élevés (184 euros pour une année de niveau licence, auxquels s'ajoutent 215 euros pour la sécurité sociale et 5,10 euros au titre de la médecine préventive). Il est éclairant de constater que les droits de scolarité ne représentent ainsi que 2,3 % des ressources des universités.

Répartition des ressources des universités par type de ressources

Source : commission des finances d'après les données du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

Votre rapporteur spécial rappelle sa conviction selon laquelle les montants des frais d'inscription pourraient être sensiblement relevés , en particulier pour les étudiants étrangers. Il constate que cette position qu'il affirme depuis plusieurs années maintenant, est partagée par plusieurs candidats déclarés aux élections présidentielles.

Situation financière des universités

- En 2015

Globalement, le résultat des universités s'élève à 130 millions d'euros, soit une baisse de 30 % par rapport à 2014, et la capacité d'autofinancement s'établit à 358 millions d'euros, soit une diminution de 11 %. Ces données tiennent compte de l'impact de la mobilisation du fonds de roulement à hauteur de 62 millions d'euros, lequel reste stable, avec 1,38 milliard d'euros. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche en conclut que le prélèvement sur fonds de roulement n'a pas dégradé la situation financière des universités.

9 universités sont déficitaires en 2015, contre 7 en 2014 et 9 en 2013, pour un déficit cumulé de 7 millions d'euros (contre 9 millions d'euros en 2014). 4 d'entre elles présentent un double déficit 2014-2015 (contre 3 auparavant).

16 universités présentent un fonds de roulement inférieur à 30 jours de fonctionnement (seuil prudentiel), dont 4 avec moins de 15 jours.

- En 2016

Sur les 71 universités, 14 d'entre elles ont approuvé un budget prévisionnel en déficit, avec un déficit prévisionnel cumulé en hausse, correspondant à 35 millions d'euros contre 21 millions d'euros en 2015 (hors mesure de mobilisation sur le fonds de roulement).

Source : réponses du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à partir de l'enquête conduite auprès des rectorats sur les comptes financiers et les budgets des exercices 2012 à 2016

2. Des universités qui ne pourront pas relever les défis qui s'imposent à elles si l'effort budgétaire de l'État n'est pas complété par des ressources propres

Au cours des dernières années, le Gouvernement a renforcé les crédits consacrés par l'État aux établissements publics d'enseignement supérieur, au premier rang desquels les universités. Comme rappelé supra dans le présent rapport 12 ( * ) , le programme 150 concentrait ainsi l'essentiel des efforts engagés en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Le programme a bénéficié de plus de 700 millions d'euros entre 2012 et 2017, soit une augmentation de 5,7 % de l'enveloppe budgétaire qui lui est consacrée.

Pour autant, il est permis de s'interroger sur l'efficacité de la dépense et l'opportunité du modèle d'enseignement supérieur proposé au regard des résultats obtenus.

Faute de ressources propres complémentaires et de frais d'inscription à un niveau plus cohérent, notamment pour les étudiants étrangers non communautaires, beaucoup d'établissements publics d'enseignement supérieur ne disposent pas des moyens suffisants pour mener à bien leurs actions auprès des étudiants toujours plus nombreux .

Ainsi, malgré l'augmentation du nombre d'emplois et des crédits afférents dans les dotations versées par l'État, le taux d'encadrement constaté dans les établissements d'enseignement supérieur se dégrade . C'est ce qui justifie d'ailleurs l'abondement de 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017, la hausse du nombre d'étudiants restant considérable, avec 60 000 étudiants supplémentaires, hors double comptes, à la rentrée 2016, dont 35 000 à l'université.

Parallèlement, la réussite des étudiants reste très faible au sein des universités et établissements assimilés, seuls 27,2 % d'entre eux parvenant à obtenir leur licence en trois ans en 2014 (27,5 % en prévision pour 2016 et 2017).

Selon une étude réalisée par le ministère sur un panel de bacheliers de 2008, il apparaît ainsi que, si 57 % d'entre eux ont finalement réussi à être diplômé de licence, seuls 34 % y sont parvenus en trois ans (16 % en quatre ans et 7 % en cinq ans). En outre, seuls un quart des bacheliers technologiques ont réussi à obtenir leur diplôme (11 % en trois ans). 15 % des bacheliers concernés sont toutefois parvenus à obtenir un autre diplôme qu'une licence à l'issue de leurs études.

