II. UNE MESURE EXCEPTIONNELLE DE RENDEMENT POUR CONTENIR LE DÉFICIT PUBLIC EN-DEÇÀ DE 3 % EN 2017

Afin de compenser la baisse des recettes et la hausse des dépenses de contentieux qu'entraîne la décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement prévoit la création de deux contributions « exceptionnelles et ponctuelles » sur l'impôt sur les sociétés au titre de 2017, dont le rendement attendu s'élève à 4,8 milliards d'euros.

Elles permettraient de contenir la dégradation du déficit budgétaire de l'État et la détérioration du solde public effectif qui, en l'absence de compensation, se serait élevé à 3,1 % du PIB à hypothèse de croissance inchangée.

Prévision de solde des administrations publiques en 2017

(en % du PIB)

N.B. : l'évolution du solde avant et après compensation de l'impact budgétaire de la décision du Conseil constitutionnel est calculée à hypothèse de croissance inchangée.

Source : commission des finances du Sénat

Si les modalités des contributions proposées peuvent être interrogées 1 ( * ) , une mesure exceptionnelle de rendement s'impose pour maintenir le déficit public en-deçà de 3 %, ce qui conditionne 2 ( * ) la capacité de la France à sortir du volet correctif du pacte de stabilité dont elle relève depuis 2009 3 ( * ) .

À ce titre, le 27 octobre dernier, dans un courrier adressé au ministre de l'économie et des finances, la Commission européenne a fait part de son analyse préliminaire du projet de budget pour 2018, indiquant que « la correction du déficit excessif et sa pérennité sont toujours sujets à risque ». Aussi s'enquiert-elle des « informations supplémentaires [...] utiles pour évaluer si le déficit excessif sera corrigé d'une manière durable, en particulier au vu de l'impact de l'invalidation de la taxe à 3 % sur les dividendes par le Conseil constitutionnel et des mesures compensatoires éventuelles » 4 ( * ) .

Le scénario du Gouvernement repose en effet sur l'interprétation des règles fixées dans le système européen des comptes relatives à l'imputation des remboursements liés à un contentieux 5 ( * ) .

Cette comptabilisation doit encore être confirmée par Eurostat . C'est pourquoi le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis relatif au présent projet de loi de finances rectificative, relève que si le traitement considéré par le Gouvernement est confirmé, « le montant retenu en déficit public 2017 dépendra in fine du calendrier de traitement des dossiers individuels par l'administration fiscale. Dans le cas contraire, la totalité de la charge pourrait être imputée à l'exercice 2017 » 6 ( * ) .

Les lignes directrices d'Eurostat figurant dans Manuel sur le déficit et la dette publics 7 ( * ) semblent toutefois confirmer l'interprétation du Gouvernement.

Surtout, sous couvert de l'objectif de contenir le déficit public en-deçà de 3 % en 2017, le Gouvernement fait preuve d'opportunisme budgétaire.

L'exposé général des motifs indique que « compte tenu du calendrier anticipé et resserré de préparation et d'adoption du présent projet de loi de finances rectificative », le Gouvernement n'est pas en mesure de tenir compte « dans les évaluations de recettes, des dernières informations disponibles ».

Par conséquent, le présent projet de loi est élaboré à partir d'hypothèses macroéconomiques en partie dépassées , ne prenant pas en compte la reprise plus forte qu'escomptée.

Ce décalage est d'autant plus surprenant que le Gouvernement se révèle confiant quant au dynamisme de la croissance et des recettes. Le ministre de l'économie et des finances a ainsi déclaré devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le 2 novembre dernier que « les derniers chiffres de croissance sont très bons . La croissance cumulée pour 2017 atteint déjà 1,7 % ».

De même, dans la réponse adressée à la Commission européenne aux demandes d'informations supplémentaires sur la réduction du déficit public, Bruno Le Maire indique qu'une « élasticité des recettes plus élevée, très probable, viendra accroître notre effort structurel » 8 ( * ) .

L'absence d'actualisation du cadrage macroéconomique entraîne deux conséquences :

- d'une part, en présentant l'effet « brut » de la charge supplémentaire de remboursement sur le solde public, elle maximise le besoin de recettes supplémentaire pour respecter le critère de 3 % de déficit public ;

- d'autre part, en retenant des hypothèses basses d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB, elle minore les recettes des administrations publiques .

Dans ces conditions, tout porte à croire que le « partage équitable » entre les grandes entreprises et l'État annoncé par le Gouvernement ne se matérialisera pas.

En introduisant les contributions exceptionnelle et additionnelle d'impôt sur les sociétés, le Gouvernement poursuit une démarche de rendement budgétaire excédant l'objectif affiché.

Cette décision, de nature à peser sur la reprise économique, entraîne de lourds effets distorsifs pour plusieurs secteurs économiques majeurs, comme l'industrie, le commerce et les services financiers.


* 1 Cf. commentaire de l'article 1 er du présent projet de loi de finances rectificative.

* 2 Il s'agit toutefois d'une condition nécessaire mais pas suffisante pour sortir du volet correctif du pacte de stabilité. En effet, aux termes des « Spécifications relatives à la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance et lignes directrices concernant le contenu et la présentation des programmes de stabilité et de convergence » adoptées le 5 juillet 2016 par le comité économique et financier, une décision sur l'existence d'un déficit excessif ne peut être abrogée « que si, selon les prévisions de la Commission européenne, le déficit ne dépassera pas la valeur de référence de 3 % du PIB prévue par le traité au cours de la période de prévision » .

* 3 Le 27 avril 2009, le Conseil avait adopté une recommandation demandant à la France de corriger son déficit excessif en 2012 au plus tard. Un délai supplémentaire lui a toutefois été accordé à trois reprises par les recommandations du 27 avril 2009, du 21 juin 2013 et du 10 mars 2015.

* 4 https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/economy-finance/fr_ministre_bruno_le_maire.pdf

* 5 Le Gouvernement estime en particulier que, le Conseil constitutionnel ayant seulement dit pour droit de façon générale la non-compatibilité avec la Constitution de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, la charge doit être enregistrée à la date à laquelle la valeur de l'obligation est déterminée de façon fiable par l'administration fiscale.

* 6 Avis n° HCFP-2017-5 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour l'année 2017, 30 octobre 2017.

* 7 http://ec.europa.eu/eurostat/documents/3859598/7203647/KS-GQ-16-001-EN-N.pdf/5cfae6dd-29d8-4487-80ac-37f76cd1f012

* 8 https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/lettre_fr_blm_31_oct_2017_0.pdf

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