Rapport n° 71 (2017-2018) de M. Gilbert BOUCHET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 8 novembre 2017

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N° 71

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 novembre 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l' Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Gouvernement de l'État d' Israël , d'autre part,

Par M. Gilbert BOUCHET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Robert del Picchia, Thierry Foucaud, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Cédric Perrin, Gilbert Roger , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Rachid Temal , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

821 (2015-2016) et 72 (2017-2018)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 821 (2015-2016) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Gouvernement de l'État d'Israël, d'autre part .

Signé le 10 juin 2013, et amendé le 19 février 2015 pour tenir compte de l'accession de la Croatie à l'Union européenne, cet accord s'inscrit dans le cadre de la politique européenne d'aviation civile visant notamment à créer un espace aérien commun avec les pays du voisinage .

S'inspirant très largement des accords précédemment conclus avec les partenaires méditerranéens de l'Union européenne, l'accord met en place un cadre juridique unique, harmonisé sur la base du droit européen, pour la libre exploitation des services aériens entre les États membres de l'Union européenne et Israël. Il facilite ainsi les déplacements et favorise les échanges entre ces territoires.

Sans préjudice de l'harmonisation souhaitée par l'Union européenne, des adaptations ont été accordées à l'État israélien pour tenir compte des spécificités de son marché aérien et de sa législation, et permettre ainsi la conclusion du présent accord.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

I. ACCORDS BILATÉRAUX EURO-ISRAÉLIENS : DES LIENS CONVENTIONNELS ANCIENS

A. LES ACCORDS EN VIGUEUR

À l'exception de l'Estonie et de la Croatie, tous les États membres de l'Union européenne ont conclu un accord bilatéral avec Israël relatif à des services aériens 1 ( * ) . Le premier accord a été conclu avec les Pays-Bas en 1950, et le dernier en date a été signé avec le Royaume-Uni en 2001 2 ( * ) .

Dans le domaine de l'aviation civile, l'activité conventionnelle israélienne est donc ancienne et particulièrement intense avec les pays de l'Union européenne.

Le présent accord a vocation à se substituer aux accords en vigueur et notamment à celui conclu avec la France en 1952, sauf pour les collectivités d'outre-mer n'entrant pas dans le champ d'application des traités européens 3 ( * ) .

B. BILAN DE L'ACCORD AÉRIEN FRANCO-ISRAÉLIEN DE 1952

L'accord relatif aux transports aériens, signé le 29 avril 1952, comportait, outre un tableau des routes exploitables, les clauses traditionnelles des accords aériens de l'époque, notamment celles relatives aux conditions de désignation des compagnies aériennes et de fixation des tarifs, aux exemptions de taxes et de droits fiscaux, et au respect des lois et règlements des parties pour l'entrée, le séjour et la sortie des passagers, équipages et marchandises. Cet accord a été amendé à deux reprises par échanges de lettres, en 1962 et en 1967 , puis modifié par l'accord entre la Communauté européenne et l'État d'Israël sur certains aspects des services aériens, signé en décembre 2008 et entré en vigueur en novembre 2009, qui a simultanément amendé les accords aériens qu'Israël avait conclus avec vingt-cinq autres États membres.

Par la suite, lors des rencontres entre les administrations des deux pays (« commissions mixtes franco-israéliennes »), les sujets d'exploitation
- comme par exemple le nombre de services exploitables - ont donné lieu à des ajustements . Au terme de ces évolutions, la France et Israël étaient en mesure, à l'issue de la dernière rencontre de mars 2007, de désigner deux transporteurs aériens par route ; seules les opérations sur la ligne Paris-Tel-Aviv comportaient des limitations pour le second transporteur (soit sept fréquences hebdomadaires).

Lors de cette dernière rencontre bilatérale, il a été décidé d'amender le tableau des routes pour permettre l'exploitation de services entre tout aéroport français et tout aéroport israélien, d'adopter des dispositions permettant les opérations en partage de codes entre les transporteurs des deux parties et ceux de pays tiers 4 ( * ) , et d'ajouter un article à l'accord interdisant les pratiques concertées entre transporteurs aériens pour se mettre en conformité avec le droit européen sur cet aspect. Compte tenu de l'obsolescence de l'accord de 1952, et de l'ampleur des modifications envisagées, le procès-verbal de cette rencontre de mars 2007 concluait sur la nécessité de négocier un accord entièrement nouveau 5 ( * ) .

