EXAMEN EN COMMISSION

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M. Alain Milon , président . - Nous examinons ce matin le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants. Je rappelle que ce texte est inscrit à l ' ordre du jour du jeudi 25 octobre prochain dans le cadre de l ' espace réservé du groupe Union centriste.

M. Olivier Henno , rapporteur . - C ' est avec une fierté particulière que je présente le rapport sur la proposition de loi de Mme Jocelyne Guidez, fruit de son rapport de janvier dernier sur un texte ouvrant le don de jours de congés payés entre salariés, en faveur de proches aidants.

Un récent sondage le montre, cette question est une préoccupation largement partagée dans l ' opinion publique : 40 % des Français ont entendu parler de la notion de proche aidant, en progression de quinze points par rapport à 2015 ; 23 % des sondés se disent aidants eux-mêmes, en hausse de six points ; 57 % des aidants déclarent s'occuper de proches en situation de dépendance due à la vieillesse, une augmentation de huit points ; et 31 % des aidants négligent leur propre santé et sont victimes de stress, de manque de sommeil, de douleurs physiques.

Le texte que nous examinons aujourd ' hui s ' inscrit dans la lignée d ' un engagement parlementaire constant et indifférent aux clivages politiques. Il succède à la proposition de loi de notre collègue député Paul Christophe, devenue la loi du 13 février 2018, et à la proposition de loi de notre collègue député Pierre Dharréville. Ces textes ont pour préoccupation principale l ' amélioration des conditions de vie des personnes dites proches aidants qui consacrent une partie de leur temps au soutien d ' un proche, dont la perte d ' autonomie rend nécessaire un accompagnement de tous les instants.

Il s ' agit d ' un public divers, discret et difficile à répartir en catégories nettes : c ' est autant l ' époux âgé qui soutient son conjoint, l ' enfant qui accompagne son parent vieillissant dans la perte d ' autonomie que le parent contraint de suspendre son activité pour s ' occuper d ' un enfant en situation de handicap.

On a d ' autant plus de mal à les saisir qu ' eux-mêmes mettent un point d ' honneur à échapper à nos regards. Apportant à leurs proches le soutien sans faille que commande la simple solidarité du foyer, ils ne demandent pas de statut, de revenu ou de droits. Seulement que la société reconnaisse que, même si elle leur est naturelle, leur action ne va pas sans sacrifice.

Le rapport de Jocelyne Guidez avait dressé le panorama de la reconnaissance sociale de l ' aidant, grande oeuvre inachevée, et la présente proposition de loi, au terme d ' un long travail de préparation et d ' auditions, s ' emploie à combler les nombreuses lacunes de cette reconnaissance.

Le principal apport concerne l ' indemnisation du congé de proche aidant. Cette mesure bienvenue ne pouvait plus attendre : une avancée sociale qui autorise le salarié à interrompre son activité professionnelle pour s ' occuper à plein temps d ' un proche sans aucune indemnité est évidemment insuffisante... Du reste, le taux de recours à ce dispositif est très faible.

La proposition de loi prévoit par ailleurs une réaffirmation des droits sociaux des proches aidants, en harmonisant les règles de majoration de durée d ' assurance et d ' affiliation obligatoire à l ' assurance vieillesse du régime général. Il s ' agit surtout de corriger les iniquités et disparités entre aidants, selon que la personne aidée est atteinte d ' une perte d ' autonomie liée à l ' âge ou à un handicap.

Le texte comporte aussi une avancée importante en matière d ' information et de reconnaissance de l ' aidant comme un acteur majeur de l ' accompagnement de la dépendance.

Les modifications que je propose touchent essentiellement la mesure principale : la création de l ' indemnité du congé de proche aidant.

Voilà maintenant près de trois ans que le congé de proche aidant a été créé par la loi portant adaptation de la société au vieillissement, distinguant pour la première fois les droits ouverts aux aidants du régime juridique applicable aux personnes accompagnant des proches en fin de vie. Le congé de proche aidant a donc rejoint le congé de présence parentale et le congé de solidarité familiale au rang des congés sociaux. Contrairement aux deux derniers, il n ' ouvrait cependant aucun droit à indemnité, diminuant fortement l ' incitation à y prétendre.

