Rapport n° 254 (2018-2019) de MM. Michel CANEVET , Jean-François HUSSON et Mme Élisabeth LAMURE , fait au nom de la commission spéciale, déposé le 17 janvier 2019

Disponible au format PDF (6,8 Moctets)

Synthèse du rapport (245 Koctets)


N° 254

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 janvier 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission spéciale sur le projet de loi (1) , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relatif à la croissance et la transformation des entreprises ,

Par MM. Michel CANEVET, Jean-François HUSSON et Mme Élisabeth LAMURE,

Sénateurs

TOME I

RAPPORT

Articles 5 bis , 7 ter , 11, 15, 15 bis , 19 quater , 21 ter , 23 bis ,

24, 24 ter , 25, 29 bis , 39, 39 bis , 61 quinquies , 63 bis , 66 bis , 72, 73 et 74 examinés selon la procédure de législation en commission,

en application de l'article 47 ter du Règlement

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Fournier, présidente ; M. Emmanuel Capus, Mme Anne Chain-Larché, MM. Dominique de Legge, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Jean-Marc Gabouty, Fabien Gay, Bernard Lalande, Mme Christine Lavarde, M. Richard Yung, vices-présidents ; MM. Pierre Louault, Jean-Louis Tourenne, Jean Pierre Vogel, secrétaires ; M. Philippe Adnot, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Viviane Artigalas, MM. Serge Babary, Arnaud Bazin, Martial Bourquin, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Vincent Delahaye, Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Jacques Genest, Mme Pascale Gruny, MM. Jean-Raymond Hugonet, Jean-François Husson, Mme Élisabeth Lamure, MM. Victorin Lurel, Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Vincent Segouin, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1088 , 1237 et T.A. 179

Sénat :

28 , 207 et 255 (2018-2019)

La commission a examiné les articles 5 bis , 7 ter , 11, 15, 15 bis , 19 quater , 21 ter , 23 bis , 24, 24 ter , 25, 29 bis , 39, 39 bis , 61 quinquies , 63 bis , 66 bis , 72, 73 et 74 selon la procédure de législation en commission, en application de l'article 47 ter du Règlement.

En conséquence seuls sont recevables en séance, sur ces articles, les amendements visant à :

- assurer le respect de la Constitution,

- opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec les textes en vigueur,

- procéder à la correction d'une erreur matérielle.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Réunie les 16 et 17 janvier 2019, sous la présidence de Mme Catherine Fournier, présidente, votre commission a examiné 1 ( * ) le rapport de Mme Élisabeth Lamure et MM. Michel Canevet et Jean-François Husson sur le projet de loi n° 28 (2018-2019) relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Les trois rapporteurs ont successivement présenté leurs observations et leurs propositions sur les 196 articles du projet de loi transmis. Votre commission a examiné 569 amendements, dont 251 de ses rapporteurs. Elle a adopté 290 amendements, dont 246 sur la proposition des rapporteurs.

Pour favoriser la croissance des entreprises, la commission spéciale a simplifié, modernisé et complété les dispositifs du projet de loi tout en veillant à conserver un cadre protecteur des intérêts publics et des intérêts des consommateurs et à garantir une sécurité juridique indispensable.

* En conséquence, s'agissant de la gouvernance et du fonctionnement des entreprises , elle a :

- relevé, à partir du 1 er janvier 2021, à 100 salariés les seuils de l'ensemble du code du travail actuellement fixés à 50 salariés , compte tenu de la concentration des nouvelles obligations s'appliquant lorsqu'une entreprise franchit le seuil de 50 salariés et de l'inadéquation de ce seuil pour la croissance des entreprises (article 6 bis A), tout en confirmant les nouvelles règles d'appréciation et de franchissement des seuils d'effectifs salariés s'appliquant à certaines obligations sociales et fiscales (articles 6 et 6 bis ) ;

- accepté l'économie générale de la réforme du contrôle légal des comptes (articles 9 à 9 bis D), consistant à relever les seuils de contrôle obligatoire des comptes par un commissaire aux comptes au niveau prévu par le droit européen (4 millions d'euros de bilan, 8 millions d'euros de chiffre d'affaires et 50 salariés), en dépit de la fragilisation de la sécurité financière des entreprises qui pourrait en résulter et de l'impact très lourd sur la profession, en particulier pour les petits cabinets et le maillage territorial par les professionnels, tout en :

repoussant l'entrée en vigueur de cette réforme au 1 er janvier 2021 , sans préjudice de la poursuite des mandats en cours à cette date, afin de permettre à la profession de se réorganiser et de développer de nouveaux services aux entreprises, en dehors du contrôle obligatoire, en particulier le nouvel audit simplifié pour les petites entreprises prévu par le projet de loi ;

veillant à ce que le contrôle des groupes excédant les seuils européens soit correctement assuré, au travers de la société mère comme des filiales les plus importantes, en prévoyant également une norme d'exercice professionnel spécifique ;

- assoupli encore davantage le régime des actions de préférence , afin de les rendre vraiment utiles pour les entreprises en croissance à la recherche d'investisseurs (rachat à l'initiative du détenteur, garanties sur le versement des dividendes, relèvement de la proportion du capital social que peuvent représenter les actions de préférence) (article 28) ;

- abrogé le droit d'information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, qui par son caractère systématique et le délai de deux mois qu'il instaure entre la notification de l'information aux salariés et la possibilité de procéder à la cession, peut compromettre les projets de reprise lorsqu'ils existent, et instauré parallèlement une obligation d'information des salariés, en cas de redressement judiciaire de l'entreprise lorsque le tribunal de commerce décide d'un plan de cession et que tout doit être mis en oeuvre pour retrouver un repreneur (article 62 septies ) ;

- approuvé la philosophie de la réforme de l' article 1833 du code civil relative à l' intérêt social , tout en cherchant à lever les incertitudes quant à sa portée effective et à éviter qu'elle conduise à faire peser de nouvelles obligations sur les sociétés et à créer de nouveaux risques contentieux afin qu'un juge ne puisse exiger d'une société qu'elle apporte la preuve qu'elle a bien pris en considération ces enjeux dans son processus interne de décision en l'absence d'obligation légale particulière (article 61) ;

- approuvé la faculté pour une société de se doter, statutairement, d'une raison d'être en vue de laquelle elle pourrait affecter des moyens particuliers (article 61 bis ) ;

- conservé le dispositif de la société à mission , niveau le plus abouti de la société engagée, tout en proposant une rédaction dont la simplicité pourra davantage en garantir le succès (article 61 septies ) ;

- accepté le principe d'un registre général dématérialisé dont l'objectif est de simplifier les démarches des entreprises, de réduire les coûts et les délais de traitement et d'améliorer l'accès aux informations, tout en privilégiant la création d'un registre commun ne remettant pas en cause les répertoires et registres existants (article 2) ;

- transposé directement dans la loi la directive européenne relative à la facturation électronique dans le domaine des marchés publics. Elle s'est assurée que la mesure n'instaure aucune nouvelle obligation pour les entreprises, et octroie aux collectivités locales le délai maximal autorisé par la directive afin de s'adapter à la nouvelle norme de facturation électronique (article 63) ;

- ajouté aux critères d'évaluation des chercheurs leurs contributions au développement de l'innovation afin d'encourager ces derniers à valoriser leurs résultats de recherche (article 41) ;

- créé une procédure administrative permettant de demander la nullité d'un dessin ou d'un modèle (article 42 bis ) ;

- aménagé les dispositifs favorables à une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances dirigeantes des entreprises , tout en leur conférant un caractère plus opérationnel et en sécurisant leurs effets juridiques s'agissant notamment de la nomination aux postes de directeur général délégué ou de membres du directoire (article 62 quater ) et de la nullité des délibérations de conseils dont un membre a été nommé en violation des obligations de parité (article 62 quinquies A), eu égard aux graves répercussions d'une telle mesure sur les sociétés, leurs salariés, mais également sur tous les tiers concernés par les délibérations ;

- supprimé la sur-transposition concernant le contrôle des conventions courantes conclues entre une société et un de ses dirigeants ou un de ses principaux actionnaires (article 66) ;

- encadré la dématérialisation des factures d'énergie pour mieux protéger les consommateurs les plus fragiles et les plus éloignés des usages numériques (article 63 bis A) ;

- prévu dans la loi, au lieu de renvoyer à une ordonnance, les conditions de la disparition des tarifs réglementés de vente du gaz exigée par le droit européen, pour assurer la meilleure information et la meilleure protection des consommateurs (article 71 ter ) ;

- rendu obligatoire la justification du paiement des primes d'assurance dans l'attestation que doivent remettre les entreprises du bâtiment et de travaux publics, ainsi que les maîtres d'ouvrage, à leurs clients (article 19 ter ) ;

- supprimé les dispositions relatives au poinçonnage des métaux précieux, très éloignées de l'objet du projet de loi et qui induisaient des risques à la fois pour les professions concernées et les consommateurs (article 28 ter ).

* La commission spéciale a également souhaité assurer les conditions d'un accompagnement des entrepreneurs efficace et adapté à leurs besoins, notamment ceux des TPE et PME.

À ce titre, elle a :

- réintroduit l'obligation de suivi d'un stage pour accompagner l'installation des artisans , qui désormais ne serait plus un préalable à leur immatriculation au répertoire des métiers (article 4) ;

- supprimé la réforme du conseil d'administration de Business France , en s'opposant à l'éviction des chambres de commerce et d'industrie et des organisations professionnelles, afin de mieux associer les entreprises et les réseaux consulaires à la réforme annoncée du service public de soutien à l'export (article 7) ;

- poursuivi l'amélioration des dispositions relatives au droit de présentation d'un successeur par un commerçant de halle ou de marché , qui sera réservé aux titulaires d'emplacements disposant d'une ancienneté minimale de trois ans (article 13 septies ) ;

- accompagné la mutation en cours du réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI), en prévoyant des dispositifs sécurisant la situation de l'ensemble de ses personnels (possibilité donnée aux CCI d'adhérer à l'assurance-chômage, maintien des contrats ou engagements de travail en cas de transfert de personnels, dispositifs garantissant l'exercice des droits collectifs des employés) et facilitant les restructurations des établissements et entités du réseau (transformation des associations créées par les CCI en sociétés anonymes, suppression des guichets des centres de formalités des entreprises dès 2021, maintien d'une politique de péréquation budgétaire entre les chambres) (articles 1 er et 13 à 13 quinquies ) ;

- refusé la régionalisation forcée du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat et la suppression de ses chambres départementales, afin de maintenir les actions de proximité en faveur des artisans (article 13 bis A) ;

- favorisé la mutualisation des actions des réseaux consulaires (chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers et de l'artisanat ainsi que des chambres d'agriculture), en laissant néanmoins à ceux-ci une totale liberté dans la nature des actions à entreprendre et dans les modalités de cette mutualisation, qui pourra ainsi varier en fonction des situations locales (articles 13 bis B et 13 bis C) ;

- étendu l'accès aux informations contenues dans le Fichier bancaire des entreprises (FIBEN) aux administrations d'État à vocation économique ou financière intervenant dans la prévention et le traitement des entreprises en difficulté, ainsi qu'au président du tribunal de commerce (article 19 septies ) ;

* Pour faciliter le financement des entreprises et mieux protéger les épargnants, la commission spéciale a :

- renforcé les obligations de proposition de fléchage de l'assurance-vie vers les fonds verts, solidaires, et socialement responsables (article 21) ;

- renforcé le cadre de régulation des crypto-actifs dans un double objectif de protection des épargnants et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, sans remettre en cause le caractère optionnel de l'agrément et du visa (articles 26, 26 bis A et 26 bis B) ;

- permis à tout majeur d'ouvrir un PEA (article 27 bis A), tout en assouplissant les conditions de fonctionnement du PEA et du PEA-PME (article 27 ter A) ;

- supprimé les élargissements non maîtrisés des conditions du prêt interentreprises et de la durée minimale de préavis en matière de concours bancaires aux entreprises, les mesures proposées n'ayant fait l'objet d'aucune évaluation préalable et comportant des risques non négligeables pour les entreprises les plus fragiles (articles 27 quinquies et 27 octies ) ;

- réaffirmé la position du Sénat en harmonisant l'ensemble des taux dérogatoires du forfait social à 10 %. Pour favoriser l'épargne salariale, elle a également rendu obligatoire la mise en place d'un plan épargne d'entreprise dès qu'une entreprise signe un accord d'intéressement (article 57) ;

- créé un nouveau cas de déblocage anticipé de l'épargne retraite pour permettre une meilleure prise en charge de la dépendance (article 20) ;

- amélioré le projet de création d'un dispositif de dématérialisation du processus d'échange physique des matières premières reposant sur la circulation électronique de relais d'entreposage (article 23 bis ) ;

- étendu la faculté de réévaluation des actifs corporels offerte aux grands ports maritimes et aux grands ports fluviaux de Paris et de Strasbourg aux ports gérés en régie directe par les collectivités territoriales ou concédés à leurs établissements publics (article 70).

* S'agissant de la place de l'État dans les entreprises publiques visées par le projet de loi, la commission spéciale a :

- introduit la possibilité pour l'État de révoquer les dirigeants d'Aéroports de Paris en cas de manquement d'une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires de la société (article 45) ;

- aménagé le périmètre régulé d'Aéroports de Paris , afin de pouvoir faire participer les revenus des commerces au financement des activités aéronautiques et favoriser ainsi une modération des redevances aéroportuaires, au profit des compagnies aériennes (article 47) ;

- ouvert la faculté pour l'État de fixer unilatéralement les principales dispositions d'un contrat pluriannuel de régulation économique (CRE) en cas d'échec des négociations avec ADP (article 48) ;

- transformé l' autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) en autorité administrative indépendante (AAI) (article 48 bis ) ;

- supprimé les dispositions relatives à la cession au secteur privé de La Française des jeux, considérant qu'en l'absence de précisions relatives au périmètre des droits exclusifs confiés à l'opérateur, à la redéfinition de la régulation du secteur et à la refonte de la fiscalité des jeux, les conditions d'un débat éclairé n'étaient pas réunies (article 51) ;

- rendu obligatoire la détention par l'État d'au moins une action au capital d'Engie, support de l'action spécifique qui lui permettra de s'opposer aux décisions qu'il jugerait contraire aux intérêts de la France (article 52).

Votre commission spéciale a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises a été déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 19 juin 2018. Le même jour, la procédure accélérée était engagée par le Gouvernement.

Il a été examiné à l'Assemblée nationale par une commission spéciale entre les 6 et 14 septembre 2018 et en séance publique du 25 septembre au 9 octobre 2018.

Au Sénat, une commission spéciale rassemblant 37 sénateurs désignés à la proportionnelle des groupes politiques a été nommée le 10 octobre 2018. Au cours de sa réunion constitutive le 11 octobre, elle désigné sa Présidente et ses trois rapporteurs.

La commission spéciale du Sénat a adopté son texte à l'issue de trois réunions les 16 et 17 janvier 2019.

I. UNE RÉPONSE, FINALEMENT MODESTE, AUX ATTENTES DES ENTREPRISES

A. UN CONSTAT PARTAGÉ SUR LES BESOINS DES ENTREPRISES

Les obstacles rencontrés par les entreprises françaises (petites et moyennes essentiellement) pour se développer et les handicaps qui les pénalisent par rapport à leurs concurrentes européennes et mondiales sont depuis longtemps dénoncés par de multiples rapports et à l'occasion de chaque débat parlementaire sur le sujet.

Le présent rapport n'est pas le lieu de faire une nouvelle présentation générale du contexte économique et les difficultés spécifiques rencontrées (financières, fiscales, juridiques...) sont exposées dans les différents commentaires traitant des articles du présent projet de loi.

Certains chiffres permettent de poser simplement le constat . Ils sont rappelés dans le dossier de presse du ministère de l'économie et des finances de présentation du projet de loi publié en juin 2018.

B. LA MÉTHODE À RISQUE DU GOUVERNEMENT

Le projet de loi soumis au vote du Sénat a été précédé, avant son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, d'une très longue phase de communication et de concertation, d'ampleur tout à fait inhabituelle. Cette période de pré-négociation était à la fois un souhait du ministre de l'économie et des finances, qui a pu ainsi recueillir de nombreuses propositions émanant de chefs d'entreprises, de professionnels et de juristes, mais aussi une conséquence subie des incertitudes quant à l'inscription à l'ordre du jour des assemblées.

C'est donc dès le 23 octobre 2017 que le coup d'envoi de la première phase de consultation a été engagé avec la constitution sous l'aval du ministère de l'économie et des finances de six groupes de travail constitués de parlementaires et de chefs d'entreprises.

Le 21 décembre 2017 a eu lieu la restitution publique des travaux menés par les groupes de travail, suivie du 15 janvier au 15 février d'une consultation publique en ligne sur 31 propositions sélectionnées.

Extrait du communiqué de presse du ministère de l'économie et des finances pour le « lancement de la consultation publique sur le PACTE » (15 janvier 2018)

« Dès aujourd'hui et jusqu'au 5 février, chaque citoyen pourra voter (« d'accord », « pas d'accord », « mitigé »), commenter les propositions du Gouvernement (dépôt d'arguments pour ou d'arguments contre) et faire ses propres contributions, elles-mêmes soumises aux votes des internautes.

Les nombres de votes sur chaque proposition, d'arguments et les participants sont visibles par tous, de manière transparente, en temps réel.

La consultation est articulée autour de 9 actions pour les entreprises (créer, financer, développer, innover, partager, transformer, exporter, rebondir, transmettre) déclinées en 31 propositions.

Ces propositions soumises à la consultation ne sont ni définitives ni exhaustives. Le PACTE a vocation à s'enrichir au cours des prochaines semaines.

Cette consultation publique s'inscrit dans la lignée de la méthode choisie pour concevoir le PACTE: la co-construction.

La première étape a eu lieu entre octobre et décembre. Six binômes de parlementaire / chef d'entreprise ont été missionnés sur 6 thématiques, afin de formuler des propositions au plus près des besoins exprimés. En parallèle, une large consultation a été menée auprès de tous les acteurs : contribution des partenaires sociaux et des organisations professionnelles, mobilisation des régions avec l'appui des services des DIRECCTE, sollicitation des groupes parlementaires et du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

La consultation publique en ligne, ouverte à tous, constitue la seconde étape pour enrichir le PACTE. Les principaux contributeurs seront invités au ministère de l'Economie et des Finances pour échanger et débattre de vive voix avec les ministres ».

Puis, durant les mois de février à avril 2018 s'est déroulée une concertation avec les organisations syndicales et les fédérations professionnelles pour aboutir finalement à l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres le 18 juin 2018.

Cette méthode (dont les différentes phases se sont déroulées sur une longue période de temps, de près d'un an) a certainement eu l'avantage de valoriser une concertation préalable à l'élaboration d'un projet de loi, qui traditionnellement est conduite avec plus de discrétion et aussi moins de transparence 2 ( * ) .

Elle a permis aussi, et le Gouvernement n'a pas manqué de s'en féliciter, d'associer certains parlementaires, même s'il est sans doute délicat de conserver autant de sens critique pour l'examen d'un texte 3 ( * ) lorsque l'on a été aussi étroitement associé à son élaboration.

Binômes et trinômes composés de parlementaires et de chefs d'entreprise missionnés pour réfléchir aux six thèmes du PACTE

Thème 1 : Création, croissance, transmission et rebond

Composition du binôme : Olivia Grégoire (députée de Paris) et Clémentine Gallet (présidente de Coriolis Composite).

Thème 2 : Partage de la valeur et engagement sociétal des entreprises

Composition du binôme : Stanislas Guerini (député de Paris) et Agnès Touraine (présidente de l'Institut Français des Administrateurs).

Thème 3 : Financement des entreprises

Composition du binôme : Jean-Noël Barrot (député des Yvelines) et Alice Zagury (présidente de The Family).

Thème 4 : Numérisation et innovation

Composition du trinôme : Célia de Lavergne (députée de la Drôme), Philippe Arraou (président d'honneur de l'Ordre des experts comptables) et Lionel Baud (PDG de Baud Industries).

Thème 5 : Simplification

Composition du binôme : Sophie Errante (députée de Loire-Atlantique) et Sylvain Orebi (PDG de Orientis).

Thème 6 : Conquête de l'international

Composition du binôme : Richard Yung (sénateur des Français de l'étranger) et Éric Kayser (artisan boulanger, PDG de Maison Kayser).

Source : Pacte - restitution des travaux conduits -
dossier de presse du 21 décembre 2017

Mais cette méthode de co-construction publique a eu aussi pour effet de rendre le temps de mise au point et d'arbitrage du projet de loi visiblement beaucoup plus long aux yeux des médias, du public et des personnes concernées, au premier rang desquelles les entreprises et leurs salariés.

Or cette lenteur, qui n'est imputable qu'à l'exécutif, a été mise sur le compte d'une procédure parlementaire, qui en l'espèce a montré son efficacité et même sa rudesse quant au temps de réflexion laissé aux élus nationaux sur des sujets majeurs ou présentés comme tels.

Il est donc d'autant plus étonnant que les critiques sur les délais d'examen par le Parlement aient été émises par certains parlementaires et par des représentants du Gouvernement alors que ce dernier a communiqué sur ses propositions pendant plus d'une année avant de décider l'application de la procédure accélérée pour l'examen du texte au Parlement.

Quoiqu'il en soit, il reviendra bien au Gouvernement d'assurer dans les meilleurs délais la publication des ordonnances et des textes d'application nécessaires à l'entrée en vigueur des dispositions du texte lorsqu'il sera promulgué à la fin de la navette parlementaire et après l'éventuel examen par le Conseil constitutionnel.

C. UN DÉCALAGE ENTRE LES AMBITIONS ET LES MESURES PROPOSÉES

Présenté comme une nouvelle étape dans la transformation économique de la France, « Le PACTE » 4 ( * ) est paré, à l'instar de nombreux textes récents, d'un titre et de subdivisions ambitieux : « Des entreprises libérées », « Des entreprises plus justes », « Mieux partager la valeur », etc.

Pourtant, l'examen de son contenu fait surtout apparaître la diversité des sujets et mesures proposées : registre des entreprises, annonces judiciaires et légales, promotion de l'artisanat, stage de préparation à l'installation, seuils d'effectifs, chambres de commerce et d'industrie, chambres de métiers et de l'artisanat, trésorerie des PME, épargne-retraite, durée des soldes, seuils de certification légale des comptes, micro-entrepreneurs, crypto-actifs, droit des sûretés, rebond des entrepreneurs, restructuration, fin d'activité, transmission d'entreprise, reprise d'entreprise par les salariés, participation de l'État au capital d'entreprises publiques (Aéroports de Paris, La Française des jeux, Engie et La Poste), gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations, intéressement et participation, égalité des hommes et des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises, etc.

Dans ces conditions, il est particulièrement difficile de discerner une ligne directrice ou d'estimer sérieusement l'impact que pourrait avoir ce texte sur l'économie française et la croissance des entreprises. C'est d'ailleurs un défi auquel a renoncé chacun des économistes entendus par votre commission, préférant piocher dans cet ensemble de diverses dispositions la mesure qui lui paraissait la plus importante.

Le mélange de dispositions anecdotiques et de réformes aux conséquences lourdes économiquement, financièrement et socialement a été un obstacle important pour votre commission qui a eu parfois le sentiment de devoir traiter trop rapidement certains sujets .

II. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE

Le projet de loi 5 ( * ) déposé par le Gouvernement sur le Bureau de l'Assemblée nationale en juin 2018 comportait 73 articles .

À l'issue de ses travaux, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un texte de 146 articles 6 ( * ) . Elle a donc doublé son volume Initial.

Au terme des débats en séance publique , le texte transmis 7 ( * ) au Sénat, avec un délai d'un mois entre son adoption et la date de la transmission, compte 196 articles , dont 123 n'ont donc fait l'objet ni d'un examen par le Conseil d'Etat, ni d'une étude d'impact.

Votre commission spéciale considère que sans remettre en cause le droit d'amendement parlementaire, une meilleure maîtrise de son exercice par nos collègues députés assurerait certainement des débats plus approfondis et éclairés et la production en définitive d'une loi plus intelligente. La crédibilité même de la fonction législative est mise en jeu par une telle prolifération d'articles additionnels qui sont souvent mal travaillés, redondants ou plus simplement sans « lien, même indirect avec le texte déposé ou transmis » 8 ( * ) .

Elle a donc retenu, conformément à une tradition sénatoriale bien établie, un positionnement visant à contenir ses initiatives dans le périmètre du projet initial, ce qui l'a conduite à l' adoption d'un nombre très restreint de nouveaux articles (15 au total) et à supprimer les articles sur lesquels elle aurait fait application des règles d'irrecevabilité ou, lorsque cela était possible, à fusionner des dispositions au sein d'articles du projet initial.

Au total, votre commission a donc supprimé 37 articles du texte transmis et adopté un texte de 174 articles .

Plusieurs auditions ont été organisées en commission plénière malgré le temps restreint accordé aux travaux préparatoires. Elles ont permis d'entendre le ministre en charge ainsi que M. Jean-Dominique Senard, auteur avec Mme Nicole Notat du rapport « Entreprise et intérêt général » et d'organiser deux tables rondes, l'une d'économistes, sur l'économie générale du projet, et l'autre spécifiquement consacrée aux privatisations. Les auditions plénières ont été systématiquement ouvertes à l'ensemble des sénateurs et à la presse et ont fait l'objet de captations vidéo 9 ( * ) .

Les rapporteurs ont, pour leur part, organisé de nombreuses auditions ouvertes à l'ensemble de leurs collègues de la commission spéciale et recueilli des contributions écrites 10 ( * ) .

A. UNE APPLICATION PARTIELLE DE LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION

L'examen du projet de loi par la commission spéciale a été l'occasion d'appliquer une nouvelle fois la procédure de législation partielle en commission, telle qu'elle est prévue par les articles 47 ter et suivants du Règlement de notre assemblée.

La procédure de législation en commission conduit à ce que le droit d'amendement s'exerce uniquement en commission, la séance plénière étant centrée sur les explications de vote et le vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

Après en avoir débattu lors de la réunion du Bureau de la commission spéciale, sa Présidente a demandé à la Conférence des Présidents une application partielle, pour certains articles du texte, de la procédure de législation en commission.

Lors de sa réunion du 18 décembre 2018, la Conférence des Présidents a décidé que vingt articles du texte feraient l'objet d'une procédure de législation en commission : articles 5 bis , 7 ter , 11, 15, 15 bis , 19 quater , 21 ter , 23 bis , 24, 24 ter , 25, 29 bis , 39, 39 bis , 61 quinquies , 63 bis , 66 bis , 72, 73 et 74.

Ces articles ont été examinés par la commission spéciale lors d'une réunion spécifique, en présence du Gouvernement (représenté par Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances), et dans des conditions de publicité élargie, le jeudi 17 janvier 2019.

B. LES DOMAINES RESPECTIFS DES RAPPORTEURS

Votre commission spéciale, compte tenu de la diversité des sujets traités par le projet de loi, a désigné trois rapporteurs.

La répartition des différents articles entre les rapporteurs est précisée dans le tableau suivant :

Chapitre I er : Libérer les entreprises

Section 1 : Faciliter et réduire le coût de la création d'entreprise

(articles 1 à 5 quater )

Mme Élisabeth LAMURE

Section 2 : Simplifier la croissance des entreprises
(articles 6 à 8 et 11 à 19 septies )

articles 9 à 10 quater


Mme Élisabeth LAMURE

Mme Élisabeth LAMURE
et M. Michel CANEVET

Chapitre II : Rendre les entreprises plus innovantes

Section 1 : Améliorer et diversifier les financements des entreprises

(articles 20 à 39 bis )


M. Jean-François HUSSON

Section 2 : Protéger les inventions et expérimentations des entreprises

(articles 40 à 43 quinquies )

Mme Élisabeth LAMURE

Section 3 : Faire évoluer le capital des entreprises publiques et financer l'innovation de rupture

( articles 44 à 54 )

M. Jean-François HUSSON

Section 4 : Protéger les entreprises stratégiques françaises

(articles 55, 55 bis et 56)

Mme Élisabeth LAMURE

article 55 ter

M. Jean-François HUSSON

Chapitre III : Rendre les entreprises plus justes

Section 1 : Mieux partager la valeur

(articles 57 à 60)

M. Michel CANEVET

Section 2 : Repenser la place des entreprises dans la société

(articles 61 à 62 septies )

M. Michel CANEVET

Chapitre IV : Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, dispositions transitoires et finales

(articles 63 à 73)

M. Michel CANEVET

Chapitre V : Dispositif de suivi et d'évaluation

(article 74)

M. Michel CANEVET

*

* *

Votre commission spéciale a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER
DES ENTREPRISES LIBÉRÉES

Section 1
Création facilitée et à moindre coût
Article 1er
(art. L. 123-9-1 et L. 123-32, L. 123-33, L. 123-34, L. 123-35 [nouveaux]
et L. 711-3 du code de commerce ; art. L. 16-0 BA, L. 169, L. 174 et L. 176
du code des procédures fiscales ; art. L. 214-6-2, L. 214-8-1, L. 215-10, L. 311-2, L. 311-2-1, L. 311-3, L. 331-5 et L. 511-4 du code rural
et de la pêche maritime, art. L. 622-1et L. 624-1 du code de la sécurité intérieure ; art. L. 381-1, L. 613-4, L. 613-5 et L. 613-6 du code de la sécurité sociale ; titre Ier de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative
et à l'entreprise individuelle, article 19-1 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat)
Création d'un guichet unique électronique pour l'accomplissement
des formalités liées à la création et à la vie des entreprises

I. Le droit en vigueur

Créés par décret en 1981, les centres de formalités des entreprises (CFE) constituent des « guichets » grâce auxquels les entreprises peuvent accomplir l'ensemble des formalités administratives liées à leur création, aux modifications de leur situation ainsi qu'à leur cessation d'activité. Le rôle de ces CFE a été reconnu au niveau législatif par l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

Ces démarches peuvent être accomplies par dépôt physique du dossier, transmission par voie postale ou transmission électronique .

À ce jour, sept réseaux de CFE coexistent , qui sont fonction de l'activité concernée, et totalisent environ 1 400 guichets :

- les chambres de commerce et d'industrie (CCI) ;

- les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) ;

- les greffes des tribunaux de commerce ;

- les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ;

- les services des impôts ;

- la chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) ;

- les chambres d'agriculture.

Le rôle des CFE se borne à réceptionner les formalités et, à l'issue d'un simple contrôle formel de complétude des dossiers déposés, à les transmettre, après délivrance d'un récépissé, aux organismes destinataires des formalités en cause, dont la liste est notamment fixée dans une annexe à l'article R. 123-30 du code de commerce.

Les principaux organismes destinataires des formalités reçues par les CFE
(annexe à l'article R. 123-30 du code de commerce)

Organisme

Objet de la formalité

Greffe du tribunal de commerce ou de grande instance statuant commercialement, lequel transmet à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI)

Inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS), au registre spécial des entrepreneurs à responsabilité limitée (RSEIRL) ou au registre spécial des agents commerciaux (RSAC)

Service des impôts

Déclaration d'existence

Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ou caisses générales de sécurité sociale

Affiliation

Organismes du régime général chargés de la gestion de l'assurance vieillesse ainsi que de la tarification et de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Affiliation

Organismes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales

Affiliation

Caisses départementales ou pluridépartementales de mutualité sociale agricole

Affiliation

Inspection du travail

Déclaration

Chambres des métiers et de l'artisanat

Immatriculation au répertoire des métiers

Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

Inscription au répertoire SIRENE

Chambre nationale de la batellerie artisanale

Immatriculation au registre des entreprises de la batellerie artisanale

Selon les indications fournies par le Gouvernement, chaque année, 3 millions de formalités sont effectuées via les CFE , qui sont pour 30 % liées à la création d'entreprises 11 ( * ) , 55 % à la modification de leur situation et 15 % à leur radiation.

En outre, en application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, les CFE ont été désignés par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie comme les « guichets uniques », au sens de cette directive, qui permettent de recevoir les dossiers de demandes d'autorisation nécessaires à l'accès ou à l'exercice de certaines activités .

Cette même directive ayant imposé aux États membres la mise en place d'un « guichet unique électronique », un téléservice - « guichet-entreprises.fr » - qui ne constitue pas lui-même un CFE, a été institué depuis 2010 et réceptionne les formalités avant de les retransmettre au CFE compétent. Eu égard à l'obligation pour les micro-entrepreneurs de procéder à leurs formalités par voie dématérialisée, ce téléservice reçoit pour l'essentiel les déclarations de ces derniers.

II. Le dispositif proposé

Compte tenu de la complexité de l'organisation actuelle des CFE et d'un faible recours à la dématérialisation des procédures, le Gouvernement entend substituer aux sept réseaux existants un guichet électronique unique . Il en résulterait ainsi une réelle simplification par rapport à l'organisation actuelle, comme l'illustre le schéma ci-dessous, présenté par l'étude d'impact du projet de loi.

Source : DGE

En tout état de cause, ce guichet unique n'aurait pas d'impact sur l'existence et l'organisation des organismes destinataires ou sur les autorités compétentes pour délivrer les autorisations aux entreprises .

Pour assurer cette transformation, le présent article prévoit de codifier au sein du code de commerce les dispositions actuelles du titre I er de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, tout en apportant les coordinations nécessaires au sein d'autres codes ou lois non codifiées. En conséquence de cette codification, le VI du présent article procède à l'abrogation de ces dispositions.

Le I modifie en son le code de commerce afin d'abroger les dispositions de son article L. 123-9-1, qui prévoient la délivrance d'un récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise, qui permet d'accomplir des démarches auprès des organismes publics et privés chargés d'une mission de service public.

Le crée au sein du chapitre III du titre II du livre I er du même code une quatrième section relative aux formalités administratives des entreprises, comprenant des articles L. 123-32 à L. 123-35, qui codifie les articles 1 à 4 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

• L'article L. 123-32 nouveau du code de commerce précise le champ d'application personnel des nouvelles dispositions, qui s'appliqueraient
- comme aujourd'hui - aux relations entre :

- d'une part, les entreprises (quelle que soit leur forme juridique : entrepreneur individuel, société) ;

- et, d'autre part, les administrations de l'État, les établissements publics de l'État à caractère administratif, les collectivités locales, leurs groupements et leurs établissements publics à caractère administratif, les personnes privées chargées d'un service public administratif, les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural et de la pêche maritime ou mentionnés aux articles L. 3141-32 et L. 5427-1 du code du travail et les organismes chargés de la tenue d'un registre de publicité légale, y compris les greffes.

Les relations entre les entreprises et les ordres professionnels seraient exclues par principe de ce champ, sauf pour l'application des dispositions mettant en oeuvre le « guichet unique » prévu par la directive 2006/123/CE précitée.

• L'article L. 123-33 nouveau du même code reprend les dispositions de l'article 2 de la loi du 11 février 1994 en prévoyant que toute entreprise devra déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités par le dépôt par voie électronique auprès d'un organisme unique d'un seul dossier - comportant les déclarations qu'elle est tenue d'effectuer. Cette disposition met donc fin à la pluralité des guichets CFE relevant des différents réseaux .

Cette obligation ne s'appliquerait toutefois pas aux procédures et formalités nécessaires à l'accès aux activités réglementées et à l'exercice de celles-ci.

Ce dépôt vaudrait déclaration dès lors que le dossier est régulier et complet au regard des règles applicables aux formalités à accomplir auprès des destinataires concernés. Par ailleurs, comme à l'heure actuelle, tout prestataire de services en application de la directive 2006/123/CE pourrait également accomplir par voie électronique auprès de ce même organisme unique l'ensemble des procédures et formalités nécessaires à l'accès à son activité et à l'exercice de celle-ci.

La désignation de cet organisme unique, la définition des conditions du dépôt du dossier et la détermination des modalités de vérification de ce dernier seraient déterminées par un décret en Conseil d'État.

• L'article L. 123-34 nouveau reprend sans modification les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 février 1994. Ainsi, dans ses relations avec les administrations, personnes ou organismes susmentionnés, une entreprise ne pourra être tenue d'indiquer un numéro d'identification autre que le numéro unique attribué dans des conditions fixées par décret. Un identifiant spécifique pourra néanmoins être utilisé à titre complémentaire, notamment pour certaines activités soumises à déclaration ou autorisation préalables, dans des conditions fixées par décret.

L'entreprise ne pourra être tenue de mentionner un autre numéro dans ses papiers d'affaires tels que factures, notes de commandes, tarifs, documents publicitaires et récépissés concernant ses activités.

• L'article L. 123-35 nouveau reprend partiellement les dispositions de l'article 4 de la loi du 11 février 1994 en précisant que, lorsqu'ils seront transmis par voie électronique, les documents comptables devront être déposés selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.

Le modifie l'article L. 711-3 du code de commerce afin :

- d'une part, de supprimer les dispositions relatives à la création, à la gestion et aux missions des CFE tenus par les chambres de commerce et de l'industrie, conséquence logique de l'instauration du guichet unique électronique au nouvel article L. 123-33 du code de commerce ;

- d'autre part, nonobstant la suppression des CFE des CCI, maintenir l'accès des chambres et l'utilisation par celles-ci des informations nécessaires à l'exercice de leurs missions et permettant notamment d'identifier et d'entrer en contact avec les entreprises de leur circonscription.

Un décret en Conseil d'État fixera en conséquence les conditions dans lesquelles les CCI - territoriales et départementales d'Ile-de-France - reçoivent du guichet unique ces informations. Comme aujourd'hui, les CCI pourront communiquer à tout intéressé, à titre gratuit ou onéreux, des listes d'entreprises d'un même type ou d'un même secteur d'activité. Toutefois, elles ne pourront communiquer à titre gratuit ou onéreux des informations individuelles portant sur ces entreprises.

Le II modifie le livre des procédures fiscales par coordination avec la création du guichet unique à l'article L. 123-33 nouveau du code de commerce.

Sont en conséquence modifiés les articles L. 16-0 BA de ce livre, relatif aux procès-verbaux de flagrance fiscale, L. 169, relatif au droit de reprise de l'administration pour les impôts directs d'État, L. 174, relatif au droit de reprise de l'administration pour la taxe professionnelle, la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que L. 176, relatif au droit de reprise de l'administration pour les taxes sur le chiffre d'affaires.

Le III apporte de semblables coordinations au sein du code rural et de la pêche maritime. Il en modifie en particulier l'article L. 311-2 et abroge l'article L. 311-2-1 afin de supprimer les CFE des chambres d'agriculture .

Il procède en conséquence aux coordinations formelles nécessaires aux articles L. 214-6-2 et L. 214-8-1, relatifs à l'immatriculation de l'activité d'élevage de chiens ou de chats, L. 215-10, relatif aux sanctions pénales applicables en cas de défaut de déclaration ou d'immatriculation d'une telle activité, et L. 331-5, relatif à la communication des données concernant les structures des exploitations agricoles.

Il remplace par ailleurs, à l'article L. 511-4, la mission de tenue du CFE par les chambres départementales d'agriculture, par une mission générale d'appui, d'accompagnement et de conseil des personnes exerçant une activité agricole.

Le IV du présent article modifie le code de la sécurité intérieure pour opérer de semblables coordinations aux articles L. 622-1 et L. 624-1, relatifs à l'activité des agences de recherche privées.

Le V procède de même au sein du code de la sécurité sociale et modifie en conséquence les articles :

- L. 381-1, relatif à l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale des personnes bénéficiaires du complément familial, de l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant ou de la prestation partagée d'éducation de l'enfant ;

- L. 613-5 et L. 613-6, relatifs à la déclaration des travailleurs indépendants, notamment ceux soumis au régime microsocial.

Le VII abroge également l'article 19-1 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, qui prévoit à ce jour la délivrance d'un récépissé en cas de dépôt de déclaration au CFE d'une chambre de métiers et de l'artisanat.

Le VIII prévoit une entrée en vigueur différée du dispositif, à compter du 1 er janvier 2021. Jusqu'à cette date, en conséquence, les CFE des sept réseaux continueront d'exercer leur office.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , plusieurs amendements ont été adoptés visant à préciser les modalités de contrôle du dossier déposé sur le guichet électronique ainsi que les modalités d'accompagnement des déclarants :

- plusieurs amendements identiques, sous-amendés par le rapporteur notre collègue député Denis Sommer, sont venus préciser que la validité des dossiers déposés serait examinée, formalité par formalité, par les organismes destinataires ;

- le rapporteur a également précisé par amendement que le décret en Conseil d'État pris pour l'application de cet article devra prévoir les modalités d'accompagnement et d'assistance des entreprises par les organismes consulaires et par l'organisme unique , afin de garantir l'intervention des chambres de commerce et d'industrie et les chambres des métiers et de l'artisanat à ce stade de la procédure dans le but de faciliter les démarches déclaratives ;

- Valérie Oppelt et plusieurs députés du groupe LaREM ont également précisé par amendement que ce même décret devrait intégrer les conditions de transmission des informations collectées par l'organisme unique aux organismes destinataires ;

- un amendement de la présidente de la commission, notre collègue Olivia Grégoire, et de plusieurs membres du groupe LaREM a par ailleurs complété le contenu de ce décret afin que le futur guichet unique comporte un module d'information , à destination des créateurs d'entreprise, sur les principaux enjeux économiques et juridiques de l'entreprise ;

- Valérie Oppelt et plusieurs députés du groupe LaREM ont enfin précisé par amendement le contenu des informations individuelles sur les entreprises que les chambres de commerce et d'industrie ont l'interdiction de transmettre.

En séance , outre divers amendements rédactionnels ou de précision, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de nos collègues députées Stéphanie Do et Michèle Peyron visant à prévoir que l'entreprise ne peut être tenue d'indiquer dans ses correspondances un autre numéro d'identification que le numéro unique délivré par le guichet unique électronique.

Elle a également adopté un amendement du Gouvernement, sous-amendé par le rapporteur et le rapporteur général, tendant à instaurer une période transitoire, à compter du 1 er janvier 2021 et jusqu'au 31 décembre 2022, au cours de laquelle le nouveau guichet unique électronique coexistera avec les actuels centres de formalités des entreprises.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que l'institution d'un guichet électronique unique se substituant aux CFE existants permettra une organisation plus fluide du dépôt d'informations et de leur transmission aux organismes destinataires . Cette mesure mettra ainsi fin à une organisation complexe sur le territoire que les nouvelles technologies rendent désormais relativement obsolète et qui pourrait générer un allègement de charge financière pour les entreprises estimé à 3 millions d'euros par l'étude d'impact du projet de loi.

Pour autant, elle souligne l'ampleur de la tâche qui devra être accomplie matériellement par l'administration pour la mise en place de ce système centralisé de dépôt. Les vicissitudes de mise en place du téléservice « guichet-entreprises.fr » montrent que des efforts importants devront être fournis pour mettre en place un système performant et efficace .

Sur ce point, au cours des auditions tenues par votre rapporteur, la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances a souligné la nécessité de procéder à des développements informatiques lourds pour assurer le déploiement d'un téléservice qui devra couvrir l'ensemble des déclarations de création, de modification de la situation et de cessation d'activité, tout en étant en capacité de gérer un flux annuel de plus de 3 millions de formalités. Le Gouvernement prévoit dans ce cadre d'allouer au service à compétence nationale « Guichet entreprises » 4 millions d'euros supplémentaires chaque année - soit un doublement de son budget - et une augmentation de ses personnels. En outre, la meilleure articulation possible devra être trouvée avec le registre unique créé en application de l'article 2 du présent projet de loi.

Pour mener à bien ce projet, le Gouvernement entend mettre en place un comité de pilotage interministériel ainsi qu'un directeur de projet. Toutefois, l'ampleur de la tâche le conduit à ne pas envisager d'opérationnalité du guichet unique avant 2021 et à souhaiter par ailleurs une montée en charge graduelle du service, qui explique la mise en place d'une période de coexistence transitoire des guichets CFE et du guichet unique électronique, entre le 1 er janvier 2021 et le 1 er janvier 2023.

Si votre commission approuve la prudence du Gouvernement en la matière, elle a toutefois souhaité prendre en considération la situation des CFE tenus par les CCI, eu égard aux coupes drastiques opérées dans le financement public du réseau . Elle a estimé qu'une fermeture des CFE des CCI dès 2021 favoriserait une réorganisation et une adaptation plus rapide du réseau, alors même que le report des déclarations sur les autres réseaux des CFE, notamment celui très performant des greffes des tribunaux de commerce, devrait pouvoir être absorbé sans difficulté majeure par ces derniers.

Elle a en conséquence adopté l'amendement COM-405 présenté par votre rapporteur tendant à supprimer dès le 1 er janvier 2021 le réseau des CFE tenus par les CCI.

Elle a par ailleurs, à l'initiative de votre rapporteur, adopté, outre plusieurs amendements rédactionnels COM-397 à COM-404 , l'amendement COM-396 tendant à préciser que le dépôt auprès de l'organisme unique vaut déclaration auprès du destinataire dès lors que le dossier est régulier et complet à l'égard de celui-ci, et non lorsque c'est le dépôt qui est régulier et complet, ce qui n'a pas de sens en pratique.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié.

Article 2
Habilitation à créer par ordonnance
un registre dématérialisé des entreprises

L'article 2 du présent projet de loi a pour objet d'habiliter le gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions relevant du domaine de la loi pour créer un registre général dématérialisé des entreprises, « à des fins de simplification des démarches des entreprises, de réduction des coûts et d'amélioration de l'accès aux informations relatives à la vie des affaires ».

I. Le droit en vigueur

L'identification des personnes physiques ou morales exerçant une activité économique s'effectue à travers divers registres et répertoires. Tenus par des acteurs très variés, ils permettent aujourd'hui de diffuser les informations relatives au tissu économique français.

Les principaux registres et répertoires sont :

- le répertoire national d'identification des entreprises et de leurs établissements mis en oeuvre au moyen du SIRENE (système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements) qui enregistre l'état civil de toutes les entreprises et leurs établissements, quels que soient leur forme juridique et leur secteur d'activité . Il a été instauré par le décret n° 73-314 du 14 mars 1973 portant création d'un système national d'identification et d'un répertoire des entreprises et de leurs établissements. Il est notamment chargé d'attribuer à chaque entreprise le numéro unique d'identification prévu par la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, qui est le seul à pouvoir être exigé d'une entreprise dans ses relations avec l'administration, les organismes de sécurité sociale ou encore les organismes chargés de la tenue d'un registre de publicité légale.

La gestion du répertoire SIRENE est assurée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui recense ainsi, au 1 er janvier 2018, 10 223 848 entreprises. L'inscription est gratuite et sans formalité complémentaire dans le cadre du circuit des centres de formalités des entreprises (CFE) ;

- les 152 registres du commerce et des sociétés (RCS) qui regroupent principalement les personnes physiques ayant la qualité de commerçants et les sociétés . Ils ont été institués par une loi du 18 mars 1919 portant création du registre du commerce dont la finalité était de créer une base centralisant toutes les informations utiles sur la situation juridique des commerçants.

Les RCS sont tenus par les services du greffe des juridictions commerciales du premier degré. L'immatriculation s'effectue dans le cadre du circuit des CFE ou bien directement auprès du greffier du tribunal de commerce. L'immatriculation, les inscriptions modificatives et les radiations donnent lieu au versement d'émoluments aux greffiers et de redevances à l'INPI. Les greffiers délivrent aux personnes qui en font la demande des certificats, copies ou extraits des inscriptions portées au registre et des actes déposés en annexe ;

- les répertoires des métiers (RM), dont l'existence remonte à la loi du 27 mars 1934 instituant un registre spécial pour l'inscription des artisans et qui sont actuellement régis par la loi n°96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. L'immatriculation s'effectue dans le cadre du circuit des CFE. Les sociétés exerçant une activité artisanale et entreprises individuelles exerçant une activité commerciale et artisanale sont tenues d'effectuer une double immatriculation, au RM et au RCS. D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, environ 800 000 doubles immatriculations sont répertoriées, dont 164 000 entreprises individuelles. Au total 1,3 million d'entreprises étaient immatriculées au RM au 1 er janvier 2015.

Les 82 répertoires des métiers sont tenus par les chambres de métiers de l'artisanat (CMA), dont 67 chambres départementales. L'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) est chargée de tenir un répertoire national des métiers (RNM) centralisant les données informatiques des répertoires locaux ;

- les registres agricoles , qui se scindent en deux catégories : les registres de l'agriculture (RA) et le registre des actifs agricoles (RAA) .

Les RA 12 ( * ) ont vocation à recenser les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) agricoles, actuellement au nombre de 228.

Le RAA, institué par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt est entré en vigueur le 1 er juillet 2018 seulement : il recense par ordre alphabétique tous les chefs d'exploitation agricole. Gérée par l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) à partir des données des CFE, l'immatriculation au RAA s'effectue sans préjudice des autres obligations d'inscription à un autre registre (RCS ou RM par exemple).

Quatre registres spécifiques existent par ailleurs :

- les 152 registres spéciaux des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (RSEIRL) tenus par les greffes des tribunaux de commerce ;

- les 152 registres spéciaux des agents commerciaux (RSAC) tenus également par les greffes des tribunaux de commerce ;

- le registre de la batellerie artisanale , tenu par la Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) recensant 353 entreprises individuelles et 288 sociétés ;

- le répertoire national des associations (RNA) où doivent s'immatriculer les associations déclarées en application de l'article 5 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.

II. Le texte initial du projet de loi

L'article 2 du projet de loi habilite le gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour créer un registre général dématérialisé des entreprises.

L'alinéa 1 er porte habilitation dans les conditions prévues à l'article 38 de la constitution à prendre par ordonnance, dans un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi, des dispositions « à des fins de simplification des démarches des entreprises, de réduction des coûts et d'amélioration de l'accès aux informations relatives à la vie des affaires ».

L'alinéa 2 vise à créer un registre général dématérialisé des entreprises ayant pour objet la centralisation et la diffusion des informations concernant ces entreprises et à déterminer le régime juridique applicable à ce registre. Ce registre se substitue à tout ou partie des répertoires et registres nationaux d'entreprises existants, sans remettre en cause les attributions des officiers publics et ministériels. Cette dernière précision signifie que la création du registre ne pourra pas avoir pour effet de remettre en cause les attributions des greffiers des tribunaux de commerce, actuellement chargés de la tenue des registres du commerce et des sociétés.

L'alinéa 3 prévoit la simplification des obligations déclaratives des personnes immatriculées dans les registres et répertoires existants et les modalités de contrôle des informations déclarées.

L'alinéa 4 prévoit les coordinations nécessaires entre les divers codes concernés en conséquence des deux alinéas précédents.

L'alinéa 5 prévoit les mesures d'application en Outre-mer.

Enfin l'alinéa 6 précise qu'un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Si l'article 2 a été adopté sans modification lors de l'examen en commission, il a en revanche été amendé à plusieurs endroits en séance publique. Outre des précisions rédactionnelles, les modifications ont porté sur :

- les objectifs (la précision de la nature de l'activité des entreprises 13 ( * ) , le recueil, la conservation et la diffusion des informations concernant les entreprises 14 ( * ) ) ;

- le champ du registre (élargissement à tous les registres, nationaux et locaux 15 ( * ) ).

IV La position de votre commission

L'évolution de l'article 2 et les débats afférents ont révélé une insuffisante préparation dans la définition du projet de registre dématérialisé des entreprises.

Outre l'extension du champ de l'habilitation aux registres locaux par voie d'amendement, les débats ont également montré une évolution rapide de la définition du projet envisagé. En effet, lors des débats en commission, le ministre de l'économie et des finances évoquait les contraintes techniques imposant des limites au choix du Gouvernement, ajoutant « le registre général sera commun aux deux registres que j'ai cité, celui du commerce et des sociétés et celui des métiers. Nous pourrons rediscuter de la création d'un registre unique en séance (...) J'apporterai toutes les précisions nécessaires, notamment sur la différence entre un registre général et un registre unique ».  En séance publique, il précisait : « Le registre unique se substituera à l'ensemble des registres et répertoires existants. Toutefois, quelques registres très pointus seront maintenus ».

Interrogés par vos rapporteurs, les services de la direction générale du Trésor ou de la direction générale des entreprises ont pu évoquer quelques précisions -notamment sur les répertoires dont la suppression était envisagée, mais qui ne pouvaient pas être inscrites dans l'habilitation à ce stade, ces options n'ayant pas été tranchées. Il a souvent été répondu que la configuration définitive du projet, qui serait soumise au ministre, reviendrait au chef de mission interministérielle dont la nomination n'est pas encore intervenue à ce jour.

Les nombreux acteurs en charge de la tenue des registres existants, qui effectuent notamment des missions de contrôle des qualifications et de suivi des professions, ont exprimé une crainte légitime, ne sachant pas si leur rôle allait être ou non maintenu, ni comment leur action allait évoluer dans le nouveau cadre annoncé.

Le Parlement ne peut donner un blanc-seing au Gouvernement par le biais d'une habilitation dont le contenu n'est pas suffisamment défini, les contours du projet n'étant même pas arrêtés à ce jour. La décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 montre que le Conseil constitutionnel exige désormais clairement que le gouvernement ait une idée suffisamment précise de ce qu'il entend faire lorsqu'il décide d'avoir recours à une habilitation de l'article 38 de la Constitution.

Votre commission a donc adopté un amendement (COM-503) visant à garantir la constitutionnalité de l'article 2. Il réécrit le deuxième alinéa et affirme ainsi :

- la création d'un registre dématérialisé des entreprises qui ne remet pas en cause l'existence des registres et répertoires existants mais centralise l'information,

- l'objectif de diffusion rapide, simple et peu coûteuse des informations relatives à ces entreprises, dans une logique favorable aux utilisateurs du registre.

En ne modifiant pas le reste de l'article, il maintient la nécessité de simplifier les obligations déclaratives.

Votre commission a également adopté, à l'alinéa premier, un amendement rédactionnel ( COM-556 ) et un amendement rectifié lors des débats (COM-54) insérant, dans la liste des objectifs de l'habilitation, la réduction des délais de traitement.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
(art. 1er, 2, 3 et 6 de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant
les annonces judiciaires et légales, art. 1397 du code civil,
art. L. 141-12, L. 143-6, L. 141-18, L. 141-21, L. 144-6, 470-2 et L. 526-2 du code de commerce, art. L. 122-15 du code de l'aviation civile, art. L. 202-5,
L. 212-4 et L. 212-5 du code de la construction et de l'habitation,
art. L. 331-19 du code forestier, art. 201 du code général des impôts, art. L. 1425-1 et L. 2411-12-2 du code général des collectivités territoriales, art. L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime, art. 6 et 7 de la loi
du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales, art. 4 et 7 de la loi
du 7 mai 1917 ayant pour objet l'organisation du crédit
aux sociétés coopératives de consommation, art. 10 de la loi du 1er juin 1924
mettant en vigueur la législation civile française dans les départements
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, art. 8 de la loi du 1er juin 1924
portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, art. 3 de la loi du 23 janvier 1929 sur les parts de fondateur émises par les sociétés, art. 18 de la loi
n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres experts,
art. 6 de la loi n° 48-975 du 16 juin 1948 relative aux sociétés coopératives
de reconstruction et aux associations syndicales de reconstruction,
art. 2 de la loi n° 57-18 du 9 janvier 1957 tendant à protéger les intérêts
des médecins et chirurgiens-dentistes rappelés sous les drapeaux,
art. 2 de la loi n° 57-1422 du 31 décembre 1957 tendant à protéger
les intérêts des docteurs vétérinaires et vétérinaires rappelés ou
maintenus provisoirement sous les drapeaux, art. 20 de la loi n° 86-897
du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse)
Modification du régime d'encadrement des journaux d'annonces légales

Les annonces judiciaires et légales (AJL), dont le régime a été défini en 1955, ont longtemps constitué un enjeu pour la bonne information des citoyens et des acteurs économiques en matière de vie des entreprises. Alors qu'ont émergé des nouvelles technologies susceptibles de répondre gratuitement à ce défi de transparence, la problématique des AJL s'est progressivement transformée pour devenir avant tout un enjeu de financement de la presse.

I. Le droit en vigueur

Plusieurs lois ont fait évoluer le cadre des annonces judiciaires et légales.

La loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales définit la procédure d'inscription des journaux habilités à publier des AJL : elle confie à chaque préfet de département le soin de dresser annuellement la liste de ces publications.

Une inscription de droit est prévue pour les publications répondant à certaines conditions (numéro d'inscription délivré par la commission paritaire des publications et agences de presse -CPPAP-, parution depuis 6 mois, publication au moins hebdomadaire, volume de diffusion locale suffisant).

La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives a confié aux ministres chargés de la communication et de l'économie le soin de fixer chaque année le tarif « à la ligne » des annonces, tout en en permettant l'harmonisation entre les départements. Elle a par ailleurs prévu l'insertion obligatoire des annonces relatives aux sociétés et fonds de commerce dans une base de données numérique centrale, « actulégales.fr », gérée par une association agréée regroupant les éditeurs des journaux d'annonces légales. Ce site est ensuite devenu l'une des composantes d'un portail de la publicité légale des entreprises avec le BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) et Infogreffe (le registre des greffes des tribunaux de commerce). Ce portail, géré par un groupement d'intérêt public, est ouvert depuis février 2016 et compte 40 000 visiteurs.

La loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a rationalisé le processus décisionnel en supprimant les commissions consultatives placées auprès des préfets pour arrêter la liste des journaux habilités à recevoir des annonces légales.

Par ailleurs la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant régime juridique de la presse définit les services de presse en ligne (SPEL).

II. Le texte initial du projet de loi

L'article 3 du présent projet de loi réforme la loi précitée du 4 janvier 1955 pour moderniser et simplifier le dispositif tout en réduisant les coûts pour les entreprises et les collectivités publiques. Il prévoit ainsi :

- l'ouverture de la procédure d'inscription aux services de presse en ligne (alinéas 3, 4, 6, 20) . D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi on dénombre aujourd'hui un peu plus de 1000 SPEL, dont 256 d'information politique et générale. Sur les 150 éditeurs membres du syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) représentant 170 titres, un tiers éditent des SPEL d'informations locales ayant vocation à publier des AJL.

- l'exclusion des publications publiant quasi-exclusivement des AJL. Il s'agit de mettre fin au dévoiement du régime qui a débouché sur la création de titres créés uniquement pour publier des AJL, dont la ligne éditoriale est quasi-inexistante. Les alinéas 6, 9, 12 doivent être complétés par des mesures d'ordre réglementaire (le Gouvernement annonce qu'il limitera la surface dévolue aux AJL à 50 % de la surface totale du titre contre 66 % aujourd'hui). L'alinéa 15 prévoit une mesure de l'audience pour les SPEL.

- les habilitations par arrondissement sont supprimées ( alinéas 13, 16, 33 ).

- la tarification au forfait est généralisée afin de réduire le coût pour les entreprises. Dans un certain nombre de cas 16 ( * ) , le forfait remplacera donc la tarification à la ligne ( alinéas 19, 23 ). D'après les indications fournies par le Gouvernement, la réduction du coût sera d'environ 10 % ce qui, en fonction des années observées, correspondra à une fourchette comprise entre 18,5 et 19 millions d'euros d'économies pour les entreprises.

De très nombreux alinéas procèdent ensuite aux coordinations rédactionnelles dans les différents codes et lois faisant référence à la loi du 4 janvier 1955.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission spéciale a adopté cet article sans modification, tandis qu'en séance publique les députés ont adopté plusieurs amendements visant à :

- tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-11 du 6 juillet 2016, dans laquelle il a jugé que le régime des annonces judiciaires et légales ne se rattache pas à l'une des matières pour lesquelles les dispositions législatives s'appliquent de plein droit à la Polynésie française en application de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004. Ainsi la loi de 1955 ne s'applique pas aux annonces relevant du domaine de compétence de la Polynésie française. Elle s'applique seulement aux annonces relevant du domaine de compétence de l'État 17 ( * ) (alinéa 26) ;

- insérer une nouvelle rédaction du V de l'article L. 470-2 du code de commerce relatif aux sanctions de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, pour prévoir la publicité, dans des supports habilités à recevoir des annonces légales, des sanctions en cas de non-respect des délais de paiement 18 ( * ) (alinéas 73 à 78).

IV. La position de votre commission

Consciente que les nouvelles technologies pourraient permettre d'assurer gratuitement la publicité des actes pour lesquels le régime des annonces légales et judiciaires a été créé, votre commission constate néanmoins que le débat récurrent sur le financement de la presse n'a malheureusement pas permis à ce jour de trouver de solution.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4
(art. 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans, art. 118 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 et art. 59 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat)
Suppression de l'obligation de stage
préalable à l'installation des artisans

I. Le droit en vigueur

Modifié par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, l'article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans impose une obligation de suivi d'un stage préalablement à l'installation d'un artisan , mais cette obligation est assortie de dispenses nombreuses.

1. Un stage obligatoire et préalable à l'immatriculation

Avant son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre des entreprises 19 ( * ) , le futur chef d'entreprise a l'obligation de suivre un stage de préparation à l'installation organisé, en liaison avec les organisations professionnelles intéressées, par les chambres de métiers 20 ( * ) .

Cette obligation est propre aux artisans, dans la mesure où si l'article 59 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat prévoit l'obligation pour les CCI et les CMA d'organiser des stages de courte durée d'initiation à la gestion pour les créateurs d'entreprises commerciales ou artisanales, l'obligation de suivre cette formation n'est pas imposée aux créateurs d'entreprises commerciales.

L'article 2 de la loi du 23 décembre 1982 fixe précisément le contenu de cette formation, qui se décompose en deux parties :

- une première consacrée à l'initiation à la comptabilité générale et à la comptabilité analytique, ainsi qu'à une information sur l'environnement économique, juridique et social de l'entreprise artisanale et sur la responsabilité sociale et environnementale de celle-ci ;

- une seconde comprenant une période d'accompagnement postérieure à l'immatriculation du créateur ou du repreneur d'entreprise au répertoire des métiers ou au registre des entreprises.

Le décret n° 83-517 du 24 juin 1983 fixant les conditions d'application de la loi 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans a fixé la durée minimale du stage à 30 heures sur une période de deux mois au plus.

La chambre de métiers, l'établissement ou le centre saisi d'une demande de stage est tenu de faire commencer celui-ci sous trente jours . Passé ce délai, l'immatriculation du futur chef d'entreprise ne peut être refusée ou différée, sans préjudice des autres obligations conditionnant l'immatriculation.

Ce stage est ouvert au conjoint du futur chef d'entreprise et à ses auxiliaires familiaux.

Le prix de ce stage est fixé par l'article 118 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 à 1,5 fois le montant du droit fixe pour frais de chambres de métiers prévu à l'article 1601 du code général des impôts, soit 194 euros en 2017 .

Néanmoins, le financement de ce stage peut être pris en charge, soit par un organisme de financement de la formation professionnelle continue des professions salariées ou des demandeurs d'emploi, soit par la fraction mentionnée au a du 2° de l'article L. 6331-48 du code du travail, après l'immatriculation de l'artisan, à condition que celle-ci intervienne dans un délai fixé par décret et courant à compter de la fin de la première partie de son stage. Selon les informations recueillies par votre rapporteur au cours de l'audition de l'U2P, les stages de préparation effectués par des demandeurs d'emplois seraient financés à 90 % par Pôle emploi.

2. Un large mécanisme de dispense

Le futur chef d'entreprise peut être dispensé de suivre le stage dans quatre situations :

- si une raison de force majeure l'en empêche, auquel cas il doit s'acquitter de son obligation dans un délai d'un an à compter de son immatriculation ou de son inscription ;

- s'il a bénéficié d'une formation à la gestion d'un niveau au moins égal à celui du stage dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l'artisanat ;

- s'il a bénéficié d'un accompagnement à la création d'entreprise d'une durée minimale de trente heures délivré par un réseau d'aide à la création d'entreprise, sous réserve que cet accompagnement dispense une formation à la gestion d'un niveau au moins équivalent à celui du stage et qu'il soit inscrit à l'inventaire mentionné au II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation ;

- s'il a exercé, pendant au moins trois ans, une activité professionnelle requérant un niveau de connaissance au moins équivalent à celui fourni par le stage.

En outre, le professionnel qualifié ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen est dispensé de suivre ce stage prévu au premier alinéa. Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles, si l'examen des qualifications professionnelles attestées par le professionnel fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour la direction d'une entreprise artisanale, l'autorité compétente peut exiger que le demandeur se soumette à une épreuve d'aptitude ou un stage d'adaptation, à son choix.

Compte tenu de ce mécanisme, selon l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, sur 138 000 entreprises artisanales créées en 2017, 83 000 créateurs ont suivi ce stage de préparation.

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article supprime purement et simplement l'obligation de stage de préparation à l'installation , en abrogeant l'article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982.

Le Gouvernement présente cette mesure comme un élément de simplification des formalités des entreprises et une source d'allègements financiers pour les entrepreneurs concernés, avec un gain estimé entre 242 euros pour un micro-entrepreneur et 548 euros pour les autres, en tenant compte tant du prix du stage que du manque à gagner du fait des trente heures de formation. Il souligne également qu'elle est de nature à assurer une égalité de traitement avec les entrepreneurs non soumis à immatriculation au répertoire.

En conséquence, le texte proposé abroge l'article 118 de la loi du 29 décembre 1983 qui fixe le prix du stage. Il en découle que le montant exigé des participants au stage sera désormais fixé librement par les chambres de métiers et de l'artisanat.

Le II modifie de façon marginale l'article 59 de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat.

Outre un toilettage rédactionnel, il précise que lorsqu'il est organisé par le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat, le stage d'initiation à la gestion que doivent proposer les réseaux consulaires prend le nom de stage de préparation à l'installation.

En outre, il reprend en substance les dispositions actuellement fixées à l'article 2 de la loi du 23 décembre 1982 prévoyant qu'à défaut d'être déjà financé par un organisme de financement de la formation professionnelle continue des professions salariées ou des demandeurs d'emploi, le stage de préparation à l'installation peut être financé par la fraction affectée aux chambres de métiers et de l'artisanat pour le financement d'action de formation issue de la contribution égale à 0,29 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale versée par les personnes immatriculées au répertoire des métiers 21 ( * ) et par la partie de la contribution versée par les personnes bénéficiaires d'un avantage de retraite ou d'une pension d'invalidité, exerçant une activité professionnelle 22 ( * ) .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , l'Assemblée nationale a adopté un amendement de de notre collègue Adrien Taquet et plusieurs députés du groupe LaREM insistant sur l'obligation qui incombe aux CCI et aux CMA de continuer à proposer des stages d'initiation à la gestion aux professionnels qui le souhaitent.

Le texte de la commission n'a pas été modifié en séance publique.

IV. La position de votre commission

Deux ans après que le Parlement, dans le cadre de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, a refusé la suppression l'obligation de suivi du stage de préparation à l'installation, le Gouvernement propose à nouveau une mesure en ce sens.

Pourtant, en 2016, les conditions d'organisation de ce stage ont été revues dans un sens plus favorable aux créateurs d'entreprises artisanales et les possibilités d'en être dispensé ont été fortement étendues. Aujourd'hui, le taux de satisfaction des créateurs d'entreprises artisanales à l'égard de ce stage apparaît très important. De fait, le suivi de ce stage permet à des créateurs d'entreprises qui n'ont pas de notions de base de la vie d'une entreprise (gestion des éléments d'actif et de passif, relations avec les fournisseurs...) et de ses diverses obligations (comptables, sociales, fiscales...), de se familiariser avec ce nouvel environnement et, ainsi, de débuter leur activité avec les meilleures chances de réussite.

Certes, le principe même d'une obligation de formation pour accéder au statut d'artisan est critiqué par le Gouvernement pour la différence de traitement qu'il implique par rapport aux commerçants et compte tenu du coût induit. Votre commission considère néanmoins que la formation du créateur d'entreprise aux rudiments de sa fonction est un facteur déterminant pour la pérennité de son activité . Or, il est vraisemblable qu'une absence d'obligation de suivi d'un stage limitera le nombre des créateurs d'entreprises qui recevront cette formation.

Cependant, la mise en place du guichet électronique unique en 2021 et la suppression des CFE des CMA au plus tard en 2023 en application de l'article 1 er du projet de loi rend complexe le maintien d'une obligation de stage qui serait préalable à l'immatriculation.

Dans ces conditions, votre commission a adopté, sur la proposition de son rapporteur, l' amendement COM-406 tendant à maintenir une obligation de stage.

Toutefois, afin d'alléger certaines des contraintes générées par le dispositif actuel, cet amendement prévoit que le stage, qui prendrait le nom de « stage d'accompagnement à l'installation » - dénomination étendue aux stages de même nature organisés par le réseau des chambres de commerce et d'industrie - ne serait plus nécessairement préalable à l'immatriculation et serait par ailleurs composé de deux parties distinctes :

- une première partie, d'une durée d'une journée , consacrée à l'initiation à la comptabilité générale et à la comptabilité analytique, ainsi qu'à une information sur l'environnement économique, juridique et social de l'entreprise artisanale et sa responsabilité sociale et environnementale. Son suivi devrait intervenir au plus tard dans le mois qui suit l'immatriculation, sauf cas de force majeure ; auquel cas le chef d'entreprise devrait s'acquitter de son obligation dans un délai de six mois à compter de l'immatriculation ;

- une seconde partie, d'une durée totale de quatre jours (dont les chambres pourraient prévoir qu'elle soit fractionnable), serait effectuée dans les six mois l'immatriculation. Elle assurerait un accompagnement sous forme de modules de formation individualisés.

Le système de dispenses à l'obligation de suivi de ce stage serait maintenu inchangé.

Le prix maximum du stage ne serait plus défini par la loi, mais serait arrêté par la tête de réseau des chambres : l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat. Le prix demandé ne pourrait en tout état de cause excéder le coût du service rendu.

Afin d'inciter au respect de cette obligation, le financement du stage pourrait comme aujourd'hui faire l'objet d'une prise en charge financière, mais sous réserve que le stage ait été accompli dans les délais impartis .

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
(art. 23-1 [nouveau] de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat)
Autorisation de la mise en place d'une contribution conventionnelle obligatoire pour le financement du FNPCA

I. Le droit en vigueur

Jusqu'au 31 décembre 2017, les actions de promotion de l'artisanat ont fait l'objet d'un financement public par le biais d'une taxe affectée, plafonnée depuis 2012 à 9,91 millions d'euros gérés par l'établissement public administratif dénommé Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat (FNPCA), créé auprès du ministre chargé de l'artisanat par le décret n° 97-1040 du 13 novembre 1997.

Ce prélèvement fiscal s'opérait sur environ 1,1 million d'entreprises artisanales - celles ayant opté pour le régime de la micro-entreprise en étant exclues - représentant une charge financière de 11 euros par an et par entreprise. Il a permis de financer des actions de communication nationale en faveur de l'artisanat (dont la marque « L'artisanat : première entreprise de France ») ainsi que des actions de promotion auprès des jeunes.

Toutefois, la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a supprimé cette taxe affectée, sans la remplacer en 2018 par un autre financement public. Depuis lors, l'artisanat ne dispose plus d'un budget spécifique - si limité soit-il - pour mener des actions collectives de promotion.

II. Le dispositif proposé

Suivant les préconisations de la Cour des comptes 23 ( * ) , le Gouvernement entend permettre aux acteurs de l'artisanat de disposer d'un dispositif de promotion spécifique, défini par eux . À cette fin, il propose d'introduire un article 23-1 nouveau au sein du chapitre II du titre II de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.

Le dispositif retenu est inspiré des mécanismes de cotisations volontaires obligatoires (CVO) existant dans le domaine agricole 24 ( * ) ainsi que des contributions obligatoires pouvant être prévues dans le cadre d'accords collectifs relatifs au développement du dialogue social.

Aux termes du I de l'article 23-1 nouveau, au moins deux organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel 25 ( * ) seraient habilitées à conclure un accord entre elles pour mettre en oeuvre des actions collectives de communication et de promotion à caractère national et international en faveur de l'artisanat et des entreprises artisanales, c'est-à-dire celles immatriculées au répertoire des métiers ou, en Moselle et dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises.

Le texte proposé par le Gouvernement liste deux types d'actions , selon leur objet, susceptibles d'être financées par ces contributions obligatoires :

- le maintien et le développement du potentiel économique du secteur de l'artisanat et la valorisation de ses savoir-faire auprès du public ;

- la promotion des métiers, des femmes et des hommes de l'artisanat auprès des jeunes, de leurs parents et des professionnels de l'éducation, de l'orientation et de l'emploi.

Le II de l'article 23-1 fixe le contenu de l'accord, qui devrait :

- déterminer les actions collectives de communication et de promotion à caractère national et international en faveur de l'artisanat et des entreprises artisanales ;

- désigner l'entité de droit privé qui serait chargée de mettre en oeuvre les actions collectives de communication et de promotion ;

- prévoir une contribution destinée à financer les dépenses des actions collectives de communication et de promotion et les dépenses de fonctionnement de l'entité précitée. Il déterminerait le montant forfaitaire par entreprise de cette contribution et ses modalités de perception.

L'accord préciserait la durée pour laquelle il est conclu, mais cesserait en tout état de cause au le 1 er janvier de l'année suivant celle de la publication de l'arrêté fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Le III de l'article préciserait les conditions d'entrée en vigueur et le caractère obligatoire de l'accord.

L'accord et ses avenants ou annexes n'entreraient en vigueur et n'acquerraient un caractère obligatoire pour les entreprises artisanales assujetties à la taxe pour frais de chambre de métiers et de l'artisanat qu'à compter de leur approbation par arrêté du ministre chargé de l'artisanat, pour une durée fixée par cet arrêté. La contribution perçue, nonobstant son caractère obligatoire, demeurerait une créance de droit privé .

Cette approbation devrait être sollicitée conjointement par les organisations professionnelles d'employeurs signataires de l'accord.

Elle ne pourrait être donnée que :

- d'une part, si l'accord, ses avenants ou annexes n'ont pas fait l'objet, dans un délai d'un mois à compter de la publication d'un avis ministériel au Journal officiel , de l'opposition écrite et motivée d'une ou de plusieurs organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

- et d'autre part, notamment, qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à leur mise en oeuvre et que la contribution prévue n'est ni excessive ni disproportionnée. Les autres conditions d'approbation seraient précisées par décret.

Le IV de l'article ouvrirait une faculté de dénonciation de l'accord par l'une des organisations professionnelles d'employeurs signataires . La dénonciation serait portée à la connaissance du ministre chargé de l'artisanat qui procèderait à l'abrogation de l'arrêté d'approbation.

Aux termes des V et VI de l'article, la mise en oeuvre des actions collectives prévues par l'accord ainsi que la gestion de la contribution versée par les entreprises artisanales seraient mises en oeuvre par une personne de droit privée prenant la forme d'une association .

Cette association serait administrée par un conseil d'administration composé de représentants des organisations professionnelles d'employeurs signataires. Le texte proposé prévoit expressément que ses statuts pourraient prévoir la participation au conseil d'administration, avec voix consultative, de représentants de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat ou de personnalités qualifiées.

Cette association serait soumise au contrôle de l'administration en ce qu'elle devrait fournir chaque année au ministre chargé de l'artisanat un bilan d'application de l'accord approuvé ainsi qu'un compte financier, un rapport d'activité présentant une mesure de l'efficacité de l'emploi des fonds et le compte rendu des conseils d'administration et des assemblées générales de l'association. Ces documents seraient par ailleurs rendus publics.

En outre, le ministre bénéficierait d'un droit de communication sur tous documents nécessaire à l'exercice de ses pouvoirs de contrôle.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Trois amendements de précision ont été adoptés en commission :

- deux amendements identiques de nos collègues Jean-Marc Zulesi et Adrien Taquet ainsi que plusieurs députés membres du groupe LaREM, permettant de conduire des actions de promotion de l'artisanat de dimension internationale ;

- un amendement de notre collègue Marie-Pierre Rixain et plusieurs députés du groupe LaREM, afin que les actions de promotion puissent spécifiquement porter sur les femmes et les hommes de l'artisanat ;

- un amendement de la présidente de la commission, notre collègue Olivia Grégoire, et plusieurs députés du groupe LaREM, précisant qu'une mesure de l'efficacité de l'emploi des fonds par l'association devra figurer dans son rapport d'activité.

Le texte de la commission a été adopté en séance publique sous réserve de deux amendements rédactionnels.

IV. La position de votre commission

La disparition du FNPCA et des dotations budgétaires associées rendait nécessaire la mise en place d'un nouveau dispositif permettant au monde de l'artisanat de poursuivre et de financer des actions de communication et de promotion.

Votre commission approuve le choix de laisser aux organisations patronales le soin de définir la nature des actions, le niveau de financement pertinent et la gestion des fonds récoltés à cet effet . Sur ce point, elle estime que le montant jusqu'alors dévolu aux actions du FNPCA s'est avéré suffisant pour mener des actions de promotion et de publicité d'envergure. En conséquence, elle juge que le niveau de cotisation à prélever sur les entreprises de l'artisanat ne devrait pas excéder ce montant.

Sur la proposition de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-509 destiné à assurer une coordination rédactionnelle .

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 5 bis
(art. 1-1 [nouveau] et 18 de la loi n°83-657 du 20 juillet 1983 relative
au développement de certaines activités d'économie sociale)
Modernisation du statut des coopératives artisanales

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

Le titre I er de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale détermine le statut des sociétés coopératives artisanales et de leurs unions. Ces sociétés sont des sociétés à capital variable constituées sous forme de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés anonymes.

Aux termes de l'article 1 er de cette loi, les sociétés coopératives artisanales ont pour objet la réalisation de toutes opérations et la prestation de tous services susceptibles de contribuer, directement ou indirectement, au développement des activités artisanales de leurs associés ainsi que l'exercice en commun de ces activités . Elles peuvent mettre en oeuvre, par tous moyens, une politique commerciale commune , notamment par la réalisation d'opérations commerciales ou publicitaires, pouvant comporter des prix communs .

Les associés se choisissent librement et disposent de droits égaux quelle que soit l'importance de la part du capital social détenue par chacun d'eux. Il ne peut être établi entre eux de discrimination suivant la date de leur admission.

Par la souscription ou l'acquisition d'une part sociale, l'associé s'engage à participer aux activités de la société coopérative ; les statuts peuvent déterminer le nombre de parts à souscrire ou à acquérir par chaque associé en fonction de son engagement d'activité.

L'article 18 de cette même loi définit les mandataires sociaux chargés d'administrer la société coopérative.

Ces mandataires sont nommés pour quatre ans au plus par l'assemblée des associés ou l'assemblée générale, renouvelables et révocables par elle, la révocation pouvant avoir lieu même si la question n'a pas été inscrite à l'ordre du jour.

Deux tiers au moins de ces mandataires doivent être des associés qui :

- soit ont la qualité d'artisans - personnes physiques ou morales immatriculées au répertoire des métiers ou au registre des entreprises en Moselle ainsi que dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ;

- soit sont des personnes, régulièrement établies sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui exercent des activités identiques à celles prévues pour l'immatriculation à ces mêmes répertoire ou registre ;

- soit sont des conjoints collaborateurs mentionnés à ces mêmes répertoire ou registre.

Le président du conseil d'administration, le président du directoire, le gérant unique, le président du conseil de surveillance, le vice-président du conseil de surveillance doivent être des personnes physiques ayant soit, à titre personnel, la qualité d'associé inscrit au répertoire des métiers ou au registre des entreprises ou étant conjoint collaborateur mentionné à ces mêmes répertoire ou registre, soit la qualité de représentant légal d'une personne morale associée relevant de cette même catégorie.

Lorsque la société coopérative artisanale est constituée sous forme de société à responsabilité limitée et qu'un gérant unique a été nommé, l'assemblée des associés exerce, si elle compte au plus vingt membres, les fonctions du conseil de surveillance.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission, avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques de nos collègues Denis Masséglia et du groupe LaREM, ainsi que de Philippe Bolo et du groupe Modem tendant à créer un article additionnel modifiant deux éléments du statut des sociétés coopératives artisanales.

D'une part, le 1° du présent article introduit une définition du contrat coopératif afin de sécuriser la relation entre l'associé et la coopérative, distincte de la sous-traitance .

À cette fin, le texte adopté par l'Assemblée nationale crée un article 1 er -1 nouveau au sein de la loi du 20 juillet 1983 prévoyant que les relations entre l'associé coopérateur et la coopérative artisanale à laquelle il adhère ainsi que les relations entre une coopérative artisanale et l'union de sociétés coopératives artisanales dont elle est membre sont régies par les principes et les règles spécifiques prévus par cette loi ainsi que par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération .

Ces relations devraient être définies dans les statuts de la coopérative artisanale ou de l'union de sociétés coopératives artisanales et, au besoin, dans leur règlement intérieur. Ces relations reposeraient en particulier sur le caractère indissociable de la double qualité d'utilisateur des services et d'associé de la structure coopérative ou de l'union dont elle est membre.

Selon la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances, entendue par votre rapporteur, il s'agit de préciser en particulier que les cessions de produits et fournitures de services effectuées par la coopérative au profit d'un associé entrent dans l'exécution du contrat de société et d'éviter ainsi qu'elles soient requalifiées en contrat de vente, ce qui permet dès lors l'exclusion de l'application de certaines règles comme celles relatives aux délais de paiement.

Le 2° du présent article modifie quant à lui la rédaction de l'article 18 de la loi du 20 juillet 1983 afin de permettre aux conjoints des chefs d'entreprise membres de la société coopérative de siéger quel que soit leur statut - collaborateur, associé ou salarié - dans les organes d'administration de la coopérative et, le cas échéant, d'en assurer des fonctions de président.

Il précise également que :

- deux tiers des gérants, s'ils sont plusieurs, doivent être nommés parmi les associés qui soit ont la qualité d'artisans inscrits au répertoire ou au registre des entreprises, soit sont des personnes régulièrement établies sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen exerçant des activités identiques, ou soit sont conjoints d'associés ;

- lorsque la personne désignée est une personne morale, elle peut être représentée par son représentant légal, le conjoint collaborateur mentionné en cette qualité au répertoire des métiers ou au registre tenu par les chambres de métiers d'Alsace et de Moselle, le conjoint associé ou le conjoint salarié.

III. La position de votre commission

Cet article apporte des clarifications et des aménagements pertinents pour garantir le bon fonctionnement des sociétés coopératives artisanales, qui facilitent l'exercice par les artisans de leur activité professionnelle.

Votre commission a adopté l'article 5 bis sans modification.

Article 5 ter
(art. L. 526-5-1 [nouveau], L. 526-6, L. 526-7, L. 526-8, L. 526-8 -1 [nouveau], L. 526-9, L. 526-10, L. 526-11, L. 526-12, L. 526-13, L. 526-14, L. 526-15,
L. 526-17, L. 526-19 et L. 653-3 du code de commerce)
Clarification et simplification du régime
de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 5 ter du projet de loi vise à apporter une série de mesures de simplification et d'allègement des formalités au régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), afin de tenter de le rendre plus attractif pour les entrepreneurs individuels.

I. Le droit en vigueur

Créé par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, sur le rapport de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest au nom de la commission des lois de notre assemblée, le régime de l'EIRL constituait une novation par rapport au principe traditionnel en droit civil de l'unicité du patrimoine. En effet, ce régime permet à l'entrepreneur individuel de créer un patrimoine professionnel, distinct de son patrimoine personnel, auquel il doit affecter les biens nécessaires à son activité professionnelle et auquel il peut affecter les biens qu'il utilise dans le cadre de cette activité. Ce patrimoine professionnel distinct devient le seul gage général des créanciers professionnels dont les créances sont nées postérieurement à la constitution du patrimoine professionnel 26 ( * ) . Dans sa décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010 sur cette loi, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs consacré la valeur constitutionnelle du droit de propriété des créanciers, lequel ne peut pas être privé de garanties légales.

Ainsi, le régime de l'EIRL offre à l'entrepreneur individuel une protection de son patrimoine personnel vis-à-vis de ses créanciers professionnels, sous réserve des garanties qu'il peut concéder sur ce patrimoine ou que son conjoint peut accepter sous forme de caution. En contrepartie, il exige des formalités supplémentaires, permettant une information correcte des tiers, en particulier des créanciers, sur la consistance réelle de leur gage : obligation de publicité de la déclaration d'affectation à un registre de publicité légale, obligation de publicité des documents comptables, obligation d'affecter les biens nécessaires à l'activité professionnelle...

En outre, le statut de l'EIRL donne la possibilité d'opter pour le régime de l'impôt sur les sociétés, par analogie avec l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), société à responsabilité limitée à associé unique, par préférence au régime des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux au titre de l'impôt sur le revenu.

En l'état du droit, tout entrepreneur individuel peut opter pour le statut d'EIRL dès la création de son entreprise ou bien ultérieurement.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, établie en janvier 2010, « il a paru raisonnable d'estimer à 100 000 le nombre d'EIRL pouvant être attendu fin 2012 ». Or, selon l'INSEE, on ne recensait que 56 940 EIRL au 31 juillet 2018. Ce dispositif n'a pas rencontré le succès attendu, en particulier dans le secteur de l'artisanat, pour lequel il a été conçu, afin d'apporter une protection du patrimoine personnel sans avoir à créer une société pour exercer son activité professionnelle. Pourtant, il a déjà fait l'objet de mesures de simplification, surtout par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, puis par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

II. Le dispositif proposé

Le projet de loi comporte de nouvelles mesures de simplification du régime de l'EIRL, en vue de le rendre plus attractif.

Ainsi, il prévoit qu'au moment des formalités de création de son entreprise, l'entrepreneur individuel soit invité à choisir entre le régime de l'EIRL et l'exercice en nom propre classique. Il propose aussi de supprimer le dépôt formel d'une déclaration d'affectation auprès du registre compétent de publicité légale, ainsi que de déclarations modificatives s'il y a lieu, pour le remplacer par une simple déclaration auprès du registre.

Il permet également de démarrer une activité avec un patrimoine professionnel à zéro, ce qui vise à surmonter un arrêt du 7 février 2018 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, selon lequel la déclaration d'affectation doit comprendre un contenu, faute de quoi, si aucun bien n'est affecté à l'activité professionnelle, il s'agirait d'un manquement grave aux règles de l'EIRL, donc susceptible d'entraîner la sanction de confusion des patrimoines.

Il veut simplifier la procédure d'affectation ultérieure des biens au patrimoine professionnel, en permettant une affectation et donc une actualisation du patrimoine professionnel par une simple mention en comptabilité, cette évolution n'étant opposable qu'à compter de la publication des comptes. Il veut aussi clarifier la faculté de retrait des biens utiles mais non nécessaires à l'activité professionnelle.

Afin d'alléger les coûts, il tend également à supprimer l'obligation de faire évaluer les biens affectés au patrimoine professionnel d'une valeur supérieure à plus de 30 000 euros, formalité qui n'est pas forcément aisée à remplir. Il veut enfin supprimer certaines sanctions, en particulier la sanction de confusion du patrimoine en cas de manquement grave de l'entrepreneur aux règles d'affectation.

III. La position de votre commission

Votre commission approuve pour l'essentiel les mesures de simplification prévues par le projet de loi, tout en demeurant sceptique quant à leur efficacité pour faciliter le recours au régime de l'EIRL, en raison des obligations supplémentaires qu'il impose nécessairement à l'entrepreneur individuel en contrepartie de la protection de son patrimoine personnel et d'un régime fiscal plus favorable, aligné sur l'EURL, au nom de l'exigence de protection des droits des créanciers.

Votre rapporteur estime que si l'on veut inciter les entrepreneurs à opter pour le régime de l'EIRL dès la création de leur entreprise, en raison de ses avantages, il convient que ceux-ci soient éclairés dans leur choix, en disposant d'une information sur les obligations et les avantages propres à ce régime par rapport à la forme classique de l'exercice en nom propre. À son initiative, votre commission a adopté en ce sens un amendement COM-320 . Les modalités de la délivrance de cette information pourront être précisées par voie réglementaire.

Par l'adoption de cet amendement, outre des coordinations, votre commission a aussi apporté des précisions et clarifications rédactionnelles, concernant notamment la faculté de retrait d'un bien du patrimoine affecté de l'EIRL. Dans le régime de l'EIRL, l'entrepreneur est tenu d'affecter à son activité professionnelle les biens nécessaires à son exercice, mais il peut librement choisir d'y affecter ou non les biens qu'il ne fait qu'utiliser à l'occasion de cette activité, sans qu'ils soient nécessaires à son exercice : les biens de cette seconde catégorie peuvent bien être retirés du patrimoine affecté, à la différence des premiers. Tel était l'intention du législateur en 2010 : dans son rapport de première lecture sur le projet de loi, notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest indiquait que, « pour accompagner l'évolution de l'activité, des biens peuvent être nouvellement affectés ou, au contraire, retirés postérieurement à la constitution du patrimoine affecté. Ces mouvements sont toutefois contraints par les règles d'affectation, en particulier l'obligation d'affecter les biens nécessaires à l'activité. » 27 ( * )

Votre commission a aussi maintenu la responsabilité de l'EIRL sur l'ensemble de ses biens, affectés ou non, et plus largement les sanctions prévues en l'état du droit, en cas de manquement grave de l'entrepreneur aux règles d'affectation, par exemple en cas de non-affectation délibérée d'un bien nécessaire à l'activité professionnelle, que le projet de loi tend à supprimer. En l'état du droit, cette responsabilité est encourue en cas de fraude et en cas de manquement grave aux règles d'affectation et aux obligations comptables. Dans le régime de l'EIRL, un manquement grave aux règles d'affectation ne peut pas être considéré comme moins important qu'un manquement grave aux obligations comptables, puisque la constitution d'un patrimoine affecté à l'activité professionnelle est la vocation même de ce régime.