Taux de réussite en cinq ans des bacheliers 2008 inscrits en licence après le baccalauréat (en %)

Bacheliers généraux

Bacheliers technologiques

Ensemble

Licence (1)

63

25

57

en 3 ans

38

11

34

en 4 ans

18

8

16

en 5 ans

7

6

7

Master

21

3

18

Autres diplômes

14

19

15

Tous diplômes (2)

75

43

69

(1) y compris licence professionnelle.

(2) Total inférieur à la somme des diplômes obtenus car il est possible de détenir plusieurs diplômes.

Note : Les bacheliers professionnels ne sont pas affichés car leurs effectifs ne sont pas significatifs. La colonne « Ensemble » comprend tous les bacheliers.

Champ : France métropolitaine.

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ces taux illustrent les difficultés des universités à faire réussir leurs étudiants dans le premier cycle et aussi le fait que la principale priorité doit désormais être l'amélioration de l'orientation des élèves sortant de l'enseignement secondaire.

Dans le cadre de l'élaboration de son rapport sur le contrôle de l'assiduité des étudiants boursiers 13 ( * ) , votre rapporteur spécial a également pu constater qu'une mauvaise orientation peut expliquer l'absence des étudiants aux cours : du fait des difficultés rencontrées pour suivre les enseignements, ils sont de plus en plus démobilisés .

Le système actuel laisse les jeunes bacheliers s'inscrire à n'importe quel cursus universitaire, sans toujours avoir pu mesurer réellement ce qui serait attendu d'eux ni en termes de prérequis ni s'agissant des matières qui y seront abordées ou encore des débouchés possibles.

Ainsi, quelques cursus concentrent toutes les attentions car, particulièrement demandés, ils doivent faire face à un nombre d'inscriptions si important qu'elles ne peuvent toujours être satisfaites. Ainsi en est-il, en particulier, en première année commune aux études de santé (PACES) et en licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ou encore en droit ou psychologie.

Cette situation conduit à créer une sélection par l'absurde, consistant, notamment pour les licences STAPS, à tirer au sort les personnes admises à s'inscrire, faute de sélection applicable à l'université.

À ce titre, votre rapporteur spécial se félicite de l'avancée considérable que constitue l'adoption par le Sénat de la proposition de loi de notre collègue Jean-Léonce Dupont 14 ( * ) , dont il a également été l'un des signataires, tendant à permettre une sélection à l'entrée en master . Il est satisfait de constater que tous les acteurs sont parvenus à un accord se concrétisant dans ce texte législatif qui, espérons-le, sera rapidement adopté définitivement par le Parlement.

À défaut de sélection en licence, il convient donc d'assurer une orientation efficace des bacheliers à la fin du lycée ou au début du parcours universitaire, afin de permettre à ceux qui ont véritablement leurs chances de réussir dans la filière d'y accéder et d'éviter que d'autres ne « s'égarent » pendant des années dans un cursus inadapté à leur profil.

3. Un soutien insuffisant pour l'enseignement supérieur privé qui accueille 3 % des étudiants

Comme indiqué précédemment, pour la deuxième année consécutive, la dotation consacrée à l'enseignement supérieur privé reste stable .

Certes, il est satisfaisant que ces établissements conservent ce niveau d'enveloppe budgétaire après avoir subi plusieurs années de baisses consécutives importantes (- 13 % en 2013, - 7,6 % en 2014 et - 1 % en 2015 en exécution). Pour autant, entre 2012 et 2017, ils auront perdu plus de 10 % du montant total de leur dotation tandis que, parallèlement, les crédits du programme 150 ont augmenté de 5,7 % .

Évolution des crédits du programme 150 et de l'action 04

(en millions d'euros)

NB : il s'agit des crédits inscrits en LFI ou en PLF (pour 2017).