L ' article 2 de la proposition de loi prévoit l ' instauration d ' une indemnité, dont le financement repose sur un principe original et innovant : le droit de tirage de l ' employeur sur un fonds spécifique alimenté par une surcote portée à un niveau maximal de 1,7 % sur les primes de produits assurantiels. Nous en attendons un produit d ' environ 200 millions d ' euros, largement susceptible d ' absorber le recours escompté.

Voilà qui, en première analyse, peut paraître incongru. Mais, à bien y réfléchir, nous examinons là un précurseur de ce que la réforme de la dépendance annonce sans le dire clairement, à savoir la mobilisation de ressources privées pour le financement du grand âge. Pour ma part, j ' y souscris pleinement.

Les modifications que je vous propose d ' apporter à ce dispositif sont de plusieurs ordres. Premièrement, il me semble préférable de calquer le financement de l ' indemnité de proche aidant sur celui de l ' allocation journalière de présence parentale, essentiellement dans un but de clarification et de simplification. Les publics de ces deux indemnités n ' étant pas confondus, le risque de doublon se trouve donc écarté. Par ailleurs, je vous propose de circonscrire précisément la source du financement de cette indemnité, en la limitant aux encours des contrats de retraite professionnelle supplémentaire.

Un point me paraît capital. L ' indemnité de proche aidant créée par cette proposition de loi ne doit pas se limiter au dédommagement d ' une interruption d ' activité professionnelle. Elle est symptomatique d ' un véritable changement dans l ' accompagnement de la dépendance.

Alors que les pouvoirs publics font la promotion active du virage inclusif, de la désinstitutionalisation de l ' accompagnement et d ' un maintien à domicile prolongé le plus longtemps possible, les financements indemnisant ces nouvelles formes de soutien à la dépendance ont pleinement vocation à se substituer à long terme au suivi médicalisé en établissement médico-social, dont il nous faut dépasser le modèle. C ' est vers ces financements indemnitaires, concentrés sur l ' aide humaine, qu ' il nous faut aller, et non plus vers les financements forfaitaires de structures hyper-médicales, où la forme que prend l ' aidant n ' est plus que celle du soignant.

D ' autres modifications vous seront proposées. J ' en cite trois : à l ' article 1 er , la précision du champ obligatoire de la négociation collective en entreprise, qui devra intégrer la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle de l ' aidant ; à l ' article 4, les modalités d ' harmonisation d ' affiliation obligatoire à l ' assurance vieillesse du régime général de tous les proches aidants, quelle que soit la personne qu ' ils accompagnent ou leur statut professionnel lorsqu ' ils ont choisi d ' interrompre leur activité ; enfin, à l ' article 6, j ' apporterai d ' importantes modifications à l ' information et à la reconnaissance de l ' aidant par les traitements et systèmes d ' informations de santé existants.

Aujourd ' hui, l ' autre grande difficulté, à laquelle les proches aidants se trouvent confrontés, concerne leur prise en considération par les professionnels de santé qui interviennent auprès de la personne aidée dans le cadre de son parcours de soins et de vie. L ' article 6, enrichi des modifications que je vous propose, a vocation à permettre ce dialogue, tout en garantissant à l ' aidant comme à l ' aidé l ' exercice de leur consentement mutuel. Je propose notamment qu ' à titre dérogatoire la carte vitale de la personne aidée puisse contenir des informations nominatives relatives à son aidant. Par ailleurs, je propose de faciliter pour la personne aidée les modalités selon lesquelles elle peut nommer une personne de confiance, sans avoir à être hospitalisée ou accueillie en structure médico-sociale.

Vous le voyez, ce texte fait preuve d ' une grande ambition.

Pour autant, malgré les indéniables avancées qu ' il annonce, rien ne nous assure de sa prospérité. Permettez-moi à cet égard de vous faire part du profond étonnement que j ' ai ressenti au fur et à mesure que se déroulaient mes auditions. Les principaux acteurs publics concernés par le sujet, dont les cabinets des deux ministres compétents, ont manifesté leur assentiment, voire leur enthousiasme, quant au contenu de la proposition de loi. Ils ont cependant réservé leur accord, au motif que sa potentielle adoption contrarierait le calendrier et le contenu des réformes d ' ampleur annoncées par le Gouvernement pour l ' année à venir et dont notre commission aura à connaître.