En outre, votre commission a écarté l'idée de faire de l'EIRL le statut de droit commun automatique pour tous les entrepreneurs individuels dès la création de leur entreprise. En effet, imposer le statut d'EIRL pour tous les entrepreneurs individuels conduirait à leur imposer des obligations administratives supplémentaires dont ils ne veulent peut-être pas, alors qu'ils bénéficient, depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, de l'insaisissabilité de droit de leur résidence principale, sans aucune démarche à effectuer 28 ( * ) . On pourrait aussi imaginer, en complément, une évolution du régime fiscal de l'entrepreneur individuel, pour le rendre plus avantageux, sans recourir à l'EIRL.

Votre commission a adopté l'article 5 ter ainsi modifié .

Article 5 quater
(art. L. 121-4 du code de commerce)
Obligation de déclaration du conjoint du chef d'entreprise

I. Le droit en vigueur

La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a imposé , à l'article L. 121-4 du code de commerce, au conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle, de choisir l'un des statuts suivants :

- conjoint collaborateur ;

- conjoint salarié ;

- conjoint associé.

Ce choix est déterminant, dans la mesure où les droits et obligations professionnels et sociaux du conjoint résultent du statut pour lequel il a opté.

Toutefois, malgré cette obligation, une proportion encore importante de conjoints de chefs d'entreprise, très majoritairement des femmes, ne sont pas déclarés sous l'un de ces statuts. Or, l'absence de déclaration est préjudiciable au conjoint qui, de ce fait, se trouve peu protégé. Au surplus, elle fait peser des risques pour le chef d'entreprise qui n'a pas procédé à la déclaration, qui s'expose notamment à des poursuites pénales pour dissimulation d'activité, ou à la requalification en salariat de l'activité de son conjoint, assortie du paiement de cotisations sociales majorées de pénalités.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Pour pallier cette situation, le Gouvernement a présenté un amendement en séance publique, adopté avec l'avis favorable de la commission, tendant à modifier l'article L. 121-4 du code de commerce afin :

- d'imposer au chef d'entreprise lui-même de déclarer l'activité professionnelle régulière de son conjoint dans l'entreprise et le statut choisi par ce dernier auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise. Dans ce contexte, il est rappelé que seul le conjoint collaborateur fait l'objet d'une mention dans les registres de publicité légale à caractère professionnel, notamment le registre du commerce et des sociétés et le répertoire des métiers ;

- de prévoir, à défaut de déclaration d'activité professionnelle ou de choix d'un des statuts, l'application par défaut du statut de conjoint salarié .

Le texte adopté par l'Assemblée nationale renvoie par ailleurs à un décret en Conseil d'État le soin de définir la notion de conjoint collaborateur, les modalités des déclarations prévues et les autres conditions d'application de l'article L. 121-4.

III. La position de votre commission

Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sécurisent juridiquement la situation du conjoint du chef d'entreprise, tout comme celle de ce dernier. Votre commission ne peut qu'y être particulièrement favorable.

Néanmoins, à l'initiative de votre rapporteur, elle a souhaité inciter les chefs d'entreprises à déclarer leurs conjoints en qualité de collaborateurs en limitant temporairement, lorsque le conjoint est déclaré dès la création de l'entreprise, le montant des cotisations sociales dues à raison de ce statut . Ainsi, le montant de ces cotisations dues pour l'année de création de l'entreprise et les deux années suivantes, équivaudra à celui d'une cotisation pour la retraite et l'invalidité-décès, définie, en fonction du choix du chef d'entreprise, avec partage de revenus - donc sans surcoût pour le chef d'entreprise - ou sans partage de revenus, soit pour un montant de l'ordre de 870 euros ( amendement COM-407 ).

Votre commission a adopté l'article 5 quater ainsi modifié.

Section 2
Simplifier la croissance de nos entreprises
Article 6
(art. L. 130-1 [nouveau], L. 133-5-6, L. 137-15, L. 241-18,
L. 241-19 et L. 834-1 du code de la sécurité sociale ;
art. L. 121-4 et L. 225-115 du code de commerce ;
art. L. 411-1 et L. 411-9 du code de tourisme ; art. L. 2333-64 et L. 2531-2
du code général des collectivités territoriales ; art. L. 1151-2 [nouveau], L. 1231-7 [nouveau], L. 1311-2, L. 2142-8, L. 3121-33, L. 3121-38, L. 3262-2, L. 3312-3, L. 3324-2, L. 3332-2, L. 4228-1 [nouveau], L. 4461-1 [nouveau],
L. 4621-2 [nouveau], L. 5212-1, L. 5212-3, L. 5212-4, L. 5212-5-1,
L. 5212-14 [abrogé], L. 5213-6-1, L. 6243-2, L. 6315-1, L. 6323-13
et L. 8241-3 du code du travail ; art. L. 561-3 du code de l'environnement ; art. L. 712-2, L. 712-3 et L. 716-2 du code rural et de la pêche maritime ;
art. L. 313-1 et L. 313-2 [abrogé] du code de la construction
et de l'habitation ; art. L. 1231-15 du code des transports
et art. 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative
au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat)
Nouvelles modalités de calcul et rationalisation des seuils d'effectifs

I. Le droit en vigueur

Créer un environnement juridique adapté à la taille des entreprises en proportionnant leurs contraintes administratives ou financières au nombre de salariés qu'elles occupent , tel est l'objectif poursuivi par le législateur lorsqu'il prévoit que certaines obligations ne s'appliquent qu'aux entreprises ayant atteint un certain effectif de salariés.

L'application d'une obligation à une entreprise à partir d'un certain seuil d'effectif, appelé par raccourci « seuil » 29 ( * ) , permet en effet de promouvoir certains objectifs sociaux comme la participation des employés à la gouvernance d'entreprise ou le recrutement de personnes handicapées. Ces objectifs peuvent toutefois s'avérer trop contraignants pour les petites et moyennes entreprises et menacer leur existence même. A l'inverse, certains seuils fiscaux peuvent favoriser les petites et moyennes entreprises en ne les assujettissant pas à certains prélèvements ou en incitant à l'investissement dans leur structure.

La France se caractérise par un niveau très élevé de ces seuils sociaux et fiscaux , qui atteignent le chiffre de 199. Ils créent pour les chefs d'entreprise un environnement juridique complexe, source d'anxiété et désincitatif pour la croissance des entreprises. Ils constituent par ailleurs un frein à l'embauche lorsque les entreprises se rapprochent de ces seuils .

Parmi les difficultés posées par le droit en vigueur, le Gouvernement a identifié trois problèmes majeurs auxquels le présent article entend répondre.

1. Le premier problème : des niveaux de seuils d'effectifs trop nombreux

Les 199 seuils trouvent leur origine juridique dans une dizaine de codes différents et certaines législations non codifiées.

Comme le montre le tableau ci-dessous, quatre niveaux de seuils concentrent le nombre le plus important d'obligations (127 obligations sur 199) : 11, 20, 50 et 250. D'autres niveaux de seuil existent comme 3, 10, 25, 500 ou encore 5 000. De même, certains seuils sont proches mais différents comme par exemple les seuils : « au moins dix salariés » et « dix salariés au plus » .

Répartition des 199 « seuils » existant en France
selon la législation desquels ils relèvent

Source : Étude d'impact, p. 82.

L'étude d'impact souligne que 83 % des seuils (environ 165) se situent à des niveaux inférieurs à « 250 ou plus » et 58 % (entre 110 et 120) à un niveau inférieur au niveau « 50 ou plus ». Ces chiffres éclairent le constat formulé en 2015, à l'initiative de la délégation sénatoriale aux entreprises, par l'institut IFO sur la très forte concentration du nombre d'entreprises occupant 48-49 personnes en France, 1,8 fois plus nombreuses qu'en Allemagne 30 ( * ) .

Les seuils sociaux et fiscaux sont donc nombreux dans notre pays, peu lisibles en raison de leurs différents niveaux et concentrés sur les entreprises atteignant 50 salariés.

2. Le deuxième problème : des modalités de calcul des effectifs qui ne sont pas harmonisées

Les différentes législations prévoyant l'application d'une obligation à l'entreprise lorsqu'elle atteint un certain seuil d'effectif ne s'accordent pas sur les modalités de calcul de l'effectif de l'entreprise.

Trois différences sont à signaler qui tiennent :

- à la période ou à la date de référence sur laquelle l'effectif est calculé : seul le code de la sécurité sociale détermine l'effectif salarié, sur une moyenne établie au cours de l'année civile précédente 31 ( * ) , pour la majeure partie des 19 seuils qu'il instaure. Les autres codes fixent une période ou une date de référence en fonction des seuils. Le code général des impôts prévoit que la période de référence pour le calcul de l'effectif peut être l'exercice fiscal en cours ou l'avant dernière année précédant celle de l'imposition.
Le code du travail instaure également des périodes de référence différentes : il faut par exemple avoir atteint pendant six mois l'effectif de 20 salariés pour qu'une entreprise soit contrainte d'établir un règlement intérieur tandis que la mise en place des institutions représentatives du personnel (IRP) requiert désormais d'avoir atteint le niveau d'effectif pendant douze mois consécutifs 32 ( * ) ;

- aux catégories d'effectifs prises en compte pour le calcul du nombre de salariés : le code de la sécurité sociale inclut les mandataires sociaux 33 ( * ) dans le calcul des effectifs mais exclut les apprentis, les contrats spécifiques de même que les contrats à durée déterminée et les intérimaires lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu.
A l'inverse, le code de commerce peut parfois faire référence aux « salariés employés » ou aux « salariés liés à un contrat de travail » ce qui exclut les intérimaires employés par l'entreprise de travail temporaire. Le code du travail prend en compte les intérimaires tandis que certaines législations comptabilisent les contrats spécifiques...

- aux niveaux d'appréciation de l'effectif : si la plupart des législations fixent le calcul du seuil au niveau de l'entreprise, certaines dispositions du code du travail le font au niveau de l'établissement 34 ( * ) ou de l'unité économique et sociale tandis que les notions d'implantation ou de site peuvent être évoquées dans les codes de l'environnement et des transports.

3. Le troisième problème : des mécanismes de lissage instables, partiels et hétérogènes

Bien que la littérature économique ne soit pas conclusive sur les effets des seuils sur le développement des entreprises 35 ( * ) , la présence d'un point d'accumulation des entreprises à un niveau légèrement inférieur aux principaux niveaux de seuils dans la distribution par taille des entreprises françaises a régulièrement été analysée comme la conséquence du déclenchement d'une série importante d'obligations à partir de ces effectifs 36 ( * ) .

Des mécanismes de lissage pour la mise en place de ces obligations ou la disparition de certains avantages fiscaux à destination des petites et moyennes entreprises ont été mis en place par le législateur.

L'étude d'impact recense ces mécanismes en distinguant les mécanismes pérennes, des mécanismes temporaires.

Parmi les mécanismes pérennes , deux concernent des prélèvements obligatoires dont le régime juridique est modifié par le présent article. Seules les entreprises employant plus de 11 salariés sont redevables, dans les communes concernées, du versement transport prévu par le code général des collectivités territoriales 37 ( * ) . Un « gel » de trois ans est toutefois prévu pour les entreprises qui franchissent ce seuil auquel succède un mécanisme d'abattement dégressif (« lissage ») applicable sur trois ans (75 % d'abattement la quatrième année, 50 % la cinquième et 25 % la sixième).
Le même dispositif de gel et de lissage existe pour l'assujettissement des entreprises de plus de 20 salariés à la participation de l'employeur à l'effort de construction (PEEC).

La loi de finances pour 2016 38 ( * ) a introduit neuf dispositifs temporaires de lissage correspondant à un gel de trois ans, pour les exercices 2016 à 2018, d'application soit d'une nouvelle contribution soit d'un taux normal de prélèvement obligatoire pour les entreprises franchissant un seuil d'effectifs. Les neuf dispositifs de lissage étant pérennisés par ce projet de loi (articles 6 et 6 bis ), il convient de citer les trois concernés par le présent article :

- la déduction forfaitaire applicable en matière de cotisations sociales dues au titre des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 20 salariés (article L. 241-18 du code de la sécurité sociale) ;

- l'application d'un taux réduit (0,1 % au lieu de 0,5 %) et d'une assiette minorée (rémunération sous le plafond de la sécurité sociale) de la masse salariale pour la contribution au fonds national d'aide au logement (Fnal) dans les entreprises de moins de 20 salariés (article L. 834-1 du code de la sécurité sociale) ;

- l'exonération de forfait social dû pour les versements de l'employeur au titre de la prévoyance dans les entreprises de moins de 10 salariés (article L. 137-15 du code de la sécurité sociale).

En harmonisant les modalités de calcul des effectifs pour la mise en place des IRP, les nouvelles obligations étant requises dès que l'entreprise a atteint ou dépassé le seuil d'effectifs pendant 12 mois consécutifs, la réforme du droit du travail de septembre 2017 a également instauré un mécanisme de lissage. L'obligation était auparavant applicable lorsque l'entreprise avait franchi le seuil pendant 12 mois (pas forcément consécutifs) sur les trois dernières années.

Ces mécanismes de lissage des seuils sont donc parcellaires, peu harmonisés et parfois complexes à mettre en oeuvre. C'est en particulier le cas pour l'application du mécanisme d'abattement dégressif attaché au versement transport ou à la participation de l'employeur à l'effort de construction.

4. Le problème spécifique de l'artisanat

Le I de l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat détermine les conditions d'appartenance d'une entreprise au secteur de l'artisanat . Cette appartenance découle de l'immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au registre des entreprises.

Cette immatriculation est d'abord une obligation pour certaines entreprises.

Tel est le cas des personnes physiques et des personnes morales qui n'emploient pas plus de dix salariés et qui exercent à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État, après consultation de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, de CCI France et des organisations professionnelles représentatives.

Cette liste est fixée en annexe du décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers ( voir encadré ).

Liste des activités relevant de l'artisanat

Activités relevant de l'artisanat de l'alimentation

Transformation et conservation de la viande et préparation de produits à base de viande.

Transformation et conservation de poissons, de crustacés et de mollusques.

Transformation et conservation de fruits et légumes (sauf produits de la quatrième gamme).

Fabrication d'huiles et graisses végétales et animales.

Fabrication de produits laitiers.

Travail des grains, fabrication de produits amylacés.

Fabrication de produits de boulangerie-pâtisserie et de pâtes alimentaires (sauf terminaux de cuisson).

Fabrication d'autres produits alimentaires.

Fabrication d'aliments pour animaux.

Fabrication d'eaux-de-vie naturelles et de spiritueux.

Fabrication de vins effervescents.

Fabrication d'autres boissons.

Commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé.

Commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé dont préparations à partir de ces produits.

Commerce de détail et transformation de produits à base de lait ou de fromage en magasin spécialisé, dont préparations à base de ces produits.

Commerce de détail de viande, produits à base de viandes sur éventaires et marchés.

Commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques sur éventaires et marchés dont préparations à partir de ces produits.

Commerce de détail et transformation de produits à base de lait ou de fromage sur éventaire et marché, dont préparations à base de ces produits.

Fabrication de plats prêts à consommer, à emporter, associée à la vente au détail.

Activités relevant de l'artisanat du bâtiment

Orpaillage.

Autres industries extractives.

Activités de soutien aux autres industries extractives.

Incinération des déchets non dangereux et production de cendres et scories associés.

Désamiantage, enlèvement des peintures à base de plomb.

Construction de bâtiments résidentiels et non résidentiels.

Génie civil (sauf promotion immobilière de lotissements fonciers viabilisés).

Travaux de construction spécialisés.

Installation de systèmes d'alarme et activités associées de surveillance.

Activités relevant de l'artisanat de fabrication

Fabrication de textiles.

Fabrication de vêtements, d'articles en fourrure et d'articles à mailles.

Industrie du cuir et de la chaussure.

Travail du bois et fabrication d'articles en bois et en liège, en vannerie et sparterie (sauf fabrication du bois d'industrie : pieux, poteaux, bois de mine...).

Industrie du papier et du carton.

Imprimerie de labeur.

Activités de prépresse.

Reliure et activités connexes.

Reproduction d'enregistrements.

Production de brai et de coke de brai.

Agglomération de la tourbe.

Industrie chimique.

Fabrication d'édulcorants de synthèse.

Fabrication d'ouates, bandes, gazes et pansements à usage médical et de substances radioactives de diagnostic.

Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique.

Fabrication d'autres produits minéraux non métalliques.

Métallurgie.

Fabrication de produits métalliques.

Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques.

Fabrication d'équipements électriques.

Fabrication de machines et équipements divers.

Industrie automobile.

Fabrication de matériels de transport divers.

Fabrication de meubles.

Autres industries manufacturières (sauf fabrication de lunettes correctrices et de verres de lunetterie et de contact).

Réparation et installation de machines et d'équipements.

Collecte des déchets nucléaires.

Traitement et élimination des déchets nucléaires radioactifs.

Démantèlement d'épaves.

Récupération de déchets triés.

Edition d'imprimés fiduciaires, imprimés commerciaux, formulaires imprimés.

Activités relevant de l'artisanat de service

Maréchalerie.

Entretien de fosses septiques.

Entretien et réparation de véhicules automobiles.

Entretien et réparation de motocycles.

Préparation de plantes et de fleurs et compositions florales en magasins spécialisés.

Préparation de plantes et de fleurs et compositions florales sur éventaires et marchés.

Transports de voyageurs par taxis y compris à moto et par véhicules de remise.

Services de déménagement.

Services de remorquage et d'assistance routière.

Contrôle technique automobile.

Pose d'affiches.

Activités d'étalagiste.

Activités photographiques (sauf photojournalisme).

Nettoyage courant des bâtiments.

Nettoyage industriel et autres activités de nettoyage des bâtiments dont ramonage.

Désinfection, désinsectisation, dératisation.

Autres nettoyages (sauf services de voirie et de déneigement).

Services administratifs divers (limité aux services administratifs de bureau combinés).

Travaux à façon divers (limité à la duplication et l'expédition de documents et au secrétariat à façon).

Activités de conditionnement.

Ambulances.

Spectacle de marionnettes.

Restauration d'objets d'art.

Réparation d'ordinateurs et d'équipements de communication.

Réparation de biens personnels et domestiques.

Blanchisserie-teinturerie dont nettoyage et garde de fourrures (sauf libre-service).

Coiffure.

Soins de beauté dont le modelage esthétique de bien-être et de confort sans finalité médicale.

Embaumement, soins mortuaires, thanatopraxie.

Toilettage, éducation comportementaliste et pension pour animaux de compagnie.

À raison de dispositions législatives successives depuis 2014, ont été créées des facultés d'immatriculation au répertoire des métiers ou au registre des entreprises. Ainsi en est-il :

- des personnes physiques et morales exerçant l'activité de fabrication de plats à consommer sur place et qui n'emploient pas plus de dix salariés ;

- des personnes physiques et morales, soumises à obligation d'immatriculation, dont le nombre de salariés dépasse dix salariés tout en demeurant inférieur à cinquante salariés ;

- des personnes physiques et morales qui emploient plus de dix salariés et moins de cinquante salariés et qui reprennent un fonds précédemment exploité par une personne immatriculée .

Dans les deux dernières hypothèses, l'immatriculation peut se poursuivre pendant l'année au cours de laquelle le plafond de cinquante salariés est dépassé ainsi que les deux années suivantes.

II. Le dispositif proposé

Le présent article permet d'apporter une réponse aux trois problèmes identifiés dans le droit en vigueur concernant les seuils d'effectifs.

1. Il créé en premier lieu un mécanisme unifié de décompte des effectifs et de lissage de l'effet du seuil lorsque l'entreprise le franchit

Le I-1° du présent article créé un nouvel article L. 130-1 dans le code de la sécurité sociale, appelé à devenir l'article de « référence » s'agissant des modalités de calcul des effectifs et de lissage des effets liées au franchissement d'un seuil pour une part significative des 199 seuils (193 si le présent projet de loi devait être adopté) en vigueur dans le droit français.

L'article L. 130-1 est l'article unique d'un nouveau chapitre préliminaire ( Décompte et déclaration des effectifs ), inséré dans le titre III ( Dispositions communes relatives au financement ) du livre Ier ( Généralités ) du code de la sécurité sociale.

L'harmonisation des modalités de décompte et de lissage, prévue par le présent article ( voir 2) infra ), se fera par rapport à ce nouvel article.

• Son I précise les modalités de décompte des effectifs d'une entreprise en reprenant une partie des dispositions contenues actuellement dans l'article R. 130-1 du code de la sécurité sociale.

Il précise ainsi que l'effectif salarié annuel de l'employeur, y compris lorsqu'il s'agit d'une personne morale comportant plusieurs établissements, correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente.

Cette première phrase harmonise donc tant la période de référence pour le calcul de l'effectif (la moyenne des effectifs au cours de la dernière année) que le niveau de calcul (l'entreprise et pas l'établissement par exemple).

A l'instar du VI de l'article R. 130-1, une dérogation est prévue pour l'application de la tarification au titre du risque « accidents du travail et maladies professionnelles », l'effectif à prendre en compte étant alors celui de la dernière année connue 39 ( * ) .

Lors de l'année de création du premier emploi salarié titulaire d'un contrat de travail dans l'entreprise, l'effectif à prendre en compte correspond à l'effectif présent le dernier jour du mois au cours duquel a été réalisée cette première embauche. Cette disposition reprend l'actuel IV de l'article R. 130-1.

Enfin, l'article L. 130-1 prévoit un décret en Conseil d'État visant à définir les catégories de personnes incluses dans l'effectif et les modalités de leur décompte. L'article R. 130-1 est en effet actuellement beaucoup plus détaillé puisqu'il précise les dites catégories prises en compte ainsi que les modalités de calcul des effectifs lorsqu'intervient une modification de la situation juridique de l'employeur.

Le lecteur pourra s'y référer sachant que l'étude d'impact indique qu'une seule modification substantielle sera apportée au contenu de cet article : seront désormais exclus, du décompte des effectifs, les mandataires sociaux des entreprises relevant du régime général.

Elle précise que « ce mode de calcul garantira la neutralité du statut de l'entreprise dans le décompte des effectifs », les règles étant en effet identiques quelle que soit l'affiliation sociale du dirigeant (salarié ou travailleur indépendant) et « correspondra à la règle habituellement retenue dans les autres législations » .

On peut déduire de cet article et de l'étude d'impact que ne seront désormais plus comptabilisés les apprentis et les contrats spécifiques dans les effectifs d'une entreprise, pour les seuils auxquels s'appliquera ce nouvel article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

L'harmonisation du décompte des effectifs proposé par cet article se fera donc par rapport au code de la sécurité sociale, le Gouvernement justifiant ce choix par le fait qu'il « peut être considéré comme le plus favorable aux entreprises et est donc plus facilement applicable aux autres législations » .
De plus, ce mode de décompte est « celui utilisé dans le cadre de la déclaration sociale nominative (DSN), qui est obligatoire depuis le 1er janvier 2017 pour toutes les entreprises (...) et doit permettre un décompte automatique des effectifs » .

• Le II de l'article L. 130-1 prévoit le mécanisme « générique » de lissage de l'effet de seuil à la suite du franchissement, à la hausse ou à la baisse, d'un niveau d'effectif.

Lorsqu'une entreprise franchira à la hausse le seuil d'un effectif salarié, ce franchissement sera pris en compte lorsque ce seuil aura été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives.

Cet alinéa instaure donc un gel de cinq ans dans l'application de toute obligation s'imposant à une entreprise qui vient de franchir un seuil.

A l'inverse, le franchissement à la baisse d'un seuil d'effectif sur une année a pour effet de faire à nouveau courir la règle s'attachant au franchissement par le haut. Ainsi, une entreprise dont la diminution de l'effectif conduit à la faire passer sous un seuil disposera à nouveau de cinq ans pour être soumise à l'obligation attachée au franchissement à la hausse du seuil en question.

L'étude d'impact explique que la durée de cinq ans a été retenue car elle était d'une durée comparable aux mécanismes de lissage existant actuellement pour certains prélèvements obligatoires (versement transport et PEEC par exemple). Par ailleurs, alors que 40 % des entreprises ont une durée de vie inférieure à cinq ans, la viabilité d'un projet économique semble ne pouvoir se mesurer qu'une fois cette période passée. Avec cette nouvelle règle de franchissement, « seules les entreprises qui ont durablement atteint un seuil sont assujetties à de nouvelles contraintes » précise l'étude d'impact qui conclut : « cette nouvelle règle de franchissement de seuil est apparue comme la plus apte à protéger les entreprises dont l'effectif fluctue autour d'un seuil et fluidifier la croissance des entreprises » .

2. L'harmonisation partielle des modes de décompte et de lissage des effets de seuil

Le présent article modifie plusieurs codes (sécurité sociale dans son I , tourisme dans son IV , le code général des collectivités territoriales dans son V , le code du travail dans son VI , de l'environnement dans son VII et de la construction et de l'habitat dans son VIII ) afin de mentionner, au niveau des seuils concernés, la référence à l'article L. 130-1 nouveau du code de la sécurité sociale pour la détermination des modalités de décompte des effectifs et de franchissement des seuils.

• Dans le code de la sécurité sociale (I)

Le I de l'article L. 130-1 précise que les modalités de calcul des effectifs salariés s'appliquent « au sens des dispositions du présent code » . L'étude d'impact indique que la majeure partie de ces seuils 40 ( * ) sont déjà actuellement régis par l'article R. 130-1. Y seront désormais inclut également les nouveaux seuils de 50 et de 250 prévus pour la détermination du taux de forfait social, initialement créé par l'article 57 de ce projet de loi mais intégré dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 41 ( * ) .

En cohérence, les , et 6°- b) suppriment les dispositions de lissage temporaire pour les années 2016, 2017 et 2018 applicables respectivement au forfait social applicable aux versements des employeurs au titre de la prévoyance dans les entreprises de moins de 11 salariés (article L. 137-15), à l'exonération forfaitaire des cotisations et contributions sociales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 10 salariés (article L. 241-18) et au taux réduit et à l'assiette minorée de la contribution au Fnal dans les entreprises de moins de 20 salariés (L. 834-1).

• Dans le code du tourisme (IV)

Le présent article prévoit d'appliquer l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale pour le décompte des effectifs applicables aux règles en matière de chèques-vacances s'appliquant autour du seuil de 50 salariés (article L. 411-1 et L. 411-9).

• Dans le code général des collectivités territoriales (V)

La même précision est apportée pour le seuil de 11 salariés concernant l'assujettissement des entreprises au versement transport dans les communes hors Ile-de-France ( , article L. 2333-64) et en Ile-de-France ( , article L. 2531-2).

Cette règle se substitue au mécanisme actuel de gel sur trois ans d'une part et d'abattement dégressif sur les trois années suivantes d'autre part.

L'entreprise concernée sera donc assujettie plus tôt au taux normal de versement transport mais gagnera deux années supplémentaires d'abattement.

• Dans le code du travail (VI)

Il convient de noter au préalable que les articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail déterminent les catégories de salariés pris en compte pour le calcul des effectifs pour l'ensemble des dispositions du même code. Les seuils présents dans le code du travail et concernés par l'harmonisation des modalités de calcul des effectifs avec le code de la sécurité sociale seront donc des dérogations aux dispositions du code du travail. Dans les faits, en matière de catégories d'effectifs, les différences entre le code du travail et le code de la sécurité sociale sont très faibles.

Le VI permet l'harmonisation des modalités de calcul de l'effectif salarié et de franchissement de seuil s'appliquant à des dispositifs institués par des articles législatifs du code du travail ou par des articles réglementaires.

Pour les seuils fixés dans des articles législatifs à l'instar des autres codes modifiés par le présent article, ce dernier précise que l'application du seuil est déterminée selon les modalités prévues à l'article
L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

Les seuils du code du travail concernés sont :

- la limitation de la contrepartie obligatoire, sous forme de repos aux heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel, à 50 % au lieu de 100 % dans les entreprises de moins de 20 salariés ( , article L. 3121-38) ;

- l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) à hauteur de 6 % de l'effectif pour les entreprises d'au moins 20 salariés ( , L. 5212-1). Les entreprises qui atteignent aujourd'hui 20 salariés disposent déjà de trois ans pour se mettre en conformité avec l'obligation d'emploi. Ce mécanisme de lissage est donc désormais porté à cinq ans. Les 10° à 12° tirent les conséquences de l'harmonisation des modalités de calcul des effectifs pour la mise en oeuvre de l'OETH dans l'entreprise ;

- l'augmentation, s'appliquant aux entreprises de plus de 200 salariés, de l'assiette pour le calcul de la contribution financière à l'association de gestion du fonds pour l'inclusion des personnes handicapées (Agefiph) en cas de non-respect de l'OETH (l'assiette passe alors de 400 fois le Smic à 500 fois). L'article L. 5212-1 visant l'ensemble du chapitre du code relatif à l'OETH, l'harmonisation des modalités de calcul et de lissage du seuil s'appliquera également à ce seuil ;

- l'exonération totale de cotisations sociales pour les apprentis, sauf celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises de moins de 11 salariés ( 13° , article L. 6243-2) ;

- l'obligation, pour les entreprises d'au moins 50 salariés, d'abonder le compte personnel de formation du salarié qui n'a pas bénéficié d'un entretien professionnel au cours des six dernières années ou n'a pas bénéficié des mesures prévues à l'article L. 6323-13 42 ( * ) ( 14° et 15° , articles L. 6315-1 et L. 6323-13).

Pour les seuils actuellement définis dans des articles réglementaires , le présent article créé une dérogation, aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail de rang législatif, aux termes de laquelle un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles l'effectif salarié et les règles de franchissement des seuils d'effectifs sont déterminés.

D'après les informations obtenues par votre rapporteur, les seuils concernés s'aligneront bien sur les modalités fixées à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale et feront l'objet d'une rationalisation ou d'un relèvement.

Il s'agit des dispositifs suivants :

- dans les entreprises d'au moins 10 salariés, l'obligation de transmission, par l'employeur, à Pôle emploi de ses attestations et justifications de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée, par voie électronique ( , dispositif prévu à l'article R. 1234-9). Il est prévu que ce seuil passe à au moins 11 ;

- l'obligation de mise à disposition d'un local de restauration dans les entreprises dans lesquelles au moins 25 travailleurs souhaitent prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail ( , dispositif prévu à l'article R. 4228-22). Ce seuil devrait être relevé à 50 ;

- la possibilité pour l'employeur, dans les entreprises de moins de 10 salariés, d'occuper la fonction de conseiller à la prévention hyperbare à la condition d'être titulaire du certificat d'aptitude à l'hyperbarie ( , dispositif prévu à l'article R. 4461-4). Un relèvement de ce seuil à 11 est prévu ;

- l'obligation, dans les entreprises de plus de 50 salariés, de tenir et de mettre à jour annuellement un document d'adhésion au service de santé au travail ( , dispositif prévu à l'article R. 4623-13). Ce seuil devrait être rationalisé à « au moins cinquante » par le décret.

• Dans le code de l'environnement (VII)

Le VII du présent article modifie une seule disposition dans le code de l'environnement (article L. 561-3) : la possibilité, pour les entreprises de moins de 20 salariés, de bénéficier des aides du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

• Dans le code de la construction et de l'habitat (VIII)

Les modalités de calcul des effectifs et de franchissement de seuil de l'assujettissement de l'entreprise, actuellement de 20 salariés, à la participation de l'employeur à l'effort de construction sont également déterminées par l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ( , article L. 313-1). En conséquence, le mécanisme de gel de trois ans et de lissage entre la quatrième et la sixième année est supprimé ( ).

• Dans le code de commerce (III)

Le présent article ne prévoit aucune mesure d'harmonisation des modalités de calcul des effectifs salariés et des règles de franchissement des seuils présents dans le code de commerce. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, le Gouvernement en modifiera une partie importante par voie réglementaire sans qu'il n'ait été possible de savoir dans quelle proportion. Les seuils du code de commerce présentent toutefois des contraintes propres (procédures collective, droit européen) qui ne permettront pas d'appliquer intégralement l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

3. Une timide rationalisation des niveaux de seuil et de rares relèvements

• Dans le code de la sécurité sociale (I)

Le harmonise le seuil en dessous duquel s'applique l'exonération des cotisations sociales à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales pour les salariés embauchés dans les zones de revitalisation rurale (article L. 241-9). Ce seuil est actuellement fixé « à plus de cinquante » et passe à « au moins cinquante salariés » .

Le prévoit la suppression du seuil à 20 salariés en dessous duquel les entreprises pouvaient bénéficier du titre emploi service entreprise (TESE) prévu à l'article L. 133-5-6.

Le a) du 6° procède au relèvement du seuil d'assujettissement à la contribution du Fnal au taux réduit et à l'assiette minorée en le faisant passer de 20 à 50. Il s'agit de l'une des rares mesures de cet article ayant une incidence sur le coût du travail .

• Dans le code de commerce (III)

Le supprime le seuil en dessous duquel le conjoint du chef d'entreprise peut opter pour un statut de collaborateur s'il travaille dans l'entreprise (article L. 121-4).

Le relève de 200 à 250 le seuil à partir duquel s'applique l'obligation de communication aux actionnaires des dix rémunérations les plus importantes de l'entreprise (article L. 225-115).

• Dans le code du travail (VI)

Le prévoit le relèvement de 20 à 50 du seuil au-dessus duquel l'établissement d'un règlement intérieur dans l'entreprise ou l'établissement devient obligatoire (article L. 1311-2). Il précise que cette obligation s'applique au terme d'un délai de douze mois à compter de la date à laquelle le seuil de cinquante a été franchi conformément aux modalités de franchissement de seuil fixées pour les IRP.

Comme le précise l'étude d'impact, la rédaction du règlement intérieur requérant la consultation du comité social et économique de l'entreprise, il apparait logique d'appliquer des dispositions similaires aux IRP.

Le relève de 200 à 250 le seuil d'effectif au-delà duquel s'impose à l'entreprise l'obligation de mettre un local syndical à disposition
(article L. 2142-8).

Enfin le supprime le seuil de 25 salariés à partir duquel s'applique l'obligation d'avoir un compte bancaire ou postal dédié au versement des fonds perçus en contrepartie de la cession des titres restaurant (article L. 3262-2).

A ces seuils s'ajoutent le relèvement et la rationalisation des seuils prévus par décret et déjà évoqués (voir supra, b) ).

• Dans le code de la construction et de l'habitat (VIII)

Le 1° relève le seuil d'assujettissement de l'entreprise à la PEEC de 20 à 50 salariés. La PEEC étant prélevée sur la masse salariale au taux de
0,45 %, cette mesure constitue une baisse du coût du travail à l'instar du relèvement du seuil concernant la contribution au Fnal.

4. Les dispositions relatives à l'artisanat : les seuils d'inscription au répertoire des métiers (II)

Par souci d'harmonisation avec le décompte des effectifs salariés des autres seuils de dix salariés, le II du présent article a prévu de modifier l'article 19 de la loi précitée du 5 juillet 1996 afin de modifier la référence à « pas plus de dix salariés » par la référence à « moins de onze salariés » .

Par ailleurs, au mécanisme de lissage sur trois ans du dépassement de ce plafond d'effectif, institué en 2016, est substitué le mécanisme de lissage sur cinq ans qui serait désormais inscrit à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale, dans sa réduction issue du 1° du I du présent article.

5. Les dispositions relatives à l'application du présent article (IX à XI)

Le premier alinéa du IX maintient appliqués, aux entreprises qui en sont bénéficiaires, les mécanismes de lissage temporaires attachés au versement transport, au forfait social et à l'exonération forfaitaire des cotisations sociales sur les heures supplémentaires dans les petites entreprises, prévue pour les années 2016 à 2018 par la loi de finances pour 2016.

Un dispositif similaire est prévu pour les régimes soumis à des mécanismes pérennes de lissage à savoir la contribution au Fnal et la PEEC qui continueront à s'appliquer aux entreprises qui en bénéficient au 31 décembre 2018.

Une mesure transitoire spécifique est prévue également s'agissant du relèvement du seuil de 200 à 250 pour la mise à disposition d'un local syndical. L'obligation s'appliquant actuellement aux entreprises entre 200 et 249 salariés continuera pendant une durée de cinq ans.

Le X précise que la nouvelle règle de franchissement du seuil prévue à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas :

- d'une part ( ), aux entreprises soumises au 1 er janvier 2019 à une obligation liée à un seuil. Seules les entreprises franchissant à partir de 2019 un seuil pourront bénéficier du gel de 5 ans ;

- d'autre part ( ) aux entreprises de plus de 20 salariés soumises jusqu'au 1 er janvier 2020 à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, dans l'état actuel du droit. Le XI ne prévoyant une entrée en vigueur des dispositions relatives à l'OETH de cet article (9° à 12° du VI) qu'au 1 er janvier 2020, il est cohérent de décaler d'un an la date à partir de laquelle s'applique le gel de cinq ans pour l'application de l'OETH à une entreprise franchissant le seuil de 20 salariés.

Sous réserve des IX et X, le XI fait entrer en vigueur le présent article dès le 1 er janvier 2019.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , les députés ont adopté huit amendements dont sept substantiels :

- à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet et des membres du groupe La République en Marche, un amendement précise que la mesure de l'effectif salarié pour l'application de la nouvelle règle de franchissement à la baisse du seuil prévue à l'article L. 130-1 se mesurera sur une année « civile » et non simplement sur une année. La règle de franchissement du seuil à la hausse prévoit une durée de cinq années civiles également ;

- un amendement de notre collègue Philippe Bolo et plusieurs autres membres du groupe Modem supprime le seuil de 20 salariés au plus, institué à l'article L. 133-5-6 du code de la sécurité sociale, en dessous duquel l'entreprise agricole peut recourir au titre emploi service agricole ( c) du 3° du I ). La suppression de ce seuil est une conséquence de la suppression du seuil de 20 salariés pour l'utilisation du titre emploi service des entreprises ;

- un amendement de nos collègues Denis Sommer, rapporteur thématique et Roland Lescure, rapporteur général, revient sur le relèvement du seuil de 200 à 250 salariés pour l'obligation faite aux entreprises de mettre à disposition un local syndical (suppression du 3° du VI ). En maintenant ce seuil à 200 et s'inscrivant dans le souci de stabilité juridique du Gouvernement en matière d'IRP, cet amendement souhaite favoriser un « dialogue social de qualité, indispensable à la réussite des entreprises » ;

- en cohérence avec l'application de l'article L. 130-1 au seuil concernant le repos compensatoire aux heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 50 salariés (VI, 4°), un amendement du Gouvernement introduit un bis visant à appliquer également cet article à l'article L. 3123-33 du code de travail qui définit le contenu de l'accord collectif sur les conditions d'accomplissement des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ;

- un amendement du Gouvernement modifie certaines dispositions relatives à l'OETH en réécrivant les 9° à 10° du VI . Il maintient tout d'abord le principe, qu'en matière d'OETH, le calcul des effectifs ne tient compte que des salariés permanents et l'étend aux entreprises de portage salarial et groupements d'employeurs, pour lesquels les salariés mis à disposition ne sont pas non plus comptabilisés. Il met en cohérence également ces dispositions avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel 43 ( * ) . Il permet enfin de fixer un délai de cinq ans pour les entreprises nouvellement créées pour se mettre en conformité avec l'OETH, ce qui permet d'aligner ce délai avec la règle de franchissement du seuil en cinq ans ;

- un amendement de notre collègue Philippe Bolo et plusieurs autres membres du groupe Modem créé un VII bis qui modifie les articles L. 712-2 et L. 716-2 du code rural et de la pêche maritime afin d'appliquer les modalités d'appréciation des effectifs et la règle de franchissement de seuil prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale à la contribution des employeurs agricoles à l'effort de construction, à l'instar de ce qui est prévu pour la PEEC des employeurs non agricoles ;

- enfin un amendement du Gouvernement abroge l'article L. 313-2 du code de la construction et de l'habitat (2° du VIII), qui mettait en oeuvre le mécanisme de gel et de lissage de la PEEC, désormais soumise à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

En séance publique , outre deux amendements de précision des rapporteurs dont un tirant la conséquence de la suppression du relèvement du seuil de 200 salariés pour la mise à disposition d'un local syndical, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de fond.

Le premier amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Dominique Potier et de plusieurs membres du groupe socialiste, supprime
le seuil de cinquante salariés afin de permettre aux entreprises artisanales de pouvoir rester immatriculées au répertoire des métiers sans limitation de durée ni de seuil.

Il résulte du dispositif adopté que :

- les entreprises artisanales pourront rester immatriculées au répertoire des métiers quand bien même leur effectif salarié dépassera 50 salariés, et sans limite quant à leur effectif salarié . Ainsi, en pratique, des grosses PME, voire des ETI, pourront conserver le statut juridique et la qualité d'entreprise artisanale ;

- des entreprises de plus de onze salariés, sans aucune limite d'effectif, qui ne seraient pas inscrites au répertoire des métiers à leur création, pourraient s'inscrire au répertoire dès lors qu'elles reprennent un fonds précédemment exploité par une personne immatriculée . Dès lors, potentiellement des grandes entreprises pourraient, par le rachat d'un ou plusieurs fonds artisanaux, pouvoir s'immatriculer au répertoire des métiers et acquérir ce faisant la qualité d'artisan.

Le second amendement, adopté à l'initiative de nos collègues du groupe Modem vise, en premier lieu, à harmoniser la formulation du nouveau seuil fixé à 250 salariés pour l'obligation de communiquer aux actionnaires les dix rémunérations les plus importantes de l'entreprise.

Il applique par ailleurs l'article L. 130-1 du code de la sécurité à quatre nouveaux seuils :

- l'obligation de mettre en place un référent en matière de lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes dans les entreprises d'au moins 250 salariés ( 1° A , article L. 1151-2 nouveau du code du travail) ;

- l'obligation de mettre en place un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les personnes en situation de handicap ( 12° bis , article L. 5213-6-1 du code du travail) ;

- le dispositif permettant le prêt de main d'oeuvre à une entreprise d'au plus 250 salariés sur la base d'un montant facturé inférieur aux salaires versés (16°, article L. 8241-3 du code du travail) ;

- enfin à l'obligation d'encourager le covoiturage entre le domicile et le lieu de travail dans les entreprises de plus de 250 salariés (VIII bis, article L. 1231-15 du code des transports).

IV. La position de votre commission

1. Des avancées significatives mais somme toute limitées

• Les principaux apports du texte

L'avalanche de dispositions modifiées par l'article 6, donnant parfois l'impression d'un inventaire à la Prévert, peut faire perdre de vue les principaux apports de ce texte pour le développement des entreprises.

Votre rapporteur en identifie deux, qui auront pour conséquence première de diminuer le coût du travail :

- l'instauration de la règle de franchissement du seuil en cinq ans, qui tend à se généraliser, aura des conséquences positives à court terme sur le coût du travail s'agissant des contributions nouvelles prélevées sur les entreprises lors du passage d'un seuil en particulier le versement transport (VT), la contribution au Fnal et la participation employeur à l'effort de construction.

Sur le long terme, elle permet aux entreprises de ne pas freiner leur activité et les embauches afférentes lui laissant le temps de constater si son surcroit d'activité est durable ;

- le relèvement du seuil de 20 à 50 pour l'assujettissement au taux normal et à l'assiette déplafonnée de la contribution au Fnal d'une part, et à la PEEC d'autre part.

Ces trois contributions cumulées (VT, Fnal, PEEC) représentent un coût significatif pour les entreprises : le taux normal du Fnal sur l'ensemble du salaire brut est de 0,5 %, celui de la PEEC de 0,45 % tandis que le taux moyen du versement transport s'élève à 1,85 % 44 ( * ) mais peut atteindre 2,95 % dans certaines communes ou intercommunalités.

Du seul point de vue de la baisse du coût du travail, le relèvement des seuils concernant le Fnal et la PEEC représenterait une baisse
de 470 millions d'euros des prélèvements obligatoires sur les entreprises (190 millions d'euros pour le Fnal et 280 millions d'euros pour la PEEC) 45 ( * )
. Le coût du gel des seuils pendant cinq ans entraînerait un allègement qui monterait en charge progressivement pour atteindre 120 millions d'euros à terme 46 ( * ) .

Ces estimations ne mesurent pas en revanche les effets sur l'emploi et la compétitivité des entreprises de la baisse du coût du travail et des nouvelles souplesses qui leur sont offertes. D'après les données de l'Acoss, un peu plus de 11 000 entreprises passent le seuil de 11 salariés chaque année et un peu plus de 2 000 celui de 50.

La direction générale du trésor estime que la mesure pourrait augmenter l'activité de près de 0,05 % du PIB sur le long terme et créer près de 10 000 emplois 47 ( * ) .

• Une harmonisation des modes de calcul engagée mais loin d'être encore généralisée

La mesure d'harmonisation et de rationalisation des seuils doit être regardée comme un premier pas salutaire mais qui n'est pas encore généralisé.

La comptabilité en matière de seuils sociaux et fiscaux est difficile à tenir et témoigne de la complexité de la réglementation à laquelle sont soumises les entreprises de notre pays.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, sur les 199 seuils recensés actuellement dans le droit en vigueur, l'ensemble des

articles de ce projet de loi et de certains autres textes récemment adoptés 48 ( * ) devraient conduire à :

- supprimer cinq seuils 49 ( * ) ;

- placer 53 seuils sous l'empire des modalités de décompte des effectifs prévues dans le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ;

- placer 48 seuils en application à la fois du I de l'article L. 130-1 et du II concernant la règle de franchissement du seuil en cinq ans.

Au-delà de ces seuils modifiés par la voie législative, le Gouvernement a indiqué qu'il allait procéder à une nouvelle série d'harmonisation des seuils présents dans le code de commerce par la voie réglementaire, sans être en mesure de chiffrer le nombre exact de seuils concernés 50 ( * ) .

C'est donc à ce stade environ un quart des seuils qui vont désormais être régis selon les mêmes règles.

• Les manques de ce texte

Au-delà des avancées réelles mais modestes de ce texte, votre rapporteur regrette qu'il n'ait pas été permis d'avoir une réflexion sur les deux principaux problèmes posés aujourd'hui par les seuils sociaux :

- la concentration du nombre d'obligations nouvelles au niveau du seuil de 50 salariés ;

- le renforcement des obligations liées aux IRP à partir de 50 salariés, dont le niveau est jugé par beaucoup d'économistes comme beaucoup trop bas par rapport au développement naturel des entreprises.

S'agissant du nombre d'obligations nouvelles au niveau du seuil de 50 , elles atteignaient le chiffre de 34 à la fin des années 2000 51 ( * ) et sont 49 à la suite des ordonnances « travail » du 22 septembre 2017 . Ces ordonnances, en remontant un certain nombre de seuils de 20 à 50, ont contribué à renforcer l'effet de seuil lié au passage à 50 salariés.

Votre rapporteur constate que ce projet de loi contribue également à cristalliser l'effet de ce seuil en remontant à son niveau pas moins de six obligations actuellement applicables à 20 salariés 52 ( * ) .

À terme, ce seront donc 55 nouvelles obligations qui seront portées à la charge des entreprises lors du franchissement du seuil de 50 salariés.

S'agissant du seuil de 50 salariés pour le renforcement des IRP, le présent projet de loi assume de ne rien changer au droit en vigueur au motif de la stabilité juridique.

Dans la continuité des travaux menés par la délégation sénatoriale aux entreprises 53 ( * ) , votre rapporteur persiste à penser pourtant qu'il s'agit de la principale explication à la concentration des entreprises occupant 48-49 salariés dans la répartition des entreprises par la taille. Devant votre commission, l'économiste Christian Saint-Etienne rappelait que le nombre d'entreprises à 49 salariés était 2,5 fois plus important que celles à 51 salariés 54 ( * ) .

Son analyse mérite d'ailleurs d'être citée dans ce rapport tant il rejoint la position ancienne du Sénat sur ce sujet : « Au conseil d'analyse économique, nous avions travaillé il y a dix ans, sur la croissance des entreprises. Lorsque l'on regarde la croissance des entreprises, il y a trois seuils de transformation qui sont des seuils de mutations managériale et organisationnelle. Ils se situent à 30, 70 et 200 salariés. De manière schématique, un entrepreneur ordinaire, normalement talentueux, dirige très facilement 25 personnes. Pour passer à 70 salariés, cela est plus compliqué. Il faut commencer à se doter d'un certain nombre de postes d'encadrement pour suivre la production, les ventes.

« Ensuite, pour passer à 200 salariés, il faut se doter d'un véritable comité exécutif avec un directeur de la production, et un directeur financier. Ces seuils réels ne sont jamais pris en compte par le législateur. Or, et de manière constante depuis 20 ans, les entreprises françaises passent aussi bien que les entreprises allemandes le seuil de 30 salariés, mais deux fois moins d'entreprises françaises passent le seuil de 70 salariés par rapport aux entreprises allemandes. Celles qui passent le seuil de 70 salariés passent le seuil de 200 salariés dans les mêmes proportions que les entreprises allemandes. Ainsi, le seuil de 70 salariés est le principal blocage de l'économie française. Or, à partir de 50 salariés, on impose un nombre colossal d'obligations à l'entreprise, alors même que du fait de la vie naturelle de l'entreprise, elle n'a pas à ce moment-là l'encadrement nécessaire pour traiter ces obligations sociales ni d'organisation spécifique liée à la réglementation ».

Face à ce constat, il est difficile de ne pas regretter que le Gouvernement n'ait pas souhaité être plus offensif lors de la discussion de la dernière réforme du droit du travail.

Les mesures présentées par ce projet de loi semblent donc à cet égard bien timides et justifient d'aller plus loin (voir le commentaire de l'article additionnel après l'article 6 adopté par votre commission).

• Sur l'artisanat

Votre commission souligne que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale rouvre un débat que le Parlement avait entendu clore en 2016, en retenant une limite de 50 salariés pour l'exercice du « droit de suite ». Ce seuil avait été fixé à ce niveau afin de préserver l'appellation d'artisan aux petites PME, en considération du fait que l'activité artisanale implique une proximité directe du chef d'entreprise dans la réalisation même de l'activité de production ou de service exercée par l'entreprise.

En effet, la notion d'artisan est caractérisée non seulement par l'exercice d'une activité d'une nature spécifique, mais également par la participation directe du chef d'entreprise à l'exercice de cette activité et la transmission d'un savoir-faire .

Comme le soulignait en 2016 notre collègue Daniel Gremillet, alors rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique 55 ( * ) , le critère retenu par les juridictions pour déterminer l'existence d'un artisan est en effet celui de la « spéculation sur le travail d'autrui » : celui qui spécule sur le travail d'autrui est reconnu comme commerçant et non comme artisan. Dans ces conditions, plus le nombre d'employés d'une entreprise exerçant une activité artisanale croît, plus le chef d'entreprise aura tendance à être considéré comme spéculant sur le travail de ses employés, perdant aux yeux des tribunaux son caractère d'artisan.

Aussi votre commission n'est-elle pas favorable à ce que l'exercice du droit de suite s'opère sans aucune limite d'effectif salarié . Le risque d'un tel dispositif serait une dilution complète de la notion d'artisan , qui se limiterait à une image « marketing » sans que le contenu de l'activité soit différent, en pratique, d'une activité de production ou une activité de service commune. Le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat doit être conscient de ce risque important.

2. Les modifications proposées par votre commission

Outre deux amendements rédactionnel et de coordination avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 qui a repris certaines dispositions de cet article ( COM-440 , COM-443 ), votre commission a adopté deux amendements substantiels :

- le premier ( COM-441 ) à l'initiative de son rapporteur, rétablit le relèvement du seuil de 200 à 250 salariés pour l'obligation de mise à disposition d'un local syndical dans l'entreprise. La volonté du Gouvernement de simplifier le nombre de niveaux de seuils intermédiaires aux trois grands seuils qu'il entend promouvoir est à soutenir ;

- le second (COM-283 rect) adopté à l'initiative de notre collègue Daniel Gremillet et plusieurs membres du groupe Les Républicains, tend à réintroduire des seuils pour protéger l'identité artisanale tout en permettant la croissance des entreprises artisanales . En conséquence, le droit de suite des artisans s'exercerait :

- jusqu'au seuil de 250 salariés, qui est le seuil des entreprises de taille intermédiaire, pour les entreprises immatriculées ab initio au répertoire ou au registre ;

- jusqu'au seuil de 50 salariés, comme aujourd'hui, s'agissant des entreprises qui reprendraient le fonds exploité par une entreprise artisanale .

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 6 bis A (nouveau)
(art. L. 1233-3, L. 1233-61, L. 1233-87, intitulé du paragraphe 1
de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre IV du livre Ier, L. 2143-3, L. 2143-5, intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre IV du livre Ier, L. 2143-6, L. 2143-13,
L. 2232-10-1, intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 3 du chapitre II
du titre III du livre II, L. 2232-23-1, intitulé du paragraphe 3
de la sous-section 3 du chapitre II du titre III du livre II, L. 2232-24,
L. 2232-25, L. 2312-1, L. 2312-2, L. 2312-3, intitulé des sections 2 et 3
du chapitre II du titre Ier du livre III, L. 2312-8, L. 2315-7, intitulé
des sections 2 et 3 du chapitre V du titre Ier du livre III, L. 2315-63, L. 3121-45,
L. 3312-2, L. 3322-2, L. 4162-1, L. 6323-13, intitulé de la section 3
du chapitre II du titre III du livre III de la sixième partie et L. 6332-17
du code du travail)
Relèvement à 100 des seuils fixés à 50 salariés dans le code du travail

I. Le droit en vigueur

• 55 nouvelles obligations sociales et fiscales s'appliquent aux entreprises lorsqu'elles franchissent le seuil de 50 salariés

Le nombre d'obligations sociales et fiscales s'appliquant aux entreprises lorsqu'elles franchissent le seuil de 50 salariés est identifié depuis longtemps comme un problème structurel de l'économie et du marché du travail français.

En 2008 déjà, le rapport de la commission « Attali » 56 ( * ) constatait que le passage à 50 salariés se traduisait par l'assujettissement des entreprises à 34 nouvelles obligations. La volonté, salutaire, du Gouvernement de simplifier le nombre de niveaux des seuils autour des trois niveaux de 11, 50 et 250 a contribué à renforcer encore le niveau de 50 salariés. L'adoption des ordonnances « travail » en septembre 2017 a augmenté le nombre d'obligations à 49 en relevant certains seuils de 20 à 50 salariés. Le présent projet de loi poursuit ce mouvement en relevant le seuil de 20 à 50 salariés de six nouveaux régimes sociaux et fiscaux, ce qui porte le nombre d'obligations au seuil de 50 salariés à 55.

Le seuil de 50 salariés est tout particulièrement symbolique du fait de l'élargissement des obligations des entreprises en matière d'institutions représentatives du personnel (IRP). La fusion des IRP lors de la dernière réforme du travail a certes simplifié le paysage et diminué le nombre de salariés concernés par un mandat de représentant du personnel mais il n'en demeure pas moins que ces obligations nouvelles sont nombreuses. En passant au-dessus de 50 salariés, le chef d'entreprise est tenu de consulter le comité social et économique de l'entreprise pour une série de sujets touchant à l'organisation et la gestion générale de l'entreprise, aux conditions de travail, aux orientations stratégiques et à la situation économique et financière de l'entreprise, à sa politique sociale... C'est également à partir de 50 salariés que les entreprises sont tenues de négocier avec des délégués syndicaux et de négocier officiellement tous les quatre ans sur la politique salariale ainsi qu'en cas de recours à l'activité partielle...

La liste pourrait être encore longue mais traduit la nécessité réglementaire pour une entreprise de changer de dimension alors qu'elle n'a pas foncièrement changé d'échelle.

• Le seuil de 50 salariés est un frein économique, financier et psychologique ravageur pour la création d'emplois et la croissance des entreprises

Si les études économiques ne sont pas conclusives quant à l'effet des seuils sur la croissance des entreprises, le seuil de 50 salariés semble être un point de crispation qui se retrouve dans la dispersion par taille des entreprises françaises.

D'après les chiffres de l'enquête IFO commandée par la délégation sénatoriale aux entreprises 57 ( * ) , le nombre d'entreprises de 48-49 salariés est 1,8 fois plus important en France qu'en Allemagne. Devant votre commission 58 ( * ) , l'économiste Christian Saint-Etienne rappelant ses travaux pour le conseil d'analyse économique 59 ( * ) , insistait sur le nombre d'entreprises à 49 salariés, 2,5 fois plus important que celui des entreprises à 51 salariés. Lorsqu'elles franchissent le seuil de 70 salariés, la proportion d'entreprises française passant le seuil de 200 salariés est aussi importante qu'en Allemagne.

Le constat est donc documenté et sans appel : le seuil de 50 salariés constitue un frein à la croissance des entreprises et donc à la création d'emploi. Ce frein est de trois ordres :

- économique : l'instauration d'IRP plus consommatrices de ressources nécessite de se doter de directions des ressources humaines adaptées alors même que le dialogue direct entre le chef d'entreprise et ses salariés est encore possible et n'a pas besoin d'être institutionnalisé ;

- financier : outre l'adaptation organisationnelle et managériale, le passage au seuil de 50 entraîne un certain nombre d'obligations fiscales reposant sur l'ensemble de la masse salariale. Le coût d'un emploi supplémentaire ne se résume pas au coût marginal du dernier salarié arrivé ;

- psychologique : le changement de dimension liée à l'adaptation de la structure de l'entreprise peut faire craindre au dirigeant une perte de contrôle de son entreprise et le freiner dans la perspective de recruter.

Votre rapporteur, reprenant une position ancienne du Sénat, considère donc qu'il est nécessaire d'aller au-delà des mesures proposées aux articles 6 et 6 bis de ce projet de loi.

II. Le dispositif adopté par votre commission

Votre commission a adopté un amendement COM-516 visant à relever à 100 salariés l'ensemble des seuils identifiés dans le code du travail et fixés à 50 salariés.

Ce niveau apparaît le plus adapté au regard de la croissance naturelle des entreprises.

D'après les données évoquées par Christian Saint-Etienne devant votre commission, c'est à partir de 70 salariés que les entreprises doivent commencer à se doter d'un encadrement pour suivre la production, les ventes ainsi que les questions liées au personnel. Placer le seuil à 100 salariés, c'est donc offrir la possibilité aux entreprises de se doter, quand elles le jugent pertinent, de ces infrastructures.

À partir de 100 salariés, les entreprises sont également plus solides pour pouvoir faire face à un certain nombre d'obligations qui aujourd'hui à 50 salariés pèsent plus comme des contraintes que comme une possibilité de mettre en place une politique sociale adaptée.

Votre commission a adopté l'article 6 bis A (nouveau) ainsi rédigé .

Article 6 bis
(art. 44 octies A, 44 quindecies, 239 bis AB, 244 quater E, 1451, 1464 E, 1466 A, 1647 C septies du code général des impôts et art. 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003)
Limitation des seuils d'effectifs pour des dispositifs fiscaux spécifiques

I. Le droit en vigueur

Cet article s'inscrit dans la perspective de rationalisation et d'harmonisation des modalités de calcul des effectifs et des règles de franchissement de seuils pour l'application aux entreprises de leurs obligations sociales et fiscales.

Les seuils fiscaux actuellement en vigueur présentent les mêmes difficultés que les seuils sociaux évoqués dans l'article 6 (voir le I du commentaire de l'article 6) .

Le présent article répond, dans le champ du code général des impôts (CGI) , aux trois objectifs poursuivis par l'article 6 :

- la limitation du nombre de seuils, dans la mesure du possible, aux trois niveaux : 11, 50 et 250 . Aux termes de l'exposé des motifs, ne devrait plus subsister qu'un seuil fiscal 60 ( * ) de trois salariés pour l'exonération de cotisation foncière des entreprises pour les sociétés coopératives agricoles, les unions de coopératives agricoles et les sociétés d'intérêt collectif agricole, lorsque les communes et intercommunalités n'ont pas décidé de relever ce seuil à 11 salariés ;

- l'harmonisation des modalités d'appréciation des effectifs en appliquant, au droit fiscal, le I du nouvel article L. 130-1 créé par l'article 6 du présent projet de loi (voir le II du commentaire de cet article) . Dans le champ du CGI, « seul le seuil de 250 continuerait d'être décompté selon des modalités spécifiques pour satisfaire à des exigences communautaires » , précise l'exposé des motifs de l'amendement gouvernemental ;

- l'application aux dispositions du CGI visées de la nouvelle règle de franchissement du seuil prévue au II de l'article L. 130-1 aménageant un délai de cinq ans au cours duquel l'entreprise doit avoir dépassé effectivement le seuil avant que la nouvelle obligation ne s'applique.

L'étude d'impact du projet de loi indique qu'il était initialement prévu de traiter les seuils fiscaux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Le Gouvernement, pour des raisons de calendrier liées au retard pris dans l'examen de ce projet de loi, a préféré les intégrer directement dans ce texte.

Les articles 6 et 6 bis donnent donc une vision consolidée des modifications apportées actuellement aux seuils d'effectifs salariés.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En commission , les députés ont adopté un amendement du Gouvernement créant l'article 6 bis et dont le I modifie huit dispositifs fiscaux dans le code général des impôts.

Le du I modifie l'article 44 octies A qui met en oeuvre pour les entreprises de moins de 50 salariés l'exonération de d'impôt sur les bénéfices 61 ( * ) pour les entreprises s'installant en zone franche urbaine - territoires entrepreneurs. Il supprime certaines dispositions devenues obsolètes et précise que les effectifs s'apprécient, au titre de chaque exercice, selon les modalités prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. Il précise que l'entreprise perd le bénéfice de cette exonération lorsque la moyenne de ses effectifs sur la dernière année civile dépasse le seuil d'éligibilité. Le II-A précise que ce mécanisme s'appliquera aux activités créées à compter du 1 er janvier 2019.

Le procède à la même insertion à l'article 44 quindecies qui instaure l'exonération temporaire d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises au plus de 11 salariés présentes dans les zones de revitalisation rurale. Un dispositif de gel de trois ans avant la fin de l'exonération existait déjà et arrivait à échéance au 31 décembre 2018. Il est donc remplacé par un mécanisme pérenne et plus avantageux de gel sur cinq ans.

Le applique également l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale au dispositif institué à l'article 239 bis AB du code général des impôts qui prévoit la possibilité, pour les entreprises sous forme de société 62 ( * ) de moins de 50 salariés, d'opter pour le régime des sociétés de personnes, sous réserve d'autres conditions en particulier de détention de capital.

Le modifie l'article 244 quater E qui accorde aux entreprises de moins de 11 salariés le bénéfice d'un taux majoré de 30 % de crédit d'impôt au titre des investissements réalisés et exploités en Corse. Les modalités d'appréciation des effectifs seront désormais celles fixées au I de l'article L. 130-1. Le 4° prévoit toutefois une mesure spécifique pour limiter les effets de franchissement de seuil : si l'entreprise franchit le seuil au cours de l'exercice de réalisation d'un investissement éligible, ce franchissement ne remet pas en cause le crédit d'impôt au titre de cet investissement. L'exposé des motifs de l'amendement justifie ce cas spécifique par le fait que « le crédit d'impôt ne constitu(e) pas, contrairement aux autres dispositifs, un avantage fiscal pluriannuel » .

Pour les 2° à 4°, le II-B prévoit que ces dispositions s'appliqueront aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2019.

Les applique l'article L. 130-1 du code de la sécurité pour l'appréciation des effectifs s'appliquant à l'exonération de cotisation foncière des entreprises prévue pour les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, les sociétés d'intérêt collectif agricoles et les organismes agricoles divers d'au plus trois salariés (article 1451 du code général des impôts).

Le rétablit l'article 1464 E du même code qui autorise les communes et leurs établissements public de coopération intercommunale à relever ce seuil d'exonération de la CFE des mêmes entreprises agricoles à 11 salariés. Il applique également l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale pour l'appréciation de ces effectifs.

Le permet également d'appliquer l'article L. 130-1 à l'exonération de CFE prévue pour les entreprises de moins de 50 salariés situées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (article 1466 A du CGI). Le II-D fait entrer en vigueur cette disposition pour les établissements créés à compter du 1 er janvier 2019.

Enfin le procède à la même modification à l'article 1647 septies du code général des impôts qui prévoit un crédit d'impôt de CFE en faveur des micro-entreprises situées dans une zone de restructuration de la défense. Il supprime également le mécanisme temporaire de lissage pour la sortie du dispositif qui existait pour les exercices 2016 à 2018.

Le II-C prévoit une entrée en application des 5°, 6° et 8° pour les impositions établies au titre de 2019.

En séance publique , l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'initiative de nos collègues rapporteurs Denis Sommer et Roland Lescure pour appliquer la démarche de simplification et d'harmonisation aux deux dispositifs de taux réduit prévus à l'article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 63 ( * ) d'une part, pour la taxe pour le développement des industries de l'ameublement et des industries du bois et d'autre part, pour la taxe pour le développement des industries de la mécanique et du décolletage.

Cet amendement prévoit également un relèvement du seuil d'assujettissement de 20 à 50 salariés au taux réduit de la première taxe affectée et de 10 à 11 salariés de la seconde.

Le II-C prévoit une application de ces dispositions pour les impositions établies au titre de 2019.

III. La position de votre commission

Votre commission soutenant la démarche de simplification entreprise, même modestement 64 ( * ) , par le Gouvernement, elle a adopté un amendement COM-442 de coordination de son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 6 bis ainsi modifié.

Article 7 (supprimé)
(art. 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique)
Modification de la composition du conseil d'administration
de Business France

Le présent article a pour objet de modifier la composition du conseil d'administration de l'établissement public Business France. Il ne prévoit plus qu'y siègent des représentants des organisations professionnelles, et fait de la nomination de représentants des réseaux consulaires, aujourd'hui obligatoire, une simple option parmi les personnalités qualifiées.

I. Le droit en vigueur

Les acteurs du soutien public au développement international des entreprises françaises ont connu une profonde réorganisation depuis 2003. L' Agence Business France est désormais le principal interlocuteur des entreprises en matière de soutien à l'export, d'information des investisseurs étrangers et de promotion de l'attractivité économique de la France.

L'Agence Business France

Depuis 2003, les différents acteurs du soutien à l'internationalisation des entreprises ont fait l'objet d'une profonde réorganisation :

- l'article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a fusionné l'Agence française pour le développement international des entreprises (UBIfrance) et le Centre Français du Commerce Extérieur (CFCE), pour créer l'établissement public industriel et commercial UBIfrance ;

- l'article 27 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a amélioré la coordination entre UBIfrance et le réseau international du ministère de l'économie, en permettant de créer des « missions économiques UBIfrance » à l'étranger, qui rassemblent ces missions ;

- l'ordonnance n° 2014-1555 du 22 décembre 2014 portant fusion de l'Agence française pour les investissements internationaux et d'UBIfrance 65 ( * ) a prévu l'absorption de l'AFII par l'EPIC UBIfrance, désormais nommé « Business France ».

Établissement public industriel et commercial, Business France a été créé par le décret n°2014-1571 du 22 décembre 2014 relatif à l'agence Business France. L'agence est chargée par l'article 50 modifié de la loi du 1 er août 2003 des missions suivantes : favoriser le développement international des entreprises françaises, valoriser et promouvoir l'attractivité de la France, de ses entreprises et de ses territoires, et proposer à l'État une stratégie de communication et d'influence.

Pour remplir ces missions, l'agence dispose de 85 bureaux à l'étranger, intégrés aux missions diplomatiques. Dans les territoires français, elle agit en coordination avec les représentants de l'État et avec les régions. Entre 2012 et 2014, Business France a accompagné plus de 50 000 entreprises françaises à l'export, et accueilli plus de 1500 délégations d'investisseurs étrangers en France.

Lors de la transformation de l'EPIC UBIfrance en Business France en 2014, la gouvernance de l'établissement est restée sensiblement similaire.

Business France est désormais placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'aménagement du territoire. 66 ( * ) Une convention pluriannuelle fixe les objectifs et indicateurs de performance de l'agence.

L'agence est administrée par un conseil d'administration , dont la loi ne fixe que les grandes lignes de la composition. L'article 50 de la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 ne détermine pas le nombre de membres du conseil d'administration, mais prévoit en revanche que ses membres soient nommés parmi six catégories. Il est impérativement composé :

- d'un député et d'un sénateur ;

- de représentants de l'État ;

- de représentants des régions ;

- de représentants des organisations professionnelles et des réseaux consulaires ;

- de personnalités qualifiées en matière de développement économique international ;

- de représentants du personnel.

Le nombre total de membres du conseil d'administration et le nombre de membres issus de chaque catégorie sont en revanche fixés par décret , et ont connu une évolution significative lors de la création de Business France en 2015.

L'évolution de la composition précise du conseil d'administration est retracée dans le tableau ci-dessous.

Source : commission spéciale

Le conseil d'administration comptait initialement 28 membres en 2004 67 ( * ) , mais compte 22 membres depuis 2014 68 ( * ) . Le Gouvernement expliquait alors que « la gouvernance est peu modifiée par rapport à celle prévue pour UBIfrance si ce n'est la répartition des sièges au conseil d'administration qui sera fixée par décret, avec un conseil d'administration resserré ». Les membres sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, des affaires étrangères et de l'aménagement du territoire.

II. Le projet de loi initial

L'article 7 du présent projet de loi, dans sa version initiale, proposait de supprimer les sièges du conseil d'administration de Business France dédiés à un député, un sénateur, aux représentants des organisations professionnelles et aux représentants des réseaux consulaires.

Il proposait ainsi d'abroger les 1° et 4° du II de l'article 50 de de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique.

Il était prévu que cette modification de la composition du conseil d'administration entre en vigueur trois mois après la publication de la présente loi, ou à l'entrée en vigueur du décret d'application si celle-ci intervenait préalablement à la publication de la loi.

Le Gouvernement explique ainsi vouloir resserrer la composition du conseil d'administration, « afin qu'elle réponde de la façon la plus efficiente possible à sa mission » , notant que sa structure actuelle « ne paraît pas adaptée » . 69 ( * ) Il note également que les dispositions relatives à Business France sont dérogatoires à la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, qui encadre la composition des établissements publics industriels et commerciaux de droit commun, celle-ci ne prévoyant que trois catégories.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Un amendement du rapporteur thématique adopté en commission à l'Assemblée nationale a maintenu la présence obligatoire d'un député et d'un sénateur au sein du conseil d'administration de Business France.

Afin de répondre à la suppression de la nomination obligatoire de représentants des réseaux consulaires, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a également prévu que les ministres de tutelle puissent nommer des personnalités qualifiées « issues des réseaux consulaires », mais il s'agit d'une simple faculté, alternative à la nomination de personnalités qualifiées en matière de développement économique international.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que la mesure proposée par le présent article intervient de manière prématurée. Alors que la composition du conseil d'administration est restée relativement stable depuis 2008, la réflexion sur la réforme du service vient tout juste d'être engagée : les ministres de tutelle viennent d'ailleurs de confier à Pascal CAGNI, président du conseil d'administration de Business France, une mission sur la gouvernance de l'agence. Sollicitée par votre rapporteur, l'administration a indiqué que les conclusions de cette mission n'étaient pas encore disponibles. La réforme de fond sur les missions et l'organisation du soutien à l'export débute également. En l'état des réflexions, il semble prématuré de modifier l'encadrement législatif de la gouvernance de Business France.

De manière générale, à l'heure où le Gouvernement annonce une nouvelle évolution du dispositif de soutien à l'export, centrée notamment sur la mise en place d'un guichet unique réunissant Business France et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), et sur un renforcement du maillage territorial, il semble étonnant d'exclure les représentants des réseaux consulaires du conseil d'administration de Business France. C'est au contraire une opportunité intéressante de développer les synergies entre ces réseaux. L'amendement adopté à l'Assemblée nationale, qui prévoit que puissent être nommés parmi les personnalités qualifiées, des personnes « issues de réseaux consulaires » n'impose en rien que des représentants soient effectivement désignés. Il est légitime de conserver une représentation de plein droit des réseaux consulaires. De surcroît, celles-ci ont indiqué à votre rapporteur ne pas avoir été consultées sur la présente mesure.

De même, votre rapporteur s'étonne de l'exclusion des organisations professionnelles, les missions de soutien à l'export de Business France étant avant tout réalisées au service des entreprises. Il est important de maintenir la relation entre acteurs publics et privés, et en particulier la représentation des petites entreprises, qui sont justement les plus éloignées des marchés internationaux et ont le plus fort potentiel de développement à l'export. D'ailleurs, rien n'indique qu'une réduction de la taille du CA n'emporte « une lisibilité accrue pour les entreprises », comme le prétend le Gouvernement : celles-ci ne traitent pas directement avec le conseil. En revanche, la suppression de la présence des organisations professionnelles serait pénalisante.

Votre rapporteur remarque qu'une gouvernance resserrée de Business France ne nécessite aucunement la suppression de catégories de représentants. Le nombre total de membres du CA, et le nombre de représentants par catégorie est à la main du Gouvernement, qui peut tout à fait les réduire par décret . Il s'interroge par exemple sur la présence au sein du conseil d'un représentant du ministère du budget, qui n'est plus une autorité de tutelle. Interrogée à ce sujet, l'administration a indiqué que les arbitrages relatifs aux nombres de membres du conseil d'administration n'avaient pas été arrêtés.

Enfin, alors qu'un équilibre numérique existe actuellement entre, d'une part, les représentants de l'État et personnalités qualifiées, et, de l'autre, les parlementaires, les représentants des régions, des organisations professionnelles et des réseaux consulaires, la suppression des catégories mentionnées ci-dessus augmenterait notablement le poids de l'État dans le conseil d'administration.

Sans disposer de davantage d'informations sur le format envisagé, il semble donc préférable de conserver la répartition actuelle. En conséquence, et sur proposition du rapporteur, votre commission a donc adopté l'amendement de suppression COM-429.

Votre commission a supprimé l'article 7 .

Article 7 bis
(art. L. 122-3, L. 122-12 et L. 122-12-1 du code du service national)
Modification de l'encadrement de la durée et des indemnités
du volontariat international en entreprise (VIE)

Le présent article a pour objet de modifier certains paramètres de l'encadrement du volontariat international en entreprise (VIE). Il propose notamment de réduire la durée minimale devant être passée à l'étranger, et de modifier la manière dont est fixé le montant de l'indemnité dite « supplémentaire ».

I. Le droit en vigueur

À l'initiative du Sénat, le régime du volontariat international a été rénové par la loi n°2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique. Aux côtés du service national et du service civique, le chapitre II du titre II du code du service national désormais offre la possibilité d'effectuer d'autres formes de volontariat, parmi lesquelles le volontariat international .

Le volontariat international

Issue de la réflexion ayant suivi la suppression du service national, la loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national a prévu la possibilité de réaliser à l'étranger le service civique prévu par le code du service national.

La loi n°2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique a formalisé cette possibilité, en créant le « volontariat international », qui peut être réalisé en administration (VIA) ou en entreprise (VIE). Le régime de ces VI est fixé au chapitre II du titre II du livre I er du code du service national.

Les VIE sont gérés par l'agence Business France, chargée du soutien à l'internationalisation et aux exports des entreprises françaises. Les VIA relèvent des administrations de l'État, et sont réalisés, entre autres, dans les ambassades et consulats, ou dans les instituts de recherche publics à l'étranger.


Nombre de volontariats internationaux en entreprise (VIE) réalisés annuellement

Source : Données fournies par
la Direction Générale des Entreprises (DGE)

Selon les chiffres fournis par l'administration, en 2018, plus de 10 348 VIE sont effectués dans plus de 119 pays, au service de 1955 entreprises (ces nombres étant en progression variant entre 4 et 8 % par an depuis 2011). La durée moyenne des volontariats est de 18 mois, et ils sont réalisés principalement dans des pays industrialisé (États-Unis, Union européenne, Chine, Canada, Singapour...). L'effectif total des VIA se situe autour de 770 volontaires par an.

Dans le droit actuel, tout jeune Français ou Française entre 18 et 28 ans peut ainsi se porter candidat pour un volontariat international à l'étranger, réalisé en administration (VIA) ou en entreprise (VIE) . Au titre de l'article L. 122-4 du code du service national, ces volontaires « participent à l'action de la France dans le monde en matière d'action culturelle et d'environnement, de développement technique, scientifique et économique et d'action humanitaire. Ils contribuent également à l'action de la France en faveur du développement de la démocratie et des droits de l'homme, éléments indissociables d'une politique de paix, et au bon fonctionnement des institutions démocratiques. » Plus spécifiquement, le même article prescrit que les VIE sont des missions de coopération économique , c'est-à-dire que le volontaire contribue à l'internationalisation et à l'amélioration de la capacité à l'export des entreprises françaises.

Encadrement de la durée du volontariat international en entreprise

L'article L. 122-3 du code du service national encadre la durée du volontariat international. Les VIE, tout comme les VIA, durent entre 6 à 24 mois.

Toutefois, une contrainte supplémentaire est prévue pour le VIE : s'il est permis qu'une partie du VIE soit réalisée en France, notamment afin de familiariser le volontaire avec l'entreprise qu'il représentera à l'étranger et de le former à son poste, au moins deux cent jours par an doivent être passés à l'étranger pendant la durée du volontariat. Cet encadrement, instauré par l'article 51 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique 70 ( * ) , reflète la vocation « internationale » du VIE. L'administration applique actuellement cette contrainte au prorata de la durée totale : ainsi, pour une mission de six mois, le temps minimal à l'étranger est de cent jours 71 ( * ) .

Indemnités de volontariat international

Les articles L. 122-12 et L. 122-12-1 du code du service national déterminent le régime d'indemnisation des volontariats internationaux.

Au titre de l'article L. 122-12, les volontaires sont rémunérés :

- par une indemnité fixe mensuelle , d'un montant défini par décret et identique pour tous types de volontariat international, s'élevant actuellement à 723,99 euros ;

- par des prestations additionnelles ou une indemnité dite « supplémentaire » visant à couvrir les besoins de subsistance, d'équipement ou de logement. Son montant est variable en fonction de la collectivité, du pays, de la région des pays, ou de la zone géographique concernée.

L'article L. 122-12-1, créé par l'article 29 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, autorise en sus la modulation de l'indemnité supplémentaire en fonction de la nature des activités exercées, mais pour les volontaires internationaux en entreprises uniquement. Cette possibilité ouverte au seul bénéfice des VIE, introduite par amendement, visait à augmenter l'attractivité de ce type de volontariat et à permettre aux entreprises de mieux rémunérer les compétences qu'elles cherchent à attirer.

Les modalités de fixation des indemnités du volontariat international figurent au décret n° 2000-1159 du 30 novembre 2000 pris pour l'application des dispositions du code du service national relatives aux volontariats civils, modifié par le décret n°2009-1012 du 25 août 2009. L'article 18 dudit décret n°2000-1159 dispose ainsi depuis 2009 que :

« Le montant de l'indemnité supplémentaire prévue au second alinéa de l'article L. 122-12 susmentionné est fixé par arrêté conjoint du ou des ministres compétents et du ministre chargé du budget.

Le montant de l'indemnité supplémentaire pour les volontaires internationaux en entreprise prévue à l'article L. 122-12-1 du code du service national varie en fonction de la nature de la mission exercée, des conditions de son accomplissement et du pays dans lequel elle se déroule. Il est fixé chaque année par un arrêté conjoint du ministre chargé du commerce extérieur et du ministre chargé du budget. »

En pratique, ces deux indemnités sont calculées en fonction de taux d'ajustement globaux fixés, au titre de l'article 46 du même décret, par arrêté. Ils tiennent compte « notamment des variations des changes et du coût de la vie à l'étranger » 72 ( * ) . L'indemnité supplémentaire pour les VIE fait l'objet d'un arrêté spécifique.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Sur proposition de son rapporteur thématique et de son rapporteur général, la commission spéciale a adopté le présent article additionnel.

Il propose tout d'abord de réduire la durée minimale devant être passée à l'étranger dans le cadre d'un volontariat international en entreprise à 183 jours par an , contre 200 dans le droit en vigueur. L'article L. 122-12 du code du service national serait modifié en ce sens.

D'autre part, il propose de clarifier le régime de l'indemnité supplémentaire : la modulation de l'indemnité supplémentaire spécifique aux VIE serait supprimée à l'article L. 122-12-1, mais il serait prévu à l'article L. 122-12 qu'il puisse être dérogé au taux uniforme de l'indemnité supplémentaire dans des conditions encadrées par décret, et lorsque le statut ou les conditions d'entrée et de séjour du volontaire dans l'État de séjour l'imposent. Cette modification du régime de l'indemnité supplémentaire n'entrerait en vigueur qu'un an après la publication de la présente loi, afin d'offrir aux entreprises et aux jeunes volontaires la visibilité nécessaire.

Selon ses auteurs, cette mesure vise, d'une part, à consolider la relation entre le volontaire et l'entreprise, en permettant à celle-ci de former le volontaire plus longtemps sur le territoire français ; de l'autre, à uniformiser le régime d'indemnité applicable aux VIE et VIA en autorisant une modulation de l'indemnité ouverte aux deux types de volontaires.

Cet article n'a pas été modifié en séance publique à l'Assemblée nationale.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que le volontariat international en entreprise a démontré son succès auprès des entreprises et des jeunes, le nombre de volontaires étant en hausse constante depuis plusieurs années.

La prolongation raisonnable de la durée pouvant être passée au sein de l'entreprise, en France, par le volontaire, sera de nature à renforcer leur lien. Elle pourra permettre de mieux familiariser le volontaire avec le fonctionnement de l'entreprise d'accueil, ses offres de produits, sa culture d'entreprise et ses objectifs à l'export, et ainsi de gagner en efficacité une fois en poste à l'étranger. Par ailleurs, le délai minimal devant être passé à l'étranger n'étant réduit que de 17 jours, cela ne semble pas de nature à remettre en cause la vocation internationale du VIE.

En ce qui concerne la modification du régime d'indemnité, la mesure proposée améliore la lisibilité et l'uniformité du dispositif actuel, puisqu'elle supprime une dérogation au seul bénéfice du VIE, la remplaçant par une possibilité de modulation ouverte au VIE aussi bien qu'au VIA. L'indemnité des VIE devrait ainsi converger vers celle des VIA.

En prévoyant que le montant de l'indemnité « varie » , la formulation actuelle de cette dérogation imposait la modulation de l'indemnité, ce qui s'avère fastidieux au vu du nombre de VIE, de l'étendue des pays concernés, et de la rotation importante des postes. D'ailleurs, depuis l'arrêté du 8 janvier 2015 73 ( * ) , aucun décret spécifique à l'indemnité supplémentaire des VIE n'a été pris. La formulation « peut varier » devrait permettre de mieux adapter la modulation en fonction des circonstances.

Enfin, les critères prévus à l'article L. 122-12-1, c'est-à-dire « la nature de la mission exercée, les conditions de son accomplissement et le pays dans lequel elle se déroule » paraissent peu adaptés, en ce qu'ils ne couvrent pas, par exemple, le statut particulier du volontaire dans le pays d'accueil. Celui-ci résulte pourtant souvent de contraintes extérieures liées à la règlementation du pays d'accueil, notamment à la qualification administrative du volontariat.

Votre rapporteur s'est assuré que la rédaction des dispositions relatives à la modulation de l'indemnité ne remettrait pas en cause l'égalité de traitement des VIE , qui reste garantie par le code du service national. Il estime au contraire que la suppression de la référence à une modulation selon la « nature de la mission » conduira à harmoniser le traitement des différents volontaires.

Votre commission a adopté l'article 7 bis sans modification .

Article 7 ter
(art. 119 de la loi n° 2005 1720 du 30 décembre 2005
de finances rectificative pour 2005)
Précisions relatives au mandat donné par l'État
à la Caisse française de développement industriel
en matière de garantie des opérations de construction navale civile

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

Le présent article a pour objet de préciser les missions confiées à la Caisse française de développement industriel, mandatée par l'État en matière de garantie directe des opérations de construction navale civile. Il prévoit notamment qu'elle puisse assurer le recouvrement des recettes, le paiement des dépenses, ester en justice, et déléguer certaines missions à des tiers.

I. Le droit en vigueur

1. La création d'un dispositif de garantie par l'État de la construction navale

L'article 119 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 a instauré un dispositif de garantie publique indirecte des opérations de construction navale civile.

Le secteur de la construction navale civile fait face à des difficultés particulières de financement. Les montants unitaires élevés des contrats, portant un risque conséquent, réduisent l'offre privée de financement et de cautionnement. La garantie indirecte par l'État instaurée en 2006 visait à remédier à cette défaillance de marché, et à donner davantage de visibilité au financement des chantiers navals.

L'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 précitée autorisait donc l'État à offrir des « surgaranties » indirectes aux opérations de construction : l'État garantissait la Caisse française de développement industriel (CFDI), société anonyme filiale de Natixis, qui garantissait à son tour les établissements financiers accordant des cautionnements, garanties ou préfinancements aux chantiers navals.

L'encadrement par le droit européen du régime de garantie

Le droit européen encadre fortement les régimes de soutien aux entreprises susceptibles de constituer des aides d'État, à ce titre incompatibles avec les règles du marché unique.

Des dispositifs de garantie similaires à la garantie publique indirecte aux opérations de construction navale civile existaient d'ores et déjà dans d'autres États membres avant son introduction en droit français par la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 (comme en Allemagne ou en Italie par exemple).

La France a consulté la Commission européenne sur le dispositif proposé. Dans une décision du 16 mai 2006, celle-ci a considéré que, compte tenu des critères spécifiques encadrant l'émission des garanties, le régime français n'était pas constitutif d'une aide d'État et était compatible avec les règles du marché unique jusqu'au 31 décembre 2010, date à laquelle il devait être réexaminé en vue d'une éventuelle prorogation. La prorogation jusqu'au 31 décembre 2015 de la garantie publique a été approuvée par la Commission européenne le 23 février 2011. Enfin, le 1 er avril 2016, la Commission européenne a rendu un avis favorable sur la reconduction du régime de garanties en faveur du financement de la construction navale.

Afin de respecter les exigences du droit européen en matière d'aides d'État, ce dispositif de garantie indirecte était fortement encadré par la loi :

- il ne visait que les opérations d'un montant supérieur à 40 millions d'euros, exposés aux plus forts risques financiers ;

- le montant total de garantie pouvant être offerte était plafonné à 900 millions d'euros ;

- la garantie était limitée aux cautionnements et préfinancements engagés avant le 30 décembre 2010 (c'est-à-dire pour une durée de cinq ans) ;

- l'État percevait au titre de sa garantie une rémunération supérieure au taux de marché ;

- les entreprises bénéficiaires devaient respecter un ratio minimal de fonds propres sur engagements financiers, selon des conditions définies par décret en Conseil d'État, afin de s'assurer qu'elles ne rencontrent pas de difficultés financières.

Un décret n° 2006-563 du 17 mai 2006 74 ( * ) , modifié par le décret n° 2016-543 du 3 mai 2016 relatif au régime de garantie de l'État en faveur des sociétés du secteur de la construction navale, définit plus précisément les critères et les modalités d'octroi de la garantie indirecte de l'État.

Critères et modalités d'octroi de la garantie

Au titre des dispositions règlementaires résultant du décret n° 2006-563 du 17 mai 2006 fixant les conditions et modalités d'application de l'article 119 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, relatif au régime de garantie de l'État en faveur des sociétés du secteur de la construction navale, et du décret n° 2016-543 du 3 mai 2016 relatif au régime de garantie de l'État en faveur des sociétés du secteur de la construction navale :

- la garantie ne peut bénéficier qu'à des entreprises solvables, respectant un ratio minimal de fonds propres sur engagements financiers de 13,33 % ou un ratio minimal de couverture des intérêts, calculé sur la base de l'excédent brut d'exploitation, fixé à 1. Elles doivent disposer de fonds propres supérieurs ou égaux à 50 % du capital social. Elles ne peuvent être soumises à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

- les entreprises bénéficiaires doivent posséder en France des capacités de conception et de fabrication de navires civils, mais la garantie est ouverte sans critère de nationalité ;

- la garantie ne peut couvrir plus de 80 % de chacun des cautionnements, garanties et préfinancements privés, ne peut être accordée que sur présentation d'un plan de financement du contrat, et ne peut avoir une durée supérieure à 4 ans ;

Chaque demande de garantie reçue par la CFDI est transmise à un comité d'engagement, composé de représentants des ministres chargés de l'économie, du budget, de l'industrie et de la CFDI. Le comité d'engagement instruit cette demande, au vu de la santé de l'entreprise, du montant et de la durée de la garantie octroyée, de manière à en mesurer l'étendue, puis rend un avis au ministre chargé de l'économie. Celui-ci rend ensuite une décision d'octroi ou de refus de la garantie.