C. UN TRAFIC AÉRIEN IMPORTANT

1. Avec la France

D'après les données recueillies auprès de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), le marché français a progressé de près de 11 % en 2016 pour atteindre 1,1 million de passagers .

Il se concentre principalement sur la ligne Paris-Tel-Aviv, qui représente à elle seule près de 86 % du trafic. Sur cette route, les compagnies européennes ont transporté plus d'un demi-million de passagers - dont 430 000 passagers pour les deux compagnies françaises qui assurent la ligne 6 ( * ) -, et leurs homologues israéliens environ 420 000 passagers 7 ( * ) . Les autres lignes d'importance sont entre Marseille et Tel-Aviv (environ 65 000 passagers), Nice et Tel-Aviv (environ 30 500 passagers) et entre Lyon et Tel-Aviv (environ 27 000 passagers).

Sur le marché français, seule la route entre Paris (aéroports de Beauvais, Charles-de-Gaulle et Orly) et Tel-Aviv fait encore l'objet de limitations : si le premier transporteur aérien de chaque partie - Air France et El Al - n'est soumis à aucune restriction, les autres transporteurs sont limités à un nombre de fréquences qui a été progressivement porté à vingt et un depuis le début de la saison aéronautique IATA ( International Air Transport Association ) d'été 2017, alors qu'il n'était que de sept lors de la signature de l'accord.

L'attribution de ces fréquences a fait l'objet d'appels d'offres successifs, compte tenu de l'attractivité de cette ligne pour les transporteurs européens, et d'une demande excédant les disponibilités. À l'été 2017, les vingt et une fréquences sont allouées de la manière suivante : quatorze pour la compagnie Transavia France et sept pour les compagnies britanniques easyJet et XL Airways (respectivement cinq et deux). Lors de la prochaine saison aéronautique d'été 2018, l'intégralité des liaisons entre l'Union européenne et Israël sera libéralisée ; certains des transporteurs précités ont d'ores et déjà fait part de leur volonté d'accroître leur offre, alors que d'autres transporteurs européens ont manifesté leur intention de venir sur ce marché.

La vigueur de ce trafic aérien est à mettre à l'actif, entre autres, de la communauté française établie sur place. En effet, d'après les données transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, près de 150 000 Français vivent actuellement dans le pays, ce qui fait de la France le troisième pays d'émigration vers Israël après la Russie et l'Ukraine. Après un pic record en 2015, l'immigration française en Israël, qui a atteint quelque 5 000 personnes en 2016, a toutefois baissé l'an dernier.

2. Avec le reste de l'Union européenne

Eurostat rapporte qu'en 2016, le trafic entre les vingt-huit États membres de l'Union européenne et l'État d'Israël s'est élevé à 10,2 millions de passagers, soit un accroissement de plus d'un tiers du trafic par rapport à 2013 , année de signature de l'accord. Cette croissance n'a pas été homogène , le marché français, par exemple, ne progresse que de 10,7 % ( cf. supra ), alors que marché allemand (le premier en 2016 avec 1,26 million de passagers) enregistre une croissance de plus de 29 %, que le marché grec (le cinquième l'an dernier) progresse de près de 42 %, et que les marchés plus modestes se développent fortement, comme le marché chypriote dont le trafic avec Israël est passé de quelque 150 000 passagers en 2013 à environ 360 000 passagers l'an dernier, soit une augmentation de 140 %.

Il est à noter qu'aucune compagnie israélienne ne figure sur la « liste des transporteurs aériens faisant l'objet d'une interdiction ou de restrictions d'exploitation au sein de l'Union européenne » telle que mise à jour par le règlement d'exécution (UE) n° 2017/830 de la Commission du 15 mai 2017.

3. Les perspectives

L'IATA prévoit le doublement du trafic passagers à l'horizon 2035, mais estime que l'Europe serait la région du monde où la croissance sera la plus faible. La croissance du trafic entre la France et Israël devrait néanmoins se poursuivre , à la fois en raison de la tendance mondiale, mais aussi grâce à l'arrivée de nouveaux opérateurs et l'ouverture de nouvelles liaisons.

Cette évolution ne sera pas sans conséquence sur les prix des billets. Dans une étude présentée en janvier 2017, les autorités de l'aviation civile israélienne indiquaient que les tarifs moyens des vols directs vers les pays d'Europe de l'Ouest avaient baissé d'environ 12 % depuis la signature de l'accord .