Nos intentions sont donc indéniablement partagées, mais nous sommes poliment invités à les contenir...

M. Alain Milon , président . - Ce n'est pas la première fois !

M. Olivier Henno , rapporteur. - ... puisqu ' elles anticipent les volets relatifs aux aidants que la réforme des retraites, celle de la dépendance et l ' évolution de l ' accompagnement des personnes handicapées ne manqueront pas d ' intégrer.

Je ne partage pas cette opinion. L ' une des causes principales, à mon sens, des lacunes profondes, dont pâtissent les droits sociaux des aidants, est précisément cette habitude que les grands textes sociaux ont prise de n ' en traiter que de manière incidente, subsidiaire et surtout disparate. Ce ne sont pas moins de quatre grands chantiers qui prévoient dans leur feuille de route d ' aborder séparément le sujet des aidants. Quelle avancée des droits des aidants peut-on espérer d ' une approche aussi dispersée qui, sans vision d ' ensemble et sans coordination, ne manquera pas de rater sa cible ?

Le sujet mérite que nous nous en saisissions pleinement. Les aidants nous étaient jusqu ' alors trop peu connus, trop peu identifiés pour être traités autrement que par le prisme des publics auxquels ils apportent leur appui. L ' heure est venue de les considérer tels qu ' en eux-mêmes et de leur consacrer la réforme que l ' urgence de leur situation appelle.

Là où le Gouvernement maintient le séquençage - je doute pour ma part des résultats - la proposition de loi suggère que nous embrassions d ' un seul regard une palette de droits nouveaux pour tous les aidants, leur offrant ainsi le seul vecteur possible de progrès.

Il serait particulièrement dommage qu ' un texte qui recueille l ' avis favorable, explicite ou implicite, de l ' ensemble des acteurs publics compétents, ne trouve pas d ' aboutissement pour de simples motifs d ' opportunité calendaire. En se saisissant de l ' opportunité que lui offrent les espaces réservés des groupes politiques, en conduisant un travail de longue haleine où tous les acteurs concernés, y compris le Gouvernement, ont été reçus et écoutés, en produisant un texte équilibré et raisonnable dont les dispositions sont de simple justice, le Sénat exerce pleinement son rôle de législateur.

C ' est pourquoi je vous invite à donner à ce texte l ' approbation la plus large, afin que la navette parlementaire puisse, dégagée de toute considération secondaire, faire de cette oeuvre utile une oeuvre effective.

Mme Jocelyne Guidez . - Je remercie vivement notre rapporteur pour son excellent travail, qui emporte mon plus grand soutien. En janvier dernier, je rapportais pour le compte de notre commission la proposition de loi sur le don de jours de repos pour les proches aidants. Comme vous vous en souvenez, le Sénat l ' avait adoptée conforme.

Du fait de mon expérience personnelle, mais également des auditions que j ' avais réalisées en vue de l ' élaboration du rapport, j ' avais l ' intime conviction que nous devions poursuivre le travail pour compléter le dispositif adopté.

Je suis loin d ' être la seule convaincue, vous l ' avez constaté, les initiatives parlementaires à l ' Assemblée nationale et au Sénat ont été nombreuses.

Jusqu ' à maintenant, elles ont malheureusement avorté. La proposition de loi de notre collègue Pierre Dharréville, qui faisait suite à la proposition de Paul Christophe, a été renvoyée en commission. L ' amendement, que j ' avais déposé à l ' occasion de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et qui concernait l ' obligation pour les branches de négocier sur l ' articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants, a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a malheureusement estimé qu'il s ' agissait d ' un cavalier législatif. Je rappelle que nous avions adopté cet amendement à l ' unanimité. L ' Assemblée nationale avait conservé cet apport en dernière lecture, le Gouvernement donnant un avis défavorable à un amendement de suppression.

