TITRE III - DISPOSITIONS RÉPRIMANT L'OUTRAGE SEXISTE

Article 4 (art. 131-3, 131-5-1, 225-4-11, 225-19 du code pénal ; art. 41-2 du code de procédure pénale) - Répression de l'outrage sexiste

L'article 4 du projet de loi tend à créer une nouvelle infraction contraventionnelle d'outrage sexiste pour sanctionner les comportements communément appelés « harcèlement de rue ».

• La volonté du Gouvernement de réprimer les comportements dits de « harcèlement de rue »

Afin de lutter contre les violences sexistes dans l'espace public, le Gouvernement a annoncé, en septembre 2017, la création d'un groupe de travail, composé uniquement de députés, ayant pour objectif de proposer une définition du harcèlement de rue et de proposer les moyens permettant la verbalisation de cette infraction.

Le harcèlement de rue désigne l'ensemble des interpellations ou des comportements non sollicités adressés à des personnes, majoritairement des femmes, dans l'espace public. Comme le souligne l'association « Stop au harcèlement de rue », dont des représentants ont été entendus par votre rapporteur, « la drague est une main tendue, le harcèlement est une main qui s'abat ».

Remis le 28 février 2018 à Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre femmes et homme, le rapport du groupe de travail « Verbalisation du harcèlement de rue » a considéré nécessaire de définir une nouvelle infraction visant à « sanctionner cette zone grise que sont, entre autres, les gestes déplacés, les sifflements, les regards insistants ou remarques obscènes, le fait de suivre volontairement à distance une personne » afin de poser un interdit social .

Le groupe de travail a retenu la qualification « d'outrage sexiste » afin d'utiliser « une sémantique différente, décorrélée du délit de harcèlement moral ou sexuel, pour empêcher toute confusion dommageable relative aux faits poursuivis ».

Afin que la nouvelle infraction soit « opérationnelle » et considérant que seules les contraventions pouvaient être constatées en « flagrance » et sans dépôt de plainte préalable, le groupe de travail a proposé que l'outrage sexiste soit une contravention de quatrième classe.

Comparaison des qualifications

Fondement légal

Qualification

Définition

Article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Injure sexiste publique

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent [six mois d'emprisonnement et 22 500 € d'amende] l'injure commise [...] envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap.

Article L. 1142-2-2-1 du code du travail

Agissement sexiste

« Nul ne doit subir d'agissement sexiste défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Article 222-33 du code pénal

Harcèlement sexuel

« le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante »

« le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers »

Texte du projet de loi transmis au Sénat

Outrage sexiste

« le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13, 222-32, 222-33 et 222-33-2-2, d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste ou à raison de son sexe, de son identité de genre ou de son orientation sexuelle, réelle ou supposée, qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »

• L'infraction contraventionnelle créé par le projet de loi

L'article 4 du projet de loi tend à traduire dans la loi la recommandation du groupe de travail précité , malgré l'avis négatif du Conseil d'État. Lors de l'examen de l'avant-projet de loi, au regard des articles 34 et 37 de la Constitution, le Conseil d'État avait estimé que la création d'une telle contravention ne relevait pas de la loi, avait écarté la disposition et invité le Gouvernement à lui présenter pour avis un projet de décret.

Le Gouvernement a cependant maintenu sa disposition à l'article 4 du projet de loi présenté à l'Assemblée nationale.

Cette nouvelle infraction tend à reprendre tous les éléments constitutifs de l'infraction de harcèlement sexuel, défini à l'article 222-33 du code pénal, sans l'exigence de répétition des faits. De plus, contrairement au harcèlement sexuel, en sus des propos ou comportements sexuels, les propos ou comportements sexistes seraient explicitement réprimés par cette infraction.

Ces faits seraient sanctionnés d'une contravention de la 4 e classe, soit une amende de 750 euros susceptible de faire l'objet de la procédure simplifiée de l'amende forfaitaire.

Ces faits seraient punis d'une contravention de la 5e classe , soit une amende 1 500 euros, lorsque les faits seraient commis :

- par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

- sur un mineur de 15 ans ;

- sur une personne vulnérable à raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou de son état de grossesse ;

- sur une personne vulnérable ou dépendante en raison de la précarité de sa situation économie ou sociale ;

- par plusieurs personnes co-auteurs ou complices ;

- dans les transports publics.