II. L'ÉLARGISSEMENT DU « CIEL UNIQUE EUROPÉEN »

A. LA POLITIQUE EUROPÉENNE D'AVIATION CIVILE

1. Sa genèse

Les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes du 5 novembre 2002 relatifs à des accords bilatéraux passés entre certains États membres et les États-Unis (arrêts dits de « Ciel ouvert ») ont marqué l'émergence d'une politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation .

À cette occasion, si la Cour n'a pas donné raison à la Commission européenne qui estimait que la Communauté disposait d'une compétence exclusive pour conclure des accords de transport aérien avec des pays tiers, elle a estimé, en revanche, que certaines dispositions des accords bilatéraux conclus par les États membres représentaient une entrave à la liberté d'établissement , alors que d'autres empiétaient sur la compétence communautaire (dispositions relatives aux systèmes informatisés de réservation et à la gestion des créneaux horaires, ainsi que certaines dispositions tarifaires).

Prenant acte des arrêts de la Cour, le Conseil transports du 5 juin 2003 a adopté une décision autorisant la Commission à négocier un accord avec les États-Unis visant à établir un « espace aérien sans frontière » avec l'Union européenne, destiné à remplacer les accords bilatéraux de l'ensemble des États membres et à résoudre les problématiques juridiques soulignés par la Cour.

Le Conseil de juin 2003 a également autorisé la Commission à négocier avec l'ensemble des pays tiers (mandat de négociation dit « horizontal ») des accords dont l'unique objet est de remplacer les dispositions des accords bilatéraux des États membres contraires au droit européen .

Enfin, lors de cette session, le Conseil a arrêté une approche générale concernant un projet de règlement sur la négociation et la mise en oeuvre des accords de services aériens entre les États membres et les pays tiers. Celle-ci s'est concrétisée par l'adoption, en avril 2004, du règlement (CE) n° 847/2004 du Parlement européen et du Conseil.

2. Ses objectifs

En mars 2005, la Commission a précisé les objectifs de cette nouvelle politique dans une communication intitulée « Développer l'agenda de la politique extérieure de l'aviation de la Communauté » . Il s'agit principalement :

- d' assurer la mise en conformité avec le droit européen des accords bilatéraux existants, soit par le biais de négociations bilatérales entre les États membres et les pays tiers concernés, soit en ayant recours à une négociation européenne dans le cadre du mandat horizontal donné en 2003 ;

- et de négocier des accords entre l'Union européenne et certains pays tiers , qui se substitueraient aux accords bilatéraux de services aériens conclus par les différents États membres.

Ce dernier objectif s'articule autour de deux axes :

- le premier concerne les pays de la politique de voisinage de l'Union européenne , auxquels il est proposé de conclure des accords européens de services aériens dont la principale caractéristique est de subordonner l'accès au marché intérieur à la reprise et la mise en oeuvre de l'acquis européen applicable au transport aérien ;

- le second concerne les partenaires clés de l'Union européenne - comme les États-Unis -, pour lesquels les accords européens de services aériens sont adaptés aux spécificités du pays concerné, en recherchant toutefois un certain degré de convergence des réglementations dans les principaux domaines du transport aérien, notamment dans celui de la sécurité.

Cette communication a servi de base aux conclusions que le Conseil transports a adoptées en juin 2005.

En décembre 2012, le Conseil a adopté de nouvelles conclusions pour orienter la politique extérieure de l'Union européenne dans ce domaine, sur la base d'une communication de la Commission intitulée « La politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation - Anticiper les défis à venir » . Considérant notamment que l'Union européenne devait adopter une approche « individualisée » avec certains partenaires clés (l'Inde, la Russie, la Turquie, certains pays du Golfe, l'Association des nations d'Asie du Sud-Est - ASEAN), le Conseil a notamment appelé à intensifier les négociations avec les pays du voisinage et consacré une large part de ses conclusions à la nécessité d'assurer les conditions d'une concurrence loyale entre transporteurs aériens .