La CFDI produit chaque année un rapport au ministre sur la mise en oeuvre du régime de garantie et sur son évaluation, en vue de s'assurer de son équilibre financier.

2. L'élargissement progressif du dispositif de garantie publique

La garantie indirecte aux opérations de construction navale civile a été élargie par l'article 101 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010. Le champ des établissements apportant ces garanties a été étendu aux entreprises d'assurances et autres garants (notamment pour tenir compte des cautionnements offerts à l'étranger par des compagnies d'assurance). L'article 22 de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement a également inclus les sociétés de financement parmi les établissements éligibles.

D'autre part, ce dispositif a été régulièrement reconduit. L'article 101 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 a ainsi rendu éligibles les cautionnements et préfinancements offerts jusqu'au 31 décembre 2015. Au titre de l'article 108 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, l'offre de garantie est désormais prolongée jusqu'au 31 décembre 2025.

Enfin, le plafond des garanties offertes par l'État a progressivement été relevé. L'article 76 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 l'a porté de 900 millions à 2 milliards d'euros ; puis l'article 108 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 l'a de nouveau élevé à 3 milliards d'euros. Aucune nouvelle augmentation ne serait pour l'instant envisagée.

L'objectif de ces prolongations et du relèvement du plafond est de permettre à l'État de continuer à garantir de nouvelles commandes de navires, l'horizon temporel d'une opération de construction s'étendant en général sur deux ans. Le montant des encours des garanties successives est donc ainsi nécessairement amené à évoluer à la hausse. Sans relèvement des plafonds, il serait impossible d'assurer de nouvelles prises de commandes sous garantie. Par ailleurs, le prix des navires est structurellement sujet à augmentation.

En 2016, l'article 108 de la loi de finances rectificative pour 2015 précitée a modifié au fond le dispositif de garantie, en abandonnant le modèle de garantie publique indirecte au profit d'une garantie directe offerte par l'État aux entreprises de construction navale, la garantie restant toutefois gérée par la Caisse française de développement industriel. Au titre de la rédaction actuelle de l'article 119 modifié de la loi n° 2005-1720 précitée : « La Caisse française de développement industriel est chargée par l'État d'émettre et de gérer ces garanties publiques sous son contrôle, pour son compte et en son nom. » Ce modèle de garantie directe est entré en vigueur au 1 er janvier 2017.

3. Mise en oeuvre de la garantie

Selon les informations dont dispose votre rapporteur, un seul constructeur a, à ce jour, bénéficié du dispositif de garantie : il s'agit de la société Chantiers de l'Atlantique (de 2008 à 2018 « STX France », nationalisée de manière temporaire en juillet 2018), qui gère les chantiers navals de Saint-Nazaire et de Lorient. Les garanties octroyées ont bénéficié, par exemple, à la construction des navires Harmony of the Seas , MSC Meraviglia ou Celebrity Edge . Les livraisons des commandes en cours s'étaleraient jusqu'à 2024.

Aucune garantie n'a été appelée depuis la mise en place du dispositif, en l'absence de sinistre constaté. L'impact budgétaire de ce mécanisme de garantie est donc positif, puisque la rémunération perçue par l'État au titre de sa garantie, supérieure aux taux de marchés, aurait généré plus de 28,7 millions d'euros de recettes entre 2006 et 2014. Au titre de la loi de finances initiale pour 2018, les recettes de la garantie des opérations de construction navale se sont élevées à près de 10,7 millions d'euros cette année, versés au budget général de l'État.

La rémunération de la garantie de l'État

Au titre de l'article 4 du décret n° 2006-563 du 17 mai 2006 fixant les conditions et modalités d'application de l'article 119 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, relatif au régime de garantie de l'État en faveur des sociétés du secteur de la construction navale, la rémunération de la garantie de l'État comprend :

- Une commission de garantie (basée sur le taux appliqué par les établissements de crédit, entreprises d'assurance et autres établissements garants, augmenté d'une prime d'au moins 20 points de base et diminué du taux de refinancement en cas de préfinancement) ;

-  Une commission d'engagement (calculée par référence aux commissions d'engagement dues aux établissements de crédit, entreprises d'assurance et autres établissements garants, au prorata de la quotité garantie).

L'État conclut une convention avec la CFDI, qui détermine les modalités selon lesquelles celle-ci perçoit les commissions au nom de l'État. La convention actuellement en vigueur a été signée le 29 juin 2016, à la suite du passage au régime de garantie directe.

Les sommes perçues sont ensuite reversées sur une base semestrielle sur le compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur ».

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'Assemblée nationale, la commission spéciale a adopté le présent article additionnel, qui n'a fait l'objet d'aucune modification en séance.

Il propose de compléter l'article 119 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, qui fixe le régime législatif de la garantie publique des opérations de construction navale civile, afin de donner mandat législatif exprès à la Caisse française de développement industriel pour les activités constitutives de la gestion des garanties publiques de l'État.

L'article 119 précité mentionne actuellement uniquement : « La Caisse française de développement industriel est chargée par l'État d'émettre et de gérer ces garanties publiques sous son contrôle, pour son compte et en son nom. » Au titre de la mesure proposée, l'article 119 préciserait le mandat confié à la CFDI, pour l'autoriser explicitement à :

- recouvrer les recettes ;

- ester en justice dans le cadre d'un recouvrement contentieux et procéder à toute action permettant d'assurer la conservation des droits de l'État ;

- déléguer à des tiers habilités ces actions ;

- effectuer les paiements d'éventuelles dépenses si des indemnisations devaient être décaissées et  réaliser toute opération de maniement de fonds issus de ses activités.

Elle rappelle également que les actions conduites par la CFDI sont réalisées au nom et pour la compte de l'État, qui demeure le titulaire des droits et obligations nés au titre de ces opérations.

III. La position de votre commission

Bien que le lien de cet article avec les mesures initiales du présent projet de loi soit pour le moins distant, votre rapporteur estime que la disposition proposée est utile au développement des entreprises de construction navale, en ce qu'elle clarifie et sécurise le mandat de la Caisse française de développement industriel (CFDI). Cette société étant amenée à recouvrir et gérer des fonds perçus au nom de l'État, il est opportun que la loi, plutôt que le règlement, décrive précisément les missions qui lui sont confiées.

Afin de préserver les intérêts financiers de l'État , les précisions apportées permettront notamment à la CFDI d'avoir recours à des cabinets d'avocats ou à des experts dans le cadre de la gestion d'un éventuel sinistre, de traiter les cas de mise en hypothèque, ou encore de porter des actions en justice. Il est également précisé que la CFDI peut encaisser les recettes pour le compte de l'État et engager certaines dépenses, les dispositions actuelles ne mentionnant que la « gestion » .

Votre rapporteur note d'ailleurs qu'une solution similaire avait été retenue lors du passage en régime de garantie directe des garanties à l'exportation de Bpifrance Assurance Export (autrefois gérées par la Coface) en 2017. Des dispositions identiques précisant législativement le mandat de Bpifrance avaient ainsi été insérées à l'article L. 432-4 du code des assurances par l'article 130 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. Selon les éléments recueillis auprès de l'administration par votre rapporteur, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel avait recommandé d'apporter ces précisions législatives.

Votre commission a adopté l'article 7 ter sans modification .

Article 8
(art. L. 310-3 du code de commerce)
Réduction de la durée des soldes

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 310-3 du code de commerce, les soldes constituent des ventes qui, d'une part, sont accompagnées ou précédées de publicité et sont annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock et qui, d'autre part, ont lieu durant les périodes définies de l'année civile .

Entre le 1 er janvier 2009 75 ( * ) et le 1 er janvier 2015 76 ( * ) , les soldes ont été organisées sur trois périodes :

- deux périodes d'une durée de six semaines chacune , dont les dates et heures de début étaient fixées par décret .

Les dispositions d'application de ce dispositif ont été prises dans le cadre du décret n° 2008-1343 du 18 décembre 2008, lequel a fixé, à l'article D. 310-15-2 du code de commerce, les dates suivantes :

* les soldes d'hiver débutent le deuxième mercredi du mois de janvier à 8 heures du matin ; cette date est avancée au premier mercredi du mois de janvier lorsque le deuxième mercredi intervient après le 12 du mois ;

* les soldes d'été débutent le dernier mercredi du mois de juin à 8 heures du matin ; cette date est avancée à l'avant-dernier mercredi du mois de juin lorsque le dernier mercredi intervient après le 28 du mois.

En outre, ce même décret a fixé en annexe à l'article D. 310-15-3 du code de commerce, des dates différentes dans certains départements, afin de tenir compte d'une forte saisonnalité des ventes ou d'opérations commerciales menées dans des régions frontalières. 77 ( * ) Toutefois, cette mesure ne concerne pas les ventes à distance, définies à l'article L. 221-1 du code de la consommation ;

- une période d'une durée maximale de deux semaines ou deux périodes d'une durée maximale d'une semaine, dont les dates sont librement choisies par le commerçant ; ces périodes complémentaires devant toutefois s'achever au plus tard un mois avant le début d'une des autres périodes de soldes. Ce second type de solde a été supprimé à compter du 1 er janvier 2015 dans la mesure où il n'a pas eu le succès escompté.

En tout état de cause, quelle que soit la période de solde considérée, les produits annoncés comme soldés doivent avoir été proposés à la vente et payés depuis au moins un mois à la date de début de la période de soldes considérée. En outre, dans toute publicité, enseigne, dénomination sociale ou nom commercial, l'emploi du mot : solde ou de ses dérivés est interdit pour désigner toute activité, dénomination sociale ou nom commercial, enseigne ou qualité qui ne se rapporte pas à une opération de soldes.

II. Le dispositif proposé

Constatant un essoufflement du mécanisme des soldes tel qu'il est actuellement organisé par l'article L. 310-3 du code de commerce, et à la suite d'une concertation menée avec les acteurs du commerce, le Gouvernement a décidé de proposer une modification de la durée des soldes, qui serait désormais limitée à quatre semaines , sans remettre en cause l'existence de deux périodes distinctes dans l'année civile.

Toutefois, au niveau législatif, le choix retenu par le I du présent article est de prévoir une fourchette entre une durée minimale et une durée maximale des soldes , la fixation de la durée exacte des périodes dans ces limites devant intervenir par décret .

Le II de cet article organise une entrée en vigueur différée de ce dispositif, qui ne trouverait à s'appliquer qu'à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.

Selon les indications fournies par la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances, cette entrée différée vise à permettre aux commerçants d'adapter, en tant que de besoin, leur cycle d'approvisionnement. Il est présenté comme particulièrement destiné aux commerces indépendants, principalement implantés en centre-villes, qui connaissent des contraintes de négociation et des spécificités de gestion de stock différentes des grandes enseignes.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Cet article n'a fait l'objet d'aucune modification par les députés.

IV. La position de votre commission

Votre commission constate qu'en tant que tel, le dispositif proposé ne change pas directement l'état du droit mais permettra au pouvoir réglementaire de réduire la durée des deux périodes annuelles de soldes à quatre semaines .

Une période plus courte peut contribuer à redynamiser les soldes, notamment grâce à la hausse des flux de clientèle en magasins. Pour autant, elle ne devrait pas remettre en cause la baisse tendancielle des chiffres d'affaires des commerces qui y ont recours, dès lors que celle-ci résulte de l'essor du e-commerce (qui est particulièrement marqué dans le secteur de l'habillement, traditionnellement grand bénéficiaire des soldes) ainsi que de la libéralisation des promotions et, en particulier, des « ventes privées ».

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-510 tendant à assurer la cohérence juridique du dispositif en visant, à droit constant, les dispositions en vigueur du code de la consommation relative au commerce électronique.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 8 bis (nouveau)
(art. L. 3122-3, L. 3122-4 et L. 3122-15-1 [nouveau] du code de commerce)
Travail en soirée dans les commerces alimentaires

I. Le droit en vigueur

Afin de protéger la santé des salariés, la législation sur le travail encadre strictement les possibilités pour l'employeur de faire travailler ses salariés pendant la période nocturne.

L'article L. 3122-2 du code du travail définit ainsi le travail de nuit comme le travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures , la période de travail de nuit commençant au plus tôt à 21 heures et s'achevant au plus tard à 7 heures.

Toutefois, pour certaines activités limitativement énumérées , la période de travail de nuit est réduite à une période d'au moins sept heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures. Il s'agit des activités : de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d'exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque.

La possibilité de recourir dans une entreprise au travail de nuit doit être décidée par un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche qui doit prévoir :

- les justifications du recours au travail de nuit ;

- la définition de la période de travail de nuit, dans les limites légales précitées ;

- une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ;

- des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ;

- des mesures destinées à faciliter, pour ces mêmes salariés, l'articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l'exercice de responsabilités familiales et sociales, concernant notamment les moyens de transport ;

- des mesures destinées à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l'accès à la formation ;

- l'organisation des temps de pause .

II. Le texte adopté par votre commission

Les dispositions actuelles du code du travail ne permettent pas de sécuriser juridiquement les ouvertures en soirée des commerces alimentaires . Malgré la demande grandissante des consommateurs , notamment dans les centres urbains, de pouvoir bénéficier d'une offre de commerce alimentaire en soirée, et l'acceptation de salariés, dans le cadre d'accords d'entreprise ou d'établissement, d'effectuer leur tâche en soirée, des décisions judiciaires sont venues annuler des ouvertures en soirée, compte tenu du caractère très limitatif des dispositions législatives actuelles.

Aussi votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-95 présenté par Serge Babary et plusieurs de nos collègues tendant à :

- aligner la période de nuit dans le commerce alimentaire sur celle prévue à l'article L. 3122-3 du code de commerce, conformément à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. La période de nuit serait ainsi de sept heures comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures du matin ;

- prévoir la conclusion d'un accord collectif pour organiser l'ouverture en soirée des commerces alimentaires, qui devra déterminer les compensations attribuées aux salariés qui travaillent entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit , ainsi que les mesures destinées à améliorer les conditions de travail, à faciliter l'articulation de leur activité professionnelle avec leur vie personnelle et à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes.

Ces évolutions permettront de sécuriser et de préserver l'emploi de 45 000 salariés travaillant actuellement en soirée dans les commerces alimentaires.

Votre commission a adopté l'article 8 bis (nouveau) ainsi rédigé.

Article 9
(art. L. 225-7, L. 225-16, L. 225-26, L. 225-40, L. 225-40-1, L. 225-42, L. 225-73, L. 225-88, L. 225-88-1, L. 225-90, L. 225-100, L. 225-115, L. 225-135, L. 225-136, L. 225-138, L. 225-146, L. 225-177, L. 225-197-1, L. 225-204, L. 255-209-2, L. 225-218, L. 225-231, L. 225-232, L. 225-235, L. 225-244, L. 226-2, L. 226-9, L. 226-10-1, L. 227-9-1, L. 228-19, L. 232-3, L. 232-19, L. 232-23, L. 822-10, L. 823-2-1 et L. 823-2-2 [nouveaux], L. 823-3, L. 823-3-2 [nouveau]
et L. 823-12-1 du code de commerce)
Relèvement des seuils de contrôle légal des comptes
des sociétés commerciales et de désignation obligatoire
d'un commissaire aux comptes, création d'un audit légal simplifié
pour les petites entreprises

L'article 9 du projet de loi vise à relever au niveau prévu par le droit européen les seuils au-delà desquels les sociétés commerciales sont soumises au contrôle légal de leurs comptes annuels, par la désignation obligatoire d'un commissaire aux comptes.

I. Le droit en vigueur

La responsabilité des commissaires aux comptes est de « certifie[r], en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice » 78 ( * ) . Ils ont pour « mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur », ainsi que de vérifier « la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion (...) et dans les documents adressés aux actionnaires » 79 ( * ) .

En l'état du droit, il existe pour chaque forme de société commerciale des seuils différents au-delà desquels il est obligatoire de désigner au moins un commissaire aux comptes. En outre, toute société qui n'y est pas tenue de façon obligatoire peut désigner un commissaire aux comptes de façon volontaire. La désignation obligatoire comme volontaire est faite pour un mandat de six ans 80 ( * ) .

La société anonyme est la seule forme pour laquelle il est obligatoire de désigner au moins un commissaire aux comptes quelle que soit sa taille, donc dès la création de la société, car elle est supposée présenter plus de garanties pour ses actionnaires et pour les tiers, et par conséquent faire l'objet de plus de contrôles renforcés, notamment par le professionnel indépendant que constitue le commissaire aux comptes 81 ( * ) . La société anonyme est d'ailleurs la seule forme de société pouvant faire coter ses actions. Les missions des commissaires aux comptes sont très nombreuses dans une société anonyme, au-delà de la seule certification des comptes.

L'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes est fixée par la loi, dans la partie législative du code de commerce, le cas échéant en faisant référence à des seuils, tandis que les seuils eux-mêmes sont déterminés par décret en Conseil d'État, dans la partie réglementaire du code.

Le tableau ci-après présente, pour chaque forme de société, les seuils au-delà desquels la désignation est obligatoire.

Seuils de désignation obligatoire d'un commissaire aux comptes

Désignation obligatoire
en cas de dépassement d'au moins deux des trois seuils suivants

Forme de société

Total de bilan
(en euros)

Chiffre d'affaires
hors taxes (en euros)

Nombre
de salariés

Société en nom collectif (SNC)

1,55 million

3,10 millions

50

Société en commandite simple (SCS) 82 ( * )

1,55 million

3,10 millions

50

Société à responsabilité limitée (SARL) 83 ( * )

1,55 million

3,10 millions

50

Société anonyme
(SA)

0

0

0

Société en commandite par actions (SCA) 84 ( * )

0

0

0

Société par actions simplifiée (SAS) 85 ( * )

1 million

2 millions

20

Source : commission spéciale

Par ailleurs, dans le cadre d'un groupe, une société mère qui établit des comptes consolidés est tenue de désigner deux commissaires aux comptes 86 ( * ) . Une société doit établir des comptes consolidés lorsqu'elle contrôle de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises 87 ( * ) , avec lesquelles elle forme un périmètre de consolidation comptable.

Concernant les exigences du droit européen, la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises dispose que « les États membres veillent à ce que les états financiers des entités d'intérêt public, des moyennes entreprises et des grandes entreprises soient contrôlés par un ou plusieurs contrôleurs légaux des comptes ou cabinets d'audit habilités par les États membres à procéder au contrôle légal des comptes ».

Définie par la directive, la catégorie des entités d'intérêt public (EIP) regroupe principalement les sociétés cotées, les établissements de crédit et les entreprises d'assurance, qui requièrent légitimement un contrôle accru.

La directive distingue plusieurs catégories d'entreprises, en fonction de leur taille appréciée au travers des trois critères classiques de total de bilan, de montant de chiffre d'affaires net et de nombre de salariés : les micro-entreprises, les petites entreprises, les moyennes entreprises et les grandes entreprises. Elle distingue aussi, sur la base des mêmes seuils, les petits groupes, les groupes moyens et les grands groupes.

Ainsi, les moyennes et les grandes entreprises, soumises à l'obligation européenne de contrôle légal des comptes, sont les entreprises qui excèdent deux des trois seuils suivants : un total de bilan de 4 millions d'euros, un chiffre d'affaires net de 8 millions d'euros et un nombre moyen de 50 salariés au cours de l'exercice. Par exception, la directive autorise les États membres à relever les deux premiers seuils à respectivement 6 et 12 millions d'euros. Ces montants sont supérieurs dans tous les cas à ceux prévus par le droit français.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, la plupart des grands pays européens, à l'exception de la Suède et du Portugal, ont fixé des seuils plus élevés que la France, au niveau des seuils normaux voire dérogatoires du droit européen. Ainsi, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont retenu les seuils dérogatoires plus élevés permis par la directive.

En outre, selon le rapport de l'inspection générale des finances évoqué ci-après, la part des entreprises soumises au contrôle légal de leurs comptes est plus importante en France (4,1 %) que dans d'autres pays comparables (1,3 % en Allemagne, 1,1 % en Espagne et 0,5 % au Royaume-Uni, mais 6,8 % en Italie).

II. Le dispositif proposé

Le projet de loi veut harmoniser l'obligation de contrôle des comptes par un commissaire aux comptes pour toutes les formes de société commerciale avec les mêmes seuils de déclenchement de l'obligation, en relevant pour toutes ces seuils au niveau normalement exigé par la directive précitée. Selon l'exposé des motifs, « ces dispositions s'inscrivent dans le cadre des objectifs du gouvernement d'allègement des contraintes pesant sur les entreprises et d'alignement sur les exigences minimales du droit européen des affaires tels que formulés, entre autres, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise réglementaires et de leur impact ».

Ces dispositions ont été élaborées sur la base d'un rapport établi par l'inspection générale des finances sur la certification légale des comptes des petites entreprises 88 ( * ) , remis en mars 2018.

Ce rapport conclut à la faible utilité du contrôle légal des comptes pour ces entreprises, alors qu'il représente pour elles un coût comparativement plus élevé que pour les entreprises plus grandes, estimé en moyenne à 5 500 euros, sans que les avantages qu'elles peuvent en retirer en termes de confiance et de fiabilité de leurs comptes soient bien compris, d'autant que la majorité d'entre elles ont également recours aux services d'un expert-comptable.

Concernant l'utilité du contrôle, ce rapport indique ainsi :

« Les investigations de la mission montrent que l'effet de la certification des comptes sur la qualité de ces derniers, mesuré au moyen du taux de redressements et du taux de contrôles fiscaux effectués sans redressement, est non significatif pour les petites entreprises situées au voisinage des seuils de l'audit légal. L'incidence de la certification des comptes sur la capacité des petites entreprises situées au voisinage de ces mêmes seuils à se financer, mesurée grâce à la cotation FIBEN (fichier bancaire des entreprises) de la Banque de France, n'est pas non plus significative. Les résultats de la mission de prévention des défaillances réalisée par les commissaires aux comptes au moyen de la procédure d'alerte ne sont également pas mesurés en ce qui concerne les petites entreprises, puisque le taux de défaillance des petites entreprises ayant fait l'objet d'une certification de leurs comptes ne diffère pas de celui des entreprises dont les comptes ne sont pas certifiés. »

Les organisations professionnelles entendues par vos rapporteurs lors de leurs auditions ont d'ailleurs pleinement approuvé cette réforme.

Sur la base de cette analyse, l'inspection générale des finances a ainsi formulé les recommandations suivantes :

« Dans la recherche du juste équilibre entre la fiabilisation des comptes et l'allègement des charges pesant sur les petites entreprises, la mission propose donc de relever les seuils de l'audit légal au niveau de référence prévu par la directive européenne, pour toutes les sociétés commerciales. Cette mesure s'appliquerait de façon échelonnée sur six ans, à l'occasion de l'échéance des mandats en cours. La mission propose également que la certification s'applique à l'unité de tête de groupes dont la somme des unités dépasse le niveau de ces seuils, afin d'éviter tout contournement de la règle. »

Une partie des conclusions de l'inspection générale des finances ont été contestées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, dans un livre blanc 89 ( * ) , publié dès mars 2018.

Vos rapporteurs considèrent que le projet de loi ne procède pas à la suppression d'une sur-transposition, car le droit européen se limite à prévoir une obligation de contrôle légal des comptes au-delà de certains seuils, laissant les États membres libres de fixer les règles qu'ils souhaitent en-deçà. L'exposé des motifs évoque bien à cet égard les « exigences minimales » du droit européen.

S'agissant des sociétés pour lesquelles le code de commerce prévoit déjà des seuils pour l'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes (SARL, SAS, SNC et SCS), il appartiendra simplement au pouvoir réglementaire de modifier ces seuils. Aucune intervention législative n'est nécessaire et n'est donc prévue dans le projet de loi.

S'agissant des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions, le projet de loi supprime l'obligation de désigner un commissaire aux comptes dès la constitution de la société. Il dispose, en outre, que l'assemblée générale ordinaire peut désigner un ou plusieurs commissaires aux comptes 90 ( * ) , selon une rédaction similaire à celle prévue pour les autres formes de société et que les sociétés qui dépassent à la clôture d'un exercice au moins deux des trois seuils précités, fixés par décret simple, sont tenues d'en désigner au moins un. Comme pour les autres formes de société, des actionnaires qui représentent au moins le dixième du capital peuvent demander en justice la désignation d'un commissaire aux comptes : il s'agit d'un élément de protection des droits des actionnaires minoritaires, qui peuvent demander le contrôle de la société par un commissaire aux comptes 91 ( * ) .

Compte tenu de ces modifications, le projet de loi précise que les entités d'intérêt public doivent désigner au moins un commissaire aux comptes.

Le projet de loi procède donc à de nombreuses coordinations au sein du code de commerce, dans le régime des sociétés anonymes 92 ( * ) et dans celui des sociétés en commandite par actions 93 ( * ) , en général pour ne prévoir l'intervention d'un commissaire aux comptes que s'il en a déjà été désigné un par la société, de façon obligatoire ou volontaire. Il ne remet pas en cause les cas dans lesquels un commissaire aux comptes autre que celui de la société doit être désigné pour une mission spéciale 94 ( * ) .

Ainsi, concernant le contrôle des conventions dites réglementées, qui sont conclues entre la société et un de ses dirigeants ou un de ses principaux actionnaires, le commissaire aux comptes de la société, soumis à des garanties d'indépendance, doit établir un rapport sur ces conventions afin d'informer les actionnaires sur leur teneur : le projet de loi prévoit que ce rapport sera établi par le président du conseil d'administration s'il n'y a pas de commissaire aux comptes. Vos rapporteurs concèdent qu'il est difficile d'exiger la désignation d'un commissaire aux comptes pour procéder à ce contrôle, dès lors que des conventions de ce type sont conclues dans quasiment toutes les sociétés 95 ( * ) , mais il existe néanmoins un réel risque d'affaiblissement de l'information et des droits des actionnaires, qui sont appelés, sur la base de ce rapport, à statuer sur ces conventions en assemblée générale.

Le projet de loi prévoit toutefois la désignation d'un commissaire aux comptes pour réaliser certaines missions lorsque la société n'en a pas désigné de façon obligatoire ou volontaire. Il maintient ainsi, pour assurer l'information indépendante des actionnaires, un rapport d'un commissaire aux comptes sur le prix prévu des actions à émettre dans le cadre d'une augmentation de capital, sur toute opération d'attribution d'options donnant droit à la souscription d'actions (« stock-options ») ou d'actions gratuites ainsi que sur toute opération de rachat d'actions de la société.

En revanche, le projet de loi ne modifie pas les conditions suivant lesquelles sont désignés les commissaires aux comptes 96 ( * ) : ils sont proposés à la désignation de l'assemblée générale par un projet de résolution émanant du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, selon le cas, ou bien des actionnaires au titre du droit d'initiative qui leur est reconnu 97 ( * ) .

Par ailleurs, la fixation de seuils en-deçà desquels la désignation d'un commissaire aux comptes ne serait plus obligatoire pour les sociétés anonymes pourrait faire échapper à tout contrôle de leurs comptes des entreprises, au sens économique, qui excèdent les seuils, mais qui sont juridiquement constituées sous forme d'un groupe de sociétés dont aucune, y compris la société mère, ne dépasse les seuils. Or, compte tenu du poids économique de ces groupes et de leurs relations commerciales avec d'autres entreprises, les soustraire au contrôle légal des comptes peut faire naître un risque financier important.

En conséquence, par analogie avec les notions de groupe moyen et de grand groupe prévues par la directive, indépendamment de la taille des sociétés qui les composent, le projet de loi prévoit l'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes pour une société qui en contrôle d'autres et forme avec elles un ensemble excédant les seuils de désignation obligatoire 98 ( * ) . L'exposé des motifs précise que cette règle est prévue « indépendamment de l'obligation d'établir des comptes consolidés ». En effet, ce dispositif a vocation à s'appliquer au-delà des seuls groupes tenus d'établir des comptes consolidés 99 ( * ) . Le projet de loi ne modifie d'ailleurs pas les règles applicables aux sociétés qui établissent des comptes consolidés. L'encadré ci-après présente les critères définissant le contrôle d'une société par une autre.

L'exposé des motifs ajoute que le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la profession, devra définir les modalités suivant lesquelles les commissaires aux comptes accompliront leur mission de contrôle des comptes dans les sociétés mères de ces groupes excédant les seuils. Cette mission exige nécessairement un certain contrôle vis-à-vis des sociétés contrôlées, puisque figurent au bilan de la société mère ses participations dans les sociétés qu'elle contrôle.

Les critères du contrôle d'une société par une autre société
au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce

L'article L. 233-3 du code de commerce énumère plusieurs critères alternatifs pour caractériser le contrôle d'une société par une autre société :

- la détention directe ou indirecte d'une fraction du capital conférant la majorité des droits de vote à l'assemblée générale ;

- le fait de disposer seule de la majorité des droits de vote en vertu d'un accord licite avec d'autres actionnaires ;

- la capacité de déterminer en fait les décisions de l'assemblée générale en raison du nombre de droits de vote détenus ;

- le pouvoir en tant qu'actionnaire de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance.

Le contrôle est présumé en cas de détention directe ou indirecte de plus de 40 % des droits de vote alors qu'aucun autre actionnaire ne détient une fraction supérieure.

L'article L. 233-1 du code dispose qu'une filiale est une société dont plus de la moitié du capital est détenue par une autre société. Il s'agit donc d'un cas particulier de contrôle.

Source : commission spéciale

Le projet de loi prévoit une application de cette réforme à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la publication du décret fixant les nouveaux seuils, et au plus tard le 1 er janvier 2019. En tout état de cause, cette date doit être repoussée, d'autant qu'elle suscite aujourd'hui des confusions dans les sociétés dont le mandat du commissaire aux comptes s'achève et qui se trouvent en-deçà des seuils européens. Le projet de loi dispose également que les mandats en cours lors de l'entrée en vigueur de la réforme se poursuivront jusqu'à leur échéance normale.

L'impact d'un tel relèvement des seuils devrait être très lourd pour la profession de commissaire aux comptes. Ainsi, selon le rapport de l'inspection générale des finances, en supposant que toutes les entreprises concernées renonceraient à recourir aux services d'un commissaire aux comptes de façon volontaire, la perte de l'ensemble des mandats non obligatoires représenterait 620 millions d'euros au bout de six ans, en année pleine, sur un chiffre d'affaires total de la profession estimé à 2,5 milliards d'euros, soit une perte potentielle du quart du chiffre d'affaires de l'ensemble de la profession. Ce chiffre a été repris dans l'étude d'impact. La Compagnie nationale des commissaires aux comptes évalue, quant à elle, cette perte potentielle à 880 millions d'euros, soit plus du tiers du chiffre d'affaires total de la profession.

Sur un total de 260 000 mandats de commissaires aux comptes, seuls 208 000 concernent des sociétés commerciales et 120 000 concernent des sociétés au-dessus des seuils français actuels et en-dessous des seuils européens selon l'inspection des finances, soit plus de la moitié du total des mandats détenus. Les chiffres avancés par la Compagnie nationale, lors de son audition par vos rapporteurs, sont là encore différents, puisqu'elle évalue la perte potentielle à 150 000 mandats sur un total de 200 000 dans les sociétés commerciales, soit les trois quarts des mandats dans ces sociétés, expliquant l'écart en termes de perte potentielle de chiffre d'affaires global de la profession.

L'étude d'impact indique que « le marché français présente la particularité d'une concentration du marché plus faible que dans d'autres pays ». Toutefois, dans son rapport, l'inspection générale des finances admet logiquement que la perte de chiffre d'affaires devrait « affecte[r] davantage les petites structures que les grands cabinets ». Cette réforme aura donc pour effet de concentrer davantage le marché français du commissariat aux comptes. Or, vos rapporteurs observent que la majorité de ces grands cabinets sont anglo-saxons. La part des mandats détenus par les sept plus gros cabinets mondiaux, les « big seven », dont un seul est français et pas anglo-saxon 100 ( * ) , devrait passer de 25 % à 48 % selon le rapport de l'inspection des finances, et la part de leurs honoraires de 44 % à 61 % sur le total des honoraires de la profession.

Selon la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, environ 4 000 professionnels détiennent au moins trois quarts de leurs mandats auprès de petites entreprises en-deçà des seuils européens, dont 500 la totalité de leurs mandats 101 ( * ) . Ainsi, la perte de chiffre d'affaires pourrait être particulièrement lourde pour un nombre important de petits cabinets si les petites entreprises renoncent massivement demain à avoir recours à un commissaire aux comptes.

Sur un total de 13 000 professionnels inscrits en tant que commissaires aux comptes, l'activité de commissariat aux comptes représente plus des trois quarts du chiffre d'affaires pour environ 3 000 d'entre eux, selon la Compagnie nationale. L'activité professionnelle est souvent mixte entre le commissariat aux comptes et l'expertise comptable.

Aussi le Gouvernement a-t-il sollicité un comité d'experts, présidé par M. Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables, afin de lui proposer des mesures d'accompagnement de la réforme et d'évolution des professions du chiffre. Remis en juin 2018, au moment du dépôt du projet de loi, ce rapport sur l'avenir de la profession de commissaire aux comptes comporte 38 propositions, autour de trois objectifs : promouvoir un nouveau dispositif de contrôle légal des comptes adapté aux petites et aux moyennes entreprises, amplifier le rôle du contrôleur légal au service de l'intérêt général et du développement économique et social et placer les professions du chiffre dans une dynamique d'unité et de contribution élargie 102 ( * ) . Ces propositions se sont traduites par le dépôt et l'adoption d'un certain nombre d'amendements à l'Assemblée nationale, qui ont complété le projet de loi, soit au présent article soit sous forme d'articles additionnels. Ce rapport comportait également des propositions qui correspondaient à des dispositions figurant déjà dans le projet de loi initial.

Ainsi, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a assoupli l'interdiction d'exercer une activité commerciale applicable aux commissaires aux comptes, en leur ouvrant les activités commerciales accessoires autorisées aux experts-comptables 103 ( * ) lorsqu'ils exercent cette profession, sans préjudice du respect des règles déontologiques propres à la profession de commissaire aux comptes. À l'initiative de notre collègue député Roland Lescure, rapporteur général, elle a aussi autorisé l'exercice des activités commerciales accessoires exercées par une société pluri-professionnelle d'exercice à laquelle participe le commissaire aux comptes 104 ( * ) .

Surtout, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a mis en oeuvre la principale proposition du rapport de Cambourg, consistant à créer un audit légal allégé pour les petites entreprises, aussi appelé « audit légal PE », destiné à prendre le relais de la certification obligatoire, sur une base volontaire et moins coûteuse, pour une durée plus courte de trois ans, sans préjudice pour une société de pouvoir procéder à une désignation volontaire pour une mission normale de contrôle légal des comptes pour six ans. La mise en place d'un tel audit légal vise à convaincre les petites entreprises de continuer à désigner un commissaire aux comptes de façon volontaire, grâce à une mission plus adaptée à leurs besoins.

Ainsi, le projet de loi dispose que, par dérogation aux règles normales de désignation, la désignation volontaire d'un commissaire aux comptes peut être faite pour trois ans seulement. Dans ce cas, le commissaire aux comptes accomplirait une mission allégée, un certain nombre de diligences excédant la stricte mission de certification des comptes n'étant pas requises 105 ( * ) , complétée par l'élaboration d'un rapport sur les risques financiers, comptables et de gestion auxquels est exposée la société. Est également prévue l'élaboration d'une norme d'exercice professionnel pour définir les diligences à accomplir dans le cadre de cette nouvelle mission. Pour les mandats en cours à l'entrée en vigueur de la réforme, il serait possible de les convertir en audits simplifiés, si l'entreprise et son commissaire aux comptes en sont d'accord.

En outre, à l'initiative de nos collègues députés Jean-Paul Mattei et Adrien Taquet, l'Assemblée nationale a modifié les dispositions applicables aux groupes excédant les seuils européens. D'une part, elle a prévu que la société tenue de désigner un commissaire aux comptes parce qu'elle est à la tête d'un tel groupe pouvait opter pour l'audit simplifié, pour une durée de trois ans. Il s'agit ici d'un assouplissement pour les sociétés concernées par rapport à la version initiale du projet de loi. Dans ce cas, le rapport sur les risques prévu au titre de cet audit simplifié est établi pour l'ensemble du groupe. D'autre part, elle a prévu que les sociétés contrôlées au sein de ces groupes devaient désigner un commissaire aux comptes, pour une mission d'audit simplifié de trois ans obligatoirement, dès lors que leur chiffre d'affaires excédait un seuil fixé par décret. La rédaction retenue pour cette modification ne peut se comprendre que comme fixant un seuil en montant de chiffre d'affaires, et non en proportion de l'ensemble du chiffre d'affaires du groupe.

III. La position de votre commission

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a approuvé l'économie générale de cette réforme, y compris la création de l'audit simplifié pour les petites entreprises, tout en déplorant le risque en matière de sécurité financière qui en résulterait pour les entreprises qui ne feraient plus appel à un commissaire aux comptes ainsi que l'impact sur la profession. Elle considère que cette réforme risque de fragiliser le modèle français du commissariat aux comptes, fondé sur une déontologie rigoureuse et une grande indépendance.

Lors de leur audition, les représentants de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ont indiqué à vos rapporteurs avoir aujourd'hui accepté le principe de la réforme.

À cet égard, même si le projet de loi ne comporte pas de dispositif d'indemnisation, vos rapporteurs rappellent que la jurisprudence, au nom du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, admet la responsabilité de l'État du fait des lois, laquelle permet une indemnisation, à




la condition de prouver un préjudice anormal et spécial 106 ( * ) . On peut supposer que la perte de la majorité du chiffre d'affaires constitue vraisemblablement un tel préjudice, qui pourra être invoqué par les professionnels concernés devant les tribunaux administratifs. Le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs qu'il estimait le risque contentieux très faible sur cette question de l'indemnisation, en prenant en considération les mesures d'accompagnement prévues dans le projet de loi, en particulier les possibilités de reclassement vers la profession d'expert-comptable. Toutefois, le marché de l'expertise comptable n'étant pas extensible, des actions en responsabilité contre l'État pourraient potentiellement être engagées, compte tenu des chiffres avancés par la Compagnie nationale, par plusieurs centaines de professionnels pour lesquels le commissariat aux comptes représente l'essentiel de leur activité.

S'agissant des modalités de contrôle au sein des groupes excédant les seuils européens, votre commission a considéré qu'elles ne suffisaient pas, en l'état du projet de loi, à assurer un contrôle suffisant, de nature à éviter les risques d'abus et de contournement, tout en étant pleinement efficace et utile pour les sociétés. En effet, le fait d'organiser une activité économique sous forme d'un groupe de sociétés plutôt que d'une société unique ne doit pas conduire à affaiblir excessivement le contrôle.

Ainsi, votre commission a adopté un amendement COM-371 présenté par son rapporteur visant à compléter les critères en application desquels les sociétés contrôlées doivent également désigner un commissaire aux comptes, et ainsi à mieux appréhender dans le contrôle légal des comptes les filiales les plus importantes, afin de maîtriser les risques. Non seulement les sociétés contrôlées dont le chiffre d'affaires est important en valeur absolue devraient désigner un commissaire aux comptes, comme le prévoit le projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, mais surtout celles dont l'activité représente une part importante du groupe, que ce soit en termes de total de bilan, de chiffre d'affaires ou de nombre de salariés. Cette proportion serait fixée par décret, comme les seuils de contrôle obligatoire, mais vos rapporteurs estiment qu'elle devrait être fixée entre 10 et 25 %, pour englober les filiales les plus significatives et assurer un contrôle suffisant de l'ensemble du groupe.

En outre, par ce même amendement, votre commission a prévu qu'un même commissaire aux comptes pouvait intervenir pour la société mère et pour les sociétés contrôlées les plus significatives, afin d'améliorer le contrôle.

En complément, votre commission a adopté un amendement COM-374 de son rapporteur afin de préciser explicitement que des normes d'exercice professionnel devront venir définir les diligences des commissaires des comptes désignés pour contrôler les comptes des sociétés mères au sein des groupes, notamment vis-à-vis des sociétés contrôlées qui n'ont pas de commissaire aux comptes, afin que la certification des comptes des sociétés mères puisse être fiable, en prenant en compte la réalité des sociétés contrôlées. En effet, figurent au bilan de la société mère, qui doit être certifié, les titres de participation des sociétés contrôlées qu'elle détient. Ces normes sont homologuées par le ministre de la justice. En effet, la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale ne permet pas d'affirmer clairement qu'une telle norme devra être établie.

À l'initiative de notre collègue Bernard Lalande, votre commission a également adopté un amendement COM-212 visant à supprimer la dispense de désignation d'un commissaire aux comptes pour les sociétés mères contrôlées par une société ayant elle-même désigné un commissaire aux comptes. Une telle disposition recèle un risque d'abus important, car elle pourrait conduire, en cascade, à une absence de commissaire aux comptes à tous les niveaux du groupe et à une incapacité du commissaire aux comptes de la tête du groupe de procéder à un contrôle sur l'ensemble du groupe.

S'agissant du calendrier d'application de la réforme , à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-375 visant à repousser l'entrée en vigueur de la réforme au 1 er janvier 2021. Les mandats en cours à cette date se poursuivraient jusqu'à leur terme normal et pourraient être convertis en audits simplifiés, comme le projet de loi le prévoit déjà.

Il s'agirait ainsi de clarifier la date d'entrée en vigueur de la réforme, et donc de l'évolution de leurs obligations, pour les entreprises concernées, tout en laissant à la profession le temps de préparer son application, de valoriser de nouveaux services, comme l'audit simplifié pour les petites entreprises ou les missions d'attestation prévues à l'article 9 bis C du projet de loi, ou encore de se reconvertir vers l'expertise comptable, compte tenu du fort impact attendu, en particulier sur les petits cabinets, dont bon nombre vont sans doute disparaître, dans les territoires.

Ce délai doit également permettre l'élaboration des nouvelles normes professionnelles, s'agissant des groupes et du nouvel audit simplifié, ainsi que la restructuration des instances régionales de la profession, qui sont organisées aujourd'hui sur la carte des cours d'appel. À cette fin, les mandats en cours au sein de ces instances ont été prorogés de dix-huit mois par décret 107 ( * ) . La notice de ce décret indique d'ailleurs qu'« un tiers des compagnies régionales pourraient, en raison des effets de la réforme, ne plus atteindre la taille critique permettant leur maintien », illustrant bien l'impact de la réforme sur le maintien du maillage territorial de la profession, y compris du point de vue du Gouvernement...

En outre, votre commission a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, un amendement COM-370 de cohérence rédactionnelle, prévoyant notamment l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour fixer tous les seuils, comme c'est le cas actuellement et comme le prévoit le projet de loi dans certains cas seulement, un amendement COM-372 de clarification de la codification des dispositions relatives au nouvel audit simplifié pour les petites entreprises et de coordination et un amendement COM-373 de coordination concernant la liste des diligences que le commissaire aux comptes n'est pas tenu d'effectuer dans le cadre de cet audit simplifié.

Par ailleurs, votre commission s'est montrée réservée à l'idée, allant à rebours de la réforme, de créer de nouveaux cas de désignation obligatoire d'un commissaire aux comptes. Elle s'est toutefois inquiétée des conséquences de la réforme sur les départements d'outre-mer, où le nombre de sociétés excédant les seuils européens est limité. Certes, des experts-comptables pourront exercer des missions de contrôle des comptes, de façon accessoire, et les plus grandes sociétés pourront faire appel à un commissaire aux comptes de métropole, avec des coûts importants de transport et d'hébergement. Selon des chiffres fournis par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, la réforme devrait faire diminuer le nombre de mandats obligatoires de 55 à 60 % selon le cas dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, dans un marché du commissariat aux comptes déjà étroit.

En tout état de cause, votre commission estime qu'il appartiendra aux organes compétents du Sénat de procéder à l'évaluation de la réforme, une fois qu'elle aura commencé à produire pleinement ses effets, pour les professionnels concernés comme pour les sociétés qui ne seront plus soumises à l'obligation de désigner un commissaire aux comptes, notamment en matière de désignation volontaire, de recours au nouvel audit simplifié pour les petites entreprises et d'impact sur la sécurité financière des entreprises.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 9 bis A
(art. L. 822-11 et L. 822-11-1 du code de commerce)
Aménagement des obligations déontologiques
des commissaires aux comptes en dehors
des interventions réalisées auprès des entités d'intérêt public

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de notre collègue députée Cendra Motin, l'article 9 bis A du projet de loi vise à aménager les obligations déontologiques applicables aux commissaires aux comptes lorsqu'ils n'interviennent pas auprès d'une entité d'intérêt public.

I. Le droit en vigueur

Il est aujourd'hui interdit au commissaire aux comptes d'une personne qui n'est pas une entité d'intérêt public ou à un membre du réseau auquel il appartient de fournir directement ou indirectement à celle-ci et aux personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par elle les services portant atteinte à l'indépendance du commissaire aux comptes tels que définis par le code de déontologie de la profession.

Ces interdictions, qui rendent compte des exigences que comporte le modèle français du commissariat aux comptes, vont au-delà de ce qu'exige le droit européen en matière déontologique auprès des entités qui ne sont pas des entités d'intérêt public.

II. Le dispositif proposé

Reprenant une proposition du rapport de Cambourg précité, le présent article se limite à interdire ces interventions lorsqu'il existe un risque d'autorévision ou un risque d'atteinte à l'indépendance du commissaire aux comptes tel que défini par le code de déontologie, conduisant ainsi à ouvrir plus largement la possibilité pour un commissaire aux comptes de proposer d'autres services aux entités dont il certifie déjà les comptes, de même que pour les membres de son réseau. Il s'agit de placer ces prestations complémentaires dans une logique de sauvegarde de l'indépendance plutôt que d'interdiction.

Cet aménagement des règles déontologiques vise à tenir compte de la réforme, en permettant plus facilement aux commissaires aux comptes de proposer à leurs clients des services complémentaires.

III. La position de votre commission

Afin de clarifier et de compléter ces dispositions, votre commission a adopté, avec modification, à l'initiative de notre collègue Bernard Lalande deux amendements COM-205 et COM-213 visant à préciser la rédaction du présent article ainsi qu'à limiter aux seules interdictions édictées par le droit européen, par cohérence, les interdictions applicables aux commissaires aux comptes qui certifient les comptes d'une entité d'intérêt public, et pas seulement à ceux qui certifient les comptes d'une entité qui n'est pas une entité d'intérêt public.

Il s'agit en quelque sorte, selon vos rapporteurs, de la déclinaison de la réforme des seuils sur le plan déontologique, en s'en tenant uniquement au niveau d'exigence prévu par le droit européen, sans aller au-delà.

Votre commission a adopté l'article 9 bis A ainsi modifié .

Article 9 bis B
(art. L. 822-15 du code de commerce)
Levée du secret professionnel entre commissaires aux comptes
contrôlant différentes sociétés appartenant
à un même groupe non consolidé

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de notre collègue député Denis Sommer, rapporteur, l'article 9 bis B du projet de loi vise à prévoir la levée du secret professionnel entre les commissaires aux comptes intervenant dans un même groupe.

I. Le droit en vigueur

Actuellement, au sein d'un groupe qui établit des comptes consolidés ou combinés 108 ( * ) , les commissaires aux comptes de la personne qui consolide et des personnes qui sont consolidées sont déliés les uns à l'égard des autres du secret professionnel, de façon à pouvoir se communiquer toute information utile dans le cadre de leurs missions respectives, mettant en oeuvre un secret professionnel qu'on peut qualifier d'élargi à tous les membres de la profession intervenant auprès du même groupe.

II. Le dispositif proposé

Pour prendre en compte l'obligation de désigner un commissaire aux comptes dans les groupes non consolidés excédant les seuils européens, prévue à l'article 9 du projet de loi, ainsi que la faculté de désigner un commissaire aux comptes de façon volontaire au sein de ces groupes, le présent article prévoit un dispositif de levée du secret professionnel entre commissaires aux comptes d'un tel groupe analogue à celui prévu pour les groupes consolidés.

III. La position de votre commission

Votre commission approuve cette disposition utile. À l'initiative de ses rapporteurs, elle a toutefois adopté un amendement COM-376 de cohérence rédactionnelle avec les dispositions concernant les groupes consolidés.

Votre commission a adopté l'article 9 bis B ainsi modifié .

Article 9 bis C
(art. L. 822-20 et L. 823-10-2 [nouveaux] du code de commerce)
Possibilité pour les commissaires aux comptes de fournir
des services autres que la certification des comptes
et d'établir des attestations

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de nos collègues députés Mohamed Laqhila et Adrien Taquet, l'article 9 bis C du projet de loi vise à ouvrir la possibilité aux commissaires aux comptes de fournir de nouveaux services et notamment d'établir des attestations.

I. Le dispositif proposé

Le présent article énonce que l'exercice de la profession de commissaire aux comptes consiste en l'exercice de missions de contrôle légal et de missions spéciales confiées par la loi ou le règlement. Reprenant une proposition du rapport de Cambourg précité, il ajoute que les commissaires aux comptes peuvent en outre fournir des services autres que la certification des comptes, notamment établir des attestations, dans le respect de leurs obligations déontologiques.

Ces attestations peuvent être établies, par exemple, en matière de responsabilité sociale ou environnementale, de délais de paiement ou encore de conformité fiscale. Des consultations pourraient également être réalisées sur ces sujets.

II. La position de votre commission

Si la première partie de ces dispositions n'est qu'une déclaration de principe inutile, redondante avec les dispositions du code de commerce fixant déjà la mission légale des commissaires aux comptes 109 ( * ) , la seconde partie ouvre bien un nouveau champ professionnel, avec la fourniture d'attestations.

Contrairement à ce que recommande le rapport de Cambourg, elles ne précisent pas expressément que ces prestations peuvent être fournies dans le cadre d'une mission légale, mais aussi en dehors. En outre, ces dispositions ne sont pas codifiées au bon endroit du code, car elles figurent au sein d'une section relative à la responsabilité civile des commissaires aux comptes.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-377 de clarification de la codification et de simplification rédactionnelle, à l'initiative de ses rapporteurs, se limitant à énoncer que les commissaires aux comptes peuvent fournir des services et établir des attestations, dans le cadre ou en dehors d'une mission confiée par la loi, dans le respect des règles qui leur sont applicables, notamment en matière déontologique.

Votre commission a adopté l'article 9 bis C ainsi modifié .

Article 9 bis D
(art. 31-3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative
à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales
soumises à un statut législatif ou réglementaire
ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières
de professions libérales)
Possibilité pour les commissaires aux comptes de participer
à une société pluri-professionnelle d'exercice du droit et du chiffre

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de nos collègues députés Denis Sommer, rapporteur, et Daniel Fasquelle, l'article 9 bis D du projet de loi vise à permettre aux commissaires aux comptes de participer à une société pluri-professionnelle d'exercice.

I. Le droit en vigueur

Prise sur le fondement d'une habilitation prévue par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques - habilitation envers laquelle le Sénat s'était montré réservé, en raison du risque de conflits d'intérêts pouvant exister entre professionnels différents exerçant en commun dans une même société 110 ( * ) -, l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé a autorisé la constitution de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d'huissier de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d'expert-comptable. Ces sociétés sont appelées sociétés pluri-professionnelles d'exercice.

II. Le dispositif proposé

Reprenant une proposition du rapport de Cambourg précité, le projet de loi propose d'ajouter les commissaires aux comptes à la liste des professionnels pouvant se regrouper pour l'exercice en commun dans une même société pluri-professionnelle d'exercice.

III. La position de votre commission

Si le Sénat s'était opposé, lors des discussions sur la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, à la possibilité pour les commissaires aux comptes de participer à une telle société pluri-professionnelle d'exercice, en raison des exigences fortes d'indépendance s'imposant à eux, force est de reconnaître que le contexte n'est plus le même, compte tenu de la réforme des seuils prévue à l'article 9 du projet de loi. Aussi vos rapporteurs ont-ils considéré qu'une telle évolution était envisageable aujourd'hui, en vue de favoriser la diversification professionnelle des commissaires aux comptes et la fourniture de nouveaux services de leur part, au travers de telles sociétés pouvant offrir une large gamme de service à leurs clients.

Vos rapporteurs ne sont toutefois pas en mesure d'indiquer s'il existe de nombreuses sociétés de ce type et quels professionnels y participent. Selon le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, il existerait à ce jour douze sociétés de ce type regroupant des avocats et des experts-comptables.

Il conviendra d'évaluer, le moment venu, la mise en oeuvre de cette faculté de créer des sociétés pluri-professionnelles d'exercice.

Votre commission a adopté l'article 9 bis D sans modification .

Article 9 bis
(art. 83 septies [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945
portant institution de l'ordre des experts-comptables
et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable)
Création d'une passerelle temporaire de la profession
de commissaire aux comptes vers la profession d'expert-comptable

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 9 bis du projet de loi tend à créer une passerelle de la profession de commissaire aux comptes vers celle d'expert-comptable, en permettant aux commissaires aux comptes de s'inscrire, sous certaines conditions, au tableau de l'ordre des experts-comptables, dans un délai de cinq ans suivant la promulgation de la loi.

I. Le droit en vigueur

Si la plupart des commissaires aux comptes ont également la qualité d'expert-comptable, sans toujours l'exercer, le ministère de la justice a indiqué à vos rapporteurs qu'environ 10 % des commissaires aux comptes ont cette seule qualité et ne peuvent donc fournir des prestations d'expert-comptable. En effet, il n'existe pas d'équivalence entre le certificat d'aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes (CAFCAC) et le diplôme d'expertise comptable (DEC) et on peut obtenir le CAFCAC sans avoir le DEC.

À ce jour, il n'existe pas de passerelle de la profession de commissaire aux comptes vers la profession d'expert-comptable, alors que l'inverse existe, sous certaines conditions.

II. Le dispositif proposé

Reprenant une proposition du rapport de Cambourg précité, le projet de loi autorise, pendant un délai de cinq ans à compter de la promulgation, à demander leur inscription en qualité d'expert-comptable au tableau du conseil régional de l'ordre des experts-comptables les personnes titulaires du CAFCAC ainsi que les personnes qualifiées de nationalité étrangère ayant réussi l'examen d'aptitude prévu par le code de commerce 111 ( * ) .

Le délai est fixé à cinq ans afin de prendre en compte les étudiants qui s'engageront dans le cursus de formation des commissaires aux comptes à la date de publication de la loi.

Le projet de loi soumet cette possibilité à plusieurs conditions, qui ne soulèvent pas de difficulté particulière :

- être inscrit sur la liste des commissaires aux comptes établie par le Haut conseil du commissariat aux comptes, et donc satisfaire aux conditions pour y être inscrit, dont certaines se recoupent en partie avec les conditions prévues par le présent article ;

- jouir de ses droits civils ;

- satisfaire à ses obligations fiscales ;

- n'avoir subi aucune condamnation criminelle ou correctionnelle de nature à entacher son honorabilité et notamment aucune condamnation comportant l'interdiction du droit de gérer et d'administrer les sociétés ;

- présenter les garanties de moralité jugées nécessaires par le conseil de l'ordre.

Ce dispositif a recueilli l'approbation du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables.

III. La position de votre commission

Quand bien même vos rapporteurs insistent sur le fait que le marché de l'expertise comptable n'est pas extensible, celle-ci représente bien sûr une voie de reconversion pour les commissaires aux comptes dont l'activité relève principalement voire totalement du contrôle légal des comptes. Aussi ont-ils approuvé ces dispositions. À leur initiative, votre commission a adopté un amendement COM-378 de clarification rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 9 bis ainsi modifié .

Article 10
(art. 28, 29, 33 et 34 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945
portant institution de l'ordre des experts-comptables
et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable)
Réforme des instances régionales de la profession d'expert-comptable

L'article 10 du projet de loi vise à reconfigurer la carte des instances régionales de la profession d'expert-comptable pour l'adapter à la nouvelle carte des régions et à ajuster les modalités d'élection de ces instances.

I. Le dispositif proposé

Le projet de loi vise à aligner la carte des conseils régionaux de l'ordre des experts-comptables sur la carte des nouvelles régions telle qu'elle résulte de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Le nombre des conseils régionaux de l'ordre des experts-comptables passerait ainsi de 23 à 16 et le nombre de professionnels élus siégeant dans ces conseils serait réduit en conséquence.

Le projet de loi assure donc le transfert, à titre gratuit, des biens, droits et obligations des anciens conseils régionaux, lesquels seraient dissous de plein droit, aux nouveaux conseils régionaux. L'article 26 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 dispose déjà, pour les opérations de transfert réalisées à compter du 1 er janvier 2018, qu'elles sont effectuées sur la base des valeurs nettes comptables des apports et ne donnent lieu au paiement d'aucun droit, taxe ou impôt de quelque nature que ce soit, y compris la contribution de sécurité immobilière.

Par ailleurs, le projet de loi supprime dans l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable des dispositions de caractère réglementaire relatives à la composition et aux modalités d'élection des conseils régionaux ainsi que du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables. En contrepartie, il prévoit que ces modalités sont définies par un décret en Conseil d'État et non un décret simple.

L'entrée en vigueur de ces dispositions est prévue à la date d'entrée en vigueur des décrets en Conseil d'État précités et au plus tard le 1 er juillet 2019.

III. La position de votre commission

Votre commission souscrit aux dispositions cohérentes prévues par le présent article, en dépit de l'opposition du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, qui considère que la réduction du nombre des conseils va compliquer l'accomplissement des missions des élus dans ces instances.

Dans la même logique de simplification que celle visant les modalités d'élection, votre commission a adopté un amendement COM-379 présenté par ses rapporteurs supprimant la disposition contraignante selon laquelle le siège du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables est à Paris. En effet, il n'existe pas de telle disposition pour les professions réglementées comparables, par exemple pour la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ou pour le Conseil national des barreaux.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 10 bis A
(art. 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945
portant institution de l'ordre des experts-comptables
et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable)
Extension des activités accessoires autorisées des experts-comptables

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 10 bis A du projet de loi vise à étendre les activités accessoires autorisées aux experts-comptables aux études et travaux d'ordre financier, environnemental et numérique.

I. Le droit en vigueur

L'article 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable autorise les experts-comptables, d'une part, à « effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre statistique, économique, administratif, ainsi que tous travaux et études à caractère administratif ou technique, dans le domaine social et fiscal » et, d'autre part, à « donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre juridique, fiscal ou social (...), mais seulement s'il s'agit d'entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable ou d'accompagnement déclaratif et administratif de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdits consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés ».

Les experts-comptables peuvent effectuer ces activités « sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité ».

De par leur nature, ces activités sont susceptibles d'être exercées en concurrence avec d'autres professionnels.

II. Le dispositif proposé

Le projet de loi vise à étendre la première liste d'activités accessoires autorisées à toutes études et tous travaux d'ordre financier, environnemental et numérique, sans modifier la seconde.

III. La position de votre commission

Dès lors que cette disposition, qui constitue un assouplissement plus qu'une réelle modification, reste limitée et ne remet pas en cause le caractère accessoire des activités qui ne relèvent pas de la mission principale de tenue de comptabilité et d'établissement des assiettes sociale et fiscale, ni ne rouvre la querelle avec la profession d'avocat portant sur l'étendue de la possibilité pour les experts-comptables de donner des consultations juridiques à titre accessoire, elle n'appelle pas d'objection particulière de la part de vos rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 10 bis A sans modification .

Article 10 bis
(art. 7 ter et 24 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945
portant institution de l'ordre des experts-comptables
et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable)
Possibilité de rémunération partielle au succès des experts-comptables

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue députée Patricia Mirallès, l'article 10 bis du projet de loi tend à autoriser la rémunération au succès dans la profession d'expert-comptable.

I. Le droit en vigueur

La rémunération au succès est autorisée pour la profession d'avocat, mais uniquement de façon partielle.

Ainsi, l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que « toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite », mais qu'« est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ».

II. Le dispositif proposé

Le projet de loi propose d'autoriser les experts-comptables ainsi que les associations de gestion et de comptabilité (AGC) à percevoir une rémunération complémentaire de résultat, liée à la réalisation d'un objectif préalablement défini, sauf pour les missions qui constituent le coeur de métier, c'est-à-dire la tenue de comptabilité, la révision comptable et l'établissement des assiettes fiscale et sociale, afin de préserver la déontologie de la profession. Cette faculté concernerait donc principalement les activités accessoires des experts-comptables, déjà évoquées à l'article 10 bis A du projet de loi et susceptibles d'être exercées en concurrence avec d'autres professionnels.

Le projet de loi précise que ce mode de rémunération ne doit pas conduire à compromettre l'indépendance des professionnels ou à les placer en situation de conflit d'intérêts. Il appartiendra aux conseils régionaux de l'ordre, conformément à leur mission de surveillance de l'exercice de la profession et de conciliation dans les contestations d'ordre professionnel, de veiller au respect de ces dispositions et d'éviter les abus. Des poursuites pourraient être engagées devant les chambres régionales de discipline en cas de manquement.

Selon les informations communiquées par le Gouvernement à vos rapporteurs, de tels honoraires partiels de résultat pourraient concerner, par exemple, l'aide à l'obtention d'un marché public, par la constitution du dossier de candidature, des conseils dans des négociations commerciales ou l'aide en vue de l'obtention d'un financement public ou d'un crédit bancaire.

III. La position de votre commission

L'instauration d'une rémunération partielle au succès constituerait une innovation pour les experts-comptables, liant l'honoraire perçu au résultat de la prestation pour le client.

Vos rapporteurs ont envisagé la suppression de cet article. En effet, il semble paradoxal d'instaurer une telle possibilité pour des missions qui ont vocation à demeurer strictement accessoires, alors qu'elles pourront être plus lucratives que sa mission principale pour le professionnel concerné. En dépit des éléments fournis par le Gouvernement, la notion d'honoraire de résultat ne semble pas adaptée compte tenu des différentes missions susceptibles d'être accomplies par un expert-comptable pour une entreprise.

En outre, le Sénat a déjà écarté une disposition similaire à deux reprises à l'occasion de l'examen de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, puis de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Néanmoins, compte tenu de la réforme du contrôle légal des comptes, vos rapporteurs ont jugé préférable de maintenir cette disposition, qui ne permet qu'une fraction de rémunération au succès.

Votre commission a adopté l'article 10 bis sans modification .

Article 10 ter
(art. 13 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945
portant institution de l'ordre des experts-comptables
et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable)
Création d'un statut d'expert-comptable salarié en entreprise

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative du Gouvernement, l'article 10 ter du projet de loi tend à créer un statut d'expert-comptable salarié en entreprise et inscrit à l'ordre des experts-comptables.

I. Le dispositif proposé

Le projet de loi dispose que les personnes physiques salariées d'une entreprise et remplissant les conditions pour être inscrites au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable, parmi lesquelles figure la détention du diplôme d'expertise comptable (DEC), pourraient être inscrites au tableau en qualité d'expert-comptable en entreprise, sous réserve de l'accord écrit de l'employeur. Elles ne seraient pas membres de l'ordre et ne pourraient pas développer une clientèle personnelle ou exercer leurs missions de nature comptable en dehors de l'entreprise qui les emploie, mais elles pourraient faire état du titre d'expert-comptable en entreprise.

Une série d'obligations déontologiques sont prévues, ainsi que celle de mettre à jour ses connaissances professionnelles, de suivre les formations proposées par l'ordre et de s'acquitter d'une cotisation auprès de l'ordre. Les experts-comptables en entreprise seraient soumis à la surveillance et au contrôle disciplinaire du conseil régional de l'ordre dont ils dépendent. Un régime disciplinaire spécifique est prévu, allant de la réprimande jusqu'à la radiation du tableau.

Alors que l'ordre des experts-comptables compte 19 000 professionnels libéraux, 20 000 diplômés d'expertise comptable seraient salariés en entreprise.

II. La position de votre commission

L'instauration d'un statut d'expert-comptable salarié en entreprise constituerait une innovation pour la profession d'expert-comptable. Il pourrait permettre d'accroître le nombre des inscrits au conseil régional de l'ordre et les cotisations correspondantes, de favoriser les échanges professionnels et de mettre en place des formations communes. Ce statut existerait dans un certain nombre d'États étrangers.

Vos rapporteurs ont envisagé la suppression de cet article. En effet, il ne semble présenter aucune utilité pour l'entreprise qui emploierait un expert-comptable salarié et soulève des interrogations en partie non résolues. Il ne s'agirait pas d'un salarié comme les autres, puisqu'il relèverait en partie d'une double autorité, son employeur et le conseil régional de l'ordre, de sorte que sa gestion pourrait être plus compliquée pour l'entreprise.

Par exemple, que se passerait-il en cas de faute pouvant donner lieu à une sanction disciplinaire de la part de l'employeur et du conseil régional de l'ordre ? Une double procédure disciplinaire pour la même faute serait-elle possible au regard du principe non bis in idem ? Que se passerait-il en cas de désaccord entre l'employeur et le conseil régional de l'ordre sur l'appréciation d'une faute ? L'employeur pourrait-il licencier ce salarié en cas de faute disciplinaire reconnue par le conseil régional de l'ordre ? L'employeur aurait-il une autorité hiérarchique pleine et entière, notamment sur les questions de déontologie, intéressant aussi le conseil régional ?

En outre, le Sénat a déjà écarté une disposition similaire à deux reprises à l'occasion de l'examen de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, puis de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Enfin, vos rapporteurs observent que la réflexion est encore en cours sur la création d'un statut salarié d'avocat en entreprise, dont l'utilité serait plus avérée pour l'entreprise, compte tenu de la protection particulière qui pourrait bénéficier aux avis juridiques de l'avocat salarié en entreprise grâce au secret professionnel de l'avocat, lequel relèverait en partie de l'autorité de l'ordre.

Néanmoins, compte tenu de la réforme du contrôle légal des comptes, vos rapporteurs ont jugé préférable de maintenir cette disposition, d'autant que le projet de loi exige l'accord de l'employeur pour qu'un de ses salariés puisse s'inscrire en qualité d'expert-comptable en entreprise, déclenchant l'application, notamment, de règles déontologiques spécifiques.

Votre commission a adopté l'article 10 ter sans modification .

Article 10 quater
(art. 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945
portant institution de l'ordre des experts-comptables
et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable
Possibilité pour les experts-comptables d'agir pour le compte de leurs clients en matière fiscale et sociale et d'assurer pour leur compte le paiement de leurs dettes et la gestion de leurs créances

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative du Gouvernement et de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 10 quater du projet de loi tend à instaurer le mandat de paiement et le mandat implicite en matière fiscale et sociale pour les experts-comptables.

I. Le dispositif proposé

D'une part, le projet de loi donne la possibilité aux experts-comptables, par le compte bancaire de leurs clients, de procéder au recouvrement amiable de leurs créances et au paiement de leurs dettes, pour lesquels un mandat leur a été confié. Il s'agirait de nouvelles missions réalisées au bénéfice des clients, en ayant accès à leur propre compte bancaire en ligne. Ce mandat de paiement ne pourrait pas concerner le paiement des dettes fiscales et sociales du client, pour lesquelles les modalités actuelles de délivrance des fonds seraient maintenues.

D'autre part, le projet de loi propose de donner aux experts-comptables la capacité d'agir pour le compte de leurs clients pour les démarches effectuées auprès de l'administration fiscale et des organismes de sécurité sociale 112 ( * ) , dans certaines limites, sans avoir à produire un mandat, en créant une présomption simple de mandat de la part du client. Il s'agirait d'un mandat implicite.

II. La position de votre commission

Ces dispositions utiles n'appellent pas d'objection particulière de la part de vos rapporteurs. En tout état de cause, dans l'hypothèse où l'expert-comptable excèderait les pouvoirs qui découleraient de ces mandats instaurés par la loi, il engagerait sa responsabilité.

Votre commission a adopté l'article 10 quater sans modification .

Article 11
(art. L. 613-4 du code de la sécurité sociale)
Radiation des fichiers, registres et répertoires
des entrepreneurs individuels ayant réalisé
pendant deux années consécutives un chiffre d'affaires nul

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

L'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale prévoit que tout travailleur indépendant, en l'absence soit de chiffre d'affaires ou de recettes soit de déclaration de chiffre d'affaires ou de revenus pendant deux années civiles consécutives, est présumé ne plus exercer d'activité professionnelle justifiant son affiliation à la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

L'organisme de sécurité sociale dont il relève peut alors décider sa radiation , sauf opposition formulée par l'intéressé dans le cadre d'une procédure contradictoire dont les modalités sont précisées par un décret en Conseil d'État.

La procédure de radiation de la sécurité sociale des travailleurs indépendants
en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale

Cette procédure est désormais fixée à l'article R. 611-2 du code de la sécurité sociale 113 ( * ) .

À la suite du constat pendant deux années civiles consécutives, soit de l'absence de chiffre d'affaires ou de recettes, soit de l'absence de déclaration de chiffre d'affaires ou de revenus par le travailleur indépendant, le directeur de l'Urssaf 114 ( * ) territorialement compétente 115 ( * ) procède, à son initiative ou à celle d'un autre organisme de sécurité sociale 116 ( * ) , à la radiation de l'intéressé du régime de protection sociale des indépendants.

Lorsque la radiation est envisagée, les services de l'Urssaf informent les autres organismes de sécurité sociale auxquels le travailleur indépendant concerné est affilié de l'engagement d'une telle procédure et leur communique toute information justifiant la radiation.

Un délai de 15 jours s'ouvre alors au cours duquel les autres organismes de sécurité sociale peuvent transmettre tout élément de nature à établir le caractère injustifié de la procédure. À l'expiration de ce délai et sauf transmission complémentaire, le directeur de l'Urssaf informe l'intéressé de ses obligations déclaratives et de l'engagement de la procédure de radiation.

Le travailleur indépendant dispose alors d'un mois pour faire valoir ses observations et fournir, le cas échéant, les déclarations de revenus qui n'auraient pas été adressées. En l'absence de réponse, la radiation est prononcée. La décision est notifiée à l'intéressé et mentionne les voies et délais de recours.

Source : Commission spéciale

L'article L. 613-4 précise que la radiation prend effet au terme de la dernière année au titre de laquelle le revenu ou le chiffre d'affaire est connu.

L'organisme qui prononce la radiation est tenu d'en informer les administrations, personnes et organismes destinataires des informations relatives à la cessation d'activité, dont le point d'entrée pour les travailleurs indépendants est le centre de formalités des entreprises 117 ( * ) .

Cette obligation d'information n'entraîne pas pour autant la radiation automatique des fichiers, registres et répertoires professionnels au sein desquels l'entreprise concernée est immatriculée 118 ( * ) .

Le travailleur indépendant, radié de la sécurité sociale et malgré l'information de sa radiation transmise, est donc tenu de déclarer la cessation de son activité auprès du centre de formalités des entreprises.

Enfin, lorsque le travailleur indépendant est inscrit à un ordre professionnel, l'article L. 613-4 prévoit que ce dernier est tenu informé de la décision de radiation.

II. Le dispositif proposé

Le présent article prévoit, pour les seuls entrepreneurs individuels, que la radiation de la sécurité sociale pour cause d'absence de chiffre d'affaires entraîne automatiquement la radiation de l'entreprise auprès des organismes obligatoirement informés par le centre de formalité des entreprises.

Dans sa version initiale, le présent article réécrivait intégralement l'article L. 613-4. La nouvelle rédaction du premier alinéa introduisait deux modifications :

- la première restreignait la procédure de radiation de la sécurité sociale des travailleurs indépendants aux seuls cas d'absence de déclaration de chiffre d'affaires, de recettes ou de revenus au cours d'une période de deux années civiles. S'en seraient donc trouvés exclus les travailleurs indépendants déclarant un chiffre d'affaire ou des revenus nuls pendant deux années consécutives. Cette modification, relevant manifestement de l'erreur, a été supprimée à l'Assemblée nationale (voir infra) ;

- la seconde supprime les termes de « procédure contradictoire », pour l'exercice du droit d'opposition à la radiation que peuvent exercer les personnes concernées. Selon l'étude d'impact, cette formulation apparaît « ambigüe » , en ce qu'elle peut « laisser supposer que l'opposition est subordonnée à des motifs de fait ou de droit soumis à l'appréciation de l'organisme social. Or, compte tenu des effets d'une radiation, il est indispensable que le travailleur indépendant puisse s'y opposer, après en avoir été informé, sans avoir à justifier sa demande par des motifs de fait ou de droit » 119 ( * ) .

De plus, cet article prévoit désormais pour les travailleurs indépendants qui sont entrepreneurs individuels que la radiation prononcée de la sécurité sociale emporte de plein droit celle des fichiers, registres ou répertoires tenus par les autres administrations, personnes et organismes destinataires des informations relatives à la cessation d'activité ( ).

La radiation automatique à ces fichiers ne s'applique toutefois pas pour les sociétés dont le gérant aurait été radié de la sécurité sociale des travailleurs indépendants pour absence de déclaration de revenus. En effet, la société étant une personne juridique distincte de son dirigeant, « sa dissolution implique une décision des associés ou des actionnaires (assemblée générale ou extraordinaire), une phase de liquidation consécutive à la dissolution, ainsi qu'une publicité pour garantir les droits des créanciers. Elle ne peut donc résulter de procédures simplifiées relevant de l'initiative des administrations » 120 ( * ) . La radiation automatique d'une société s'avère donc inadaptée.

C'est également le cas pour les professions réglementées organisées au sein d'ordres professionnels qui disposent d'un pouvoir de contrôle de l'accès à leur profession.

Les et maintiennent donc le droit en vigueur pour les travailleurs indépendants radiés de la sécurité sociale qui ne sont pas entrepreneurs individuels en prévoyant une simple information d'une part, des organismes intéressés par la cessation d'activité d'une entreprise et d'autre part, de l'ordre professionnel auquel appartient le travailleur indépendant concerné.

Le II prévoit une entrée en vigueur de cet article au plus tard le 1 er juillet 2019 afin de laisser le temps au pouvoir réglementaire de prendre les mesures nécessaires pour préciser notamment les conditions et les délais dans lesquels l'entrepreneur individuel pourra faire opposition à sa radiation.

L'étude d'impact évoque en particulier la modification de l'article R. 613-27-1 devenu l'article R. 611-2 afin que la procédure de radiation à la sécurité sociale du travailleur indépendant prévoit une information complète d'une part, sur le fait que cette dernière entraîne de plein droit la radiation de l'ensemble des fichiers professionnels et d'autre part, sur les possibilités de s'opposer à la radiation, sans condition, s'il le souhaite.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , les députés ont adopté un amendement de nos collègues Denis Sommer, rapporteur thématique et Roland Lescure, rapporteur général qui rétablit la première phrase du premier alinéa de l'article L. 613-4 afin de maintenir le champ d'application actuel de la procédure de radiation en cas d'absence, non seulement, de déclaration de chiffre d'affaires ou de revenus par un travailleur indépendant pendant deux années civiles consécutives mais aussi en cas d'absence de chiffre d'affaires ou de recettes.

Les travailleurs indépendants sont tenus de déclarer leurs chiffres d'affaires ou recettes pour le calcul de leurs cotisations sociales. La rédaction proposée dans le texte initial de cet article aurait pu laisser entendre qu'un travailleur indépendant se soustrayant à son obligation de déclaration de chiffre d'affaires n'aurait plus pu faire l'objet d'une radiation d'office de la sécurité sociale.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté une série de quatre amendements rédactionnels et un amendement de correction d'une erreur de référence déposés par les mêmes auteurs.

IV. La position de votre commission

Cet article permet de simplifier les démarches des entrepreneurs individuels au moment de la cessation de leur activité. L'étude d'impact précise qu'en 2016, 66 000 entrepreneurs avaient fait l'objet d'une radiation de la sécurité sociale des indépendants mais demeuraient inscrits au répertoire SIRENE.

Cette mesure participe de la logique « Dites-le nous une fois » , qui implique de limiter au maximum les démarches administratives des usagers lorsqu'une information les concernant est déjà connue d'un organisme public.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12
(art. L. 613-10 du code de la sécurité sociale)
Suppression de l'obligation d'un compte-bancaire dédié
pour les micro-entrepreneurs au chiffre d'affaire annuel
inférieur à 5 000 euros

I. Le droit en vigueur

L'article L. 613-10 du code de la sécurité sociale oblige les travailleurs indépendants ayant opté pour le régime de la micro-entreprise 121 ( * ) à dédier un compte bancaire « à l'exercice de l'ensemble des transactions financières liées à leur activité professionnelle » et ce, « au plus tard, douze mois après la déclaration de la création de leur entreprise » .

II. Le dispositif proposé

Le présent article réécrit l'article L. 613-10 pour limiter cette obligation aux seuls micro-entrepreneurs dont le chiffre d'affaires a dépassé pendant deux années civiles consécutives un montant annuel de 5 000 euros.

L'obligation est donc reportée pour l'ensemble des micro-entrepreneurs non plus un an après le début de l'activité mais deux ans après et ne pèse plus que sur les entreprises dégageant un chiffre d'affaire supérieur au seuil fixé par la loi.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , les députés ont adopté un amendement de notre collègue Adrien Taquet et des membres du groupe La République en Marche pour augmenter le seuil de chiffre d'affaires annuel, à partir duquel le compte bancaire dédié est obligatoire pour une micro-entreprise, de 5 000 à 10 000 euros.

IV. La position de votre commission

L'obligation d'un compte-bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs a été introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 122 ( * ) , à l'initiative de notre ancien collègue Gérard Bapt, alors rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Le Sénat, suivant l'avis de sa commission, avait adopté cette mesure au motif qu'un compte bancaire dédié permet « de mieux distinguer ce qui relève de l'activité professionnelle du travailleur indépendant, de ce qui relève de ses activités privées et facilite(ra) les contrôles » 123 ( * ) .

En 2016, constatant que cette obligation entraînait un coût substantiel pour les micro-entreprises 124 ( * ) et constituait une formalité administrative supplémentaire, alors même qu'elle n'existe pas pour les entrepreneurs individuels au régime réel, le Gouvernement avait proposé de supprimer cette obligation dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

L'amendement de notre ancien collègue député Sébastien Denaja, visant à maintenir cette obligation en la décalant toutefois d'un an après la création de la micro-entreprise, avait été adopté par les deux assemblées et finalement retenu dans le texte promulgué 125 ( * ) .

Cette solution apparaissait alors comme un « équilibre acceptable » 126 ( * ) entre d'un côté, l'utilité que représente une telle obligation pour le travailleur indépendant mais aussi les services de contrôle et d'un autre côté, le coût qu'elle représente pour les micro-entreprises dont un nombre important disparait dès la première année et dont les chiffres d'affaires sont très faibles.

Le présent article s'inscrit donc dans la continuité de ces deux textes récents, renforçant l'instabilité juridique de cette obligation qui n'a manifestement pas atteint l'équilibre souhaité.

L'étude d'impact du présent projet de loi insiste à son tour sur la « charge administrative et (la) charge financière excessives » que représente une telle obligation « lorsque l'activité est modeste et ne se développe pas ». D'après les données de l'Acoss cités par le Gouvernement, sur 1,4 million de micro-entrepreneurs en 2015, 70 % d'entre eux déclaraient un chiffre d'affaires annuel inférieur à 5 000 euros. En 2017, seuls 58 % des micro-entrepreneurs inscrits au registre de commerce et des sociétés déclarent un chiffre d'affaires positif.

Dès lors, la charge financière que représente l'obligation d'un compte bancaire dédié (environ 240 euros par an pour un compte professionnel, 60 à 96 euros pour un compte non professionnel) pèse lourdement sur les recettes souvent faibles de ces entreprises.

D'après les informations obtenues auprès de l'Acoss par votre rapporteur, les contrôles des micro-entrepreneurs nécessitent obligatoirement la consultation de leurs comptes bancaires en raison de leurs obligations comptables limitées 127 ( * ) . L'existence d'un compte bancaire dédié à l'entreprise permet au contrôleur de ne pas avoir à distinguer les dépenses professionnelles et protège ainsi la vie privée du travailleur indépendant.

Toutefois, votre rapporteur partage la volonté du Gouvernement de lever les freins à la création et au développement de l'activité indépendante. Le seuil de 10 000 euros, résultant des débats à l'Assemblée nationale, permet de limiter le risque de fraude aux cotisations sociales. Ce niveau de rémunération est en effet accessoire, ce qui signifie que le micro-entrepreneur est tenu d'avoir une activité principale pour laquelle il contribue à la sécurité sociale.

Votre commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 12 bis (supprimé)
Rapport sur l'entrepreneuriat féminin

I. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale, avec l'adoption d'un amendement de séance de notre collègue députée Fadila Khattabi, du groupe La République en marche.

Il prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 1 er janvier 2020, d'un rapport sur l'entreprenariat féminin en France et la possibilité de mettre en oeuvre des actions au niveau national visant à accompagner les femmes créatrices d'entreprises.

II. La position de votre commission

De manière générale, votre commission n'est pas favorable aux demandes de rapports qui procèdent, le plus souvent, d'une volonté d'affichage et masquent l'absence de résolution des problèmes préalablement identifiés.

Ces demandes de rapports sont , en outre, généralement peu suivies d'effet . Notre collègue Valérie Létard le soulignait dans son bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2018 : « Au cours de la session 2016-2017, près de 70 rapports au Gouvernement ont été demandés, dont 48 devaient être remis avant le 20 mai 2018. Or, le taux de remise n'est que de 25%. » 128 ( * ) Elle rappelait, en outre, que « le Sénat ne demande pas systématiquement des rapports et se prononce souvent contre ceux non susceptibles de lui apporter des informations substantielles. » 129 ( * )

Or, sur le site internet du Secrétaire d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations, le dossier consacré à l'entrepreneuriat féminin contient déjà les informations demandées 130 ( * ) et le recueil de données « Vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes » , également disponible sur internet 131 ( * ) , permet de suivre, année après année, l'évolution de la place des femmes dans l'entreprise.

Ainsi, les informations souhaitées par le présent article font déjà l'objet d'une large publicité.

En adoptant l' amendement de suppression COM-550 proposé par votre rapporteur , votre commission a supprimé l'article 12 bis .

Article 13
(art. L. 710-1, L. 711-3, L. 711-7, L. 711-8, L. 711-16, L. 712-6, L. 712-11, L. 712-11-1 [nouveau], L. 713-11, L. 713-12, L. 713-15, L. 713-17, L. 713-18, L. 722-6-1, L. 723-1, L. 723-2, L. 723-4 et L. 723-9 du code de commerce ;
art. L. 2341 1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
art. L. 135 Y du livre des procédures fiscales)
Modernisation du réseau des chambres de commerce et d'industrie

I. Le droit en vigueur

Les chambres de commerce et d'industrie (CCI) sont constituées en un réseau comportant un établissement public au niveau national (CCI France), des établissements publics au niveau régional - les chambres de région (CCIR), des établissements publics au niveau infrarégional - les chambres territoriales (CCIT) 132 ( * ) - et des structures locales dépourvues de personnalité juridique - les chambres de commerce et d'industrie locales (CCIL) ainsi que, en Ile-de-France, les chambres de commerce et d'industrie départementales (CCID).

En application de l'article L. 710-1 du code de commerce, le réseau exerce deux catégories de missions :

- une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères , complémentaires de celles des organisations professionnelles ou interprofessionnelles ainsi que des missions menées par les collectivités territoriales ;

- une contribution au développement économique , à l'attractivité et à l'aménagement des territoires ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations en remplissant, dans des conditions fixées par décret, toute mission de service public et toute mission d'intérêt général nécessaires à l'accomplissement de ces missions.

Les missions assurées par les CCI (article L. 710-1 du code de commerce)

Chaque CCI peut assurer, dans le respect, le cas échéant, des schémas sectoriels qui lui sont applicables :

1° Les missions d'intérêt général qui lui sont confiées par les lois et les règlements ;

2° Les missions d'appui, d'accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d'entreprises et des entreprises, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de droit de la concurrence ;

3° Une mission d'appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l'exportation de leur production, en partenariat avec l'agence mentionnée à l'article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, c'est-à-dire Business France) ;

4° Une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d'enseignement qu'il ou elle crée, gère ou finance ;

5° Une mission de création et de gestion d'équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

6° Les missions de nature marchande qui lui ont été confiées par une personne publique ou qui s'avèrent nécessaires pour l'accomplissement de ses autres missions ;

7° Toute mission d'expertise, de consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics sur une question relevant de l'industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l'aménagement du territoire, sans préjudice des travaux dont il ou elle pourrait prendre l'initiative.

Depuis 2010, le réseau des CCI - qui compte aujourd'hui 118 chambres - s'est très fortement transformé, en favorisant une structuration du réseau à l'échelon régional.

La structuration du réseau des CCI

Nombre de CCIR (métropole et DROM)

18

Nombre de CCIT (dont métropolitaines)

89 (dont 19 CCIM)

Nombre de CCID d'Ile-de-France

6

Nombre de CCIL

5

TOTAL

118

Source : CCI France

Ce mouvement s'est accompagné d'une réduction drastique du financement public des CCI, en raison à la fois d'une baisse continue du plafonnement de la taxe pour frais de chambre - taxe affectée composée de deux éléments : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE) ; une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) - et d'un prélèvement sur leur fonds de roulement.

Évolution de la taxe pour frais de chambre des CCI (2002-2022)

Source : CCI France

Au total, le financement public des chambres par le biais de la TFC a diminué de 53 % depuis 2012, pour atteindre 646 millions d'euros en 2019 133 ( * ) . Le Gouvernement, néanmoins, entend poursuivre une trajectoire budgétaire qui devrait se traduire par une réduction supplémentaire de 300 millions d'euros de la taxe affectée aux chambres consulaires. À l'horizon 2022, le montant de la TFC devrait donc se stabiliser à 346 millions d'euros, ce qui représentera une baisse de 75 % en dix ans.

Ces mesures budgétaires ont conduit le réseau à abandonner un certain nombre d'activités qu'il menait à partir de ce financement public et, en particulier, des activités d'enseignement ou de services aux entreprises jusqu'alors délivrées dans des conditions de quasi-gratuité.

Par voie de conséquence, il a dû se séparer de nombreux collaborateurs : entre 2002 et 2017, l'effectif ETP du réseau a ainsi diminué de 23 %, passant de 25 460 ETP à 19 800. De façon paradoxale, cette évolution a alourdi la charge financière des CCI, dans la mesure où celles-ci, établissements publics, sont soumis à un régime d'auto-assurance chômage à l'égard de leurs personnels, par ailleurs soumis à un statut de droit public spécifique, déterminé par une commission paritaire nationale sur le fondement de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers. Le rapport de l'Inspection générale des finances, du Conseil général de l'économie ainsi que du Contrôle général économique et financier sur l'évolution des chambres consulaires, de mars 2018, 134 ( * ) a en effet estimé qu'une baisse de 100 millions d'euros de TFC induisait la suppression de 1 000 ETP, cette suppression générant elle-même 100 millions d'euros de charges supplémentaires (liée à l'indemnisation de la rupture d'emploi et au chômage) pour le réseau.

II. Le dispositif proposé

Le présent article prévoit plusieurs adaptations de l'organisation et du fonctionnement des CCI, qui visent à tirer les conséquences de la diminution du financement public et s'inspirent de préconisations issues du rapport précité de l'inspection générale des finances, du conseil général de l'économie et du contrôle général économique et financier.

Ces modifications législatives poursuivent trois objectifs : conforter la capacité des CCI à exercer leurs activités dans un champ concurrentiel en contrepartie d'une rémunération par les usagers des services qui leur sont rendus ; renforcer les prérogatives de l'établissement public national tête de réseau - CCI France ; permettre aux chambres de recruter des personnels de droit privé en lieu et place des personnels sous statut de droit public.

1. L'élargissement des missions des CCI

À cette fin, le du présent article modifie l'article L. 710-1 du code de commerce, relatif aux missions du réseau des CCI, afin d'élargir le champ des missions de service public et des missions d'intérêt général, menées par les chambres, contribuant au développement économique, à l'attractivité et à l'aménagement des territoires ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations.

Ces missions, y compris celles qui présentent une nature marchande , pourraient désormais être effectuées lorsqu'elles sont directement utiles - et non plus seulement « nécessaires » - à l'accomplissement de ces objectifs. Il en résultera une sécurisation juridique des activités économiques d'intérêt général des chambres.

En outre, de manière expresse, le texte proposé prévoit que ces missions pourront être exercées par tout moyen, y compris par des prestations de services numériques. Le réseau des CCI a en effet mis en place une offre numérique appelée « CCI Store », dont l'existence est ainsi confortée. Mais cette précision peut également être interprétée comme visant à accompagner un mouvement de regroupement et de fermeture d'implantations immobilières dans les territoires, qui serait le cas échéant contrebalancé par des initiatives prenant la forme de portails ou d'applications numériques à destination des ressortissants des chambres.

Enfin, le dispositif proposé apporte une précision sur la comptabilité analytique que doit tenir le réseau, destinée à s'assurer que les ressources publiques affectées aux CCI sont employées dans le respect des règles de concurrence nationales et européennes.

2. La faculté d'employer des personnels de droit privé

Nonobstant leur statut d'établissements publics, CCI France, les CCIR et, par délégation, les CCIT, seraient autorisées également par le du présent article à recruter des personnels de droit privé pour l'exercice de leurs missions.