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ainsi, alors que les contraintes des établissements publics, au premier rang desquels les universités, sont prises en compte pour le calcul de leurs subventions, celles des établissements privés ne le sont aucunement. Or si, selon les chiffres du ministère de l'enseignement supérieur, l'aide de l'État ne représente en moyenne que 6,7 % du total des produits de ces établissements, celle-ci peut représenter une part bien plus importante pour certains d'entre eux.

En outre, alors que l'aide accordée à l'enseignement supérieur privé ne représente que 0,6 % des crédits du programme 150 , ces établissements offrent un enseignement de qualité à 3 % des étudiants , soit 85 092 étudiants à la rentrée 2015.

Sous l'effet cumulé de l'augmentation constante du nombre d'étudiants inscrits dans ces établissements (+ 43 % depuis 2009) et de la baisse puis de la stagnation des crédits inscrits en loi de finances, le montant moyen de la subvention de l'État par étudiant ne cesse de se réduire , passant ainsi de 1 232 euros par étudiant en 2012 à 787 euros en 2015 15 ( * ) .

NB : les montants indiqués correspondent à la dotation exécutée à l'action 04 « Établissements d'enseignement privés » pour l'année concernée, sans les crédits consacrés à la formation initiale des enseignants des établissements d'enseignement privés sous contrat du premier et du second degrés, divisée par le nombre d'étudiants inscrits pour la rentrée universitaire de l'année précédente, selon les rapports annuels de performances.

Source : commission des finances d'après les données des rapports annuels de performances pour 2010 à 2015

Cette situation semble d'autant moins compréhensible que, parallèlement, les crédits prévus au sein de l'action 04 du programme 150 ne sont, en principe, plus attribués qu'aux établissements ayant obtenu la qualification d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG).

Celle-ci, prévue par l'article 70 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche et codifiée à l'article L. 732-1 du code de l'éducation, conduit ainsi à réserver l'aide de l'État aux établissements qui répondent aux missions de service public de l'enseignement supérieur et obéissent à la fois aux règles de « non-lucrativité » et d'indépendance de gestion . Des contrats pluriannuels sont conclus et permettent d'encadrer les relations entre l'État et ces établissements, tout en s'assurant du respect par ces derniers des conditions exigées. Ils sont assortis de conventions financières annuelles. À défaut de se voir attribuer la qualité d'EESPIG, le soutien financier de l'État diminue progressivement de 25 % chaque année. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a indiqué que cette situation s'était effectivement produite en 2016 pour un établissement.

Cette évolution contractuelle, bienvenue, entre donc en complète contradiction avec le manque de soutien financier du Gouvernement à ces établissements qui, une fois qualifiés d'EESPIG, justifient concourir effectivement aux missions de service public de l'enseignement supérieur.

En outre, la baisse des subventions de l'État s'accompagne du tarissement des aides de certaines collectivités territoriales qui rencontrent elles-mêmes des difficultés budgétaires compte tenu de la baisse de leurs dotations.

Par ailleurs, alors que les établissements privés étaient invités par le ministère à diversifier leurs ressources pour compenser la perte issue de la baisse de la dotation de l'État, tout en maîtrisant le niveau de leurs frais d'inscription, une réforme de la taxe d'apprentissage a conduit mécaniquement à réduire également cette source de financement . Cette baisse est d'ores et déjà estimée à plus de 30 % des recettes antérieures par les fédérations représentant ces établissements.

En conséquence, les budgets s'avèrent parfois très difficiles à boucler pour des établissements qui assurent une formation de qualité et un taux d'insertion professionnelle élevé à leurs étudiants (jusqu'à 80 % dès l'obtention du diplôme), avec un montant de subvention de l'État très limité. Selon les chiffres des fédérations représentant ces établissements, en 2014 la formation de 70 000 étudiants a ainsi globalement couté 822 millions d'euros, dont seulement 65 millions d'euros issus du soutien de l'État.

