D. UNE CONTRIBUTION DE 6,332 MILLIARDS D'EUROS POUR FINANCER LES DEUX TIERS DES PRESTATIONS DE RETRAITE PRÉVUES EN 2017

1. Une subvention de l'État qui couvre en moyenne 68 % des charges des régimes spéciaux

La participation de l'État est à peu près stable dans le temps et continue de représenter une part prépondérante des ressources des régimes spéciaux de la présente mission.

Au total, les subventions d'équilibre de l'État permettront de couvrir en moyenne 68 % des prestations de retraite versées par les principaux régimes spéciaux de la mission. La masse totale des prestations versées y avoisine 9,2 milliards d'euros (0,4 point de PIB).

Le poids de la subvention de l'État diffère d'un régime à l'autre : il couvre quasiment la totalité des pensions versées par le régime de la SEITA qui ne compte plus que 3 cotisants (pour 8 676 pensionnés) - et un peu moins des deux tiers de celles versées par les caisses de retraite de la SNCF (62 %) et de la RATP (61 %).

Contribution de l'État au financement des pensions de retraite servies par
le régime de la SNCF (2015-2018)

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

Montant de la subvention État

3 281

3 266

3 246

3 283

Montant des pensions de vieillesse

5 272

5 252

5 289

5 327

Ratio

62%

62%

61%

62%

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Contribution de l'État au financement des pensions de retraite servies par
le régime de la RATP (2015-2018)

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

Montant de la subvention État

618

636

673

710

Montant des pensions de vieillesse

1 058

1 087

1 117

1 157

Ratio

58%

59%

60%

61%

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le régime de protection sociale des marins connaissant quant à lui une lente érosion du nombre de ses cotisants (30 182 en 2018 pour plus de 111 000 titulaires de droits), le poids de la subvention de l'État se situe entre 80 % et 85 % depuis 2012. À la subvention versée à partir de la mission, il convient d'ajouter des transferts d'équilibre qui portent le total des concours financiers publics au régime de protection sociale des marins à 1,18 milliard d'euros, à mettre en regard de prestations sociales se montant à 1,48 milliard d'euros (soit un concours financier de la part de l'État de l'ordre de 80 % des charges de prestations supportées par le régime).

Quant au régime des mines, la subvention par l'État de ses déséquilibres est encore plus nette.

2. Une justification par l'état des équilibres démographiques des régimes spéciaux mais qui est loin d'épuiser les raisons des soutiens nécessaires à leur financement
a) Un rapport démographique dégradé

Le taux élevé de la contribution de l'État aux dépenses des régimes spéciaux peut se justifier par la dégradation de la situation démographique de ces régimes. Cependant, le jeu de la compensation démographique montre que les règles particulières réservées par les régimes spéciaux à leurs affiliés sont à la source des soutiens que l'État finance à travers la mission.

Les régimes spéciaux financés par la présente mission connaissent une situation démographique incontestablement dégradée , qui se manifeste par un ratio entre cotisants et retraités plus faible que dans le régime général d'assurance vieillesse et dans celui de la fonction publique d'État et par une baisse du rapport démographique.

Parmi les régimes encore ouverts, le régime des marins compte seulement 0,27 cotisant pour un retraité, le régime de la SNCF 0,67 6 ( * ) cotisant pour un pensionné et le régime de la RATP 0,86 cotisant pour 1 pensionné tandis que le rapport démographique est de 1,33 dans le régime général.

La dégradation du rapport démographique suit des évolutions propres à chaque régime.

Depuis 2015, le nombre des cotisants a baissé de l'ordre de 12 000 pour la SNCF quand le nombre des pensionnés, qui est en baisse, ne s'est replié que de 8 000. Les gains de productivité réalisés ont pesé sur la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations.

Éléments sur le nombre des cotisants et des pensionnés
dans le régime de la SNCF

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Pour la RATP, la situation est différente, le nombre des cotisants s'est à peu près stabilisé mais le nombre des pensionnés a augmenté d'un peu moins de 5 000 personnes (soit une progression du volume des pensionnés de 10 % de 2015 à 2018).

Éléments sur le nombre des cotisants et des pensionnés
dans le régime de la RATP

(1) Il s'agit ici des pensions du régime spécial et du régime de coordination. Ces chiffres sont donnés au 31 décembre de chaque année.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ces évolutions récentes prolongent une tendance plus ancienne illustrée dans le graphique ci-après.

Évolution du rapport démographique * dans les principaux régimes de retraite

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2018, du rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2017, du recueil statistique de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2018)

Observation n° 4 : Les subventions versées par l'État représentent 68 % des ressources des régimes spéciaux financés par la présente mission, une part qui demeure stable depuis 2015. Même si le ratio démographique des régimes spéciaux est plus faible que dans d'autres régimes, la situation tendant à se stabiliser dans les régimes de la RATP et des marins tandis que les effectifs de cotisants diminuent de façon plus importante dans le régime de la SNCF, les règles spécifiques aux régimes spéciaux jouent encore un rôle important dans les déséquilibres financiers que l'État est appelé à combler.

b) Le poids des singularités des régimes spéciaux

En toute hypothèse, le besoin de financement de ces régimes ne s'explique pas uniquement par leur situation démographique . Des facteurs institutionnels jouent encore un grand rôle dans les déséquilibres financiers que la solidarité nationale est appelée à combler. Ce n'est qu'au terme de la montée en charge des réformes du système de retraite intervenues à partir de 2008 que la pression des particularités de ces régimes sur le budget de l'État s'atténuera (voir ci-dessous).