Les CCI ne seraient donc plus tenues de recruter des personnels sous statut de droit public, a fortiori soumis à la loi du 10 décembre 1952, dans le cadre de leurs activités qui ne constituent pas des activités de service public industriel et commercial. En effet, aujourd'hui, les CCI concernées emploient directement, dans leurs activités de concessionnaires d'infrastructures portuaires ou aéroportuaires notamment, des personnels de droit privé soumis au droit du travail et aux conventions collectives nationales applicables.

Cette mesure résulte d'une demande formulée par le réseau des CCI lui-même, dans le cadre de la restructuration lourde qu'il est en train d'opérer.

Les 2°, 3° et 4° du présent article procèdent à des coordinations liées à la généralisation du recrutement de personnels de droit privé, respectivement, à l'article L. 711-3 du code de commerce, relatif aux missions exercées par les CCIT, ainsi qu'aux articles L. 711-7 et L. 711-8 du même code, relatifs aux missions des CCIR.

3. Le renforcement des prérogatives de CCI France

Le texte proposé entend par ailleurs renforcer les prérogatives de la tête de réseau CCI France , afin qu'elle constitue davantage qu'aujourd'hui la structure qui définit la stratégie unifiée et intégrée du réseau des CCI, alors qu'aujourd'hui les CCIR et CCIT bénéficient d'une autonomie importante pour définir leurs orientations d'actions et les modalités de les exécuter.

À cette fin, le du présent article modifie l'article L. 711-16 du code de commerce, afin de compléter certaines missions de CCI France :

- en lui confiant le soin, outre de « gérer des projets de portée nationale », de développer une offre nationale de services mise en oeuvre , éventuellement avec des adaptations locales, par CCIR ;

- en le chargeant de la mise en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau national .

Ces deux mesures permettront une structuration au niveau national qui assurera une certaine harmonisation de l'offre du réseau à l'égard de ses ressortissants ainsi que des grandes orientations de gestion des ressources humaines .

Le de cet article propose une simple coordination rédactionnelle à l'article L. 712-6 du code de commerce relatif à la nomination des commissaires aux comptes dans chaque établissement public du réseau.

Le modifie l'article L. 713-15 du même code, relatif aux élections des membres des CCIT et CCIR ainsi que des délégués consulaires, afin d'imposer le vote électronique pour le renouvellement général des membres des chambres . En revanche, en dehors du renouvellement général, le choix entre un scrutin électronique et un vote par correspondance serait maintenu.

Le apporte une clarification aux dispositions de l'article L. 713-17 du même code, relatif aux opérations pour l'élection des délégués consulaires et des membres des CCI.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission , l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission spéciale de notre collègue Jean-Marc Zulesi et des membres du groupe La République en marche, afin que les CCI métropolitaines puissent agir en tant qu'agences de développement économique des métropoles .

En séance publique , ont été adoptés plusieurs amendements tendant :

- à l'initiative de Marie-Pierre Rixain et plusieurs membres du groupe La République en marche, à prévoir que le réseau des CCI doit veiller à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre de ses missions et, par ailleurs, à encourager l'entrepreneuriat féminin ( a bis A) du de cet article) ;

- à l'initiative de Valérie Oppelt et Stella Dupont, à rendre obligatoire le recrutement de personnels de droit privé dans les établissements du réseau des CCI, qui seraient soumis aux dispositions du code du travail ; à ouvrir aux partenaires sociaux, au président de CCI France et aux syndicats représentatifs au niveau national des personnels des CCI, un délai de neuf mois pour négocier une convention collective nationale (CCN) applicable à ces personnels ; et à offrir un droit d'option - dans le délai de six mois suivant l'agrément de cette CCN - aux agents publics des CCI pour décider, soit d'opter pour un contrat de travail de droit privé soumis à cette CCN, soit de conserver l'application de l'actuel statut des chambres issu de la loi du 10 décembre 1952 ( d) du et du présent article) ;

- à l'initiative du rapporteur, Denis Sommer, et du rapporteur général de la commission spéciale, et avec l'avis favorable du Gouvernement, à préciser que les CCIR peuvent agir en tant qu'agences de développement économique des régions ( b) du de cet article). Votre commission souligne qu'en l'absence d'une telle mesure, les CCIR peuvent fort bien agir comme telles, mais son insertion dans la loi devrait inciter le développement des pratiques existantes 135 ( * ) ;

- à l'initiative de Paul Christophe et de Charles de Courson ainsi que plusieurs de leurs collègues, après adoption d'un sous-amendement du rapporteur, et avec l'avis favorable du Gouvernement, à modifier le mode de désignation des juges du tribunal de commerce en supprimant les délégués consulaires - par une abrogation pure et simple de la section 2 du chapitre III du titre I du livre VII du code de commerce et plusieurs coordinations aux articles L. 713-11, L. 713-12, L. 713-15, L. 713-16, L. 713-17 et L.713-18 - et prévoyant , par une évolution du 1° de l'article L. 723-1 du code de commerce, leur élection par un collège composé par les membres des chambres consulaires (CCI et CMA) élus dans le ressort du tribunal concerné et, conformément aux dispositions du 2°) de l'article L. 723?1 du code de commerce, par les juges du tribunal de commerce ainsi que des anciens membres du tribunal. Il reviendrait à un décret en Conseil d'État de définir les conditions dans lesquelles les membres de ce nouveau collège électoral désigneraient les juges consulaires. En particulier, il lui appartiendra, notamment sur le fondement de l'article L. 723-9 du code de commerce tel que modifié par l'amendement, de déterminer la répartition de ce collège en tenant compte du nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales des deux chambres, les conditions dans lesquelles ces désignations seraient faites, leur fréquence ainsi que le calendrier des opérations électorales.

L'amendement modifie par ailleurs, par coordination, l'article L. 723-4 du code de commerce afin de substituer à la condition d'inscription sur la liste électorale des délégués consulaires, une condition d'inscription sur les listes électorales des CCI et des CMA dans le ressort du tribunal de commerce ou dans celui des tribunaux de commerce limitrophes.

En revanche, l'amendement adopté par les députés modifie une autre condition d'éligibilité aux fonctions de juge de tribunal de commerce sans lien direct avec la suppression des délégués consulaires. En effet, il assouplit l'exigence, inscrite au 4° de l'article L. 723-4 du code de commerce, tenant à l'absence de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, en précisant que seule une telle procédure existant au jour du scrutin est de nature à constituer un obstacle à l'éligibilité.

En application du II du présent article, cette dernière modification s'appliquerait dès l'entrée en vigueur de la présente loi, contrairement aux autres dispositions modifiant les conditions d'élection des juges des tribunaux de commerce, qui n'entreraient en vigueur qu'à la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016 .

IV. La position de votre commission

Les dispositions prévues par le présent article - comme celles qui figurent aux articles suivants du projet de loi - participent du mouvement de modernisation du réseau des CCI en le confortant dans ses missions, tout en facilitant sa gestion quotidienne . Votre commission y est favorable dans son principe.

À l'initiative de votre rapporteur, elle a néanmoins adopté plusieurs amendements confortant les dispositifs et tendant à :

- consacrer, à l'article L. 710-1 du code de commerce, comme partie intégrante du réseau, les CCI locales (CCIL), dépourvues de personnalité juridique mais qui constituent des représentations de la CCIR établies dans les territoires, indispensables à l'équilibre territorial du réseau , qui ont vocation à remplacer dans les prochaines années un certain nombre de CCIT dans le cadre du mouvement de réorganisation du réseau en cours ( amendement COM-411 ) ;

- par souci de lisibilité des dispositifs, à faire figurer à l'article L. 711-1 du code de commerce - et non dans l'article L. 710-1 du même code - les dispositions introduites par les députés permettant aux CCI métropolitaines d'agir en tant qu'agences de développement économique des métropoles ( amendement COM-409 ) ;

- à transformer en dispositions transitoires non codifiées les mesures relatives à la mise en place d'un recrutement de personnels de droit privé à compter de la publication de la loi, tout en sécurisant juridiquement la situation qui en découlera pour les agents publics et les personnels de droit privé des chambres. Ainsi, l' amendement COM-412 adopté par votre commission prévoit :

* jusqu'à l'agrément ministériel de la future convention collective nationale du réseau des CCI, de maintenir aux établissements du réseau des CCI la possibilité de continuer à recruter des personnels vacataires de droit public jusqu'à l'agrément ministériel de la nouvelle convention collective, ce qui permettra notamment la poursuite de leurs missions d'enseignement jusqu'à la fin de l'année scolaire et universitaire 2018-2019 ;

* d'appliquer aux personnels de droit privé recrutés avant l'agrément de cette convention collective, outre les dispositions du code du travail et les stipulations de leurs contrats, les dispositions du statut actuellement applicable au personnel administratif des chambres en application de la loi du 10 décembre 1952 en ce qui concerne : la grille nationale des emplois, la rémunération, le travail à temps partiel, le forfait jour, le renouvellement du contrat à durée déterminée, le personnel vacataire, le régime de prévoyance complémentaire et de remboursement des frais de santé, le compte épargne temps, la prévention des risques psychosociaux, le télétravail, la mobilité et le régime de retraite complémentaire ;

* le maintien des instances représentatives du personnel actuelles du réseau des CCI et les conditions de mise en place des instances résultant de l'application du code du travail et de la convention collective nationale négociée par le président de CCI France et les organisations syndicales représentatives ;

* l'extension de six à douze mois du délai imparti aux agents de droit public du réseau pour opter pour l'application à leur égard du régime de droit privé, étant précisé que la convention collective nationale à conclure devra définir les conditions dans lesquelles sont transférés dans leurs contrats de droit privé les droits et les avantages qu'ils tenaient de leur statut de droit public ;

- à clarifier le statut ainsi que les droits de l'ensemble des personnels des CCI, qu'ils relèvent du droit public ou du droit privé ( amendement COM-427 ) :

* d'une part, en définissant strictement la base juridique des droits syndicaux reconnus aux agents des CCI, en rapatriant au sein du présent article, afin d'assurer leur lisibilité juridique, les dispositions, introduites par les députés à l'article 13 quinquies qui, par coordination, a été supprimé. Il prévoit ainsi une application de principe des dispositions du code du travail relatives aux relations collectives de travail.

Toutefois, par rapport à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, le dispositif proposé se borne à poser deux séries d'exclusions, qui permettent notamment de revenir sur l'inapplicabilité, prévue par les députés, et pourtant injustifiée, de droits tels que la mise à disposition de salariés au profit des organisations syndicales dans le cadre de décharges syndicales ou la possibilité pour la future convention collective conclue entre CCI France et les organisations syndicales représentatives, d'adopter des clauses plus favorables en la matière.

Seules seront ainsi exclues les dispositions ne pouvant être appliquées par nature aux personnels de droit public, telles que les procédures de règlement des conflits collectifs ou encore la protection particulière accordée aux salariés protégés prévue pour les agents de droit public à l'article 35-1 du statut du personnel administratif des CCI ;

* d'autre part, en sécurisant juridiquement la situation des personnels des services dont les CCI devront se séparer dans le cadre de la réorganisation du réseau et de la baisse des crédits publics consacrés à ses missions.

Il s'agit, en s'inspirant des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail relatif au maintien des contrats de travail en cas de cession d'activité de l'employeur, de prévoir que les personnels des CCI, qu'ils soient sous statut de droit public ou de droit privé, se verront proposer un contrat de travail ou un contrat d'engagement par le repreneur de cette activité. À défaut d'acceptation du contrat ou de l'engagement, il reviendrait au repreneur d'entamer les procédures nécessaires à leur licenciement ou à la fin de leur engagement.

Par ailleurs, à la suite de l' amendement COM-416 de votre rapporteur, la commission a supprimé les dispositions qui modifient une condition d'éligibilité aux fonctions de juge de tribunal de commerce, qui sont pour certaines sans lien direct avec la suppression des délégués consulaires à laquelle procède le présent article .

En effet, une mesure ayant le même objet, mais dont le dispositif est contradictoire avec celui du présent article, figure à l'article 19 sexies du projet de loi. La suppression proposée par le présent amendement permettra donc, par souci de lisibilité de la règle de droit, de traiter de cette question au seul article 19 sexies .

Enfin, votre commission a également adopté les amendements rédactionnels ou de cohérence juridique COM-408, COM-410, COM-413, COM-414 et COM-415, présentés par votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

Article 13 bis A (supprimé)
(art. 5-1 à 5-7, 7 et 8 du code de l'artisanat)
Généralisation des chambres de métiers et de l'artisanat de région
et suppression des chambres régionales, des chambres départementales
et des chambres interdépartementales de métiers et de l'artisanat

I. Le droit en vigueur

Depuis la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), originellement constitué au niveau départemental, s'est restructuré dans le but de favoriser l'échelon régional .

Ce renforcement du niveau régional du réseau des CMA s'est opéré au moyen de trois types de structures :

- la chambre de métiers et de l'artisanat de région (CMAR), établissement public unique se substituant aux chambres départementales dans le ressort de la région, composé de sections départementales en nombre égal aux départements formant la région ;

- la chambre régionale des métiers et de l'artisanat (CRMA), qui constitue essentiellement une structure de coordination et de mutualisation des fonctions supports entre des CMA départementales qui conservent leur personnalité juridique et la majeure partie de leurs compétences ;

- un dispositif mixte (communément qualifié de CMAR partielle) faisant cohabiter, sur le territoire d'une même région, une CMAR issue de la fusion de certaines chambres départementales et des chambres départementales conservant leur statut juridique et l'essentiel de leurs compétences.

Toutefois, compte tenu de la baisse du financement public des chambres et de la volonté de rationaliser l'implantation et le nombre des CMA sur le territoire national, la loi n° 2016-298 du 14 mars 2016 relative aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat a mis fin aux CMAR partielles tout en offrant la possibilité de constituer des chambres de métiers et de l'artisanat interdépartementales (CMAI).

Les lois de 2010 et 2016 ont toutes deux privilégié des démarches volontaires des membres du réseau afin de trouver les modalités de réorganisation les plus adaptées aux particularités et aux besoins locaux. En particulier, des mécanismes de transformation volontaire des CRMA en CMAR (conduisant à la suppression corrélative des CMAD et CMAI rattachées aux CRMA concernés) ont été mis en place, sans pour autant avoir un effet coercitif pour les élus. Depuis lors, coexistent ainsi au sein du réseau des CMA, outre la tête de réseau - l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) : des CMAR, des CRMA, des CMAI, des chambres départementales (CMAD) ainsi que des chambres soumises au droit local d'Alsace-Moselle.

Au 1 er janvier 2016, le réseau comportait 92 établissements publics administratifs, dont 7 CMAR. Depuis lors, l'évolution vers le modèle « intégré » des CMAR s'est, en définitive, révélée limitée , puisqu'au 1 er janvier 2019 on compte encore 89 établissements publics :

- dont 8 CMAR (dans les régions métropolitaines Provence-Alpes-Côte d'Azur, Pays-de-la-Loire et Haut-de-France , ainsi qu'en Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Mayotte) ;

- 10 CRMA (dans les régions Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle Aquitaine, Normandie, Auvergne-Rhône Alpes, Centre, Corse, Ile de France, Occitanie, Bretagne) ;

- 5 CMAI (Dordogne/Gironde/Lot-et-Garonne ; Orne-Calvados ; CMAI de Bourgogne et Franche-Comté, qui vont fusionner au 1 er janvier 2020) ;

- 65 CMAD dans les autres départements.

Source : APCMA

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique , à l'initiative du rapporteur et du rapporteur général de la commission spéciale, avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté l'article 13 bis A du présent projet de loi qui, selon ses auteurs, vise à simplifier l'organisation du réseau des chambres des métiers et de l'artisanat (CMA).

Dans cette perspective, le dispositif adopté supprime à compter du 1 er janvier 2021 les chambres régionales de métiers et de l'artisanat (CRMA) , ainsi que, par voie de conséquence, ainsi que les chambres départementales (CMAD) et interdépartementales (CMAI) existant dans le ressort territorial des régions pourvues d'une CRMA. Ne subsisterait en conséquence dans chaque région qu'un établissement public unique - la chambre de métiers et de l'artisanat de région (CMAR) - qui comporterait néanmoins des délégations dépourvues de personnalité morale, dans chacun des départements de la région.

Par exception, les chambres de droit local d'Alsace et de Moselle seraient maintenues, pouvant toutefois à terme, de manière volontaire, se transformer en délégations départementales au sein de la CMAR du Grand Est.

En conséquence, le I de l'article proposé modifie plusieurs dispositions du chapitre I du titre II du code de l'artisanat, relatif à l'institution et à l'organisation du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat. Aux termes du II du présent article, ces modifications prendraient effet au 1 er janvier 2021, ce qui implique qu'à cette date, la réorganisation du réseau devrait être totalement opérée , avec une CMAR par région.

Le supprime par voie de conséquence, à l'article 5-1 du code de l'artisanat, de la liste des établissements du réseau des CMA : les CRMA, les CMAD ainsi que les CMAI. Dès lors, le réseau ne serait plus constitué que de deux types d'établissements publics soumis à la tutelle de l'État et composés de dirigeants ou de collaborateurs des entreprises ressortissantes élus :

- l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), tête de réseau des CMA ;

- les chambres de métiers et d'artisans de région (CMAR).

Le modifie l'article 5?2 du même code par coordination, afin de préciser que chaque région doit comporter une CMAR, tandis qu'en Corse, la circonscription de l'entité de niveau régional est celle de la collectivité de Corse.

Comme aujourd'hui :

- la chambre de région serait instituée par décret ;

- son siège serait fixé par l'autorité administrative ;

- elle serait constituée d'autant de délégations départementales que de départements dans le territoire de la région.

À l'instar de ce que prévoit déjà le droit en vigueur en cas de substitution - actuellement sur un mode volontaire - d'une CMAR à une CRMA, ainsi qu'aux CMAD et CMAI existant dans la région, la CMAR deviendrait l'employeur des personnels des anciens établissements de la circonscription régionale .

Toutefois, la suppression des chambres infrarégionales ne concernerait pas les chambres de droit local des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle , qui relèvent d'un régime dérogatoire prévu par les articles 103 et suivants du code professionnel local du 26 juillet 1900 pour l'Alsace et la Moselle, maintenu en vigueur par la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Ces chambres seraient maintenues mais, comme aujourd'hui, pourraient décider de devenir des délégations départementales au sein de la CMAR à laquelle elles sont associées. Ce choix serait acquis, comme actuellement, à la majorité des chambres de métiers représentant la majorité des ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par la loi n° 48?977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Le regroupement choisi serait opéré sous réserve des dispositions régissant les chambres de métiers des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Par coordination :

- le modifie l'article 5?3 du code de l'artisanat en donnant à la seule CMAR qualité pour assurer la représentation des métiers et de l'artisanat au plan régional ;

- le abroge les articles 5?4 et 5?5 du code de l'artisanat, relatifs aux compétences et prérogatives des CRMA ainsi que des CMAD et CMAI ;

- le supprime à l'article 5?6 du même code, relatif aux adaptations liées au rattachement volontaire des chambres de droit local à la chambre de niveau régional, toute référence aux CRMA ;

- le supprime des mentions devenues superfétatoires aux CRAM, CMAD et CMAI à l'article 7 du même code, qui renvoie la définition des modalités de fonctionnement et d'organisation des chambres à un décret en Conseil d'État.

Le modifie les dispositions de l'article 5?7 du code de l'artisanat relatives à la composition de l'organe délibérant de l'APCMA, afin d'y garantir la représentation des délégations départementales des CMAR . Ainsi, le président de chacune de ces délégations serait membre de cet organe.

Le réécrit les dispositions de l'article 8 du même code afin de préciser que, comme aujourd'hui, les membres des délégations départementales et des CMAR sont élus pour cinq ans en même temps, au scrutin de liste à un tour , sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation, par l'ensemble des électeurs.

III. La position de votre commission

Si la réforme de l'organisation du réseau des CMA est présentée par ses partisans comme un moyen d'améliorer son efficacité et de générer des économies en renforçant notamment la tutelle et le pilotage des chambres tant par l'État que la tête de réseau - l'APCMA -, les auditions menées par votre rapporteur ont fait apparaître la contestation d'une partie des ressortissants des chambres, en particulier dans le secteur du bâtiment.

Deux critiques sont en effet formulées à l'encontre de cette réorganisation :

- d'une part, elle remettrait en cause une autonomie d'organisation jusqu'alors reconnue au sein de chaque région - et toujours favorisée par le législateur -, qui peut choisir entre le modèle « intégré » des CMAR et le modèle des CRMA et qui laisse subsister des chambres infrarégionales dotée d'une autonomie d'organisation liée à leur personnalité juridique propre ;

- d'autre part, il emporterait une perte de proximité avec les ressortissants du réseau, dans la mesure où les décisions seraient désormais prises au niveau de régions particulièrement étendues.

De fait, dans la mesure où chaque chambre de région comportera autant de délégations départementales que de départements dans la région, une représentation de chaque circonscription départementale au sein du réseau sera préservée, mais - contrairement à une CMAD - elle ne disposera plus d'une autonomie juridique lui offrant une marge de manoeuvre significative pour la conduite des actions locales en faveur des ressortissants du réseau.

Votre rapporteur n'avait pas souhaité s'opposer à la décision du réseau des CMA - issue de l'organe délibérant de l'APCMA - largement favorable à la généralisation dans chaque région, du modèle de la CMAR, estimant qu'il appartient au réseau de retenir l'organisation qu'il juge la plus optimale pour assurer ses missions auprès de ses ressortissants et que la structuration retenue peut contribuer à renforcer l'appui des chambres à leurs ressortissants. Il entendait néanmoins inscrire dans la loi l'obligation pour la CMAR d'assurer, par le biais de ses délégations départementales, une offre de services de proximité dans chacun des départements, adaptée aux besoins et particularités des territoires et des bassins économiques, les délégations départementales demeurant ainsi les rouages essentiels du maintien du lien direct du réseau avec ses ressortissants.

Votre commission a cependant estimé, malgré la garantie proposée par le rapporteur, que le modèle de la CMAR comportait un risque d'éloignement des prises de décisions par rapport aux besoins des ressortissants dans les territoires, susceptible d'affaiblir les actions conduites dans les départements en faveur des artisans. En conséquence, elle a jugé qu'il convenait de rejeté le dispositif du présent article dès lors qu'il imposait juridiquement ce modèle dans toutes les régions.

Dans ces conditions, elle a adopté les amendements identiques COM-25 et COM-43 , présentés respectivement par nos collègues Anne Chain-Larché et Dominique Estrosi-Sassone, portant suppression du présent article.

Votre commission a supprimé l'article 13 bis A.

Article 13 bis B
(art. 23-2 et 5-1 du code de l'artisanat ; art. L. 710-1 et art. L. 710-2 [nouveau] du code de commerce ; art. L. 510-2 [nouveau]
du code rural et de la pêche maritime)
Mutualisation des missions entre chambres de commerce et d'industrie et chambres de métiers ayant le même ressort territorial

I. Le droit en vigueur

Les réseaux consulaires - chambres de commerce et d'industrie (CCI), chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), chambres d'agriculture (CA) - forment aujourd'hui des réseaux entièrement distincts les uns des autres, même si leurs ressortissants et les services qu'ils peuvent proposer se recoupent dans une certaine mesure, notamment s'agissant des CCI et des CMA. Ainsi, environ 60 % des ressortissants du réseau des CMA sont également ressortissants du réseau des CCI.

Les réseaux des CCI et des CMA se sont toujours déclarés opposés à une fusion au sein d'un seul et même ensemble, et même si le débat est récurrent lorsque la question de l'organisation des réseaux consulaires est abordée, le législateur n'a à ce jour jamais souhaité engager une fusion d'entités qui ont chacune leur légitimité propre et des domaines d'actions spécifiques. Pour autant, les débats parlementaires et les différents rapports des assemblées en la matière ont toujours insisté sur la nécessité d'une collaboration efficace entre les deux réseaux pour la conduite d'actions communes, au plus grand bénéfice des chefs d'entreprises.

Comme le soulignait ainsi notre ancien collègue Michel Houel à l'occasion de la discussion de la loi n° 2016-298 du 14 mars 2016 relative aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat, ces réseaux ne doivent pas se regarder comme des concurrents mais comme des partenaires à même de développer des coopérations profitables qui peuvent prendre plusieurs formes :

- des regroupements d'antennes au sein d'une même implantation géographique, afin de favoriser une présence des trois réseaux sur l'ensemble d'un territoire ;

- la mise en commun de certaines fonctions supports ;

- le développement de certaines offres communes, par exemple en matière de formation, lorsque des formations de même nature sont offertes par les trois réseaux et ne présentent pas de spécificités particulières liées à la qualité de leurs ressortissants 136 ( * ) .

De fait, ainsi que l'ont récemment souligné nos collègues députées Stella Dupont et Valérie Oppelt, des actions coexistent d'ores-et-déjà au niveau local entre les établissements des CCI et des CMA 137 ( * ) .

Une enquête menée par CCI France auprès de 81 établissements du réseau en décembre 2017 a ainsi montré que 95,1 % des CCI ayant pris part à l'enquête affirment collaborer avec la CMA de leur territoire notamment dans les domaines de la création, transmission et reprise d'entreprises (88,3 %), de l'apprentissage et l'alternance (66,2 %) ainsi que de l'animation et du développement des territoires (62,3 %). Les principaux avantages de ces collaborations mis en avant par ces CCI sont : un meilleur affichage politique (79 %), plus de visibilité auprès des clients (61,7 %) et la réalisation d'économies (55,6 %).

45,7 % des chambres ayant pris part à l'enquête soulignent la mise en place, pour donner corps à cette collaboration, d'une structure interconsulaire ad hoc et 40,7 % d'entre elles indiquent avoir engagé une mutualisation immobilière, de personnels, de moyens ou d'outils.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique , à l'initiative de nos collègues Éric Pauget et Ian Boucard ainsi que plusieurs de leurs collègues, l'Assemblée nationale a adopté le présent article 13 bis B avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement afin d'inscrire dans la loi la possibilité pour les chambres départementales (CMAD) et interdépartementales (CMAI) de métiers et de l'artisanat de mutualiser certaines missions avec les CCI relevant de leur ressort.

À cette fin, le I de cet article modifie l'article 23-2 du code de l'artisanat, relatif aux missions exercées par les CMAD et CMAI. Selon le texte proposé, ces chambres auraient la faculté de mutualiser avec la CCI ayant le même ressort territorial - c'est-à-dire avec la CCIT, voire le cas échéant avec la CCI locale ou la CCI départementale d'Ile-de-France - les missions suivantes :

- la promotion professionnelle , cette mission étant assurée par les CMA sur le fondement du 4° du I de l'article 23 du code de l'artisanat et du 4° de l'article L. 710-1 du code de commerce s'agissant des CCI ;

- l'accompagnement de l'entreprise , cette mission étant spécifiée au 6° du I de l'article 23 du code de l'artisanat - qui donne au CMA pour mission « d'améliorer la rentabilité des entreprises, la qualité des produits et des services, les techniques et les méthodes de production et de commercialisation en favorisant la collaboration entre entreprises et la création de services communs » - et, s'agissant des CCI, aux 3° et 4° de l'article L. 710-1 du code de commerce, qui détaille entre, d'une part, les « missions d'appui, d'accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d'entreprises et des entreprises, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de droit de la concurrence » et, d'autre part, « la mission d'appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l'exportation de leur production », en partenariat avec Business France ;

- la participation à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises , mentionnée au 9° du I de l'article 23 du code de l'artisanat ;

- l'expertise, la consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics, mentionnée au 7° de l'article L. 710-1 du code de commerce, ce dernier visant particulièrement celles qui portent sur une question relevant de l'industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l'aménagement du territoire.

De façon symétrique, le II de cet article inscrit une disposition « miroir » de même nature au sein de l'article L. 710-1 du code de commerce .

III. La position de votre commission

Le développement de toute mesure de mutualisation des actions des réseaux consulaires qui vise à offrir un éventail aussi large, efficace et adapté d'offres au service des entreprises, dans les différents territoires, apparaît souhaitable. Dans le cadre d'une réduction générale du financement public des réseaux consulaires, qui conduit ces derniers à revoir les modalités d'exercice de leurs missions au profit de leurs ressortissants, des mutualisations ponctuelles et ciblées entre les établissements des différents réseaux peuvent en effet permettre d'assurer un service de proximité étoffé et diversifié, tout en générant certaines économies liées à des actions concrètes, telles que le partage de certains locaux ou de certains modules de formation.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale fournit ainsi une base juridique solide, de même qu'une incitation, à des actions locales complémentaires des chambres.

Pour autant, on peut s'interroger sur la nécessité de prévoir une liste qui pourrait être considérée comme limitative et qui, de ce fait, priverait les acteurs locaux de la possibilité, le cas échéant et par un raisonnement a contrario , de mutualiser certaines actions non mentionnées dans le dispositif. En outre, les dispositions du code de l'artisanat qui seraient modifiées présentent un caractère réglementaire, de sorte que la mesure devrait plutôt figurer parmi les articles de nature législative de ce code.

Enfin, compte tenu des collaborations et mutualisations qui peuvent déjà exister dans les territoires, la formalisation dans la loi d'un objectif de mutualisation auxquelles les chambres d'agriculture pourraient également participer avec les deux autres réseaux consulaires, dans les domaines où elle apparaîtrait pertinente, semble justifié.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur a soumis à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-417 tendant à prévoir que, dans le cadre de la réalisation de ses missions, chaque réseau mène des actions de mutualisation de ses moyens matériels (par exemple, pour la mise en place d'accueil communs) et de son offre de service (notamment pour l'accompagnement des entreprises).

Il reviendra aux différents réseaux, dans l'autonomie de décision qui leur est applicable et en fonction de l'intérêt propre de leurs ressortissants, de déterminer entre eux le périmètre des actions de mutualisation qu'ils entendent mener, leur contenu effectif et les modalités de leur mise en oeuvre.

L'un des instruments de cette démarche de mutualisation sera précisément fourni par les dispositions de l'article 13 bis C du présent projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale, qui prévoient qu'après chaque renouvellement général, les chambres au niveau régional détermineront un plan des actions ayant vocation à être mutualisées.

Votre commission a adopté l'article 13 bis B ainsi modifié.

Article 13 bis C
(art. 23 du code de l'artisanat et art. L. 711-8 du code de commerce)
Plan des actions ayant vocation à être mutualisées entre chambres
de commerce et d'industrie et chambres de métiers et de l'artisanat

I. Le droit en vigueur

Si, comme indiqué à l'article 13 bis B, des coopérations existent actuellement entre les éléments du réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), celles-ci résultent davantage d'initiatives ponctuelles, menées individuellement par tel ou tel établissement relevant de l'un ou l'autre réseau . C'est en effet en considération des besoins de chaque territoire et des circonstances locales que se nouent des collaborations entre les établissements des réseaux, qui peuvent intervenir dans des domaines divers : création, transmission et reprise d'entreprises ; apprentissage et alternance ; animation et développement des territoires.

Toutefois, une structuration au niveau régional des objectifs, des domaines et des modalités de ces coopérations interconsulaires serait de nature à favoriser plus encore la complémentarité de l'offre de services, pour le plus grand bénéfice des entreprises situées dans le ressort de ces chambres.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique , par deux amendements identiques présentés par nos collègues députés Philippe Bolo et Valérie Oppelt ainsi que plusieurs de nos collègues députés, l'Assemblée nationale a introduit le présent article 13 bis C, avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, afin d'encourager les actions communes entre les chambres de commerce et d'industrie de région (CCIR) et les chambres de métiers et de l'artisanat de région (CMAR) . Selon les auteurs de ces amendements, une telle mesure permettrait de mettre en place une « concertation vertueuse en faveur d'actions communes et concrètes dans les territoires », comme, par exemple : l'organisation d'événements communs, des réflexions concertées sur l'accompagnement des entreprises à l'export, la mise en commun de biens immobiliers ou le partage de solutions ou technologies informatiques.

Dans cette perspective, le présent article prévoit l'adoption par chaque CCIR et chaque CMA au niveau régional, après chaque renouvellement général, d'un « plan des actions ayant vocation à être mutualisées dans l'intérêt des entreprises de leur ressort ». Cette obligation serait inscrite, pour les CCIR, à l'article L. 711-8 du code de commerce, qui définit les missions de ces chambres, et, pour les CMAR, à l'article 23 du code de l'artisanat.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès de la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'économie et des finances, les mutualisations qui seront intégrées au schéma régional d'organisation des missions des CCI seront obligatoires et auront donc un caractère contraignant. Les autres pourront être facultatives mais seront encouragées. S'agissant du réseau des CMA, la DGE fait valoir que la suppression des CMA départementales et interdépartementales, prévue à l'article 13 bis A du présent projet de loi, et leur remplacement par des délégations départementales dépourvues de personnalité morale, permettra de faciliter le déploiement du plan conclu entre chambres régionales.

III. La position de votre commission

Votre commission souligne l'intérêt de l'élaboration d'un plan pluriannuel qui permettrait aux CCI de régions, ainsi qu'aux CMA au niveau régional, de définir les actions qu'elles mutualiseront au cours d'une mandature, soit une période de cinq ans.

Cette mesure assurerait d'ailleurs la mise en pratique des dispositions de l'article 13 bis B du présent projet de loi, telles que modifiées par votre commission à la suite de l'amendement de votre rapporteur, prévoyant que, dans l'exercice de ses missions, chaque réseau consulaire mène des actions de mutualisation avec les établissements des autres réseaux.

Votre commission souligne que chaque structure consulaire au niveau régional déterminera, en fonction de la situation locale et en concertation avec l'organe consulaire relevant de l'autre réseau, la nature des actions qu'elle entend mutualiser et les conditions de cette mise en commun.

Approuvant le dispositif adopté par les députés, votre commission, à la suite de l'amendement COM-418 de votre rapporteur, a étendu cette mesure aux chambres d'agriculture au niveau régional, qui peuvent également trouver un intérêt, le cas échéant, à assurer certaines mutualisations, en fonction des besoins et des circonstances locales.

Votre commission a adopté l'article 13 bis C ainsi modifié.

Article 13 bis D (supprimé)
(art. L. 713-1 du code de commerce)
Limitation du cumul des mandats dans le temps
des présidents de chambre de commerce et d'industrie

I. Le droit en vigueur

L'ordonnance n° 2003-1067 du 12 novembre 2003 relative à l'élection des membres des chambres de commerce et d'industrie territoriales, à la prorogation des mandats des délégués consulaires et modifiant le code de commerce a institué à l'article L. 713-1 du même code une limitation du cumul des mandats dans le temps des présidents de chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Depuis cette date, un membre d'une chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) ou d'une chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) ne peut exercer plus de trois mandats de président de cette chambre, quelle que soit la durée effective de ces mandats.

Cette mesure a trouvé sa pleine application à compter du renouvellement opéré à l'issue des élections fin 2016. Ainsi, selon les données communiquées à votre rapporteur, aujourd'hui, plus de la moitié (53 %) des présidents de CCI territoriales exercent leur premier mandat de président, tandis que seuls une quinzaine d'entre eux exercent un troisième et dernier mandat. Le renouvellement induit par ce dispositif s'avère encore plus important pour les présidents de CCIR : aucun des présidents élu fin 2016 n'avait été élu fin 2010 et, sur les treize présidents de CCIR, deux avaient été élus en fin de mandature (suite à la démission de leur prédécesseur), cinq occupaient un mandat de président de CCIT et six occupent leur premier poste.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique , à la suite d'un amendement de nos collègues députées Valérie Oppelt et Stella Dupont ainsi que plusieurs de leurs collègues, l'Assemblée nationale a introduit, avec l'accord du rapporteur et du Gouvernement le présent article 13 bis C, afin de limiter le nombre de mandats possibles pour un président de CCI à trois, toutes chambres confondues, qu'il s'agisse donc de CCI France, d'une CCIR, d'une CCIT, d'une CCI locale (CCIL) ou d'une CCI départementale d'Ile-de-France (CCID).

Les auteurs de l'amendement considèrent en effet que les dispositions actuelles de l'article L. 713-1 du code de commerce autorisent aujourd'hui un membre d'une CCI à exercer jusqu'à 45 années de présidence, toutes chambres confondues, ce qui ne contribuerait pas, selon eux, au renouvellement des élus.

III. La position de votre commission

Si votre commission est sensible à la nécessité légitime d'assurer le renouvellement des élus des CCI, et plus particulièrement de leurs présidents, elle souhaite néanmoins que les règles de cumul de mandats ne privent pas totalement le réseau des compétences d'élus ayant une connaissance du terrain de même que de l'exercice de fonctions exécutives antérieures au sein d'une CCI d'un autre ressort territorial.

Or, la généralisation de la limitation du cumul à l'ensemble des chambres du réseau s'avère par trop contraignante à cet égard.

En effet, en pratique, il arrive souvent qu'un président de CCIR ait été d'abord élu président de CCIT avant de se présenter, parfois seulement deux ou trois semaines après, au poste de président de CCIR et démissionne alors s'il est élu. De ce fait, deux mandats de président de CCI, au sens du présent article, ont été « consommés ».

En outre, dans certaines CCIR, une présidence « tournante » a été mise en place, selon laquelle, à mi-mandat, le président laisse la place à un autre élu. Cette souplesse disparaitrait de facto avec le nouveau dispositif prévu. Enfin, s'agissant de la présidence de CCI France, deux mandats seront de facto comptés, puisque seuls les présidents de CCI peuvent exercer ce mandat. Il en résulte que les futurs candidats ne devraient en aucun cas avoir exercé plus d'un mandat avant de se présenter et qu'aucun président de CCI France ne pourrait exercer deux mandats.

Votre commission estime que la règle de cumul actuelle a montré son aptitude à assurer un renouvellement effectif des présidents de CCI. Aussi, eu égard aux effets potentiellement négatifs du dispositif proposé, elle a, à l'initiative de votre rapporteur, décidé de supprimer le présent article (amendement COM-419). Les dispositions issues de l'ordonnance précitée de 2003 continueront en conséquence à régir le cumul des mandats de présidents de chambres.

Votre commission a supprimé l'article 13 bis D.

Article 13 bis E
Transformation par décret de chambres de commerce et d'industrie territoriales en chambres de commerce et d'industrie locales

I. Le droit en vigueur

Dans chaque région , en application de l'article L. 711-8 du code de commerce, il appartient à la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) de déterminer :

- par un schéma d'organisation des missions , les fonctions et missions qui sont exercées respectivement par la CCIR et par les CCI qui lui sont rattachées (chambres de commerce et d'industrie territoriales - CCIT ; chambres de commerce et d'industrie locales - CCIL ; chambres de commerce et d'industrie départementales d'Île-de-France - CCID) ;

- par le biais d'un schéma directeur , le nombre et la circonscription des CCIT, CCIL et CCID dans sa circonscription, « en tenant compte de l'organisation des collectivités territoriales en matière de développement et d'aménagement économique, de la viabilité économique et de l'utilité pour leurs ressortissants des chambres territoriales, ainsi que du maintien des services de proximité d'appui aux entreprises dans les départements et les bassins économiques ».

Ces schémas sont opposables juridiquement aux chambres situées dans la circonscription régionale , qui ne peuvent donc s'opposer, le cas échéant, à leur disparition ou leur transformation.

La CCIR est, à l'égard des établissements du réseau situés dans sa circonscription, tenue par ailleurs d'assurer une solidarité financière à l'égard des chambres qui connaitraient des difficultés exceptionnelles ou des circonstances particulières . Aux termes de l'article D. 712-14-2 du code de commerce, ces circonstances peuvent être liées à la nécessité d'assurer le « rétablissement de la situation financière d'une chambre affectée par une forte réduction ou par la disparition de l'une de ses activités » ou à l'impossibilité pour une chambre de commerce et d'industrie territoriale « de faire face au paiement des dépenses obligatoires qui lui incombent ».

Dans ces situations, il appartient à la CCIR de décider, sur le fondement du 8° de l'article L. 711-8 précité, d'abonder le budget de la CCI concernée, au-delà du budget voté .

Cet abondement est d'ailleurs une obligation pour la CCIR lorsque la chambre concernée ne peut pas faire face au paiement de ses dépenses obligatoires et qu'elle a fait l'objet d'une mise sous tutelle renforcée en application de l'article R. 712-10 du code de commerce. En outre, dans un tel cas, l'assemblée générale de la CCIR doit adopter un nouveau schéma directeur assurant la viabilité économique des chambres qui lui sont rattachées. Si la CCIR, dans ce cadre, décide de la fusion de la CCIT concernée avec une autre chambre de la circonscription, cette CCIT ne peut alors s'y opposer .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique , l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, avec l'avis favorable du rapporteur, afin d'instituer un dispositif temporaire permettant la transformation directe, par décret, en CCIL de plusieurs CCIT d'une même région qui ne seraient pas en mesure de redresser leur situation financière .

Cette transformation qui serait imposée unilatéralement par l'autorité de tutelle - puisqu'elle n'impliquerait pas une modification préalable du schéma directeur par la CCIR - ne pourrait intervenir que lorsque celle-ci a constaté l'impossibilité du redressement de la situation financière des chambres concernées, ce qui ne pourra advenir que si, au préalable, et sans que cela ait eu d'effet sur le redressement financier des chambres, ont été déjà mises en oeuvre :

- soit la mesure de solidarité financière prévue au 7° de l'article L. 711-8 du code de commerce, qui peut conduire à une révision du schéma directeur ;

- soit des mesures de redressement établies entre la CCIR et les CCIT concernées, telles que recommandées par un audit effectué par CCI France, dans les conditions prévues à l'article L. 711-16 du même code tel que rédigé par l'article 13 bis du présent projet de loi. Ces mesures de redressement seraient appliquées aux CCIT concernées dans le cadre d'un plan pouvant comporter un échéancier et une période d'observation ne pouvant excéder dix-huit mois.

Cette faculté serait ouverte au Gouvernement à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 2021 , soit pour environ trois ans, jusqu'au terme des mandats actuels des membres des CCI. Elle serait soumise, pour sa validité, à une consultation préalable des présidents de CCI France, de la CCIR et des CCIT concernées.

III. La position de votre commission

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale s'explique par la trajectoire financière que le Gouvernement souhaite assigner au réseau des CCI jusqu'en 2022, qui prévoit une nouvelle baisse de 300 millions d'euros de leur financement public issu de la taxe pour frais de chambre. Dans un tel contexte, le risque est grand que certains établissements publics infrarégionaux du réseau se trouvent dans une situation financière telle qu'ils ne pourraient plus assurer leurs missions, alors même que certaines CCIT connaissent d'ores-et-déjà des difficultés de financement majeures.

Or, face à cette situation, il n'est pas acquis que les mesures de solidarité financière susceptibles d'être mises en place au sein d'une même région soient suffisantes pour rétablir la situation de plusieurs CCIT en grande difficulté dans le même ressort régional.

C'est donc, en quelque sorte, une « mesure d'accompagnement » de la politique de réduction du financement public des CCI que prévoit le présent article, qui traduit en même temps un renforcement important des prérogatives de l'autorité de tutelle sur l'organisation et le fonctionnement du réseau des CCI. Sa mise en oeuvre pourra en effet conduire à la création d'une organisation du réseau des CCI au niveau régional autour d'un établissement public unique - la CCIR - doté de chambres locales dénuées de personnalité et d'autonomie juridique, le cas échéant contre la volonté des élus de la CCIR.

Votre commission regrette que les choix financiers du Gouvernement, confirmés par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 malgré l'opposition résolue du Sénat, conduisent à réduire l'autonomie d'organisation du réseau des CCI qui lui a toujours été reconnue. Toutefois, sur un plan pratique, la mesure proposée, par son caractère temporaire, constitue un dispositif qui peut s'avérer nécessaire, dans certaines situations, eu égard à la situation financière du réseau des CCI, afin de maintenir l'effectivité de son action sur le territoire de certaines régions.

Dans ces conditions, la commission s'est bornée, sur la proposition de votre rapporteur, à n'apporter qu'un amendement de précision ( amendement COM-420 ) sans remettre en cause dans son principe cette disposition.

Par un second amendement du rapporteur ( COM-421 ), elle a adopté un autre dispositif temporaire destiné à faciliter la réorganisation du réseau.

Pour exercer leurs activités concurrentielles, les CCI ont la possibilité de créer des filiales sous différentes formes juridiques. Elles ont été incitées au cours du temps à créer entre elles des structures afin de proposer aux entreprises une offre de services coordonnée. Appartenant au secteur public, elles ont privilégié la forme associative.

Ces structures associatives, devenues au fil du temps supports d'activités concurrentielles, sont appelées à l'avenir à intervenir de manière importante dans le champ des opérateurs privés, compte tenu des dispositions prévues à l'article 13 du présent projet de loi et de la baisse du financement public dont le réseau des CCI fait l'objet. Il est donc souhaitable que le statut de société commerciale soit désormais privilégié pour l'exercice de ces activités, car mieux adapté.

Or, la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association n'autorise pas la dévolution d'actifs d'une association à une structure autre qu'une association exerçant le même objet. Le processus de transformation d'une association en société commerciale est donc long et susceptible de comporter des risques pour les transferts d'actifs et d'activités.

Afin de faciliter l'évolution du modèle économique des CCI, il est donc proposé de permettre, jusqu'au 31 décembre 2022, la transformation de leurs associations en sociétés commerciales sans que cette transformation emporte dissolution de ces associations et création de nouvelles personnes morales.

Ce dispositif temporaire s'inspire de celui déjà prévu à l'article 67 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003, au bénéfice des associations ayant pour objet de fournir des prestations de services à des créateurs d'entreprises ou à des jeunes entreprises.

Votre commission a adopté l'article 13 bis E ainsi modifié.

Article 13 bis F (supprimé)
Rapport à l'Assemblée de Corse sur l'évolution
des réseaux consulaires corses

I. Le droit en vigueur

Depuis le 1 er janvier 2018, la Corse constitue une collectivité unique.

Cette transformation peut justifier une réflexion sur l'évolution des réseaux consulaires (réseau des chambres de commerce et d'industrie ; réseau des chambres de métiers et de l'artisanat ; réseau des chambres d'agriculture) qui sont restés dans leur configuration antérieure à cette réforme :

- le réseau des CCI est constitué d'une CCIR ainsi que de deux CCIT sur le territoire des anciens départements de Corse du sud et de Haute-Corse ;

- le réseau des CMA comporte une chambre régionale de métiers et de l'artisanat (CRMA) ainsi que deux chambres départementales (CMAD) sur le territoire des anciens départements ;

- le réseau des chambres d'agriculture (CA) est constitué d'une chambre régionale et de deux chambres départementales, l'une sur l'ancien territoire de la Corse-du-sud, l'autre sur celui de la Haute-Corse.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique , l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègues député Paul-André Colombani, repris par le rapporteur de la commission spéciale, avec l'avis favorable du Gouvernement, afin de prévoir la remise d'une étude à l'assemblée de Corse dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.

Cette étude serait conduite conjointement par la collectivité de Corse, l'État et les chambres consulaires afin de proposer un diagnostic, un audit, une assistance et un conseil en vue de l'évolution institutionnelle et statutaire des chambres consulaires de l'île . Cette évolution devrait s'inscrire dans un processus global de transfert de compétences de l'État vers la collectivité de Corse.

Il s'agit, selon l'exposé des motifs de l'amendement adopté, de mettre en oeuvre la demande exprimée par le président du Conseil exécutif de Corse, M. Gilles Simeoni, que soit menée une réflexion sur le devenir institutionnel et statutaire du réseau consulaire corse, afin de prendre en considération la création de la collectivité unique de Corse depuis le 1 er janvier 2018.

III. La position de votre commission

Conformément à la position traditionnelle du Sénat, votre commission estime que les demandes de rapport n'ont pas à figurer au sein d'une loi. A fortiori en va-t-il de rapports dont le destinataire n'est même pas le Parlement lui-même, mais l'organe délibératif d'une collectivité territoriale, dont la constitutionnalité au regard du principe de la séparation des pouvoirs et de celui de la libre administration des collectivités locales est discutable.

Pour ces raisons, votre commission a adopté, sur la proposition de votre rapporteur, un amendement de suppression du présent article ( amendement COM-512 ).

Votre commission a supprimé l'article 13 bis F.

Article 13 bis
(art. L. 123-16, L. 232-1, L. 232-25, L. 232-26 [nouveau] et L. 950-1
du code de commerce et art. L. 524-6-6 du code rural et de la pêche maritime)
Allègement et simplification de certaines obligations comptables
des petites et moyennes entreprises

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 13 bis du projet de loi comporte des mesures d'allègement et de simplification des obligations comptables des petites et moyennes entreprises, autorisées par la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises.

S'agissant des mesures concernant les seules moyennes entreprises, le présent article correspond à l'article 5 du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, dans sa version initiale. Ce projet de loi a été adopté par le Sénat le 7 novembre 2018, sur le rapport de nos collègues Olivier Cadic et Marta de Cidrac, avec une version modifiée et complétée de l'article 5, concernant aussi les petites entreprises. Il est désormais en instance de première lecture à l'Assemblée nationale.

I. Le droit en vigueur

Au sens de la directive précitée, une petite entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas au moins deux des trois seuils suivants : 4 millions d'euros de total de bilan, 8 millions d'euros de chiffre d'affaires net et 50 salariés. Une moyenne entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas au moins deux des trois seuils suivants : 20 millions d'euros de total de bilan, 40 millions d'euros de chiffre d'affaires net et 250 salariés.

S'agissant de la définition de la petite entreprise, la directive permet aux États membres de relever les deux premiers seuils jusqu'à 6 millions d'euros de total de bilan et 12 millions d'euros de chiffre d'affaires net.

En matière d'obligations comptables, le code de commerce 138 ( * ) dispose de manière générale que les personnes physiques ou morales ayant la qualité de commerçant doivent établir des comptes annuels chaque année, à la clôture de l'exercice. Ces comptes annuels comprennent « le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable ». De plus, les sociétés commerciales doivent procéder au dépôt de leurs comptes annuels au registre du commerce et des sociétés, aux fins de publicité légale 139 ( * ) .

Les petites entreprises bénéficient d'obligations comptables allégées ou simplifiées. Ces mesures d'allègement et de simplification se sont accrues avec la directive précitée. Depuis, le législateur français a mis en oeuvre plusieurs des mesures autorisées par la directive pour ces petites entreprises.

Votre rapporteur renvoie au rapport précité de notre collègue Olivier Cadic pour de plus amples développements sur le droit applicable aux petites et aux moyennes entreprises en matière comptable 140 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Comme le permet la directive, le projet de loi instaure la faculté pour les moyennes entreprises, d'une part, de n'établir qu'un compte de résultat selon une présentation simplifiée et, d'autre part, de ne rendre publique qu'une présentation simplifiée du bilan et de l'annexe, accompagnée d'une simple information sur la nature de l'avis du commissaire aux comptes. Le format de ces documents simplifiés sera défini par un règlement de l'Autorité des normes comptables.

Comme le permet également la directive, le projet de loi, en renvoyant à de nouveaux seuils fixés par voie réglementaire, propose de relever les seuils de la définition des petites entreprises jusqu'aux plafonds autorisés par la directive, en vue de permettre à un plus grand nombre d'entreprises de bénéficier, d'une part, de la dispense d'établir un rapport de gestion et, d'autre part, de la faculté de demander la confidentialité de leur compte de résultat lors de son dépôt au registre du commerce et des sociétés.

III. La position de votre commission

Votre commission a approuvé ces dispositions, qui mettent en oeuvre la plupart des dernières mesures de simplification offertes par la directive, que le législateur français n'avait pas encore utilisées.

Par cohérence avec les travaux antérieurs du Sénat, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-321 visant à reprendre les dispositions de l'article 5 du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, tel qu'adopté avec modifications par notre assemblée le 7 novembre 2018. Ces modifications visent à mettre en oeuvre d'une façon plus claire et complète au sein du code de commerce les mesures de simplification autorisées par la directive.

En effet, le présent projet de loi devrait être adopté définitivement avant le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français.

En outre, par l'adoption de ce même amendement, votre commission a supprimé une exception discutable à la possibilité pour les petites entreprises d'opter pour la confidentialité de leurs comptes, concernant les personnes morales qui financent ou investissent dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de ces personnes morales. En effet, la faculté d'accéder aux comptes confidentiels ne doit concerner que les autorités administratives et judiciaires et la Banque de France. En tout état de cause, un établissement de crédit ou un investisseur demanderont ses comptes à l'entreprise avant de prendre leurs décisions.

Votre commission a adopté l'article 13 bis ainsi modifié .

Article 13 ter
(art. L. 710-1, L. 711-8, L. 711-15, L. 711-16, L. 712-2
et L. 712-6 du code de commerce)
Renforcement des prérogatives de CCI France

I. Le droit en vigueur

Créée en 1964, et dénommée jusqu'en 2015 « Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie » (ACFCI), CCI France constitue l'établissement public tête de réseau des chambres de commerce et d'industrie en France .

Son organe délibérant est constitué des présidents en exercice des chambres de commerce et d'industrie départementales d'Ile-de-France (CCID), des chambres de commerce et d'industrie territoriales (CCIT), des chambres des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que des chambres de commerce et d'industrie de région (CCIR).

Ses missions sont définies à l'article L. 711-16 du code de commerce. De façon générale, CCI France a vocation à assurer « l'animation de l'ensemble du réseau » des CCI, ce qui la conduit à :

- élaborer la stratégie nationale du réseau des CCI ;

- adopter les normes d'intervention pour les établissements membres du réseau et s'assurer du respect de ces normes ;

- gérer les projets de portée nationale intéressant le réseau, dont elle peut confier la maîtrise d'ouvrage à un autre établissement du réseau ;

- proposer aux CCIT, CCID et CCIR des fonctions de soutien dans les domaines technique, juridique et financier, ainsi que dans celui de la communication institutionnelle ;

- passer des marchés ou des accords-cadres, pour son propre compte ou pour celui de tout ou partie des chambres du réseau. Elle peut assurer la fonction de centrale d'achat au sens du code des marchés publics pour le compte de tout ou partie des CCIR, des CCIT et CCID ;

- définir et suivre la mise en oeuvre de la politique générale du réseau en matière de gestion des personnels des chambres, négocier et signer les accords nationaux en matière sociale applicables aux personnels des chambres qui sont soumis à un agrément, s'ils ont un impact sur les rémunérations. Elle peut mettre en place un système d'intéressement aux résultats, un dispositif d'épargne volontaire et de retraite supplémentaire à cotisations définies et réparties entre l'employeur et l'agent ;

- diligenter ou mener des audits relatifs au fonctionnement des différentes chambres du réseau, dont les conclusions sont transmises à l'autorité compétente ;

- coordonner les actions du réseau avec celles des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger ;

- constituer, à la demande des chambres du réseau, une instance de conciliation pour les différends opposant plusieurs chambres entre elles avant un recours en justice. Cette fonction de conciliation est exercée à titre gracieux ;

- gérer le fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière des CCI, qui est destiné à financer des projets d'intérêt national en faveur de l'innovation et de la modernisation du réseau. Il bénéficie à ce titre d'une contribution versée par le fonds de financement des CCIR et de CCI France, dans les conditions prévues à l'article 1600 du code général des impôts.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission , à l'initiative de nos collègues députées Valérie Oppelt et Stella Dupont, la commission spéciale a adopté le présent article additionnel avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, afin de renforcer les prérogatives de CCI France dans son rôle de tête de réseau des CCI, et de prévoir un inventaire du patrimoine immobilier de l'ensemble des CCI.

Le du présent article modifie l'article L. 710-1 du code de commerce dans le but de préciser que les produits des taxes affectées au profit du réseau des CCI bénéficie non pas aux seules CCIR mais, plus généralement, à l'ensemble des établissements publics du réseau , ce qui permet à CCI France de bénéficier d'un financement direct par ces taxes .

Le modifie les dispositions de l'article L. 711-8 du même code qui chargent chaque CCIR de répartir entre les CCI qui lui sont rattachées le produit des impositions qu'elle perçoit. Désormais, cette répartition devrait s'effectuer :

- d'une part, conformément , non seulement au schéma d'organisation des missions et au schéma directeur définis par la CCIR, mais également à la convention d'objectifs et de moyens conclue entre l'État, la CCIR et CCI France qui serait créée par le du présent article à l'article L. 712-2 du code de commerce.

Cette convention serait elle-même établie en conformité avec le contrat d'objectifs et de performance signé, au niveau national, entre l'État et CCI France, qui fixerait notamment les missions prioritaires du réseau des CCI financées par la taxe pour frais de chambres . Ce contrat contiendrait en particulier des indicateurs d'activité, de performance et de résultats quantifiés, adaptés aux priorités retenues.

Le non-respect des mesures prévues dans le contrat d'objectifs et de performance et déclinées dans les conventions d'objectifs et de moyens pourrait justifier une modulation du montant de la taxe pour frais de chambres ;

- d'autre part, en permettant à chaque CCI d'assurer ses missions de proximité .

Le et le modifient respectivement les articles L. 711-15 et L. 711-16 en tant qu'ils définissent les missions de CCI France afin que celle-ci :

- devienne le seul établissement public du réseau des CCI à représenter auprès de l'État et de l'Union européenne ainsi qu'au plan international les intérêts nationaux de l'industrie, du commerce et des services. Cette mesure interdirait donc désormais à certaines CCIR, en premier lieu à celle de Paris-Ile-de-France, de porter certaines positions relatives aux intérêts des entreprises dépassant un cadre strictement régional auprès des pouvoirs publics, comme elles le font aujourd'hui couramment ;

- détermine désormais les critères de recrutement et de rémunération ainsi que les procédures et les conditions d'indemnisation en cas de rupture de la relation de travail des directeurs généraux ;

- par le biais de son président, donne son avis préalablement à la nomination de chaque directeur général de CCIT et de CCIR, de même que sur toute décision de rupture de la relation de travail d'un directeur général à l'initiative de l'employeur ;

- puisse, comme aujourd'hui, diligenter ou mener des audits , le texte proposé précisant, d'une part, que cela peut intervenir à son initiative ou à la demande d'un établissement public du réseau des CCI et, d'autre part, que ces mesures peuvent non seulement concerner le fonctionnement mais également la situation financière de chambres du réseau.

Par ailleurs, si comme le prévoit le droit en vigueur, les conclusions de cet audit devront être transmises aux chambres concernées et à l'autorité de tutelle, la nouveauté importante du texte proposé est que certaines des recommandations qui y seront formulées, après mise en oeuvre d'une procédure contradictoire, pourraient s'imposer aux chambres auditées , dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ;

- opère elle-même la répartition entre les CCIR du produit de la taxe pour frais de chambres , après avoir déduit la quote-part nécessaire au financement de son fonctionnement, de ses missions et des projets de portée nationale. Le montant minimal de cette quote-part serait fixé par arrêté du ministre de tutelle. Après détermination et déduction de cette quote-part , la répartition entre les CCIR devrait tenir compte des éléments suivants :

• les objectifs fixés dans les conventions d'objectifs et de moyens conclus entre l'État, les CCIR et CCI France et des résultats de leur performance ;

• les décisions prises par l'assemblée générale de CCI France et leur réalisation ;

• les besoins des chambres pour assurer leurs missions ;

• leur poids économique tel que défini à l'article L. 713-13 du code de commerce, c'est-à-dire en fonction des bases d'imposition de leurs ressortissants, de leur nombre et du nombre de leurs salariés ;

• la nécessité d'assurer une péréquation entre les chambres de commerce et d'industrie , notamment pour tenir compte des particularités locales.

Cette prérogative financière donnée à CCI France constitue une évolution majeure et un renforcement considérable de la tête de réseau puisque jusqu'alors la compétence de celle-ci ne s'exerçait que sur le fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière des CCI, destiné à financer des projets d'intérêt national en faveur de l'innovation et de la modernisation du réseau.

En outre, désormais, le critère du poids économique de chaque CCIR, qui était jusqu'alors déterminant dans l'allocation de la taxe pour frais de chambres devient désormais un élément parmi d'autres , le texte proposé laissant à l'assemblée générale de CCI toute discrétion pour privilégier tel ou tel critère dans la répartition à opérer ;

- établisse un inventaire et une définition de la stratégie immobilière du réseau des CCI. Cette mission nouvelle serait exercée avec le concours de la direction de l'immobilier de l'État et l'inventaire ferait l'objet d'un suivi régulier, ces dispositions devant être précisées par un décret en Conseil d'État.

Selon les informations communiquées par le Gouvernement à votre rapporteur, cette mesure serait de nature à mieux valoriser et optimiser le patrimoine de l'ensemble du réseau, notamment en évaluant l'intérêt de choix de détention de la propriété des biens immobiliers ou de leur seule location ou mise à disposition, et en favorisant le cas échéant des actions collectives et pluriannuelles d'investissement, des regroupements ou des mutualisations de locaux ou d'équipements.

Enfin, le du présent article modifie l'article L. 712-6 du code de commerce, relatif à l'obligation de désignation de commissaires aux comptes dans les établissements du réseau des CCI. À cette obligation serait ajoutée celle, à compter des comptes 2020 , pour les CCIR auxquelles sont rattachées des CCIT, d'établir et publier annuellement des comptes combinés, transmis à CCI France .

En séance publique , cet article n'a fait l'objet d'aucune modification.

III. La position de votre commission

Votre commission souligne l'intérêt d'un renforcement des prérogatives de CCI France qui permettra une meilleure structuration du réseau des CCI au bénéfice d'une politique nationale en faveur du commerce, de l'industrie et des services, à la condition que celle-ci soit relayée, avec les adaptations nécessaires, dans les territoires, par des actions de proximité. Cette évolution s'inscrit d'ailleurs dans la volonté exprimée dès 2014 dans le rapport d'application des lois établi par nos collègues Claude Bérit-Débat et Jean-Claude Lenoir. 141 ( * )

Aussi votre commission approuve-t-elle pour l'essentiel les mesures proposées par le présent article. À l'initiative de votre rapporteur, elle a néanmoins adopté plusieurs amendements sur certains éléments du dispositif qui, outre la suppression de certaines mentions qui ne relèvent pas du niveau de la loi, telles celle de la direction de l'immobilier de l'État, (amendement COM-424) ou des améliorations rédactionnelles (amendement COM-513), prévoient :

- de laisser la possibilité à d'autres établissements du réseau des CCI de pouvoir représenter les intérêts du réseau auprès des pouvoirs publics au-delà de leur ressort territorial. Cela permettra notamment aux CCIR qui bénéficient aujourd'hui de services dotés d'une expertise reconnue dans le domaine de l'activité et du droit des entreprises de continuer à formuler des propositions notamment dans le cadre de la procédure d'élaboration de textes juridiques de niveau national ou européen (amendement COM-422) ;

- de supprimer l'avis du président de CCI France sur la nomination des directeurs généraux de CCI et la rupture de leur relation de travail, dès lors que les CCI devront respecter le cadre juridique qui sera défini par CCI France dans le cadre de ses nouvelles missions (amendement COM-423) ;

- de n'appliquer ce nouveau cadre juridique, dans le souci de ne pas porter atteinte aux situations contractuelles acquises, qu'aux seuls directeurs généraux recrutés après l'entrée en vigueur de la présente loi (amendement COM-425).

Votre commission a adopté l'article 13 ter ainsi modifié.

Article 13 quater A (nouveau)
(art. 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019)
Calcul de la répartition des ressources issues
de la taxe pour frais de chambres

I. Le droit en vigueur

1. La répartition de la taxe pour frais de chambres

Le financement public des chambres de commerce et d'industrie (CCI) est assuré, pour ce qui est de leur activité non marchande, par la taxe pour frais de chambre (TFC) selon les modalités prévues à l'article 1600 du code général des impôts. Elle est constituée de deux contributions :

- d'une part, la taxe additionnelle à la contribution foncière des entreprises - TACFE - dont le taux est régional ;

- d'autre part, la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - TACVAE - dont le taux est national.

Depuis 2013, le produit de ces deux contributions est soumis au plafond prévu à l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, qui n'a cessé de diminuer. Ainsi, la loi de finances pour 2019 a fixé le plafond, s'agissant de la TACFE, à 449 millions d'euros pour 2019 et 349 millions en 2020.

La répartition des sommes ainsi dévolues au fonds de financement des CCIR s'opère selon des conditions complexes, en application des II et III de l'article 1600 du code général des impôts.

* Pour ce qui est de la TACFE , les CCIR et la CCI de Mayotte votent chaque année le taux qui sera applicable dans leur circonscription. Depuis 2020, les taux de TACFE doivent être égaux aux taux de l'année précédente, sous réserve d'une pondération.

Chaque CCIR perçoit le produit de TACFE due au titre des établissements situés dans sa circonscription, dans la limite d'un plafond individuel fixé par référence au plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Ce plafond individuel est obtenu pour chaque bénéficiaire en répartissant le montant prévu, au prorata des émissions perçues figurant dans les rôles généraux de l'année précédant l'année de référence. Ces plafonds individuels portent sur les émissions rattachées aux rôles de l'année de référence, sans prise en compte des remboursements et dégrèvements relatifs à la TACFE.

* Le produit de la TACVAE est affecté au fonds de financement des CCIR et de CCI France , dans la limite du plafond prévu par l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 précitée.

Pour chaque CCIR, est alors calculée la différence entre :

- la somme des produits de la TACFE perçus en 2010 par les CCIT rattachées à la CCIR, minorée de 4 % pour le calcul de cette différence applicable aux versements opérés en 2011, de 8 % pour le calcul de cette différence applicable aux versements opérés en 2012 et de 15 % pour le calcul de cette différence applicable aux versements opérés à compter de 2013 ;

- une fraction égale à 40 % de la somme des produits de la TACFE perçus en 2010 par les CCIT rattachées à la CCIR, minorée du prélèvement mentionné à l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

À partir de 2016 a été opéré, au profit de CCI France, un prélèvement sur le fonds de financement des CCI et de CCI France, d'un montant égal à 2,2 % de la somme des plafonds prévus à l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 au titre de la TACFE et de la TACVAE. Depuis 2017, le montant de ce prélèvement est égal à celui de l'année précédente pondéré par le rapport entre la somme des plafonds précités prévus pour l'année de référence et la somme des plafonds de l'année précédente.

Ce calcul permet ensuite d'assurer une péréquation de financement au profit de certaines chambres selon deux modalités :

- d'une part, si le produit de la TACVAE est supérieur ou égal à la somme des différences calculées précédemment et des montants spécifiquement prévus pour la CCI de Mayotte et CCI France, le fonds de financement verse à chaque CCIR un montant égal à sa différence, à la CCI de Mayotte le montant spécifiquement prévu et à CCI France le montant qui lui est affecté depuis 2017, puis verse aux CCIR et à la CCI de Mayotte le solde du produit qui lui est affecté proportionnellement à la valeur ajoutée imposée dans les communes de leur circonscription et retenue pour la détermination de la CVAE en application du 1 du II de l'article 1586 ter du code général des impôts ;

- d'autre part, si le produit de la TACVAE affecté, au titre d'une année, au fonds de financement des CCIR et de CCI France est inférieur à la somme des différences calculées précédemment et des montants des montants spécifiquement prévus pour la CCI de Mayotte et CCI France, le fonds de financement verse à CCI France le montant qui lui est affecté depuis 2017 et verse aux chambres de commerce et d'industrie de région concernées :

- un montant égal au produit de la différence résultant des calculs opérés précédemment, corrigé par un coefficient unique d'équilibrage. Ce coefficient est calculé de sorte que la somme des versements opérée au titre de cette péréquation soit égale au produit de la TACVAE affecté, au titre de l'année, au fonds de financement des CCIR et de CCI France, minoré du montant prévu pour CCI France et de 45 millions d'euros ;

- un montant déterminé , dans des conditions fixées par décret, par une délibération de l'assemblée générale de CCI France prise au plus tard le 30 juin, dans la limite d'un plafond de 40,5 millions d'euros , destiné à financer des projets structurants de modernisation des chambres ou à contribuer à la solidarité financière à laquelle une CCIR serait contrainte au titre de l'article L. 711-8 du code de commerce. Le quart au plus de ce montant est destiné à être alloué par les CCIR aux CCIT de leur circonscription dont le périmètre comprend au moins 60 % de communes ou de groupements de communes classés en zone de revitalisation rurale (ZRR) et aux chambres de commerce et d'industrie des départements et régions d'outre-mer. Les CCIT éligibles doivent être engagées dans un processus de réunion au titre du sixième alinéa de l'article L. 711-1 du code de commerce avant le 1 er août de chaque année, dans le cas où elles se situent dans le même département. Si le montant alloué n'est pas utilisé dans sa totalité par les CCI qui en sont destinataires, le reliquat est reversé au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région et de CCI France.

Par ailleurs, un montant de 4,5 millions d'euros est versé au fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière des CCI par le fonds de financement des CCIR et de CCI France pour financer des projets d'intérêt national en faveur de l'innovation et de la modernisation du réseau, dans des conditions fixées par décret et après délibération de l'assemblée générale de CCI France.

2. Les modalités de répartition exceptionnelles de la TFC pour 2019

Compte tenu du calendrier d'examen du présent projet de loi, qui prévoit en son article 13 ter de confier à CCI France la prérogative d'allouer les ressources de la TFC au réseau, l'article 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a créé un dispositif de répartition dérogatoire des ressources issues de la TFC pour 2019.

S'agissant de la TACVAE, ce régime transitoire prévoit que :

- le produit de la TACVAE est affecté au fonds de financement des CCI et de CCI France dans la limite du plafond fixé par l'article 46 de la loi de finances pour 2012, qui reste inchangé à un niveau de 226,1 millions d'euros. Les produits de ce fonds sont affectés à CCI France ;

- une quote-part de 19 millions d'euros est affectée à CCI France pour le financement de son fonctionnement ainsi que de ses missions et projets de portée nationale ;

- le solde est réparti par CCI France entre les CCIR, de manière à permettre l'allocation d'une dotation globale d'activité consulaire aux CCIT dont le périmètre comprend au moins 70 % de communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR), ainsi qu'aux CCI d'outre-mer. Le texte adopté en loi de finances prévoit néanmoins que cette répartition est opérée « sur le fondement des études économiques de pondération réalisées lors du dernier renouvellement général ». Cette mesure a donc imposé une répartition de la TACVAE entre les CCIR fondée sur la pondération économique 2016 et non sur celle de 2010 comme c'était le cas les années précédentes.

II. Le texte adopté par votre commission

À la suite de deux amendements identiques COM-264 et COM-302 , présentés respectivement par Georges Patient et Jacques Mézard et plusieurs de nos collègues, votre commission a adopté le présent article additionnel afin de modifier le calcul, pour 2019, de la répartition des ressources issues de la taxe pour frais de chambres (TFC).

Le présent article modifie à cette fin l'article 83 de la loi de finances pour 2019 pour supprimer l'obligation faite à CCI France d'opérer, pour 2019, la répartition du produit de la TFC sur le fondement des études économiques de pondération réalisées lors du dernier renouvellement général .

Ce choix a bouleversé les modalités de répartition jusqu'alors retenues entre les CCIR, dans un contexte de baisse drastique de la ressource fiscale issue de la TFC.

Elle a eu pour première conséquence de diminuer le financement octroyé à onze CCIR sur dix-huit, notamment celles qui jusqu'alors bénéficiaient d'un mécanisme plus favorable en raison de leur fragilité financière , telles les CCI de Corse et d'outre-mer, ou celles comprenant de nombreuses CCI rurales, comme les CCIR de Nouvelle-Aquitaine ou d'Occitanie. Ainsi, alors que la baisse des ressources du réseau est de 13,59 %, la baisse prévisible pour la CCI des Hauts-de-France sera de 15,2%, de 15,44 % pour la CCI de Bretagne, de 16,68 % pour la CCI de la Nouvelle Aquitaine, de 17,21% pour celle d'Occitanie et 18,8% pour celle de Normandie. Les plus touchées sont les CCI de Guadeloupe (-19,58 %), de Corse (-21,35 %), de Martinique (-21,82 %) et surtout de Guyane (-40,88%).

Elle a également supprimé toute possibilité de péréquation nationale alors même que l'ambition de la réforme opérée par l'article 13 ter du présent projet de loi était de confier un rôle plus important à la tête de réseau CCI France dans la répartition de la TFC. Enfin, elle a rendu inopérant le dispositif protecteur des petites CCI que constituait le seuil minimal d'activité consulaire introduit par le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale.

En conséquence, la suppression de la règle de référence prévue pour 2019 permettra à l'assemblée générale de CCI France de faire adopter une répartition rectificative de la TFC en 2019 de nature à mieux assurer le maintien d'une péréquation proche de celle opérée les années précédentes .

Votre commission a adopté l'article 13 quater A ( nouveau ) ainsi rédigé.

Article 13 quater
(art. L 712-7 et 712-9 du code de commerce)
Renforcement de la tutelle de l'autorité administrative
sur les chambres de commerce et d'industrie

I. Le droit en vigueur

Établissements publics administratifs, les chambres de commerce et d'industrie dotées de la personnalité juridique (CCI France, les chambres de commerce et d'industrie de région - CCIR, et les chambres de commerce et d'industrie territoriales - CCIT) sont soumises à ce titre à la tutelle de l'autorité administrative, qu'elle s'exerce au niveau du Gouvernement (par décret), du ministre chargé du commerce (par arrêté) ou du préfet (par arrêté). Cette tutelle s'exerce à la fois sur certains actes des CCI, qui sont soumis à approbation, et sur la gouvernance de ces établissements.

Ainsi, selon l'article L. 712-7 du code de commerce, l'autorité compétente veille au fonctionnement régulier des établissements du réseau et, à ce titre, assiste de droit à leurs instances délibérantes . Certaines délibérations , notamment celles mentionnées au 1° de l'article L. 711-8
- c'est-à-dire le schéma régional d'organisation des missions - sont soumises à son approbation dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Par ailleurs, l'article L. 712-8 du même code dispose que l'autorité compétente peut, après application d'une procédure contradictoire, arrêter le budget et confier au directeur départemental des finances publiques les fonctions de trésorier lorsque :

- le budget prévisionnel d'un établissement ou le budget exécuté au cours de l'exercice écoulé fait apparaître un déficit non couvert par les excédents disponibles ;

- des dépenses obligatoires n'ont pas été inscrites au budget ou n'ont pas été mandatées ;

- des dysfonctionnements graves, mettant en péril l'équilibre financier de l'établissement, sont constatés.

Enfin, aux termes de l'article L. 712-9 du même code, tout membre élu d'un établissement public du réseau peut être suspendu ou déclaré démissionnaire d'office par l'autorité compétente, après procédure contradictoire, en cas de faute grave dans l'exercice de ses fonctions.

De même, lorsque les circonstances compromettent le fonctionnement d'un établissement, l'autorité compétente peut même prononcer la suspension de ses instances et nommer une commission provisoire. Le cas échéant, la dissolution des instances de la CCI peut être décidée par l'autorité compétente.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission , l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, avec l'avis favorable du rapporteur, afin de renforcer le pouvoir de l'autorité de tutelle sur les CCI.

À cette fin, le de cet article supprime à l'article L. 712-7 du code de commerce la mention, il est vrai purement illustrative, des schémas régionaux d'organisation des missions parmi les actes devant faire l'objet d'une approbation par la tutelle.

Le modifie l'article L. 712-9 du même code afin, d'une part, d'apporter certaines clarifications aux instances des CCI qui peuvent faire l'objet d'une suspension ou d'une dissolution. Il s'agirait donc du bureau et de l'assemblée générale de la chambre.

D'autre part, il permet de décider par décret de la transformation d'une CCIT en chambre de commerce et d'industrie locale (CCIL) lorsque son assemblée générale a été dissoute en application du même article L. 712-9. Cette transformation unilatérale pourrait intervenir même en l'absence de disposition en ce sens du schéma directeur de la CCIR, sous réserve d'une consultation préalable du président de la CCIR et du président de CCI France.

III. La position de votre commission

La mesure prévue par le présent article confère un pouvoir de modification unilatérale de la structuration infrarégionale du réseau des CCI par l'autorité de tutelle . Contrairement au pouvoir reconnu à l'article 13 bis E du présent projet de loi, cette prérogative aurait un caractère permanent .

Elle doit être regardée comme une mesure exceptionnelle et de dernier recours , lorsque la situation qui a conduit à la dissolution de l'assemblée générale est telle qu'il apparaît que le maintien d'un établissement public ne pourra être viable. Sous le bénéfice de cette observation, votre commission n'a pas apporté de modification à cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 13 quater sans modification.

Article 13 quinquies (supprimé)
(art. L. 712-11 du code de commerce)
Droit syndical des agents des chambres de commerce et d'industrie

I. Le droit en vigueur

Les dispositions législatives du code de commerce relatives au droit syndical des agents des chambres de commerce et d'industrie (CCI) se limitent à des règles relatives à la représentativité des organisations syndicales du réseau.

L'article L. 712-11 du code de commerce dispose ainsi que la représentativité des organisations syndicales des établissements du réseau des CCI est déterminée d'après les sept critères cumulatifs de l'article L. 2121-1 du code du travail 142 ( * ) , mais avec des dispositions particulières relatives à la mesure de l'audience.

Ainsi, d'une part, peuvent seules siéger à la commission paritaire nationale (CPN) des établissements du réseau des CCI 143 ( * ) les organisations syndicales ayant recueilli le seuil d'audience au niveau de la branche professionnelle, prévu à l'article L. 2122-5 du code du travail, selon des modalités définies par voie réglementaire.

D'autre part, sont représentatives auprès d'un établissement du réseau des CCI les organisations syndicales ayant recueilli le seuil d'audience au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, prévu à l'article L. 2122-1 du code du travail, mesuré à partir des résultats obtenus aux élections à la commission paritaire de l'établissement, ces élections ayant lieu à une date unique fixée par arrêté du ministre chargé du commerce.

En revanche, le droit syndical des agents et ses conditions d'exercice ne reposait que sur une circulaire ministérielle du 6 décembre 1984, annulée par le Conseil d'État en 1996 . C'est donc aujourd'hui sur une base juridique fragile que s'exerce ce droit essentiel au sein du réseau des CCI.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission , à la suite d'un amendement présenté par nos collègues députées Valérie Oppelt et Stella Dupont auquel le rapporteur et le Gouvernement ont donné un avis favorable, l'Assemblée nationale a adopté le présent article additionnel destiné à sécuriser juridiquement le droit syndical des agents des CCI .

À cet effet, le I du présent article complète l'article L. 712-11 du code de commerce afin de rendre applicables à l'ensemble des agents des CCI les dispositions du livre I er de la deuxième partie du code du travail, relatives aux syndicats professionnels .

Toutefois, compte tenu des spécificités du réseau des CCI, seraient exclues de cette application certaines dispositions de ce livre I er :

- son titre II, relatif à la représentativité syndicale , dès lors que les I à III de l'article L. 712-11 du code de commerce comportent des règles spécifiques, opérant pour partie par renvoi à certaines dispositions du code du travail ;

- les articles L. 2135-7 et L. 2135-8, relatifs à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ;

- la section 3 du chapitre V du titre III, relative au financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs ;

- l'article L. 2141-7-1, relatif à l'information annuelle des salariés de la disponibilité des adresses des organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l'entreprise sur le site du ministère du travail ;

- le premier alinéa de l'article L. 2141-10, permettant l'application de conventions ou accords collectifs de travail comportant des clauses plus favorables, notamment celles qui sont relatives à l'institution de délégués syndicaux ou de délégués syndicaux centraux dans tous les cas où les dispositions légales n'ont pas rendu obligatoire cette institution ;

- les articles L. 2141-12 et L. 2141-13, relatifs aux activités qui conduisent à une dispersion ou à une mobilité permanente du personnel, liées à l'exercice normal de la profession ainsi qu'à la situation des très petites entreprises ;

- les articles L. 2142-7, L. 2143-2, L. 2143-19, comportant des dispositions spécifiques aux entreprises de travail temporaire ;

- les articles L. 2143-6 et L. 2143-22, relatifs aux établissements de moins de cinquante salariés, et L. 2143-23, relatif aux conditions de désignation dérogatoires des délégués syndicaux ;

- les chapitre IV et V du titre IV, comportant respectivement certaines dispositions complémentaires relatives aux entreprises du secteur public et des dispositions relatives aux congés et formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales. Toutefois, seraient malgré tout applicables : les articles L. 2145-5, relatif au droit à congés de formation économique et sociale, L. 2145-6, prévoyant le droit au maintien total par l'employeur de la rémunération au cours de ces congés, L. 2145-7, relatif à la durée maximale de ces congés, L. 2145-10, relatif à l'assimilation de ces congés à du temps de travail effectif et L. 2145-11, relatif au droit d'opposition de l'employeur à ces congés.

Il reviendrait à la CPN des établissements du réseau des CCI de définir les modalités d'application de ces dispositions , afin notamment d'assurer la « mise en cohérence des règles sociales » dont relèvent ces personnels avec les dispositions du code du travail en matière de droits syndicaux.

Aux termes du II du présent article, ces dispositions entreraient en vigueur neuf mois après la publication de la présente loi, afin de laisser un laps de temps suffisant à la CPN pour préciser les modalités d'application de ces mesures.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à la sécurisation de la base juridique des droits syndicaux reconnus aux agents des CCI. Le présent article, en prévoyant une application de principe des dispositions concernées du code du travail sous réserve d'exceptions justifiées par le particularisme du réseau des CCI, y contribue.

Toutefois, l'articulation du présent article avec les dispositions figurant à l'article 13 du présent projet de loi étant mal assurée, elle a souhaité les réécrire entièrement afin de clarifier les règles syndicales applicables aux agents des CCI, pour les faire figurer au même article 13.

Aussi, par coordination, votre commission a adopté un amendement COM-428 de suppression.

Votre commission a supprimé l'article 13 quinquies .

Article 13 sexies A (nouveau)
(art. L. 5424?1 et L. 5424-2 du code du travail)
Adhésion des chambres de commerce et d'industrie
à l'assurance-chômage

I. Le droit en vigueur

En application des articles L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail, les chambres de commerce et d'industrie (CCI), en tant qu'établissements publics administratifs de l'État, relèvent du dispositif de l'auto-assurance pour l'indemnisation des travailleurs privés d'emplois. Elles assurent donc directement la charge et la gestion de l'allocation d'assurance-chômage .

Néanmoins, elles peuvent opter , de manière irrévocable, pour l'adhésion à l'assurance-chômage pour les seuls personnels des services à caractère industriel et commercial dont elles assurent la gestion.

Afin d'éviter que chacune des CCI n'assume individuellement ce dispositif d'auto-assurance chômage, les CCI ont confié la gestion du risque à une association de droit privé créée par elles, dénommée « Caisse d'allocation chômage des chambres de commerce et d'industrie (CMAC) ». Dans ce cadre, les CCI adhérentes versaient une cotisation assise sur les rémunérations de leurs collaborateurs et la CMAC assurait le versement des indemnités chômage aux collaborateurs des CCI privés d'emploi conformément aux règles de l'UNEDIC.

Néanmoins, compte tenu de l'absence de fondement juridique de la mutualisation du risque de chômage opéré par la CMAC, il a été mis fin à ce dispositif, et les CCI employeurs assument aujourd'hui directement, depuis le 1 er janvier 2019, la charge des prestations à verser .

Dans ces conditions, compte tenu du contexte de forte réduction des ressources fiscales, le maintien du régime d'auto-assurance pourrait mener plusieurs CCI dans une impasse financière : contraintes de supprimer de nouveaux emplois, leur charge d'indemnisation s'amplifierait au point de justifier de nouvelles suppressions d'emplois.

II. Le texte adopté par votre commission

À la suite d'un amendement COM-567 présenté par votre rapporteur, la commission a adopté le présent article additionnel tendant à permettre aux CCI d'adhérer à l'assurance-chômage pour l'ensemble de leurs personnels, au-delà de ceux affectés aux services d'intérêt économique qu'elles gèrent.

À cette fin, le présent article modifie l'article L. 5424-2 du code de commerce, et par coordination son article L. 5424-1, afin d'ouvrir le droit d'option irrévocable pour l'adhésion à l'assurance-chômage à l'ensemble des personnels des CCI. Il reviendra donc à chaque CCI employeur de décider d'exercer ou non cette option.

Votre commission a adopté l'article 13 sexies A (nouveau) ainsi rédigé .

Article 13 sexies
(art. L. 4251-18 du code général des collectivités territoriales
et L. 711-8 du code de commerce)
Convention entre la région et la chambre de commerce et d'industrie
de région pour la mise en oeuvre du SRDEII

I. Le droit en vigueur

Depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), les régions, investies d'attributions renforcées en matière de développement économique, établissent chacune un schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII).

En application de l'article L. 4251-13 du code général des collectivités territoriales, ces schémas définissent :

- les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises ;

- les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional ;

- les orientations en matière de développement de l'économie sociale et solidaire. Ils organisent, sur le territoire régional, la complémentarité des actions menées par la région en matière d'aides aux entreprises avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs groupements.

Les stratégies régionales définies par les chambres de commerce et d'industrie de région (CCIR) doivent , en vertu de l'article L. 711-8 du code de commerce, être compatibles avec ces SRDEII . En revanche, aucune disposition législative n'impose expressément aujourd'hui qu'un instrument juridique commun aux régions et aux CCIR assure effectivement cette compatibilité.

Malgré cette absence d'obligation, des conventions ont d'ores et déjà été mises en place entre les régions et les CCIR. Selon les indications fournies par CCI France à votre rapporteur, une convention-cadre a ainsi été signée en février 2018 au niveau national afin d'encourager les CCIR et les régions à formaliser les collaborations sur les territoires , six thématiques de collaboration ayant été identifiées: la formation et l'apprentissage, la création-reprise d'entreprises, le développement des entreprises (innovation, industrie, numérique), l'international, l'intelligence économique territoriale et les fonds européens.

Depuis cette date, les 13 régions métropolitaines ont chacune signé une convention avec leur CCIR : pour douze d'entre elles, il s'agit d'une convention-cadre ; pour la Nouvelle Aquitaine, des conventions thématiques ont été privilégiées.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission , à la suite d'un amendement présenté par notre collègue députée Stella Dupont auquel le rapporteur et le Gouvernement ont donné un avis favorable, l'Assemblée nationale a adopté le présent article afin d'instituer l'obligation pour la région et la CCIR de conclure une convention destinée à la mise en oeuvre du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation .

À cette fin, le I du présent article complète l'article L. 4251-18 du code général des collectivités territoriales afin d'introduire cette obligation juridique.

Le II prévoit, à l'article L. 711-8 du code de commerce, une disposition « miroir » précisant que la compatibilité de la stratégie de la CCIR avec le SRDEII est garantie par la signature des conventions qui seraient prévues à l'article L. 4251-18 précité.

III. La position de votre commission

Votre commission constate que le présent article ne fait que conforter un mouvement de contractualisation qui existe déjà largement en métropole, en le rendant obligatoire. Elle estime qu'il convient de laisser tant les régions que les chambres consulaires décider des modalités juridiques d'organisation et de mise en oeuvre de leurs actions à l'égard des entreprises .

Pour autant, il importe que l'action économique des réseaux consulaires soit bien compatible avec celle de la région, et même s'inscrive dans une relation de complémentarité réciproque .

Sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a donc adopté l'amendement COM-514 , qui vise à supprimer l'obligation de conventionner par des dispositions créant un objectif de complémentarité d'action et de compatibilité des stratégies régionales consulaires avec celles des régions, tant pour les chambres de métiers que pour les chambres de commerce et d'industrie , déjà partiellement inscrite dans la loi pour ces dernières.

Votre commission a adopté l'article 13 sexies ainsi modifié.

Article 13 septies
(art. L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales)
Droit de présentation des titulaires d'autorisations
d'occupation temporaire de halle ou de marché
au bénéfice des personnes inscrites au registre des actifs agricoles

Le présent article a pour objet de permettre aux exploitants agricoles inscrits au registre des actifs agricoles d'être présentés comme successeurs d'un titulaire d'autorisation d'occupation temporaire de halle ou de marché. Le droit actuel ne permet aux titulaires de ne présenter comme successeur que des personnes inscrites au registre du commerce et des sociétés, c'est-à-dire des commerçants.

I. Le droit en vigueur

1. Le régime d'autorisation d'occupation temporaire des halles et marchés

Au titre des articles L. 2122-1 à L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques, toute occupation du domaine public est soumise à autorisation temporaire, personnelle, précaire et révocable.

Plus particulièrement, la vente de produits sur les marchés de plein air ou dans les halles couvertes est soumise à un régime d'autorisation par la commune : toute personne souhaitant bénéficier d'un emplacement doit solliciter auprès de la commune une autorisation d'occupation temporaire (AOT), octroyée contre le paiement d'un droit de place.

L'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi que : « Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale ». Ce règlement ou cahier des charges encadre par exemple le nombre d'emplacements disponibles, les horaires du marché, les différentes autorisations requises, ou encore les tarifs des droits de place.

Le demandeur doit déposer auprès de la mairie (ou d'un gestionnaire délégataire) une demande d'attribution d'emplacement à l'année ou à la journée. Le tarif de droit de place exigible est uniforme, sans varier selon la catégorie de professionnel concernée (commerçant, artisan ou producteur agricole).