Votre rapporteur spécial profite d'ailleurs de ce développement pour mentionner la situation difficile de certains établissements partiellement financés par les chambres de commerce et d'industrie, ces dernières voyant régulièrement leurs moyens d'intervention se réduire.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le Gouvernement prévoirait de faire bénéficier les établissements d'enseignement supérieur privé d'un million d'euros supplémentaire sur les 100 millions d'euros prévus en compensation de la hausse du nombre d'étudiants sur l'ensemble du programme 150. C'est bien insuffisant pour pallier le manque de crédits inscrits chaque année depuis 2012 et, en tout état de cause, ce million d'euros n'est, pour le moment, pas inscrit sur cette action.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et comme l'an dernier, votre rapporteur spécial souhaite que l'enseignement supérieur privé ne soit pas sacrifié et propose, en conséquence, un amendement tendant à augmenter la dotation allouée à ces établissements de 6 millions d'euros en autorisation d'engagements et en crédits de paiement. Avec le million d'euro supplémentaire prévu par le Gouvernement, cela permettrait de maintenir un montant moyen par étudiant à près de 900 euros (soit environ 830 euros une fois tenue compte de la réserve de précaution).

4. Les conditions sont-elles vraiment réunies pour une nouvelle vague de dévolution du patrimoine ?

L' accession à l'autonomie des universités, dans le cadre de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités 16 ( * ) , s'est accompagnée , pour trois d'entre elles, d'un transfert de propriété de leur patrimoine . Ainsi en est-il depuis 2011 des établissements de Clermont 1, Toulouse 1 et Poitiers.

Afin d'accompagner la dévolution du patrimoine, deux contributions de l'État ont été actées dans une convention qui le lie à chacun de ces établissements :

- une contribution avant transfert , tendant à couvrir la remise à niveau en matière de sécurité et d'accessibilité des bâtiments , qui s'est élevée au total à 20,85 millions d'euros ;

- une contribution récurrente , destinée au financement de la charge du renouvellement du patrimoine . Calculée en fonction des besoins de surfaces liés à l'activité des établissements et d'un forfait préalablement établi (en euros/m 2 ), elle a représenté 21,935 millions d'euros en 2015.

Comme le Gouvernement l'avait annoncé l'an dernier, une nouvelle vague de dévolution du patrimoine est envisagée , à la suite de bilans d'étape sur la situation des trois universités déjà concernées. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, il apparaît ainsi qu'elles « se sont de manière variable saisies de l'opportunité qui leur est ouverte. L'effectivité de la prise en compte de la problématique immobilière est différente selon les universités. Toutefois, globalement, il ressort des trois expérimentations que la dimension immobilière est devenue un élément clairement stratégique , piloté au plus haut niveau. La visibilité financière donnée par la dotation pérenne permet aux universités de penser l'avenir de leur immobilier dans la durée , ce qui donne force aux politiques qu'elles conduisent. »

Dans le cadre de l'enquête demandée par la commission des finances du Sénat, sur le fondement de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 17 ( * ) , la Cour des comptes avait estimé que « le transfert de la propriété du patrimoine constituerait une étape supplémentaire et logique dans l'acquisition de l'autonomie des universités . » 18 ( * ) Votre rapporteur spécial partage cette analyse et considère que la dévolution du patrimoine permettrait une meilleure gestion tout en conduisant à une rationalisation des surfaces .

Pour autant, la généralisation de l'autonomie immobilière ne saurait être envisagée dans les mêmes conditions que celles retenues dans le cadre de l'expérimentation menée en 2011 avec les trois universités précitées, compte tenu de son coût estimé par la Cour des comptes à 850 millions d'euros par an .

Le 19 septembre 2016, l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche ont rendu un rapport sur la dévolution du patrimoine immobilier aux universités, tendant à établir un bilan des trois expérimentations et à définir les conditions dans lesquelles le processus pourrait être repris.

Il apparaît ainsi que l'expérience des universités bénéficiant de la dévolution du patrimoine est globalement positive , en permettant tout particulièrement une amélioration effective de la gestion immobilière des établissements, accompagnée de la mise en place d'outils de gestion et de pilotage plus efficaces, ainsi qu'une « accélération de la réalisation de projets de réhabilitation, de mise en sécurité et d'accessibilité du bâti ». Le rapport des inspections évoque toutefois quelques limites, notamment le fait que cette évolution n'a a priori permis, ni de réduire les dépenses de fluides ou d'énergie ni, surtout, d'améliorer le taux d'utilisation des locaux et le produit de cessions et de valorisation des bâtiments.