Cette liste, non exhaustive, témoigne d ' une dynamique parlementaire forte et transpartisane.

C ' est pourquoi, afin d ' apporter des garanties de sérieux au Gouvernement, j ' ai veillé à élaborer un texte pragmatique, innovant et sobre, qui prévoit notamment une indemnisation du congé de proche aidant financée par un fonds spécifique. Notre rapporteur a également travaillé en ce sens pour perfectionner et adapter le dispositif. Ainsi, nous sommes dans les meilleures dispositions pour que le Gouvernement voie dans ce texte une opportunité plutôt qu ' une contrariété. Toutefois, le rapporteur ne devrait pas me contredire, le travail de persuasion est particulièrement délicat...

L ' objectif de ce texte est simple : répondre enfin aux préoccupations des aidants et leur apporter le soutien nécessaire à la mission qu ' ils assurent.

Au cours de mes travaux préparatoires, j ' ai eu l ' occasion de recueillir de très nombreux témoignages qui, éclairants, parfois poignants, ont confirmé mon intuition : il est urgent de s ' occuper des aidants en tant qu ' individus et de prendre enfin en compte leurs spécificités.

C ' est pourquoi j ' ai présenté un dispositif construit autour de la vie de l ' aidant.

D ' abord, l'identifier pour l ' informer de sa qualité de proche aidant, des droits dont il dispose et des soutiens disponibles et pour lui permettre d ' être reconnu à ce titre par le corps médical qui s'occupe de la personne aidée.

Ensuite, permettre aux salariés proches aidants d'être en mesure d'exposer simplement leur situation au sein de leur entreprise. Pour ce faire, la proposition de loi prévoit que les branches professionnelles négocient les termes de la conciliation entre vie personnelle et professionnelle de l ' aidant.

Par ailleurs, étendre et indemniser le congé de proche aidant.

Enfin, décharger le proche aidant de questionnements sur l ' assurance retraite, en simplifiant et uniformisant les droits sociaux entre aidants de personnes handicapées et de personnes dépendantes.

Les mesures de la proposition de loi sont centrées sur la vie des proches aidants et constituent des réponses logiques, pratiques et novatrices aux témoignages des associations et des proches aidants eux-mêmes.

Vous n ' ignorez pas l ' existence de ces situations. Parfois, la détresse existe ; non exprimée, elle est clairement perceptible. Certains d ' entre nous en ont connaissance pour des raisons personnelles, d ' autres ont pu observer cela à l ' occasion de l ' exercice de leur mandat. Ces situations sont malheureusement très communes et il est urgent d ' agir.

Soyons clairs, les proches aidants n ' exigent rien, ils n ' en ont pas le temps ! Cette mission qu ' ils endurent est un sacerdoce, dont ils ne se plaignent pas. Ils savent qu ' ils sont les soutiens impérieux de personnes ne pouvant vivre sans leur présence. Et pourtant, cette mission est un poids qui devient parfois insupportable et qui aboutit à des situations d ' une extrême gravité. C ' est donc à nous de réagir, de prendre nos responsabilités, car les pouvoirs publics ne se substitueront pas à leurs actions.

Cette proposition de loi parle avant tout de la vie du proche aidant en tant qu ' individu, et non comme le simple accompagnant d ' un tiers. Le Gouvernement entreprend des travaux sur la dépendance et abordera de manière connexe le sujet des aidants. À l ' inverse, dans cette proposition de loi, nous nous concentrons avant tout sur leur vie, nous leur devons bien cela.

La semaine passée a eu lieu la journée nationale des aidants. Présente à plusieurs événements, j ' ai reçu de nombreux témoignages d'associations et de personnes intéressées. Notre démarche est soutenue, attendue, souhaitée de tous.

La proposition de loi initiale a tracé la voie, notre rapporteur en précise utilement les contours et je le remercie chaleureusement pour ses travaux d ' une très grande qualité. Mes chers collègues, je vous fais également confiance. Nous pouvons nous retrouver unis pour soutenir un texte, dont chacun d ' entre nous mesure l ' importance.