L'article 4 du projet de loi vise également à créer une nouvelle peine de stage : le stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes. Outre ce stage, les personnes coupables d'outrage sexiste pourraient également être condamnées aux peines complémentaires de stages existantes (stage de citoyenneté, stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, etc.) ou à un travail d'intérêt général pour une durée de 20 à 120 heures.

Le choix de la contravention de la 4 e classe a été justifié afin de permettre une verbalisation immédiate par procès-verbal.

La procédure de l'amende forfaitaire

L'amende forfaitaire est une procédure ancienne en matière contraventionnelle 53 ( * ) , qui permet au justiciable de s'acquitter sur-le-champ, auprès de l'agent verbalisateur ou dans un court délai d'une amende pénale fixe, en cas d'infraction flagrante. Cette procédure simplifiée permet un meilleur recouvrement des amendes et ne recourt au juge qu'en cas de contestation. Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique et n'est pas assimilé à une condamnation.

En application de l'article 529 du code de procédure pénale, la procédure d'amende forfaitaire est applicable à toutes les contraventions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État. Une procédure spécifique de l'amende forfaitaire , spécifique aux contraventions des quatre premières classes à la police des services de transport terrestre, permet également à la fois le paiement d'une indemnité forfaitaire, la somme due au titre du transport, au titre de péage et, le cas échéant, du droit départemental de passage.

Créée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , la procédure de l'amende forfaitaire en matière délictuelle est prévue par les articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale.

Comme en matière contraventionnelle, cette procédure permet de sanctionner immédiatement la personne en faute qui doit s'acquitter sur-le-champ, ou dans un délai maximal de 45 jours, d'une amende forfaitaire dont le montant est fixé par la loi . Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique.

Cette procédure est une faculté et ne peut s'appliquer en cas de récidive légale. En cas de circonstances particulières qui peuvent justifier des réquisitions à des fins d'emprisonnement par exemple, le ministère public conserve la possibilité de poursuivre cette infraction devant le tribunal correctionnel.

Lors de l'examen du projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale, la définition de l'outrage sexiste a été étendue, à l'initiative de notre collègue députée Laëticia Avia, aux propos ou comportements tenus à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle, réelle ou supposée, de la victime.

À l'initiative de notre collègue députée et rapporteure, Alexandra Louis, la commission des lois de l'Assemblée nationale a également mis en cohérence les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale avec la création de la nouvelle peine de stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Enfin, par l'adoption de deux amendements identiques de la rapporteure et de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, la commission des lois de l'Assemblée nationale a élargi le champ des personnes habilitées à constater la contravention par procès-verbal aux agents de police judiciaire adjoints (agents de la police municipale, réservistes, adjoints de sécurité) ainsi qu'aux agents et fonctionnaires autorisés à constater les infractions à la police des transports ferroviaires.

En séance publique, deux amendements identiques de nos collègues députées Clémentine Autain et Dimitri Houbron ont été adoptés afin d'étendre la définition de l'outrage sexiste aux propos ou comportements imposés à une personne « à raison de son identité de genre » au motif que celle-ci serait une « source autonome de discrimination » .

• La position de votre commission : la création du délit d'outrage sexiste

Votre rapporteur partage la volonté du Gouvernement de lutter contre le harcèlement de rue : à cet égard, la création d'une infraction constitue incontestablement un symbole fort dans la lutte culturelle contre ces comportements.

Néanmoins, elle relève que la prévention de tels comportements relève plus d'une politique de sensibilisation et d'éducation que d'un changement de la loi pénale.

De surcroît, l'article 4 défend des objectifs contradictoires.

Les éléments constitutifs de l'infraction font explicitement référence au ressenti de la victime . Par définition, ce ressenti est différent : la récente tribune sur le « droit à être importunée » dans la rue a mis en lumière ces différences.

Selon le directeur régional de la police judiciaire de Paris, entendu par votre rapporteur, une telle infraction sera très difficilement constatable par les services de police sur la voie publique .