Compte tenu de ces constats, le rapport confirme l'opportunité de reprendre le processus de transfert de propriété , considérant par ailleurs que le risque est limité, tant pour les établissements qui jouent déjà, de fait, le rôle de propriétaire, que pour l'État dont le niveau d'investissement actuel en termes d'entretien conduit généralement à un patrimoine dégradé.

Les inspections ont déterminé les conditions dans lesquelles une nouvelle vague de dévolution pourrait être lancée , en retenant en particulier trois leviers financiers permettant de la faciliter :

- sécuriser les « financements immobiliers de l'État au-delà de l'échéance des CPER actuels » , avec en particulier : le maintien de la dotation globale de fonctionnement (sans diminution en raison de la dévolution), la stabilisation des crédits de l'État en matière de sécurité et d'accessibilité et la sécurisation des financements apportés par les CPER ;

- garantir un taux de retour de 100 % sur les produits des cessions réalisées par les établissements bénéficiant de la dévolution ;

- relancer la réflexion portant sur la possibilité offerte aux universités de recourir à l'emprunt .

Des freins et des rigidités juridiques et administratifs sont également mis en avant, les deux corps d'inspection préconisant de sécuriser les conditions dans lesquelles les établissements seraient à même de mieux valoriser leur patrimoine immobilier.

La mission d'inspection a établi un cahier des charges qui s'imposerait aux établissements, candidats à la dévolution, tout en préconisant que ceux-ci fassent également l'objet d'un « audit "pré-dévolution" » .

Compte tenu de ce travail, le ministère de l'enseignement supérieur s'engage dans une deuxième vague de dévolution du patrimoine aux universités, treize établissements ayant manifesté leur intérêt pour en bénéficier.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, celle-ci serait réalisée selon des modalités très différentes de la première expérimentation puisqu'aucune dotation supplémentaire de l'État n'est prévue, ni contribution pour remise à niveau des bâtiments, ni contribution récurrente . En revanche, les universités retenues resteraient éligibles aux crédits des CPER et bénéficieraient d'un taux de retour de 100 % du produit des cessions réalisées.

Reprenant les préconisations de la mission d'inspection, les établissements qui se seront portés candidats feront l'objet d'une analyse précise de leur situation, au regard d'un cahier des charges préalablement défini.

L'objectif affiché par le Gouvernement est l'établissement d'une liste des universités retenues d'ici la fin de l'année 2016, avec possibilité, conformément aux propositions du rapport d'inspection, d'une dévolution totale ou progressive (par tranches, en fonction de l'état des bâtiments).

Certes, les établissements concernés pourront céder des biens en récupérant la totalité du produit et conserver l'accès aux CPER, dont les crédits restent toutefois modestes mais, en l'absence de contribution supplémentaire, les conditions de la dévolution, loin d'être identiques à celles de la première vague, ne garantissent en rien leur réussite .

En conséquence, si l'objectif de relancer la dévolution du patrimoine ne peut qu'être partagé et soutenu , il est permis de douter de l'aboutissement du processus pour un nombre important d'universités, compte tenu de l'absence concrète de financement supplémentaire de l'État.

5. Rester vigilant sur les regroupements d'établissements

Le regroupement d'universités et d'établissements a été renforcé par l'article L. 718-2 du code de l'éducation qui, issu de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche 19 ( * ) , crée une obligation de se regrouper à tous les établissements, en optant pour une fusion, une association ou une communauté d'universités et établissements (Comue).

Bilan des regroupements des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche

25 regroupements ont été constitués :

- 4 associations autour d'une université chef de file : Alsace, Aix-Marseille, Clermont-Auvergne, Picardie ;

- 1 université fusionnée, avec la Lorraine ;

- 20 communautés d'universités et établissements (Comue) dont 3 comprennent des universités fusionnées (Comue d'Aquitaine, Communauté Université Grenoble Alpes et Languedoc-Roussillon Université).

La quasi-totalité des COMUE ont mis en place leurs instances de gouvernance.