Enfin, dans sa communication du 7 décembre 2015 « Une stratégie de l'aviation pour l'Europe » , la Commission a réservé une place importante à la politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine de l'aviation . La Commission a ainsi recommandé au Conseil de lui délivrer des autorisations pour négocier des accords globaux dans le domaine des transports aériens avec la Chine, l'ASEAN, la Turquie, six pays du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Qatar et Oman), le Mexique et l'Arménie, et proposé d'entamer de nouveaux dialogues dans le domaine de l'aviation avec des partenaires clés comme l'Inde. La commission a en outre fait part de son intention d' introduire des dispositions relatives à la concurrence loyale dans le cadre de la négociation des accords européens de transport aérien, et indiqué qu'elle envisageait d' adopter des mesures pour lutter contre les pratiques déloyales de la part des pays tiers et des opérateurs de ces pays.

Sur cette base, en juin 2016, le Conseil transports a autorisé la Commission à ouvrir des négociations avec l'ASEAN, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie puis, lors de sa session de décembre 2016, le Conseil a délivré une autorisation similaire pour l'Arménie. Enfin, lors du Conseil transports de juin 2017, la Commission a présenté une proposition de règlement visant à préserver la concurrence dans le domaine du transport aérien.

3. Une politique française plus pragmatique

La politique de transport aérien menée par la France à l'égard des pays tiers vise à satisfaire la demande , en adaptant les capacités agréées de part et d'autre, tout en assurant les conditions d'une concurrence équitable entre les transporteurs aériens.

Contrairement à la politique européenne, elle n'a pas nécessairement pour objectif de libéraliser les services aériens , mais plutôt de répondre, de manière pragmatique, aux besoins du transport aérien entre la France et le pays concerné. La politique française n'a pas non plus l'objectif d'harmoniser les réglementations en matière de transport aérien ; les parties s'engagent simplement à respecter les standards de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) dans les domaines essentiels de la sécurité et de la sûreté aériennes.

Les objectifs de chacune des sessions de négociations diffèrent selon les besoins de l'industrie du transport aérien (aéroports et compagnies aériennes), les tendances de l'évolution du trafic ou l'ancienneté des accords aériens, ce qui conduit dans certains cas à proposer de conclure de nouveaux accords, conformes à la réglementation européenne 8 ( * ) et comprenant des clauses adaptées aux besoins de l'aviation civile actuelle 9 ( * ) . Les autorités aéronautiques françaises proposent également d'introduire un article spécifique à la concurrence entre transporteurs aériens, qui aborde différents aspects de la question, comme les discriminations, les subventions et les pratiques de « dumping » ou de position dominante.

B. UN ACCORD EN PHASE AVEC LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE

Le Parlement européen précise que la politique européenne de voisinage « a pour but de renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous. [Elle] s'appuie sur les valeurs qui sont celles de la démocratie, de l'état de droit et du respect des droits de l'homme. C'est une politique bilatérale entre l'Union européenne et chaque pays partenaire, qui s'accompagne d'initiatives de coopération régionale : le partenariat oriental et l'Union pour la Méditerranée. »

L'Union européenne a d'ores et déjà signé des accords globaux de transport aérien avec :

- s'agissant de ses partenaires clés, les États-Unis en 2007 et le Canada en 2009 ;

- s'agissant des pays impliqués dans sa politique de voisinage, le Maroc en 2006, la Géorgie et la Jordanie en 2010, et la Moldavie en 2012.

L'accord avec Israël marque une étape nouvelle dans la création d'un espace aérien commun avec les pays du voisinage. Il s'agit en effet du troisième accord conclu avec un pays de la région euro-méditerranéenne, et du deuxième accord passé avec un pays du Proche-Orient.

Par ailleurs, un accord multilatéral a été signé en 2006 avec l'Islande, la Norvège, la Bulgarie, la Roumanie et les États des Balkans occidentaux 10 ( * ) , dont l'objectif était d' élargir le marché intérieur . Ces États se sont engagés à appliquer l'intégralité des règles européennes , non seulement dans le domaine du transport aérien mais aussi dans celui de la concurrence.

Un accord de voisinage a également été paraphé avec l'Ukraine en novembre 2013, mais le différend qui oppose l'Espagne et le Royaume-Uni relatif à la souveraineté sur le territoire où l'aéroport de Gibraltar est situé, empêche tout compromis sur la définition du champ d'application territorial de l'accord, et en empêche donc la signature.

Enfin, des négociations sont en cours :

- avec quelques-uns des partenaires clés de l'Union européenne, à savoir les dix pays de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN), le Brésil et le Qatar ;

- et avec les pays du voisinage que sont l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Turquie et la Tunisie.