Cette question dépasse d'ailleurs celle des aidants, il s ' agit finalement de la société tout entière, car la pyramide des âges ne laisse pas de doute, les proches aidants seront de plus en plus nombreux. Nous nous apprêtons donc à apporter des solutions concrètes et réalistes à un enjeu social et sociétal majeur.

Nous pourrions imaginer des solutions encore plus novatrices, plus coûteuses, plus nombreuses, mais soyons lucides, ce texte apporte déjà de grandes avancées. Il s ' agit d ' adopter un texte sérieux, qui ne soit pas de l ' affichage et qui constitue un véhicule législatif fiable et amendable par le Gouvernement.

Il y a urgence, le front doit être uni et la voix du Sénat doit être claire. C ' est en étant rassemblés que nous serons entendus et que nous pourrons oeuvrer utilement en faveur de ceux qui sont aujourd ' hui largement ignorés, peu considérés et non accompagnés. Une proposition de loi est devant nous, elle est celle du Sénat ; j ' espère que nous la porterons comme telle pour qu ' elle devienne celle d ' une France à la hauteur de la fraternité, à laquelle nous aspirons tous.

M. Philippe Mouiller . - Je salue cette initiative, qui tombe à point nommé, car il est nécessaire de reconnaître le rôle des proches aidants et de les accompagner, y compris sur un plan psychologique. Il est évidemment essentiel que le Sénat soit présent dans ce débat. J ' aurais deux questions. En ce qui concerne l ' indemnité qui est prévue par le texte, est-elle identique quel que soit le type d ' accompagnement, quelles que soient les missions des proches aidants ? Par ailleurs, est-ce que le texte prévoit un droit à la formation pour les aidants ?

Mme Nadine Grelet-Certenais . - Alors que le comité interministériel du handicap a été repoussé pour cause de remaniement ministériel, l'examen de cette nouvelle proposition de loi portant sur les aidants nous donne l'occasion de soulever les difficultés rencontrées par ces personnes, qui ont bien besoin d'être, à leur tour, aidées. Puisque le grand projet de loi promis par le Gouvernement n'arrive pas, il est tout à fait pertinent que les parlementaires se saisissent de cette problématique.

On estime à environ 8,3 millions le nombre d'aidants en France et ce sont majoritairement des femmes. La proposition de Pierre Dharréville avait lancé le débat au printemps dernier. Au regard du vieillissement de la population, il est temps de reconnaître le travail quotidien de toutes les personnes aidantes.

Dans le rapport remis par Dominique Gillot au Gouvernement en juin 2018, il est indiqué que, même si les données existantes sont peu fiables, certaines études estiment que le dévouement des proches aidants équivaut à une économie chiffrée entre 16 et 164 millions d'euros par an pour les finances publiques. Sans aidants, il n'y a donc tout simplement pas de politique d'accompagnement des personnes en perte d'autonomie !

C'est aussi une question de santé publique, car les aidants font régulièrement face à des situations d'épuisement, de « burn-out ». Le même rapport de Dominique Gillot démontre bien ce phénomène, tout comme une récente étude de la Ligue nationale contre le cancer.

Les aidants doivent donc être accompagnés et nous sommes en accord avec les propositions de ce texte, qui améliorera la qualité de vie des aidants, tout en leur permettant d'affronter avec moins d'angoisses leur vie professionnelle.

Mme Florence Lassarade . - Nous sommes tous confrontés à ces problèmes dans nos départements. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur votre proposition d'inscrire sur la carte vitale des personnes aidées des informations nominatives relatives à la personne aidante ?

M. Michel Amiel . - Monsieur le rapporteur, vous indiquez que « les financements indemnisant les nouvelles formes de soutien à la dépendance ont pleinement vocation à se substituer à long terme au suivi médicalisé en établissement médico-social, dont il nous faut dépasser le modèle ». Je ne suis pas entièrement d'accord avec vous sur ce point. En effet, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, reçoivent aujourd'hui des personnes déjà très âgées - environ 83 ans -, si bien que le maintien à domicile, dont je soutiens évidemment le principe, ne peut pas se substituer en pratique à ces structures. C'est l'état physique des personnes hébergées qui entraîne la médicalisation importante des Ehpad.