Source : d'après les réponses au questionnaire complémentaire adressé au ministère chargé de l'enseignement supérieur

La coopération entre les universités et les autres établissements d'enseignement supérieur ne peut qu'être soutenue , dès lors qu'elle aboutit à une mutualisation des moyens , améliore l'offre proposée et, éventuellement, rend les établissements plus visibles à l'échelle internationale .

Le rapporteur spécial comprend également l'enjeu que peut revêtir une meilleure valorisation de l'enseignement supérieur français au sein du classement de Shanghai. Pour autant, il n'est personnellement pas convaincu du fait que le regroupement d'établissements tendant à « faire nombre » constitue réellement un atout pour développer l'excellence.

Il est encore trop tôt pour évaluer concrètement les conséquences de la création de tels regroupements , en particulier des Comue, établissements les plus novateurs en termes de gouvernance. En effet, les premières d'entre elles ne fonctionnent que depuis le printemps 2015, ce qui ne laisse que trop peu de recul. Quelques-unes en sont encore à mettre en place leurs nouvelles instances.

Pour autant, comme votre rapporteur spécial n'a pas manqué de le signaler dans le cadre de l'examen des précédentes lois de finances, il convient de rester vigilant quant à la création de ces « superstructures » qui pourraient mener à plus de complexité et induire des coûts de fonctionnement importants .

Lors des auditions, il est apparu que la gouvernance des Comue n'est pas toujours aisée , en premier lieu pour constituer les instances décisionnelles et, ensuite, pour y faire émerger des positions communes.

L'exemple le plus criant, mais aussi le plus complexe compte tenu de son importance, reste la Comue de Paris Saclay. D'importantes difficultés se font jour pour faire avancer un regroupement dans lequel les intérêts et les projets à mener ne sont pas nécessairement partagés par l'ensemble des membres.

L'une des principales difficultés pour le bon fonctionnement des Comue semble provenir de la nécessité pour elles de combiner à la fois, dans la stratégie du regroupement, l'accès de tous les étudiants à l'enseignement supérieur, par le biais des universités, et l'atteinte de l'excellence au niveau mondial.

Ensuite, certaines personnes entendues par votre rapporteur spécial ont mentionné la difficulté pour des établissements, plus petits, d'exister au sein de ces grands ensembles .

La lenteur du processus décisionnel n'a pas manqué non plus d'être signalée, de même que la perte de temps et d'énergie que pouvaient constituer les nombreuses réunions organisées pour les représentants des établissements qui en sont membres.

Par ailleurs, il est à craindre que certaines mutualisations de compétences ne s'accompagnent pas nécessairement d'une rationalisation des services administratifs compétents . Certes, comme la direction générale de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas manqué de le rappeler lors de son audition, ces groupements n'ont pas été créés en ayant vocation à engendrer des économies. Il convient toutefois de s'assurer qu'une même compétence n'est pas exercée par plusieurs entités, sans aucune valeur ajoutée, surtout en période de contrainte budgétaire et alors que les établissements d'enseignement supérieur doivent faire face à de nombreux défis.

Selon les chiffres recueillis auprès du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, depuis la première vague des contrats de site en 2013, 908 emplois contractuels ont été attribués aux différents sites et regroupements. En 2017, en fonction du dialogue contractuel en cours, il pourrait être attribué 360 nouveaux emplois. Certes, ces emplois de site peuvent être ensuite répartis au sein des établissements qui composent le regroupement mais une partie sert à constituer les services administratifs de ces nouvelles structures. Ainsi, la Comue de Paris Saclay compte à elle seule plus de 50 emplois.

6. Le soutien des investissements d'avenir : entre bonne nouvelle et interrogations pour l'avenir
a) De nouvelles actions portées par le PIA 3 en faveur de l'enseignement supérieur mais sans engagement de crédits de paiement d'ici 2018

Comme évoqué dans la première partie du présent rapport, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit également un nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 3) de 10 milliards d'euros , qui devrait permettre de soutenir un certain nombre de projets dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s'inscrit dans la suite des investissements d'avenir initiés par le PIA 1 et le PIA 2, en particulier avec la création des « équipements d'excellence » (EQUIPEX) et des « initiatives d'excellence » (Idex).