La Commission européenne dispose également de mandats pour négocier des accords globaux de transport aérien avec l'Algérie, les Émirats arabes unis, le Liban, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Les négociations avec ces pays n'ont pas encore débuté (Émirats arabes unis), ou ont été déclarées « inactives » par la Commission suite à l'absence de progrès.

III. LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

A. DES DISPOSITIONS LARGEMENT CONFORMES À LA PRATIQUE CONVENTIONNELLE EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'AVIATION CIVILE

Composé de trois titres comprenant trente articles et six annexes, le présent accord règle les questions économiques, normatives et institutionnelles de la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne, ses États membres et Israël.

Pour l'essentiel, ces stipulations correspondent à celles des accords similaires précédemment conclus par l'Union européenne , permettant ainsi de tendre vers l'objectif de création d'un « ciel unique », régi par un cadre juridique harmonisé.

B. LES NÉCESSAIRES ADAPTATIONS AU CAS ISRAÉLIEN

Toutefois, et sans préjudice de l'harmonisation souhaitée par l'Union européenne, des adaptations ont été accordées à l'État d'Israël afin de tenir compte des spécificités de son marché aérien et permettre ainsi la conclusion du présent accord. L'annexe VI reprend ainsi les termes des directives et règlements européens listés à l'annexe IV, en procédant à des adaptations pour les rendre compatibles avec le droit israélien.

Le présent accord se distingue donc des accords similaires précédemment ratifiés sur quatre points : l'ouverture du marché à la concurrence, la sécurité, la sûreté et les aspects sociaux.

1. L'ouverture progressive du marché aérien israélien

L'objectif principal de cet accord est la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et l'État d'Israël, où les transporteurs aériens seront libres d'exploiter des services de troisième et de quatrième libertés 11 ( * ) et, dans une certaine mesure, des droits de cinquième liberté.

Alors que les accords bilatéraux imposent généralement des limitations quant aux routes exploitables, au nombre de transporteurs aériens et aux fréquences de services, cet accord permettra aux transporteurs européens et israéliens d'exploiter librement des services entre tout aéroport d'un État membre de l'Union européenne et tout aéroport de l'État d'Israël (droits de troisième et de quatrième libertés).

Néanmoins, cette libéralisation des services aériens ne sera effective qu'à compter de 2018 . En effet, une période transitoire est prévue pour permettre aux compagnies israéliennes de s'adapter afin d'affronter une concurrence nouvelle ( cf. annexes II et V de l'accord) ; durant cette période, les limitations de fréquences hebdomadaires auxquelles sont assujettis les transporteurs aériens pour certaines routes continueront donc de s'appliquer.

Dans un second temps, une fois qu'Israël aura mis en oeuvre « les exigences réglementaires et les normes équivalentes de la législation de l'Union européenne » prévue à l'annexe IV de l'accord, les transporteurs des deux parties pourront alors exploiter des services supplémentaires , qui comportent le droit d'embarquer et de débarquer des passagers sur des points intermédiaires (droits de cinquième liberté) situés dans les pays de la zone Euromed 12 ( * ) , dans les pays de l'accord sur l'espace aérien commun européen 13 ( * ) , ainsi qu'en Suisse.

Par ailleurs, aux termes de l'article 26, les droits de trafic antérieurement négociés dans un cadre bilatéral entre les États membres et Israël, et non couverts par le présent accord, continuent de s'appliquer . L'accord franco-israélien de 1952 prévoyait notamment des droits de cinquième liberté qui permettent aux transporteurs israéliens, sur des avions en provenance d'Israël, d'embarquer des passagers à Paris à destination de New-York, et sur les vols retours, d'embarquer à New-York des passagers à destination de Paris et de Tel-Aviv. Ces droits, limités dans l'échange de lettres de 1967 à trois services hebdomadaires, sont ainsi conservés.

2. Les règles de sécurité

Dans le domaine de la sécurité 14 ( * ) , l'accord permet à Israël de continuer d'appliquer les normes édictées par l'administration américaine 15 ( * ) , reconnues au moins équivalentes à celles mises en oeuvre au sein de l'Union européenne sous l'égide de l'agence européenne de sécurité aérienne (AESA) 16 ( * ) . En conséquence, la liste des textes européens visés dans la partie A de l'annexe IV portant sur la sécurité aérienne, est limitée aux textes relatifs à la « liste des transporteurs aériens faisant l'objet d'une interdiction d'exploitation » et aux « enquêtes sur les accidents/incidents et comptes rendus d'évènements » .