En ce qui concerne le financement, vous proposez la création d'un fonds spécifique. Avez-vous chiffré le montant global qu'il pourrait atteindre ?

M. Olivier Henno , rapporteur. - Environ 200 millions d'euros.

M. Michel Amiel . - Cette mesure ne peut donc pas constituer un financement de la dépendance... Il ne s'agit pas de financer le cinquième risque, souvent évoqué et qui, à mon sens, ne peut relever que d'un système individuel obligatoire d'assurance privée.

Mme Laurence Rossignol . - Le processus de reconnaissance du statut de proche aidant a été enclenché depuis quelques années, mais il est vrai que nous n'avons pas encore atteint le niveau optimum de prise en compte et d'accompagnement. Cette proposition de loi contribue à ce processus.

Nous pourrions aussi évoquer une autre piste. Le code du travail prévoit un congé de trois jours non rémunéré par an permettant à un salarié de s'absenter si son enfant est malade. Nous pourrions étendre ce congé aux ascendants en situation de perte d'autonomie, d'autant que, souvent, les personnes concernées ne sont pas les mêmes.

Par ailleurs, ne serait-il pas intéressant de traduire cette proposition de loi dans un amendement qui pourrait être déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat . - J'ai été infirmière à domicile pendant plus de trente-cinq ans et c'est aussi à ce titre que je soutiens cette proposition de loi. Lorsqu'une personne doit être aidée, il est évident que les relations entre elle et ses proches, ainsi que celles entre ses proches, deviennent plus difficiles en raison de la promiscuité et du caractère émotionnel de la situation. C'est notamment pour cette raison qu'il est important de prévoir des formations pour les aidants.

Par ailleurs, avez-vous consulté les conseils départementaux sur les mesures de cette proposition de loi ? Ces collectivités sont en effet amenées, notamment au travers de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, à traiter de ces questions.

Mme Patricia Schillinger . - Le Gouvernement prépare actuellement un vaste plan sur la dépendance, qui doit être présenté à la fin de 2019, et il me semble préférable de traiter ces questions de manière globale, plutôt que dans des textes éparpillés. Les situations sont très diverses ; souvent, les proches aidants sont eux-mêmes retraités et chacun constate dans sa vie personnelle que les dispositifs en vigueur ne fonctionnent pas très bien. C'est pourquoi le groupe La République En Marche s'abstiendra sur cette proposition de loi.

Mme Nassimah Dindar . - Il est vrai que le sujet est très complexe et les dispositifs multiples - ils relèvent de la maladie, du handicap et du vieillissement -, mais je ne partage pas ce qui vient d'être dit quant au calendrier et à la nécessité de regrouper les évolutions éventuelles dans une « grande loi ». Il me semble au contraire important d'adopter très vite des avancées à même de clarifier les droits existants et d'en créer de nouveaux.

Je rejoins les interrogations sur la nomenclature des aides prodiguées et le lien entre cette nomenclature et le financement. Il existe déjà différentes grilles de lecture, selon que l'on se situe dans l'APA, dans la PCH, prestation de compensation du handicap, ou dans les autres aides départementales.

Les personnes ont besoin d'être accompagnées et nous ne devons pas ajouter une complexité supplémentaire au système actuel. C'est pourquoi nous devons avancer pas à pas, comme le propose ce texte, sans attendre un éventuel projet global du Gouvernement.

M. René-Paul Savary . - Est-ce que le financement prévu concerne aussi les non-salariés ? Sont-ils concernés par le dispositif ? Par ailleurs, que se passe-t-il pour le proche aidant au moment où la personne aidée entre en Ehpad ? Comment se déroule pour lui la transition, en particulier en termes financiers ?

M. Guillaume Arnell . - Le législateur n'est pas là pour attendre les initiatives du Gouvernement ! Je n'ai pas hésité à cosigner ce texte, car je suis sensible à la détresse, à la solitude, à l'épuisement des aidants familiaux. Nous pouvons évidemment comprendre le calendrier gouvernemental, mais il ne doit pas nous empêcher d'agir.

La question de l'accompagnement des personnes en situation de dépendance est d'autant plus importante dans mon département que les places en Ehpad sont extrêmement coûteuses.

