N° 548

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juin 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ,

Par M. Jean-Pierre MOGA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mmes Michelle Gréaume, Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Robert Navarro, Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, MM. Dominique Théophile, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

460 , 500 , 526 , 543 et 549 (2017-2018)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des affaires économiques a été saisie de la proposition de loi n°460 (2017-2018) portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par MM. Rémy Pointereau, Martial Bourquin ainsi que plus de 230 autres signataires, ce qui constitue un chiffre record.

Les 31 articles de cette proposition de loi se répartissent en trois ensembles : un important bloc fiscal qui a été examiné par la commission des Finances sur la base d'une délégation au fond de neuf articles (3, 9, 12, 26, 27, 28, 29, 30 et 31), un volet normatif et institutionnel de seize articles relevant de la seule compétence de votre commission des affaires économiques et six articles « mixtes » sur lesquels la commission des finances (pour les articles 2, 4, 8, 10 et 25) et de la culture (article 7 relatif aux protections patrimoniales) émettent un avis.

Votre rapporteur qui a entendu une cinquantaine d'intervenants au cours de ses auditions sur les dispositions de ce texte mesure toute l'importance de cette initiative du Sénat : dans ces temps à la fois troublés et traversés d'une vague d'optimisme, il s'agit de lancer un signal très fort à une France qui se sent oubliée.

Sur la base des préconisations de son rapporteur, le texte élaboré par votre commission prévoit, au plan des principes, d'introduire dans notre droit un socle législatif pour rassembler toutes les initiatives tendant à redynamiser les centres-villes et centres-bourgs. L'évolution la plus récente de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne invite en effet à affirmer l'obligation, pour notre pays, de préserver la vitalité des centres-villes, ce qui justifie, dans un périmètre restreint et parfaitement ciblé, un régime dérogatoire.

En ce qui concerne les modalités de cette revitalisation, votre commission, s'est efforcée d'étendre, de compléter et de préciser la mécanique des opérations de sauvegarde tout en approuvant la création de nouveaux outils juridiques de nature à faciliter l'innovation commerciale ainsi que tous les autres dimensions des « centres-villes et centres-bourgs intelligents » de demain.

I. UNE INITIATIVE EN FAVEUR DES CENTRES-VILLES ET CENTRES-BOURG QUI S'EST IMPOSÉE COMME UNE ÉVIDENCE ET A SUSCITÉ UN PUISSANT COURANT DE RALLIEMENT.

En juillet 2017, nos deux délégations sénatoriales aux collectivités territoriales et aux entreprises ont décidé d'élaborer un programme national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

Au départ, ce combat était très loin d'être gagné car notre pays vivait encore sur sa tendance lourde à surestimer et - une fois de plus - à surtransposer la contrainte européenne de liberté d'installation, qui dérive de la liberté d'entreprendre. Le résultat, avec cette barrière à la fois juridique et mentale, se traduit aujourd'hui sur le terrain par une France, quasiment « championne du monde » de la facilité de créer des grandes surfaces, surtout en périphérie. Dans le sillage de cette évolution, ou parallèlement, notre pays a trop souvent cédé à une culture du déménagement des services publics, des installations de santé - pour ne citer que ces exemples - en dehors des centres-villes.

Et pourtant, au final, le travail sénatorial intense, transversal et intercommission a débouché sur un succès inédit : une « boite à outil » de 31 articles qui a anticipé le tournant de la jurisprudence européenne du 30 janvier 2018 (arrêt dit « Visser ») et établi un record avec plus de 230 signataires. Immédiatement après sa publication, bon nombre de députés ont présenté, dans la discussion du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dit ELAN, des amendements calqués sur cette initiative.

A. UN ENJEU QUI DÉPASSE LES CLIVAGES ET LES APPROCHES SECTORIELLES

1. Un enjeu de civilisation

La puissance de rassemblement suscitée par la présente proposition de loi s'explique d'abord par l'importance et le nombre des sujets traités avec, en particulier, le logement, l'animation commerciale, l'équilibre de nos territoires, le poids des contraintes sur les élus de terrain et les distorsions fiscales. Au-delà de ces analyses sectorielles et des intérêts qui s'affrontent, les deux principaux auteurs de cette initiative, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, nous ont rallié à l'idée que les centres-villes et centres-bourgs représentent encore plus que la somme des composantes qui viennent d'être d'énumérées : c'est un « enjeu de civilisation ».

La meilleure mesure de cet enjeu, ce sont les effets dévastateurs du sentiment d'abandon et de la perte de lien qui résultent de la dévitalisation de nos centres-villes. Économiquement et socialement, le chiffrage précis de ces dégâts est très difficile à estimer - cela nous renvoie au vieux problème de l'évaluation du « Bonheur National Brut ». En revanche, les indicateurs électoraux envoient des signaux très clairs : la montée des extrêmes est très bien corrélée avec les « rideaux baissés » et les « volets clos » qui s'accompagnent d'une montée de l'insécurité ainsi que du découragement.

2. La nécessité de rassembler et d'articuler les initiatives

Confrontés à un tel défi, il faut rassembler toutes les bonnes volontés et affirmer la volonté d'articuler les initiatives parlementaires et gouvernementales.

- Il convient ici de rappeler que le Gouvernement a présenté en décembre 2017 un programme intitulé « Action Coeur de Ville ». Piloté par le ministre de la Cohésion des territoires, il concerne 222 villes ou binômes de villes sélectionnés le 26 mars 2018, sur proposition du ministre, par un comité national de pilotage. 5 milliards d'euros sur cinq ans seront mobilisés pour les études, l'ingénierie et la mise en oeuvre des projets. Les partenaires associés à cette initiative sont la Caisse des Dépôts (CDC), Action logement, l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Ce plan est assorti d'un support juridique qui figure à l'article 54 du projet de loi dit ELAN : un contrat unique et global pour porter chaque Opération de Requalification des Territoires (ORT). Je précise qu'il s'agit techniquement de rebaptiser le régime des opérations de requalification de quartier ancien dégradé (ORQAD) créé par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et la citoyenneté et d'en faire un instrument encore plus transversal.

- Bien au-delà du champ couvert par le plan gouvernemental, l'initiative sénatoriale vise à proposer des dispositifs pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs : pour ces cibles de taille plus petite, il faut une approche particulière. Certes le Gouvernement pourra faire observer que rien n'empêche d'autres villes que les 222 sélectionnées de signer une convention ORT, mais l'intérêt sera très limité puisqu'elles seront en dehors du programme financier de 5 milliards d'euros.

- Le constat et les objectifs de ces deux démarches sont donc consensuels et complémentaires et il faut les rassembler sous une bannière commune.

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