Les représentants des syndicats de policiers entendus par votre rapporteur se sont interrogés sur leur capacité à constater une infraction qui n'est constituée qu'en fonction de critères nécessairement subjectifs qui dépendent de chaque victime. Selon eux, une telle constatation, quasi-impossible, ne peut être similaire à la « verbalisation pour franchissement d'un feu rouge ».

Ce texte apparaît donc inapplicable . La complexité des éléments matériels de l'infraction, qui induit nécessairement une appréciation des faits, ne permet pas de considérer cette infraction comme une contravention. Puisque certains faits pourront être réprimés même en dehors de la flagrance (notamment grâce à la vidéo-surveillance), il apparaît plus opportun de leur conférer une qualification délictuelle qui, contrairement à ce que soulignait le rapport du groupe de travail sur la verbalisation du harcèlement de rue, n'implique pas le préalable d'une plainte de la victime. Nombre de délits sont poursuivis, même sans plainte préalable de la victime.

De même que l'injure, définie comme une expression outrageante à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, est un délit, il convient de conférer une qualification délictuelle à cette nouvelle infraction d'outrage sexiste pour ne pas abaisser le niveau de répression. Plusieurs praticiens ont en effet évoqué le risque de contraventionnalisation d'un certain nombre d'infractions (harcèlement sexuel, etc.) Cet amendement permet d'éviter cet écueil.

Enfin, il convient de rappeler que la création d'une contravention, même symbolique, ne relève pas de la loi, selon les articles 34 et 37 de la Constitution.

Dès lors, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-69 afin de transformer la contravention d'outrage sexiste en un délit puni d'une amende de 3 750 euros.

Par le même amendement, elle a également appliqué à l'infraction la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle, créée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle , afin de prévoir une sanction rapide et effective de ces comportements.

Par le même amendement, elle a également limité l'application de l'outrage sexiste à l'espace public. Le Défenseur des droits a recommandé la limitation de cette infraction à l'espace public, pour éviter toute confusion avec d'autres infractions et notamment le délit d'agissement sexiste. La loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public définit l'espace public comme constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public.

Votre rapporteur observe que le groupe de travail « Verbalisation du harcèlement de rue » relevait également qu'il était préférable de « rattacher [la répression du « harcèlement de rue »] à la formulation « espace public 54 ( * ) », notamment défini à l'article 2 de la loi du 11 octobre 2010.

Votre commission a également, par l'adoption de l' amendement COM-70 de votre rapporteur, supprimer le motif homophobe et transgenre des éléments constitutifs de l'infraction pour en faire une circonstance aggravante de l'infraction. Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont souligné l'incohérence de la disposition adoptée par l'Assemblée nationale. Le Défenseur des droits a ainsi recommandé de supprimer cet ajout afin d'affirmer clairement l'objectif de lutter contre les propos et comportements sexistes subis, principalement, par les femmes dans l'espace public, sans créer de confusion avec les infractions, notamment en matière de discrimination, luttant contre les propos ou comportements homophobes ou transphobes.

Enfin, par l'adoption de l' amendement COM-71 de votre rapporteur, votre commission a souhaité anticiper l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice , déposé au Sénat le 20 avril dernier. Dans le même esprit de simplification de la procédure pénale que le projet de loi précité, votre commission a souhaité ne pas faire référence explicitement à une peine de stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes mais renvoyer plus largement à l'accomplissement d'une peine de stage. La détermination précise du contenu de chaque stage ne relève pas de la loi dès lors que leurs modalités correspondent à l'article 131-5-1 du code pénal. Il convient de rappeler que certains parquets ont déjà mis en place de tels stages au regard de la latitude offerte par la loi. Il apparaît contre-productif de restreindre la déclinaison locale qui peut être faite de chaque stage.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis (supprimé) (art. 2-2 du code de procédure pénale) - Exercice des droits reconnus à la partie civile pour les associations en matière de répression de l'outrage sexiste

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue députée Danièle Obono, l'article 4 bis du projet de loi vise à permettre aux associations , notamment celles luttant contre les violences sexuelles, d'exercer les droits reconnus à la partie civile en matière de répression sur le fondement de la contravention de l'outrage sexiste , créée par l'article 4 du projet de loi.