Le groupe RDSE apportera son soutien à cette proposition de loi, même s'il reste des questions en suspens, comme le financement.

Mme Laurence Cohen . - Le Gouvernement doit évidemment jouer son rôle, mais l'initiative législative appartient aussi au Parlement, qui doit pouvoir l'exercer pleinement.

Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, la question des proches aidants a été soulevée par notre collègue député Pierre Dharréville, qui a déposé, dès janvier 2018, une proposition de loi à ce sujet. Le texte que nous examinons aujourd'hui est très proche de celui déposé à l'Assemblée nationale et nous le soutenons, même si certains points peuvent encore être précisés.

Ce débat mérite d'être posé, parce que les proches aidants, qui sont souvent épuisés, ont vraiment besoin d'être soutenus et accompagnés.

M. Olivier Henno , rapporteur . - Je remercie à nouveau Jocelyne Guidez d'avoir déposé cette proposition de loi et il n'est pas impossible qu'un groupe politique demande son inscription à l'Assemblée nationale.

M. Mouiller, nous avons fait le choix, par souci de clarté et de lisibilité, d'une indemnité identique, quelles que soient les missions des proches aidants. Les questions de formation sont en partie renvoyées aux négociations collectives.

Je partage largement les propos de Mme Grelet-Certenais sur les difficultés rencontrées par les proches aidants.

Mme Lassarade m'a interrogé sur la carte vitale. Nous avons beaucoup discuté de cette question durant les auditions, notamment lorsque nous avons rencontré les représentants de la CNIL. Ce dispositif, qui est simple et dérogatoire, permet d'intégrer des informations relatives à la personne aidante sur la carte vitale de la personne aidée, notamment pour accomplir des actes en son nom, comme l'achat de médicaments.

Comme M. Amiel, je connais la situation des Ehpad, mais je crois que nous pouvons encore retarder l'entrée de certaines personnes dans ces structures. Je crois aussi que la piste d'une assurance privée obligatoire est celle que nous devons emprunter si nous parlons du financement de la dépendance, mais tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi.

En ce qui concerne la mesure évoquée par Mme Rossignol, je crois qu'elle relève d'abord de la négociation collective de branche. Nous n'avons pas prévu de l'inscrire dans la loi, mais le débat est intéressant.

Divers aspects liés à la formation, sujet évoqué notamment par Mme Bonfanti-Dossat, seront contenus dans le guide de l'aidant prévu à l'article 6 de la proposition de loi. Par ailleurs, nous avons bien auditionné l'Assemblée des départements de France, notamment pour faire le lien avec l'APA. Je souhaiterais toutefois préciser que le financement des structures de répit relève uniquement de l'APA 2, dont les montants distribués par la CNSA sont sous-consommés.

La question de calendrier soulevée par Mme Schillinger est récurrente sous la V e République... Rien n'empêche le Gouvernement de reprendre une initiative du Sénat !

Monsieur Savary, l'indemnité prévue par la proposition de loi concerne exclusivement les salariés. En ce qui concerne la période de transition, au moment où la personne aidée entre en Ehpad, je rappelle que nous parlons ici d'un congé ; la personne aidante est donc censée reprendre son travail, si les conditions ne sont plus remplies.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-1 fait de la discussion du thème des aidants un sujet obligatoire de la négociation collective de branche, ce qui n'est pas prévu par le droit actuel et relève pourtant de la compétence naturelle de la négociation de branche. Il prévoit également que les modalités de mise en oeuvre du congé de proche aidant figurent à la convention de branche à titre principal, et non à titre subsidiaire. En revanche, il retire le sujet des aidants des champs obligatoires de la négociation collective d'entreprise, afin de conserver à cette dernière une certaine souplesse.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-2 propose de rétablir la capacité du salarié de décider de la fin anticipée de son congé de proche aidant. Par ailleurs, il rétablit la diminution importante des ressources du salarié au rang des causes de fin anticipée.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - Dans un souci de lisibilité et de cohérence globale des dispositifs d'indemnisation des congés sociaux, l'amendement COM-3 calque le montant de l'indemnité de proche aidant sur l'AJPP, avec l'intégration du même plafonnement mensuel à 22 jours par mois.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-4 clarifie l'assiette de financement de l'indemnité de proche aidant. Il mentionne explicitement l'article du code de la mutualité qui rassemble les contrats individuels et collectifs de retraite professionnelle supplémentaire. Il précise par ailleurs que d'autres sources de financement pourront venir abonder le fond.