Toutefois, en cas de cessation d'activité ou de cession de fonds de commerce, l'autorisation est normalement annulée, puisqu'elle est délivrée à titre personnel.

L`article 71 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « loi ACTPE », a instauré un « droit de présentation » pour les détenteurs d'une AOT, dans l'objectif de favoriser la continuité du commerce de proximité dans les halles et marchés. Ce droit de présentation est prévu à l'article L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales. Il est soumis à trois conditions :

- le titulaire d'AOT terminant son activité doit avoir exercé dans la halle ou le marché depuis une période déterminée par délibération du conseil municipal ;

- le titulaire doit céder son fonds de commerce ;

- le successeur proposé à l'approbation du maire doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS).

Le titulaire de l'AOT peut alors proposer au maire un successeur . Si le maire approuve cette demande ou la refuse par décision motivée (la décision devant intervenir dans les deux mois), ce successeur est alors subrogé dans les droits et obligations du commerçant cédant son fonds. En cas de décès, d'incapacité ou de retraite du titulaire de l'autorisation, ses ayants droits peuvent également bénéficier de ce droit de présentation sous six mois 144 ( * ) .

2. Les exploitants agricoles peuvent vendre leur production sur les halles et marchés, mais ne peuvent pas être présentés comme successeurs d'un titulaire actuel

Les exploitants agricoles sont autorisés à vendre leurs produits directement aux consommateurs, lorsque cette activité de vente représente le prolongement de leur activité de production 145 ( * ) . Sous cette condition, leur activité de vente directe ne remet pas en cause le caractère civil de leur activité. En revanche, les personnes achetant des biens aux producteurs dans le but de les revendre exercent une activité commerciale.

Les commerçants sont tenus d'être immatriculés au registre du commerce et des sociétés (RCS). Y sont également inscrits les agriculteurs exerçant leur activité sous forme de société civile ou commerciale, comme les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) ou les coopératives, ainsi que les exploitants agricoles dits « pluriactifs » qui exercent à la fois des activités agricoles et commerciales.

Les personnes physiques qui exercent une activité agricole et qui cotisent à l' « Atexa » 146 ( * ) sont inscrites au registre des actifs agricoles (RAA). Cette obligation résulte de la rédaction par l'article 35 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de l'article L. 311-2 du code rural. Ce registre est tenu par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), qui centralise les données recueillies par les Centres de formalités des entreprises (CFE), les Chambres d'agriculture départementales et les caisses de la MSA. Il est devenu pleinement opérationnel au 1 er juillet 2018, sur la base du décret d'application n° 2017-916 du 9 mai 2017 relatif aux modalités de tenue et de mise à jour du registre des actifs agricoles.

Lorsqu'ils souhaitent vendre leur production sur les marchés et dans les halles, les exploitants agricoles peuvent solliciter, tout comme les artisans ou commerçants, une autorisation d'occupation temporaire (AOT). En revanche, le droit de présentation d'un successeur prévu à l'article L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales est restreint au seul bénéfice des personnes immatriculées au RCS.

En l'état du droit, un exploitant agricole individuel ne peut donc pas être présenté pour succéder à un titulaire d'AOT, puisqu'il n'est pas inscrit au RCS.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Issu d'un amendement adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le présent article propose d'étendre le droit de présentation de titulaires d'autorisations d'occupation temporaire au bénéfice des personnes inscrites au registre des actifs agricoles.

En conséquence, le présent article vise à porter à l'article L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales la condition d'inscription au registre des actifs agricoles, comme alternative à la condition d'inscription au registre du commerce et des sociétés.

Cet article n'a fait l'objet d'aucune modification en séance publique à l'Assemblée nationale.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur note que la présente mesure répond à des demandes exprimées de longue date par les exploitants agricoles, et relayée par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture.

Tout d'abord, le régime actuel est inégal, puisqu'il exclut les agriculteurs d'un dispositif ouvert au seul bénéfice des commerçants. Votre rapporteur note à ce titre que seules 46 % des exploitations agricoles sont des sociétés et sont donc inscrites au RCS.

En l'état du droit, un exploitant agricole individuel qui rachèterait l'exploitation d'un autre agriculteur, ou le fonds de commerce d'un commerçant, ne pourrait pas se voir transmettre son emplacement de halle ou de marché. Il devrait solliciter une nouvelle autorisation.

Cela nuit fortement à la pérennité des activités agricoles, et réduit l'attractivité des cessions d'exploitations. La possibilité de vendre sa production agricole sur un marché ou dans une halle est une composante économique à part entière de l'activité de nombre d'exploitants agricoles. Elle offre également un complément de revenu pour ces agriculteurs. Il convient donc de faciliter la transmission des exploitations agricoles et de l'activité rattachée de vente, en particulier à l'heure où les circuits de vente directe et locale font l'objet d'un regain d'attractivité auprès des consommateurs français. Cela participe d'ailleurs directement de l'objectif de facilitation de la transmission des entreprises annoncé par le Gouvernement.

Par ailleurs, votre rapporteur note que la mesure proposée n'empiète en rien sur la compétence du maire : comme c'est aujourd'hui le cas pour les commerçants, le successeur présenté par le titulaire de l'autorisation restera soumis à l'acceptation ou au refus du maire, selon les critères prévus dans le cahier des charges du marché ou des halles.

Sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-430 visant à clarifier les dispositions relatives à l'ancienneté minimale du commerçant bénéficiant du droit de présentation, au même article L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales.

Dans le droit actuel, le commerçant cédant son fonds de commerce ne peut présenter au maire un successeur pour son emplacement que s'il a exercé sur la halle ou marché depuis une durée minimale. Celle-ci est fixée par le conseil municipal, « dans la limite de trois ans ».

Cette rédaction est problématique, puisqu'elle tend à limiter le bénéfice du droit de présentation aux commerçants ayant obtenu leur emplacement le plus récemment, alors que l'objectif initial était justement de réserver ce droit aux commerçants faisant preuve d'une certaine ancienneté sur le marché.

En conséquence, l'amendement adopté par votre commission corrige cette rédaction, en clarifiant que la durée minimale d'exercice doit être égale ou supérieure à trois ans. Cette disposition offre ainsi davantage de flexibilité au conseil municipal dans la détermination de l'ancienneté minimale.

Votre commission a adopté l'article 13 septies ainsi modifié .

Article 13 octies (nouveau)
Constitution de fonds de commerce sur le domaine public
en vertu de titres antérieurs à la loi du 18 juin 2014
relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises

I. Le droit en vigueur

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a conféré aux détenteurs d'un titre d'occupation du domaine public le droit d'exploiter un fonds de commerce sur le domaine public, sous réserve de l'existence d'une clientèle propre . Cette disposition, qui apporte une garantie à l'acquéreur d'un fonds de commerce lorsque l'exploitation de ce fonds nécessite l'obtention d'un titre d'occupation du domaine public et permet de résoudre des difficultés apparues lors de la transmission de fonds de commerce, soit par vente, soit par héritage, sans remettre en cause les principes fondamentaux de notre droit concernant l'imprescriptibilité et l'inaliénabilité du domaine public, a été inscrite à l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sans que la loi précise les conditions de son application dans le temps.

En l'absence d'une telle précision, le Conseil d'État a adopté une interprétation restrictive de ce droit, en jugeant qu'il ne trouvait à s'appliquer aux détenteurs de titres délivrés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 précitée. Cette interprétation jurisprudentielle crée une différence de traitement injustifiée et pénalise les commerçants titulaires d'un titre délivré antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi.

II. Le texte adopté par votre commission

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement portant création du présent article, destiné à appliquer expressément le droit prévu à l'article L. 2124-32-1 précité également aux exploitants qui occupent le domaine public en vertu de titres en cours de validité à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, y compris lorsque ceux-ci ont été délivrés antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ( amendement COM-515 ).

Votre commission a adopté l'article 13 octies (nouveau) ainsi rédigé.

Section 3
Faciliter le rebond des entrepreneurs et des entreprises
Article 14
(art. L. 631-11 et L. 641-11 du code de commerce)
Maintien de la rémunération du dirigeant
d'une entreprise en redressement judiciaire

L'article 14 du projet de loi propose de maintenir la rémunération du dirigeant dont l'entreprise est placée en redressement judiciaire, sauf décision contraire du juge-commissaire désigné pour suivre la procédure, alors qu'aujourd'hui cette rémunération est décidée par le juge-commissaire.

I. Le droit en vigueur

Dans le cadre d'un redressement judiciaire, l'article L. 631-11 du code de commerce dispose que la rémunération du débiteur s'il est un entrepreneur individuel ou des dirigeants de la personne morale à l'égard de laquelle a été ouverte la procédure est fixée par le juge-commissaire désigné par le tribunal pour suivre la procédure et prendre certaines décisions s'il y a lieu.

II. Le dispositif proposé

Dans une logique de rebond et de valorisation des chefs d'entreprise pouvant rencontrer des difficultés économiques, le projet de loi propose d'inverser le principe du droit en vigueur, en prévoyant le maintien en l'état de la rémunération au moment de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, sauf décision contraire du juge-commissaire, saisi à cet effet par le parquet ou l'administrateur judiciaire. Comme un administrateur judiciaire n'est pas désigné par le tribunal dans toutes les procédures 147 ( * ) , le texte prévoit dans ce cas la possibilité de saisine du juge-commissaire par le mandataire judiciaire, lequel doit être désigné dans toutes les procédures.

Afin de lever toute éventuelle ambiguïté d'interprétation, votre rapporteur précise que, dans l'hypothèse où la rémunération du chef d'entreprise a été maintenue à l'ouverture de la procédure, que le juge-commissaire n'ait été saisi d'aucune demande de modification ou qu'il ait rejeté une demande qui lui a été adressée, il est possible par la suite, à tout moment du déroulement de la procédure, de saisir le juge-commissaire d'une demande de modification de cette rémunération.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur indique que, si la mission de l'administrateur judiciaire est d'assister le chef d'entreprise dans ses fonctions, voire parfois de se substituer à lui, en fonction de ce que décide le tribunal, celle du mandataire judiciaire est de représenter l'intérêt collectif des créanciers. Dans ces conditions, s'il doit assister le débiteur, l'administrateur judiciaire n'est pas nécessairement en mesure de demander une baisse de sa rémunération. En outre, l'implication du ministère public peut être variable selon les juridictions. Enfin, il peut être dans l'intérêt des créanciers que le mandataire demande une telle baisse, même si un administrateur judiciaire a été désigné.

Par conséquent, il est apparu plus simple, d'un point de vue procédural et dans un objectif de cohérence, que la saisine du juge-commissaire puisse être faite dans tous les cas par le ministère public, l'administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire. À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-322 en ce sens.

Par ailleurs, aucune disposition transitoire n'est nécessaire pour prévoir une application aux procédures de redressement judiciaire ouvertes après la promulgation de la loi, puisque le dispositif proposé s'applique au stade de l'ouverture de la procédure et peut s'appliquer sans difficulté au cours de la procédure.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 15
(art. L. 626-27, L. 631-7, L. 631-20-1, L. 641-1, L. 641-2-1, L. 644-2, L. 644-5,
L. 645-1, L. 645-3 et L. 645-9 du code de commerce)
Ajustements dans les procédures de rétablissement professionnel
et de liquidation judiciaire simplifiée

L'article 15 du projet de loi procède à plusieurs ajustements dans le livre VI du code de commerce, relatif aux difficultés des entreprises, concernant les procédures de liquidation judiciaire simplifiée et de rétablissement professionnel, qui s'adressent toutes les deux aux très petites entreprises.

I. Le droit en vigueur

La procédure de liquidation judiciaire simplifiée a vocation à être plus rapide et plus simple que la procédure ordinaire. Le tribunal doit prononcer sa clôture dans un délai d'un an, susceptible d'être ramené à six mois 148 ( * ) . Il s'agit d'éviter des procédures trop longues pour des petites entreprises qui possèdent peu voire pas d'actifs à réaliser. En outre, la procédure simplifiée est en partie allégée par rapport à la procédure ordinaire, en particulier en matière de vérification des créances du débiteur puisqu'il est procédé à la vérification par le liquidateur des seules créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions et des créances résultant d'un contrat de travail.

Il est obligatoirement fait application de la procédure simplifiée si l'actif du débiteur ne comprend pas de bien immobilier, s'il emploie au plus un salarié et si son chiffre d'affaires hors taxes n'excède pas 300 000 euros. Dans ce cas, la procédure doit durer au plus six mois. Il peut être fait application de cette procédure si le débiteur emploie moins de cinq salariés et réalise moins de 750 000 euros de chiffre d'affaires hors taxes. Dans ce cas, la procédure ne peut excéder un an. Le tribunal doit statuer sur l'application de la procédure simplifiée dans le jugement d'ouverture de la procédure s'il est en mesure de vérifier que les conditions de seuils sont réunies, sinon le président du tribunal peut ultérieurement prendre seul la décision.

La procédure de rétablissement professionnel, quant à elle, a été instaurée récemment, par l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives. Cette procédure reste aujourd'hui peu utilisée, car peu connue. Selon l'étude d'impact du projet de loi, 697 ouvertures de rétablissement professionnel ont été demandées de 2014 à 2017 et 517 procédures ont été effectivement ouvertes, devant les tribunaux de commerce comme devant les tribunaux de grande instance. Ce chiffre est à comparer aux 30 467 liquidations judiciaires 149 ( * ) ouvertes durant la seule année 2017 devant les seuls tribunaux de commerce.

Le rétablissement professionnel ne constitue pas une procédure de liquidation judiciaire, même s'il s'en inspire. Comme elle, il est ouvert aux débiteurs en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. Il n'est ouvert qu'aux débiteurs personnes physiques, c'est-à-dire aux entrepreneurs individuels, à la différence de la liquidation simplifiée, qui est ouverte à tous les débiteurs remplissant les conditions de seuils.

Cette procédure est ouverte aux entrepreneurs individuels sans salarié depuis au moins six mois ni instance prud'homale en cours, présentant un actif de moins de 5 000 euros et n'étant pas déjà en procédure collective. Elle a une durée de quatre mois. Le débiteur doit demander simultanément l'ouverture d'une liquidation judiciaire, de façon à ce que, si les conditions de seuils du rétablissement professionnel ne sont pas remplis, le tribunal puisse ouvrir une liquidation judiciaire.

Cette procédure s'inspire également de la procédure de surendettement, pour permettre le rebond d'un entrepreneur individuel en cas de difficulté sans faute particulière de sa part.

À la différence de la liquidation judiciaire, le rétablissement professionnel se caractérise par une absence de dessaisissement du débiteur, qui peut ainsi continuer à gérer ses propres biens et son patrimoine, mais aussi créer une nouvelle entreprise, ce qui a pour effet de permettre le rebond immédiat de l'entrepreneur. Il s'agit de la différence principale - et essentielle - avec la liquidation judiciaire. Ne sont effacées que certaines dettes désignées par le débiteur et pas toutes les dettes professionnelles.

Le tribunal désigné un juge commis chargé de superviser la procédure, assisté d'un mandataire judiciaire, qui n'a pas pour mission de représenter les créanciers, mais simplement de conserver les droits du débiteur et de recevoir les créances. À tout moment le tribunal peut décider de basculer vers une liquidation judiciaire s'il constate que le débiteur n'est pas de bonne foi ou a commis une infraction.

II. Le dispositif proposé

Le projet de loi comporte trois séries de dispositions.

En premier lieu, il crée des passerelles procédurales des différentes procédures collectives vers la procédure de rétablissement professionnel, afin de permettre à un entrepreneur individuel qui demande d'abord au tribunal l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire d'opter plutôt, au vu de l'examen de sa situation par le tribunal et si bien sûr il en remplit les conditions, pour une procédure de rétablissement professionnel.

En deuxième lieu, il simplifie la procédure de rétablissement professionnel, en supprimant, d'une part, la condition selon laquelle elle ne peut être ouverte que si le débiteur ne fait pas l'objet d'une procédure collective en cours et, d'autre part, l'obligation pour le débiteur de demander simultanément l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, dans l'hypothèse où les conditions du rétablissement professionnel ne seraient pas réunies. La suppression de cette seconde exigence correspond à une proposition formulée par la commission des lois de notre assemblée, lors de ses travaux en vue de la ratification de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 précitée, sur le rapport de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest et de notre collègue Christophe-André Frassa 150 ( * ) , qui avait alors été écartée par le Gouvernement. L'obligation de demander simultanément l'ouverture d'une liquidation judiciaire, que le tribunal peut donc décider d'ouvrir, n'incite pas forcément à demander un rétablissement professionnel.

En troisième lieu, il tend à assouplir les conditions d'entrée dans la procédure de liquidation judiciaire simplifiée pour les petits débiteurs sans actif immobilier, en prévoyant son application obligatoire jusqu'aux seuils précités de cinq salariés et de 750 000 euros de chiffre d'affaires, ce qui constitue une simplification.

III. La position de votre commission

En dépit de leur portée relativement limitée, votre commission approuve ces dispositions de nature à mieux accompagner les entrepreneurs en difficulté et à faciliter l'application de procédures plus adaptées à leur situation.

Votre commission a adopté l'article 15 sans modification .

Article 15 bis
(art. L. 631-9 du code de commerce)
Possibilité pour un débiteur en procédure de redressement judiciaire
de proposer le nom d'un ou plusieurs administrateurs judiciaires

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 15 bis du projet de loi prévoit que le débiteur puisse proposer au tribunal le nom d'un ou plusieurs administrateurs judiciaires lors de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, comme c'est déjà possible dans le cadre d'une procédure de sauvegarde.

I. Le droit en vigueur

Dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, le débiteur peut proposer au tribunal le nom d'un ou plusieurs administrateurs judiciaires. Une telle faculté est expressément exclue dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, laquelle procède, dans le code de commerce, par renvoi aux dispositions de la procédure de sauvegarde, le cas échéant avec adaptation.

II. Le dispositif proposé

Le projet de loi supprime l'exclusion expresse de la faculté pour le débiteur de proposer au tribunal le nom d'un ou plusieurs administrateurs judiciaires, en vue de la désignation par le tribunal de l'administrateur qui sera chargé de la procédure. En tout état de cause, le tribunal conservera toute latitude pour désigner l'administrateur judiciaire qui lui semblera le plus adapté au vu de la situation et des caractéristiques de l'entreprise en procédure, tout en prévenant tout risque éventuel de conflit d'intérêts.

III. La position de votre commission

Si elle demeure très modeste par sa portée et n'incitera pas un débiteur à demander l'ouverture d'un redressement judiciaire plutôt qu'à attendre au point d'être contraint à la liquidation judiciaire, cette disposition de souplesse est bienvenue.

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de permettre au débiteur, par parallélisme des formes, de proposer le nom d'un ou plusieurs mandataires judiciaires. Cette faculté n'est pas prévue en l'état du droit en procédure de sauvegarde. En effet, si la mission de l'administrateur judiciaire est d'assister le chef d'entreprise dans sa gestion, voire d'assurer directement la direction de l'entreprise si le tribunal en décide ainsi dans le cadre d'un redressement judiciaire, celle du mandataire judiciaire est de représenter l'intérêt collectif des créanciers de l'entreprise dans le cadre de la procédure collective. Dès lors, s'il peut paraître opportun de permettre au débiteur de proposer le nom d'un administrateur, puisqu'il est directement intéressé à la gestion de l'entreprise, tel n'est pas le cas pour le mandataire.

Votre commission a adopté l'article 15 bis sans modification .

Article 15 ter (nouveau)
(art. 768 et 769 du code de procédure pénale
et art. L. 670-6 du code de commerce)
Suppression de la mention de la liquidation judiciaire
au casier judiciaire de l'entrepreneur individuel

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-323 présenté par son rapporteur, l'article 15 ter du projet de loi tend à supprimer la mention au casier judiciaire du jugement de liquidation judiciaire prononcée à l'encontre d'une personne physique entrepreneur individuel.

I. Le droit en vigueur

En application du code de procédure pénale, le casier judiciaire national automatisé reçoit les jugements prononçant la liquidation judiciaire à l'égard d'une personne physique ainsi que les sanctions de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer. Ces informations sont mentionnées sur les fiches du casier judiciaire, qui peuvent être communiquées sous forme de relevé intégral ou partiel (bulletin n° 1 ou n° 2).

Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, depuis la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, laquelle a institué la procédure de rétablissement personnel au titre du traitement du surendettement, le jugement prononçant la liquidation judiciaire ne fait plus l'objet d'une mention au casier judiciaire de l'intéressé.

II. La position de votre commission

Dans le cadre des dispositions du projet de loi de nature à favoriser le rebond des entrepreneurs individuels, votre commission a adopté cette disposition visant à supprimer toute mention au casier judiciaire du jugement de liquidation judiciaire prononcée à l'encontre d'un entrepreneur individuel, en raison du caractère stigmatisant d'une telle mention, alors que l'entrepreneur peut être parfaitement honnête. Il s'agirait d'une harmonisation avec le droit applicable localement dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. En revanche, les sanctions de faillite personnelle et d'interdiction de gérer resteraient bien mentionnées au casier judiciaire.

Ces dispositions ont déjà été adoptées par le Sénat, dans le cadre de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, à la suite des travaux de la commission des lois sur la ratification de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.

Votre commission a adopté l'article 15 ter (nouveau) ainsi rédigé .

Article 16
Habilitation à réformer par ordonnance le droit des sûretés

I. Le droit en vigueur

Les sûretés sont des techniques juridiques destinées à permettre à un créancier de se prémunir contre le risque d'inexécution de son obligation par le débiteur. Une sûreté est donc indissociable de la créance à laquelle elle se rattache.

Comme le rappelle l'étude d'impact associée au présent projet de loi, le droit français des sûretés est aujourd'hui régi par des règles générales qui figurent dans le code civil (articles 2284 à 2488-12) ainsi que par des règles spéciales propres à certaines sûretés, qui figurent dans divers codes (code monétaire et financier, code de commerce et code de la consommation notamment) et dans des lois spéciales non codifiées 151 ( * ) .

Ce droit a été rénové de façon importante par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés . Cette réforme a notamment permis la création d'un nouveau livre du code civil dédié aux sûretés réelles et personnelles. Elle a modernisé le gage, assoupli le nantissement de créance, introduit de nouveaux modes de réalisation des sûretés (pacte commissoire 152 ( * ) ) et consacré légalement de nouvelles sûretés issues de la pratique des affaires (garantie autonome 153 ( * ) , lettre d'intention 154 ( * ) ).

L'étude d'impact précise que l'ordonnance de 2006 n'a cependant pas abordé tous les domaines du droit des sûretés et a donné lieu à certaines difficultés d'interprétation :

- certains pans ont effectivement été exclus de la réforme, comme le cautionnement et les privilèges. Le régime juridique du cautionnement est aujourd'hui à la fois peu lisible car dispersé dans divers codes et source de contentieux car se caractérisant par une « multitude d'exigences rigides ». Les privilèges, qui sont « excessivement nombreux », n'ont quant à eux pas été modernisés depuis 1804, certains d'entre eux étant par conséquent tombés en désuétude ;

- l'interprétation des textes issus de l'ordonnance de 2006 a mis en évidence certaines difficultés et la nécessité de préciser davantage certains points, comme la question du régime des gages ou celle du nantissement de créance.

Enfin d'autres éléments semblent justifier une nouvelle réforme du droit des sûretés :

- le droit français ignore certaines sûretés utilisées et appréciées à l'étranger, comme la cession de créance à titre de garantie 155 ( * ) , aujourd'hui réservée aux établissements bancaires et assimilés ;

- le régime des sûretés réelles immobilières n'est pas suffisamment lisible et efficace ;

- l'exercice des sûretés en présence d'un débiteur en difficulté est extrêmement complexe, notamment lors d'une procédure collective. Comme le rappelle l'association Droit et Croissance dans une note du 31 octobre 2017 modifiée en novembre de la même année, « le droit des sûretés permet de faciliter le financement des entreprises, notamment des projets entrepreneuriaux de petite taille et celui des entreprises en difficulté. Pour ce type de débiteurs à la situation financière fragile, un droit des sûretés efficace est une condition d'accès à des sources de financement privées. (...) L'impasse du droit français a entraîné un grand nombre d'effets pervers : (...) une complexité excessive à la fois du droit des sûretés et du droit des procédures collectives afin de trouver un équilibre introuvable, entre droits des créanciers et droits des débiteurs . »

Afin de remédier à ces difficultés, la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice a confié en mai 2015 au professeur Michel Grimaldi la mission de réunir un groupe de travail devant définir les améliorations attendues en matière de droit des sûretés. Les réflexions, menées sous l'égide de l'association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, ont permis d'établir un avant-projet 156 ( * ) de réforme rendu public en septembre 2017.

II. Le texte du projet de loi

L'article 16 du projet de loi prévoit, dans son I, une autorisation du Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi, les « mesures nécessaires pour simplifier le droit des sûretés et renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants ».

Quinze alinéas précisent les objectifs de l'ordonnance, faisant fidèlement écho aux constats dressés dans l'étude d'impact. En effet, on y retrouve notamment :

- la réforme du droit du cautionnement (alinéa 2) ;

- la modernisation des règles du code civil relatives aux privilèges mobiliers (alinéa 3) ;

- la précision des règles du code civil relatives au gage de meubles corporels (alinéa 4) ;

- l'abrogation des sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles (alinéa 5) ;

- la précision des règles en matière de nantissement de créance (alinéa 8) ;

- l'amélioration des règles relatives aux sûretés réelles immobilières (alinéa 12) ;

- la simplification, clarification et modernisation des règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés en particulier dans les différentes procédures collectives (alinéa 14).

Le II prévoit le dépôt d'un projet de loi de ratification devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Lors de ses travaux en séance publique, l'Assemblée nationale a apporté quelques modifications, dont deux purement rédactionnelles.

Les deux principales modifications adoptées sont issues d'amendements présentés par le Gouvernement : ces amendements, bien qu'étant très différents, ont tous deux un exposé sommaire identique qui semble avoir été rédigé initialement pour un seul et unique amendement. Ce « prêt à copier coller », bien que manquant de cohérence dans la présentation des amendements, permet de résumer toutes les intentions du Gouvernement que nos collègues députés ont fait leur.

Il est tout d'abord utile de noter que l'adoption du premier amendement a permis d'insérer un alinéa (nouvel alinéa 13 de l'article 16) afin d'ajouter aux objectifs de l'ordonnance la modernisation des règles du code civil relatives à la conclusion par voie électronique des actes sous signature privée relatifs à des sûretés réelles ou personnelles. En effet, L'article 1175 du Code civil interdit aujourd'hui, lorsqu'un écrit est exigé pour la constitution d'une sûreté, personnelle ou réelle, ou qu'une mention écrite est requise de la main du constituant, que l'acte puisse être établi sous forme électronique, sauf s'il est passé par une personne pour les besoins de sa profession.

Par ailleurs, le second amendement complète l'alinéa 14 pour préciser que la simplification, la clarification et la modernisation des règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce doit se faire « en améliorant la cohérence des règles applicables aux garants personnes physiques en cas de procédure collective et en prévoyant les conditions permettant d'inciter les personnes à consentir un nouvel apport de trésorerie au profit d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire avec poursuite d'activité ou bénéficiant d'un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal ».

L'exposé sommaire de ces deux amendements précise les objectifs visés par cette insertion :

« Afin de favoriser les transactions sous forme électronique, notamment dans les relations avec les banques, il apparaît opportun dans le cadre de la réforme envisagée du droit des sûretés, qu'une réflexion puisse être menée sur une plus grande ouverture de la possibilité de constituer des sûretés sous forme électronique, en veillant toutefois à garantir une protection suffisante des constituants qui n'agissent pas pour les besoins de leur profession.

Il permet ensuite de revenir sur la distinction entre le sort des cautions personnes physiques (qui) est à ce jour très nette entre les phases de sauvegarde et de redressement. Le législateur a refusé jusqu'à présent aux garants personnes physiques le droit d'invoquer les délais, les remises et la suspension des poursuites individuelles du plan de redressement, alors qu'il leur a accordé cette protection en sauvegarde. Or, il est fréquent que l'entrepreneur ou un de ses proches, se porte garant des dettes de son entreprise en difficulté.

Ainsi, il convient de s'interroger sur le maintien de cette différence de traitement et de se donner la possibilité d'améliorer la cohérence des règles applicables aux garanties personnes physiques en cas de procédure collective.

Il permet enfin de s'interroger quant aux conditions à prévoir afin d'inciter les personnes à consentir de nouveaux financements au profit d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire avec poursuite d'activité ou bénéficiant d'un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal, et ce afin de faciliter l'accès au financement des entreprises dans les moments cruciaux de leur existence (période d'observation, exécution du plan, ...). L'entrée en procédure collective rend l'accès à de nouveaux financements pour le débiteur quasi impossible ou à un coût extrêmement élevé, ce qui réduit d'autant les chances de redressement ou de respecter le plan projeté et donc la capacité de rebond. Il convient par conséquent de réfléchir à des dispositifs incitatifs pour les apporteurs de ces nouveaux financements ainsi qu'aux conditions à remplir . »

IV. La position de votre commission

Si le texte de l'article 16 paraît globalement conforme aux intentions détaillées par le Gouvernement dans l'étude d'impact et résultant des travaux de l'association Henri Capitant, sa rédaction manque parfois de précisions soit au regard des termes employés (« moderniser », « améliorer ») soit par économie d'une description des objectifs pourtant détaillés par ailleurs.

Votre commission a donc adopté un amendement (COM-495) apportant plusieurs modifications rédactionnelles afin de préciser davantage les termes de l'habilitation .

Votre commission a adopté l'article 16 ainsi modifié .

Article 17
(art. 1929 quater du code général des impôts
et art. 379 bis du code des douanes)
Modification des modalités de publicité du privilège du Trésor

L'article 17 du projet de loi propose d'ajuster les modalités de publicité du privilège du Trésor, destiné à garantir les créances du Trésor sur les entreprises, avec une publication à date fixe à la fin du semestre civil plutôt que dans un délai de neuf mois à compter de l'émission du titre exécutoire, ainsi qu'avec une nouvelle exception à la publicité en cas de réclamation d'assiette régulière.

I. Le droit en vigueur

Le registre des privilèges, destiné à assurer leur publicité, est tenu par les greffiers des tribunaux de commerce, comme le registre du commerce et des sociétés.

Donnent lieu à publicité les sommes restant dues à titre privilégié par les entreprises au titre de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, de la taxe sur les salaires, de la cotisation foncière des entreprises et des taxes annexes, des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes annexes, et des contributions indirectes. La publicité est faite par l'administration chargée du recouvrement. Elle permet d'informer les tiers, dont les créanciers de l'entreprise, de l'existence du privilège du Trésor, et donc de l'existence d'une dette fiscale persistante, qui devra être honorée s'il y a lieu par priorité par rapport à leurs propres créances, en particulier en cas d'ouverture d'une procédure collective, du fait du privilège.

La publicité intervient dans un délai de neuf mois à compter de l'émission du titre exécutoire de la contribution non recouvrée ou bien après une majoration pour défaut de paiement. L'exposé des motifs du projet de loi indique donc à juste titre que « le rythme de publicité n'est pas connu des tiers » et que « ce dispositif glissant apparaît complexe, peu lisible et non prévisible ». La publicité est obligatoire lorsque le montant des sommes dues excède 15 000 euros, montant fixé par décret.

II. Le dispositif proposé

Outre une simplification rédactionnelle concernant les conditions déclenchant l'inscription du privilège et donc sa publicité, le projet de loi prévoit une publicité du privilège à date fixe, au dernier jour de chaque semestre civil, soit au 30 juin puis au 31 décembre, afin d'assurer une meilleure prévisibilité de la publicité pour les débiteurs comme pour leurs créanciers.

Par ailleurs, l'étude d'impact du projet de loi indique que le seuil de publicité obligatoire devrait être relevé de 15 000 à 200 000 euros, par décret, ce qui n'a pas encore été fait à ce jour.

De plus, le projet de loi prévoit une nouvelle exception à la publicité du privilège. Une première exception est déjà prévue lorsque le débiteur respecte un plan d'apurement échelonné de sa dette fiscale ainsi que ses obligations fiscales courantes, de façon à ce qu'il ne soit pas stigmatisé par la publicité du privilège. Il y serait ajouté le cas où le débiteur dépose une réclamation d'assiette régulière, assortie d'une demande de sursis de paiement.

Des dispositions similaires sont prévues dans le code général des impôts et dans le code des douanes, concernant les impôts et les contributions indirectes, pour les privilèges que peuvent prendre l'administration fiscale et l'administration des douanes.

Ces nouvelles modalités de publicité s'appliqueraient aux créances exigibles à compter d'une date fixée par décret, au plus tard le 1 er janvier 2020.

III. La position de votre commission

Si la première de ces dispositions simplifie les règles de publicité du privilège du Trésor, elle n'est pas nécessairement à l'avantage des débiteurs : aujourd'hui, le privilège est publié dans un délai de neuf mois à compter de l'émission du titre exécutoire, tandis qu'en application du projet de loi il pourra être publié beaucoup plus tôt, mais aussi plus tard. Il ne s'agit pas réellement d'une mesure en faveur du rebond des entrepreneurs, mais plutôt d'une mesure de simplification, utile pour l'information des créanciers, mais aussi pour la gestion du dispositif par l'administration, qui n'appelle toutefois pas d'objection de la part de votre rapporteur.

En revanche, la seconde disposition est plus utile, si tant est qu'elle puisse couvrir un nombre important de situations. L'étude d'impact est muette sur l'impact de cette disposition.

Enfin, alors qu'il aurait un impact important pour les entreprises ne présentant que des dettes fiscales d'un montant plus limité, le relèvement significatif du seuil de publicité obligatoire, qui ne nécessite aucune disposition législative, n'a toujours pas eu lieu à ce jour, plus de six mois après le dépôt du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification .

Article 17 bis
(art. L. 243-5 du code de la sécurité sociale)
Modification des modalités de publicité
du privilège de la sécurité sociale

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de notre collègue députée Olivia Grégoire, présidente de la commission spéciale, l'article 17 bis du projet de loi tend à aligner les modalités de publicité du privilège de la sécurité sociale sur celles prévues par l'article 17 du projet de loi pour le privilège du Trésor.

I. Le droit en vigueur

Les modalités de publicité du privilège de la sécurité sociale, pris sur une entreprise en cas de dette sociale persistante auprès de l'URSSAF, sont similaires à celles prévues pour la publicité du privilège du Trésor : les créances privilégiées doivent être inscrites, en vue de leur publicité, au registre des privilèges, dans un délai de neuf mois suivant leur date limite de paiement. Le seuil de l'inscription obligatoire varie entre 10 000, 15 000 et 20 000 euros selon la taille et le type de l'entreprise.

L'inscription du privilège n'est pas requise lorsque le débiteur respecte un plan d'apurement échelonné de sa dette.

II. Le dispositif proposé

L'article 17 du projet de loi prévoit une publicité à date fixe, au dernier jour du semestre civil, comme l'article 17 du projet de loi le prévoit pour le privilège du Trésor.

III. La position de votre commission

Ces dispositions sont cohérentes avec celles de l'article 17 du projet de loi et appellent les mêmes observations, si ce n'est qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une simplification administrative pour l'ACOSS. Votre rapporteur considère à ce stade qu'il est pertinent que les règles de publicité soient identiques en cas de dette fiscale et de dette sociale. À son initiative, votre commission a adopté un amendement COM-324 visant à préciser les conditions d'entrée en vigueur de cette modification, par analogie avec celle concernant le privilège du Trésor : elle s'appliquerait aux créances exigibles à compter d'une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1 er janvier 2020.

Votre commission a adopté l'article 17 bis ainsi modifié .

Article 18
(art. L. 622-24 du code de commerce)
Modalités de déclaration des créances fiscales
dans le cadre des procédures collectives

L'article 18 du projet de loi vise à ajuster les modalités de déclaration par l'administration fiscale, auprès du mandataire judiciaire, des créances qu'elle détient sur une entreprise faisant l'objet d'une procédure collective, afin de tenir compte d'une décision restrictive rendue par la Cour de cassation.

I. Le droit en vigueur

Dans les procédures collectives, les créanciers doivent déclarer, auprès du mandataire judiciaire désigné par le tribunal à l'ouverture de la procédure, les créances antérieures au jugement d'ouverture qu'ils détiennent sur le débiteur, dans un délai de deux mois à compter de la publication de ce jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), à peine de forclusion, afin qu'elles puissent être prises en compte dans la procédure en vue du désintéressement, total ou partiel, des créanciers concernés.

Le code de commerce prévoit déjà des dispositions adaptées pour les créances qui ne sont pas encore établies sur la base d'un titre, mais qui doivent tout de même être déclarées pour pouvoir être prises en compte. Les créances du Trésor public qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. Les déclarations du Trésor sont considérées comme faites sous réserve des éventuels impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai donné au mandataire judiciaire par le tribunal pour lui fournir la liste des créances déclarées et admissibles 157 ( * ) . Le code ajoute que, si une procédure administrative d'établissement de l'impôt a été mise en oeuvre, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être effectué, par dérogation, avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire, laissant ainsi un délai supplémentaire.

Toutefois, dans une série de quatre arrêts du 25 octobre 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation a interprété de façon restrictive la notion précitée de procédure administrative d'établissement de l'impôt, en la limitant à la procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt, excluant la procédure normale d'établissement de l'impôt. Or, dans ce second cas, le fait générateur de la dette fiscale peut intervenir avant l'ouverture de la procédure collective, de sorte que cette créance doit être incluse dans la procédure au titre des dettes nées antérieurement à l'ouverture de la procédure, mais le titre exécutoire peut n'être émis qu'après l'ouverture, dans un délai qui n'est pas compatible avec le délai d'établissement par le mandataire judiciaire de la liste des créances tel que fixé par le tribunal, lequel s'applique à cette créance du fait des arrêts de la Cour de cassation.

II. Le dispositif proposé

Par cohérence avec l'interprétation de la Cour de cassation, le projet de loi maintient la date butoir de la fin de la mission du mandataire judiciaire pour les titres émis à l'issue d'une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt. Pour les titres émis dans le cadre de la procédure normale d'établissement de l'impôt, le projet de loi propose de prévoir un délai dérogatoire potentiellement plus long que le délai dans lequel le mandataire judiciaire doit fournir au tribunal la liste des créances, de façon à ce que ces titres puissent à nouveau être correctement pris en compte dans l'admission des créances de la procédure collective, mais sans aller jusqu'à cette date butoir : il prévoit donc un délai de douze mois à compter de la date de publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au BODACC, uniquement pour les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. Pour les procédures de liquidation judiciaire, le délai serait celui de l'établissement de la liste des créances par le mandataire judiciaire, comme l'a interprété la Cour de cassation.

L'exposé des motifs affirme que ce dispositif doit permettre de ne pas entraver l'action du mandataire ni rallonger les délais de la procédure collective, ce qui n'est pas avéré dans le cas d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire pour laquelle le tribunal donnerait au mandataire un bref délai de quelques mois pour établir la liste des créances.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que les dispositions ainsi proposées sont cohérentes avec le droit en vigueur, sans pour autant revenir à l'état du droit antérieur aux arrêts de la Cour de cassation, ce qui lui semble raisonnable et proportionné. En tout état de cause, ces dispositions ne contribuent guère au rebond des entrepreneurs.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-325 rectifié de clarification rédactionnelle et de mise en cohérence du livre VI du code de commerce, de sorte notamment que les dispositions concernant la liquidation judiciaire figurent bien dans le titre IV du livre VI, lequel traite de la liquidation.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .

Article 19
(art. L. 642-7 du code de commerce)
Caractère non écrit des clauses de solidarité entre
cédant et cessionnaire dans les contrats de location
en cas de cession d'une entreprise en liquidation judiciaire

L'article 19 du projet de loi dispose que toute clause imposant au cessionnaire d'un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite, lorsque le cédant est une entreprise en liquidation judiciaire devant faire l'objet d'une reprise dans le cadre d'un plan de cession, incluant le droit au bail pour la poursuite de l'activité.

I. Le droit en vigueur

Dans le cadre de la cession d'une entreprise en liquidation judiciaire, ayant pour but d'assurer le maintien de tout ou partie de l'activité et des emplois, ainsi que d'apurer le passif, le plan de cession peut viser des contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité. Les contrats ainsi cédés au repreneur doivent continuer à être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation.

Toutefois, il est fréquent que les baux, en particulier les baux commerciaux et assimilés, susceptibles d'être cédés dans le cadre d'une liquidation judiciaire avec une reprise de l'activité, comportent une clause de solidarité entre cédant et cessionnaire de nature à garantir au bailleur le paiement du loyer. Une telle clause constitue un obstacle dans l'opération de cession de l'entreprise.

II. Le dispositif proposé

Afin de surmonter cette difficulté, le projet de loi dispose que toute clause imposant au cessionnaire d'un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite, reprenant dans le cadre du plan de cession d'une entreprise en liquidation judiciaire, en vue d'une poursuite d'activité nécessitant le maintien du droit au bail, une disposition déjà prévue par le droit des procédures collectives, en cas de sauvegarde et de redressement judiciaire 158 ( * ) ainsi qu'en cas de cession du droit au bail dans le cadre de la cession des actifs d'une entreprise en liquidation judiciaire 159 ( * ) .

III. La position de votre commission

En dépit de sa portée relativement limitée, votre commission approuve cette mesure visant à faciliter la poursuite d'activité des entreprises en liquidation judiciaire. La rédaction envisagée est identique à celle déjà prévue par le code de commerce et, par conséquent, n'appelle pas d'observation de la part de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification .

Article 19 bis
(art. L. 33332-10 et L.3332-16 du code du travail)
Assouplissement des dispositions relatives
aux fonds communs de placement d'entreprise (FCPE)

I. Le droit en vigueur

La loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 modernisant la participation et l'actionnariat salarié a instauré un FCPE d'actionnariat

salarié « de reprise » 160 ( * ) ; structure collective de détention de valeurs mobilières spécialement dédiée à la reprise totale ou partielle d'une entreprise par ses salariés.

En tant que FCPE, cette structure doit recevoir un agrément de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Sa création est également subordonnée à la réalisation de conditions spécifiques, énoncées à l'article L. 3332-16 du code du travail :

- le FCPE doit être adossé à un plan d'épargne d'entreprise (PEE) négocié ;

- au moins 15 salariés, ou au moins 30 % des salariés dans les entreprises dont les effectifs n'excèdent pas 50 salariés, doivent être impliqués dans l'opération de rachat de l'entreprise ;

- lors de l'opération de reprise, un accord avec le personnel doit préciser l'identité des salariés impliqués dans l'opération, le contrôle final de l'entreprise au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce 161 ( * ) et le terme de l'opération.

Le FCPE de reprise bénéficie de règles d'investissement dérogatoire par rapport aux FCPE traditionnels: jusqu'à 95 % de son actif peut être investi en titres de l'entreprise ou en titres d'une entreprise du même groupe ou de ceux de la holding créée en vue de l'acquisition de l'entreprise.

En outre, la poche d'actifs liquides peut être réduite à 5 % de la valeur de l'actif du fonds (par dérogation à la règle dite du « tiers liquide »).

Les sommes versées par les salariés dans le FCPE de reprise sont bloquées jusqu'au terme de l'opération de reprise, sans que cette durée ne puisse être inférieure à 5 ans. Les cas de déblocage anticipé applicables sont néanmoins limités à trois situations : l'invalidité, la mise en retraite et le décès du salarié.

Enfin, par dérogation aux FCPE relevant de l'article L. 214-165 du code monétaire et financier, le conseil de surveillance du FCPE de reprise est uniquement composé de salariés élus par l'ensemble des salariés porteurs de parts. Celui-ci peut également être partie à un pacte d'actionnaires, conformément au dernier alinéa de l'article L. 214-165 162 ( * ) ; ce pacte est soumis au contrôle de l'AMF.

II. Le dispositif proposé

Introduit suite à l'adoption, en commission, d'un amendement de notre collègue député Stanislas Guérini, l'article 19 bis vise à assouplir les conditions de constitution et d'abondement du FCPE de reprise, afin d'en faciliter le recours.

Il prévoit, tout d'abord, d'augmenter significativement les versements des salariés, du conjoint du chef d'entreprise, ainsi que du salarié dont le contrat de travail est suspendu, en élevant le plafond jusqu'à une fois la rémunération annuelle, contre un quart actuellement. Il modifie, en ce sens, l'article L. 3332-10 du code du travail.

Il prévoit également d'abaisser la durée minimale de détention de ce fonds qui passe de cinq à trois ans en modifiant l'article L.3332-16 du code du travail, tout en maintenant les cas exceptionnels de déblocage anticipé en cas d'invalidité, de mise en retraite ou de décès du salarié.

Il vise, enfin, à abaisser le seuil nécessaire à la constitution d'un FCPE de reprise, en passant de 15 à 10 salariés pour les entreprises de plus de 50 salariés, et de 30 à 20 % des salariés pour celles de moins de 50. L'article 19 bis modifie, à ces fins, l'article L. 3332-16 du code du travail.

III. La position de votre commission

Le FCPE de reprise a été présenté comme une initiative permettant de mobiliser l'épargne salariale au service de la reprise d'entreprise.

Néanmoins, il faudra attendre 2015, soit neuf années après son instauration par la loi, pour que soit constitué le premier FCPE de reprise. En effet, lors de la cession, par le groupe Kering, de ses sociétés « La Redoute » et « Relais Colis », 1 574 de leurs salariés ont constitué un FCPE pour participer à leur reprise. Ils détiennent 16 % des parts de New R, holding qui possède désormais ces deux sociétés.

C'est pourquoi, votre rapporteur estime nécessaire de favoriser le recours à cet outil, qui s'avère pour le moment guère utilisé, mais qui favorise l'association des salariés dans le cadre d'opérations de reprise d'entreprises par des investisseurs.

Votre commission a adopté l'article 19 bis sans modification .

Article 19 ter
(art. 22-2 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement
et à la protection du commerce et de l'artisanat)
Remise d'une attestation d'assurance par les entreprises
du bâtiment et des travaux publics

I. Le droit en vigueur

Les obligations des entreprises du bâtiment et de travaux publics 163 ( * ) , ou de leurs maîtres d'oeuvre 164 ( * ) , en matière d'information du maître d'ouvrage sur leur garantie décennale, relèvent de trois textes distincts.

D'une part, l'article 6 de la loi du 17 mars 2014, dite loi « Hamon » 165 ( * ) , prévoit la fixation, par arrêté, des mentions minimales devant figurer dans les attestations d'assurance relatives à la responsabilité civile décennale.

D'autre part, l'article 22 de la loi du 18 juin 2014, dite loi « Pinel » 166 ( * ) , impose l'inscription, sur les devis et factures des artisans et des auto-entrepreneurs, d'informations relatives à leur assurance professionnelle
obligatoire. Elle a, en ce sens, inséré un nouvel article 22-2 à la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat 167 ( * ) .

Enfin, l'article 95 de la loi du 6 août 2015, dite loi « Macron » 168 ( * ) , prévoit la remise d'une attestation d'assurance, jointe aux devis et factures des professionnels. Elle a modifié, en ce sens, l'article L. 243-2 du code des assurances, renvoyant la définition d'un modèle d'attestation comprenant des mentions minimales à un arrêté du ministre chargé de l'économie 169 ( * ) .

II. Les modifications proposées par l'Assemblée nationale

Issu de l'adoption de deux amendements identiques en commission, déposés par nos collègues députés Pierre Cordier et Ian Boucard (Les Républicains), l'article 19 ter dispense les entreprises du bâtiment et de travaux publics, ainsi que les maîtres d'oeuvre, de l'obligation mentionnée à l'article 22-2 de la loi n°96-603 du 5 juillet 1996, en y insérant le second alinéa ainsi libellé : « Le présent article n'est pas applicable aux personnes mentionnées aux articles L.241-1 et L.242-2 du code des assurances. »

III. La position de votre commission

Votre rapporteur ne peut qu'encourager la simplification des procédures auxquelles les entreprises et les artisans du secteur du bâtiment et des travaux publics sont soumis.

En ce sens, elle soutient la mesure de simplification que constitue la remise d'une unique attestation d'assurance.

Cependant, il convient d'en renforcer la force probante. En effet, l'existence de mentions minimales étant d'ordre public, c'est-à-dire plus sécurisante en termes de fiabilité et d'existence de l'assurance, l'ouvrage peut toujours, quand bien même une attestation serait produite, ne pas être assuré, faute notamment du paiement des primes par l'entreprise elle-même.

Aussi, votre rapporteur préconise d'ajouter l'attestation du bon paiement des primes parmi les mentions devant figurer sur cette attestation ; une telle mention offrant une garantie supplémentaire, notamment si cette attestation est émise après la date d'ouverture d'un chantier. Cette garantie vient en complément, d'ailleurs, de l'assurance dommage d'ouvrage, qui sert à préfinancer les travaux en cas de sinistre, avant un éventuel recours vers les responsables et leurs assureurs.

Il convient donc de modifier l'article L. 243-2 du code des assurances afin d'inclure la justification du paiement, parmi les mentions minimales du modèle d'attestation d'assurance fixé par le ministre en charge de l'économie.

Votre commission a adopté l' amendement COM-552 à cette fin.

En outre, votre rapporteur ne peut, à l'occasion de l'examen de cet article, que relever la situation actuelle de nombreux maîtres d'ouvrage qui se retrouvent sans indemnisation, suite aux malfaçons de leur logement neuf ou rénové. La souscription, par les entreprises concernées, de contrats d'assurance à bas coûts auprès d'opérateurs étrangers tombés en faillite est à la source de ces difficultés.

Cette situation est sans doute vouée à empirer, à en juger par les projections qui ont été évoquées devant votre rapporteur par la Banque de France, au titre du Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO), et devrait concerner, au cours de cette année 2019 et au-delà, plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Cette situation s'explique par un défaut de supervision des assureurs, à l'échelle européenne.

En effet, à ce jour, seule l'autorité de contrôle du pays d'origine est habilitée à octroyer l'autorisation de commercialiser des produits d'assurance à un assureur national qui souhaite s'établir dans un autre pays de l'espace européen.

C'est pourquoi, votre rapporteur souhaite que le Ministre en charge de l'économie prenne l'engagement de porter cette question auprès des autorités européennes, afin que soient prises, à brève échéance, les mesures qui s'imposent à l'échelle européenne pour remédier à cette forme d'insécurité juridique.

Votre commission a adopté l'article 19 ter ainsi modifié.

Article 19 quater
(art. L. 611-5, L. 620-2, L. 626-12, L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce
et art. L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime)
Définition de l'agriculteur en droit des entreprises en difficulté

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 19 quater du projet de loi vise à préciser la notion d'agriculteur au sein du livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises.

I. Le droit en vigueur

Les mesures et procédures de prévention des difficultés des entreprises ainsi que les procédures collectives prévues par le livre VI du code de commerce s'appliquent aux agriculteurs, le cas échéant avec des adaptations, outre la procédure spécifique du règlement amiable agricole prévue par le code rural et de la pêche maritime, inspirée de la procédure de conciliation. Par dérogation, la durée maximale du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire pour un agriculteur est fixée à quinze ans au lieu de dix 170 ( * ) .

Or, par un arrêt du 29 novembre 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation a interprété de façon restrictive la notion d'agriculteur, estimant que cette formulation ne concernait que des personnes physiques et non des sociétés, car le code rural précise que, pour l'application du livre VI du code de commerce, « est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles » 171 ( * ) . Par conséquent, seuls les agriculteurs personnes physiques peuvent, depuis, bénéficier de la durée dérogatoire du plan de quinze ans.

II. Le dispositif proposé

Afin de surmonter l'arrêt de la Cour de cassation, le projet de loi remplace la référence à la notion d'agriculteur par la référence à la notion de personne exerçant une activité agricole, qui peut être une personne physique ou morale, dans tous les cas où les dispositions du code de commerce et du code rural et de la pêche maritime ont vocation à s'appliquer aux personnes physiques comme morales. Pour les dispositions qui n'ont vocation à s'appliquer qu'aux personnes physiques, le projet de loi laisse inchangée la référence à la notion d'agriculteur.

III. La position de votre commission

Ces dispositions n'appellent pas d'observation de fond particulière de la part de votre rapporteur, même si l'on peut s'interroger sur la pertinence de ne pas retenir une seule formulation harmonisée dans le code de commerce pour les personnes qui exercent une activité agricole.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-326 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 19 quater ainsi modifié .

Article 19 quinquies
(art. L. 611-6 du code de commerce)
Accès du président du tribunal de commerce
aux informations financières détenues
par les entreprises d'assurance-crédit

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 19 quinquies du projet de loi veut permettre au président du tribunal de commerce d'accéder aux informations financières détenues par les entreprises d'assurance-crédit dans le cadre de sa mission propre de prévention des difficultés des entreprises.

I. Le droit en vigueur

Dans le cadre de sa mission de prévention des difficultés des entreprises, le président du tribunal de commerce 172 ( * ) peut obtenir de droit la communication de certaines informations relatives à la situation économique et financière d'une entreprise dans deux cas de figure : d'une part, à l'issue d'un entretien de prévention auquel il a convoqué le chef d'entreprise sur la base d'indices de difficultés - indices généralement transmis par le greffier du tribunal au vu du registre du commerce et des sociétés - en vue de l'aider à mettre en place des mesures appropriées, ou bien si le chef d'entreprise ne s'est pas rendu à cet entretien et, d'autre part, dans le cadre d'une procédure de conciliation qu'il a ouverte.

Dans le premier cas, le président peut obtenir de droit des renseignements détenus « par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement » 173 ( * ) .

Dans le second cas, il peut obtenir de droit des renseignements détenus « notamment par les commissaires aux comptes, les experts-comptables, les notaires, les membres et représentants du personnel, les administrations et organismes publics, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales, les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement ».

II. Le dispositif proposé

Le projet de loi ajoute les entreprises d'assurance pratiquant les opérations d'assurance-crédit à la liste des professionnels et organismes mentionnés dans le cadre du droit de communication prévu après l'ouverture d'une procédure de conciliation, laquelle commence par l'adverbe « notamment », qui pouvait permettre d'inclure ces entreprises d'assurance.

III. La position de votre commission

En dépit de l'impact très limité de cette disposition, votre commission a jugé qu'elle était pertinente et cohérente avec les prérogatives que détient déjà le président du tribunal, à l'égard notamment des établissements de crédit, même s'il semble en pratique qu'il ne soit pas toujours en mesure de les exercer pleinement ou de façon effective vis-à-vis des organismes concernés.

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité d'aligner la première liste, mentionnée au titre du droit de communication prévu à l'occasion de l'entretien de prévention, sur la seconde, mentionnée au titre du droit de communication prévu à l'occasion de la procédure de conciliation. Toutefois, la simple convocation à un entretien de prévention n'est pas de même nature que l'ouverture d'une procédure de conciliation, de sorte qu'il est légitime que le droit de communication soit plus large dans le second cas.

Votre commission a adopté l'article 19 quinquies sans modification .

Article 19 sexies
(art. L. 723-4 du code de commerce)
Éligibilité au tribunal de commerce
des chefs d'entreprise ayant fait l'objet d'une procédure collective

Introduit par l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, l'article 19 sexies du projet de loi prévoit que peut être candidat à l'élection des juges des tribunaux de commerce les entrepreneurs individuels ou les dirigeants d'une entreprise ne faisant pas l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire au jour du scrutin.

I. Le droit en vigueur

Le code de commerce, dans son livre VII, fixe les conditions d'éligibilité des juges des tribunaux de commerce. Entre autres conditions, parmi lesquelles figurent un âge minimal de trente ans et la nationalité française, le code précise que n'est pas éligible une personne à l'égard de laquelle a été ouverte une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ni une personne dirigeant une entreprise à l'égard de laquelle a été ouverte une telle procédure. En d'autres termes, l'ouverture d'une telle procédure rend définitivement éligible un entrepreneur individuel, tandis qu'elle rend inéligible le dirigeant d'une entreprise personne morale tant qu'il reste à la tête de cette entreprise - une telle disparité crée d'ailleurs une inégalité de traitement.

Après l'ouverture d'une procédure collective, le chef d'entreprise peut aussi faire l'objet de sanctions prononcées par le tribunal, par exemple la faillite personnelle, l'interdiction de gérer ou la banqueroute.

II. Le dispositif proposé

Dans une perspective symbolique de rebond des entrepreneurs ayant rencontré des difficultés, cet article prévoit que n'est pas éligible l'entrepreneur individuel ou le dirigeant d'entreprise faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire le jour du scrutin. En d'autres termes, si la procédure est close, le chef d'entreprise redevient éligible. Le dispositif proposé ajoute, par coordination, que sont inéligibles les personnes ayant fait l'objet des sanctions précitées.

III. La position de votre commission

Tout en approuvant la philosophie du texte, votre commission a adopté un amendement COM-327 rectifié de son rapporteur visant à mieux ajuster le dispositif, en prévoyant l'inéligibilité en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire depuis moins de trois ans à la date du scrutin, le délai de trois ans étant le délai de prescription prévu pour l'action en responsabilité du chef d'entreprise pour insuffisance d'actif, lorsque cette insuffisance d'actif a été la cause d'une liquidation judiciaire, et pas seulement en cas de procédure en cours au jour du scrutin. En effet, en droit, même si la procédure de liquidation judiciaire peut s'être achevée en moins de trois ans, le délai de prescription continue à courir jusqu'à trois ans, de sorte qu'il convient d'exclure toute possibilité qu'un juge consulaire puisse faire l'objet d'une action pour insuffisance d'actif.

En pratique, selon la conférence générale des juges consulaires de France, les organisations professionnelles présentant des listes pour l'élection des juges consulaires ne devraient guère rechercher la participation de chefs d'entreprise ayant fait l'objet d'une procédure collective sur leurs listes, pour des raisons de crédibilité du tribunal et afin d'éviter, par exemple, qu'un ancien créancier ne se trouve devant un juge qui a été son débiteur et a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, quand bien même l'expérience d'un chef d'entreprise ayant rencontré des difficultés peut être utile pour ses pairs.

Votre rapporteur estime en conséquence que cette disposition revêt avant tout une dimension symbolique, afin que ne soient pas stigmatisés les entrepreneurs ayant rencontré des difficultés.

Par ailleurs, cet amendement procède à des coordinations rendues nécessaires par la suppression des délégués consulaires, prévue par l'article 13 du projet de loi et liée à la réforme des chambres de commerce et d'industrie, car ces délégués participent, avec les juges et anciens juges, au collège électoral des juges consulaires, dans le cadre d'un mode de scrutin indirect, les délégués étant élus par un collège électoral composé, en particulier, des ressortissants du registre du commerce et des sociétés et du répertoire des métiers.

Votre commission a adopté l'article 19 sexies ainsi modifié .

Article 19 septies
(art. L. 135 ZM [nouveau] du livre des procédures fiscales
et L. 144-1 du code monétaire et financier)
Informations délivrées aux administrations chargées du soutien
des entreprises en difficulté, ainsi qu'au président
du tribunal de commerce

I. Le droit en vigueur

L'article L. 103 du livre des procédures fiscales (LPF) dispose que l'obligation du secret professionnel telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts (CGI).

Le secret professionnel s'étend à l'ensemble des informations recueillies à l'occasion de ces opérations. Les agents des finances publiques y sont ainsi tenus à l'égard des personnes auxquelles des renseignements confidentiels sont confiés à l'occasion de l'exercice de leur profession.

Cependant, la section II du chapitre III du titre II du LPF, qui porte sur le secret professionnel en matière fiscale, prévoit un certain nombre de dérogations au profit de certaines administrations, autorités administratives, collectivités, services et organismes publics notamment pour faciliter l'instruction des dossiers.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 19 septies du présent projet résulte initialement d'un amendement présenté en commission par notre collègue député Denis Sommer (LREM). Il vise à étendre la dérogation du secret professionnel en matière fiscale aux organes chargés du traitement des entreprises en difficulté, à savoir le délégué interministériel aux restructurations d'entreprises et le secrétaire général du comité interministériel de restructuration industrielle.

Il modifie en ce sens le II de la section II du chapitre III du titre II du livre des procédures fiscales en insérant un nouvel article L. 135 ZM.

Cet article 19 septies a ensuite été modifié, en séance publique, par l'adoption de trois amendements : les deux premiers amendements modifiant la rédaction du nouvel article L.135 ZM. Ainsi,

- le premier amendement, présenté conjointement par nos collègues députés Roland Lescure et Denis Sommer (LREM), co-rapporteurs, vise à étendre la dérogation aux administrations impliquées dans la prévention des difficultés des entreprises, au directeur général des entreprises ou au responsable des restructurations et du traitement d'entreprises en difficulté à l'administration centrale de la direction générale des entreprises ;

- le second amendement, présenté conjointement par nos collègues députés Olivia Grégoire (LREM), présidente de la commission spéciale, Roland Lescure et Denis Sommer (LREM), co-rapporteurs, élargit le nombre des bénéficiaires de cette dérogation du secret fiscal à la Banque de France et aux échelons déconcentrés de l'administration ; à savoir le préfet, le commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. Il précise également la motivation de cette dérogation uniquement à des fins de détection et de prévention des difficultés des entreprises ;

- le troisième amendement, présenté par nos collègues députés Olivia Grégoire et Denis Sommer, modifie la rédaction de l'article L.144-1 du code monétaire et financier, en inscrivant l'administration fiscale, pour sa mission économique, parmi les destinataires éventuels des informations dont dispose la Banque de France sur la situation financière des entreprises. Cette démarche permet d'assurer à la direction générale des finances publiques (DGFIP) un accès au fichier bancaire des entreprises (FIBEN), tenu par la Banque de France, afin de permettre une prise en compte plus efficace et prompte des « signaux faibles 174 ( * ) » détectés par cette dernière auprès de certaines entreprises.

III. La position de votre commission

La prévention des difficultés des entreprises est une priorité pour maintenir l'emploi et l'activité économique, surtout dans le contexte de retournement de cycle que nous connaissons actuellement.

Ainsi, à la fin du mois de septembre 2018, si le cumul sur une année du nombre de défaillances d'entreprises s'élevait à 53.496 soit une baisse de 2,7 % par rapport à septembre 2017, en glissement sur les trois mois de l'été 2018, le nombre de défaillances progressait de 4,5 % 175 ( * ) .

Votre rapporteur souscrit donc à cette démarche de déroger au secret fiscal dans l'optique de soutien aux entreprises en difficultés.

Pour autant, il lui semble nécessaire d'améliorer le dispositif proposé par l'Assemblée nationale et ce, sur deux plans.

D'une part, il semble légitime d'inscrire, parmi les nouveaux bénéficiaires de l'information fiscale visés dans ce nouvel article L.135 ZM, le président du tribunal de commerce compétent.

En effet, conformément aux dispositions de l'article L.611-2 du code de commerce, celui-ci peut déjà se faire communiquer les renseignements susceptibles de lui fournir une exacte information sur la situation économique et financière de l'entreprise en difficulté 176 ( * ) , en raison de sa compétence en matière de traitement des difficultés des entreprises.

Votre commission a adopté l'amendement COM-551 visant à modifier le livre des procédures fiscales afin d'inclure le président du tribunal de commerce parmi les bénéficiaires de cette dérogation au secret fiscal.

D'autre part, l'importance grandissante de l'opération dite des « signaux faibles » dans le repérage plus en amont des défaillances d'entreprises, qui devrait être prochainement mise en oeuvre dans plusieurs régions, implique d'étendre l'accès à la base de données FIBEN.

Votre rapporteur vous propose ainsi de modifier l'article L.144-1 du code monétaire et financier, en autorisant la Banque de France à communiquer tout ou partie des renseignements qu'elle détient sur la situation financière des entreprises aux différentes administrations à vocation économique et financière, ayant compétence en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, ainsi qu'au président du tribunal de commerce.

Votre commission a également adopté l' amendement COM-555 visant à modifier en ce sens le code monétaire et financier.

Votre commission a adopté l'article 19 septies ainsi modifié.

CHAPITRE II
DES ENTREPRISES PLUS INNOVANTES

Section 1
Améliorer et diversifier les financements
Sous-section 1
Mesures en faveur du financement des entreprises par les acteurs privés
Article 20
(art. L. 224-1 à L. 224-8 du code monétaire et financier)
Réforme de l'épargne retraite

Le présent article réforme l'épargne retraite supplémentaire afin d'en améliorer le rendement offert aux épargnants, de rendre les produits d'épargne retraite plus attractifs, et d'orienter davantage l'épargne vers le financement de l'économie dite « productive ».

I. Le droit existant

L'épargne retraite est une composante du patrimoine des ménages regroupant l'ensemble des dispositifs d'épargne dont l'horizon de sortie est la retraite et permettant de se constituer un revenu en complément des pensions versées par les régimes de retraites obligatoires 177 ( * ) . Les produits d'épargne retraite sont ainsi distincts de la retraite de base et de la retraite complémentaire (AGIRC, ARRCO). Aux côtés de ces régimes obligatoires, l'épargne retraite supplémentaire constitue donc un troisième pilier du financement de la retraite.

Les produits d'épargne retraite sont gérés en capitalisation par des sociétés d'assurances, des mutuelles, des institutions de prévoyance ou des sociétés de gestion. Ils s'apparentent à des contrats d'investissements financiers dans le sens où les fonds collectés sont placés jusqu'au versement des prestations, qui s'effectue en principe lors du départ à la retraite du souscripteur.

1. Les produits d'épargne retraite, une offre éparpillée et complexe

Outre le régime fiscal applicable, on distingue les produits d'épargne retraite principalement selon quatre critères.

Premièrement, les produits d'épargne retraite peuvent être souscrits dans un cadre collectif ou individuel :

- dans un cadre collectif, il s'agit de celui de l'entreprise . L'offre existante couvre un large spectre de caractéristiques en termes d'adhésion (obligatoire ou non), de cotisations et de prestations (définies ou non à l'avance), de taux de cotisations (uniformes ou non), de possibilités d'abondement par l'employeur, et de dénouement (sortie en rente viagère, ou en capital). Sont affiliés à cette catégorie les contrats dits « article 39 », « article 82 » et « article 83 » 178 ( * ) , les plans d'épargne retraite d'entreprise (PERE), ainsi que le plan d'épargne pour la retraite collective (PERCO).

- dans un cadre individuel, ils sont souscrits par un particulier , tels que le plan d'épargne retraite populaire (PERP), les contrats dits « Madelin », ou des produits destinés à des régimes spécifiques comme les fonctionnaires (Préfon, COREM, CHR), ou encore les élus locaux (FONPEL et CAREL).

Deuxièmement, on distingue les produits d'épargne retraite selon leur régime juridique :

- les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle . Ils relèvent du code des assurances et sont commercialisés par les entreprises d'assurances, des mutuelles, ou des institutions de prévoyance ;

- les plans d'épargne retraite collectifs (PERCO) , mentionnés aux articles L. 3334-1 et suivants du code du travail, proposés par des sociétés de gestion d'actifs.

Troisièmement, les produits d'épargne retraite varient selon les modalités prévues en matière de cotisations et de prestations :

- pour les contrats à cotisations définies , le souscripteur s'engage sur un niveau de financement, le montant de la pension reversée n'est pas garanti car il dépend des cotisations versées, augmentées des revenus de placement ;

- pour les contrats à prestations définies , le montant de la prestation reversée est défini à l'avance.

Enfin, les produits d'épargne retraite varient selon les modalités de dénouement , c'est-à-dire selon la possibilité de sortie en rente viagère ou en capital. En principe, les produits d'épargne retraite prévoient une sortie en rentes viagères. Toutefois, la sortie en capital est autorisée pour certains contrats : pour la totalité des droits pour le PERCO, pour la majorité des droits pour le contrat « article 82 », et exceptionnellement pour le PERP.

Les élargissements récents des possibilités de sortie en capital

Le PERP, créé en 2003 par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dite « loi Fillon », prévoit la possibilité de sortie en capital. Aux termes des articles L. 132-23 et L. 144-2 du code des assurances, la sortie en capital est possible au moment au départ à la retraite, plafonnée à 20 % du montant total, en cas d'acquisition d'une résidence principale après le départ à la retraite, ou en cas d'évènements graves (décès du conjoint, invalidité, expiration des droits aux allocations chômage, liquidation judiciaire, surendettement). En outre, l'article L. 160-2 du code des assurances permet aux assureurs de racheter ces contrats, à leur initiative, si la rente servie est inférieure à 40 euros.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite « loi Macron » a introduit la possibilité de sortie en capital pour les « mini-PERP », c'est-à-dire pour les PERP dont la valeur de transfert du contrat est inférieure à 2000 euros, sous certaines conditions.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture prévoyait d'étendre les possibilités de sortie en capital aux contrats « article 83 » et « Madelin ». Il s'agissait de les aligner sur les dispositions applicables aux PERP en prévoyant une sortie en capital possible lors du départ à la retraite, dans la limite de 20 % des droits. Toutefois, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel car elle ne relevait pas du domaine des lois de finances 179 ( * ) .

Source : commission spéciale

Paysage des principaux produits d'épargne en vue de la retraite

Commercialisation

Compagnies d'assurance, mutuelles, institutions
de prévoyance

Sociétés de gestion d'actifs

Nom du dispositif

Article 83 du code général des impôts

Loi Madelin et Madelin agricole

Produit d'épargne retraite populaire (PERP)

Produit d'épargne retraite collectif (PERCO)

Date de création

Années 1950

1994

Loi Fillon (2003)

Loi Fillon (2003)

Principales caractéristiques

Cadre collectif, souscription obligatoire, cotisations définies à droits certains

Cadre individuel, facultatif, cotisations définies

Cadre individuel, facultatif, cotisation libre

Cadre collectif, facultatif, cotisation libre

Nombre de titulaires (2016)

5,3 millions

1,6 million

2,3 millions

2,3 millions

Cotisations annuelles moyennes (2016)

553 euros

1922 euros

953 euros

954 euros

Déblocage

Blocage jusqu'à la retraite sauf en cas de chômage longue durée, cessation d'activité non salariée à la suite d'une liquidation judiciaire, invalidité ne permettant plus d'exercer une activité professionnelle, décès du conjoint ou PACS, surendettement

Blocage jusqu'à la retraite sauf invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou PACS, décès du titulaire, de son conjoint ou du PACS, surendettement, chômage de longue durée.

Dénouement

Sortie en rentes

Sortie en rentes en principe mais possible en capital à 100 % si primo-accession à la propriété au moment du départ à la retraite, ou à 20 % dans les autres cas.

Sortie en rentes ou en capital

Montant annuel moyen de la rente ou montant moyen du capital versé

2195 euros (rente)

1751 euros (rente)

1243 euros (rente)

9000 euros (capital)

Transférabilité

Oui vers un autre contrat de type « article 83 » ou PERP

Oui vers un autre contrat de type Madelin ou « article 83 » ou PERP

Oui vers un autre PERP

Oui vers un autre PERCO

Abondement de l'employeur

Obligatoire

Possible

Source : commission spéciale, à partir de l'étude d'impact

2. La multiplicité de régimes fiscaux applicables contribue à rendre l'offre illisible pour l'épargnant

Les règles fiscales applicables divergent selon les produits d'épargne retraite. Toutefois, il est possible d'établir cette grille de lecture 180 ( * ) :

- si les cotisations sont déductibles ou exonérées à l'entrée, les prestations sont fiscalisées à la sortie ;

- si les cotisations ne sont ni déductibles ni exonérées à l'entrée, les prestations versées ne sont pas fiscalisées à la sortie. Les rentes sont imposées selon le régime des rentes viagères à titre onéreux.

Le régime d'imposition des rentes viagères à titre onéreux

Les rentes viagères constituées à titre onéreux résultent d'un contrat par lequel le titulaire a volontairement accepté de se dessaisir d'un élément de son patrimoine, tel que le capital constituant son épargne retraite supplémentaire, en contrepartie de versements en espèce échelonnés dans le temps 181 ( * ) .

Aux termes de l'article 158 du code général des impôts, les rentes viagères constituées à titre onéreux ne sont considérées comme un revenu, pour l'application de l'impôt sur le revenu, que pour une fraction de leur montant. Cette fraction est déterminée d'après l'âge du titulaire lors de l'entrée en jouissance de la rente versée : 70 % avant 50 ans, 50 % s'il est âgé de 50 à 59 ans inclus, 40 % s'il est âgé de 60 à 69 ans inclus, 30 % s'il est âgé de plus de 69 ans.

Lorsque la rente est réversible, c'est-à-dire qu'elle est constituée au profit de deux intéressés avec réversibilité possible au profit du survivant, l'âge à retenir pour le calcul de la fraction imposable est celui du plus jeune crédirentier 182 ( * ) .

Régime d'imposition des bénéficiaires de produits d'épargne retraite

Article 83 du code général des impôts

Loi Madelin et Madelin agricole

Produit d'épargne retraite populaire (PERP)

Produit d'épargne retraite collectif (PERCO)

Fiscalité à l'entrée

Pour le salarié : exonération d'impôt sur le revenu plafonnée.

Pour l'employeur : versement non imposables à l'impôt sur les sociétés.

Cotisations déductibles du bénéfice imposable sous plafond.

Cotisations déductibles de l'impôt sur le revenu sous plafond.

Cotisations employeurs déductibles de l'impôt sur les sociétés.

Cotisations du salarié non déductibles, sauf si issues de l'intéressement ou participation.

Prélèvements sociaux à l'entrée

CSG et CRDS pour les versements du salarié.

Forfait social au taux de 20 % pour l'employeur.

-

CSG et CRDS pour les versements du salarié.

Forfait social au taux de 20 % pour l'employeur, ou 8 % pendant 6 ans pour les entreprises de moins de 50 salariés qui concluent un accord de participation ou d'intéressement pour la première fois, ou 16 % pour les PERCO investis en titres éligibles au PEA-PME.

Fiscalité à la sortie

Impôt sur le revenu après abattement de 10 %

Impôt sur le revenu après abattement de 10 %

Si sortie en rente : impôt sur le revenu après abattement de 10 %.

Si sortie en capital : prélèvement forfaitaire libératoire au taux de 7,5 % avec abattement de 10 %

Si sortie en rente : régime des rentes viagères à titre onéreux.

Si sortie en capital : exonération d'impôt sur le revenu.

Prélèvements sociaux à la sortie

CSG, CRDS, cotisation maladie et contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA)

Régime du patrimoine et de placement

Source : commission spéciale, à partir de l'étude d'impact et du document de travail n° 4 de la séance plénière du Conseil d'orientation des retraites du 24 janvier 2018.

II. Le dispositif proposé par le projet de loi

L'exposé des motifs évoque les objectifs suivants pour le présent article :

- offrir un meilleur rendement aux épargnants en encourageant la détention d'actifs dans des investissements de long terme et en modifiant les modalités de gestion ;

- accroître l'attractivité de l'épargne retraite supplémentaire , notamment en simplifiant son fonctionnement. Pour y parvenir, les canaux mobilisés sont la portabilité des droits, l'harmonisation des régimes de droit et fiscaux appliqués aux produits existants, l'assouplissement des conditions de sortie des produits existants ;

- garantir la protection de l'épargne retraite constituée ;

- stimuler la concurrence sur le segment de la retraite supplémentaire .

1. La création d'un régime de droit commun à l'ensemble des produits d'épargne retraite

Le I du présent article complète le titre II du livre Ier du code monétaire et financier, relatif aux produits d'épargne, afin d'insérer un nouveau chapitre dédié aux plans d'épargne retraite . Ces dispositions constituent ainsi le nouveau socle de droit commun de l'ensemble des produits d'épargne retraite. Leurs modalités d'application seront définies par décret en Conseil d'État (alinéa 44 183 ( * ) ).

a) La définition du plan d'épargne retraite

Les alinéas 8 à 10 définissent la nature et l'objet d'un plan d'épargne retraite. Bénéficiant aux personnes physiques, il vise à acquérir une rente viagère ou le versement d'un capital à compter de la date de départ à la retraite, ou de l'âge légal . Il peut être ouvert par un assureur, une mutuelle ou une institution de prévoyance d'une part, ou par des gestionnaires d'actifs, d'autre part . Dans le premier cas, il se traduit par l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe, et dans le second, par l'ouverture d'un compte-titres.

Le PER doit nécessairement prévoir la possibilité pour le titulaire d'acquérir une rente viagère lors de son départ à la retraite, ainsi qu'une option de réversion en cas de décès. Ainsi, si le présent article prévoit le choix entre la sortie en rente viagère ou en capital au moment de la retraite (cf. infra ), un PER ne doit pas nécessairement proposer une sortie en capital pour se conformer à la définition proposée par le présent article d'un plan d'épargne retraite.

b) Ses modalités de composition et de gestion

Les alinéas 13 à 16 précisent l'origine des sommes versées au PER. Il peut s'agir de :

- versements volontaires du titulaire ;

- pour les PER d'entreprise, versements de l'employeur du titulaire correspondant à la participation aux résultats de l'entreprise, à l'intéressement, aux versements au titre de l'épargne salariale, aux droits inscrits au compte épargne-temps ou aux jours de repos non pris (les « abondements employeur ») ;

- versements obligatoires du salarié ou de l'employeur , si cette modalité est prévue par le PER 184 ( * ) .

Les alinéas 17 à 20 encadrent le placement des sommes versées au PER.

Pour les versements à destination d'un PER dont la gestion est confiée à un gestionnaire d'actifs, les sommes sont investies dans des titres financiers qui doivent offrir « une protection suffisante de l'épargne investie » . Cette disposition vise à encadrer la prise de risque dans l'allocation de l'épargne. La liste exhaustive des titres financiers pouvant être acquis sera fixée par voie réglementaire.

Pour les PER de type assurantiel, les versements sont affectés l'acquisition de fonds euros, de fonds dits « eurocroissance », ou les titres financiers de même nature que ceux éligibles aux PER ouverts par des gestionnaires d'actifs .

La gestion dite « pilotée » devient la modalité de gestion par défaut du PER (alinéa 19). La gestion pilotée constitue une stratégie d'investissement qui vise à réduire progressivement la part des actifs risqués, tels que ceux investis en actions, au profit de fonds garantis comme les fonds euros. Ainsi, la gestion pilotée tient compte de l'horizon de placement de l'épargnant et vise à augmenter le rendement de l'épargne au début de son placement, et dans un second temps, à sécuriser le capital investi.

En principe, les sommes versées sur le PER sont bloquées jusqu'à la retraite. Toutefois, l'épargnant peut en bénéficier dans un nombre limité de cas (alinéas 23 à 30) :

- le décès du conjoint du titulaire ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ;

- l'invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint, ou de son partenaire lié par un PACS . L'invalidité doit être suffisamment grave pour que la personne ne puisse plus exercer une activité professionnelle ;

- la situation de surendettement du titulaire , telle que définie à l'article l. 711-1 du code de la consommation ;

- l'expiration des droits à l'assurance chômage du titulaire ;

- la cessation d'une activité non salariée en raison d'une liquidation judiciaire . Le rachat ou retrait du PER peut également être justifié par une procédure de conciliation si le président du tribunal de commerce l'autorise ;

- l'acquisition de la résidence principale du titulaire , sauf pour les sommes correspondant aux versements obligatoires du titulaire ou de son employeur.

Le décès du titulaire du PER entraîne sa clôture (alinéa 30).

c) La liberté de sortie en capital ou en rente lors du départ à la retraite, sauf pour les versements obligatoires dans le cadre d'un plan d'épargne retraite collectif

Les alinéas 31 à 33 définissent les modalités de sortie du PER au moment de la retraite du titulaire. Celles-ci varient selon la nature des sommes versées , reprenant ainsi la typologie établie au début de l'article :

- les droits correspondant aux versements obligatoires réalisés dans le cadre des plans d'épargne retraite d'entreprise sont délivrés sous forme de rente viagère ;

- les droits correspondant aux versements volontaires du titulaire ou de l'employeur sont délivrés sous forme de capital ou de rente viagère, selon le choix du titulaire . Le capital peut être versé en une fois, ou de façon fractionnée. Cette disposition vise également à permettre les sorties dites « mixtes », associant sortie partielle en capital et versement d'une rente viagère.

Ainsi, la liberté de sortie en capital ou en rente viagère ne s'applique pas à l'intégralité des droits constitués.

La liberté de choix de sortie en rente ou en capital n'est toutefois plus offerte au titulaire du PER, si celui-ci a opté dès l'ouverture du plan pour l'acquisition d'une rente viagère.

d) La portabilité des droits entre les produits d'épargne retraite

Les droits sont transférables d'un plan d'épargne retraite à l'autre, collectif ou individuel, avant le départ à la retraite (alinéa 34), et leur transfert ne modifie pas les conditions de leur rachat ou leur liquidation. Les alinéas 35 à 37 encadrent les modalités de portabilité des droits :

- les frais de transfert sont plafonnés à 3 % des droits acquis , puis ils deviennent nuls au bout de cinq ans après le premier versement, ou si le transfert intervient à compter du départ à la retraite ;

- pour les plans d'épargne retraite d'entreprise auxquels le titulaire est obligatoirement affilié, il ne peut transférer ses droits que s'il n'est plus tenu d'y adhérer ;

- lorsque le PER est un produit assurantiel, l'assureur peut réduire la valeur des droits transférés de l'éventuelle moins-value que le transfert occasionne sur les placements visant à garantir le capital à terme - les provisions mathématiques 185 ( * ) -, principalement constitués de fonds euros.

e) Le droit à l'information des titulaires

Le présent article prévoit que les titulaires bénéficient d'une information régulière sur les droits, et en particulier sur la valeur des sommes investies et sur les modalités de transfert vers un autre produit . Les conditions d'information des titulaires seront définies par voie réglementaire (alinéa 41).

2. L'application du forfait social à un taux réduit pour les fonds investis dans le financement des petites et moyennes entreprises (PME) et dans les entreprises de taille intermediaire (ETI)

Le II du présent article modifie l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale afin de généraliser le taux de forfait social réduit à 16 % au lieu de 20 %, tel que le droit en vigueur le prévoit pour l'épargne salariale versée sur un PERCO .

Le taux réduit du forfait social s'applique pour les versements effectués par l'employeur et lorsque les conditions suivantes sont respectées :

- l'épargne est gérée de façon pilotée ;

- l'épargne est employée à l'acquisition de parts de fonds dont au moins 10 % des titres sont éligibles au plan d'épargne en actions (PEA) destinés au financement des PME et ETI.

Cette dernière condition est plus restrictive que celle actuellement en vigueur pour les PERCO, dont 7 % des titres au moins doivent être susceptibles d'être employés dans un PEA.

Les dispositions relatives au régime de droit commun des plans d'épargne retraite ainsi que l'application du taux réduit de forfait social entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1 er janvier 2020 (alinéa 50).

3. Une habilitation à légiférer par ordonnance dans un délai de 12 mois

Le IV du présent article constitue une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, dans un délai de 12 mois à compter de la publication de la loi, afin de poursuivre plusieurs objectifs.

a) Instituer un régime juridique harmonisé de l'épargne retraite

Il s'agit de procéder aux coordinations nécessaires au sein des dispositions législatives portant sur les produits d'épargne retraite existants, afin d'en harmoniser les règles. L'habilitation à légiférer par ordonnance distingue deux types de produits d'épargne retraite : le produit collectif et le produit individuel. Ainsi, les produits existants devraient être refondus dans un paysage simplifié.

Les alinéas 53 à 58 traitent des règles applicables aux produits d'épargne retraite collectifs. Les ordonnances devront définir leurs règles de gouvernance et notamment les modalités d'association des salariés de l'entreprise à la gestion de l'épargne, de mise en place de ces produits au sein de l'entreprise, y compris en matière d'information et de conseil, et les modalités de gestion des droits des salariés en cas de modification du statut juridique de l'entreprise. Les PER collectifs pourront bénéficier à l'ensemble des salariés (alinéa 57) ou à seulement une partie d'entre eux (alinéa 58), et leur régime juridique respectif sera défini par ordonnance, en particulier la nature des versements qui pourront être affectés au PER.

Pour le produit d'épargne retraite individuel, l'alinéa 54 prévoit que la gouvernance, notamment par une association, ainsi que les obligations d'information et de conseil, soient définies par ordonnance.

b) Traiter les particularités des produits d'épargne retraite assurantiels

Contrairement aux PER proposés par des gestionnaires d'actifs, les contrats d'assurance peuvent être assortis de garanties en capital, ce qui les soumet à des sujétions particulières.

Dans ce cadre, l'ordonnance devra fixer les conditions relatives au cantonnement des actifs concernés, à la nature des garanties complémentaires pouvant figurer dans ces contrats, et les conditions de fixation des tarifs associés à ces contrats (alinéas 60 à 63).

c) Procéder à des mesures d'harmonisation législative

L'ordonnance devra procéder aux coordinations et adaptations des codes et lois en vigueur (alinéa 76).

d) Définir les modalités d'application de la réforme aux contrats existants

L'ordonnance devra définir les conditions dans lesquelles le nouveau régime de droit commun des produits d'épargne retraite, ainsi que les dispositions prises par ordonnance, s'appliqueront aux contrats existants (alinéa 77).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale a adopté vingt-deux amendements , dont dix amendements rédactionnels à l'initiative du rapporteur.

Plusieurs amendements substantiels adoptés modifient le I du présent article, relatif au socle de droit commun à l'ensemble des PER.

Ainsi, un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Dominique Potier, avec un avis de sagesse du rapporteur et du Gouvernement, précise que la liste des titres pouvant être acquis via l'épargne retraite, fixée par voie réglementaire, devra intégrer les titres intermédiés en investissement participatif , proposés par des conseillers en investissements participatifs (CIP) 186 ( * ) (alinéa 17).

Un amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Charles de Courson, avec un avis favorable du Gouvernement, puis sous-amendé par le rapporteur, intègre les produits d'épargne retraite individuels dits « en points » au champ de la réforme , tels que le Préfon ou le Corem (alinéa 18).

Un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, permet que les titulaires d'un PER se voient systématiquement proposer la possibilité d'allouer une partie de l'épargne à l'acquisition de parts dans des fonds solidaires (alinéa 19).

Un amendement adopté à l'initiative du rapporteur, après un avis de sagesse du Gouvernement, affecte aux PER les rétrocessions de commissions perçues par les organismes gestionnaires (alinéa 20). Les règles d'affectation aux PER seront définies par voie réglementaire. Il s'agit ici de reprendre une pratique déjà en vigueur pour les plans d'épargne retraite populaire 187 ( * ) . L'objet de l'amendement indique que l'objectif est de ne pas inciter les gestionnaires du PER à recourir à des fonds pratiquant des frais de gestion élevés .

Un amendement adopté à l'initiative du rapporteur, après un avis favorable du Gouvernement, limite la possibilité de rachat ou de retrait anticipé aux primo-acquisitions de résidence principale , et non à l'acquisition de la résidence principale. Le rapporteur souhaitait ainsi limiter un effet d'aubaine qui élargirait les conditions de déblocage de l'épargne retraite (alinéa 29).

Un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, précise que le titulaire peut opter pour la rente viagère expressément et irrévocablement lors de l'ouverture du plan, mais aussi à n'importe quel moment jusqu'à sa liquidation (alinéa 33).

Deux amendements identiques adoptés à l'initiative de nos collègues Éric Girardin et Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, plafonnent à 1 % des droits acquis le montant des frais de transfert, au lieu de 3 % (alinéa 35).

Un amendement adopté à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, prévoit que les PER collectifs puissent changer de prestataire à l'issue d'un délai préavis d'une durée maximale de 18 mois (alinéa 38).

La commission spéciale a ajouté le II bis au présent article, en adoptant un amendement du rapporteur et après avis favorable du Gouvernement. Il complète les dispositions relatives au taux réduit du forfait social en prévoyant des dispositions transitoires pour les PERCO . En effet, le quota d'investissement en titres éligibles aux PEA exigé est de 7 % pour les PERCO, contre 10 % proposé par le présent article, afin que les versements employeur se voient appliquer le taux réduit de 16 %. Le quota de 7 % est maintenu pendant trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du texte (alinéas 47 à 49).

Enfin, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements relatifs à l'habilitation à légiférer par ordonnances (IV du présent article).

Un amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Charles de Courson, après avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, précise que l'association assurant la gouvernance des produits d'épargne retraite individuels doit représenter les intérêts des épargnants (alinéa 59).

Deux amendements adoptés à l'initiative du Gouvernement élargissent le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances.

Le premier amendement vise principalement à tirer les conséquences des amendements adoptés antérieurement par la commission spéciale . Ainsi, le Gouvernement est habilité à déterminer par ordonnances les modalités de calcul de la valeur de transferts des droits correspondants aux régimes dits « à points », ainsi que les modalités de transfert individuel ou collectif, notamment en cas de changement de prestataire (alinéas 52, 56, 63 et 64).

Le second amendement vise à définir par ordonnance le régime fiscal et les prélèvements sociaux applicables à l'ensemble des PER tels que réformés par le présent article (alinéas 66 à 75). Le tableau ci-dessous synthétise le champ de l'habilitation. Les conditions précises d'imposition seront définies par voie d'ordonnance.

Champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance
pour déterminer le régime fiscal

Fiscalité à l'entrée

Fiscalité en cas de déblocage anticipé

Fiscalité à l'échéance

Sortie en rente

Sortie en capital

Versements volontaires du titulaire

Déductibilité de l'impôt sur le revenu

Impôt sur le revenu si déblocage pour l'achat de la résidence principale.
Exonération d'impôt sur le revenu pour les autres cas de déblocage (accidents de la vie)

Impôt sur le revenu, selon des modalités à définir par ordonnance

Impôt sur le revenu, selon des modalités à définir par ordonnance

Versements de l'employeur (participation, intéressement, autres abondements)

Exonération d'impôt sur le revenu

Exonération d'impôt sur le revenu, y compris pour l'achat de la résidence principale

Imposition selon le régime des rentes viagères à titre onéreux

Exonération d'impôt sur le revenu

Versements obligatoires

Déductibilité de l'impôt sur le revenu, dans la limite des plafonds existants

Exonération d'impôt sur le revenu.

Pas de déblocage possible pour l'achat de la résidence principale

Impôt sur le revenu, selon des modalités à définir par ordonnance

Non prévu 188 ( * )

Source : commission spéciale

L'ordonnance devra aussi définir les prélèvements sociaux applicables et les adaptations transitoires utiles.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cinq amendements , dont deux rédactionnels à l'initiative du rapporteur.

Un amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Aurélien Taché, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, prévoit la possibilité de déblocage anticipée de l'épargne pour l'achat de la résidence principale, qu'il s'agisse d'une primo-acquisition ou non. Le texte initial du Gouvernement est ainsi rétabli.

Deux amendements, adoptés à l'initiative de notre collègue Vincent Descoeur, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, précisent que les obligations d'information et de conseil doivent se poursuivent pendant l'intégralité de la vie du produit , que ce soit durant la phase d'épargne et celle de restitution de l'épargne. Ces obligations d'information et de conseil relatives aux produits collectif et individuel seront définies par ordonnance.

Lors des débats en séance publique, notre collègue Daniel Fasquelle a précisé que le renforcement du devoir de conseil visait à éviter des situations dans lesquelles l'épargnant liquiderait l'intégralité de ses droits en capital au moment du départ à la retraite, et ne pourrait plus faire face aux risques liés au grand âge par la suite. Le renforcement du devoir de conseil est apparu comme la contrepartie nécessaire à la liberté de choix entre la sortie en capital ou en rente viagère.

IV. La position de votre commission

1. Un dispositif qui répond au manque d'attractivité des produits d'épargne retraite...

Depuis près de trente ans, les produits d'épargne retraite supplémentaire ont connu une dynamisation sensible. L'encours de la retraite supplémentaire s'élève aujourd'hui à 219 milliards d'euros 189 ( * ) , soit près de 10 % du produit intérieur brut (PIB), contre l'équivalent de 1,5 % du PIB à la fin des années 1980.

Toutefois, la retraite supplémentaire reste marginale au regard de l'attractivité des autres produits d'épargne . À titre de comparaison, l'encours de l'assurance vie s'élève à 1 628 milliards d'euros en 2017 190 ( * ) . En 2016, les prestations servies ne représentaient que 2 % de l'ensemble des prestations versées 191 ( * ) . De plus, le montant des rentes d'épargne retraite versées reste relativement faible par rapport aux prestations versées par les régimes de retraite obligatoires. Par exemple, la rente annuelle moyenne versée par les contrats d'entreprise s'élevait en 2013 à 2 822 euros, et à 1 601 euros pour les contrats individuels, soit respectivement 18 % et 10 % du montant moyen des prestations annuelles versées par les régimes obligatoires 192 ( * ) .

Au regard de la chute du taux de remplacement, des besoins de financement des régimes obligatoires et de l'allongement de l'espérance de vie, votre commission souscrit à l'objectif du Gouvernement de dynamiser l'épargne retraite supplémentaire . Elle estime que la portabilité des droits, l'harmonisation des règles de fonctionnement des produits d'épargne retraite et le choix entre la sortie en rente ou en capital contribuent à renforcer l'attractivité de l'épargne retraite supplémentaire.

Votre commission estime que la baisse du taux de forfait social appliqué aux versements volontaires de l'employeur de 20 % à 16 % n'est pas suffisamment incitative . Par conséquent, votre commission a adopté un amendement, à l'initiative de votre rapporteur, fixant à 10 % le taux de forfait social sur ces versements ( amendement COM-547 ).

Toutefois, votre commission estime que l'épargne retraite constitue également un outil de dialogue social au sein des entreprises, via les plans d'épargne retraite collectifs. À ce titre, la portabilité des droits ne doit pas constituer un facteur de déstabilisation de cet outil. Par conséquent, votre commission a adopté un amendement visant à encadrer le transfert des droits individuels en cours de constitution hors d'un plan d'épargne retraite collectif ( amendement COM-296 ).

2. ... sans épuiser la question du financement de la dépendance et du niveau de vie des retraités

Votre commission regrette que ce débat relatif au « troisième pilier » de la retraite soit dissocié de celui à venir sur la réforme du régime des retraites . Votre commission estime ainsi que la dissociation de ces deux débats tend à considérer l'épargne retraite supplémentaire comme un produit d'épargne comme les autres.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement permettant que l'épargne retraite soit davantage mobilisée pour prendre en compte le financement de la perte d'autonomie ( amendement COM-542 ). En phase d'accumulation de l'épargne, cet amendement vise à créer un nouveau cas de déblocage anticipé de l'épargne afin de financer les travaux d'adaptation du domicile en cas de perte d'autonomie du titulaire du plan d'épargne retraite, de son conjoint ou de ses enfants. En phase de désaccumulation de l'épargne, le choix de sortie en rente viagère est révocable si l'épargne est affectée au financement des travaux d'adaptation du domicile à la perte d'autonomie.

3. Un champ d'habilitation à légiférer par ordonnance particulièrement large

Votre commission regrette également que le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances ait été élargi par l'adoption d'un amendement à l'initiative du Gouvernement , afin de prévoir ultérieurement les régimes fiscal et social applicables aux plans d'épargne retraite.

Elle note également que le champ de l'habilitation est particulièrement large concernant le traitement fiscal des droits versés à compter du dénouement du contrat, en particulier pour la sortie en rente viagère. Pour les droits correspondant aux versements volontaires de l'employeur, l'habilitation prévoit que l'ordonnance définira l'imposition selon le régime de rentes viagères à titre onéreux. Pour les autres types de versements, l'ordonnance devra définir les modalités d'imposition à l'impôt sur le revenu des droits. Cette dernière formule à caractère général révèle que le Gouvernement n'a pas souhaité, à ce stade de l'examen du projet de loi, trancher la question d'une éventuelle incitation fiscale à la sortie en rente ou en capital, ou d'un traitement privilégié pour certains types de versements.

Par conséquent, votre commission estime que l'ordonnance devra prévoir l'imposition selon le régime de rentes viagères à titre onéreux des droits correspondant à l'ensemble des versements, car la sortie en rente constitue un « filet de sécurité » permettant à l'épargnant de se prémunir contre les risques liés au grand âge, sur le long terme . De plus, ce régime d'imposition permet une réduction de l'assiette fiscale en fonction de l'âge de l'épargnant.

Votre commission a adopté l' amendement COM-548 en ce sens.

Outre deux amendements rédactionnels de votre rapporteur, votre commission a également adopté les amendements suivants :

- un amendement précisant la nature juridique des plans d'épargne retraite ouverts auprès d'un organisme de retraite professionnelle supplémentaire ( amendement COM-276 ) ;

- un amendement précisant que le complémentaire retraite mutualiste (COREM) est bien intégré au champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances ( amendement COM-272 ) ;

- un amendement visant à permettre à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) de poursuivre ses travaux d'analyse sur les plans d'épargne retraite ( amendement COM-273 ) ;

- un amendement visant à remédier aux difficultés d'application de la loi de 2014 dite « loi Eckert », en qui concerne en partie la restitution des droits constitués dans le cadre de produits de l'épargne retraite ( amendement COM-275 ).

Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .

Article 21
(art. L. 113-3, L. 131-1, L. 131-1-1 [nouveau], L. 132-21-1, L. 134-1 et
L. 134-3 du code des assurances, art. 125-0 A du code général des impôts, art. L. 223-2, L. 223-2-1 [nouveau] et L. 223-25-4 du code de la mutualité)
Développement du fonds eurocroissance et
autres mesures relatives aux produits d'assurance-vie

I. Le droit existant

L'assurance-vie désigne un contrat d'assurance dont le risque dépend de la durée de la vie humaine. En contrepartie de primes payées par le souscripteur, l'assureur s'engage à verser un capital ou une rente aux bénéficiaires, lorsque le risque se matérialise.

Quelques chiffres sur l'encours de l'assurance-vie

En 2017, l'encours de l'assurance-vie s'élève à 1 700 milliards d'euros environ, dont :

- 1 400 milliards d'euros environ sur les contrats « euros » , qui offrent à tout moment une protection du capital et des intérêts versés et sont de ce fait principalement investis sur des placements peu risqués (essentiellement des obligations) ;

- 300 milliards d'euros environ sur les supports en unités de compte , dont le capital n'est pas garanti mais qui permettent un investissement diversifié sur les marchés financiers et immobiliers ;

- 2 milliards d'euros environ sur les fonds dits « eurocroissance » , qui offrent une garantie du capital (primes versées, moins les frais) au terme d'une durée d'au moins huit ans, ce qui permet à l'assureur d'investir dans des actifs diversifiés offrant en moyenne un rendement supérieur à ceux des contrats « euros ».

Source : commission spéciale, à partir de l'étude d'impact

Représentant près de 40 % de l'épargne financière des ménages, l'assurance-vie constitue le placement financier préféré des français 193 ( * ) .

Son attractivité tient autant à son régime fiscal avantageux, qu'à sa souplesse d'utilisation.

En effet, à condition d'opter pour un contrat à versements et retraits libres, le souscripteur peut à tout moment effectuer un retrait partiel ou total de son épargne 194 ( * ) . De plus, contrairement au plan d'épargne en actions (PEA), ou au livret A, les versements ne sont pas plafonnées.

Le régime fiscal applicable est défini aux articles 125-0 A, 200 A et 990 I du code général des impôts. Au-delà de huit ans d'ancienneté du contrat, l'assurance-vie bénéficie d'un traitement fiscal avantageux, grâce à l'abattement de 4 600 euros par personne et par an, ainsi qu'un taux réduit d'imposition sur le revenu fixé 7,5 %. En matière successorale, sont imposables aux droits de succession les primes versées après 70 ans et supérieures à 30 500 euros. Les primes qui ne sont pas soumises aux droits de succession sont imposées à hauteur de 20 %, après l'application d'un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire.

En théorie, l'assurance-vie pourrait constituer un vecteur de financement de l'économie au regard de l'importance du montant de son encours . Toutefois, étant donné que l'assurance-vie repose sur le principe de la garantie du capital, cette caractéristique encourage plutôt la détention de fonds euros, au détriment des unités de compte.

L'article L. 131-1 du code des assurances prévoit que les supports en unités de compte doivent offrir « une protection suffisante de l'épargne investie ». La liste de ces supports est fixée par décret en Conseil d'État 195 ( * ) .

1. La création des fonds eurocroissance : un produit intermédiaire encourageant la détention longue

À la suite de la publication du rapport de Karine Berger et de Dominique Lefebvre 196 ( * ) , l'ordonnance du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance-vie au financement de l'économie 197 ( * ) a créé les contrats eurocroissance prévoyant une garantie du capital à terme, et non plus à tout moment. Les deux principaux objectifs du dispositif sont :

- réduire la contrainte de liquidités qui pesait sur les assureurs et qui limitait les investissements considérés comme plus risqués ;

- offrir à l'épargnant un profil de risque intermédiaire entre les fonds euros et les unités de compte.

Aux termes de l'article L. 134-1 du code des assurances, les engagements en eurocroissance donnent lieu à la constitution d'une provision de diversification qui est chargée d'absorber la fluctuation de la valeur des actifs. La provision de diversification constitue la « poche » d'actifs visant à assurer le rendement du contrat. Elle coexiste avec une provision mathématique qui vise à assurer la garantie à terme. La superposition de ces deux provisions a complexifié la compréhension du fonctionnement du produit.

Afin d'encourager la commercialisation de ces contrats, la loi de finances rectificative pour 2013 198 ( * ) a prévu le maintien de l'antériorité fiscale en cas de transformation d'un contrat existant vers un contrat eurocroissance. Ainsi, le régime fiscal applicable en cas de rachat est établi en fonction de la date de souscription du contrat initial.

2. L'élargissement des possibilités de règlement d'un contrat par la remise de titres non négociables : un dispositif récent présentant plusieurs carences

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 199 ( * ) a modifié l'article L. 131-1 du code des assurances pour prévoir qu'un souscripteur puisse opter irrévocablement, à tout moment, et avec l'accord de l'assureur, pour la remise de titres ou de parts non négociés sur un marché réglementé, y compris de parts de fonds communs de placement à risques (FCPR) ou non négociables, lors du rachat de son contrat .

Si l'objectif principal de ce dispositif est d'encourager l'investissement dans les titres non cotés, il contribue surtout à transférer le risque de liquidité de l'assureur vers l'assuré . Dominique Estrosi Sassone, rapporteur au Sénat du projet de loi précité, avait d'ailleurs souligné dans son rapport que « conformément aux règles prudentielles en vigueur, l'assureur dispose à tout instant de suffisamment de liquidités pour faire face aux engagements sans devoir compter sur la vente, toujours délicate, de titres non cotés. (...) Dès lors, la conséquence principale du dispositif proposé est de transférer le risque de liquidité vers l'assuré » 200 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 131-1 du code des assurances, cette possibilité de règlement en titres non cotés n'est pas ouverte lorsque le souscripteur ou des membres de sa famille ont détenu, directement ou indirectement, au cours des cinq dernières années des titres ou parts dans la même entité que ceux remis par l'assureur. Cette clause anti-abus vise à éviter les schémas d'optimisation fiscale permettant de régler le contrat en titres afin de ne pas s'acquitter de l'impôt sur les plus-values réalisées. Toutefois, la rédaction actuelle de l'article L. 131-1 ne prévoit pas de seuil minimal de détention de parts de l'entité visée, ce qui permet de ne pas opter pour le règlement en titres dès lors que le souscripteur ou ses proches ont détenu un seul titre de cette entité.

3. Les modalités de paiement de la prime : une clarification nécessaire

Aux termes de l'article L. 113-2 du code des assurances, l'assuré est tenu de payer « la prime ou cotisation aux époques convenues », sans pour autant définir les modalités de paiement (en numéraire ou en titres). Toutefois, sans nécessiter de définition explicite, le droit français n'envisage le versement des primes d'assurance qu'en numéraire 201 ( * ) .

Les pratiques des assureurs étrangers, et en particulier luxembourgeois, peuvent varier et privilégier le paiement de la prime sous forme de remise de titres. Or, depuis l'entrée en vigueur de la « troisième directive sur l'assurance-vie » 202 ( * ) en 1992, les assureurs établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne peuvent commercialiser leurs produits en France, en libre prestation de services. Ainsi, « une minorité de contribuables français parmi les plus fortunés utilisent les marges de manoeuvre offertes à l'étranger dans le paiement de la prime de leur contrat d'assurance pour y placer leurs propres titres de sociétés et bénéficier du régime fiscal français de l'assurance-vie » 203 ( * ) .

Or, la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt en date du 19 mai 2016, qu'aucune « disposition légale d'intérêt général ne prohibe la distribution en France par un assureur luxembourgeois de contrats d'assurance sur la vie qui sont régis par la loi française mais dont les caractéristiques techniques et financières relèvent du droit luxembourgeois » 204 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

1. Dispositions communes à l'ensemble des contrats d'assurance-vie introduites dans l'objectif d'améliorer la contribution de l'assurance-vie au financement du capital-investissement en France

La possibilité de régler un contrat d'assurance-vie par la remise de titres non négociables (article L. 131-1 du code des assurances) fait l'objet de plusieurs aménagements.

Premièrement, le choix du souscripteur du règlement en titres est réputé s'appliquer au bénéficiaire du contrat, sauf mention expresse . Cette disposition vise à faciliter le recours à ce mode de règlement (alinéa 4) 205 ( * ) .

Deuxièmement, la rédaction de la clause anti-abus est précisée (alinéas 6 à 8) :

- le règlement en titres n'est pas possible si le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) a détenu directement ou indirectement des parts ou titres de la même entité au cours des cinq années précédant le règlement ;

- les frères et soeurs mentionnés dans l'article L. 131-1 du code des assureurs sont ceux du contractant ;

- les parts ou titres des proches ne doivent pas avoir été détenus ensemble, ou séparément.

Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux demandes de rachats présentées à compter de l'entrée en vigueur de la loi (alinéa 59).

Troisièmement, les ascendants ou proches énumérés par l'article ne doivent pas avoir détenu plus de 10 % des parts ou titres du fonds (alinéa 9). L'introduction de ce seuil vise à sécuriser juridiquement ce dispositif.

Par ailleurs, la gamme des supports éligibles à l'assurance-vie est élargie (alinéa 11). En effet, le présent article créé un nouvel article L. 131-1-1 dans le code des assurances permettant aux particuliers d'investir dans des fonds professionnels, dans le respect de conditions liées à leur patrimoine, à leurs connaissances, ou à leur expérience en matière financière . Cette précision vise à contrebalancer l'ouverture de l'assurance-vie à des fonds jugés plus risqués. Ainsi, la liste des supports d'investissement devrait dépendre de la capacité patrimoniale du contractant. Un décret en Conseil d'État précisera la mise en oeuvre de ces conditions, ainsi que les fonds concernés.

Par ailleurs, l'article L. 113-3 du code des assurances est modifié pour préciser que le paiement de la prime s'effectue en numéraire (alinéa 2). Cette disposition vise à clarifier le droit national existant.

2. Création d'un nouveau régime pour les fonds eurocroissance

Le présent article vise à créer un nouveau régime des fonds eurocroissance , en complément du régime actuellement prévu (alinéas 17 à 42).

Contrairement à l'actuel régime des fonds eurocroissance, les nouveaux produits ne présenteront pas deux provisions différentes , mathématiques et de diversification. Pour les nouveaux fonds eurocroissance, la rente ou le capital garantis sont exprimés uniquement en parts de provisions de diversification avant l'échéance (alinéa 33). Outre un gain de clarté pour l'épargnant, cette disposition vise à apporter une souplesse de gestion pour l'assureur. À l'échéance, la garantie est exprimée en euros.

L'assureur est néanmoins tenu de constituer une provision pour assurer la garantie à terme , si la valeur des actifs ne semble pas suffisante pour assurer le capital ou la rente à l'échéance (alinéa 41).

L'article L. 132-21-1 est complété pour préciser la valeur de rachat ou de transferts des engagements correspondant au nouveau régime des eurocroissance (alinéas 17 à 20). Avant l'échéance, la valeur de rachat ou de transfert correspond à la valeur liquidative, c'est-à-dire la valeur de marché, des parts détenues. Ainsi, si le rachat ou le transfert a lieu avant l'échéance, les sommes versées à l'assuré sont égales à la valeur de marché des parts qu'il détient. Après l'échéance, la valeur de rachat ou de transfert ne peut être inférieure au montant de la garantie. Les modalités de détermination de la valeur de rachat ou de transfert seront précisées par décret en Conseil d'État.

Il est possible de convertir ses engagements en fonds eurocroissance du régime actuel en fonds eurocroissance du nouveau régime, dès lors que les cocontractants sont d'accord (alinéa 34). Cette disposition vise à faciliter la migration des anciens eurocroissance vers les nouveaux.

Par ailleurs, les assureurs pourront réunir les anciens et les nouveaux eurocroissance au sein du même canton (alinéa 36), c'est-à-dire que les deux types de contrats peuvent réunis dans une même comptabilité auxiliaire d'affectation, séparée du reste du bilan de l'assureur.

Le II du présent article (alinéas 43 à 46) modifie l'article 125-0-A du code général des impôts afin de prévoir que la transformation, totale ou partiel, d'un contrat eurocroissance correspondant à l'ancien régime en un contrat eurocroissance correspond au nouveau régime n'entraîne pas les conséquences fiscales du dénouement. Cette disposition vise également à faciliter la transition de l'ancien vers le nouveau régime.

3. Coordinations et adaptations nécessaires au sein du code général des impôts et du code de la mutualité

Le III du présent article modifie le code de la mutualité pour y transposer les dispositions précédentes. Il s'agit d'aligner les contrats proposés par les institutions de prévoyance et les mutuelles sur les modifications proposées dans le code des assurances.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre huit amendements rédactionnels ou de coordination, la commission spéciale a adopté deux amendements substantiels .

Le premier, adopté à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, vise à encourager à investir les contrats d'assurance-vie dans des fonds solidaires, responsables et les fonds verts en rendant obligatoire leur présentation dans les contrats .

En séance publique, un amendement du rapporteur retouche ces dispositions. Il précise la nature des fonds devant faire l'objet d'une obligation de proposition d'investissement :

- les fonds solidaires , également appelés fonds « 90-10 » car leur actif est composé de 5 % à 10 % de titres émis par des entreprises solidaires, ou de fonds de placement à risques dont au moins 40 % de l'actif est composé de titres émis par des entreprises solidaires 206 ( * ) ;

- les fonds ayant obtenu un label de l'État satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique (les fonds dits « TEEC ») ;

- les fonds ayant obtenu un label créé par l'État et satisfaisant aux critères d'investissement socialement responsable (les fonds dits « ISR »).

En outre, l'amendement du rapporteur précise que l'obligation de proposition s'applique au sens de l'obligation de proposer au moins une unité de compte correspondant à l'un des trois fonds précités. Cette obligation ne s'applique qu'aux contrats ouverts à compter du 1 er janvier 2020. À partir de 2022, les contrats devront proposer au moins deux unités de compte, l'une correspondant à un fonds dit « ISR », et l'autre pouvant correspondre, au choix, à un fonds dit « TEEC » ou solidaire .

Le second amendement, également adopté à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, après un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, vise à améliorer l'information de l'épargnant . L'assureur est tenu de communiquer à l'épargnant, de manière au moins trimestrielle, la valeur de rachat ou de transfert de son contrat, et la valeur des unités de compte ou des parts de fonds eurocroissance. Un sous-amendement du rapporteur prévoit que cette communication puisse être faite sous forme dématérialisée.

En séance publique, un amendement, adopté à l'initiative du rapporteur et après avis favorable du Gouvernement, introduit une obligation d'information annuelle sur les rétrocessions de commission perçues au titre de la gestion financière des actifs , et d'une manière générale sur les frais prélevés par l'assureur.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

IV. La position de votre commission

La réforme des fonds eurocroissance cherche à tirer les conséquences du succès limité de ce support d'investissement lancé en 2014 .

En effet, alors que ces contrats devaient présenter une troisième voie de l'assurance-vie, offrant un profil d'investissement intermédiaire, fin 2017, l'encours ne s'élevait qu'à 2,3 milliards d'euros environ, soit à peine 1 % de l'encours total de l'assurance-vie. Deux principaux facteurs expliquent cet échec. D'une part, le contexte de taux bas a limité la rentabilité des fonds eurocroissance par rapport aux fonds euros. D'autre part, les fonds eurocroissance ont été pénalisés par leur structure complexe , consistant en la superposition de deux provisions comptables permettant d'avoir une garantie à l'échéance du contrat.

Les auditions conduites par votre rapporteur spécial ont permis de mettre en évidence le manque de lisibilité de ce support et leur mauvaise appropriation par les réseaux de distribution assurantiels.

Le rapport relatif au financement des entreprises en France 207 ( * ) , réalisé par Jean-Noël Barrot et Alice Zagury dans la perspective de la préparation du présent projet de loi, proposait de moduler la garantie en capital offerte sur les fonds euros en fonction de la durée de détention . Sans se prononcer sur le contenu de cette proposition initiale, votre commission souligne que la réforme introduite au présent article affiche des ambitions plus réservées en matière d'assurance-vie.

Néanmoins, votre commission estime que la nouvelle version des fonds eurocroissance devrait vraisemblablement être plus lisible pour l'épargnant et moins « corsetée » que les actuels fonds eurocroissance qui n'ont pas su trouver leur public. Il reviendra néanmoins aux assureurs, institutions de prévoyances et mutuelles de convaincre, via la mobilisation de leurs réseaux de distribution, de la pertinence de ce nouveau support d'investissement. Votre commission prend acte du choix du Gouvernement de proposer de s'orienter vers une réforme consensuelle de l'assurance-vie. Elle a adopté un amendement COM-277 , avec l'avis favorable du rapporteur, visant à faciliter la migration des anciens contrats eurocroissance vers les nouveaux.

Concernant les dispositions visant à encourager le règlement du contrat par la remise de titres non négociables , votre commission estime qu'elles sont de nature à répondre aux carences de la loi de 2015 qui a introduit cette modalité de règlement.

Par ailleurs, votre commission estime que l'assurance-vie constitue un outil d'épargne privilégié pour financer la transition énergétique, écologique et soutenir les investissements dits « solidaires ». Dans cette perspective, votre commission relève avec intérêt les apports de l'Assemblée nationale visant à instaurer une obligation de proposition d'investissement dans les fonds dits « verts », solidaires et satisfaisant aux critères d'investissement socialement responsable . Toutefois, votre commission relève deux carences de l'article en la matière. D'une part, elle note qu'à compter de 2022, les contrats pourront choisir de ne proposer qu'une unité de compte investie soit dans les fonds dits « verts », soit dans les fonds solidaires. Or, compte tenu de la rentabilité supérieure des fonds satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique, cette alternative pourrait avoir pour effet de décourager l'investissement dans les fonds solidaires. D'autre part, votre commission rappelle que l'actif des fonds solidaires n'est composé qu'au maximum de 10 % par des titres émis par des entreprises solidaires, ce qui constitue un support d'investissement relativement sécurisé.

Ainsi, votre commission a adopté un amendement visant à renforcer cette obligation de proposition d'investissement à compter de 2022 ( COM-87 rectifié ), avec l'avis favorable du rapporteur.

En outre, votre commission a adopté un amendement rédactionnel à l'initiative de votre rapporteur ( COM-549 ), et un autre visant à préciser le champ d'application des obligations de proposition en matière de fonds solidaires, verts et responsables ( COM-278 ), avec l'avis favorable du rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié.

Article 21 bis
(art. L. 214-28 du code monétaire et financier)
Assouplissement du régime
des fonds communs de placement à risques

I. Le droit en vigueur

Les fonds communs de capital risque (FCPR) sont des fonds de capital investissement permettant aux épargnants non professionnels d' investir dans des sociétés non cotées .

Ils sont soumis à des contraintes d'investissement particulières au titre de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier.

Ainsi, l'actif d'un FCPR doit être constitué à hauteur de 50 % au moins de parts de sociétés à responsabilité limitée, titres associatifs, titres participatifs ou titres de capital (ou donnant accès au capital) de sociétés non cotées.

Par exception, sont également admis pour apprécier le respect de ce quota d'investissement :

- les titres éligibles émis par des sociétés cotées de petite capitalisation boursière 208 ( * ) , dans la limite de 20 % de l'actif du fonds ;

- les avances en compte courant consenties à des sociétés dans lesquelles le fonds détient 5 % du capital, dans la limite de 15 % de son actif.

Ces contraintes d'investissement justifient le traitement fiscal privilégié dont peuvent bénéficier les souscripteurs. Sous réserve de respecter des conditions de détention et de réinvestissement prévues à l'article 163 quinquies B du code général des impôts, le redevable peut ainsi bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des distributions reçues.

Les FCPR peuvent également être logés au sein d'un plan d'épargne en actions (PEA) 209 ( * ) , d'un plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) 210 ( * ) ou d'un contrat d'assurance vie en unités de comptes 211 ( * ) .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue député Adrien Taquet, adopté avec avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, vise à assouplir le quota d'investissement des FCPR .

Seraient désormais éligibles au quota d'investissement (alinéa 5) :

- les titres de créance émis par des sociétés non cotées ;

- les titres de créance émis par des sociétés à responsabilité limitée ;

- des créances sur ces entités.

L'éligibilité de ces titres serait toutefois limitée : les titres émis par des sociétés cotées de petite capitalisation boursière déjà éligibles et les titres de créance nouvellement éligibles ne seraient retenus pour apprécier le respect du quota d'investissement que dans la limite de 20 % de l'actif du fonds (alinéa 3).

Enfin, les FCPR qui prévoient dans leur actif au moins 5 % d'instruments financiers liquides tels que définis par décret en Conseil d'État seraient expressément autorisés à le mentionner dans tous les actes et documents destinés aux tiers (alinéas 6 et 7).

III. La position de votre commission

En dépit des assouplissements apportés en 2015 par la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ( voir le commentaire de l'article 21 du présent projet de loi ) 212 ( * ) , les montants investis par les assureurs dans le capital investissement restent insuffisants .

Montants investis en France par les assureurs dans le capital investissement

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

1,1

1,1

1,3

2,1

2,3

Source : commission spéciale
(d'après les données transmises par le Gouvernement)

Cette contre-performance tient notamment au faible développement des unités de compte composées de parts de FCPR , qui constituent le véhicule le plus utilisé par les gestionnaires d'actifs spécialisés dans le non coté. En effet, seulement quatre assureurs ont lancé de telles unités de compte, pour des montants collectés relativement faibles 213 ( * ) .

Pour attirer une clientèle plus large, il serait nécessaire que les assureurs portent eux-mêmes le risque de liquidité , le règlement par remise de titres aux souscripteurs ne pouvant concerner que des épargnants particulièrement avertis.

Dans cet objectif, le présent article propose d'assouplir les règles d'investissement des FCPR , sur le modèle des organismes de placement collectif immobilier (OPCI), qui ont permis de flécher une partie significative des montants collectés via l'assurance vie vers des actifs immobiliers illiquides.

L'éligibilité des titres de créance, dans la limite de 20 % de l'actif du fonds déjà applicable aux titres de sociétés de petite capitalisation boursière, apporte ainsi une souplesse bienvenue, sans dénaturer les FCPR .

La possibilité pour les FCPR de signaler qu'ils prévoient dans leur actif au moins 5 % d'instruments financiers liquides permet par ailleurs d' éviter la création d'un nouveau véhicule , en mettant en place une forme souple de labellisation.

Dès lors, votre rapporteur propose uniquement un amendement rédactionnel COM-523 , adopté par la commission.

Votre commission a adopté l'article 21 bis ainsi modifié.

Article 21 ter
(art. L. 548-6 du code monétaire et financier)
Indicateur de risque des plateformes de financement participatif

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

Cet article vise à ce que les plateformes de financement participatif mettent à disposition des prêteurs des informations concernant la viabilité des projets en cours et des projets financés depuis plus de douze mois.

I. Le droit en vigueur

Les plateformes de financement participatif sont soumises, pour l'exercice de leur activité, à un cadre réglementaire adapté à la nature des financements qu'elles proposent.

Pour les opérations de prêt à titre onéreux ou sans intérêt, elles doivent s' immatriculer sur le registre unique des intermédiaires 214 ( * ) (article L. 548-3 du code monétaire et financier) et respecter des règles de bonne conduite et d'organisation (article L. 548-6 du même code).

Afin de protéger les épargnants, il est notamment prévu que les intermédiaires en financement participatif doivent « mettre en garde les prêteurs sur les risques liés au financement participatif de projet , notamment les risques de défaillance de l'emprunteur » (5° de l'article L. 548-6).

Sur ce fondement, un décret impose aux plateformes la publication, chaque trimestre, sur leur site internet, de manière facilement accessible depuis la première page, des taux de défaillance enregistrés sur les projets mis en ligne au cours des trente-six derniers mois ou, si la plateforme a moins de trois ans, depuis le démarrage de l'activité ( b du 3° de l'article R. 548-5 du code monétaire et financier).

Trois taux de défaillance , prévus par décret 215 ( * ) et dont les modalités de calcul ont été précisées par une position de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) 216 ( * ) , doivent ainsi être publiés :

- le premier taux rapporte le nombre de crédits ou prêts sans intérêt présentant une échéance impayée depuis plus de deux mois au nombre total de projets ;

- le deuxième taux rapporte le montant de ces mêmes prêts au capital restant dû pour l'ensemble des crédits ou prêts ;

- le troisième correspond à la moyenne trimestrielle du taux rapportant, chaque mois, le nombre des projets présentant des échéances qui restent impayées au nombre total de projets en cours.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de cinq amendements identiques adoptés au stade de la commission à l'initiative de nos collègues députés Pierre Cordier, Véronique Louwagie, Daniel Fasquelle, Vincent Rolland et Dominique Potier, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Il propose de compléter le 6° de l'article L. 548-6 du code monétaire et financier, qui impose aux plateformes de « mettre à disposition des prêteurs les outils permettant d'évaluer le montant du prêt envisageable compte tenu de leurs revenus et charges ainsi que les éléments pertinents leur permettant d'apprécier la viabilité économique du projet, en particulier le plan d'affaires », afin de préciser que « les indicateurs retenus prennent en compte, d'une part, l'ensemble des projets en cours et, d'autre part, les projets financés depuis plus de douze mois ».

III. La position de votre commission

Les modalités de calcul des taux de défaillance actuellement retenues peuvent conduire à donner des résultats biaisés aux épargnants .

En effet, le secteur du financement participatif étant en très forte croissance , rapporter les défaillances au nombre total de projets ou au capital restant dû pour l'ensemble des prêts  peut conduire à sous-estimer les risques, en « gonflant » artificiellement le dénominateur de prêts qui viennent d'être contractés.

Ce biais optimiste apparaît d'autant plus problématique que le financement participatif reste un secteur peu mature et paraît marqué par une hausse significative des défauts de remboursement au cours de la période récente . Une récente étude de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir étaye cette préoccupation 217 ( * ) .

Afin de remédier à cette difficulté, le présent article propose de créer un indicateur complémentaire prenant uniquement en compte les projets financés depuis plus de douze mois, ce qui permettrait de refléter plus objectivement la probabilité de défaut de ces investissements.

Si votre rapporteur partage naturellement l'objectif recherché, le texte adopté ne s'insère pas correctement au sein de l'article L. 548-6 du code monétaire et financier. Sans modifier le fond du dispositif proposé, il est dès lors proposé d' en revoir entièrement la rédaction.

Un amendement COM-524 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 21 ter ainsi modifié.

Article 22
(art. L. 411-2, L. 412-1, L. 433-4, L. 621-7, L. 621-8 à L. 621-8-2,
L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Simplification de l'accès des entreprises aux marchés financiers

I. Le droit en vigueur

1. L'offre au public de titres financiers

Aux termes de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier, une « offre au public de titres financiers » est largement définie ; elle est constituée :

- soit d'un placement de titres financiers par un intermédiaire financier ;

- soit d'une communication « présentant une information suffisante sur les conditions de l'offre et les titres à offrir, de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d'acheter ou de souscrire ces titres financiers ».

La qualification d'offre au public entraînant de nombreuses obligations et contraintes pour l'émetteur, l'article L. 411-2 du même code prévoit explicitement les cas qui ne constituent pas une offre au public au sens de l'article L. 411-1 précité . C'est le cas notamment des offres portant sur des titres de capital ou de créance :

- dont le montant est inférieur à un montant fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;

- ou qui sont, de manière cumulative, inférieures à un montant ainsi qu'à une quotité de capital de l'émetteur fixés par ce même règlement général.

Jusque dans sa rédaction antérieure à juillet 2018, le règlement général de l'AMF, dans son article 211-2, excluait ainsi de la qualification d'offres au public :

- les offres dont le montant total dans l'Union européenne était inférieur à 100 000 euros ;

- les offres dont le montant total dans l'Union était compris entre 100 000 euros et cinq millions d'euros et qui donnaient lieu à l'émission d'une quotité de titres inférieure à 50 % du capital de l'émetteur.

2. L'obligation de publicité : le « prospectus »

L'une des obligations qu'entraîne la qualification d'offre au public 218 ( * ) est celle de « publier et tenir à la disposition de toute personne intéressée un document destiné à l'information du public , portant sur le contenu et les modalités de l'opération qui en fait l'objet, ainsi que sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur et des garants éventuels des titres financiers qui font l'objet de l'opération, dans des conditions prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers . »

Ce document d'information générale de l'investisseur, normé à l'échelle européenne, est communément appelé « prospectus ». En l'état actuel du droit, sont donc exonérées de l'obligation de publier un prospectus les offres inférieures à 100 000 euros ainsi que les offres minoritaires 219 ( * ) d'un montant compris entre 100 000 euros et 5 millions d'euros.

L'article L. 621-8 du code monétaire et financier prévoit que le prospectus est soumis au visa préalable de l'AMF pour toute opération réalisée sur le territoire de l'espace économique européen, lorsque l'émetteur a son siège statutaire en France 220 ( * ) . Pour délivrer ce visa, l'AMF « vérifie si le document est complet et compréhensible et si les informations qu'il contient sont cohérentes » ( I de l'article L. 621-8-1 du même code). Elle a tout pouvoir pour demander des modifications au projet de prospectus.

En vertu du II de l'article L. 621-8-1 , l'AMF a le pouvoir de suspendre l'opération lorsqu'elle a des « motifs raisonnables de soupçonner qu'elle est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables ». Sous certaines conditions, elle peut même interdire l'opération.

Sont également exonérées de prospectus les offres de titres non cotés réalisées par l'intermédiaire d'un site internet de financement participatif d'un montant inférieur à 2,5 millions d'euros 221 ( * ) . Le règlement général de l'AMF prévoit cependant que l'intermédiaire doit fournir, dans un document d'information réglementaire synthétique (DIRS), certaines informations relatives notamment à son activité, à son projet et aux risques induits. Ce document doit être disponible sur le site internet de l'intermédiaire, en revanche celui-ci n'est pas revu en amont par l'AMF et n'est pas non plus déposé devant l'autorité.

Les obligations d'information actuelles

Source : étude d'impact annexée au présent projet de loi

3. Cas d'obligations de déposer une offre publique d'achat ou de retrait

Dans certains cas, le code monétaire et financier prévoit le dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique . Ce cas est notamment prévu à l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, lorsqu'une personne physique ou morale, actionnaire d'une société dont le siège social est établi en France 222 ( * ) :

- soit vient à détenir 223 ( * ) plus de 30 % du capital ou des droits de vote de la société ;

- soit, alors qu'elle détient 224 ( * ) entre 30 et 50 % du capital ou des droits de vote, augmente en moins de douze mois consécutifs sa détention en capital ou en droits de vote d'au moins 1 % du capital ou des droits de vote de la société.

Le code monétaire et financier prévoit également le cas où, sur demande d'un ou plusieurs actionnaires minoritaires, l'AMF impose le dépôt d'une offre publique de retrait 225 ( * ) afin de protéger les actionnaires minoritaires. Cette procédure peut être mise en oeuvre en cas d'illiquidité du titre et au regard notamment des conditions prévalant sur le marché des titres concernés et des éléments d'information apportés par le demandeur, selon une procédure communément appelée sell out . Ce cas est prévu au I de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier, lorsque le ou les actionnaires majoritaires d'une société 226 ( * ) détiennent seul ou de concert « une fraction déterminée des droits de vote » ; celle-ci est actuellement fixée, dans le règlement général de l'AMF, à 95 %.

Les II et III de l'article L. 433-4 précité prévoient également que le règlement général de l'AMF fixe les règles du retrait obligatoire, le squeeze out , c'est à dire les conditions dans lesquelles, à l'issue d'une offre publique de retrait, ou dans les trois mois à l'issue de toute offre publique, « les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote , sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés » : concrètement, cela signifie que lorsque les conditions susvisées sont réunies, le ou les actionnaires majoritaires peuvent, moyennant indemnisation, exiger le transfert à leur profit des titres détenus par les actionnaires minoritaires 227 ( * ) . Ce dispositif permet notamment, par le rachat de l'ensemble du capital, des sorties de cote afin d'assurer un bon fonctionnement du marché boursier.

La « directive OPA » de 2004 228 ( * ) , dont est issue cette disposition, permettait aux États de fixer un seuil compris entre 90 % et 95 % du capital, pour le déclenchement d'une procédure de retrait obligatoire. La France avait choisi de conserver le seuil le plus élevé, 95 % , qui était celui qui existait déjà pour le retrait obligatoire à l'issue d'une offre publique de retrait 229 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Les évolutions proposées dans le présent article visent à limiter certaines contraintes pesant sur les sociétés cotées afin de relancer les introductions en bourse qui accusent un net recul depuis dix ans dans notre pays : alors qu'elles représentaient environ 300 opérations par an entre 2005 et 2007, seulement 172 introductions ont eu lieu en 2016 230 ( * ) .

Le plus souvent, il s'agit de transposer des dispositions européennes dans un sens plus favorable aux émetteurs afin de redonner de la compétitivité à la place financière de Paris dans la compétition qui l'oppose aux autres places financières de l'Union européenne.

1. Les modifications apportées au code monétaire et financier

a) Le rehaussement du seuil d'établissement du prospectus

D'après le règlement européen dit « Prospectus 3 » 231 ( * ) , entré en vigueur directe le 21 juillet 2018 :

- en-dessous d'un million d'euros , aucun prospectus ne peut être imposé 232 ( * ) , compte tenu notamment du coût d'élaboration d'un prospectus qui risquerait d'être disproportionné par rapport aux fonds que l'offre devrait permettre de lever 233 ( * ) ;

- entre un et huit millions d'euros , chaque État-membre est libre de fixer le seuil de soumission à l'obligation de publication d'un prospectus ; toutefois, à défaut de choix national, le seuil d'un million d'euros est d'application directe à compter du 21 juillet 2018 ;

- au-delà de huit millions d'euros , un prospectus est obligatoire 234 ( * ) .

La France a choisi de retenir le seuil le plus élevé, de huit millions d'euros, le plus favorable aux émetteurs. Elle est le premier pays de l'Union européenne à faire le choix de retenir ce seuil maximal.

Les modifications correspondantes du règlement général de l'AMF sont entrées en vigueur le 21 juillet 2018, à l'issue de deux consultations publiques 235 ( * ) menées auprès des acteurs de place.

Les seuils existants dans le règlement général de l'AMF, de 100 000 euros et cinq millions d'euros ont donc été supprimés et remplacés par le seuil unique de huit millions d'euros 236 ( * ) .

Par cohérence, le 1° du I du présent article supprime donc, dans l'article L. 411-2, la référence à une « quotité de capital » pour définir le champ de l'offre au public, qui n'a désormais plus lieu d'être.

b) La création d'un document synthétique d'information pour les offres non soumises à l'obligation de publication du prospectus

En contrepartie de la suppression de l'obligation de prospectus pour un certain nombre d'offres et afin de maintenir la bonne information des investisseurs, le 2° du I du présent article propose que soit rendue obligatoire, « dans les cas et les modalités précisés par le règlement général » de l'AMF pour les offres d'un montant inférieur à huit millions d'euros, la publication d'un « document synthétique destiné à l'information du public et présentant les caractéristiques de l'opération et de l'émetteur ». Contrairement au prospectus, ce document n'est pas visé par l'AMF. Cette insertion législative permettra d'imposer la publication d'un document pour les offres au public d'un montant inférieur à huit millions d'euros (le document d'information synthétique, le DIS) mais aussi de donner une base législative plus précise à l'obligation de publication d'un DIRS dans le cas du financement participatif.

Le règlement précité autorise en effet les États-membres, en-deçà du seuil retenu, à définir un régime d'information national ad hoc 237 ( * ) .

Pour tenir compte de la création d'un III consacré à ce document synthétique au sein de l'article L. 412-1 du code monétaire et financier (dont les I et II sont consacrés au prospectus), le a) du 5° du I du présent article propose une mesure de coordination légistique.

Par ailleurs, le b) du 5° du I du présent article prévoit, sur le modèle de ce qui existe actuellement s'agissant du prospectus 238 ( * ) , que tout fait nouveau ou toute erreur ou inexactitude contenue dans le document synthétique sera mentionné dans une note complémentaire audit document.

Enfin, le 6° du I du présent article modifie le II de l'article L. 621-8-1 du code monétaire et financier relatif aux pouvoirs de l'AMF de suspension voire d'interdiction d'une opération lorsque l'autorité a « des motifs raisonnables de soupçonner [que cette opération] est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables ». Il précise désormais que les pouvoirs de suspension et d'interdiction de l'AMF s'appliquent aux opérations mentionnées à l'article L. 412-1 du code monétaire et financier :

• les offres au public de titres financiers ;

• les admissions de titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;

• les offres de titres financiers dont le montant total est inférieur à huit millions d'euros ;

• et les offres de financement participatif.

Les nouvelles obligations d'information des investisseurs
pour les offres d'un montant total inférieur à 8 millions d'euros

Nouveau DIS 239 ( * )

DIRS 240 ( * )

Titres non cotés

Offre « en direct »
inférieures à huit millions d'euros

X

Offre réalisée par l'intermédiaire d'un site internet de financement participatif d'un CIP ou d'un PSI

X

Introduction en bourse

inférieure à huit millions d'euros

Offre secondaire

Inférieure à huit millions d'euros

Titres cotés

Euronext

-

Marché réglementé

Prospectus dû au titre de l'admission (dans le respect des exemptions du règlement Prospectus et des seuils d'éligibilité prévus par les règles de marché)

? application de la réglementation
sur les abus de marché

Pas de prospectus

Application de la réglementation
sur les abus de marché

et de la position AMF 2013-03, lesquelles requièrent la publication d'un communiqué de presse normé

? disparition du prospectus requis pour les offres secondaires inférieures à 8 M€

? non application du DIS, dont relèvent uniquement les offres de titres non cotés

Euronext Growth
-

SMNO

Pas de prospectus

mais document d'information requis par les règles de marché et revu ex ante par l'entreprise de marché

? disparition du prospectus requis pour les introductions en bourse comprises entre 2,5 et 8 M€

? application de la réglementation
sur les abus de marché

Euronext Access
(ex -Marché Libre)

-

SMN

Pas de prospectus

mais document d'information si prévu par les règles de marché

? non application du DIS

? application de la réglementation sur les abus de marché

Source : Annexe de l'instruction AMF n° 2018-07

c) Les autres modifications induites par le rehaussement du seuil de prospectus

En complément, afin que le rehaussement de ce seuil ne conduise pas, par ricochet, à amoindrir le degré de contrôle de l'AMF :

- le 4° du I du présent article propose que le règlement général de l'AMF détermine les règles de pratique professionnelle qui s'imposent aux émetteurs, non seulement lorsqu'ils procèdent à une offre au public (état actuel du droit tel que prévu au I de l'article L. 612-7 du code monétaire et financier) mais aussi lorsqu'ils procèdent à une offre inférieure au seuil des huit millions d'euros ;

- le 7° du I du présent article étend le champ de la réglementation de l'AMF relative aux communications à caractère promotionnel aux cas des offres d'un montant de moins de huit millions d'euros ; en particulier, l'AMF « peut interdire ou suspendre pendant dix jours de bourse les communications à caractère promotionnel lorsqu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles sont contraires aux dispositions du présent article » 241 ( * ) ;

- le 8° du I du présent article propose une nouvelle rédaction du I de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier du champ des enquêtes et contrôles de l'AMF pour y intégrer les offres d'un montant inférieur à huit millions d'euros mais aussi les offres de jetons mentionnées à l'article L. 552-3 242 ( * ) du même code ;

- le 9° du I du présent article étend le champ des personnes qui ont diffusé une fausse information 243 ( * ) dans le cadre d'une offre d'un montant inférieur au seuil des huit millions d'euros, à l'égard desquelles la commission des sanctions de l'AMF peut prononcer une sanction.

d) L'abaissement du seuil de retrait obligatoire

Le 3° du I du présent article abaisse le seuil de retrait obligatoire de 95 % à 90 %.

Seuls cinq États-membres sur 28 ont aujourd'hui 95 % comme seuil de déclenchement d'une procédure de retrait obligatoire : l'Italie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France. Les 23 autres États-membres ont choisi le seuil inférieur de 90 %, comme le permet la directive OPA de 2004.

En France, ce choix du seuil le plus élevé a correspondu à la volonté d'assurer une continuité dans les pratiques de marché qui étaient régies par la loi de 1993 établissant ce seuil à 95 %.

Mais aujourd'hui le seuil élevé retenu par la France pourrait constituer un risque de transfert (ou d'installation) hors de France du lieu de cotation d'émetteurs soucieux de bénéficier d'un retrait obligatoire facilité. Le Gouvernement souhaite donc, en abaissant le seuil du retrait obligatoire, envoyer « un signal rassurant pour les émetteurs » 244 ( * ) .

Le Haut comité juridique de la place financière de Paris s'est d'ailleurs penché sur cette question dans son rapport du 26 mars 2018 consacré à la réforme du retrait obligatoire de la cote. Il y soulignait notamment que « le droit positif français peut être considéré comme offrant des possibilités de sortie trop restreintes aux émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou organisé ». Il considérait également « qu'en fixant le seuil du retrait obligatoire à 95 %, le droit français peut favoriser les comportements de blocage d'actionnaires minoritaires qui prennent des participations propres à leur permettre de faire obstacle à l'exercice du retrait obligatoire et à monnayer le seuil de 95 % », comme ce fut le cas, notamment, pour Camaïeu, Buffalo Grill, APRR ou Radiall.

Par ailleurs, les éventuelles difficultés à sortir de la cote peuvent constituer un frein à l'introduction en bourse 245 ( * ) : en rendant la sortie de cote plus facile (dès 90 % de détention du capital et des droits de vote), le Gouvernement entend donc inciter les entreprises françaises à s'introduire en bourse, en particulier les PME à fort potentiel de croissance.

Les a) et b) du 3° du I du présent article proposent une toute nouvelle rédaction des actuels paragraphes II à V de l'article L. 433-4 précité. Elle rehausse le seuil de minorité de 5 % à 10 % qui permet la mise en oeuvre d'un retrait obligatoire à l'issue d'une offre. Elle ajoute par ailleurs que les modalités de consignation en cas de détenteurs de titres non identifiés sont fixées par le Règlement général.

Le Haut comité juridique de la place financière de Paris reconnaît « qu'une amélioration des conditions de sortie de la cote doit être promue au bénéfice d'une meilleure attractivité du marché réglementé et du marché organisé ». Toutefois, dans son rapport précité, il avait préconisé, non pas un abaissement généralisé du seuil de retrait obligatoire comme y procède le présent article, mais, dans un souci de protection des actionnaires minoritaires, un abaissement sélectif du seuil « au profit des seuls retraits exercés à l'issue d'une offre publique initiée par une ou plusieurs personnes agissant de concert ne détenant pas le contrôle de la société émettrice ».

2. L'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances

Le II du présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de rendre plus lisible le droit des sociétés cotées et de moderniser le régime des offres de titres financiers.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

a) Pour améliorer la lisibilité du droit français des sociétés

Le droit français des sociétés est devenu particulièrement peu lisible du fait de la présence, au sein des articles de droit commun relatifs aux sociétés anonymes, de dispositions spécifiques et souvent dérogatoires concernant les seules sociétés cotées, principalement issues de directives européennes. Or, sur les 3,2 millions d'entreprises existant en France, seules 658 étaient cotées en 2016 246 ( * ) .

Par ailleurs, le droit des sociétés cotées est lui-même réparti sur plusieurs codes : code de commerce, code monétaire et financier, voire règlement général de l'AMF, « sans qu'une ligne de partage claire entre ces différents corpus permette à l'utilisateur d'anticiper celui dont relève la disposition » 247 ( * ) .

Les 1° et 2° du II du présent article prévoit ainsi d'habiliter le Gouvernement à prendre toutes les mesures législatives nécessaires afin de « dédier un chapitre du code de commerce aux sociétés cotées, après avoir rapatrié dans le code monétaire et financier les dispositions issues des grandes directives européennes relatives aux marchés financiers » 248 ( * ) . Pour ce faire, le Gouvernement s'appuiera sur les travaux menés par le Haut comité juridique de la place financière de Paris qui a rendu un rapport le 26 mars 2018.

b) Pour réformer le droit français des offres au public de titres financiers

Le règlement européen « Prospectus 3 », qui entrera pleinement en application (avec effet direct) le 21 juillet 2019 249 ( * ) , nous impose des mesures de « transposition négative », c'est-à-dire le retrait de dispositions de notre droit qui relèveront du droit européen au 21 juillet prochain. Parallèlement, les dispositions de notre droit relatives aux sociétés spécialement autorisées par la loi (article 1841 du code civil) à procéder à des offres au public (L. 411-1 du code monétaire et financier) ou autorisées à procéder à des offres qui ne sont pas considérées comme constituant des offres au public (L. 411-2 du code monétaire et financer) devront être adaptées du fait de l'effet direct de la définition d' « offre au public » prévue par le règlement Prospectus 3 qui est plus large que l'actuelle définition d'offre au public figurant aux articles L. 411-1et L. 411-2 du code monétaire et financier.

Le 3° du II du présent article prévoit ainsi d'habiliter le Gouvernement à prendre toutes les mesures législatives nécessaires afin de moderniser le régime des offres au public de titres financiers.

c) Pour « dé-sur-transposer » en matière de démarchage bancaire et financier

Dans sa circulaire du 26 juillet 2017 250 ( * ) , le Premier ministre a choisi de procéder à une revue systématique des cas de « sur-transposition » du droit de l'Union européenne.

Extrait de la circulaire du 26 juillet 2017 relative
à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact

« Toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive est en principe proscrite. Les dérogations à ce principe, qui peuvent résulter de choix politiques, supposent la présentation d'un dossier explicitant et justifiant la mesure qui sera soumise à l'arbitrage de mon cabinet. Ce travail ne doit pas porter sur le seul flux de transpositions mais également sur le stock. Une mission d'inspection aura prochainement en charge un travail inédit d'inventaire. Toutes les sur-transpositions identifiées dans vos champs ministériels et qui n'auront pu être justifiées feront l'objet d'un réalignement sur le niveau de contrainte exigé par l'Union européenne . »

Le 4° du II du présent article prévoit ainsi d'habiliter le Gouvernement à prendre toutes les mesures législatives nécessaires afin de réformer le régime du démarchage dans plusieurs objectifs :

- le mettre en cohérence avec le régime des offres de titres financiers exemptés de prospectus résultant du présent article ;

- compléter ce régime par l'encadrement des sollicitations à l'initiative du client 251 ( * ) ;

- prendre toutes les mesures de coordination et de simplification nécessaires.

Observation de la commission des affaires européennes
sur la mise en cohérence annoncée du régime du démarchage
avec la directive 2014/65/UE « MiFID 2 » et le règlement « MIFIR »

« La directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE dite « MiFID 2 » a déjà fait l'objet de plusieurs mesures législatives de transposition en droit français entre 2014 et 2016 :

- dans la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ;

- dans l'ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers24 ( * ) ;

- dans la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

- dans l'ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement25 ( * ).

Cet exercice n'est toutefois pas totalement achevé, motif pour lequel l'article 22-II, 4° du projet de loi habilite le Gouvernement à modifier le code monétaire et financier par voie d'ordonnance pour réformer le régime du démarchage en matière bancaire et financière , notamment pour encadrer les sollicitations à l'initiative du client, conformément à la directive MiFID 2 et au règlement 2014/600/UE « MIR »26 ( * ), et prendre les mesures de coordination et de simplification nécessaires.

Il s'agira notamment de modifier la liste des personnes habilitées au démarchage pour inclure les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers ou encore, selon l'étude d'impact, de traiter « les situations dans lesquelles les clients sont eux-mêmes à l'initiative d'un service ». »

Source : « Observations sur le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises », rapport d'information de M. Jean-François Rapin,
fait au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, n° 207 (2018-2019)

d) Pour prévoir l'application outre-mer

Le 5° du II du présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires afin de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, les dispositions prévues dans les ordonnances précitées. En effet, ces collectivités sont soumises au principe de spécialité législative, en vertu duquel les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse d'un texte législatif.

Il prévoit aussi que le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance les adaptations législatives nécessaires dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces collectivités relèvent du régime législatif et réglementaire de l'identité législative : les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais, le cas échéant, des mesures d'adaptation peuvent être prises pour tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre plusieurs amendements rédactionnels de son rapporteur, la commission spéciale a adopté deux amendements présentés par notre collègue Valérie Faure-Muntian qui précisent que le retrait obligatoire peut être engagé vis-à-vis d'actionnaires minoritaires qui détiennent jusqu'à 10 % du capital, plutôt que moins de 10 % (ce qui permet d'englober ceux qui détiennent tout juste 10 %).

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements :

- le premier, présenté par notre collègue Eric Woerth, et adopté avec les avis favorables de la commission spéciale et du Gouvernement, prévoit de porter le seuil d'offre publique de retrait (ou sell out ) de 95 % à 90 % « du capital ou des droits de vote », par cohérence avec l'abaissement du seuil de la procédure de retrait obligatoire (ou squeeze out ) de 95 à 90 % du capital et des droits de vote ;

- le deuxième, présenté par notre collègue Jean-Noël Barrot, au nom de la commission spéciale, et adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, est rédactionnel ;

- le troisième, présenté par notre collègue Laure de la Raudière, et adopté avec les avis favorables de la commission spéciale et du Gouvernement, propose une définition juridique des sociétés cotées : « sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation » 252 ( * ) .

IV. La position de votre commission

Votre commission est favorable au rehaussement du seuil d'établissement d'un prospectus  à huit millions d'euros , seuil le plus élevé autorisé par la directive. Ce rehaussement sera en effet favorable aux entreprises françaises qui émettent des titres financiers, leurs formalités et donc leurs coûts en seront allégés 253 ( * ) . Ce seuil peut également constituer un facteur de compétitivité pour la place financière de Paris. La protection des investisseurs sera par ailleurs garantie grâce à l'obligation faite en droit français de publier un document synthétique pour les offres inférieures à huit millions d'euros, alors que le Règlement européen prévoit une simple option ouverte aux États-membres.

Votre commission est également favorable à l'abaissement du seuil de squeeze out à l'initiative des majoritaires à 90 %. Avec une sortie de cote désormais facilitée, les entreprises françaises seront peut-être probablement plus enclines à s'introduire et à se développer en bourse. La France aligne sa réglementation sur celle de la grande majorité des places financières européennes. Cette modification devrait en outre permettre de limiter la pression actuellement exercée par certains fonds activistes sur des sociétés dont ils sont actionnaires minoritaires pour exiger une prime de sortie supérieure au prix de l'offre. Sur ce dispositif, votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-558 de son rapporteur.

Votre commission est favorable à l`abaissement du seuil de sell out à l'initiative des minoritaires à 90 % par souci de cohérence avec le dispositif du squeeze out . Elle a adopté un amendement COM-557 qui prévoit que le seuil doit être dépassé en capital « et » en droits de vote . En effet, conformément au texte de la directive 254 ( * ) , à la pratique de l'AMF et suivant les recommandations du Haut comité juridique de la place financière de Paris 255 ( * ) , il convient d'exprimer les seuils retenus en capital et en droits de vote. Si la rédaction actuelle (dépassement du seuil en capital « ou » en droits de vote) devait être maintenue, le seuil en droits de vote, compte tenu de l'existence de droits de vote doubles, pourrait être franchi dès 82 % de capital, ce qui semble un seuil excessivement bas.

Votre commission est favorable à l'habilitation donnée au Gouvernement pour améliorer la lisibilité de notre droit des sociétés. Elle partage l'objectif du Gouvernement de mettre à disposition, notamment des non-experts, un droit plus clair et plus accessible. Cela renforcera la sécurité juridique de nos entreprises (en particulier des sociétés non cotées dont le droit devrait être désormais visiblement plus stable) et pourrait constituer un facteur d'attractivité de notre territoire pour attirer l'implantation de sociétés.

Votre commission est enfin favorable aux habilitations données au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures de nettoyage du régime juridique de l'offre au public ainsi que des mesures relatives au démarchage bancaire et financier afin de mettre notre droit en conformité avec la réglementation européenne. Elle soutient la position de la commission des affaires européennes du Sénat qui a toutefois souhaité que la mise en cohérence du régime français de démarchage avec la directive « MiFID 256 ( * ) 2 » et le règlement « MiFIR 257 ( * ) » soit « assortie de mesures de protection des épargnants afin qu'ils ne puissent pas être sollicités par des prestataires de pays tiers lorsqu'ils n'ont pas la qualité d'investisseurs professionnels ».

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 22 bis
(art. L. 312-2 du code monétaire et financier)
Suppression de l'exigence de détention d'une quote-part minimale de 5 %
du capital social pour consentir un apport en compte-courant d'associé

I. Le droit en vigueur

L'apport en compte courant d'associé s'analyse en un prêt, à durée indéterminée, d'un associé à la société 258 ( * ) . Il consiste pour l'associé à consentir à la société des avances ou des prêts en versant directement des fonds ou en laissant à sa disposition des sommes qu'il renonce provisoirement à percevoir 259 ( * ) . Contrairement aux apports de capital social, l'apport en compte-courant peut être remboursé dans des conditions qui sont librement fixées. Il s'agit donc d'une forme de crédit qui n'entraîne pas de formalités et n'affecte pas l'équilibre du contrôle de la société.

Cette forme de créance, très prisée au sein des entreprises, doit être analysée en prenant en considération la question du monopole bancaire. En effet, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne (article L. 313-1 du code monétaire et financier). En outre, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement (article L. 511-5). L'article L. 312-2 du code monétaire et financier définit les fonds remboursables du public et donc le champ du monopole bancaire . Il précise que ne sont pas considérés comme tels les fonds reçus ou laissés en compte par les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social (dans les SA ou SARL) .

L'Association nationale des sociétés par actions (Ansa) a précisé que, n'étant pas visés par l'article L. 312-2 du code monétaire et financier, les dirigeants de SAS (présidents, directeurs généraux et directeurs généraux délégués) ne peuvent pas effectuer d'avances en compte courant s'ils ne sont pas associés ou si leur participation au capital est inférieure à 5 % ( Communication Ansa, comité juridique n° 05-058 du 5-10-2005 ). Le comité juridique, dans l'avis de 2005, a par ailleurs appelé de ses voeux une réforme de l'article L. 312-2 du code monétaire et financier afin que ces dirigeants, tout comme les directeurs généraux et directeurs généraux délégués des SA, soient directement visés, ces derniers ayant été écartés « très vraisemblablement par inadvertance » à la suite des diverses lois relatives aux SAS.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant l'amendement présenté par notre collègue député Jean-Paul Mattei, du groupe Mouvement démocrate, l'Assemblée nationale a introduit un article additionnel 22 bis visant à « simplifier les apports en compte-courant d'associe' en levant la condition de détention d'au moins 5 % du capital qui constitue un frein supplémentaire alors que le statut d'associe' devrait suffire ».

En effet, cet article supprime, au sein du I de l'article L. 312-2 du code monétaire et financier, les mots « détenant au moins 5 % du capital ». Ainsi l'avance pourrait être consentie par tout associé ou actionnaire, quel que soit son niveau de détention du capital de la société.

III. La position de votre commission

Les auditions menées par vos rapporteurs ont permis de mesurer l'intérêt d'une telle mesure, qui ne remet pas en cause le principe du monopole bancaire mais permet simplement d'ajuster un paramétrage en tenant compte des besoins de financement des entreprises.

Votre commission n'a pas souhaité revenir sur cette modification. En revanche, afin d'accroître la lisibilité de la loi, elle a adopté un amendement (COM-489) afin de consacrer légalement la validité de l'apport en compte courant pour les présidents de SAS ainsi que pour les directeurs généraux et directeurs généraux délégués de SA et de SAS, qui jusqu'à maintenant reposait sur une interprétation de l'Ansa .

Votre commission a adopté l'article 22 bis ainsi modifié .

Article 23
(art. L. 211-36, L. 211-40, L. 213-1, L. 214-7-4, L. 214-8-7, L. 214-24,
L. 214-24-33, L. 214-24-41, L. 214-164, L. 214-172, L. 214-175-1, L. 214-190-2,
L. 411-3, L. 420-11, L. 421-7-3, L. 421-16, L. 511-84, L. 511-84-1 [nouveau],
L. 532-9, L. 532-16, L. 532-28, L. 532-48, L. 532-50, L. 532-52, L. 533-22-2,
L. 533-22-2-3 [nouveau], L. 611-3, L. 612-2, L. 613-34, L. 621-1, L. 621-3,
L. 621-9, L. 621-13-4 et L. 621-20-7, L. 621-20-8, L. 621-20-9 [nouveaux],
L. 621-15 et L. 621-21-1 du code monétaire et financier
et L. 3334-12 du code du travail)
Attractivité de la place financière de Paris

I. Le droit en vigueur

1. L'anatocisme

L'anatocisme, qui signifie étymologiquement la « répétition de l'intérêt », désigne une situation dans laquelle les intérêts s'ajoutent au capital et produisent à leur tour des intérêts .

L'anatocisme étant par nature susceptible d'engendrer une croissance exponentielle de la dette du débiteur, il est encadré par l'article 1343-2 du code civil : seuls les intérêts dus « au moins pour une année entière » sont susceptibles de produire intérêt , si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La loi interdit ainsi que les intérêts soient capitalisés pour une durée inférieure - par exemple tous les mois.

2. La résiliation-compensation

La « résiliation-compensation » est un mécanisme figurant à l'article L. 211-36-1 du code monétaire et financier qui permet de prévoir contractuellement la résiliation de certaines obligations financières résultant d'opérations sur instruments financiers et la compensation des dettes et des créances afférentes à ces obligations.

En cas de survenance d'un événement prédéterminé - en particulier la défaillance ou l'insolvabilité d'une contrepartie -, le déclenchement de ce mécanisme permet de résilier et compenser toutes les transactions couvertes afin d'aboutir à une obligation nette unique de paiement , ce qui constitue une dérogation au droit commun de la faillite.

La résiliation-compensation a ainsi pour objectif de limiter le risque que le défaut d'une contrepartie provoque des défaillances en chaîne . En effet, « si, en cas de défaillance de la contrepartie, les participants du marché étaient obligés de calculer leurs créances soumises aux procédures d'insolvabilité sur une base brute au lieu d'être des créanciers pour le solde net seulement, la partie non défaillante pourrait être exposée à des niveaux de risque de crédit et risque de marché qui sont difficiles à calculer et à gérer » 260 ( * ) .

Le champ des opérations éligibles à la compensation-résiliation est toutefois limitativement défini à l'article L. 211-36 du code monétaire et financier . Il s'agit pour l'essentiel des obligations financières résultant d'opérations sur instruments financiers, de tout contrat donnant lieu à un règlement en espèces ou à une livraison d'instruments financiers ou de tout contrat conclu dans le cadre de systèmes de paiement et de règlement livraison ou avec une chambre de compensation.

3. La négociabilité des titres de créance

L'article L. 213-1 du code monétaire et financier dispose que les titres de créances négociables sont des titres financiers « émis au gré de l'émetteur, négociables sur un marché réglementé ou de gré à gré , qui représentent chacun un droit de créance ».

La négociabilité des titres de créances n'est donc pas prévue pour les autres plates-formes de négociation mentionnées à l'article L. 420-1 du code monétaire et financier, à savoir les systèmes multilatéraux de négociation (SMN) et les systèmes organisés de négociation (SON) 261 ( * ) .

4. Le dispositif de cantonnement des actifs illiquides pour les fonds d'investissement

Un dispositif de cantonnement des actifs illiquides est prévu par le code monétaire financier pour différentes catégories de fonds d'investissement 262 ( * ) afin de permettre à ces derniers de faire face à certains évènements exceptionnels.

Il consiste à transférer les actifs illiquides dont la cession ne serait pas conforme aux intérêts des porteurs de parts au sein d'un nouveau fonds . Ce fonds dit de « cantonnement » est fermé aux souscriptions et aux rachats et fait l'objet d'une gestion extinctive. Il prend la forme d'un fonds professionnel spécialisé 263 ( * ) .

Ainsi que le relève l'Association française de la gestion financière (AFG), ce mécanisme est prévu pour faire face à « une crise exceptionnelle mais limitée affectant certains actifs du fonds représentant une faible proportion de l'actif », en permettant de « préserver le caractère ouvert du fonds initial , sans pour autant avoir recours à des ventes forcées contraires à l'intérêt des porteurs » 264 ( * ) .

5. Les organismes de financement

Les organismes de financement (OF) comprennent les organismes de titrisation (OT) et les organismes de financement spécialisé (OFS) 265 ( * ) .

Ces organismes ont vocation à constituer un mode de financement complémentaire pour les entreprises.

En effet, il s'agit d'organismes autorisés à acquérir, à octroyer et à gérer des prêts , en se finançant le plus souvent par l'émission d'obligations 266 ( * ) .

Le mode de fonctionnement de ces nouveaux véhicules repose généralement sur la délégation du recouvrement à la société de gestion ou à un tiers. À cet égard, l'article L. 214-172 du code monétaire et financier impose, lorsque des créances sont transférées, que leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert - à moins qu'une autre entité ait été désignée à cet effet et que chaque débiteur en ait été informé .

6. Le contrôle des limites des positions prises par les acteurs financiers sur les dérivés de matières premières

En application de la directive dite « MIF2 » 267 ( * ) , les articles L. 420-11 et L. 420-12 du code monétaire et financier prévoient un régime de limitation des positions prises par les acteurs financiers sur les dérivés de matières premières .

Ainsi que le relève l'Autorité des marchés financiers (AMF), ce nouveau régime « vise à prévenir les abus de marché ainsi qu'à favoriser une cotation ordonnée et un règlement efficace sur les marchés à terme » 268 ( * ) . Il s'agit ainsi de faire obstacle à la spéculation excessive et de mieux contrôler les variations de prix, les matières premières ne constituant pas un sous-jacent comme les autres.

Il revient à l'AMF de fixer par instruction les limites applicables aux positions sur les contrats dérivés de matières premières (I de l'article L. 420-11 précité).

En cas de modification significative sur le marché (deuxième alinéa du IV du même article) ou de circonstances exceptionnelles (article L. 420-12 du code monétaire et financier), l'AMF peut toutefois adapter les limites fixées par instruction .

Pour ce faire, la rédaction retenue impose une décision formelle du collège de l'AMF .

7. L'obligation pour certaines entreprises de marché de créer un comité des nominations

L'article L. 421-7-3 du code monétaire et financier oblige les entreprises de marché ayant une « importance significative » en raison « de leur taille et de leur organisation interne ainsi que de la nature, de l'échelle et de la complexité de leurs activités » à mettre en place un comité des nominations .

Ce dernier est notamment chargé de formuler des propositions ou recommandations de candidats en vue de la sélection de nouveaux membres du conseil d'administration, du conseil de surveillance et du directoire.

8. Les règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque travaillant dans un établissement financier et au calcul de leurs indemnités en cas de licenciement irrégulier

Les directives dites « CRD IV » 269 ( * ) , « OPCVM » 270 ( * ) et « AIFM » 271 ( * ) prévoient un étalement dans le temps de la rémunération variable (« bonus ») ainsi que des dispositifs de malus ou de récupération pour les « preneurs de risque » des banques de financement et d'investissement ainsi que des gestionnaires d'actifs.

Les « preneurs de risque » au sein des établissements de crédit et des entreprises d'investissement au sens du droit de l'Union européenne

Le règlement délégué (UE) n° 604/2014 de la Commission du 4 mars 2014 a complété la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation concernant les critères qualitatifs et quantitatifs permettant de recenser les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement.

L'article 3 du règlement distingue quinze catégories de « preneurs de risque » .

Sont concernées les personnes qui engagent des transactions dépassant 5 millions d'euros et représentant au moins 0,5 % des fonds propres de l'entreprise.

Sont également considérés comme preneurs de risque, à titre d'illustration, tous les membres de la direction de l'établissement (direction générale, conseil d'administration, conseil de surveillance), les responsables des audits internes , les responsables des affaires juridiques , des finances , des ressources humaines ou encore du service informatique .

Quant à l'article 4 du règlement, il assimile à un preneur de risque les personnes bénéficiant des plus fortes rémunérations dans l'entreprise - en particulier celles faisant partie des 0,3 % des membres du personnel les mieux rémunérés ou dont la rémunération dépasse 500 000 euros.

Source : commission spéciale du Sénat (à partir de : rapport n° 194 (2017-2018) d'Alain Milon
sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340
du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement
du dialogue social, fait au nom de la commission des affaires sociales et déposé le 20 décembre 2017, p. 166)

En application du premier alinéa de l'article L. 511-84 du code monétaire et financier, qui concerne les établissements de crédit et les entreprises d'investissement, le montant total de la rémunération variable peut ainsi, en tout ou partie, être réduit ou donner lieu à restitution en fonction notamment des agissements ou du comportement de la personne concernée.

En l'état, la possibilité d'une telle récupération demeure toutefois incertaine au regard du droit du travail.

En effet, l'article L. 1331-2 du code du travail interdit à l'employeur les amendes ou autres sanctions pécuniaires .

9. Les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers

Le dernier alinéa du 4 de l'article 46 du règlement dit « MIFIR » 272 ( * ) ouvre la possibilité pour les États membres de permettre aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers ne bénéficiant pas d'une décision d'équivalence de la Commission européenne de servir des clients professionnels .

La France n'a pas fait usage de cette faculté prévue par le droit de l'Union européenne . En effet, le I de l'article L. 532-48 du code monétaire et financier n'autorise les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers à fournir des services d'investissement et autres services connexes qu'aux clients non professionnels et aux clients non professionnels qui ont demandé à être traités comme des clients professionnels.

10. L'échange d'informations entre l'Autorité des marchés financiers et FranceAgriMer

Le 7 de l'article 79 de la directive « MIF2 » précitée pose le principe d'une coopération entre les autorités nationales et les instances compétentes pour la surveillance, la gestion et la régulation des marchés agricoles physiques. Il s'agit respectivement, en France, de l' AMF et de FranceAgriMer .

Dans ce cadre, l'article L. 621-21-1 du code monétaire et financier prévoit que l'AMF et FranceAgriMer « se communiquent les renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions respectives » dans des conditions analogues à celles prévues à l'article L. 621-21 du même code.

Le deuxième alinéa dudit article L. 621-21 prévoit notamment la possibilité pour l'AMF, sous certaines conditions, de communiquer des informations couvertes par le secret professionnel aux instances telles que FranceAgriMer.

11. L'affiliation des impatriés à l'assurance vieillesse

Depuis l'entrée en vigueur de l'article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, il n'existe plus de dispense d'affiliation temporaire à l'assurance vieillesse pour les salariés étrangers en position de détachement en France ou impatriés 273 ( * ) .

Désormais, sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés et des règlements européens, l'exercice sur le territoire français d'une activité salariée emporte nécessairement l'affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale - et donc à l'assurance vieillesse (article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale).

2. Le dispositif proposé

1. Dérogation à l'interdiction de l'anatocisme

Les alinéas 1 à 3 du présent article complètent l'article L. 211-40 du code monétaire et financier afin de permettre la capitalisation des intérêts pour une durée inférieure à un an lorsque ceux-ci sont dus en application d'une convention portant sur des instruments financiers à terme (« produits dérivés ») .

Plus précisément, la dérogation serait applicable à toute convention ou convention-cadre mentionnée à l'article L. 211-36-1 du code monétaire et financier, qui définit le périmètre des opérations susceptibles de faire l'objet d'une résiliation-compensation ( voir le 2 du I du présent article ).

2. Extension du champ du mécanisme de résiliation-compensation

L'alinéa 4 étend le champ des opérations susceptibles de faire l'objet du mécanisme de résiliation-compensation , en ajoutant au 1° du I de l'article L. 211-36 du code monétaire et financier :

- les opérations de change au comptant ;

- les opérations de vente, d'achat ou de livraison d'or, d'argent, de platine, de palladium ou d'autres métaux précieux ;

- les opérations sur les quotas d'émission de gaz à effet de serre .

3. Extension de la négociabilité des titres de créance

L'alinéa 5 vise à étendre la négociabilité des titres de créances à l'ensemble des plates-formes de négociation mentionnées à l'article L. 420-1 du code monétaire et financier, ce qui permettrait d'inclure les systèmes multilatéraux de négociation (SMN) et les systèmes organisés de négociation (SON), en complément des marchés réglementés.

4. Inversion du dispositif de cantonnement des actifs illiquides

Les alinéas 6 à 11 proposent de modifier le dispositif de cantonnement des actifs illiquides prévu aux articles L. 214-7-4 (OPCVM prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-24-33 (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-8-7 (OPCVM prenant la forme de fonds communs de placement) et L. 214-24-41 du code monétaire et financier (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de fonds communs de placement).

Le fonctionnement du mécanisme de scission serait inversé : plutôt que de transférer les actifs illiquides dont la cession ne serait pas conforme aux intérêts des porteurs de parts au sein d'un nouveau fonds, ce dernier recevrait les actifs « sains ».

Cette modification permettrait de mettre en conformité le dispositif de cantonnement avec la directive « OPCVM » précitée, qui interdit la transformation d'un OPCVM conforme à ses dispositions en un organisme non conforme 274 ( * ) - en l'espèce, un fonds professionnel spécialisé.

En complément, les règles de diversification des fonds commun de placement (FCPE) pouvant être souscrits dans le cadre d'un plan d'épargne pour la retraite collectif sont mises en cohérence avec les dispositions de l'article L. 3332-17 du code du travail, qui autorisent depuis 2015 275 ( * ) les FCPE à investir dans certains véhicules de capital-investissement et dans des organismes de placement collectif immobilier (alinéa 12 et alinéas 75 à 77).

5. Modernisation du régime des organismes de financement

Les alinéas 13 à 19 visent à moderniser les règles relatives au recouvrement des créances transférées aux organismes de financement , prévues à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier.

Lorsque des créances sont transférées à l'organisme de financement, l'alinéa 14 précise que la possibilité de transférer la charge du recouvrement à la société de gestion ou à un tiers peut être exercée « à tout moment ». Il est en outre précisé que c'est « en tant que représentant légal de l'organisme » que la société de gestion peut assurer le recouvrement.

L'alinéa 15 prévoit une disposition analogue pour les créances résultant de prêts consentis par l'organisme.

En cas de changement de l'entité chargée du recouvrement, l'alinéa 16 précise que le débiteur, qui doit être informé, peut l'être « par tout moyen, y compris un acte judiciaire ou extrajudiciaire ».

L'alinéa 17 vise à permettre à la société de gestion de confier à un tiers le recouvrement de tout élément d'actif autre que les créances et les prêts précités, alors que le droit en vigueur autorise uniquement le transfert de la gestion.

L'alinéa 19 précise les règles applicables dans les cas où la gestion ou le recouvrement de tout élément d'actif n'est pas effectué directement par la société de gestion mais par une entité tierce. Cette dernière pourrait représenter directement l'organisme dans toutes les actions en justice liées à la gestion et au recouvrement de l'actif, y compris toute déclaration de créance et toute mesure d'exécution, sans qu'il soit besoin qu'elle obtienne un mandat spécial à cet effet ni qu'elle mentionne la société de gestion dans les actes. La société de gestion, en sa qualité de représentant légal de l'organisme, conserve néanmoins la faculté d'agir au nom et pour le compte de l'organisme, en demande ou en défense, au titre de ces actions ou d'accomplir tout acte ou de signer tout document avec tout tiers, y compris les débiteurs ou les emprunteurs, en relation avec la gestion ou le recouvrement - et ce sans qu'il soit nécessaire de résilier ou de dénoncer au préalable le mandat de gestion ou de recouvrement ou d'en informer des tiers.

En complément, les alinéas 20 à 23 proposent d'aménager le régime des organismes de financement .

La première modification concerne la réglementation prudentielle des organismes de titrisation .

Le VI de l'article L. 214-175-1 dispose que la perte ou l'engagement net maximal pris par un organisme de titrisation ne peut excéder la valeur de son actif - et, le cas échéant, du montant non appelé des souscriptions. Pour l'application de cette règle, l'alinéa 20 vise à tenir compte non plus seulement des sous-participations en risque (cas où les prêteurs ont transféré leurs créances) mais également des sous-participations en trésorerie (cas où les prêteurs ont transféré un engagement de fournir des fonds).

La deuxième modification concerne la réglementation comptable des sociétés de financement spécialisé (SFS) 276 ( * ) .

Pour l'établissement de leurs comptes annuels, les alinéas 21 et 22 proposent d' exempter les SFS d'une partie des obligations comptables applicables aux commerçants. Leurs comptes annuels seraient désormais établis selon un règlement de l'Autorité des normes comptables.

Enfin, la dernière modification, proposée à l'alinéa 23, tend à inclure les organismes de financement parmi les placements collectifs dont les titres ne sont pas soumis au régime des offres au public - ce qui implique notamment d'établir un prospectus.

6. Assouplissement de la procédure de révision des limites de position prises par les acteurs financiers sur les dérivés de matières premières

Ainsi que cela été précédemment rappelé, l'AMF peut, dans certaines circonstances, adapter les limites de position sur les dérivés de matières premières qu'elle a fixées par instruction, sur décision formelle de son collège.

Les alinéas 24 et 25 assouplissent cette procédure , en permettant désormais au président de l'AMF ou au représentant qu'il aura désigné de réviser les limites de position.

L'alinéa 28 étend par ailleurs le pouvoir confié au président de l'AMF de suspendre les négociations en cas d'évènement exceptionnel à toute plate-forme de négociation , et non plus aux seuls marchés réglementés.

7. Possibilité de déroger à l'obligation pour les entreprises de marché de créer un comité des nominations au sein de groupes de sociétés

Ainsi que cela été précédemment rappelé, l'article L. 421-7-3 du code monétaire et financier oblige certaines entreprises de marché à mettre en place un comité des nominations .

Les alinéas 26 et 27 permettent à l'AMF d' accorder une dérogation à cette règle lorsqu'une entreprise de marché est contrôlée par une autre entreprise de marché, afin d'éviter la mise en place de multiples comités des nominations au sein des groupes de sociétés.

8. Exclusion de la partie des bonus des preneurs de risque susceptible d'être réduite ou remboursée du calcul des indemnités de licenciement

Les alinéas 29 à 32 (qui concernent les établissements de crédit et les entreprises d'investissement) et les alinéas 46 à 49 (qui concernent les sociétés de gestion) proposent d' aménager les règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque .

D'une part, les alinéas 29, 30, 46 et 47 introduisent une dérogation expresse à l'article L. 1331-2 du code du travail , qui interdit à l'employeur les amendes ou autres sanctions pécuniaires, afin de rendre « récupérables » les bonus versés aux preneurs de risque.

D'autre part, les alinéas 31, 32, 48 et 49 excluent la partie des bonus susceptible d'être réduite ou remboursée (bonus dits « récupérables ») du calcul des indemnités de licenciement , à savoir :

- l'indemnité due en cas de non réintégration dans l'entreprise d'un salarié victime d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, ou en cas de licenciement d'un salarié en méconnaissance des obligations liées à l'inaptitude (article L. 1226-15 du code du travail) ;

- l'indemnité légale de licenciement (article L. 1234-9 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-3 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas de licenciement nul (article L. 1235-3-1 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas de nullité d'un plan de sauvegarde de l'emploi (article L. 1235-11 du code du travail) ;

- l'indemnité en cas d'annulation par le juge d'une autorisation administrative de mettre en oeuvre ce plan (article L. 1235-16 du code du travail).

9. Possibilité pour les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers de servir les clients professionnels

Les alinéas 33 à 37 ont pour effet de permettre aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers ne bénéficiant pas d'une décision d'équivalence de la Commission européenne de servir des clients professionnels , en réécrivant le I de l'article L. 532-48 du code monétaire et financier.

Les alinéas 38 à 43 visent à apporter les garanties procédurales nécessaires à cette évolution , en distinguant les articles du code monétaire directement applicables aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers et ceux qui ne leur sont appliqués que de manière proportionnée, sur le modèle de ce qui est déjà prévu pour les succursales d'établissements de crédit de pays tiers.

L'alinéa 50 étend le pouvoir réglementaire du ministre de l'économie , prévu à l'article L. 611-3 du code monétaire et financier, à la définition de la réglementation applicable aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers.

L'alinéa 51 place les succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers dans le champ de la compétence générale de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) prévue à l'article L. 612-2 du code monétaire et financier.

Les alinéas 44 et 45 permettent à l'ACPR de prononcer la radiation d'une succursale d'entreprise d'investissement de pays tiers à titre de sanction disciplinaire - et non plus seulement le retrait de l'agrément 277 ( * ) .

Enfin, l'alinéa 52 rend expressément applicable aux succursales d'entreprises d'investissement de pays tiers l e s mesures de prévention et de gestion des crises bancaires (mesures d'intervention précoce, procédure de résolution, etc .).

10. Possibilité pour FranceAgriMer de transmettre à l'AMF des informations couvertes par le secret professionnel

Les alinéas 60 à 63 visent à modifier l'article L. 621-21-1 du code monétaire et financier afin de permettre à FranceAgriMer de transmettre à l'AMF des informations couvertes par le secret professionnel , par parallélisme avec la possibilité déjà reconnue à l'AMF de transmettre de telles informations à FranceAgriMer.

11. Dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés

Les alinéas 64 à 74 proposent d'introduire une dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés au sein d'un nouvel article L. 767-2 du code de la sécurité sociale.

Par dérogation à l'article L. 111-2-2 du même code, les salariés appelés de l'étranger à occuper un emploi en France pourraient demander, sur démarche conjointe avec leur employeur , à ne pas être affiliés auprès des régimes obligatoires de sécurité sociale français en matière d'assurance vieillesse, de base et complémentaire , à condition :

- de justifier d'une contribution minimale versée par ailleurs au titre de leur assurance vieillesse (alinéa 67) - cette condition étant précisée par décret (alinéa 74) ;

- de ne pas avoir été affiliés, au cours des cinq années civiles précédant celle de leur prise de fonctions, à un régime français obligatoire d'assurance vieillesse , sauf pour des « activités accessoires, de caractère saisonnier ou liées à leur présence en France pour y suivre des études » (alinéa 68).

L'exemption serait accordée par le directeur de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales compétente (alinéa 69).

Elle ne pourrait être accordée qu'une seule fois pour le même salarié et pour une durée de trois ans, renouvelable une fois (alinéa 70).

La période couverte par cette exemption n' ouvrirait droit à aucune prestation d'un régime français d'assurance vieillesse (alinéa 71).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a été modifié par seize amendements et un sous-amendement adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture.

1. Nouvelle mission confiée à l'AMF

Un amendement de notre collègue Bénédicte Peyrol, adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement, confie une nouvelle mission à l'AMF .

L'alinéa 53 du présent article complète ainsi l'article L. 621-1 du code monétaire et financier afin de prévoir que l'AMF « veille à la qualité de l'information fournie par les sociétés de gestion pour la gestion de placements collectifs sur leur stratégie en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone et de gestion des risques liés aux effets du changement climatique ».

2. Précisions concernant le champ des compétences de l'AMF

Un amendement du rapporteur de la commission spéciale, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, désigne expressément l'AMF en tant qu'autorité nationale compétente pour la mise en oeuvre de différents règlements européens , à savoir :

- le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers (alinéa 55) ;

- le règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédit (alinéa 56) ;

- le règlement (UE) n° 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu'un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées (alinéa 57).

3. Modalités d'entrée en vigueur de la dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés

Un amendement du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable du rapporteur, vise, s'agissant de la dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés :

- d'une part, à permettre à l'ensemble des salariés éligibles ayant pris leurs fonctions à compter du 11 juillet 2018 de bénéficier du dispositif , ce qui correspond à la date de l'annonce de la mise en place de cette dispense temporaire par le Gouvernement (alinéa 73) ;

- d'autre part, à clarifier le fait que les cinq années au cours desquelles le salarié ne doit pas avoir cotisé à un régime français s'entendent à l'exclusion de l'année de prise de fonction de l'employé , par parallélisme avec ce qui est prévu dans le régime des impatriés et afin de ne pas exclure les salariés ayant cotisé de façon transitoire à un régime français avant de formuler leur demande (alinéa 68).

4. Commercialisation des fonds d'investissement alternatifs (FIA)

Un amendement du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable du rapporteur, propose d' étendre les passeports de commercialisation des fonds français aux pays de l'Espace économique européen , et non plus aux seuls États membres de l'Union européenne (alinéas 78 à 85 et 92 à 97).

5. Fin de la participation de la direction générale du Trésor à la commission des sanctions de l'AMF

Un amendement du rapporteur de la commission spéciale, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, supprime la participation de la direction générale du Trésor à la commission des sanctions de l'AMF , actuellement prévue à l'article L. 621-3 du code monétaire et financier (alinéas 86 et 87).

6. Soumission des administrateurs d'indice de référence au contrôle de l'AMF

Un amendement du rapporteur de la commission spéciale, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoit expressément à l'article L. 621-9 du code monétaire et financier la soumission au contrôle de l'AMF des administrateurs d'indice de référence (alinéas 90 et 91 et alinéa 98).

7. Améliorations rédactionnelles

Enfin, dix amendements , introduits à l'initiative du rapporteur et acceptés par le Gouvernement, sont de nature rédactionnelle et n'appellent pas de commentaire particulier.