Les droits reconnus à la partie civile

La constitution de partie civile permet à la personne qui en bénéficie d'avoir accès au dossier de la procédure. Comme le soulignent Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer 55 ( * ) , la partie civile dispose « de droits importants qui lui permettent d'orienter l'instruction ». À cet égard, la partie civile peut :

- demander « à ce qu'il soit procédé à tous actes qui [lui] paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité » (article 82-1 du code de procédure pénale [CPP]) ;

- lorsqu'elle demande que soit ordonnée une expertise, préciser dans sa demande les questions qu'elle voudrait voir poser à l'expert (article 156 du CPP) ;

- demander une contre-expertise (article 167 du CPP), qui est de droit lorsque les conclusions de l'expertise sont de nature à conduire le juge d'instruction à déclarer la personne mise en examen irresponsable pénalement en raison d'un trouble mental (article 167-1 du CPP) ;

- demander que certains actes soient effectués en présence de son avocat (article 82-2 du CPP).

En outre, la partie civile dispose de « la possibilité de contrôler le déroulement de l'instruction. Elle bénéficie ainsi du droit de former appel, notamment des ordonnances de refus d'informer, de non-lieu, rejetant sa demande d'un acte d'instruction ou, plus généralement, de toute ordonnance portant atteinte à ses intérêts. Elle peut, sous certaines conditions, saisir la chambre de l'instruction de requêtes en annulation de la procédure. Elle peut, enfin, demander au juge de se prononcer sur la suite à donner au dossier, en demandant par exemple à l'expiration du délai prévisible d'achèvement de la procédure, qui lui a été notifiée en début d'information, qu'une personne mise en examen soit renvoyée devant un tribunal correctionnel (article 175-1 du CPP) ».

Votre commission considère qu'une telle disposition irait à l'encontre de la volonté d'avoir une sanction rapide et effective. En effet, elle empêcherait le recours à des modes simplifiés de poursuites ou de jugement.

En conséquence, votre commission a adopté l' amendement COM-72 de votre rapporteur afin de supprimer cet article.

Votre commission a supprimé l'article 4 bis .

Article 4 ter (art. 1676 code civil) - Prescription de l'action en rescision de la vente pour cause de lésion

Introduit par l'Assemblée nationale en séance publique par l'adoption de deux amendements identiques de nos collègues députées Clémentine Autain et Ericka Bareigts, avec l'avis favorable du Gouvernement et l'avis défavorable de notre collègue députée Alexandra Louis, rapporteure pour l'Assemblée nationale, l'article 4 ter du projet de loi vise à supprimer la référence inutile aux «femmes mariées » de l'article 1676 du code civil , relatif à la prescription de l'action en rescision de la vente pour cause de lésion .

• L'article 1676 du code civil : la définition d'une prescription biennale, qui court même à l'égard des femmes mariées

L' article 1674 du code civil dispose, depuis 1804 56 ( * ) , que le vendeur lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble peut demander la rescision de la vente . Une prescription biennale est prévue pour une telle action, à l'article 1676 du code civil.

Le même article précise que « ce délai court contre les femmes mariées et contre les absents, les majeurs en tutelle et les mineurs venant du chef d'un majeur qui a vendu ». Cette disposition vise ainsi à écarter les causes ordinaires de suspension de la prescription, telle que celle de l'article 2236 du code civil, et prévoit un délai de deux ans, ne pouvant être suspendu même en cas d'incapacité.

La capacité civile de la femme mariée

À l'origine, le code Napoléon de 1804 soulignait, à l'article 1124, l'incapacité juridique totale de la femme mariée : sous tutelle de ses parents jusqu'à son mariage, elle passait sous celle de son mari. La loi du 18 février 1938 a mis fin au statut d'incapable civile de la femme mariée.

L'article 2236 du code civil (ancien article 2253 adopté par le code de 1804), introduit par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile , énonce le principe selon lequel la prescription « ne court ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité ». Par conséquent, le point de départ de la prescription en matière civile est reporté à la dissolution du mariage ou de l'union.