La structure de financement de la caisse de retraite de la SNCF en témoigne .

Ainsi que le rappelle le comité d'orientation des retraites (COR), la cotisation patronale de la SNCF est constituée deux composantes T1 et T2 :

- la composante T1 représente le montant des cotisations qui seraient dues si les salariés de la SNCF relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire ARRCO-AGIRC. Plus précisément, elle vient compléter les cotisations salariales des agents de la SNCF, de façon à ce que le total des cotisations salariales et de la composante T1 soit égal au total des cotisations salariales et patronales qui seraient dues avec les régimes de droit commun ;

- la composante T2 est destinée à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial.

Ce dernier taux avait été fixé à 11,26 % en 2011. Devant évoluer comme le taux global des régimes de droit commun pour un salarié non cadre, il a été porté à 11,81 % pour 2016.

Par ailleurs, la contribution des régimes au mécanisme de compensation généralisée vieillesse, alors même que d'un point de vue strictement démographique ils connaissent une situation moins bonne que la moyenne, indique que leur déséquilibre provient également pour une large part de leurs règles spécifiques .

La compensation généralisée vieillesse est en effet calculée de façon à apprécier la situation démographique comparée des régimes mais aussi leur capacité contributive, en neutralisant l'impact de la diversité des règles de liquidation des pensions.

Si les réformes intervenues depuis 2003 ont tendu à faire converger les règles applicables à ces régimes avec celles du régime général et celui de la fonction publique (voir ci-après), des différences subsistent du fait des situations de départ, de l'exclusion des régimes fermés et du régime des marins du mouvement d'harmonisation entrepris et du calendrier d'application des réformes aux régimes spéciaux. Elle a été différée de quatre ans par rapport au rythme imprimé à la convergence entre les règles de la fonction publique et celles du régime général ce qui explique que ses effets sont encore largement à venir (voir ci-après).

Les principales règles dérogatoires applicables
aux régimes spéciaux de retraite

Les trois principaux régimes de retraite « ouverts » subventionnés par la mission, à savoir les régimes des retraites des personnels de la SNCF, de la RATP et des marins se caractérisent par des règles plus avantageuses que celles du régime général en matière d'âge de départ à la retraite et de liquidation.

Parmi les règles dérogatoires applicables au régime des marins , on peut citer :

- l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite fixé à 55 ans (contre 62 ans pour le régime général) ;

- la liquidation de la pension de retraite sur la base des 3 dernières années (en fonction du salaire forfaitaire) ;

- l' absence de mécanisme de décote et de surcote .

Les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se distinguent, quant à eux, du régime général par :

- un âge légal d'ouverture des droits de 50 ans progressivement porté à 52 ans pour le personnel roulant des deux entreprises. L'âge légal d'ouverture des droits est de 55 ans pour les autres catégories de personnels de la SNCF, devant être porté progressivement à 57 ans et de 55 ans ou 60 ans respectivement (progressivement porté à 57 ans ou 62 ans) pour les personnels de la RATP appartenant à la catégorie A active ou aux autres catégories ;

- un mécanisme de bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les personnels recrutés avant la réforme de 2008 ;

- une liquidation de la pension sur la base des six derniers mois de salaires .

Par conséquent, l'âge effectif de départ à la retraite des assurés des régimes spéciaux est sensiblement inférieur à celui observé dans le régime général .

Depuis 2013, le régime de la SNCF est devenu contributeur au titre de ce mécanisme : il devrait ainsi verser 9,6 millions d'euros de compensation en 2015 et près de 10 millions d'euros en 2016. Cependant, la contribution du régime suit une trajectoire descendante à mesure que s'appliquent les réformes engagées. Après la baisse du montant de la compensation due par la caisse en 2017 à 4 millions d'euros, une nouvelle baisse interviendrait en 2018 où ce versement serait de 2 millions d'euros .

Le montant de compensation généralisée vieillesse versée par le régime de la RATP s'est accru mais il devrait se stabiliser en 2018 à 32 millions d'euros.

Ces charges de compensation sont incluses dans les comptes des régimes et contribuent à la détermination de la subvention versée par la mission .

Les principaux régimes bénéficiaires de la compensation généralisée vieillesse sont les régimes de retraite des salariés et des exploitants agricoles (Mutualité sociale agricole), le régime social des indépendants, le régime des mines et le régime des marins.


* 6 Ratio pondéré des pensions de réversion ; 0, 55 hors réversion.

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