IV. La position de votre commission

Dans un contexte marqué par le Brexit , votre rapporteur soutient les évolutions proposées au présent article , qui rassemble un ensemble de mesures d'importance inégale visant à renforcer l'attractivité de la place financière de Paris, à moderniser les règles applicables à la gestion d'actifs et à renforcer les compétences et les pouvoirs de contrôle de l'AMF , en conformité notamment avec les évolutions du droit de l'Union européenne.

La grande majorité des évolutions proposées, qui relèvent d'une simple mise en cohérence ou sont de nature paramétrique, n'appellent pas de développements spécifiques.

Quatre séries de mesures méritent néanmoins une attention particulière .

1. La dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite répond de manière ciblée au principal handicap concurrentiel de la place de Paris

Il s'agit tout d'abord de l'introduction d'une dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite pour les impatriés .

Cette mesure constitue une réponse bienvenue au principal handicap concurrentiel de la place de Paris mis en évidence par la commission des finances du Sénat dans son rapport sur la compétitivité des places financières 278 ( * ) , à savoir le niveau des prélèvements sur le travail payés par les employeurs du secteur financier pour les salariés qualifiés.

Ainsi que l'a souligné le rapport précité, le montant des prélèvements payés par un employeur pour un salarié rémunéré à hauteur de 250 000 euros - soit environ 18 000 euros net par mois - est neuf fois supérieur en France qu'en Allemagne 279 ( * ) . Pour un salaire annuel brut de 250 000 euros, le coût total pour l'employeur, c'est-à-dire la somme du salaire brut et des prélèvements sur le travail, s'élève ainsi à 265 000 euros en Allemagne, contre 387 000 euros en France, soit un écart de 46 %.

Ce différentiel s'explique principalement par trois facteurs :

- la taxe sur les salaires, qui n'a pas d'équivalent en Allemagne ;

- l'absence de contribution obligatoire aux régimes de retraite complémentaires en Allemagne ;

- l'absence de plafonnement des cotisations sociales versées par les employeurs français.

Dans son rapport, la commission des finances avait ainsi recommandé la mise en oeuvre d'une mesure de portée générale - la suppression du taux supérieur du barème de la taxe sur les salaires, qui est intervenue par l'article 90 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 - et d'une mesure ciblée sur les impatriés , afin d'encourager les relocalisations des acteurs britanniques en France, sans coût excessif pour les finances publiques.

Aussi, votre rapporteur se félicite de la dispense temporaire d'affiliation au régime obligatoire de retraite proposée au présent article.

Il peut être souligné que ce dispositif apparaît mieux calibré que son prédécesseur , en vigueur entre 2008 280 ( * ) et 2016 281 ( * ) . En effet, si les conditions à réunir pour en bénéficier sont très proches, la mesure proposé par le Gouvernement concerne à la fois les régimes obligatoires de base et complémentaire . À l'inverse, s'agissant du précédent dispositif, les régimes Agirc-Arrco, soucieux de préserver le principe de territorialité, avaient décidé que l'exemption d'affiliation serait sans incidence en matière de retraite complémentaire 282 ( * ) , réduisant ainsi fortement sa portée.

D'après les évaluations du Gouvernement, pour un salaire brut d'environ 250 000 euros, le dispositif proposé au présent article permettrait ainsi de diminuer le « coin fiscalo-social », soit la différence entre le salaire super brut versé par l'employeur et le salaire net après impôts perçu par le salarié, de 222 000 euros à 170 000 euros, soit une baisse de 23 % 283 ( * ) .

Il peut être noté que le Conseil d'État estime dans son avis que la différence de traitement qui résulte de ce nouveau régime est « en rapport direct avec l'objectif poursuivi [favoriser l'implantation en France de salariés étrangers, notamment de cadres de haut niveau] et poursuit un objectif d'intérêt général de développement de l'attractivité économique du territoire national, de sorte qu'elle ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi » 284 ( * ) .

La nécessité pour les salariés qui opteront pour ce régime de justifier être couverts par une assurance vieillesse et de ne pas avoir été affiliés au cours des cinq années précédentes à un régime français devrait par ailleurs permettre de limiter les risques d'abus et de détournement .

2. L'alignement des règles relatives aux produits dérivés sur les standards anglo-saxons pourrait permettre à Paris de se positionner comme une place centrale du traitement du contentieux du droit financier

Votre rapporteur soutient par ailleurs la logique sous-jacente aux dispositions tendant à permettre l'anatocisme pour une durée infra-annuelle en matière de produits dérivés et à étendre le champ des obligations financières éligibles à la résiliation-compensation.

En effet, en alignant sur ces deux points le droit français sur les standards anglo-saxons, ainsi que le recommande le Haut comité juridique de la place financière de Paris, le Gouvernement entend permettre à un contrat de droit français de se voir adopté par les acteurs européens comme nouveau support de leurs transactions sur produits dérivés , à la suite de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

3. Les modifications des règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque reprennent les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel pour des motifs de procédure

S'agissant des modifications des règles relatives aux bonus perçus par les preneurs de risque dans le secteur financier, il doit être souligné que celles-ci ont déjà été adoptées par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Elles avaient toutefois été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel, compte tenu de leur absence de lien, même indirect, avec le texte déposé 285 ( * ) .

Sur le fond, la reconnaissance de la possibilité pour les entreprises de récupérer une partie des bonus des salariés du secteur financier répond à la nécessité de décourager la prise de risque excessive dans une pure logique de court-terme et de rendre opérationnelles les dispositions prévues par le droit de l'Union européenne en la matière.

L'exclusion des bonus récupérables du calcul de l'indemnité de licenciement permet en outre de réduire le différentiel de coût avec nos principaux concurrents , ainsi que l'avait souligné la commission des finances dans le rapport précité, et de tenir compte du fait que ces éléments de rémunération présentent un caractère très cyclique et ne sont pas définitivement acquis .

4. La nouvelle mission confiée à l'AMF pourrait être reformulée

S'agissant enfin de la nouvelle mission confiée à l'AMF - à savoir veiller « à la qualité de l'information fournie par les sociétés de gestion pour la gestion de placements collectifs sur leur stratégie en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone et de gestion des risques liés aux effets du changement climatique » -, si votre rapporteur partage pleinement l'objectif de nos collègues députés, la définition retenue apparaît excessivement détaillée et une rédaction plus resserrée pourrait avantageusement la remplacer .

Un amendement COM-529 est adopté en ce sens, ainsi que :

- un amendement COM-280 de notre collègue Richard Yung visant à moderniser le plan comptable des OPCVM, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement de coordination COM-530 de votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Article 23 bis A (nouveau)
(art. 11 de la loi n° 47 1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et art. L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Possibilité pour les sociétés coopératives d'intérêt collectif
constituées sous la forme d'une société anonyme
de procéder à une offre au public de leurs parts sociales

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article 19 quinquies de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, les sociétés coopératives d'intérêt collectif « ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d'intérêt collectif, qui présentent un caractère d'utilité sociale ».

Elles peuvent être constituées sous la forme de société anonyme , de société par actions simplifiées ou de société à responsabilité limitée à capital variable .

Leur capital est composé de parts sociales . Ainsi, lorsqu'une société modifie ses statuts pour les adapter aux dispositions régissant les sociétés coopératives d'intérêt collectif, « ses parts ou actions sont converties en parts sociales » (article 19 quaterdecies de la loi précitée).

L'article 1841 du code civil interdit aux sociétés n'y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public de parts sociales , « à peine de nullité des contrats conclus ou des titres ou parts sociales émis ».

Seule une disposition législative spéciale permet donc de déroger à cette interdiction générale.

Pour les banques mutualistes et coopératives, une telle dérogation a été introduite à l'article L. 512-1 du code monétaire et financier. Ces dernières sont ainsi autorisées à « procéder à une offre au public, telle que définie pour les titres financiers par les articles L. 411-1 et suivants, de leurs parts sociales dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

Aucune dérogation analogue n'est prévue pour les sociétés coopératives d'intérêt collectif.

II. Le dispositif introduit par votre commission

Le présent article, issu d'un amendement introduit avec l'avis favorable de votre rapporteur à l'initiative de notre collègue Marc Daunis et des membres du groupe socialiste et républicain, vise à autoriser les sociétés coopératives d'intérêt collectif constituées sous la forme d'une société anonyme à procéder à une offre au public de leurs parts sociales dans les conditions fixées par le règlement général de l'AMF (alinéa 2).

Les obligations d'information des épargnants prévues pour les banques mutualistes ou coopératives à l'article L. 512-1 précité sont transposées aux alinéas 3 et 4.

Enfin, les alinéas 5 à 7 permettent à l'AMF d'effectuer des contrôles et des enquêtes pour veiller à la régularité de ces offres et à sa commission des sanctions de sanctionner , le cas échéant, les sociétés coopératives d'intérêt collectif.

Votre commission a adopté l'article 23 bis A (nouveau) ainsi rédigé.

Article 23 bis
(art. L. 211-36 et art. L.211-38 du code monétaire et financier ;
art. L. 522-1, L.522-6, L.522-15, L.522-16, L.522-37-1 [nouveau],
L.522-37-2 [nouveau], L.522-37-3 [nouveau], L.522-37-4 [nouveau],
L.522-38 du code de commerce)
Création des reçus d'entreposage

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

1. Le régime des « récépissés-warrants »

Le régime juridique des contrats à terme négociés sur le blé ou le maïs aboutissant à la livraison physique du sous-jacent dans un silo repose sur le mécanisme dit des « récépissés-warrants 286 ( * ) ».

Les conditions de délivrance et de garantie de ces récépissés-warrants font l'objet d'une section du code de commerce.

Les récépissés-warrants subsistent exclusivement sous forme papier 287 ( * ) et leur transmission s'avère contraignante. 288 ( * ) Ils ne peuvent qu'être édités par les magasins généraux, établissements agréés par le préfet et dont le fonctionnement relève de l'ordonnance n° 45-1744 du 6 août 1945 modifiée par le décret n° 2011-1772 du 5 décembre 2011 relatif aux magasins généraux. Ces derniers ne peuvent également se livrer « à aucun commerce ou spéculation ayant pour objet les marchandises pour lesquelles ils sont habilités à délivrer des récépissés-warrants. 289 ( * ) »

Les maisons de négoce ou les coopératives, qui ne peuvent être habilitées comme magasins généraux, ont recours à ces récépissés-warrants lors de la procédure de l'aval qui leur permet d'assumer l'obligation de payer au comptant les céréales livrées par les agriculteurs, avec la caution de l'établissement public FranceAgriMer.

De fait, il n'existe pas actuellement de centralisation de l'information sur le marché physique pour la plupart des matières premières agricoles. Il n'est donc pas possible d'obtenir une vision exhaustive des détenteurs de matières premières agricoles ainsi que des quantités détenues en temps réel : à l'issue de leur première commercialisation, seuls les courtiers assurent l'achat et la vente sur des bassins géographiques restreints et cloisonnés.

Or, les exportations de matière agricoles s'effectuent principalement en France au moyen de contrats de vente à terme échangés sur la Bourse de Paris, via la plateforme Euronext 290 ( * ) .

Les marchés à terme : des dispositifs au service de la filière

Le principe d'un marché dérivé est de créer un second marché qui négocie des contrats reflétant l'évolution d'un premier marché physique.

Deux types de produits sont ainsi concernés : d'un côté, les produits physiques - en l'occurrence le blé et le maïs -, de l'autre, des produits financiers standardisés. Les contrats dits futures font le lien entre ces deux types de produits.

Les « contrats futures » se négocient exclusivement sur des marchés officiels et régulés (comme le MATIF en France). Seuls les membres du marché, reconnus par une plateforme de négociation, ont accès à la négociation et les dérivés échangés sur ce marché doivent obligatoirement faire l'objet d'une compensation centrale chez une chambre de compensation qualifiée. 291 ( * )

Le prix des futures suit de près le prix des actifs sous-jacents. Plus on se rapproche de l'échéance, plus les deux marchés tendent à converger.

L'existence des futures constitue une protection contre les aléas des cours du marché car : « pour réaliser une couverture, l'opérateur prend sur le marché à terme une position inverse à celle qu'il détient sur le marché des produits physiques. Dans la mesure où l'évolution des prix est quasiment identique sur les deux marchés, l'opérateur est protégé contre toute variation des cours. 292 ( * ) »

Les marchés à terme permettent, en retour, aux acteurs de la filière d'obtenir une référence de prix pour leurs produits et de fixer plusieurs mois à l'avance le prix d'achat ou de vente, afin de mieux couvrir les risques opérationnels liés aux fluctuations de prix.

Les contrats à terme prévoient la possibilité d'une livraison physique à échéance du contrat où l'acheteur peut prendre possession des grains auprès d'un ensemble de silos d'entreposage.

Le développement de marchés à termes sur les produits agricoles, et notamment les oléagineux (blé tendre, maïs et soja) est porté, au niveau européen, par la plateforme Euronext.

Source : commission spéciale

2. Les inconvénients de ce dispositif

Le dispositif actuel présente des inconvénients et incite à sa modernisation :

- le processus de livraison physique des contrats à terme repose sur la procédure manuelle de délivrance de récépissés-warrants, qui présente un risque opérationnel. Il induit, de ce fait, un surcoût pour les contrats financiers ;

- l'impossibilité juridique, pour les magasins d'entreposage, de délivrer un document dématérialisé, représentatif de la propriété d'une marchandise, ne permet pas, en temps réel, de connaître l'état des stocks de matières premières à l'échelle nationale ;

- l'absence d'opposabilité aux tiers - en l'occurrence des intermédiaires financiers - du récépissé-warrant accroît la difficulté de gager des stocks de matière première et restreint leur financement, notamment dans des silos qui ne stockent pas des grains destinés à l'exportation et situés en zones portuaires ;

- l'impossibilité, pour les négociants et les coopératives, de délivrer des récépissés-warrants, alors que la filière des céréales tend à intégrer négoce et stockage.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Suite à un amendement déposé en séance publique déposé par notre collègue député Adrien Taquet (LREM), le nouvel article 23 bis vise à instaurer un système d'inventaire électronique reposant sur des titres d'entreposage dématérialisés négociables.

Le dispositif reprend les préconisations portées à la fois par la Direction générale du Trésor et l'opérateur Euronext.

À cette fin, cet article modifie à la fois le code monétaire et financier et le code du commerce.

D'une part, il crée les « titres d'entreposage », qui ne figurent pas parmi les instruments financiers, mais auxquels s'appliquent les règles communes applicables aux opérations sur ces instruments. Ces titres n'ont pas vocation à se substituer aux actuels récépissés-warrants.

D'autre part, il définit les conditions de délivrance de ces titres d'entreposage par les magasins généraux et précise les relations de ces entrepôts avec le gestionnaire de la plateforme de négociation auquel incombe l'unique matérialisation de ces titres, grâce à leur inscription sur un registre tenu sous sa responsabilité.

Enfin, il précise les modalités de contrôle du nouveau dispositif, notamment par l'établissement public FranceAgriMer, ainsi que les procédures collectives visant les magasins généraux.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur s'est d'abord étonné des conditions de l'insertion de ce dispositif dans le présent projet de loi.

En effet, cette réforme d'ampleur - qui vise à instaurer une nouvelle forme de titre de propriété et contribuer au dynamisme à la fois des filières de production et de la Place - a fait l'objet d'un amendement déposé en séance publique, sans que son dispositif n'ait bénéficié d'une étude d'impact . Cette démarche est manifestement précipitée.

Qui plus est, il est apparu, au gré des auditions de votre rapporteur, que ce dispositif n'avait pas fait l'objet de concertations suivies avec l'ensemble des acteurs concernés, parmi lesquelles les représentants du secteur coopératif 293 ( * ) .

Le dispositif, adopté par l'Assemblée nationale, présente, en outre, quelques incohérences juridiques. En effet, bien que le titre d'entreposage ne soit pas défini comme un instrument financier, une partie des dispositions du droit commun des instruments financiers lui est appliqué. En outre, les dispositions relatives à la tenue du registre centralisé par la plateforme de négociation ne permettent pas de clarifier les modalités du contrôle effectué par les pouvoirs publics.

Lors de la réunion de commission, le Gouvernement a présenté un amendement répondant aux interrogations de votre rapporteur et modifiant substantiellement les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale :

- la notion de « reçu d'entreposage » - celui-ci représentant exclusivement les matières physiques échangées - est substituée à celle de « titre d'entreposage », écartant l'éventualité d'une financiarisation ;

- l'éligibilité des marchandises représentées par ces reçus d'entreposage au titre de collatéral pour les titres de compensation, au même titre que les biens corporels est expressément prévue.

En outre, comme l'indique l'objet de l'amendement, sont apportées « des modifications de coordination et de précision des nouvelles dispositions du code du commerce relatives au reçu d'entreposage, dans un souci de lisibilité de son régime juridique ».

Enfin, le régime juridique du reçu d'entreposage et le gage des marchandises représentées par celui-ci relèveront également du droit commun et non plus des dispositions spécifiques aux procédures collectives auparavant prévues pour le titre d'entreposage.

Sur l'avis favorable de votre rapporteur, votre commission a adopté cet amendement COM-312 .

Votre commission a adopté l'article 23 bis ainsi modifié.

Article 24
(art. L. 621-10-2 [nouveau]
et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Procédure d'autorisation d'accès aux données de connexion
par l'Autorité des marchés financiers

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

Les agents de l'Autorité des marchés financiers (AMF) disposent de pouvoirs d'enquête et de contrôle , corollaires des pouvoirs de sanction de la commission des sanctions.

La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, prévoit ainsi que les enquêteurs et contrôleurs de l'AMF peuvent se faire communiquer les données de connexion des opérateurs téléphoniques , qui permettent d'établir le relevé des appels émis et reçus par une personne (« fadettes »).

Si seuls les agents habilités et soumis au respect du secret professionnel peuvent obtenir ces données, la procédure prévue n'est assortie d'aucune autre garantie .

Aussi, dans sa décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution , considérant que « le législateur n'a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions » 294 ( * ) .

Compte tenu des conséquences manifestement excessives en cas d'abrogation immédiate des dispositions en cause, les effets de la décision d'inconstitutionnalité ont été reportés au 31 décembre 2018 .

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à refondre la procédure d'autorisation d'accès aux données de connexion , afin de remédier à l'inconstitutionnalité constatée.

La nouvelle procédure reposerait sur la mise en place d'une entité administrative unipersonnelle indépendante - le « contrôleur des demandes de données de connexion » -, auprès de laquelle les enquêteurs de l'AMF devraient désormais solliciter l'autorisation d'accéder aux données (alinéa 3).

La procédure comporterait différentes garanties . Ainsi, l'autorisation serait versée au dossier d'enquête (alinéa 8). En outre, les données ne pourraient être utilisées que pour les finalités de l'enquête au titre de laquelle l'autorisation a été accordée (alinéa 9) et devraient être détruites six mois après la décision définitive (alinéa 10).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur, accepté par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement et avec l' avis favorable du rapporteur, un amendement visant à modifier le délai de prescription des manquements administratifs sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF (alinéas 14 à 16).

Le délai de prescription des faits dont peut être saisie la commission des sanctions serait porté de trois ans à six ans (alinéa 15).

En outre, le point de départ de ce délai de prescription serait fixé, si le manquement est occulte ou dissimulé , « au jour où le manquement est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice par l'Autorité des marchés financiers de ses missions d'enquête ou de contrôle ». Dans ce cas, le délai de prescription ne pourrait toutefois excéder douze ans (alinéa 16).

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur propose de supprimer la refonte de la procédure d'accès aux données de connexion , dans la mesure où les dispositions concernées ont finalement été adoptées dans une version quasi-identique à l'article 13 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, afin de respecter les délais fixés par le Conseil constitutionnel pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée.

Seules pourraient être conservées les dispositions visant à modifier les délais de prescription des faits dont peut être saisie la commission des sanctions de l'AMF, non reprises dans la loi précitée, qui viennent utilement harmoniser les régimes de prescription applicables aux infractions financières.

En effet, la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme relative aux délais de prescription en matière pénale a porté de trois à six ans le délai de prescription de l'action publique pour les délits et a consacré au niveau législatif le report du point de départ pour les infractions dissimulées ou occultes, tout en introduisant un délai-butoir empêchant la poursuite des délits au-delà de douze ans à compter de la commission des faits.

Dès lors, les délits financiers poursuivis par le parquet national financier et les manquements financiers poursuivis par l'AMF sont aujourd'hui soumis à deux régimes de prescription différents .

Les raisons qui ont conduit à modifier le régime de prescription applicable aux infractions délictuelles - à savoir la nécessité de faciliter la répression des infractions, de répondre aux attentes de la société et de tenir compte des avancées jurisprudentielles de la Cour de cassation - étant également valables pour les faits poursuivis par l'AMF, votre rapporteur soutient l'harmonisation proposée .

Deux amendements identiques COM-110 et COM-525 sont adoptés en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 24 bis
(art. L. 621-13-5 du code monétaire et financier)
Blocage simplifié des sites internet des opérateurs proposant des offres irrégulières de financement participatif ou de biens divers

1. Le droit en vigueur

Depuis 2016 295 ( * ) , l'Autorité des marchés financiers (AMF) peut faire usage dans certains cas d'une procédure simplifiée de blocage des sites internet , prévue à l'article L. 621-13-5 du code monétaire et financier.

Cette procédure s'inspire d'un dispositif existant 296 ( * ) dans le secteur des jeux en ligne , introduit à l'initiative de la commission des finances du Sénat au bénéfice de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) 297 ( * ) .

Son champ d'application est actuellement limité aux sites des « opérateurs offrant des services d'investissement en ligne non agréés en application de l'article L. 532-1 ne figurant pas au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 531-2 ou n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 532-16 à L. 532-22 » (premier alinéa de l'article L. 621-13-5 précité). Il s'agit concrètement des prestataires de services d'investissement (PSI) illégaux .

Qu'est-ce qu'un service d'investissement ?

Les services d'investissement sont définis à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier. Cette catégorie comprend les services et activités suivants :

- la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;

- l'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;

- la négociation pour compte propre ;

- la gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;

- le conseil en investissement ;

- la prise ferme ;

- le placement garanti ;

- le placement non garanti ;

- l'exploitation d'un système multilatéral de négociation.

Source : commission spéciale

La procédure comporte quatre principales étapes :

- le président de l'AMF adresse tout d'abord aux opérateurs une mise en demeure les enjoignant de respecter l'interdiction de fourniture illégale de services d'investissement et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours (premier alinéa du même article ) ;

- en parallèle, le président de l'AMF doit également adresser aux hébergeurs une copie de la mise en demeure, ces derniers étant également invités à présenter leurs observations sous huit jours (deuxième alinéa du même article) ;

- à l'issue du délai de huit jours, en cas d'inexécution des injonctions, le président de l'AMF peut saisir le président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris aux fins d'ordonner, en la forme des référés, l'arrêt de l'accès à ce service aux fournisseurs d'accès à internet (troisième alinéa du même article) ;

- il peut également saisir le TGI de Paris aux mêmes fins si l'offre demeure accessible depuis un nouvel hébergeur, sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature (quatrième alinéa du même article).

Pour les cas n'entrant pas dans le champ d'application de la procédure simplifiée, l'AMF peut agir sur le fondement du dispositif général prévu à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. En effet, le 8 du I dudit article prévoit la possibilité pour l'autorité judiciaire de prescrire en référé ou sur requête, à un hébergeur ou, à défaut, à un fournisseur d'accès à internet , toutes mesures « propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ». Dans ce cadre, l'AMF peut donc saisir en référé le président du TGI de Paris, après avoir fait usage de son pouvoir d'injonction.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, qui a été introduit au stade de la commission spéciale à l'initiative du Gouvernement, avec l' avis favorable du rapporteur, et a fait l'objet de quatre amendements rédactionnels et de coordination au stade de la séance, vise à étendre le champ d'application de la procédure simplifiée de blocage des sites internet .

Deux nouvelles catégories d'acteurs pourraient faire l'objet de la procédure simplifiée.

Il s'agit tout d'abord des opérateurs proposant des offres irrégulières de financement participatif .

Seraient ainsi visés les opérateurs proposant en ligne des offres de titres financiers ou de bons de caisse et qui ne bénéficient pas, pour ce faire, du statut de conseiller en investissements participatifs (CIF) ou de PSI (alinéa 5).

Pourraient également faire l'objet de la procédure simplifiée les opérateurs proposant des offres irrégulières de biens divers .

Seraient ainsi visés les opérateurs proposant au public de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens divers sans avoir, préalablement à toute communication à caractère promotionnel ou à tout démarchage, soumis à l'examen de l'AMF les projets de documents d'information et les projets de contrat type (alinéa 6).

Les autres alinéas procèdent aux coordinations nécessaires à l'article L. 621-13-5 du code monétaire et financier.

III. La position de votre commission

Deux ans après l'entrée en vigueur de la loi « Sapin 2 » précitée, la procédure simplifiée de blocage des sites internet a fait la preuve de son efficacité . En 2017, l'AMF a ainsi obtenu 25 ordonnances de blocage, imposant la fermeture de 52 adresses internet. La seule assignation ou mise en demeure de l'AMF a, en outre, permis la fermeture effective de 22 adresses supplémentaires. Une audience se tient désormais au TGI environ tous les deux mois 298 ( * ) .

À titre de rappel, la principale différence avec la procédure de droit commun tient à l'absence d'obligation pour l'AMF d'assigner les hébergeurs devant le tribunal , qui constitue une obligation vaine et coûteuse.

L'assignation des hébergeurs, une procédure vaine et coûteuse :
l'exemple de l'Arjel

Lorsqu'un hébergeur est assigné par l'Arjel, deux solutions sont envisageables :

- soit l'hébergeur réagit positivement à l'assignation : l'opérateur, qui en est informé, souscrit alors un nouveau contrat d'hébergement avec un autre prestataire, et le site reste accessible ;

- soit l'hébergeur, souvent localisé à l'étranger, ignore l'assignation de l'Arjel : c'est le cas le plus fréquent puisque, depuis la loi de 2010, sur une centaine d'hébergeurs qui ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Paris, seuls quatre se sont présentés à l'audience.

Dans l'un et l'autre cas, la procédure est donc vaine.

En outre, la procédure est coûteuse, en particulier lorsque l'hébergeur est situé à l'étranger : l'assignation doit être traduite dans la langue de l'hébergeur, acheminée parfois par voie diplomatique ; il en va de même de l'éventuelle ordonnance prononçant le blocage du site, qui doit non seulement être traduite et transmise par huissier, mais peut se révéler difficile à exécuter auprès de certaines juridictions.

Source : avis n° 524 (2015-2016) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances
et déposé le 5 avril 2016 sur le projet de loi pour une République numérique

Aussi, il faut se féliciter de l'élargissement du champ de la procédure simplifiée proposé au présent article, qui devrait permettre de lutter plus efficacement contre les offres irrégulières de financement participatif ou de biens divers (ex : vins, diamants, livres anciens, etc .), qui tendent à se développer 299 ( * ) .

Votre rapporteur propose toutefois un amendement rédactionnel visant :

- d'une part, à lever toute ambiguïté sur le fait que seuls les prestataires qui ne possèdent ni le statut de PSI, ni le statut de CIF sont considérés comme illégaux et entrent ainsi dans le champ du dispositif (conditions cumulatives, et non alternatives) ;

- d'autre part, à clarifier que l'ensemble de l'activité d'intermédiation en biens divers est dans le champ du dispositif (l'alinéa 6 ne mentionnant pas les intermédiaires proposant d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers).

Un amendement COM-526 est adopté en ce sens.

En complément, votre rapporteur propose un amendement de fond visant à inclure dans le champ de la procédure simplifiée les émetteurs et prestataires sur actifs numériques qui exercent illégalement ou qui laissent croire qu'ils exercent leur activité en bénéficiant du visa ou de l'agrément optionnels créés par le présent texte ( voir le commentaire des articles 26 et 26 bis A du présent projet de loi ).

Seraient ainsi visés :

- les opérateurs fournissant un ou plusieurs services mentionnés à l'article L. 54-10-2 du code monétaire et financier sans être enregistrés auprès de l'AMF dans les conditions prévues à l'article L. 54-10-3 du même code ;

- les opérateurs qui diffusent des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses laissant croire qu'ils sont agréés dans les conditions prévues à l'article L. 54-10-5 du même code ;

- les opérateurs qui diffusent des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses laissant croire qu'ils ont obtenu le visa prévu à l'article L. 552-4 du même code.

Un amendement COM-527 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 24 bis ainsi modifié .

Article 24 ter
(art.L. 621-19 du code monétaire et financier)
Clarification rédactionnelle
sur la saisine du médiateur de l'AMF

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article L.621-19 du code monétaire et financier, modifié par l'article 2 de l'ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, précise les conditions de saisine du médiateur de l'Autorité des marchés financiers.

La rédaction actuelle du quatrième alinéa du I de l'article L. 621-19 du code monétaire et financier, par l'effet d'une virgule au lieu d'un point, pose néanmoins problème.

Elle conduit à penser que la suspension de la prescription commence dès la saisine du médiateur de l'AMF, en application de l'article 2238 du code civil. Or, celui-ci prévoit, au contraire, que la suspension de la prescription débute seulement au jour où les parties décident d'entrer en médiation 300 ( * ) .

L'article 24 ter, introduit par un amendement de notre collègue députée Catherine Osson du groupe La République en marche, propose de modifier la ponctuation du quatrième alinéa du I de l'article L.621-19 du code monétaire et financier, afin de le mettre en cohérence avec les dispositions de l'article 2238 du code civil. La nouvelle ponctuation proposée indique bel et bien que la suspension de la prescription intervient au moins six mois après la clôture de la médiation.

II La position de votre commission

Votre rapporteur estime nécessaire la modification de la ponctuation proposée par l'article 24 ter qui clarifie le recours à la médiation et conforte la sécurité juridique de ceux et celles qui y ont recours.

Votre commission a adopté l'article 24 ter sans modification .

Article 25
(art. L. 330-1, L. 330-2, L. 440-1, L. 440-2, L. 612-2 et L. 632-17
du code monétaire et financier)
Infrastructures des marchés financiers

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

Cet article vise à modifier le droit des infrastructures des marchés financiers en reconnaissant le caractère définitif du règlement effectué au moyen de certains systèmes de pays tiers, en supprimant l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit et en élargissant la liste des participants aux infrastructures de marché.

I. Le droit en vigueur

Les infrastructures des marchés financiers constituent les supports permettant d' assurer le traitement des transactions financières.

Ainsi que le relève la Banque de France, il existe quatre grands types d'infrastructures 301 ( * ) :

- les systèmes de paiement , qui « assurent le règlement interbancaire des paiements de détail de la clientèle des banques (CORE(FR) pour la France), ou des paiements de montant élevé entre institutions financières, traitant notamment des flux liés à la politique monétaire (TARGET2 dans la zone Euro) » ;

- les systèmes de règlement-livraison (ESES France pour la France), qui « assurent le dénouement effectif des transactions sur instruments financiers via la plateforme commune de règlement-livraison européenne (T2S) » ;

- les chambres de compensation (LCH.Clearnet SA pour la France), qui « permettent de centraliser et de mieux maîtriser le risque de contrepartie » ;

- les registres centraux de données , qui « enregistrent des transactions effectuées sur les produits dérivés afin d'assurer la transparence des marchés financiers ».

Elles sont souvent qualifiées d'infrastructures « post-marché », dans la mesure où elles interviennent en aval de la phase de négociation , une fois qu'un accord est intervenu entre le vendeur et l'acheteur.

Leur rôle est crucial pour le bon fonctionnement des marchés, dans la mesure où elles permettent de réduire le risque de contrepartie , de favoriser les économies d'échelle par un usage efficace du collatéral et de garantir la sécurité et l'absence de remise en cause des opérations.

Illustration : l'exécution d'un ordre de bourse

Schématiquement, l'exécution d'un ordre de bourse transmis par un investisseur comporte quatre étapes .

Lors de la phase de négociation , l'ordre de l'investisseur est transmis par un collecteur à un négociateur, chargé de trouver une contrepartie.

Lorsqu'une contrepartie est trouvée, commence alors la deuxième étape, dite de compensation . La chambre de compensation assume le risque de contrepartie en s'interposant entre l'acheteur et le vendeur.

Elle calcule également en fin de séance la position nette des acteurs afin de réduire les opérations de règlement-livraison au strict minimum. Les ordres nets sont alors transmis au dépositaire central.

La troisième étape, dite de règlement-livraison , est ainsi assurée par le dépositaire central. Concrètement, ce dernier s'assure que le versement a bien été effectué par l'acheteur et permute dans ses livres de compte l'inscription des titres au profit du vendeur.

Enfin, la quatrième étape, dite de conservation , implique les teneurs de compte-conservateur, qui tiennent à jour le portefeuille de titres de leurs clients. Ces titres sont répertoriés dans le compte ouvert par le teneur auprès du dépositaire central. Ce dernier peut ainsi vérifier à tout moment que le nombre de titres comptabilisés au sein du compte dit « d'émission » des sociétés enregistrées auprès de lui correspond à la somme des titres comptabilisés au sein des comptes des teneurs.

Source : Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier,
fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 175.

1. L'absence de reconnaissance du caractère définitif du règlement effectué au moyen de systèmes de pays tiers

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, les infrastructures des marchés financiers ont vocation à garantir l'absence de remise en cause des opérations en cours ou réalisées , afin de limiter le risque systémique en cas de défaut d'une contrepartie.

Pour ce faire, la directive dite « finalités » 302 ( * ) prévoit la poursuite de l'exécution des paiements initiés avant une faillite et interdit leur annulation rétroactive . Ses dispositions, transposées principalement aux articles L. 330-1 et L. 330-2 du code monétaire et financier, viennent ainsi déroger au droit commun de la faillite.

Cette dérogation est toutefois limitée aux instructions et opérations de compensation introduites dans les systèmes de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers éligibles d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen 303 ( * ) .

Définition des systèmes de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers

Le I de l'article L. 330-1-I du code monétaire et financier définit un système de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers comme :

- une procédure nationale ou internationale organisant les relations entre trois participants au moins , sans compter le gestionnaire du système ;

- permettant conformément à des règles communes et des procédures normalisées l'exécution à titre habituel, par compensation ou non, de paiements ainsi que, le cas échéant, la livraison d'instruments financiers entre lesdits participants ;

- et qui a été institué par une autorité publique ou est régi par une convention-cadre respectant certains principes.

L'article L. 330-3 du même code étend cette définition aux systèmes de paiement , qui sont des systèmes de règlement interbancaire ou tout autre système permettant le transfert de fonds ou le traitement d'ordres de paiement selon des procédures normalisées et des règles communes.

Le ministre chargé de l'économie doit notifier à l'Autorité européenne des marchés financiers la liste des systèmes bénéficiant des articles L. 330-1 et L. 330-2 et leurs gestionnaires respectifs.

Source : commission spéciale

La France n'a donc pas fait usage de la possibilité, ouverte aux États membres par le considérant 7 de la directive « finalités », de conférer un caractère définitif aux opérations effectuées au moyen de systèmes de pays tiers.

2. Les conditions d'accès aux systèmes de paiement et de règlement-livraison et aux chambres de compensation

Les listes limitatives des participants aux systèmes de paiement et de règlement-livraison et aux chambres de compensation sont fixées respectivement au II de l'article L. 330-1 et à l'article L. 440-2 du code monétaire et financier.

Il s'agit principalement des établissements de crédit , des entreprises d'investissement , des dépositaires centraux et des organismes financiers nationaux et internationaux .

Ainsi que le relève l'étude d'impact, la liste des participants pouvant adhérer à une chambre de compensation doit nécessairement être compatible avec celle des participants aux systèmes de paiement et de règlement livraison.

En effet, « conformément au règlement EMIR, les chambres de compensation sont notifiées à l'Autorité européenne des marchés financiers en tant que système », si bien que « les participants à une chambre de compensation sont automatiquement considérés comme participants à un système de paiement et à un système de règlement-livraison » 304 ( * ) .

3. L'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit

Les règles pour l'agrément et la surveillance des chambres de compensation sont déterminées par le règlement dit « EMIR » 305 ( * ) .

Le paragraphe 5 de l'article 14 dudit règlement laisse toutefois la possibilité aux États membres « d'adopter des exigences supplémentaires » à l'agrément des chambres de compensation qu'il prévoit - et « notamment certaines exigences en matière d'agrément prévues par la directive 2006/48/CE » concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice.

Sur ce fondement, l'article L. 440-1 du code monétaire et financier dispose que les chambres de compensation doivent être « agréées en tant qu'établissement de crédit par la Banque centrale européenne , sur proposition de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution après consultation de l'Autorité des marchés financiers et de la Banque de France ».

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose d'apporter trois principales modifications au droit des infrastructures des marchés financiers :

- la reconnaissance du caractère définitif du règlement effectué au moyen de certains systèmes de pays tiers ;

- la suppression de l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit ;

- l'élargissement de la liste des participants aux infrastructures de marché.

1. La reconnaissance du caractère définitif du règlement effectué au moyen de certains systèmes de pays tiers

Le présent article vise tout d'abord à permettre à certains systèmes de pays tiers de bénéficier des dispositions protectrices de la directive « finalités » , en conformité avec son considérant 7.

Les alinéas 1 à 7 procèdent à cette fin à une modification de la définition des systèmes prévue à l'article L. 330-1 du code monétaire et financier, afin d'y inclure « tout système destiné à régler des opérations de change en mode paiement contre paiement et en monnaie de banque centrale, auquel une personne régie par le droit français (...) est participant direct , homologué par arrêté du ministre chargé de l'économie ».

Comme le relève l'étude d'impact, ce nouveau critère de définition vise, dans la perspective du Brexit , à cibler le système britannique Continuous Linked Settlement , qui « effectue 51 % des règlements des opérations de change (en moyenne, 4 800 milliards de dollars de transactions entrées dans le système sont réglées quotidiennement) dans des conditions particulières permettant de réduire drastiquement le risque de règlement et de garantir un niveau élevé de sécurisation (règlement en monnaie de banque centrale et en mode paiement contre paiement) » 306 ( * ) .

Les alinéas 11 à 13 permettent d' étendre les dérogations au droit des faillites aux instructions et opérations de compensation introduites dans ce système , en supprimant l'obligation que la loi régissant le système soit celle d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

2. La suppression de l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit

En complément, les alinéas 14 à 17 visent à mettre fin à l'obligation pour les chambres de compensation d'être agréées en tant qu'établissement de crédit par la Banque centrale européenne, en procédant à une réécriture de l'article L. 440-1 du code monétaire et financier.

L'alinéa 16 ouvre néanmoins à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la possibilité d'exiger un tel agrément « lorsque la nature, le volume ou la complexité » des activités d'une chambre de compensation le justifie.

Dans la mesure où les pouvoirs de l'ACPR sur les chambres de compensation procèdent jusqu'à présent de leur agrément en tant qu'établissement de crédit, les alinéas 22 et 23 réaffirment à l'article L. 612-2 du code monétaire et financier la compétence de l'ACPR sur l'ensemble des chambres de compensation.

3. L'élargissement de la liste des participants aux infrastructures de marché

Enfin, le présent article a pour objet d' élargir la liste des participants aux infrastructures des marchés financiers , conformément aux possibilités ouvertes par la directive « finalités » aux États membres.

S'agissant des systèmes de paiement et de règlement-livraison, les alinéas 9 et 10 introduisent une nouvelle catégorie de participants au sein de la liste figurant au II de l'article L. 330-1 du code monétaire et financier.

Seraient désormais éligibles les organismes et entreprises qui respectent les deux conditions suivantes :

- leur participation est justifiée au regard du risque systémique ;

- ils participent à un système dont au moins trois participants entrent dans les catégories des établissements de crédit, des entreprises d'investissement, des organismes publics ou des entreprises contrôlées opérant sous garantie de l'État.

En pratique, il s'agit notamment de permettre à des entreprises d'assurance et de réassurance , des organismes de placements collectifs ou encore des fonds d'investissement alternatifs d'accéder directement à ces infrastructures 307 ( * ) .

S'agissant des chambres de compensation, les alinéas 18 à 20 élargissent sous les mêmes conditions la liste des participants prévue à l'article L. 440-2 du code monétaire et financier.

La seule différence tient à l'introduction d'une réserve précisant que les organismes ou entreprises qui bénéficient de la qualité de participant à une chambre de compensation sur le fondement de ces nouveaux critères ne bénéficient pas automatiquement de la qualité de participant pour d'autres systèmes que celui géré par la chambre de compensation à laquelle ils adhèrent (alinéa 20).

D'après les informations transmises par la Banque de France, « cette absence d'automaticité entre l'adhésion à une chambre de compensation et l'adhésion à un autre système, notamment de dépositaire central, a pour objectif de ne pas fragiliser la position compétitive des teneurs de comptes conservateurs français , qui ne pourront ainsi pas être automatiquement contournés pour l'accès au dépositaire central de titres » 308 ( * ) .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. L'élargissement du périmètre des systèmes de pays tiers pouvant bénéficier des dispositions protectrices de la directive « finalités »

Au stade de la commission, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement, sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement de coordination, un amendement visant à élargir le périmètre des systèmes de pays tiers pouvant bénéficier des dispositions protectrices de la directive « finalités » en droit français.

L'alinéa 8 du présent article, issu dudit amendement, étend ainsi le périmètre à tout système « régi par la loi d'un pays tiers, autre qu'une chambre de compensation , agissant principalement en monnaie de banque centrale et destiné à exécuter des paiements ou à effectuer le règlement et la livraison d'instruments financiers, auquel une personne régie par le droit français (...) est participant direct , lorsque ce système est d' importance systémique et présente un niveau de sécurité réglementaire et opérationnel équivalent à celui des systèmes régis par la loi française, homologué par arrêté du ministre chargé de l'économie ».

Ainsi que l'indique le rapporteur de l'Assemblée nationale, il s'agit en pratique de viser deux systèmes britanniques complémentaires « pour lesquels les banques françaises n'ont pas non plus d'alternative après le Brexit » 309 ( * ) , à savoir :

- le système de paiements interbancaires britannique pour la livre sterling, dit« CHAPS » ;

- le système de règlement livraison des titres de créance et actions cotées au Royaume-Uni, dit « CREST ».

2. L'assouplissement des règles gouvernant l'échange d'informations couvertes par le secret professionnel

Au stade de la séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un autre amendement, à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable du rapporteur, visant à assouplir certaines règles gouvernant l'échange d'informations couvertes par le secret professionnel .

Les alinéas 24 à 27 du présent article, issus dudit amendement, introduisent ainsi une nouvelle disposition à l'article L. 632-17 du code monétaire et financier afin de permettre aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement français de transmettre aux autorités de pays tiers des informations couvertes par le secret professionnel .

La levée du secret professionnel serait toutefois conditionnée :

- à l'existence d'un accord de coopération avec l'ACPR ou l'Autorité des marchés financiers ;

- au respect du principe de réciprocité ;

- au fait que les autorités homologues soient elles-mêmes soumises au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient les évolutions proposées , qui viennent opportunément moderniser le droit des infrastructures des marchés financiers .

1. Deux mesures de « dé-surtransposition » bienvenues, dans un contexte de mise en concurrence des places financières européennes

Alors que le Brexit se traduit par une mise en concurrence accrue des différentes places financières européennes , qui cherchent à peser sur les choix de relocalisation des acteurs financiers exerçant leurs activités depuis Londres, deux des trois aménagements proposés relèvent d'une logique de « dé-surtransposition » bienvenue.

Il s'agit tout d'abord de la suppression de l'obligation pour les chambres de compensation d'obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit , qui constitue une exception française. Avec l'Allemagne, la France est en effet le seul État membre qui continue d'imposer systématiquement le statut d'établissement de crédit aux chambres de compensation 310 ( * ) .

Dès lors, les charges administratives liées à la constitution des dossiers d'agrément, le délai important laissé à la BCE pour délivrer l'agrément d'établissement de crédit (jusqu'à douze mois) ainsi que les coûts supplémentaires récurrents induits (frais de contrôle, etc .) pourraient décourager l'implantation de nouvelles chambres de compensation sur le territoire français.

La possibilité laissée à l'ACPR d'exiger un tel agrément pour les chambres de compensation d'importance systémique constitue un point d'équilibre acceptable , dès lors que le statut d'établissement de crédit permet par exemple d'accéder sans restriction aux facilités de prêt marginal et de dépôt offertes par la BCE, qui jouent un rôle essentiel en cas de fortes tensions sur les marchés financiers.

L' élargissement de la liste des participants aux infrastructures constitue également une mesure de « dé-surtransposition » bienvenue.

Ainsi que le relève l'étude d'impact, de nombreux États membres tels que le Luxembourg ou la Belgique ont déjà fait usage de la faculté d'élargissement de la qualité de participant ouverte par le droit européen 311 ( * ) .

En l'absence d'une telle évolution en droit français, les entreprises d'assurance et de réassurance, les organismes de placements collectifs et les fonds d'investissement pourraient se détourner des systèmes français , compte tenu de la possibilité d'accéder aux autres systèmes européens directement, sans passer par un adhérent compensateur, ce qui implique des coûts de transaction.

2. La reconnaissance indispensable de certains systèmes de pays tiers, dans la perspective du Brexit

Enfin, la reconnaissance de l'applicabilité des dispositions de la directive « finalités » aux systèmes britanniques pour lesquels les acteurs françaises ne disposent pas à ce jour d'alternative apparaît indispensable, dans la perspective du Brexit .

En effet, l'absence de reconnaissance, en droit français, du caractère définitif du règlement effectué au moyen de ces systèmes pourrait conduire ces derniers à refuser l'accès aux participants français , qui seraient dès lors contraints de délocaliser leurs activités dans un des nombreux États membres ayant déjà fait évoluer sa législation sur ce point.

Compte tenu des délais d'examen du présent projet de loi, il peut être souligné que le Gouvernement a jugé utile d'inclure dans le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne une disposition faisant en partie double emploi avec cette mesure , afin de pallier l'impact qu'aurait un Brexit sans période transitoire.

Ainsi, le 4° de l'article 2 dudit projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures pour tirer les conséquences d'un retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord en ce qui concerne « l'accès des entités françaises aux systèmes de règlement interbancaire et de règlement livraison des pays tiers, dont le Royaume-Uni, en assurant le caractère définitif des règlements effectués au moyen de ces systèmes ».

Il peut être souligné que l'habilitation n'exclut pas les chambres de compensation des systèmes de pays tiers pour lesquels le caractère définitif des règlements pourrait être reconnu , contrairement à l'alinéa 8 du présent projet de loi.

3. L'adoption d'aménagements complémentaires

En commission, quatre amendements ont été adoptés :

- un amendement du Gouvernement COM-307 visant à assurer le caractère définitif des règlements effectués par les participants français dans certaines chambres de compensation de pays tiers, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement du Gouvernement COM-308 visant à ouvrir l'accès aux chambres de compensation à certains organismes et entreprises établis dans des pays tiers, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement du Gouvernement COM-308 visant à permettre de rédiger certaines règles relatives aux infrastructures de marché dans une autre langue que le français, avec l'avis favorable de votre rapporteur ;

- un amendement de coordination COM-528 de votre rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.

Article 26
(art. L. 312-23, L. 341-1, L. 500-1, L. 541-1, L. 551-1 [nouveau], L. 551-2 [nouveau], L. 551-3 [nouveau], L. 551-4 [nouveau], L. 551-5 [nouveau], L. 552-1 [nouveau], L. 552-2 [nouveau], L. 552-3 [nouveau], L. 552-4 [nouveau], L. 552-5 [nouveau], L. 552-6 [nouveau], L. 552-7 [nouveau], L. 561-2, L. 561-36, L. 573-8, L. 621-5-3, L. 621-7, L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Création d'un régime français des offres de jetons

Cet article vise à mettre en place un système de visa optionnel pour les levées de fonds en actifs numériques.

I. Le droit en vigueur

1. Les actifs numériques et leur technologie sous-jacente ont progressivement fait leur apparition dans le droit français

Les actifs numériques , communément désignés sous les termes de « crypto-actifs » ou de « monnaies virtuelles », connaissent depuis plusieurs années un développement soutenu.

Il existe aujourd'hui environ 2 000 types d'actifs numériques , pour une capitalisation totale d'environ 130 milliards de dollars 312 ( * ) .

À l'instar du plus connu des actifs numériques, le bitcoin, la plupart reposent sur une technologie appelée « blockchain » , juridiquement qualifiée en 2016 de « dispositif d'enregistrement électronique partagé » au sein du code monétaire et financier 313 ( * ) .

Schématiquement, la blockchain correspond à une chaîne de livres de compte virtuels retraçant l'ensemble des transactions effectuées. Il s'agit ainsi d'une nouvelle manière d'échanger (des « monnaies virtuelles » mais aussi des titres ou des contrats) dont la principale originalité réside dans le mode de validation des transactions, entièrement décentralisé 314 ( * ) et de ce fait réputé infalsifiable . En effet, dans la mesure où il n'est plus nécessaire de recourir à un tiers de confiance pour valider les opérations, le réseau n'offre pas de point individuel de défaillance.

En 2016 315 ( * ) , les actifs numériques ont pour la première fois été indirectement définis en droit français pour les besoins de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme comme « tout instrument contenant sous forme numérique des unités de valeur non monétaire pouvant être conservées ou être transférées dans le but d'acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de créance sur l'émetteur » (7° bis de l'article L.  561-2 du code monétaire et financier).

Plus récemment, dans le cadre de la mise en place d'un régime d'imposition sui generis des gains issus de la cession d'actifs numériques par les particuliers, ces derniers ont été définis au sein du code général des impôts par la loi de finances pour 2019 316 ( * ) .

L'article 150 VH bis du code général des impôts distingue ainsi deux catégories de biens répondant à la définition des actifs numériques :

- d'une part, « les jetons, à l'exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers (...) et des bons de caisse », étant précisé que « constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » ;

- d'autre part, « toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

Cette définition duale répond directement au développement des levées de fonds en crypto-actifs , qui a conduit à distinguer les jetons émis des « crypto-monnaies » classiques.

2. Les levées de fonds en actifs numériques se sont développées hors de tout cadre réglementaire et ne peuvent généralement pas être appréhendées à l'aide des catégories usuelles du droit financier

Le développement des actifs numériques a entraîné l'apparition d'un nouveau mode de financement communément appelé initial coin offering (ICO), par analogie avec le terme anglais utilisé pour les introductions en bourse (initial public offering).

Selon l'Autorité des marchés financiers (AMF), les levées de fonds en actifs numériques peuvent être définies comme « des opérations de levées de fonds effectuées à travers une technologie de registre distribué qui donnent lieu à une émission de jetons (« tokens »), ceux-ci pouvant être ensuite, selon les cas, utilisés pour obtenir des produits ou services, échangés sur une plateforme (marché secondaire) et/ou rapporter un profit » 317 ( * ) .

Concrètement, ce mode de financement original « consiste, pour des porteurs de projet, à émettre un nouveau jeton de valeur (...) puis à le distribuer de façon prévisible et automatique (...) à tous les contributeurs au projet, au prorata des fonds envoyés (en bitcoins, ethers ou toute cryptomonnaie acceptée par l'équipe) », ce qui pourrait se résumer par « envoie-moi des bitcoins, je te distribuerai en échange ma nouvelle crypto-monnaie (...) au prorata de ta contribution » 318 ( * ) .

Le fonctionnement des levées de fonds en actifs numériques

Un entrepreneur développe une blockchain dédiée à un nouveau projet (jeu vidéo en temps réel, services de clouding , vente aux enchères de noms de domaine...) par laquelle il émet des jetons.

Il met ces jetons en vente auprès des investisseurs, qui paient en crypto-actifs ( bitcoins ou ethers ). Certains projets peuvent cependant être financés en monnaie légale. La transaction est opérée le plus souvent sur la blockchain Ethereum , qui, par la gestion de smart contracts , sécurise les échanges entre, d'une part, les jetons de la blockchain objet du projet et, d'autre part, le montant de bitcoins ou d' ether s correspondant.

Les jetons achetés confèrent aux investisseurs, sur le projet émetteur, un ou plusieurs droits qui peuvent être de différente nature : droit à dividendes futurs sur les revenus qui seront générés par le projet ; droit de vote ou de gouvernance ; droit d'usage du projet ou droit sur un service offert par l'émetteur, etc .

Le porteur de projet, une fois qu'il a collecté des bitcoins ou des ethers auprès de ses investisseurs, peut utiliser des plateformes de change pour convertir ses crypto-actifs en monnaie légale et financer son activité d'exploitation : location de locaux, achat de matériel informatique, recrutement, etc .

Source : Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin), « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme :
tendances et analyse en 2017-2018 », p. 60.

Bien que ce mode de financement demeure marginal à l'échelle du système financier traditionnel, il connaît un développement soutenu , avec un total de 22,2 milliards de dollars levés, principalement en 2017 (6,8 milliards de dollars) et au cours des trois premiers trimestres 2018 (15,2 milliards de dollars) 319 ( * ) .

En France, « si les montants levés demeurent faibles à ce stade (89 millions d'euros pour 15 émetteurs), les ICO ont représenté 4 % du financement en actions durant les trois premiers trimestres 2018 », ainsi que le relève l'AMF 320 ( * ) .

Sur le plan juridique, la plupart des opérations de levées de fonds en actifs numériques ne peuvent pas être appréhendées à l'aide des catégories usuelles du droit financier et se situent ainsi hors de tout cadre réglementaire .

Théoriquement, il existe deux principales situations dans lesquelles elles peuvent être assimilées à des placements financiers régulés , ce qui permet alors aux investisseurs de bénéficier du cadre protecteur prévu par le droit en vigueur 321 ( * ) .

Il s'agit tout d'abord du cas où les caractéristiques des jetons émis permettent de les qualifier d'instrument financier .

Par exemple, un jeton qui confère à son propriétaire des droits politiques et financiers analogues à ceux classiquement attribués aux actions peut être qualifié de titre de capital.

De même, un jeton qui donnerait droit aux souscripteurs à un remboursement monétaire à la charge de l'émetteur pourrait être assimilé à un titre de créance.

Il s'agit ensuite du cas où l'émetteur met en avant la possibilité d'un rendement financier .

En effet, le régime de l'intermédiation en biens divers permet de réguler les offres d'investissement « atypiques », qui ne sont pas fondées sur la souscription d'instruments financiers mais sur l'achat d'autres biens (ex : diamants, terres rares, livres anciens, etc.) censés se valoriser dans le temps et vendus comme tels.

Est ainsi soumise à ce régime toute personne qui « propose à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d'acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d'un rendement financier direct ou indirect », ce qui emporte notamment l'obligation de déposer un dossier justifiant de différentes garanties auprès de l'AMF et d'établir un document destiné à informer le public sur l'opération proposée (articles L. 550-1 et L. 550-3 du code monétaire et financier).

Si certaines opérations de levées de fonds en actifs numériques pourraient relever de ce régime, il suffit toutefois aux émetteurs de ne pas mettre en avant la possibilité d'un rendement financier pour y échapper.

En pratique, la plupart des levées de fonds en crypto-actifs ne peuvent être rattachées à ces catégories juridiques.

Ainsi, sur les 83 projets de levées de fonds examinés par l'AMF, 78 se situent hors de tout cadre réglementaire 322 ( * ) . Parmi les cinq autres, quatre donnent aux souscripteurs des droits financiers qui les rendraient assimilables à des instruments financiers (titre de capital, titre de créance ou instrument à terme selon les projets), tandis qu'un seul pourrait relever du régime de l'intermédiation en biens divers.

Comme le résume Tracfin, les opérations de levées de fonds en crypto-actifs « se sont donc développées en-dehors de toute réglementation » mais « ne sont cependant pas illégales » 323 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à mettre en place un système de visa optionnel auprès de l'AMF pour les levées de fonds en actifs numériques.

À cette fin, il insère un nouveau chapitre consacré aux émetteurs de jetons au sein du livre V du titre V du code monétaire et financier (alinéas 10 à 12). Les alinéas 2 à 9, 29 à 33 et 36 procèdent aux coordinations nécessaires, en renumérotant les articles relatifs au régime de l'intermédiation en biens divers (articles L. 550-1 à L. 550-5, qui deviendraient les articles L. 551-1 à 551-5 du code monétaire et financier).

Aux termes de l'article L. 552-1 (créé par les alinéas 13 et 14), seuls seraient soumis aux obligations prévues par ce nouveau chapitre les émetteurs qui :

- procèdent à une offre au public de jetons qui n'est pas déjà régie par d'autres dispositions du code monétaire et financier ;

- sollicitent un visa de l'AMF pour ce faire.

La définition des jetons figurant déjà à l'article 150 VH bis du code général des impôts (voir le 1 du I du présent commentaire) est reprise au sein d'un nouvel article L. 552-2 du code monétaire et financier (alinéa 15).

La définition d'une offre au public de jetons est inscrite au sein d'un nouvel article L. 552-3.

Une offre au public de jetons consiste à « proposer au public, sous quelque forme que ce soit, de souscrire à ces jetons » (alinéa 16). En revanche, ne constitue pas une offre au public de jetons toute offre « ouverte à la souscription par un nombre limité de personnes », fixé par le règlement général de l'AMF, « agissant pour compte propre » (alinéa 17).

L'article L. 552-4 (créé par les alinéas 18 à 21) impose l'établissement d'un document « destiné à donner toute information utile au public sur l'offre proposée et sur l'émetteur » aux émetteurs sollicitant le visa optionnel (alinéa 19).

Ce document d'information et les communications à caractère promotionnel relatives à l'offre au public doivent présenter « un contenu exact, clair et non trompeur » et permettre de comprendre « les risques afférents à l'offre » (alinéa 20).

Les modalités de la demande de visa préalable, les pièces nécessaires à l'instruction du dossier et le contenu du document d'information sont précisés par le règlement général de l'AMF (alinéa 21).

Les conditions à remplir pour obtenir le visa de l'AMF sont fixées au sein de l'article L. 552-5 (créé par les alinéas 22 à 25).

L'AMF doit vérifier si l'offre envisagée présente les garanties exigées d'une offre destinée au public, et notamment que l'émetteur :

- est constitué sous la forme d'une personne morale établie ou immatriculée en France ;

- met en place tout moyen permettant le suivi et la sauvegarde des actifs recueillis dans le cadre de l'offre.

Elle est chargée d'examiner non seulement le document d'information mais aussi les projets de communications à caractère promotionnel destinées au public postérieurement à la délivrance du visa ainsi que les pièces justificatives des garanties apportées.

Elle « appose son visa sur le document d'information selon les modalités et dans le délai fixés par son règlement général » (alinéa 25).

Les conditions dans lesquelles le visa peut être retiré par l'AMF sont précisées au sein d'un nouvel article L. 552-6.

Si l'AMF « constate que l'offre proposée au public n'est plus conforme au contenu du document d'information ou ne présente plus les garanties prévues à l'article L. 552-5, elle peut ordonner qu'il soit mis fin à toute communication concernant l'offre faisant état de son visa et retirer son visa dans les conditions précisées par son règlement général » (alinéa 26).

L'article L. 552-7, créé à l'alinéa 28, prévoit une information des souscripteurs concernant les « résultats de l'offre et, le cas échéant, de l'organisation d'un marché secondaire des jetons », selon des modalités fixées par le règlement général de l'AMF.

Pour les offres de jetons soumises au visa de l'AMF, la possibilité pour la commission des sanctions de l'AMF de prononcer une sanction en cas de diffusion d'une fausse information ou de tout autre manquement est consacrée à l'article L.  621-15 (alinéas 37 et 38).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a été modifié par sept amendements et deux sous-amendements adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture.

1. « Droit au compte » des émetteurs ayant obtenu le visa

En commission spéciale, un amendement de notre collègue Valéria Faure-Muntian a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et du rapporteur afin de lever les obstacles que peuvent rencontrer les entrepreneurs opérant dans le secteur des crypto - actifs pour accéder aux services bancaires .

À cette fin, il inscrit à l'article L. 312-23 du code monétaire et financier le principe selon lequel les établissements de crédit mettent en place des règles « objectives, non discriminatoires et proportionnées » pour régir l'accès des émetteurs de jetons ayant obtenu le visa aux services de comptes de dépôt et de paiement qu'ils tiennent - cet accès devant être « suffisamment étendu pour permettre à ces personnes de recourir à ces services de manière efficace et sans entraves » (alinéa 40).

En contrepartie, un sous-amendement du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable du rapporteur, soumet les émetteurs de jetons ayant obtenu le visa aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, en modifiant l'article L. 561-2 (alinéa 45).

En séance, un amendement de notre collègue Adrien Taquet, adopté avec l'avis favorable du rapporteur du Gouvernement, est venu imposer que les raisons d'un éventuel refus soient communiquées à l'autorité de contrôle (alinéa 43).

Un autre amendement, sous-amendé par le rapporteur et adopté à l'initiative de notre collègue Laure de La Raudière avec un avis favorable du Gouvernement, renvoie à un décret la détermination des conditions d'application du droit au compte, et notamment « les voies et délais de recours en cas de refus d'un établissement de crédit ».

Enfin, un amendement de notre collègue Laure de La Raudière, adopté contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur, introduit la possibilité pour les émetteurs ayant obtenu un visa d' accéder à un service de dépôt et de paiement auprès de la Caisse des dépôts et consignations en cas de « difficulté persistante d'accès à des services de dépôts et de paiement dans les établissements de crédit » (alinéa 41).

2. Modalités de retrait du visa

Un amendement de notre collègue Adrien Taquet, adopté avec l'avis favorable de la commission, précise les modalités de retrait du visa par l'AMF , en prévoyant que le retrait ne saurait faire obstacle à la réalisation d'une nouvelle émission, compte tenu de son caractère optionnel. En revanche, l'AMF pourrait bloquer les communications faisant état du visa et communiquer publiquement sur son retrait (alinéa 27).

3. Améliorations rédactionnelles

Enfin, deux amendements , introduits à l'initiative du rapporteur et acceptés par le Gouvernement, sont de nature rédactionnelle et n'appellent pas de commentaire particulier.

IV La position de votre commission

1. Le caractère optionnel de l'encadrement proposé constitue une solution acceptable, à condition de protéger le grand public des offres non soumises au visa

S'il faut se féliciter du développement des levées de fonds en actifs numériques , dans la mesure où elles constituent une nouvelle forme de financement innovante pouvant permettre aux entrepreneurs de collecter des sommes d'argent importantes pour mener à bien des projets qui n'auraient pas nécessairement pu être financés par les circuits traditionnels, celles-ci sont également porteuses de risques importants tant pour les épargnants que pour les autorités publiques .

Pour les investisseurs, la participation à ces levées de fonds présente deux principaux risques 324 ( * ) :

- d'une part, le risque de réaliser un investissement infructueux , compte tenu du fait que les projets financés sont « majoritairement au stade d'idée » et qu'il n'existe pas de norme « sur les informations à présenter à l'investisseur » ;

- d'autre part, le risque de fraude , certaines levées de fonds s'étant « révélées être des fraudes pour des raisons diverses (mauvaise gestion budgétaire, disparition des dirigeants et/ou des employés, pyramide de Ponzi, etc. ) ».

Ainsi, sur les dix premiers mois, la plateforme « Épargne Info Service » de l'AMF a recensé « 2 261 demandes liées aux crypto-actifs, correspondant à un montant cumulé déclaré perdu par les épargnants d'environ 45 millions d'euros » 325 ( * ) .

S'agissant des autorités publiques, le principal risque concerne la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme .

En effet, « les mécanismes anonymes et décentralisés d'émission et de transfert de la plupart des crypto-monnaies peuvent favoriser l'utilisation de ces instruments à des fins criminelles (vente sur Internet de biens ou services illicites) ou à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme », ainsi que le relève le rapport de Jean-Pierre Landau remis au ministre de l'économie et des finances en juillet dernier 326 ( * ) .

Dans ce contexte, les autorités nationales ont adopté des approches très disparates , qui peuvent être classées en trois catégories 327 ( * ) :

- « certaines autorités ont prononcé une interdiction des ICOs , tels que les régulateurs de Chine et de Corée du Sud, constatant notamment que de nombreuses fraudes ou arnaques avaient eu lieu » ;

- « plusieurs autorités ont adopté une approche au cas par cas et à droit constant , avec des nuances » (ex : États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne) ;

- « d'autres autorités ont indiqué qu'à ce stade, elles ne régulent pas les ICOs , à tout le moins pas avant d'en avoir une connaissance approfondie » (ex : Australie, Gibraltar).

Votre rapporteur considère que c'est à juste titre que le Gouvernement n'a retenu aucune de ces trois solutions, compte tenu de leurs inconvénients respectifs.

L'interdiction pure et simple irait à l'encontre de la volonté de faire de Paris une place européenne de première importance pour l'écosystème des crypto-actifs et priverait les porteurs de projet d'un mode de financement appelé à se développer.

L'approche à droit constant aboutirait, ainsi que cela a été rappelé (voir le 2 du I), à laisser la quasi-totalité des levées de fonds en crypto-actifs hors de tout cadre réglementaire et, lorsque les jetons sont assimilables à des instruments financiers, à imposer des contraintes trop lourdes et coûteuses pour des petits porteurs de projet.

Enfin, l'absence de régulation ne serait pas acceptable, compte tenu des risques déjà décrits pour les épargnants et les pouvoirs publics.

Avec la mise en place d'un système de visa optionnel et d'un cadre réglementaire dédié, le Gouvernement propose une voie alternative , dont l'objectif est triple :

- susciter des comportements vertueux , en incitant les émetteurs à adapter leur organisation et leur projet pour obtenir le visa et apparaître sur une « liste blanche » ;

- « signaler » aux épargnants les projets pour lesquels il existe des garanties minimales permettant d'envisager un investissement ;

- attirer en France les émetteurs à la recherche d'un cadre réglementaire adapté à l'écosystème des crypto-actifs.

Si votre rapporteur s'est longuement interrogé sur l'opportunité de rendre ce visa obligatoire, il apparaît préférable de préserver le caractère optionnel du dispositif, par souci de réalisme .

En effet, ainsi que le relève l'AMF, les levées de fonds en crypto-actifs « constituent une forme d'appel à l'épargne publique sur l'ensemble du réseau internet , lequel est par essence transfrontalier » 328 ( * ).

Dès lors, le caractère obligatoire du visa serait très difficile à faire respecter , alors même qu'il risquerait d' envoyer un signal contreproductif aux acteurs désireux de s'établir en France. Un système obligatoire ne pourrait véritablement avoir de portée pratique qu'au niveau européen .

Si votre rapporteur s'est résolu à accepter le principe d'un visa optionnel, il apparaît indispensable de donner un avantage comparatif très important aux acteurs régulés et de protéger le grand public des offres non soumises au visa .

À cette fin, il serait opportun de s' inspirer du régime mis en place par la loi dite « Sapin 2 » 329 ( * ) pour protéger les investisseurs particuliers de certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués , qui a aujourd'hui fait la preuve de son efficacité et comporte deux volets :

- une interdiction de la publicité en ligne , selon des modalités permettant d'engager la responsabilité non seulement de l'annonceur mais également de l'ensemble des acteurs du marché de la publicité (article L.  533-12-7 du code monétaire et financier et article L. 222-16-1 du code de la consommation) ;

- une interdiction du parrainage et du mécénat (article L. 222-16-2 du code de la consommation).

Aussi, votre rapporteur propose un amendement COM-538 portant article additionnel et visant à transposer ces deux interdictions aux offres au public de jetons non visées par l'AMF , tout en y ajoutant une interdiction du démarchage . Un aménagement analogue est proposé pour les prestataires sur actifs numériques non régulés ( voir le commentaire de l'article 26 bis B du présent projet de loi ).

Il peut être noté que certains acteurs clés du marché de la publicité en ligne tels que Google et Facebook ont pris des mesures plus strictes encore , consistant à interdire toute publicité pour les levées de fonds en crypto-actifs 330 ( * ) .

À l'inverse, la mesure proposée par votre rapporteur concerne les seules offres non régulées . Elle se rapproche ainsi de la position récemment prise par Facebook concernant les plateformes, qui autorise désormais les publicités en faveur de certains prestataires pré-approuvés, en se fondant notamment sur l'existence d'un agrément au niveau national 331 ( * ) .

Encore faut-il préciser que l'objectif du dispositif proposé par votre rapporteur n'est pas d'interdire ces offres non régulées , qui pourront toujours se dérouler en toute légalité, mais de faire en sorte qu'elles ne puissent pas être portées à la connaissance des épargnants non avertis.

En outre, un amendement COM-523 , adopté à l'article 21 bis du présent projet de loi et précédemment commenté, vise à étendre le champ d'application de la procédure simplifiée de blocage des sites internet dont l'AMF peut faire usage aux opérateurs diffusant des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses concernant la délivrance du visa . Ainsi, les sites internet d'émetteurs illégaux faisant croire aux épargnants qu'ils ont obtenu le visa de l'AMF pourraient rapidement être bloqués.

2. La nécessité de supprimer l'obligation pour la Caisse des dépôts de fournir des services bancaires aux émetteurs titulaires d'un visa

En complément, il apparaît nécessaire de supprimer le « droit au compte » introduit par l'Assemblée nationale en première lecture au bénéfice des émetteurs titulaires d'un visa.

Les problèmes d'accès des acteurs de l'écosystème des crypto-actifs aux services de compte de paiement sont réels et peuvent être à l'origine d'importantes difficultés pour les porteurs de projet332 ( * ).

Ces derniers peuvent certes solliciter l'intervention de la Banque de France pour que celle-ci contraigne une banque à procéder à l'ouverture d'un compte dans le cadre du droit au compte de droit commun prévu à l'article L. 312-1 du code monétaire et financier.

Il ressort toutefois des auditions que cette solution est doublement insuffisante, dans la mesure où :

- d'une part, elle n'offre qu'un accès aux services bancaires de base (définis à l'article D.  312-5-1 du même code) ;

- d'autre part, il est arrivé que la banque désignée décide de procéder à la fermeture du compte peu de temps après son ouverture.

Si la frilosité de certaines banques tient certainement, en partie, à des raisons culturelles, elle s'explique également par la difficulté de vérifier l'origine des fonds et d'identifier les bénéficiaires effectifs dans le cadre des opérations de levées de fonds en crypto-actifs, qui constituent une forme d'appel public à l'épargne à l'échelle mondiale.

Dès lors, les dispositions prévues au présent article devraient naturellement faciliter, pour les émetteurs régulés, l'ouverture et le maintien d'une relation d'affaires avec les banques.

En effet, la mise en place d'un visa optionnel et l'assujettissement aux obligations prévues en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme permettent d'apporter une réponse aux arguments opposés par les banques pour refuser les ouvertures de comptes aux émetteurs régulés.

En complément, l'Assemblée nationale a transposé aux émetteurs régulés le dispositif introduit lorsque les nouveaux acteurs qu'étaient les établissements de paiement ne parvenaient pas à ouvrir des comptes auprès des banques , prévu à l'article L. 312-23 du code monétaire et financier. Ainsi que cela a été précédemment rappelé, ce dispositif pose le principe d'un accès non-discriminatoire et suffisamment étendu aux services de compte de paiement et impose aux banques de communiquer à l'ACPR les raisons de tout refus d'ouverture de compte.

Il s'agit d'un aménagement bienvenu, qui facilitera le travail de contrôle des pratiques des banques .

Votre rapporteur propose toutefois d' en revoir la rédaction , dans le but de rationaliser le dispositif retenu, en le « fondant » au sein du dispositif existant applicable aux établissements de paiement.

En revanche, votre rapporteur s'oppose au deuxième aménagement introduit par l'Assemblée nationale - à savoir la mise en place d'un droit au compte spécifique aux acteurs de l'écosystème des crypto-actifs, assuré en dernier ressort par la Caisse des dépôts .

D'après les auteurs de l'amendement, le choix de la Caisse des dépôts se justifierait par son absence d'exposition aux sanctions américaines - les banques étant soupçonnées de ne vouloir prendre aucun risque au regard de ces dernières.

Contrairement aux affirmations des auteurs de l'amendement , il ressort des informations transmises à votre rapporteur que la Caisse des dépôts non seulement n'est pas dispensée du respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (article L.  621-15 du code monétaire et financier) mais est également exposée aux sanctions américaines .

En outre, le dispositif proposé risquerait de décharger les banques de toute obligation - et ce d'autant plus que son activation s'appuie non sur un refus des banques mais sur une simple « difficulté persistante d'accès » -, en reportant sur la Caisse des dépôts la charge d'ouvrir des comptes pour des acteurs qui n'interviennent pas dans un secteur d'activité lié à l'intérêt général et dont les fonds ne nécessitent aucune sécurisation spécifique, contrairement par exemple aux huissiers de justice ou aux organismes sociaux.

Enfin, la nature des services bancaires devant être offerts n'est nullement définie.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur propose de supprimer le droit au compte sui generis introduit par l'Assemblée nationale , tout en conservant, sous réserve des modifications rédactionnelles déjà évoquées, l'extension aux émetteurs et prestataires régulés du dispositif déjà prévu pour les établissements de paiement en matière d'accès aux comptes de paiement.

Un amendement COM-532 est adopté en ce sens, ainsi qu'un amendement rédactionnel COM-531 .

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.

Article 26 bis A
(art. L. 54-10-1 [nouveau], L. 54-10-2 [nouveau], L. 54-10-3 [nouveau], L. 54-10-4 [nouveau], L. 54-10-5 [nouveau], L. 500-1, L. 561-2, L. 561-36, L. 561-36-1, L. 572-23 [nouveau], L. 572-24 [nouveau], L. 572-25 [nouveau],
L. 621-7, L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier)
Prestataires de services sur actifs numériques

Cet article vise à introduire un agrément optionnel pour les prestataires de services sur actifs numériques, ainsi qu'un enregistrement obligatoire pour certaines catégories de prestataires.

I. Le droit en vigueur

Pour une description de la définition et du cadre réglementaire applicable aux actifs numériques, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 26 du présent projet de loi.

Le développement des actifs numériques s'accompagne de la constitution d'un écosystème dynamique sur l'ensemble de la chaîne de valeur.

Chaîne de valeur des acteurs de l'écosystème des actifs numériques

Source : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies »,
rapport au ministre de l'économie et des finances, 4
juillet 2018, p. 33.

Les plateformes d'échange constituent certainement le maillon le plus important de cet écosystème, dans la mesure où elles peuvent assurer une large gamme de services sur actifs numériques, tels que :

- « la cotation et l'échange de crypto-monnaies contre des monnaies officielles »;

- « le dépôt et la conservation des avoirs en crypto-monnaies de leurs clients » ;

- « le dépôt et la conservation des mêmes avoirs en monnaies officielles » ;

- « l'exécution de paiements et de transactions en crypto-monnaies (activité de paiement, d'intermédiaire et d'infrastructure de marché) » 333 ( * ) .

Pour les acteurs de cet écosystème établis en France, il n'existe aujourd'hui aucun encadrement réglementaire, sous deux réserves .

1. Certains prestataires sur actifs numériques sont assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

La première concerne la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme .

Au niveau national, le 7° bis de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier assujettit aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme « toute personne qui, à titre de profession habituelle, soit se porte elle-même contrepartie, soit agit en tant qu'intermédiaire, en vue de l'acquisition ou de la vente » d'actifs numériques.

Au niveau européen, la « 5 ème directive anti-blanchiment » 334 ( * ) , non transposée à ce jour, fait entrer dans le champ des assujettis à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme deux catégories de prestataires :

- les prestataires de services d'échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales ;

- les prestataires de services de portefeuilles de conservation (définis comme ceux fournissant « des services de conservation de clés cryptographiques privées pour le compte de leurs clients à des fins de détention, de stockage et de transfert de monnaies virtuelles »).

Ces deux catégories de prestataires doivent également faire l'objet d'une immatriculation 335 ( * ) , procédure « qui comprend a minima un examen de la compétence et de l'honorabilité des personnes qui exercent une fonction de direction au sein de ces entités » 336 ( * ) .

2. Certains prestataires sur actifs numériques peuvent être soumis à la réglementation financière traditionnelle

La seconde réserve concerne la réglementation traditionnelle applicable aux acteurs financiers qui peut, dans certains cas particuliers, s'appliquer aux prestataires sur actifs numériques.

Pour les plateformes, il s'agit notamment des règles relatives aux services de paiement.

En effet, dans une position publiée le 29 janvier 2014, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) considère que « dans le cadre d'une opération d'achat/vente de bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l'activité d'intermédiation consistant à recevoir des fonds de l'acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de paiement » 337 ( * ) .

Dès lors, « exercer cette activité à titre habituel en France implique de disposer d'un agrément de prestataire de services de paiement (établissement de crédit, établissement de monnaie électronique ou établissement de paiement) délivré par l'ACPR » 338 ( * ) .

Une décision jurisprudentielle conforte cette interprétation 339 ( * ) .

La position publiée fait référence aux opérations sur bitcoins mais est transposable à l'ensemble des actifs numériques qui s'échangent dans les mêmes conditions , ainsi que l'a confirmé l'ACPR à votre rapporteur.

En effet, ce n'est pas le sous-jacent ( bitcoin ou tout autre actif numérique) qui justifie l'application de la réglementation des services de paiement, mais bien l'intermédiation du paiement en euros . L'analyse juridique de cette activité d'intermédiation vaut ainsi quel que soit l'objet de la vente et conduit à assujettir à cette réglementation « les places de marché sur internet qui mettent en relation des acheteurs et des vendeurs de biens et services divers et qui encaissent les paiements pour le compte des vendeurs dans le but de leur reverser » 340 ( * ) .

En pratique, il existe toutefois très peu de plateformes proposant des opérations d'achat/vente d'actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal impliquant la tenue de comptes espèces pour compte de tiers . En effet, « dans la majorité des cas, les plateformes s'interposent en compte propre entre les acheteurs et les vendeurs, ne nécessitant pas ainsi un agrément en tant que prestataire de services de paiement » 341 ( * ) . Selon les informations recueillies auprès de l'ACPR, une seule une plateforme, Paymium, est enregistrée comme agent de services de paiement.

Ainsi, la quasi-totalité des acteurs se trouvent actuellement dans une situation ne nécessitant aucun agrément et ne sont pas soumis à la réglementation relative aux services de paiement .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue député Adrien Taquet, adopté avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, et sous-amendé par le Gouvernement, vise :

- d'une part, à introduire un enregistrement obligatoire pour certaines catégories de prestataires sur actifs numériques, transposant ainsi les dispositions précédemment décrites de la « 5ème directive anti-blanchiment » ;

- d'autre part, à introduire un agrément optionnel pour l'ensemble des prestataires de services sur actifs numériques.

Pour ce faire, les alinéas 1 à 3 créent un nouveau chapitre intitulé « Prestataires de services sur actifs numériques » au sein du titre IV du livre V du code monétaire et financier.

1. Définition des actifs numériques et des services numériques

La définition des actifs numériques figurant déjà à l 'article 150 VH bis du code général des impôts ( voir le 1 du I du commentaire de l'article 26 du présent projet de loi ) est reprise au sein d'un nouvel article L. 54 - 10-1 du code monétaire et financier (alinéas 4 à 6).

La liste des services numériques, introduite au sein d'un nouvel l'article L. 54-10-2 et directement inspirée de la liste des services d'investissement figurant à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier, comprend cinq catégories :

1° le service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;

2° le service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal ;

3° le service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ;

4° l'exploitation d'une plateforme de négociation d'actifs numériques ;

5° une cinquième catégorie regroupant les services suivants :

- la réception et la transmission d'ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers ;

- la gestion de portefeuille d'actifs numériques pour le compte de tiers ;

- le conseil aux souscripteurs d'actifs numériques ;

- la prise ferme d'actifs numériques ;

- le placement garanti d'actifs numériques ;

- le placement non garanti d'actifs numériques.

2. L'enregistrement obligatoire pour la fourniture des services de conservation d'actifs numériques pour le compte de tiers et d'achat/vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal

Les alinéas 20 à 25 imposent aux prestataires une obligation préalable d'enregistrement auprès de l'AMF pour la fourniture des deux premiers services sur actifs numériques prévus à l'article L. 54-10-2, à savoir :

- le service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;

- le service d' achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal .

Avant de procéder à l'enregistrement, l'AMF doit vérifier l'honorabilité et la compétence des dirigeants . Si l'enregistrement est effectué par l'AMF, il repose toutefois sur un avis conforme de l'ACPR (alinéa 20).

De même, l'AMF ne peut radier le prestataire que sur avis conforme de l'ACPR (alinéa 22).

La liste des prestataires enregistrés est publiée par l'AMF (alinéa 23).

L'exercice de cette profession est désormais interdite à toute personne n'ayant pas été enregistrée par l'AMF (alinéa 24). Il est également interdit d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire que l'on est autorisé à fournir les services précités ou de créer une confusion à cet égard (alinéa 25).

3. La mise en place d'un agrément optionnel pour la fourniture de l'ensemble des services sur actifs numériques

Pour la fourniture des cinq catégories de services sur actifs numériques définies à l'article L. 54-10-2, il serait par ailleurs possible aux prestataires établis en France de solliciter un agrément auprès de l'AMF sur une base volontaire , dans des conditions précisées aux alinéas 26 à 59 et reprises au sein d'un nouvel article L. 54-10-5 du code monétaire et financier.

Les conditions d'agrément communes aux cinq catégories de services sont précisées aux alinéas 27 à 33 et codifiées au I de l'article L. 54 - 10-5.

Quel que soit le service fourni, les prestataires doivent ainsi, pour être agréés par l'AMF :

- disposer d'une assurance responsabilité civile professionnelle ou de fonds propres suffisants , afin de couvrir les risques de fraude, les risques de sécurité et les risques opérationnels ;

- avoir un dispositif de sécurité et de contrôle interne adéquat ;

- disposer d'un système informatique résilient ;

- disposer d'un système de gestion des conflits d'intérêts ;

- communiquer à leurs clients des informations claires, exactes et non trompeuses ;

- avertir les clients des risques associés aux actifs numériques ;

- rendre publiques leurs politiques tarifaires ;

- établir et mettre en oeuvre une politique de gestion des réclamations de leurs clients et en assurer un traitement rapide.

Si l'AMF est la seule autorité décisionnaire pour l'agrément, elle peut solliciter, pour vérifier la sécurité des systèmes d'information des prestataires, l' avis de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Elle est par ailleurs tenue de solliciter l'avis de la Banque de France pour la fourniture du service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal (alinéa 35). Enfin, elle peut solliciter l'avis de l'ACPR pour vérifier le respect de l'ensemble des obligations (alinéa 58).

Les alinéas 36 à 59 fixent les conditions spécifiques à chacune des catégories de services , qui sont codifiées au II à V de l'article L. 54 - 10-5.

Le II de l'article précité (alinéas 36 à 41) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre de la fourniture du service de conservation pour le compte de tiers , à savoir :

- conclure avec leurs clients une convention définissant leurs missions et responsabilités ;

- établir une politique de conservation ;

- s'assurer qu'à tout moment ils sont en mesure de restituer les actifs numériques ou les clés cryptographiques conservés pour le compte de leurs clients ;

- ségréguer les détentions pour le compte de leurs clients de leurs propres détentions ;

- s'abstenir de faire usage des actifs numériques ou des clés cryptographiques conservés pour le compte de leurs clients, sauf consentement exprès et préalable des clients.

Le III de l'article précité (alinéas 42 à 47) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre de la fourniture du service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal ou du service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques , à savoir :

- publier un prix ferme des jetons ou une méthode de détermination du prix des jetons ;

- publier les volumes et les prix des transactions effectuées ;

- exécuter les ordres de leurs clients aux prix affichés au moment de leur réception ;

- justifier de l'honorabilité et de la compétence des dirigeants , pour les prestataires non soumis à l'enregistrement obligatoire.

Le IV de l'article précité (alinéas 48 à 53) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre de l' exploitation d'une plateforme de négociation d'actifs numériques, à savoir :

- justifier de l'honorabilité et de la compétence des dirigeants ;

- fixer des règles de fonctionnement , sans que celles-ci ne soient nécessairement « transparentes et non discrétionnaires », ainsi que le prévoit l'article L. 421-10 du code monétaire et financier pour les prestataires de services d'investissement ;

- assurer une négociation équitable et ordonnée ;

- n'engager leurs propres capitaux sur les plateformes qu'ils gèrent que dans les conditions et limites fixées par l'AMF ;

- publier les détails des ordres et des transactions conclues sur leurs plateformes.

Le V de l'article précité (alinéas 54 à 58) fixe les obligations que les prestataires sont tenus de respecter pour l'agrément au titre des services relevant de la cinquième catégorie , à savoir :

- justifier de l'honorabilité et de la compétence des dirigeants ;

- disposer d'un programme d'activité pour chacun des services qu'ils entendent exercer ;

- disposer des moyens appropriés à la mise en oeuvre dudit programme.

4. Contrôle et sanctions

Les alinéas 59 à 90 procèdent aux coordinations nécessaires au sein des articles du code monétaire et financier fixant les modalités de contrôle et de sanction des acteurs financiers.

Les prestataires enregistrés et agréés sont soumis au régime des interdictions professionnelles existant , prévu à l'article L. 500-1 (alinéa 59).

Ils sont également soumis au respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme , par modification de l'article L. 561-2 (alinéas 60 à 64).

Pour les prestataires soumis à l'enregistrement obligatoire, l'ACPR est chargé du contrôle continu du respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (alinéas 66 à 68) et peut ouvrir une procédure disciplinaire à leur encontre (alinéa 71). Les sanctions disciplinaires sont définies aux alinéas 72 à 75.

Pour les autres prestataires, c'est l'AMF qui est chargée du contrôle continu (alinéa 65).

Son règlement général fixe les règles qui s'imposent aux prestataires agréés (alinéas 86 et 87).

Ces derniers sont placés dans le champ des acteurs pouvant faire l'objet de contrôles (alinéas 88 et 89) et être sanctionnés (alinéa 90) par l'AMF.

Les alinéas 76 à 84 visent à créer trois nouvelles infractions pour les prestataires soumis à l'enregistrement obligatoire.

La première sanctionne l'absence de déclaration concernant le changement de situation.

La deuxième sanctionne l'exercice illégal de la profession.

La troisième sanctionne le fait de ne pas répondre aux demandes d'informations de l'AMF, de lui communiquer des informations inexactes ou de faire obstacle à l'exercice de sa mission de contrôle.

5. Modalités d'entrée en vigueur

Pour les prestataires exerçant déjà les services qui seraient désormais soumis à l'enregistrement obligatoire, l'alinéa 91 prévoit de leur accorder un délai de douze mois à compter de la publication des textes d'application pour obtenir l'autorisation délivrée par l'AMF.

6. Remise d'un rapport

Enfin, l'alinéa 92 prévoit, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, la remise au Parlement d'un rapport visant à évaluer la mise en oeuvre du dispositif proposé et à étudier l'opportunité d'en adapter les dispositions - et notamment de rendre obligatoire l'agrément optionnel.

III. La position de votre commission

À l'instar des levées de fonds en actifs numériques, la fourniture de services sur actifs numériques hors de tout cadre réglementaire est porteuse de risques importants sur le plan de la protection des épargnants et de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme .

S'agissant des plateformes , peuvent notamment être mentionnés 342 ( * ) :

- les risques de cyberattaques , de nombreux incidents ayant conduit à des pertes importantes pour les investisseurs, dont les actifs numériques ont été dérobés ;

- les risques liés à l'intégrité des marchés , en l'absence des garanties traditionnelles qui permettent de prévenir les manipulations de cours et impose des cotations et un traitement des transactions transparents ;

- les risques liés à l'anonymat , qui peuvent encourager le commerce de produits illicites, le blanchiment ou encore le contournement des contrôles de capitaux et des changes 343 ( * ) .

1. Il est nécessaire d'élargir la liste des services assujettis à l'enregistrement obligatoire et au contrôle au titre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, en conformité avec les nouvelles recommandations du Groupe d'action financière (Gafi)

S'agissant de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, le présent article soumet deux catégories de prestataires à un enregistrement obligatoire , transposant ainsi les nouvelles dispositions de la « 5 ème directive anti-blanchiment » .

Il s'agit des prestataires fournissant :

- le service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou de clés cryptographiques privées ;

- le service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal.

Les évolutions intervenues depuis la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale nécessitent toutefois de soumettre l'ensemble des prestataires sur actifs numériques à un enregistrement obligatoire.

En effet, le Groupe d'action financière (Gafi), organisme intergouvernemental en charge de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LCB-FT), a modifié en octobre 2018 sa recommandation n° 15 , qui prévoit désormais que la fourniture de différents services sur crypto-actifs doit être subordonnée, a minima , à un enregistrement obligatoire au titre des obligations LCB-FT.

Or, la liste des services visés par la recommandation n° 15 ne se limite pas aux deux services précités mais comprend également :

- le service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ;

- le transfert d'actifs numériques ;

- la fourniture de services relatifs à une émission d'actifs numériques ou à une vente d'actifs numériques 344 ( * ) .