Bigot de Préameneu, l'un des juristes auteur du code Napoléon, expliquait ce principe en affirmant qu'en ce qui concerne les époux « il ne peut y avoir de prescription entre eux. Il serait contraire à la nature de la société du mariage que les droits de chacun ne fussent pas l'un à l'égard de l'autre respectés et conservés. L'union intime qui fait leur bonheur est en même temps si nécessaire à l'harmonie de la société que toute occasion de la troubler est écartée par la loi ».

Dès lors, l'absence de prescription entre époux peut se justifier, d'une part, par l'exigence de maintenir « la paix des ménages » : en effet, il n'apparait pas évident pour les époux de mener un autre procès que celui de leur éventuel divorce. D'autre part, par la volonté de protéger les droits du conjoint ou du partenaire contre les difficultés psychologiques ou encore contre l'impossibilité morale d'intenter une action contre la personne avec laquelle il entretient une relation affective. Attendre la rupture de ce lien semble alors une solution opportune pour déclencher le cours de la prescription entre ces individus.

Par une jurisprudence constante, la Cour de cassation a affirmé la nature de délai préfix de l'action en rescision pour lésion 57 ( * ) admettant le caractère plus radical de ce mécanisme qui permet d'effacer une prérogative juridique par l'écoulement du temps, sans pouvoir invoquer les causes ordinaires de suspension ou interruption de la prescription.

• Les conséquences engendrées par la suppression des termes « femmes mariées » prévues par l'article 4 ter du projet de loi

L'article 4 ter a été introduit dans le projet de loi par deux amendements identiques de nos collègues députées Clémentine Autain et Ericka Bareigts.

Pour les auteurs de cet amendement, il s'agissait de supprimer l'assimilation des « femmes mariées » aux êtres vulnérables, cette mention étant identifié comme « le résidu d'une époque patriarcale et sexiste ». Considérant cette mention « sexiste et datée », la secrétaire d'État chargée de l'égalité hommes femmes, Marlène Schiappa, a donné un avis favorable à cet amendement.

Votre rapporteur s'est interrogée, non sur la pertinence de cette suppression de la référence aux femmes mariées, mais sur les conséquences d'une telle suppression.

Comme précisé auparavant, le délai de deux ans prévu pour l'action en rescision pour lésion est désormais qualifié par la jurisprudence de délai préfix . Désormais, la précision de l'alinéa 2, non modifié depuis 1804, selon laquelle « ce délai court contre les femmes mariées et contre les absents, les majeurs en tutelle et les mineurs venant du chef d'un majeur qui a vendu » qui avait pour but de souligner le caractère exceptionnel du cours de la prescription dans ces cas, n'emporte plus aucune conséquence juridique, dès lors que le délai de deux ans court en toute hypothèse, sans pouvoir invoquer une cause de suspension ou d'interruption .

Dès lors, la précision prévue au deuxième alinéa de l'article 1676 du code civil selon lequel la prescription court également contre les femmes mariées n'est plus utile.

Néanmoins, elle apparaît également inutile pour les autres « personnes vulnérables ». À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a ainsi adopté l' amendement COM-73 visant à supprimer le deuxième alinéa de l'article 1676 du code civil. Une telle suppression permettrait, d'une part, d'effacer toute marque de sexisme dans le code et, d'autre part, de renforcer la cohérence juridique et rédactionnelle du texte.

Votre commission a adopté l'article 4 ter ainsi modifié.


* 53 Elle a été créée par le décret-loi du 29 décembre 1926 concernant l'unification des compétences en matière de police de la circulation et de la conservation des voies publiques .

* 54 Rapport du groupe de travail « Verbalisation du harcèlement de rue », page 10.

* 55 Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale , Troisième édition (ouvrage à jour au 1 er septembre 2013), Economica.

* 56 L'article 1676 revient sur l'article 46 de l'ordonnance de Louis XII, de 1510, qui accordait une prescription de dix ans pour l'action en rescision pour lésion et qui avait pour inconvénient de laisser pendant longtemps la propriété incertaine des immeubles dans les mains des détenteurs.

* 57 Civ. 19 mars 1950, D. 1950. 396. - Req. 3 mai 1927, DH 1927. 302.

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