II. LA PROPOSITION DE LOI : AMÉLIORER, À L'ÉCHELLE INTERNE, L'EFFICACITÉ DES PROCÉDURES « DUBLIN »

La proposition de loi n° 149 (2017-2018), adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann et de plusieurs de ses collègues députés, vise à sécuriser la rétention administrative des « dublinés » présents en France , notamment en définissant la notion de « risque non négligeable de fuite ».

Elle tend, en outre, à étendre le placement en rétention des étrangers sous procédure « Dublin » avant la décision de transfert, à simplifier le régime des assignations à résidence et à garantir les droits des « dublinés ».

D'après l'exposé des motifs de la proposition de loi, il s'agit de « fixer un cadre permettant de conjuguer, dans le respect des libertés fondamentales et des textes européens, la procédure de placement en rétention, qui peut s'avérer indispensable d'un point de vue opérationnel, et la procédure de détermination de l'État responsable, qui constitue un élément central du droit européen de l'asile ».

A. ÉTENDRE ET SÉCURISER LE PLACEMENT EN RÉTENTION DES ÉTRANGERS PLACÉS SOUS PROCÉDURE « DUBLIN »

1. L'extension du placement en rétention des « dublinés »

La proposition de loi vise, tout d'abord, à autoriser le placement en rétention d'un étranger dès le début de la procédure « Dublin », sans devoir attendre la notification de la décision de transfert .

Cette mesure est autorisée par l'article 28 du règlement « Dublin III » , qui prévoit, dans cette hypothèse, des délais de procédure raccourcis : 30 jours pour transmettre la requête à l'autre État « Dublin » (contre 60 à 90 jours en l'absence de rétention), ce dernier disposant alors de 15 jours pour répondre (contre 15 à 60 jours).

D'après notre collègue Jean-Luc Warsmann, il s'agit, « au nom de l'intérêt général comme de l'efficacité » de « donner (...) au Gouvernement les moyens d'action nécessaires » pour accroître le nombre de transferts réalisés par la France vers d'autres États « Dublin » 61 ( * ) .

L'extension du placement en rétention par la proposition de loi

Source : commission des lois du Sénat

En tout état de cause, la durée de la rétention n'excéderait pas 45 jours et le juge des libertés et de la détention (JLD) serait obligatoirement saisi à l'échéance des deux premiers jours de retenue.

Le séquençage de la rétention administrative et les voies de recours

Depuis la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 précitée, la rétention administrative s'organise ainsi :

- après 48 heures de rétention (contre cinq jours auparavant), le juge des libertés et de la détention (JLD) est saisi aux fins de prolongation de la rétention ; il statue dans les 24 heures ;

- le JLD est à nouveau saisi au trentième jour de rétention (contre le vingt-deuxième jour auparavant). Il peut prolonger la rétention pour une nouvelle période de 15 jours.

Au total, la rétention peut durer jusqu'à 45 jours . En tout état de cause, une nouvelle décision de placement en rétention ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter du terme d'un premier placement en rétention 62 ( * ) .

Inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de sa présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, l'article 1 er bis de la proposition de loi tend toutefois à interdire le placement en rétention d'un étranger déposant une première demande d'asile en préfecture .

Cette disposition vise à ne pas « dissuader les demandeurs de bonne foi de se présenter aux autorités administratives » 63 ( * ) pour déposer une demande d'asile.

2. La sécurisation juridique du placement en rétention des « dublinés »

L' article 1 er de la proposition de loi vise, en outre, à sécuriser le placement en rétention des « dublinés », que cette mesure soit notifiée après la décision de transfert (état du droit) ou en amont (ajout du texte transmis au Sénat).

En réponse à l'arrêt du 27 septembre 2017 de la Cour de cassation, il prévoit onze critères alternatifs permettant, sauf circonstance particulière, de caractériser un « risque non négligeable de fuite » . Six concernent le parcours migratoire du demandeur d'asile placé sous procédure « Dublin », trois les tentatives de fraude ou d'obstruction et deux les conditions d'hébergement.

Critères de placement en rétention d'un « dubliné » (proposition de loi)

Caractéristiques du « dubliné »

Alinéas correspondants (article 1 er de la PPL)

Parcours migratoire du demandeur d'asile

S'est précédemment soustrait, dans un autre État, à une procédure « Dublin »

4

A été débouté de sa demande d'asile dans un autre État « Dublin »

5

Est de nouveau présent sur le territoire français après l'exécution effective d'une mesure de transfert « Dublin »

6

S'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement

7

S'est précédemment soustrait aux contraintes d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec délai de départ volontaire ou d'une assignation à résidence

13

A explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure « Dublin »

14

Tentative de fraude ou d'obstruction à la procédure « Dublin »

A contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage

8

A dissimulé des éléments de son identité

(l'absence de documents d'identité ou de voyage ne constituant pas, à lui seul, un critère suffisant)

9

Ne coopère pas avec l'autorité administrative, (absence aux convocations ou aux entretiens, non transmission d'informations, sauf motif légitime)

12

Conditions de d'hébergement

Ne bénéficie pas des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile et ne peut justifier du lieu de sa résidence permanente et effective

10

A refusé le lieu d'hébergement proposé par l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) et ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente

OU

A accepté l'hébergement proposé mais l'a abandonné sans motif légitime

11

Source : commission des lois du Sénat

Enfin, à l'initiative de son rapporteur, M. Jean-Luc Warsmann, nos collègues députés ont précisé l'articulation entre la procédure française de demande d'asile en rétention, d'une part, et le règlement « Dublin III », d'autre part .

Le CESEDA expliciterait désormais la possibilité pour l'autorité administrative de maintenir en rétention un étranger ayant déposé sa demande d'asile en CRA et faisant l'objet d'une procédure « Dublin ». D'une durée maximale de 45 jours, cette mesure de rétention permettrait de déterminer l'État responsable de l'examen de la demande d'asile, voire de réaliser le transfert de l'intéressé vers cet État.


* 61 Compte rendu intégral de la deuxième séance de l'Assemblée nationale du jeudi 7 décembre 2017.

* 62 Article L. 551-1 du CESEDA.

* 63 Rapport n° 427, op. cit. , p. 41.

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