3. Les règles de sûreté

Dans le domaine de la sûreté 17 ( * ) , il n'était pas envisageable de procéder à une harmonisation des normes eu égard au niveau d'exigence très élevé de l'administration israélienne en la matière. À défaut d'harmonisation, les parties ont convenu de collaborer pour parvenir à la reconnaissance mutuelle de leurs normes (article 14), comme celles relatives à l'inspection filtrage des passagers 18 ( * ) et de leurs bagages à main.

4. Les aspects sociaux

Les aspects sociaux, comme environnementaux ( cf. infra ), sont généralement exclus des accords bilatéraux conclus entre États. Cette question est en revanche abordée dans le cadre des accords européens, ici à l'article 20 et à la partie F de l'annexe IV.

Sous réserve de quelques adaptations, la directive européenne relative à l'aménagement du temps de travail du personnel mobile dans l'aviation civile est rendue applicable à l'État d'Israël , ce qui contribuera à équilibrer les conditions de concurrence entre les compagnies européennes et israéliennes 19 ( * ) . Des écarts sont en effet tolérés par rapport à cette directive , s'agissant du temps de vol annuel des personnels navigants techniques et commerciaux, et de leur nombre de jours libres de tout service ou de réserve.

C. LES EFFORTS ENTREPRIS PAR ISRAËL POUR SE CONFORMER AU CADRE EUROPÉEN

Pour se conformer au cadre juridique établi par l'Union européenne en matière d'aviation civile, l'État d'Israël a d'ores et déjà pris plusieurs engagements.

1. Sur la gestion du trafic aérien

La gestion du trafic aérien est le domaine dans lequel l'harmonisation et la coopération sont les plus importantes en vue d'élargir le ciel unique européen à Israël, et de renforcer ainsi la sécurité et l'efficacité des services de contrôle de la navigation aérienne (article 15 et partie B de l'annexe IV).

À cet égard, le 12 décembre 2013 - soit six mois après la signature du présent accord -, Israël a signé un mémorandum de coopération avec le bloc d'espace aérien fonctionnel 20 ( * ) « Blue Med » , constitué par Chypre, la Grèce, l'Italie et Malte. Il s'agit d'une première étape en vue d'une association plus étroite d'Israël au Blue Med FAB pour la mise en place d'une gestion partagée et optimisée de l'espace aérien de ces pays.

En outre, le 2 juin 2016, l'État israélien a signé un accord avec Eurocontrol , organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne en Europe, qui marque une étape importante dans la mise en oeuvre du ciel unique européen.

2. Sur la protection de l'environnement

À l'article 16 de l'accord, les parties « reconnaissent l'importance de protéger l'environnement dans le cadre du développement et de la mise en oeuvre de la politique aéronautique internationale » .

La réglementation européenne traitant de la problématique des nuisances sonores , et plus précisément des restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports et des règles d'exploitation des aéronefs les plus bruyants ( cf. partie C de l'annexe IV), est aussi applicable à Israël .

L'article 16 précité comporte d'autres déclarations de principe, comme la nécessité de prendre des mesures, notamment au niveau international, pour réduire les incidences de l'aviation sur l'environnement.

À ce titre, les États membres de l'Union européenne et l'État d'Israël se sont engagés , en octobre 2016, à l'occasion de la 39 ème session de l'Assemblée de l'OACI, à mettre en oeuvre son « Programme de compensation et de réduction de carbone pour l'aviation internationale » , plus connu sous l'acronyme anglais CORSIA ( Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation ). Dans un souci de diminuer les émissions de carbone, ce programme comprend des améliorations techniques et opérationnelles dans la production et l'utilisation de carburants alternatifs durables pour l'aviation internationale.

CONCLUSION

Après un examen attentif de ses stipulations, la commission a adopté ce projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Gouvernement de l'État d'Israël, d'autre part .

Cet accord marque une nouvelle étape dans la création d'un espace aérien unique, élargi aux pays du voisinage européen . Après les accords conclus avec le Maroc en 2007 et la Jordanie en 2014, il s'agirait du troisième accord euro-méditerranéen ratifié par la France , et du deuxième avec un pays du Proche-Orient. D'autres accords sont en cours de négociation avec des pays de la région euro-méditerranéenne, à savoir la Tunisie et la Turquie.