L'amendement COM-4  est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'article 2 de la proposition de loi prévoit la suppression du nombre de renouvellements possibles du congé de proche aidant du champ de la négociation collective, ouvrant ainsi la possibilité d'un renouvellement illimité et d'un risque élevé de soutenabilité. L'amendement COM-5 suggère de revenir sur cette disposition.

L'amendement COM-5  est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-10 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-6 se penche sur la question de l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général des aidants travailleurs non-salariés et précise les modalités de leur rapprochement avec les travailleurs salariés éligibles au CPA. Outre quelques modifications de coordination, il s'agit notamment d'aligner la durée maximale d'affiliation sur celle d'éligibilité au CPA, à savoir trois ans.

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - Outre une correction de clarification, l'amendement COM-7 supprime les accueillants familiaux du dispositif d'affiliation pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-8 tire les conséquences de l'existence du dispositif visé par l'article 5 au sein de la loi pour un État au service d'une société de confiance. Il retient néanmoins le décret d'application de l'expérimentation du relayage pour les agents travaillant en établissement ou service médico-social public.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-9 rectifié, de réécriture, donne plus de cohérence au dispositif sans lui retirer son esprit initial. Pour des raisons de pragmatisme et de respect du principe de proportionnalité, il propose que l'identification de l'aidant figure au sein de la carte vitale, avec toutes les garanties ouvertes pour la personne aidante et la personne aidée.

M. Bernard Jomier . - J'avais cosigné cette proposition de loi pour apporter une solution, même partielle, à cette problématique importante. Cet amendement me laisse perplexe. Vous nous dites avoir sollicité l'avis de la CNIL. À mon sens, porter de nouvelles informations, même non médicales, sur la carte Vitale, n'est pas insignifiant. Cela revient à révéler des liens affectifs, ou autres, sur un support électronique qui peut être lu par d'autres personnes. Certes, il y a des garanties, mais j'estime qu'il faudrait approfondir les consultations, notamment avec les associations de patients et l'ordre des médecins, pour déterminer sur l'intérêt de cette mesure l'emporte sur ses inconvénients. Pour l'instant, je n'y suis pas favorable.

Mme Florence Lassarade . - Pourquoi l'aidant familial ne se signalerait-il pas comme tel sur sa propre carte Vitale ?

M. Olivier Henno , rapporteur . - Ces questions ont été soulevées lors des auditions, mais cette mesure repose sur le consentement des personnes intéressées - consentement qu'elles peuvent révoquer à tout moment. Elle semble donc une bonne solution, moins coûteuse de surcroît que la création d'une carte de proche aidant.

L'amendement n° COM-9 rectifié est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 7 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Intégration du thème des proches aidants à la négociation collective

M. HENNO, rapporteur

1

Négociation collective de branche

Adopté

Article 2
Indemnisation du congé de proche aidant

M. HENNO, rapporteur

2

Fin anticipée du congé

Adopté

M. HENNO, rapporteur

3

Montant de l'indemnité

Adopté

M. HENNO, rapporteur

4

Taxe sur les produits assurantiels

Adopté

M. HENNO, rapporteur

5

Renouvellement du congé

Adopté

Article 3
Majoration de durée d'assurance

M. HENNO, rapporteur

10

Rédactionnel

Adopté

Article 4
Affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse obligatoire

M. HENNO, rapporteur

6

Durée maximale d'affiliation

Adopté

M. HENNO, rapporteur

7

Accueillants familiaux

Adopté

Article 5
Expérimentation du relayage

M. HENNO, rapporteur

8

Réécriture de l'article

Adopté

Article 6
Dispositions relatives à l'information du proche aidant

M. HENNO, rapporteur

9 rect.

Réécriture de l'article

Adopté

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