Le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche » de la mission « Investissements d'avenir » ouvre 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement autour de sept actions, parmi lesquels figurent plus particulièrement, pour l'enseignement supérieur, l'action 01 « Nouveaux cursus à l'université » et l'action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques ».

Répartition par actions des crédits du programme 421 de la mission « Investissements d'avenir »

Source : commission des finances d'après le rapport annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Afin de « contribuer au cours du premier cycle des études universitaires, au sein du cursus de licence », l' action 01 « Nouveaux cursus à l'université » vise ainsi à financer des projets innovants tant en termes de parcours de formation que de méthodes pédagogiques ou de rythmes d'apprentissage (projet annuel de performances de la mission). Ayant pour opérateur l'Agence nationale de la recherche (ANR), elle bénéficierait pour cela de 250 millions d'euros .

Il s'agirait également de favoriser la formation continue et de poursuivre le développement de contenus accessibles grâce à la révolution numérique par des modèles innovants tant en termes « d'accès aux contenus que [de] formes d'interactions ». Ces expériences devront être menées dans l'optique, pour les plus concluantes, d'une généralisation à grande échelle par la suite.

L' action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques » dispose de 400 millions d'euros et aurait pour opérateur la Caisse des dépôts et consignations. Par la création de ces sociétés, le PIA 3 entend notamment soutenir le développement de nouvelles ressources pour les universités . En effet, ces sociétés expérimentales, adossées à des universités et/ou des organismes de recherche, auraient pour vocation de développer plusieurs activités parmi lesquelles un « schéma immobilier visant à maîtriser et valoriser économiquement le patrimoine du site ». Elles devront ainsi s'inscrire « dans un projet d'autonomie plus vaste, permettant de constituer une identité géographique cohérente, de dégager de nouvelles ressources, d'ouvrir le site à de nouveaux partenariats ».

Les autres actions du programme 421 (à l'exception de l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » destiné au développement du numérique dans l'enseignement scolaire) sont davantage tournées vers la recherche mais sont susceptibles d'améliorer la performance et le rang international des universités qui y participent. Ainsi en est-il notamment de la création d'« écoles universitaires de recherche » visant à regrouper des formations de master et de doctorat avec des laboratoires de très haut niveau. De même l'action 4 « Soutien des universités de recherche » doit permettre aux Idex et ISITE de « bâtir des stratégies plus intégrées dans les domaines cruciaux pour notre activité internationale » 20 ( * ) , parmi lesquelles figurent notamment la stratégie des formations attractives.

Tout en se félicitant des crédits supplémentaires ainsi accordés à l'enseignement supérieur , il convient de noter que le présent projet de loi de finances se contente toutefois d'ouvrir 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, sans crédits de paiement associés en 2017 . Ceux-ci devraient n'être ouverts qu'à compter de 2018 (à raison de 2 milliards d'euros par an pendant cinq ans).

Ce report de charges sur les années à venir permet ainsi au Gouvernement d'éviter, en cette période électorale, de faire peser les montants engagés sur le solde budgétaire de l'État en 2017 , tout en annonçant 10 milliards d'euros supplémentaires en faveur de l'investissement dans l'enseignement, la recherche et l'innovation.

E n inscrivant les crédits de paiement dans une logique de mission budgétaire (le projet de loi de finances pour 2017 crée ainsi une mission « Investissements d'avenir » qui regroupe tous les crédits consacrés à ce PIA 3), le Gouvernement a conduit à ce qu'ils ne soient plus à l'abri de régulations budgétaires dans le cadre des prochaines lois de finances, contrairement aux précédents PIA qui prévoyaient un décaissement intégral l'année de création du programme.

Enfin, l'inscription de ces crédits d'investissements d'avenir en faveur de la recherche et de l'enseignement supérieur n'étant plus si exceptionnelle , il est important que le ministère chargé de ces politiques publiques soit associé à la définition de la stratégie mise en oeuvre , d'autant que le commissaire général à l'investissement sera le responsable des programmes du PIA 3. 21 ( * )

b) La question cruciale de la pérennisation des financements issus des PIA pour les établissements

Les PIA 1 et PIA 2 ont considérablement contribué au financement des investissements réalisés dans le cadre de l'enseignement supérieur et de la recherche, avec une enveloppe de plus de 27 milliards d'euros qui leur était plus particulièrement dédiée 22 ( * ) .