L'État d'Israël a d'ores et déjà notifié au Secrétariat général du Conseil l'achèvement de sa procédure interne de ratification, de même que vingt États membres de l'Union européenne parties à cet accord : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l'Estonie, l'Espagne, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovénie et la Suède.

La France n'a fait aucune déclaration et n'a formulé aucune réserve lors de la signature de cet accord , et n'entend pas en émettre lors de sa ratification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 8 novembre 2017, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Gilbert Bouchet sur le projet de loi n° 821 (2015-2016) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Gouvernement de l'État d'Israël, d'autre part.

À l'issue de cette présentation, la commission, suivant la proposition du rapporteur, a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité.

ANNEXE : LES NEUF LIBERTÉS DE L'AIR

Source : Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de la Transition écologique et solidaire

• Michel LAMALLE , sous-directeur des transporteurs et des services aériens de la direction générale de l'aviation civile

Ministère de l'Économie et des Finances

• Anne-Sophie VITOUX , inspectrice principale des douanes, bureau de la fiscalité, des transports et politiques fiscales communautaires de la direction générale des douanes et droits indirects

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

• Vincent BIRET , rédacteur, direction de l'Union européenne, sous-direction des politiques internes et des questions institutionnelles

• Chloé BAUDREUX , rédactrice, direction de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient

• Carine VIALLON, rédactrice, mission des accords et traités


* 1 Cf. « Accord entre la Communauté européenne et l'État d'Israël sur certains aspects des services aériens » publié au Journal officiel de l'Union européenne du 2 avril 2009.

* 2 Il s'agit du second accord conclu entre les deux pays après celui de 1975.

* 3 À savoir la Nouvelle-Calédonie et les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, à l'exclusion de Saint-Martin. Ces collectivités ont statut de pays et territoires français d'outre-mer (PTOM), et ont des liens d'association avec l'Union européenne mais n'en font pas partie.

* 4 Les transporteurs aériens recourent de plus en plus à la pratique du partage de codes qui consiste à transporter des passagers titulaires d'un billet délivré par une autre compagnie aérienne. Cette pratique se développe notamment au sein des alliances ; elle permet au transporteur commercial (c'est-à-dire celui qui vend les sièges) de proposer des destinations qu'il ne dessert pas en propre, et au transporteur de fait (celui qui réalise le vol) d'améliorer le taux de remplissage de ses appareils.

* 5 Informations transmises par la direction générale de l'aviation civile, en réponse au questionnaire écrit de votre rapporteur.

* 6 Environ 300 000 pour Air France et 130 000 pour Transavia France .

* 7 370 000 pour El Al (la plus importante compagnie israélienne de transport aérien) et 40 000 pour Arkia (compagnie aérienne régulière pour ses vols en Israël et charter pour ses vols dans le monde).

* 8 Dispositions relatives à la désignation des transporteurs aériens et celles qui font référence à des ententes entre transporteurs.

* 9 En matière de sécurité, de sûreté et d'approbation des tarifs.

* 10 Albanie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Macédoine, Serbie et Kosovo.

* 11 Cf. annexe au rapport.

* 12 Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Liban, Jordanie, Israël, Palestine, Syrie et Turquie.

* 13 Islande, Norvège, Bulgarie, Roumanie et les Balkans occidentaux.

* 14 La sécurité concerne toutes les actions de prévention des accidents, c'est-à-dire dont l'origine est involontaire : problème technique, erreur humaine, etc.

* 15 The Federal Aviation Administration (FAA).

* 16 Cf. « l'accord entre les États-Unis d'Amérique et la Communauté européenne relatif à la coopération dans le domaine de la réglementation de la sécurité de l'aviation civile » entré en vigueur le 1 er mai 2011.

* 17 La sûreté fait référence à la prévention des actes de malveillance, dont l'origine est donc volontaire : terrorisme, détournements d'avion, dégradations volontaires, etc.

* 18 Israël a, par exemple, mis en place des contrôles différenciés qui ne sont pas en vigueur en Europe.

* 19 Les frais de personnel représentent en effet un poste important de la structure de coûts des transports aériens.

* 20 Ou « FAB », de l'anglais Functional Airspace Block . Il s'agit d'un volume d'espace aérien défini en fonction des besoins du trafic et non en fonction des frontières étatiques. L'objectif est d'optimiser les flux et d'augmenter l'efficacité des services de navigation en Europe.

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