Concernant plus spécifiquement l'enseignement supérieur, la question de la pérennisation des ressources issues de ces programmes est cruciale pour certains établissements.

Ainsi en est-il notamment des Initiatives d'excellence (Idex) qui permettent l'émergence de pôles pluridisciplinaires de rang mondial, complétés par les Initiatives « Science-innovation-territoires-économie » (I-SITE) dans le cadre du PIA 2.

Huit Idex sélectionnées en 2011 et en 2012 disposaient ainsi de dotations non consommables correspondant à 6,25 milliards d'euros, génératrices d'intérêts annuels à hauteur de 160,4 millions d'euros.

Or, la pérennisation des financements consacrés à ces opérations est fonction de l'évaluation réalisée par un jury indépendant à l'issue d'une période probatoire qui s'achevait en 2016.

Ainsi, sur les huit Idex de première génération, trois d'entre elles ont eu leur projet confirmé, bénéficiant ainsi des financements annuels issus des dotations non consomptibles, a priori sans limitation de durée, trois autres voient leur période probatoire reconduite pour dix-huit à vingt-quatre mois et, enfin, les deux restantes ont dû être arrêtées, faute de perspectives d'intégration permettant de parvenir à une université de recherche de rang mondial.

Cette première expérience d'évaluation dans le cadre des Idex met en exergue l'enjeu pour ces structures de se développer et de répondre aux exigences de pérennisation de ces financements qui, s'ajoutant aux dotations budgétaires de l'État, offrent de véritables moyens d'action pour le monde universitaire et de la recherche. La perte du label « Idex » induit ainsi celle de plusieurs millions d'euros par an pour ces universités.


* 11 Il s'agit essentiellement des universités mais également des écoles d'ingénieurs (et assimilées) publiques sous tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur (ayant la personnalité morale ainsi que l'autonomie pédagogique et financière), les communautés d'universités et établissements (Comue), l'établissement public d'aménagement universitaire de la région Île-de-France (Epaurif), les « autres opérateurs d'enseignement supérieur et de recherche », soit 36 établissements parmi lesquels les écoles normales supérieures de Paris, Lyon, Cachan et Rennes, la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) et sept instituts d'études politiques, et les « opérateurs de soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche » parmi lesquels les chancelleries ou encore l'Agence de mutualisation des universités (Amue), l'Agence Erasmus+France Education formation ou encore la plateforme « Fun MOOC ».

* 12 Cf. le A du I de la présente deuxième partie du rapport.

* 13 Cf. le rapport d'information n° 729 (2015-2016) du 29 juin 2016, fait au nom de la commission des finances, « Le contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers : le scandale des "copies blanches" », et le 2 du B du II de la présente partie.

* 14 Proposition de loi n° 825 (2015-2017) de M. Jean-Léonce Dupont et plusieurs de ses collègues, portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat.

* 15 Le montant de la subvention par étudiant varie, en pratique, selon les fédérations, qui ne perçoivent pas la même aide de l'État pour des raisons historiques. Ainsi, en 2015, les subventions étaient de :

- 877 euros par étudiant pour l'Union des établissements d'enseignement supérieur catholique (UDESCA) ;

- 760 euros par étudiant pour la Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (FESIC) ;

- 864 euros par étudiant pour l'Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) ;

- 524 euros par étudiant pour l'Union des nouvelles facultés libres (UNFL) ;

- 471 euros par étudiant pour les associations non affiliées.

* 16 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 17 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 18 Rapport d'information n° 715 (2014-2015) de Philippe Adnot, fait au nom de la commission des finances, suite à l'enquête de la Cour des comptes sur le bilan de l'autonomie financière des universités.

* 19 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013.

* 20 Commissariat général à l'investissement, « 3 e programme d'investissements d'avenir, préparer la France aux défis de demain », juin 2016.

* 21 La mission « Investissements d'avenir » relève du Premier ministre.

* 22 Voir le II de la première partie du présent rapport.

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