En l'état, les dispositions prévues au présent article ne seraient donc pas conformes à la nouvelle recommandation du Gafi - et ce alors même que la France fera l'objet d'une évaluation par ce dernier l'an prochain.

Sur le fond, l'élargissement du périmètre des prestataires soumis à l'enregistrement obligatoire se justifie par les nouveaux risques mis en évidence par les cellules de renseignement financier.

Il est notamment très problématique que les plateformes d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ne soient pas soumises à l'enregistrement obligatoire. En effet, ainsi que le relève Tracfin dans son dernier rapport annuel paru en novembre 2018, « les plateformes proposant des services d'échange de crypto-actifs contre d'autres crypto-actifs (services de change dits "crypto to crypto") jouent actuellement un rôle prépondérant dans les circuits de blanchiment , en permettant de convertir des crypto-actifs reposant sur des blockchains traçables (bitcoin, ethereum) en crypto-actifs reposant sur des blockchains intraçables qui garantissent l'anonymat des transactions » 345 ( * ) .

Il doit être souligné que l'enregistrement obligatoire constitue une procédure peu contraignante , qui implique uniquement un examen de la compétence et de l'honorabilité des personnes qui exercent une fonction de direction au sein de ces entités et un contrôle continu au titre de la LCB-FT.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur propose d' étendre à l'ensemble des services sur actifs numériques l'enregistrement obligatoire.

Un amendement COM-537 est adopté en ce sens.

2. Le caractère optionnel de l'agrément proposé constitue une solution acceptable, à condition de protéger le grand public des services non régulés

Ainsi que cela a été précédemment souligné, les risques liés à la fourniture de services sur actifs numériques ne se limitent pas au blanchiment et au financement du terrorisme.

Dans ce contexte, la mise en place d'un agrément optionnel comprenant un socle d'exigences plus complet (mise en place d'un dispositif de sécurité et de contrôle interne, gestion d'un système informatique résilient, respect d'une obligation d'assurance ou de fonds propres, etc .) devrait permettre d'inciter les prestataires à adapter leur fonctionnement et de signaler aux investisseurs les acteurs vertueux.

Il doit être noté qu'il s'agit bien souvent d'exigences minimales . À titre d'exemple, pour les plateformes de négociation, les règles dites de « meilleure exécution » prévues pour les prestataires de services d'investissement à l'article L. 533-18 du code monétaire et financier ne sont pas reprises.

Si votre rapporteur s'est longuement interrogé sur l'opportunité de rendre cet agrément obligatoire , il apparaît préférable, à ce stade, de préserver le caractère optionnel du dispositif , pour les mêmes raisons que celles invoquées dans le commentaire de l'article 26 du présent projet de loi concernant le visa optionnel applicable aux levées de fonds.

En effet, le caractère obligatoire de l'agrément serait largement dépourvu de portée pratique, dès lors que la plupart des acteurs sont aujourd'hui établis à l'étranger, et risquerait d' envoyer un signal contreproductif aux entrepreneurs désireux de s'installer en France.

À titre d'illustration, sur les 228 plateformes en activité, la seule plateforme française, Paymium , se situe à la 117 ème position en termes d'activité, avec un volume quotidien d'environ 25 000 dollars, contre 800 millions de dollars pour la première plateforme, Binance 346 ( * ) .

Comme pour les émetteurs, l' amendement COM-538 portant article additionnel proposé par votre rapporteur devrait toutefois permettre de protéger le grand public des prestataires non régulés , en interdisant pour ces derniers la publicité en ligne, le démarchage, le parrainage et le mécénat, à l'instar de ce qui est déjà prévu pour les instruments financiers hautement spéculatifs ( voir commentaire de l'article 26 bis B du présent projet de loi ).

Dans le même objectif de protection des épargnants non avertis, votre rapporteur propose un amendement COM-534 au présent article visant à supprimer le « conseil aux souscripteurs d'actifs numériques » de la cinquième catégorie de services pour lesquels il est possible de solliciter un agrément .

En effet, la mise en place d'un statut régulé de conseiller en actifs numériques risquerait de créer un « appel d'air » pour les 5 000 conseillers en investissements financiers (CIF).

Or, il ne paraît pas souhaitable, à ce stade, d'inciter les CIF à proposer aux épargnants d'investir sur les actifs numériques au même titre que sur des instruments financiers classiques.

Une telle évolution serait d'autant plus problématique que les exigences prévues pour obtenir l'agrément optionnel sont très insuffisantes. En particulier, la fourniture de conseils n'est pas subordonnée à l'obligation préalable de s'enquérir auprès des clients de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, comme cela est prévu pour les conseillers en investissements financiers à l'article L. 533-13 du code monétaire et financier.

En complément, l' amendement COM-527 proposé à l'article 21 bis du présent projet de loi permet à l'AMF de faire fermer rapidement les sites des prestataires non enregistrés qui exercent leur activité illégalement ou qui laissent croire de façon mensongère qu'ils ont obtenu l'agrément optionnel , ce qui nécessite en parallèle de définir au présent article de nouvelles infractions pénales. Un amendement COM-533 de votre rapporteur est adopté en ce sens.

Votre commission a également adopté un amendement COM-535 de votre rapporteur, directement inspiré des dispositions prévues à l'article 26 pour le visa optionnel et au présent article pour l'enregistrement obligatoire, visant à :

- préciser les modalités de retrait de l'agrément et ses conséquences ;

- permettre à l'AMF d'ordonner qu'il soit mis fin à toute communication faisant état de son agrément ;

- interdire aux prestataires non agréés d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu'ils sont agréés en cette qualité ou de créer une confusion à cet égard.

Ce dernier point est particulièrement important, dans la mesure où certains prestataires peu scrupuleux pourraient tenter de créer la confusion entre l'enregistrement obligatoire et l'agrément , en jouant sur le premier- qui implique un simple contrôle de l'honorabilité des dirigeants - pour masquer l'absence du second - qui implique de respecter un ensemble beaucoup plus complet d'exigences.

Enfin, s'agissant de la répartition des compétences, votre rapporteur prend acte du rôle de point d'entrée unique confié à l'AMF pour l'ensemble des prestataires, tant pour l'enregistrement que pour l'agrément.

Il doit néanmoins être observé que l'ACPR aurait pu constituer le point d'entrée pour les prestataires fournissant les services 1 à 3 (échangeurs et conservateurs) , par parallélisme avec la réglementation des acteurs financiers traditionnels et compte tenu de la nécessité, pour certains prestataires, de solliciter un agrément en tant qu'établissement de paiement.

3. Améliorations rédactionnelles

En complément, un amendement rédactionnel COM-281 de notre collègue Richard Yung et un amendement de coordination COM-536 de votre rapporteur ont été adoptés par la commission spéciale et n'appellent pas de commentaire particulier.

Votre commission a adopté l'article 26 bis A ainsi modifié.

Article 26 bis B (nouveau)
(art. L. 341-1, L. 341-3, L. 341-8, L. 341-10, L. 341-14, L. 341-15, L. 341-16, L. 341-17, L. 353-1 et L. 353-2 du code monétaire et financier
et art. L. 222-16-1 et 222-16-2 du code de la consommation)
Interdiction du démarchage, de la publicité en ligne, du parrainage
et du mécénat pour les offres sur actifs numériques non régulées

I. Le droit en vigueur

Les conditions dans lesquelles les instruments financiers peuvent faire l'objet d'une activité de démarchage sont strictement encadrées par le code monétaire et financier.

Aux termes de l'article L. 341-1 dudit code, constitue un acte de démarchage « toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit » en vue de la réalisation d'une opération sur un instrument financier ou de la fourniture d'un service d'investissement.

Les personnes habilitées à recourir ou à se livrer à l'activité de démarchage bancaire et financier sont limitativement définies à l'article L. 341-3.

En outre, les instruments financiers ne pouvant pas faire l'objet de démarchage sont mentionnés à l'article L. 341-10. Il s'agit par exemple des produits dont le risque maximum n'est pas connu au moment de la souscription, pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial ou qui ne sont pas admis aux négociations sur les plates-formes réglementées 347 ( * ) .

Pour protéger les épargnants non avertis de certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués, la loi dite « Sapin 2 » 348 ( * ) a introduit deux interdictions complémentaires :

- une interdiction de la publicité en ligne , selon des modalités permettant d'engager la responsabilité non seulement de l'annonceur mais également de l'ensemble des acteurs du marché de la publicité (article L.  533-12-7 du code monétaire et financier et article L. 222-16-1 du code de la consommation ). Les sites internet des prestataires ne sont pas concernés par l'interdiction ;

- une interdiction du parrainage et du mécénat (article L. 222-16-2 du code de la consommation).

En effet, l'existence d'une pression publicitaire forte sur internet, accompagnée de messages déséquilibrés n'offrant pas aux investisseurs particuliers une compréhension suffisante du risque associé à ces produits, avait conduit à des pertes très importantes pour les épargnants 349 ( * ) . En outre, des partenariats avaient été signés entre certaines plateformes d'options binaires ou de Forex peu recommandables et différents clubs de football de Ligue 1 350 ( * ) .

Les actifs numériques n'étant pas des instruments financiers, ils ne sont par définition concernés ni par le régime du démarchage, ni par le régime protecteur complémentaire mis en place par la loi « Sapin 2 » précitée.

II. Le dispositif introduit par votre commission

Le présent article, issu d'un amendement introduit à l'initiative de votre rapporteur, vise à interdire le démarchage, la publicité en ligne, le parrainage et le mécénat pour les prestataires sur actifs numériques et les levées de fonds en actifs numériques n'ayant pas obtenu l'agrément optionnel ou le visa facultatif de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

À cette fin, le 1° du I propose d' inclure les offres sur actifs numériques dans le champ du régime d'encadrement de l'activité de démarchage bancaire et financier , à savoir :

- la réalisation d'une opération sur un actif numérique, notamment dans le cadre d'une offre au public de jetons ;

- la fourniture d'un service sur actifs numériques.

Seuls les acteurs régulés seraient autorisés à se livrer à l'activité de démarchage (2° du I) . Il s'agit :

- des émetteurs de jetons ayant obtenu le visa optionnel ;

- des prestataires sur actifs numériques agréés.

De même, seules les offres régulées pourraient faire l'objet d'une activité de démarchage (4° du I). La liste des produits ne pouvant faire l'objet de démarchage serait ainsi complétée par la mention des actifs numériques, « sauf lorsque l'activité de démarchage porte sur la fourniture d'un service sur actifs numériques au sens de l'article L. 54-10-2 par un prestataire agréé dans les conditions prévues à l'article L. 54-10-5 ou sur des jetons proposés dans le cadre d'une offre au public ayant obtenu le visa prévu à l'article L. 552-4 ».

Les 5° à 11° du I effectuent les coordinations nécessaires à cette évolution.

De la même manière, le II du présent article modifie les articles L. 222-16-1 et L. 222-16-2 du code de la consommation pour étendre le régime d'interdiction de la publicité en ligne, du parrainage et du mécénat aux offres sur actifs numériques non régulées .

III. La position de votre commission

Le présent article vise à transposer le régime protecteur introduit par la loi dite « Sapin 2 » pour protéger les épargnants non avertis de certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués, qui a aujourd'hui fait la preuve de son efficacité.

L'objectif consiste à tenir le grand public à l'écart des offres sur actifs numériques non régulées, compte tenu de leur caractère hautement spéculatif et de la multiplication des cas de fraude . Ainsi, sur les dix premiers mois de l'année 2018, la plateforme « Épargne Info Service » de l'AMF a recensé 2 261 demandes liées aux crypto-actifs, correspondant à un montant cumulé déclaré perdu par les épargnants d'environ 45 millions d'euros 351 ( * ) . Une forme de report est observée du Forex et des options binaires vers les crypto-actifs.

Pour cette raison, ainsi que cela a été précédemment rappelé ( voir le commentaire de l'article 26 du présent projet de loi ), certains acteurs clés du marché de la publicité en ligne, tels que Google et Facebook ont d'ores et déjà pris des mesures plus strictes encore, consistant à interdire toute publicité pour les levées de fonds en crypto actifs 352 ( * ) .

À l'inverse, la mesure proposée au présent amendement concerne les seules offres non régulées . Elle se rapproche ainsi de la position récemment prise par Facebook concernant les plateformes, qui autorise désormais les publicités en faveur de certains prestataires pré-approuvés, en se fondant notamment sur l'existence d'un agrément au niveau national 353 ( * ) .

Elle répond également à une recommandation du rapport remis par Jean-Pierre Landau au Gouvernement , qui suggérait d'interdire le démarchage en ligne pour « les seuls acteurs de la crypto-finance ne s'étant pas conformés aux règles édictées par les régulateurs » 354 ( * ) .

Encore faut-il préciser que l'objectif du présent article n'est pas d'interdire les offres non régulées , qui pourront toujours se dérouler en toute légalité, mais uniquement de veiller à ce qu'elles ne puissent pas être portées à la connaissance du grand public et restent confinées à un cercle d'investisseurs informés et dotés d'un appétit élevé pour le risque.

Votre commission a adopté l'article 26 bis B (nouveau) ainsi rédigé.

Article 26 bis
(art. L. 214-154 du code monétaire et financier)
Investissement des fonds professionnels spécialisés
dans les crypto-actifs

I. Le droit en vigueur

Les fonds professionnels spécialisés (FPS) constituent une forme de fonds d'investissement alternatifs (FIA) et ont été mis en place « afin de mettre à disposition des investisseurs professionnels un véhicule de droit français régulé, disposant d'une très grande flexibilité » 355 ( * ) .

Ainsi, les FPS ne font pas l'objet d'un agrément mais d'une simple déclaration auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Les FPS ne sont par ailleurs soumis à aucun ratio d'investissement réglementaire : les règles d'investissement ne résultent pas de la loi mais d'une négociation entre les investisseurs et les gérants.

En outre, ils bénéficient d'une grande flexibilité concernant la nature des actifs éligibles.

Aux termes de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier, la faculté pour un FPS d'investir dans un bien est ainsi subordonnée au respect de quatre conditions :

- la propriété du bien est fondée « soit sur une inscription, soit sur un acte authentique, soit sur un acte sous seing privé dont la valeur probante est reconnue par la loi française » ;

- le bien « ne fait l'objet d'aucune sûreté autre que celles éventuellement constituées pour la réalisation de l'objectif de gestion du fonds professionnel spécialisé » ;

- le bien « fait l'objet d'une valorisation fiable sous forme d'un prix calculé de façon précise et établi régulièrement, qui est soit un prix de marché, soit un prix fourni par un système de valorisation permettant de déterminer la valeur à laquelle l'actif pourrait être échangé entre des parties avisées et contractant en connaissance de cause dans le cadre d'une transaction effectuée dans des conditions normales de concurrence » ;

- la liquidité du bien permet au fonds de « respecter ses obligations en matière d'exécution des rachats vis-à-vis de ses porteurs et actionnaires définies par ses statuts ou son règlement ».

En contrepartie de cette très grande liberté, l'article L. 214-155 réserve la possibilité de souscrire et d'acquérir des parts de FPS aux clients professionnels et assimilés.

Sont notamment assimilés à des investisseurs professionnels ceux dont la souscription initiale est supérieure ou égale à 100 000 euros 356 ( * ) .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit au stade de la commission spéciale, à l'initiative de notre collègue Adrien Taquet et de plusieurs membres du groupe La République en Marche, avec l' avis favorable du rapporteur et du Gouvernement . Il a fait l'objet d'un sous-amendement de précision du Gouvernement.

Il vise à compléter le 1° de l'article L. 214-154 du code monétaire et financier afin de préciser que la condition tenant à la propriété du bien soit « réputée satisfaite » pour ceux « qui font l'objet d'une inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé ».

Cette précision permettrait ainsi aux fonds professionnels spécialisés d' investir dans des actifs numériques , communément appelés « crypto-actifs » ou « monnaies virtuelles » ( voir le commentaire de l'article 26 du présent projet de loi pour une présentation détaillée ).

III. La position de votre commission

Les actifs numériques « n'ont pas vocation à s'insérer dans les portefeuilles, à l'exception de ceux des investisseurs informés et dotés d'un appétit élevé pour le risque », ainsi que le souligne à juste titre Jean-Pierre Landau dans son rapport sur les « crypto-monnaies » remis au ministre de l'économie et des finances en juillet dernier 357 ( * ) .

Pour les investisseurs professionnels, les actifs numériques peuvent en effet constituer une opportunité pour « la diversification et la recherche d'un meilleur couple rendement-risque » , compte tenu de leur corrélation proche de zéro en moyenne avec les autres classes d'actifs 358 ( * ) .

Les FPS pourraient de ce point de vue constituer un véhicule adapté pour investir en actifs numériques , dans la mesure où ils sont réservés aux professionnels et bénéficient déjà d'une très grande souplesse sur la nature des actifs éligibles.

Pourtant, ces derniers ne peuvent actuellement investir dans des actifs numériques.

En effet, l'AMF estime que les actifs numériques ne satisfont pas à la condition tenant à la propriété du bien , compte tenu du manque de valeur probante en droit français de l'inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé, communément appelé blockchain 359 ( * ) .

En droit français , seuls certains fonds qui relèvent de la catégorie résiduelle des « autres FIA » peuvent actuellement investir en crypto-actifs 360 ( * ) . Il s'agit toutefois de véhicules ayant la nature de FIA sans être appréhendés comme tels par la réglementation. Ils demeurent ainsi méconnus des investisseurs, faute d'un régime juridique et d'un cadre fiscal suffisamment précis et attractifs.

Aussi, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé au présent article, qui permettra aux FPS, véhicule bien connu des professionnels, d'investir dans les actifs numériques.

En complément, il paraît opportun d'ouvrir cette possibilité à une autre catégorie de fonds dont la souscription directe est réservée aux professionnels, à savoir les fonds professionnels de capital investissement (FPCI).

Qu'est-ce qu'un fonds professionnel de capital investissement ?

L'actif d'un FPCI doit en principe être composé à 50 % de titres non cotés ou assimilés.

Peuvent également être retenus pour apprécier le respect du ratio d'investissement :

- les titres cotés de petite capitalisation (dans la limite de 20 % de l'actif du fonds) ;

- les avances en compte courant dans des sociétés dans lesquelles le FPCI détient au moins une participation (dans la limite de 15 % de l'actif du fonds) ;

Comme pour les FPS, les parts de FPCI ne peuvent être souscrites que par des investisseurs professionnels et assimilés , en application du I de l'article L. 214-160 du code monétaire et financier.

Source : commission spéciale

En effet, permettre à un véhicule de capital investissement d'investir dans cette nouvelle classe d'actifs contribuerait à encourager le développement des levées de fonds des jeunes sociétés en actifs numériques , en complément de la mise en place du système de visa optionnel prévue à l'article 26 du présent projet de loi.

Dans un souci de diversification des risques et afin de limiter toute exposition indirecte éventuelle des épargnants non professionnels, les investissements en actifs numériques ne seraient toutefois possibles que dans la limite de 20 % de l'actif du fonds.

Un amendement COM-561 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 26 bis ainsi modifié.

Article 27
(art. L. 221-32-1 et L. 221-32-2 du code monétaire et financier)
Élargissement des instruments éligibles
au plan d'épargne en actions - PME

Cet article vise à inclure les instruments de dette commercialisés par les plateformes de financement participatif dans le champ des instruments éligibles au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.

I. Le droit en vigueur

Le plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, communément appelé « PEA-PME », a été mis en place par la loi de finances pour 2014 361 ( * ) .

1. Conditions d'ouverture et de fonctionnement

Aux termes de l'article L. 221-32-1 du code monétaire et financier, tout contribuable dont le domicile fiscal est situé en France peut ouvrir un tel plan , qui se traduit par la mise en place d'un compte de titres et d'un compte en espèces associés 362 ( * ) .

Chaque contribuable (ou chacun des conjoints soumis à une imposition commune) ne peut être titulaire que d'un seul plan.

Les versements sont plafonnés à 75 000 euros par contribuable.

Ces limitations se justifient par le traitement fiscal favorable dont bénéficie le PEA-PME , identique à celui prévu pour le plan d'épargne en actions (PEA).

2. Régime fiscal

L'imposition des produits de placement (dividendes et plus-values) ne s'opère pas à l'occasion de la cession de titres logés dans le PEA-PME mais lors du retrait ou du rachat.

Le PEA-PME fonctionne ainsi comme une « enveloppe capitalisante » : tant qu'il n'y a pas de retrait ou de rachat, les opérations de cession et de réinvestissement sont considérées comme internes au plan et ne donnent pas lieu à taxation.

En cas de retrait ou de rachat après cinq ans, le gain net réalisé bénéficie d'une exonération totale d'impôt sur le revenu 363 ( * ) . Les prélèvements sociaux restent dus au taux de droit commun de 17,2 %.

Avant l'expiration de la huitième année, tout retrait de sommes ou de valeurs figurant sur le plan entraîne la clôture du plan.

Au-delà de la huitième année, les retraits partiels de sommes ou de valeurs n'entraînent pas la clôture du plan mais aucun nouveau versement n'est possible .

En contrepartie de ce traitement fiscal favorable, les sommes versées sur le compte en espèces ne peuvent être employées que pour la souscription de titres éligibles mentionnés à l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier.

3. Éligibilité des titres

L'éligibilité des titres dépend à la fois du type d'instrument financier et de la nature de la société émettrice.

a) Conditions tenant à la société émettrice

Ainsi, l'éligibilité des entreprises au PEA-PME est subordonnée à la réunion de trois conditions : avoir un siège social dans l'Union européenne 364 ( * ) , être redevable de l'impôt sur les sociétés et respecter une condition de taille.

S'agissant de la condition tenant à la taille, seules sont éligibles les entreprises qui répondent à la définition européenne des entreprises de taille intermédiaire (ETI), ce qui suppose, d'une part, d'avoir moins de 5 000 salariés et, d'autre part, moins de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel ou un bilan de moins de 2 milliards d'euros.

Pour les sociétés cotées, la capitalisation boursière doit par ailleurs être inférieure à un milliard d'euros et aucune personne morale ne doit détenir plus de 25 % du capital.

b) Conditions tenant à la nature de l'instrument financier

En cas d'investissement direct, l'éventail des instruments financiers admissibles se limite aux fonds propres et quasi-fonds propres , à savoir :

- les actions , parts , certificats d'investissement, certificats coopératifs d'investissement et titres en capital de sociétés coopératives ;

- les obligations convertibles ou remboursables en actions , sous réserve qu'elles soient cotées.

Les titres de dette tels que les obligations ne sont donc pas éligibles.

Il est également possible de réaliser des investissements indirects en acquérant :

- des parts de fonds communs de placement dont l'actif est constitué pour plus de 75 % de titres d'entreprises éligibles ;

- des actions de sociétés d'investissement à capital variable (SICAV), sous la même réserve ;

- des parts de fonds commun de placement à risques ( FCPR ), de fonds communs de placement dans l'innovation ( FCPI ) et de fonds d'investissement de proximité ( FIP ), dont l'actif comporte par nature une part prépondérante de titres d'entreprises éligibles ;

- des parts ou actions de fonds européens d'investissement à long terme , sous réserve que l'actif soit investi en permanence pour plus de 50 % en titres d'entreprises éligibles.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose de compléter la liste des emplois éligibles au PEA-PME prévue au 1 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier en y ajoutant :

- d'une part, les titres participatifs et obligations à taux fixe , lorsqu'ils « font ou ont fait l'objet d'une offre proposée par l'intermédiaire d'un prestataire de services d'investissement ou d'un conseiller en investissements participatifs, au moyen d'un site internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers » ;

- d'autre part, les minibons mentionnés à l'article L. 223-6 du code monétaire et financier 365 ( * ) .

Il s'agit donc d'ouvrir le PEA-PME aux instruments de dette commercialisés par les plateformes de financement participatif.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Au stade de la commission, deux amendements introduits à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet et du groupe La République en Marche ont été adoptés avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le premier amendement propose une fusion asymétrique des plafonds de versement des PEA et des PEA-PME, au profit du PEA-PME .

Ainsi, le plafond de versement du PEA-PME prévu au dernier alinéa de l'article L. 221-32-1 du code monétaire et financier serait porté à 225 000 euros, ce qui correspond à la somme des plafonds actuels du PEA-PME (75 000 euros) et du PEA (150 000 euros), sous réserve que « l'ensemble des versements en numéraire effectués sur ces deux plans depuis leur ouverture » n'excède pas la limite de 225 000 euros.

Le second amendement vise à assouplir le périmètre des émetteurs de petite capitalisation boursière dont les titres sont éligibles au PEA-PME en modifiant le b du 2 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier.

Seraient désormais éligibles :

- d'une part, les sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à un milliard d'euros « ou l'a été à la clôture de deux au moins des quatre exercices comptables précédant l'exercice pris en compte pour apprécier l'éligibilité des titres de la société émettrice sous réserve qu'à la clôture de cet exercice et des quatre exercices précédents, sa capitalisation n'excède pas cinq milliards d'euros » ;

- d'autre part, les sociétés dont une autre personne morale détient entre 25 % et 50 % du capital 366 ( * ) .

IV. La position de votre commission

1. L'éligibilité des instruments de dette commercialisés par les plateformes de financement participatif pourrait s'accompagner d'une mesure anti-abus excluant la dette immobilière

Votre rapporteur partage la volonté du Gouvernement de renforcer l'attractivité du PEA-PME , qui rencontre jusqu'à présent un succès limité, avec un encours de seulement 1,7 milliard d'euros 367 ( * ) . À titre de comparaison, l'encours du PEA s'élève à 93 milliards d'euros 368 ( * ) .

Il est toutefois permis de s'interroger sur l'opportunité d'ouvrir le PEA-PME à des instruments de dette , même commercialisés par des plateformes de financement participatif.

En effet, un équilibre doit être trouvé entre la volonté de renforcer l'attractivité du PEA-PME et le risque qu'un traitement fiscal égal entre instruments de dette et actions entraîne l'éviction des secondes au profit des premiers, à rebours de l'objectif de renforcement des fonds propres des entreprises.

En l'état, le risque de dénaturer un produit visant au départ à remédier au déficit de financement en fonds propres auquel sont confrontées les PME et ETI opérationnelles apparaît d'autant plus grand qu' une part significative de la collecte des plateformes de financement participatif concerne des projets immobiliers 369 ( * ) .

Aussi, dans un souci d'équilibre, votre rapporteur propose d'introduire une mesure anti-abus visant à exclure la dette immobilière du champ des nouveaux instruments éligibles au PEA-PME.

Il peut être noté qu'une mesure analogue avait été introduite lors de l'ouverture du PEA-PME aux parts de fonds européens d'investissement à long terme éligibles (ELTIF). Pour ces fonds, l'éligibilité au PEA-PME est ainsi subordonnée au fait de ne pas détenir d'actifs immobiliers, définis par référence à ceux susceptibles de figurer à l'actif d'un organisme de placement collectif immobilier ( e du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

Un amendement COM-518 est adopté en ce sens.

2. La fusion asymétrique des plafonds de versement du PEA et du PEA-PME doit s'accompagner d'un transfert de la responsabilité du respect du plafond des banques vers les épargnants

S'agissant de la fusion asymétrique des plafonds de versement du PEA et du PEA-PME, votre rapporteur soutient l'aménagement introduit par l'Assemblée nationale , qui permet de renforcer l'attractivité du PEA-PME, sans augmenter l'avantage fiscal global pour les foyers.

Encore faut-il préciser que la mesure ne devrait concerner qu'un petit nombre d'épargnants , dès lors que seulement 3 % des PEA-PME ouverts sont à moins de 5 % du plafond légal de versement 370 ( * ) .

En l'état, l'aménagement proposé suscite toutefois une difficulté pratique pour les établissements de crédit .

En effet, il serait impossible pour les banques de vérifier le respect du plafond asymétrique lorsque le PEA et le PEA-PME ne sont pas ouverts au sein du même établissement - et ce alors même que l'article L. 221-35 du code monétaire et financier leur interdit, sous peine d'amende, de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des produits d'épargne bénéficiant d'une aide publique.

Aussi, votre rapporteur propose un amendement transférant la responsabilité du respect du plafond asymétrique vers l'épargnant .

Un amendement COM-519 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié.

Article 27 bis A
Création d'un plan d'épargne en actions jeunes

I. Le droit en vigueur

Le plan d'épargne en actions (PEA), mis en place en 1992 371 ( * ) , se distingue du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME) sur trois principaux aspects :

- la limite de versement , fixé à 150 000 euros (contre 75 000 euros pour le PEA-PME) ;

- le périmètre des entreprises éligibles , qui n'est pas limité par une condition de taille ;

- le champ des instruments financiers éligibles , qui ne comprend pas les quasi-fonds propres (obligations convertibles et remboursables en actions cotées).

Pour le reste, son régime fiscal et ses conditions de fonctionnement sont identiques à ceux du PEA-PME 372 ( * ) .

En particulier, chaque contribuable ou chacun des conjoints soumis à une imposition commune peut ouvrir un unique PEA , aux termes de l'article L. 221-30 du code monétaire et financier.

Dès lors, les personnes qui sont à la charge d'un contribuable ne peuvent ouvrir ni PEA, ni PEA-PME, ainsi que le confirme expressément la doctrine administrative 373 ( * ) .

Cette exclusion concerne principalement les mineurs ou majeurs rattachés au foyer de leurs parents mais aussi d'autres personnes telles que les titulaires de la carte d'invalidité vivant sous le toit d'un contribuable.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu de deux amendements introduits par notre collègue députée Nadia Hai, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, vise à créer un « plan d'épargne en actions jeunes » , ci-après dénommé « PEA jeunes ».

Ce dernier pourrait être ouvert par les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans résidant en France et à charge de leurs parents, ainsi que les mineurs émancipés , dans les mêmes conditions que pour un PEA classique (alinéa 1).

Le titulaire d'un plan d'épargne en actions jeunes ne pourrait toutefois effectuer des versements en numéraires que dans une limite de 25 000 euros . En outre, la somme totale des versements en numéraires autorisés sur les plans d'épargne en actions jeunes des enfants et les plans d'épargne en actions des parents ne pourrait excéder la limite autorisée par le plan d'épargne en actions pour un foyer fiscal (alinéa 2).

Enfin, le PEA jeunes serait transformé automatiquement en PEA classique actions lorsque le jeune majeur sort du foyer fiscal de ses parents à la suite de son vingt-cinquième anniversaire (alinéa 3).

III. La position de votre commission

Votre rapporteur partage l'objectif des auteurs de l'amendement , qui souhaitent familiariser les jeunes adultes avec l'investissement en actions, afin de leur permettre d'acquérir dès leur majorité une culture financière.

Historiquement, le choix de réserver la possibilité d'ouvrir un PEA aux seuls contribuables s'explique par la volonté de ne pas permettre aux parents de contourner la règle de plafonnement des versements en ouvrant des plans au nom de leurs enfants.

Cet objectif a notamment conduit à écarter une proposition initialement soumise à la consultation par le Gouvernement dans le cadre de la préparation du présent projet de loi, qui consistait à « autoriser l'ouverture d'un PEA par le représentant légal pour chaque enfant ».

En limitant la possibilité d'ouvrir un PEA jeunes aux seuls adultes compris entre 18 et 25 ans, le dispositif proposé permet d' éviter cet écueil .

Il ne paraît toutefois pas pouvoir être soutenu en l'état.

En effet, la mise en place d'un produit d'épargne spécifique aux jeunes adultes, avec ses règles propres, qui se transformerait ensuite « automatiquement » en PEA classique, apparaît inutilement complexe .

En outre, le suivi du plafond commun fixé au niveau du foyer fiscal ne pourrait être assuré par les banques , qui n'ont pas accès aux informations nécessaires lorsque les plans sont ouverts au sein de différents établissements.

La rédaction retenue est par ailleurs problématique . Par exemple, il est prévu que les mineurs émancipés puissent ouvrir un PEA jeunes, alors même qu'ils peuvent déjà ouvrir un PEA classique, dès lors qu'ils constituent des contribuables au sens de l'article 6 du code général des impôts.

Aussi, par souci de simplicité et d'efficacité, votre rapporteur propose une alternative à la mise en place d'un PEA jeunes, consistant à permettre à tout majeur d'ouvrir un PEA .

Il resterait en revanche impossible pour les parents d'ouvrir un PEA au nom de leurs enfants, afin d' éviter tout risque d'abus .

Un amendement COM-520 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 bis A ainsi modifié.

Article 27 bis
(art. L. 221-32 du code monétaire et financier)
Retrait avant huit ans sans clôture du PEA ou PEA-PME
et plafonnement des frais

Cet article vise à plafonner les frais facturés au titre d'un PEA ou d'un PEA-PME et à permettre au redevable d'effectuer des retraits sans clôture du plan en cas d'évènement exceptionnel (licenciement, mise à la retraite anticipée et invalidité).

I. Le droit en vigueur

Le régime fiscal et les conditions de fonctionnement du plan d'épargne en actions ( PEA ) et du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) font l'objet d'une description détaillée dans le cadre des commentaires des articles 27 et 27 bis A du présent projet de loi, auxquels le lecteur est invité à se reporter.

À titre de rappel, avant l'expiration de la huitième année , tout retrait de sommes ou de valeurs figurant sur le plan ou tout rachat entraîne la clôture du plan (II de l'article L. 221-32 du code monétaire et financier).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu de deux amendements introduits en commission à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet, avec l'avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, propose deux aménagements .

D'une part, il prévoit une dérogation à la règle selon laquelle tout retrait sur un PEA ou un PEA-PME de moins de huit ans entraîne la clôture du plan, lorsque le retrait résulte d'un licenciement , d'une mise à la retraite anticipée ou de l'invalidité du titulaire ou de celle de son conjoint.

D'autre part, il vise à plafonner les frais appliqués au titulaire du plan à raison de son ouverture, de sa tenue, des transactions qui y sont opérées ou d'un éventuel transfert. Les plafonds seraient fixés par décret .

En séance, outre un amendement rédactionnel adopté à l'initiative du rapporteur Jean-Noël Barrot, deux amendements identiques déposés par nos collègues Adrien Taquet et Philippe Bolo ont été adoptés avec l'avis favorable du Gouvernement afin de proposer un assouplissement complémentaire au fonctionnement des PEA et PEA-PME.

Lorsque les titres figurant sur le plan font l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire , il serait désormais possible pour le redevable de les sortir du plan sans que cela n'entraîne la clôture du plan ou l'impossibilité de réaliser de nouveaux versements. Aucun frais ne pourrait par ailleurs être facturé au titre de ce retrait.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient les aménagements proposés au présent article.

Compte tenu du niveau des frais facturés par certains établissements , notamment sur les titres non cotés 374 ( * ) , la mise en place d'un mécanisme de plafonnement permettra d' éviter tout phénomène de captation de l'avantage fiscal .

De même, la possibilité pour le redevable d'effectuer des retraits sans clôture du plan en cas d'évènement exceptionnel (licenciement, mise à la retraite anticipée et invalidité), par parallélisme avec ce qui est déjà prévu pour d'autres produits d'épargne, constitue une mesure de souplesse bienvenue , sous réserve de modifications de nature rédactionnelle qui pourraient intervenir en séance publique.

Votre commission a adopté l'article 27 bis sans modification.

Article 27 ter A
(art. L. 221-32 du code monétaire et financier)
Maintien du PEA ou du PEA-PME en cas de retrait après cinq ans
et suppression du blocage des nouveaux versements
en cas de retrait après huit ans

Cet article vise à permettre au titulaire d'un PEA ou d'un PEA-PME d'effectuer des retraits entre cinq et huit ans après l'ouverture du plan sans que cela n'entraîne la clôture du plan et à supprimer le blocage des nouveaux versements lorsque le premier retrait est intervenu après huit ans.

I. Le droit en vigueur

Le régime fiscal et les conditions de fonctionnement du plan d'épargne en actions ( PEA ) et du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) font l'objet d'une description détaillée dans le cadre des commentaires des articles 27 et 27 bis A du présent projet de loi, auxquels le lecteur est invité à se reporter.

À titre de rappel, avant l'expiration de la huitième année, tout retrait de sommes ou de valeurs figurant sur le plan ou tout rachat entraîne la clôture du plan (II de l'article L. 221-32 du code monétaire et financier). Au-delà de la huitième année, les retraits partiels n'entraînent pas la clôture du plan mais aucun nouveau versement n'est possible (I du même article).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu d'un amendement introduit par notre collègue députée Nadia Hai, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, vise :

- d'une part, à permettre au titulaire d'un PEA ou d'un PEA-PME d'effectuer des retraits entre cinq et huit ans après l'ouverture du plan sans que cela n'entraîne la clôture du plan ;

- d'autre part, à supprimer le blocage des nouveaux versements lorsque le premier retrait est intervenu après huit ans.

III. La position de votre commission

Ainsi que cela a été rappelé, tout retrait partiel entraîne la clôture du plan, s'il a lieu entre cinq et huit ans, et le blocage des nouveaux versements, s'il a lieu après huit ans.

Par comparaison avec d'autres produits d'épargne bénéficiant d'un régime fiscal privilégié, les règles de fonctionnement du PEA et du PEA-PME apparaissent excessivement restrictives , alors même que le risque pris par l'épargnant en investissant en actions est supérieur. En principe, un rachat partiel sur un contrat d'assurance vie est ainsi possible à tout moment pour le souscripteur, sans que cela n'entraîne ni la résiliation du contrat, ni l'impossibilité d'effectuer de nouveaux versements 375 ( * ) .

Dès lors, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé au présent article, qui constitue une mesure de souplesse bienvenue .

Par souci de simplicité, il suggère même d'aller plus loin, en ne conservant qu'un seul seuil , à savoir le seuil de cinq ans, à compter duquel il serait désormais possible d'effectuer librement des retraits partiels mais aussi de nouveaux versements, dans la limite du plafond légal.

Un amendement COM-521 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 ter A ainsi modifié.

Article 27 ter
(art. L. 221-32-2 du code monétaire et financier)
Ouverture du PEA-PME aux obligations convertibles ou remboursables en actions non cotées et aux parts de fonds professionnels
de capital investissement

I. Le droit en vigueur

Le régime fiscal et les conditions de fonctionnement du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire ( PEA-PME ) font l'objet d'une description détaillée dans le cadre du commentaire de l'article 27 du présent projet de loi, auquel le lecteur est invité à se reporter.

À titre de rappel, seules les obligations convertibles ou remboursables en actions admises aux négociations sur un marché réglementé sont éligibles au PEA-PME ( c du 1 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

En outre, les parts de fonds communs de placement ( FCP ) et les actions de sociétés d'investissement à capital variable ( Sicav ) ne sont éligibles que sous réserve de respecter un quota d'investissement de 75 % en titres de PME-ETI, parmi lesquels au moins les deux tiers doivent correspondre à des fonds propres ou quasi-fonds propres ( a et b du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

Enfin, les fonds communs de placement à risques (FCPR), les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et les fonds d'investissement de proximité (FIP) sont éligibles de droit au PEA-PME , compte tenu des contraintes d'investissement auxquelles ils sont soumis par nature ( d du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de deux amendements adoptés au stade de la commission à l'initiative de notre collègue députée Amélie de Montchalin.

Le premier, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement et un avis favorable du rapporteur, propose d' ouvrir le PEA-PME aux obligations convertibles ou remboursables en actions non cotées (alinéa 2).

Le second, qui a reçu un avis de sagesse du Gouvernement et a fait l'objet d'une demande de retrait du rapporteur, propose d' ouvrir le PEA-PME aux parts de fonds professionnels de capital investissement (FPCI). Comme les FCPI, les FIP et les FCPR, les FPCI seraient éligibles de droit, sans avoir besoin de respecter un quota d'investissement propre au PEA-PME (alinéas 3 et 4).

III. La position de votre commission

L'éligibilité des FPCI au PEA-PME pour leur quota d'investissement propre, à l'instar de ce qui est déjà prévu pour les FCPI, les FIP et les FPCR, ne pose pas de difficulté , dès lors qu'il s'agit d'un véhicule ayant vocation à investir à titre principal dans des titres non cotés .

Les règles d'investissement applicables aux
fonds professionnels de capital investissement

L'actif d'un FPCI doit en principe être composé à 50 % de titres non cotés ou assimilés.

Peuvent également être retenus pour apprécier le respect du ratio d'investissement :

- les titres cotés de petite capitalisation (dans la limite de 20 % de l'actif du fonds) ;

- les avances en compte courant dans des sociétés dans lesquelles le FPCI détient au moins une participation (dans la limite de 15 % de l'actif du fonds).

Source : commission spéciale

Encore faut-il souligner que cette souplesse bienvenue ne concernera vraisemblablement qu'un petit nombre d'épargnants .

En effet, les parts de FPCI ne peuvent être souscrites que par des investisseurs professionnels et assimilés , en application du I de l'article L. 214-160 du code monétaire et financier.

À titre de rappel, sont notamment assimilés à des investisseurs professionnels ceux dont la souscription initiale est :

- supérieure ou égale à 100 000 euros 376 ( * ) ;

- supérieure ou égale à 30 000 euros , sous réserve que l'investisseur apporte par ailleurs une assistance aux sociétés non cotées ou à la société de gestion ou possède une connaissance du capital investissement acquise en qualité d'apporteur direct de fonds propres à des sociétés non cotées ou en qualité de souscripteur 377 ( * ) .

La référence aux FPCI pourrait toutefois être simplifiée au sein du dispositif proposé. L' amendement COM-560 est adopté à cette fin.

En revanche, votre rapporteur ne peut souscrire, en l'état, à l'ouverture du PEA-PME aux obligations convertibles ou remboursables en actions non cotées.

Les différences entres les obligations convertibles
et les obligations remboursables en actions

Une obligation convertible est une obligation classique assortie d'une option de conversion. Cette option donne le droit au souscripteur de convertir le capital de l'obligation en actions nouvelles de l'émetteur, à un prix et dans un délai prédéterminés.

Lorsque, dans le délai de conversion, la valeur des actions devient supérieure au prix de conversion, la levée de l'option de conversion procure un gain au porteur de l'obligation. Dans le cas contraire, il n'y a pas d'intérêt financier pour le porteur à lever l'option. Le gain et l'effet dilutif de la conversion sont souvent limités par une option de rachat consentie à l'émetteur, dont le prix d'exercice, supérieur au prix de conversion, est prédéterminé. Cette possibilité de gain liée à l'option de conversion justifie un taux d'intérêt servi par l'obligation inférieur aux conditions du marché.

Du point de vue de l'investisseur, l'obligation convertible permet de bénéficier de revenus fixes, considérés comme « non risqués », tout en spéculant sur une hausse du cours de l'action sous-jacente. Du point de vue de l'entreprise concernée, l'émission d'obligations convertibles permet d'obtenir un financement moins onéreux qu'un emprunt bancaire ou obligataire tout en différant une éventuelle augmentation de capital.

Contrairement aux obligations convertibles en actions, qui ne débouchent pas nécessairement sur une entrée du souscripteur au capital de l'émetteur, les obligations remboursables en actions viennent en principe obligatoirement abonder à l'échéance les capitaux propres de la société émettrice. En effet, leur remboursement s'effectue normalement par remise d'actions de la société émettrice selon une parité définie dans le contrat d'émission.

Même si, à terme, les porteurs d'ORA seront actionnaires, ils se trouvent, avant l'échéance, dans une situation moins risquée que s'ils avaient directement souscrit à une augmentation de capital : ils bénéficient en effet du versement des coupons, revenu fixe et certain, plutôt que de dividendes aléatoires.

Le risque supporté par le souscripteur est toutefois beaucoup plus important que pour une obligation convertible, qui garantit à la fois le versement du capital, si l'option de conversion n'est pas levée, et de coupons, dans tous les cas. Le porteur d'une obligation remboursable en actions est en effet susceptible de subir une perte en capital si, à l'échéance, la valeur de marché des actions est inférieure à celle fondant la parité définie dans le contrat d'émission.

Source : commission spéciale (à partir de : rapport n° 229 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier,
fait au nom de la commission des finances et déposé le 9 décembre 2015)

L'objectif des auteurs est louable, dans la mesure où il s'agit d'instruments très utilisés dans l'univers du capital investissement , par exemple pour surmonter les conflits de valorisation entre les dirigeants historiques et les investisseurs souhaitant entrer au capital 378 ( * ) .

En l'état, cette ouverture pourrait toutefois engendrer de nombreux abus , s'agissant de titres non cotés pour lesquels il n'existe pas de réelle transparence et dont la définition des caractéristiques est largement contractuelle.

De ce point de vue, l'éligibilité des obligations convertibles non cotées, dont la conversion est laissée au libre choix du souscripteur, est particulièrement problématique.

Par exemple, il suffirait de fixer un prix de conversion irréaliste pour que la valeur et le taux de l'obligation convertible soient ceux d'une obligation classique. Dès lors, une telle évolution reviendrait à ouvrir le PEA-PME à des titres de dette, au risque qu'un traitement fiscal égal entre obligations et actions entraîne l'éviction des secondes, à rebours de l'objectif de renforcement des fonds propres des entreprises.

À l'inverse, l'ouverture aux obligations remboursables en actions non cotées ne présente pas les mêmes risques , car leur conversion n'est pas laissée au libre choix du souscripteur, même si les contrats d'émission peuvent prévoir des possibilités, au choix du porteur ou de l'émetteur, d'un remboursement en numéraire, anticipé ou à échéance.

Une solution de compromis pourrait donc consister à limiter l'ouverture aux obligations remboursables en actions (ORA) non cotées.

Cela suppose néanmoins, en parallèle, de régler une autre difficulté.

En effet, il a été objecté par le Gouvernement que tant les obligations convertibles que remboursables en actions non cotées pourraient être souscrites pour une valeur sciemment sous-évaluée, afin de contourner la règle de plafonnement des versements.

Il faut toutefois rappeler que ce risque existe également s'agissant des actions non cotées, qui sont pourtant éligibles au PEA-PME.

Pour les actions non cotées, la difficulté a été réglée en qualifiant la sous-évaluation d'abus de droit et en limitant l'exonération des produits d'actions non cotées à 10 % de la valeur d'inscription de ces titres. Une mesure anti-abus analogue pourrait être prévue pour les ORA non cotées.

Un amendement COM- 522 est adopté en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 27 ter ainsi modifié.

Article 27 quater
(art. L. 312-19 du code monétaire et financier)
Élargissement des dispositions légales applicables aux comptes inactifs
aux produits d'épargne salariale et aux produits de participations
affectés à des comptes courants bloqués

I. Le droit en vigueur

La loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence a introduit une définition des comptes inactifs dans le code monétaire et financier, ainsi que des dispositions permettant d'organiser le dépôt des avoirs non réclamés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), avant un éventuel transfert à l'État au terme d'une prescription trentenaire.

Aux termes de l'article L. 312-19 du code monétaire et financer, un compte peut être considéré comme inactif dans deux cas :

- lorsqu'à l'issue d'une période de douze mois, aucune opération n'a été réalisée et que le titulaire ne s'est pas manifesté . Ces deux conditions sont cumulatives ;

- lorsque le titulaire est décédé et qu'aucun n'ayant droit ne s'est manifesté à l'issue d'une période de douze mois .

L'article L. 312-19 s'applique aussi bien aux comptes courants qu'aux comptes d'épargne ouverts auprès des établissements de crédit . Ces derniers recouvrent les comptes sur livret, les comptes à terme et les comptes sur lesquels sont inscrits des avoirs et dépôts au titre des produits de l'épargne salariale.

Les comptes d'épargne pouvant faire l'objet d'opérations moins régulièrement que les comptes courants, l'article prévoit de porter à cinq ans, au lieu de douze mois, le délai au terme duquel l'absence d'opération et de manifestation de la part du client traduit une inactivité.

Une fois le compte qualifié d'inactif, l'établissement de crédit doit informer le titulaire du compte, son représentant légal ou la personne habilitée par lui que ses avoirs vont être transférés à la CDC. Contrairement aux obligations des assureurs, les établissements de crédit ne sont pas tenus d'effectuer des recherches de titulaires ou des ayant-droits du compte.

Aux termes de l'article L. 312-20 du même code, les dépôts et avoirs sur les comptes inactifs sont transmis à la CDC :

- à l'issue d'un délai de dix ans à compter de la dernière opération, ou de la dernière manifestation du titulaire si l'inactivité ne résulte pas de son décès ;

- à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la date du décès du titulaire .

Aux termes du III de l'article L. 312-20 du même code, les avoirs transmis à la CDC sont acquis à l'État :

- à l'issue d'un délai de vingt ans à compter de la date de leur dépôt à la CDC , lorsque le titulaire est encore en vie, soit à l'issue d'un délai de trente ans après la dernière opération réalisée sur le compte ;

- à l'issue d'un délai de vingt-sept ans à compter de la date de leur dépôt à la CDC lorsque le titulaire est décédé ;

- à l'issue d'un délai de dix ans pour les plans d'épargne logement (PEL) dont le titulaire ne détient aucun autre compte au sein du même établissement de crédit .

Jusqu'à l'expiration de ces délais, les titulaires et ayant-droits peuvent retirer leurs avoirs auprès de la CDC.

Le dispositif général de la loi dite « Eckert » n'intégrait pas initialement les produits d'épargne salariale . Cet élargissement de périmètre a été réalisé par l'adoption d'un amendement à l'initiative du rapporteur Christian Eckert par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Par conséquent, l'article L. 312-19 du code monétaire et financier s'applique aux produits d'épargne mentionnés au titre II du livre II du même code.

Ce champ exclut toutefois, entre autres, les plans d'épargne interentreprises destinés aux petites et moyennes entreprises (PME) 379 ( * ) , les plans d'épargne retraite collectifs (PERCO) 380 ( * ) , les produits de la participation affectés à un compte courant bloqué 381 ( * ) . Ces produits sont régis par le code du travail, et non le code monétaire et financier.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, après un double avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Le présent article modifie le I de l'article L. 312-19 du code monétaire et financier afin d'inscrire dans son champ d'application :

- les plans d'épargne interentreprises ;

- les plans d'épargne retraite collectifs ;

- les produits de la participation affectés à un compte courant bloqué tel que défini au 2° de l'article L. 3323-2 du code du travail.

Par conséquent, les comptes sur lesquels sont inscrits des avoirs et dépôts au titre des dispositifs d'épargne salariale et d'épargne retraite précités sont considérés comme inactifs si, à l'issue d'une période de cinq ans, le compte n'a fait l'objet d'aucune opération et que le titulaire ne s'est pas manifesté .

III. La position de votre commission

Votre commission souscrit à cet élargissement du champ d'application de la loi dite « Eckert ». Si ces dispositions paraissent relativement éloignées du texte initial, elles sont néanmoins complémentaires de celles des articles 20 et 57 qui visent à redynamiser l'épargne retraite et l'épargne salariale.

Votre commission a adopté l'article 27 quater sans modification.

Article 27 quinquies (supprimé)
(art. L. 511-6 du code monétaire et financier)
Assouplissement des conditions d'octroi de prêt inter-entreprises

Le présent article a pour objet d'assouplir les conditions d'octroi de prêts entre entreprises, autorisé lorsqu'il existe entre elles un lien économique. La durée maximale du prêt serait élargie de deux à trois ans ; toutes les sociétés commerciales seraient rendues éligibles à consentir des prêts ; et les sociétés non soumises à l'obligation de contrôle des comptes mais ayant volontairement recours à un commissaire aux comptes dans le cadre de la procédure allégée d'audit prévue par le présent projet de loi seraient également rendues éligibles.

I. Le droit en vigueur

Le titre I er du code monétaire et financier encadre les prestations de service bancaire. En particulier, l'article L. 511-5 énonce une interdiction générale d'offre de crédit ou de services bancaires de paiement par les personnes autres que les établissements de crédit ou société de financement, interdiction souvent décrite comme « monopole bancaire » .

Toutefois, l'article L. 511-6 exclut du champ de cette interdiction certaines entités :

- les principales institutions publiques intervenant dans le secteur bancaire et financier : le Trésor public, la Banque de France, la Poste, ou la Caisse des dépôts par exemple, dans les conditions déterminées par la loi (article L. 518-1 du code monétaire et financier) ;

- les entreprises d'assurance , sociétés de réassurance, institutions de prévoyance , mutuelles agréées ou organismes de retraite supplémentaire ;

- les entreprises d'investissement , établissements de monnaie électronique, établissements de paiement, et certains autres établissements particuliers ;

Par ailleurs, certaines entités non incluses dans la liste de l'article L. 511-6 précité sont néanmoins autorisées à réaliser des opérations de crédit uniquement. Au titre du 3° bis du même article, c'est notamment le cas des « sociétés par action (SPA) et sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont les comptes sont certifiés et qui consentent des prêts à des microentreprises, petites et moyennes entreprises (PME) ou entreprises de taille intermédiaire (ETI) avec lesquelles elles ont des liens économiques ». Cette disposition autorise donc les prêts interentreprises.

Entités autorisées à réaliser des opérations de crédit
dérogeant au monopole bancaire

L'article L. 511-6 autorise la réalisation d'opérations de crédit par :

(1) les organismes sans but lucratif lorsqu'ils accordent des prêts à conditions préférentielles à leurs ressortissants pour des motifs d'ordre social et sur leurs ressources propres ;

(2) les organismes d'habitation à loyer modéré lorsqu'ils consentent au paiement différé des logements acquis lors d'une accession à la propriété ;

(3) les entreprises consentant des avances sur salaires ou prêts exceptionnels à leurs salariés pour des motifs d'ordre social ;

(3bis) les sociétés par action (SPA) et sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont les comptes sont certifiés et qui consentent des prêts à des microentreprises, petites et moyennes entreprises (PME) ou entreprises de taille intermédiaire (ETI) avec lesquelles elles ont des liens économiques ;

(4) les entités et institutions étrangères acquérant des créances non échues provenant d'organismes listés au premier alinéa de l'article L. 511-6 (hors prêts personnels) ;

(5) les associations sans but lucratif et les fondations d'utilité publique consentant des prêts pour la création, le développement et la reprise d'entreprises de petite taille ou pour la réalisation de projets d'insertion (sans pouvoir offrir au public des instruments financiers) ;

(6) les personnes morales consentant des prêts participatifs (régis par les articles L. 313-14 à 313-20) aux entreprises agricoles, artisanales, industrielles ou commerciales ;

(6bis) les groupes d'organismes de logement social pour des opérations de crédits entre groupes ;

(7) les personnes physiques consentant (à des fins non professionnelles ou commerciales) des prêts dans le cadre de financement participatif de certains projets, encadrés par la loi et par décret ; ou achetant ou souscrivant des minibons (article L. 223-6) ;

(8) les sociétés de tiers-financement dont les collectivités territoriales sont actionnaires majoritaires ou autorité de tutelle (article L. 381-2 du code de la construction et de l'habitation), sans pouvoir offrir au public des instruments financiers et sous la régulation de l'Autorité de contrôle prudentiel.

Les prêts interentreprises, prévus au 3 bis de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier précité, ont été autorisés par l'article 167 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

Ce dispositif, issu d'un article adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, avait fait l'objet d'un encadrement spécifique, prévu par le Sénat, dans l'objectif de limiter la dépendance financière des entreprises emprunteuses, et de s'assurer que cette activité de prêt ne soit pas un moyen de contourner les législations relatives aux délais de paiement et les obligations s'appliquant aux établissements de crédit. La rédaction issue du Sénat prévoit notamment que :

- le champ des entreprises autorisées à emprunter est limité aux seules microentreprises, PME et ETI, s'il existe un lien économique avec l'entreprise prêteuse ;

- le champ des entreprises prêteuses est limité aux seules SPA et SARL dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes , et sous la condition que l'activité de prêt reste accessoire ;

- les conditions du prêt sont encadrées : ils sont d'une durée de moins de deux ans, ne peuvent avoir pour effet d'imposer à l'emprunteur des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux, et les modalités de prêt sont définies dans une convention de prêt, dont le cadre juridique et les modalités sont fixés par décret et qui auront caractère de convention règlementée ;

- enfin, les créances ainsi constituées ne peuvent être transformées en instruments financiers, être cédées à un organisme de titrisation ou à un fonds professionnel spécialisé.

Le décret n°2016-501 du 22 avril 2016 relatif aux prêts entre entreprises a précisé règlementairement le régime des prêts interentreprises (dans la sous-section 2 de la section 2 du chapitre I er du titre I er du livre V de la partie règlementaire du code monétaire et financier).

Il a ainsi prévu à l'article R. 511-2-1-1 les modalités d'appréciation du lien économique entre deux entreprises (subvention publique pour un projet partagé, groupement attributaire d'un même marché, sous-traitance directe ou indirecte, franchisé, concessionnaire de licence), et a interdit qu'un prêt consenti puisse placer l'entreprise emprunteuse en situation de dépendance économique. L'article R. 511-2-1-2 encadre par ailleurs le montant maximal des prêts. Enfin, l'article R. 511-2-1-3 prévoit la certification des prêts par un commissaire aux comptes.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de deux amendements adoptés lors de l'examen en commission du texte à l'Assemblée nationale.

Ces amendements ont prévu un double assouplissement de l'encadrement des prêts interentreprises :

- tandis que seules les sociétés par action (SPA) ou sociétés à responsabilité limitée (SARL) sont aujourd'hui autorisées à prêter, le présent article propose de modifier le 3 bis de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier pour permettre à tout type de sociétés commerciales de consentir des prêts ;

- il propose également d'allonger la durée maximale des prêts interentreprises, en l'augmentant de deux à trois ans au 3 bis précité.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à étendre la possibilité de consentir un prêt interentreprises aux sociétés commerciales non soumises à l'obligation de certification des comptes, mais qui auraient volontairement désigné un commissaire aux comptes, dans les conditions définies à l'article L. 823-3 du code du commerce.

Dans sa rédaction proposée par le présent projet de loi, l'article L. 823-3 du code de commerce prévoit en effet qu'un commissaire aux comptes puisse être nommé volontairement par les entreprises n'y étant pas tenues, dans le cadre d'une procédure d'audit allégée des comptes (le commissaire étant alors dispensé de la réalisation de certaines diligences et de certains rapports).

III. La position de votre commission

Votre rapporteur s'inquiète du triple élargissement du dispositif de prêt interentreprises, opéré dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il appelle au contraire à la prudence.

Les dispositions législatives qui avaient autorisé les prêts interentreprises sont encore très récentes, puisqu'elles avaient été adoptées en 2015 dans le cadre de la loi dite « Macron ».

Sollicitée par votre rapporteur à ce sujet, l'administration a indiqué qu'il n'a été conduit à ce jour aucune évaluation de ce dispositif , et qu'on ne dispose pas de données agrégées exploitables permettant d'en tirer un premier bilan. En particulier, il n'est pas possible d'estimer les taux pratiqués par les entreprises prêteuses ou de les comparer avec les taux de marché. De même, aucune forme de suivi ou de contrôle des prêts contractés et de leur remboursement n'est prévue, mis à part leur mention dans le rapport de gestion.

En l'absence d'une telle évaluation , il apparaît pour le moins prématuré d'assouplir les garde-fous introduits à l'initiative même du Sénat en 2015, lors de l'adoption des dispositions relatives aux prêts interentreprises. En outre, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur n'avoir reçu aucune sollicitation de la part d'entreprises défendant un assouplissement du dispositif.

De surcroît, votre rapporteur s'inquiète du risque économique qui pourrait résulter d'un élargissement non maîtrisé du prêt interentreprises. D'une part, les personnes auditionnées en préparation de l'examen du projet de loi par le Sénat ont exprimé des doutes sur la pertinence du critère de lien économique. En effet, s'il correspond à une logique d'encouragement de projets communs aux filières économiques, ce critère est cependant plus susceptible de placer des petites entreprises et des sous-traitants au fort besoin de financement et à faible accès au crédit en situation de fragilité financière, voire de dépendance économique vis-à-vis d'un grand donneur d'ordre détenteur de ses créances. D'autre part, l'allongement proposé de la durée maximale des prêts, qui la ferait passer de deux à trois ans, semble de même davantage susceptible de créer des situations de dépendance. La simple mention à l'article R. 511-2-1-1 du code monétaire et financier que le prêt « ne peut placer l'entreprise emprunteuse en état de dépendance économique » ne semble pas offrir les garanties suffisantes.

Enfin, la possibilité ouverte aux entreprises se soumettant à l'audit allégé des comptes introduit à l'article 9 du présent projet de loi ne saurait avoir pour conséquence d'autoriser des entreprises dont les finances ne sont pas consolidées ou non saines à devenir prêteuses. Un défaut de certification des comptes ou la non-détection de certaines fragilités financières ou comptables pourrait conduire à la contagion entre entreprises liées par un prêt. L'audit allégé, que le présent projet de loi propose de créer, n'a encore fait l'objet d'aucun retour d'expérience.

En conséquence, à défaut de visibilité et d'évaluation objective du dispositif de prêt interentreprises existant, et au vu des risques de fragilité financière et de dépendance économique, la commission a adopté deux amendement identiques COM-336 du rapporteur et COM-68 de Mme Espagnac et plusieurs de ses collègues, qui suppriment le présent article .

Votre commission a supprimé l'article 27 quinquies .

Article 27 sexies
(art. L. 548-1 du code monétaire et financier)
Élargissement du champ des opérations
pouvant être financées par des prêts participatifs

Le présent article a pour objet d'élargir les possibilités de financement d'entreprises par des prêts participatifs. Il propose d'autoriser non seulement le financement de projets d'achat de biens ou de services, comme le prévoit le droit actuel, mais également des opérations ou ensembles d'opérations déterminées, liées à la raison d'être de l'entreprise.

I. Le droit en vigueur

L'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif a fixé pour la première fois un cadre législatif encadrant les activités de financement participatif.

L'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014
relative au financement participatif

Prise sur le fondement de l'habilitation prévue au 3° de l'article 1er de la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, l'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif avait pour objet d'inscrire dans la loi un premier cadre d'exercice des activités de financement participatif.

Créant deux nouveaux chapitres VII et VIII au titre IV du livre V du code monétaire, et modifiant de nombreux autres articles du code monétaire et financier, elle a notamment :

• introduit une dérogation au monopole bancaire en faveur du financement participatif ;

• créé deux statuts spécifiques, le conseiller en investissement participatif qui propose des titres financiers aux investisseurs, et l'intermédiaire en financement participatif, qui met en relation des porteurs de projets et des financeurs (voir le commentaire de l'article 27 septies de ce rapport) ;

• soumis les plateformes de financement participatif à des obligations en matière de conseil aux clients, d'information, de présentation des risques, de transparence, de perception de frais et rémunérations, de conflit d'intérêts, ou encore de lutte contre le blanchiment et le financement des activités terroristes ;

• créé un régime prudentiel allégé en matière de capitaux minimaux, de fonds propres et de contrôle interne ;

• donné compétence aux associations professionnelles agréées, à l'Autorité des marchés financiers, à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à la Banque de France pour le contrôle des activités de financement participatif.

En particulier, l'article L. 548-1 du code monétaire et financier détermine le régime de l'intermédiation en financement participatif, qui consiste à « mettre en relation, au moyen d'un site internet, les porteurs d'un projet déterminé et les personnes finançant ce projet » . Afin d'être autorisé à solliciter un financement participatif, deux critères doivent être remplis :

- tout d'abord, ledit article L. 548-1 liste les personnes physiques et morales pouvant bénéficier de prêts participatifs, de prêts sans intérêts ou de dons ;

- ensuite, le financement doit être sollicité au titre d'un projet, défini comme « un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d'une opération prédéfinie en termes d'objet, de montant et de calendrier ». Le financement participatif repose ainsi sur une logique objective de projet d'achat en vue de réaliser une opération.

L'offre de prêts participatifs représentant une dérogation au « monopole bancaire » (se référer au commentaire de l'article 27 quinquies du présent projet de loi), l'ordonnance n°2014-559 a inséré un 7° permettant à toute personne physique de consentir des prêts à fins non professionnelles ou commerciales, dans le cadre du financement participatif de projets.

Afin d'améliorer la lisibilité des offres de financement participatif et de mieux réguler les pratiques, l'ordonnance n°2014-559 a aussi créé un statut spécifique d'intermédiaire en financement participatif (IFP), défini aux articles L. 548-2 à L. 548-6 du code monétaire et financier (voir commentaire de l'article 27 septies ).

A la date de rédaction de ce rapport, le registre ORIAS dénombre plus de 151 intermédiaires de financement participatif en activité. Selon les chiffres fournis par Financement Participatif France, 195,4 millions d'euros de prêts en financement participatif ont été consentis en 2017, ce qui représente un doublement des montants collectés en 2016. 24 126 projets ont ainsi été financés.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté lors de l'examen du texte en commission à l'Assemblée nationale. Dans sa version initiale, l'amendement visait à modifier le code monétaire et financier pour permettre le financement participatif non seulement de projets déterminés, mais aussi de la « raison d'être » d'une société :

À l'article L. 548-1, il était proposé de modifier la définition de l'intermédiation en financement participatif, afin d'autoriser le financement « d'un projet et d'une raison d'être de société déterminés » . Les personnes morales et physiques listées par l'article dans sa rédaction actuelle auraient ainsi pu bénéficier de prêts au titre de leur raison d'être elle-même. Celle-ci aurait été définie comme « l'expression de ce qui est indispensable pour remplir l'objet social au sens entendu par l'article 1835 nouveau du code civil ». La rédaction de l'article L. 548-1 était modifiée en divers endroits pour effectuer des coordinations nécessaires à l'introduction du financement de la raison d'être aux côtés du financement de projets ;

À l'article L. 548-6 , il était effectué d'autres coordinations afin de tenir compte de l'autorisation du financement de raisons d'être de sociétés ;

Enfin, à l'article L. 511-6, la dérogation au « monopole bancaire » relative au prêts de financement participatif était élargie afin d'y inclure le financement de raisons d'être de sociétés.

Le présent article, dans sa rédaction issue de la séance publique à l'Assemblée nationale, ne prévoit désormais plus qu'une simple modification de la définition des projets pouvant être financés, au cinquième alinéa de l'article L. 548-1 du code monétaire et financier.

La rédaction actuelle dudit article dispose que : « Au sens du présent chapitre, un projet consiste en un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d'une opération prédéfinie en termes d'objet, de montant et de calendrier ». Le présent article du projet de loi propose de la remplacer par la rédaction suivante : « Au sens du présent chapitre, un projet consiste en une opération ou un ensemble d'opérations prédéfinies en termes d'objet, de montant, de calendrier, de projection financière et de résultat attendu, conforme, le cas échéant, à la raison d'être de l'entreprise. »

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en séance publique remplace donc une définition du projet basée sur l'achat de biens ou de services, par deux modalités distinctes permettant alternativement le financement d'une opération ou celui d'une série d'opérations cohérentes avec la raison d'être de l'entreprise.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur note que le financement participatif est un mode de financement en plein essor, qui répond tout autant à un besoin économique de la part des porteurs de projet qu'à des attentes sociétales des financeurs. En 2017, 24 126 projets ont été financés, contre 17 775 en 2015. Selon les chiffres transmis par l'administration, 14 % des entreprises financées relèvent de l'économie sociale et solidaire.

L'administration a indiqué à votre rapporteur avoir été sollicitée au sujet du financement d'une « raison d'être » par les plateformes de financement participatif, qui estiment que la logique de projet qui prévaut dans le droit actuel ne remplit qu'une partie des attentes des financeurs et des porteurs de projet.

Votre rapporteur est d'avis qu'il peut être particulièrement intéressant pour les sociétés dont l'action est guidée par certains principes forts de solliciter des financements au titre d'un ensemble cohérent d'opérations , plutôt qu'un prêt fléché sur un projet d'achat uniquement. La présente mesure contribue à rendre opérationnelle et tangible la notion de raison d'être, intégrée dans le code monétaire et financier par l'article 61 du présent projet de loi. Au-delà d'une simple déclaration d'intentions, les sociétés pourront ainsi mettre en valeur les projets liés à leur raison d'être.

Votre rapporteur souligne par ailleurs que la mesure initialement adoptée à l'Assemblée nationale semblait imprécise et de nature à emporter des risques en matière de traçabilité des flux financiers et d'information des financeurs. La rédaction résultant de l'examen du texte en séance publique a cependant apporté des améliorations notables.

Toutefois, il ne semble pas judicieux d'imposer que les opérations ouvertes à financement participatif soient nécessairement conformes à la raison d'être de la société. Cette exigence paraît source de fragilité juridique et peut être de nature à limiter l'accès au financement participatif. Il semble contraire au principe d'égalité qu'une société ayant volontairement déclaré une raison d'être soit privée de certaines modalités de financement, vis-à-vis d'autres sociétés n'ayant pas de raison d'être. Pis, cela pourrait décourager les petites entreprises, qui préféreraient ne pas déclarer de raison d'être pour ne pas être soumises à un régime moins favorable que le droit commun.

Votre rapporteur recommande par ailleurs de préciser que la « raison d'être » mentionnée par le présent article est celle qui figurera à l'article 1835 du code civil, selon la définition introduite par l'article 61 du présent projet de loi. Cela permettra une meilleure articulation juridique, et de conférer sa pleine portée à cette nouvelle notion.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-337, qui modifie la définition de « projet » soumis à financement participatif :

- il clarifie la rédaction de la nouvelle définition de « projet » ouvert à financement participatif, afin de préciser que le financement peut être sollicité soit au titre d'une opération particulière, comme le prévoit le droit actuel, soit pour un ensemble d'opérations ;

- il précise que lorsqu'une société ayant déclaré une raison d'être sollicite un financement au titre d'une opération ou d'un ensemble d'opérations, il n'est pas impératif que ceux-ci soient conformes à la raison d'être. La société peut en revanche se prévaloir de cette conformité dans la présentation du projet ;

- il précise enfin que la « raison d'être » mentionnée par le présent article de code est celle définie à l'article 1835 du code civil, modifié par l'article 61 du présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 27 sexies ainsi modifié .

Article 27 septies A (supprimé)
Expérimentation assouplissant les règles d'octroi
par les associations à but non lucratif de microcrédits professionnels
dans les collectivités d'outre-mer

Le présent article a pour objet de transposer dans la loi une expérimentation qui existe déjà au niveau règlementaire et qui assouplit les règles d'octroi de microcrédit aux entreprises par des associations à Mayotte. Il prévoit d'étendre cette expérimentation à toutes les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

I. Le droit en vigueur

1. Les associations à but non lucratif sont autorisées par la loi à consentir des prêts finançant la création ou le développement d'entreprises

L'article L. 511-5 du code monétaire et financier énonce une interdiction générale d'offre de crédit ou de services bancaires de paiement par les personnes autres que les établissements de crédit ou société de financement, interdiction souvent décrite comme « monopole bancaire » .

Toutefois, l'article L. 511-6 du même code exclut du champ de cette double interdiction certaines entités, telles que les institutions publiques ou les entreprises d'assurance. D'autres organismes sont également autorisés à réaliser des opérations de crédit uniquement . 382 ( * )

Parmi ces entités bénéficiant d'une dérogation leur permettant de consentir des crédits figurent les associations sans but lucratif et fondations reconnues d'utilité publique, lorsqu'elles accordent des prêts pour la création, le développement et la reprise d'entreprises ou pour la réalisation de projets d'insertion. Le 5° de l'article L. 511-6 précité prévoit que les modalités d'octroi de ces crédits sont encadrées par décret (par exemple le seuil d'effectif salarié au-dessus duquel il ne peut être prêté à une entreprise, ou l'habilitation des associations autorisées).

Cette dérogation au bénéfice d'associations finançant le développement d'entreprises avait été introduite par l'article 19 de la loi ° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, puis élargie par l'article 81 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

2. Les modalités précises d'octroi de ces prêts relèvent de mesures règlementaires, qui ont récemment été modifiées pour faciliter l'octroi de microcrédits

Les modalités précises d'octroi de prêts par des associations ou fondations relèvent en grande partie du volet règlementaire du code monétaire et financier. La sous-section 1 de la section 5 du chapitre VIII du titre I er du livre V fixe notamment la procédure d'habilitation par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, article R. 518-58), les conditions devant être remplies par les associations et fondations souhaitant offrir des prêts (article R. 518-59), les obligations auxquelles elles sont soumises (article R. 518-10), et les caractéristiques précises des prêts ainsi consentis (article R. 518-11).

En particulier, au titre de l'article R. 518-61 du code monétaire et financier, les prêts octroyés dans le cadre de financement de création ou de développement d'entreprise doivent répondre aux critères suivants :

- ils sont effectués à titre onéreux, c'est-à-dire que les associations et fondations perçoivent une rémunération sur ces prêts ;

- ils ne peuvent être alloués à des entreprises employant plus de trois salariés ;

- les prêts doivent être remboursés sous cinq ans sauf exception motivée ;

- un nouveau prêt ne peut être consenti que si le bénéficiaire a remboursé le premier prêt qu'il a contracté ;

- le montant total des prêts de création ou de développement d'entreprise alloués par l'association ou fondation ne peut dépasser 12 000 euros par participant et par entreprise ;

- les prêts font l'objet d'un suivi particulier, dont les modalités sont déterminées par l'ACPR, et doivent être garantis.

Cet encadrement règlementaire a été progressivement assoupli depuis le premier décret n°2002-652 du 30 avril 2002 portant application du 5° de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier relatif aux associations habilitées à faire certaines opérations de prêts, qui n'autorisait que des prêts jusqu'à 6 000 euros par participant, et n'autorisait des prêts que dans les cinq ans suivant la création ou la reprise de l'entreprise. Ce plafond a été relevé à 10 000 euros par l'article 6 du décret n° 2009-682 du 12 juin 2009 portant extension de l'habilitation des associations et des fondations à pratiquer certaines opérations de crédit. Le décret n° 2016-22 du 14 janvier 2016 modifiant l'article R. 518-61 du code monétaire et financier a ensuite relevé le plafond à 12 000 euros , et permis l'octroi de nouveaux prêts dans les 7 ans suivant la création ou la reprise, pour les personnes déjà bénéficiaires.

Très récemment, l'article 1 er du décret n° 2018-950 du 31 octobre 2018 modifiant les conditions d'octroi de microcrédits professionnels par les associations et fondations habilitées a supprimé la condition d'octroi dans un délai limité suivant la création ou la reprise de l'entreprise. Des microcrédits peuvent donc être accordés pour le développement d'entreprises existant déjà depuis de nombreuses années.

3. L'octroi de microcrédits par des associations à Mayotte fait l'objet d'une expérimentation de nature règlementaire aux conditions plus favorables

Dans l'objectif d'encourager le développement de petites entreprises à Mayotte, où l'accès au crédit est particulièrement difficile, le décret n° 2017-563 du 18 avril 2017 autorisant à titre expérimental une dérogation aux règles d'octroi de microcrédits professionnels dans le Département de Mayotte a assoupli les conditions dans lesquelles un microcrédit peut être octroyé par les associations habilitées.

Au titre de l'article 1 er , et par dérogation à l'article R518-61, le plafond a été relevé à 15 000 euros par participant et par entreprise pour le Département de Mayotte, contre 12 000 dans le droit commun. La condition de création ou de reprise de l'entreprise dans les cinq années passées, instaurée par le décret n°2002-652 précité, a aussi été assouplie pour permettre l'octroi d'un prêt dans les dix ans suivant la création ou la reprise.

Ces mesures sont prévues à titre expérimental, et s'appliquent pour une durée de quatre ans à compter du 18 avril 2017 (c'est-à-dire jusqu'au 18 avril 2021). Au plus tard quatre mois avant le terme de l'expérimentation, une évaluation sous la forme d'un rapport du ministre de l'économie devra être publiée. La présentation du décret précise que : « Les impacts du présent décret seront évalués en vue de mesurer l'opportunité de mettre en place des dispositions similaires sur d'autres territoires ». Le conseil départemental de Mayotte a été consulté sur les dispositions de ce décret.

L'instauration de cette expérimentation de niveau réglementaire est le résultat du dispositif « France Expérimentation », lancé par le Gouvernement en 2016 dans l'objectif de permettre aux acteurs économiques de solliciter des dérogations expérimentales à des dispositions règlementaires ou législatives jugées trop restrictives. En 2017, l'association ADIE Mayotte a été retenue dans le cadre de l'appel à projets du Gouvernement (seul projet lauréat en outre-mer) et a obtenu l'instauration à titre expérimental de modalités plus favorables d'octroi de microcrédits. C'est l'une des cinq expérimentations règlementaires retenues en 2017.

L'ADIE Mayotte, association ayant qualité de réseau d'accompagnement reconnu d'utilité publique, indique : « En septembre 2017, nous lançons l'expérimentation qui durera 4 ans. 2018 sera donc la première année pleine de l'expérimentation, pendant laquelle nous comptons octroyer entre 2 et 3 millions d'euros par an supplémentaires, dédié à ces nouveaux prêts. » 383 ( * )

Selon les conclusions de l'appel à projets du Gouvernement, « présente à Mayotte depuis 1996, l'ADIE a constaté que le montant moyen des microcrédits qu'elle y accorde est supérieur à la moyenne nationale, et que l'octroi de microcrédits d'un montant supérieur au plafond prévu par la réglementation actuelle permettrait un meilleur accompagnement des projets. » 384 ( * ) Dès 2012, dans son Livre blanc pour améliorer l'environnement juridique et financier de la création d'entreprise et du microcrédit, l'ADIE proposait également d'élargir le délai prévu par décret afin de permettre à l'association de financer des entreprises de plus de cinq ans d'existence 385 ( * ) .

L'activité de microcrédit de L'ADIE à Mayotte

L'ADIE (Association pour le droit à l'initiative économique) est une association reconnue d'utilité publique créée en 1989. Son objectif est d'accompagner les personnes éloignées du marché du travail et du crédit bancaire, en finançant par des microcrédits les projets de création ou de développement d'entreprise. Elle dispose de plus de 120 antennes sur le territoire métropolitain et en outre-mer. Depuis 1989, plus de 160 000 microcrédits ont ainsi été accordés aux petites entreprises. 386 ( * )

Le microcrédit professionnel est l'une des composantes de la « microfinance » : il vise à octroyer des crédits de montant limité (inférieur à 25 000 euros selon la norme européenne), en vue de financer le rachat, la création ou la consolidation d'une très petite entreprise.

L'ADIE est présente à Mayotte depuis 1997. La situation du marché du travail y est particulière, la population mahoraise étant très jeune (70 % de personnes de moins de 25 ans) et le taux de chômage élevé (26 %, et 46 % chez les jeunes). 90 % du tissu économique local est constitué de micro-entrepreneurs. Afin d'encourager l'initiative en matière de création d'entreprise, et de faciliter l'accès au crédit pour des publics souvent jugés « à risque » par le système bancaire, l'ADIE se refinance auprès de banques puis, comme l'y autorise le 5° de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, consent des prêts de faible montant aux entrepreneurs sélectionnés. Elle mène en parallèle des actions de formation, conseil et suivi.

En 2017, l'association a ainsi octroyé 1 066 microcrédits à Mayotte, nombre en hausse de 6,5 % par rapport à 2016, pour un montant total de 11,69 millions d'euros. La création d'entreprise est dynamique, à + 16 % par rapport à 2016. Le taux de pérennité des entreprises financées est de 75 % à trois ans, au-dessus de la moyenne nationale, et le taux de remboursement est de 98 %. L'action de l'ADIE est particulièrement orientée vers les cheffes d'entreprise et les personnes sans qualification.

L'ADIE bénéficie de fonds de l'Agence française de développement (AFD) pour son action à Mayotte. L'association est également soutenue par le Fonds Social Européen (FSE), le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations. Elle travaille en partenariat avec Pôle emploi.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale en séance publique, avec un avis de sagesse du Gouvernement.

Il propose de mettre en place une expérimentation pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi, non codifiée au titre de la rédaction actuelle. Celle-ci consiste en un régime dérogatoire d'octroi de prêts pour la création ou le développement d'entreprise par des associations sans but lucratif, au bénéfice d'entreprises dont le siège social est situé dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Le caractère dérogatoire de ce régime d'octroi de prêts tiendrait à :

- la possibilité de consentir des prêts à des entreprises sans condition de délai après la création ou le rachat de l'entreprise (1°) ;

- un plafonnement des prêts à 15 000 euros par participant et par entreprise (2°).

III. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que cette mesure est d'ordre règlementaire, et de surcroît déjà partiellement satisfaite par les dispositions règlementaires en vigueur.

D'une part, l'expérimentation proposée n'instaure pas une dérogation à l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, qui permet à certaines associations à but non lucratif de consentir certains prêts, mais des dérogations aux dispositions règlementaires de l'article R. 518-61, qui fixe les conditions devant être remplies pour octroyer les prêts, ainsi que leurs plafonds. L'expérimentation proposée relève donc du niveau règlementaire, et non du domaine de la loi.

Par ailleurs, les mesures proposées par le présent article ne sont en réalité pas des dérogations, puisque le droit existant les satisfait déjà partiellement.

La condition d'octroi du prêt dans un délai limité suivant la création ou la reprise de l'entreprise de l'article R. 518-61 a été supprimée par l'article 1 du décret n° 2018-950 du 31 octobre 2018 modifiant les conditions d'octroi de microcrédits professionnels par les associations et fondations habilitées. Des microcrédits peuvent ainsi être accordés pour le développement d'entreprises existant déjà depuis de nombreuses années. Le 1° de l'article proposé est donc satisfait. 387 ( * )

D'autre part, à la suite de la sélection de l'ADIE Mayotte parmi les lauréats de France Expérimentation en 2017, le plafond a été relevé à 15 000 euros par participant et par entreprise (contre 12 000 dans le droit commun) par l'article 1 er du décret n°2017-563 du 18 avril 2017 autorisant à titre expérimental une dérogation aux règles d'octroi de microcrédits professionnels dans le Département de Mayotte. Le 2° de l'article proposé est donc satisfait.

Les seules mesures supplémentaires proposées par le présent article sont :

- la prolongation de la durée de l'expérimentation, qui serait désormais de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, contre quatre ans à compter du 18 avril 2017 au titre de l'article 2 du décret n° 2017-563 du 18 avril 2017 ;

- l'extension de ce dispositif à toutes les entreprises basées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

Ces deux extensions relèvent du niveau règlementaire. Rien ne justifie d'élever ce dispositif au niveau de la loi, son évolution pourra se faire par décret dans des délais plus réduits. Par ailleurs, votre rapporteur souligne que l'expérimentation devra, au titre du décret n° 2017-563 précité, faire l'objet d'une évaluation quatre mois avant son terme en 2021, comme l'a rappelé le Gouvernement dans sa présentation du dispositif France Expérimentation, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il paraît peu opportun de prévoir une prolongation du dispositif avant qu'une évaluation finale en ait été réalisée.

D'ailleurs, votre rapporteur relève que le Gouvernement n'a pas retenu cette mesure parmi les projets d'expérimentation devant être intégrés par voie d'amendement au projet de loi PACTE à la suite de l'appel à projets France Expérimentation (contrairement à deux expérimentations relatives au recensement et au bail à habilitation), mais a en revanche pris le décret n° 2018-950 précité. 388 ( * ) Cela confirme le caractère règlementaire de cette mesure.

En conséquence, et sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-338 de suppression du présent article .

Votre commission a supprimé l'article 27 septies A.

Article 27 septies
(art. L. 519-1, L. 519-2, L. 519-3-2, L. 519-3-4, L. 548-2
et L. 548-6 du code monétaire et financier)
Cumul et articulation entre les activités
des intermédiaires en financement participatif (IFP)
et les activités des intermédiaires en opérations de banque
et en services de paiement (IOBSP)

Le présent article a pour objet de modifier les régimes d'incompatibilité et les contraintes s'appliquant aux statuts d'intermédiaire en financement participatif (IFP) et d'intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP). Il propose notamment d'autoriser le cumul entre les activités d'IFP et d'IOBSP ; d'autoriser les IOBSP à orienter leurs clients vers des IFP, des entreprises d'assurances ou des sociétés de gestion et de renforcer les obligations déontologiques s'appliquant aux IFP.

I. Le droit en vigueur

1. Deux statuts distincts d'intermédiaires : les IOBSP et les IFP

Les activités des professionnels de l'intermédiation en opérations de banque et services de paiement, ainsi que de l'intermédiation en financement participatif, sont encadrées par le livre V du code monétaire et financier. Celui-ci distingue deux statuts :

Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP)

Les IOBSP fournissent des services en matière de crédits à la consommation, crédits immobiliers, dépôts ou services de paiement. Il s'agit essentiellement de courtiers en crédit et de mandataires.

Leur régime, défini aux articles L. 519-1 à L. 519-10 du code monétaire et financier, a été établi par l'article 36 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et modifié par les articles 7 à 9 de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation ;

Les intermédiaires en financement participatif (IFP)

Les IFP mettent en relation des porteurs de projets nécessitant un financement et des financeurs, via des plateformes de prêts ou de dons (à la différence des conseillers en investissement participatif, qui gèrent des investissements).

Le régime des IFP a été établi pour la première fois par l'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif 389 ( * ) , aux articles L. 548-1 à L. 548-6 du code monétaire et financier.

Selon l'ORIAS, registre unique auprès duquel doivent être immatriculés les IOBSP et les IFP, il existait en 2017 en France 28 609 IOBSP (dont les deux tiers sont des personnes morales) et 127 IFP (leur nombre ayant été multiplié par deux depuis 2016 en raison, notamment, de l'inscription des plateformes de dons) 390 ( * ) .

Les principales caractéristiques de ces deux statuts sont résumées ci-dessous :

IOBSP

IFP

Définitions
et obligation
d'immatriculation

(articles L. 519-1, L. 519-1-1,
L. 519-2, L. 519-3, L. 519-3-1
et L. 519-3-2)

(articles L. 548-1, L. 548-2
et L. 548-3)

ACTIVITES

Définition des activités d'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement : « activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation. »

Encadrement règlementaire des professionnels habilités : « Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent chapitre et détermine les catégories de personnes habilitées à exercer une activité d'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement. »

Les IOBSP peuvent aussi fournir à leurs clients des services de conseil en matière d'opérations de contrats de crédit.

ACTIVITES

Définition des activités d'intermédiation en financement participatif : activité qui « consiste à mettre en relation, au moyen d'un site internet, les porteurs d'un projet déterminé et les personnes finançant ce projet ». Seules les personnes morales peuvent être IFP.

Les catégories de personnes autorisées à offrir et recevoir de tels financements sont précisées ; ainsi que la notion de projet.

Les caractéristiques précises des prêts sont encadrées par décret. L'IFP est tenu de vérifier les informations transmises par le porteur de projet.

INCOMPATIBILITES

L'activité d'IOBSP ne peut s'exercer qu'entre « deux personnes dont l'une au moins est un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, ou un établissement de paiement », sur mandat de l'entreprise, ou par dérogation, sur mandat d'un autre IOBSP.

INCOMPATIBILITES

L'activité d'IFP ne peut pas être cumulée avec d'autres activités (hormis en leur qualité éventuelle « d'établissement de crédit, de société de financement, d'établissement de paiement, de prestataire de services d'information sur les comptes, d'établissement de monnaie électronique, d'entreprise d'investissement, de société de gestion de portefeuille, d'agent de prestataire de services de paiement ou de conseiller en investissement participatif »).

Si l'activité d'IFP est exercée à titre accessoire par un établissement de crédit, de paiement ou de monnaie électronique ou par une société de financement, elle peut être cumulée avec l'activité d'intermédiaire en assurance.

IMMATRICULATION

Les IOBSP sont soumis à une obligation d'immatriculation sur le registre ORIAS devant être vérifiée par les établissements mandants.

IMMATRICULATION

Les IFP sont soumis à une obligation d'immatriculation sur le registre ORIAS.

Autres conditions
d'accès et d'exercice

(articles L. 519-3-3, L. 519-3-4
et L. 519-4)

Les IOBSP « doivent remplir des conditions d'honorabilité et de compétence professionnelle fixées par décret en Conseil d'État » .

Ils doivent être couverts par une assurance si le mandant ne couvre pas les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle.

Ils doivent également justifier d'une garantie financière sur les fonds qui leur sont confiés.

(articles L. 548-4
et L. 548-5)

Les IFP « doivent remplir des conditions d'honorabilité et de compétence professionnelle fixées par décret en Conseil d'État ».

Ils doivent être couverts par une assurance couvrant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle, selon des conditions définies par décret.

Règles de bonne
conduite
et d'organisation

(articles L. 519-4-1, L. 519-4-2, L. 519-5, L. 519-6
et L. 519-6-1)

Les IOBSP sont soumis à une obligation de conduite « honnête, équitable, transparente et professionnelle » , et au respect de règles de bonne conduite et d'information des clients fixées par décret en Conseil d'État.

Ils sont aussi soumis à une obligation d'information des clients sur les activités des IOBSP et sur leurs liens avec des établissements.

Ils sont autorisés à percevoir une rémunération pour leurs services de conseil.

(article L. 548-6)

Les IFP sont soumis au respect de règles de bonne conduite et d'organisation définies par la loi, notamment en matière de publicité, d'information des clients sur leur activité d'IFP, sur les projets financés et sur les conditions du financement proposé. Ils doivent aussi fournir des documents spécifiques et gérer le suivi des opérations de financement.

Les conditions d'application de ces obligations et d'accès aux plateformes sont déterminées par un décret en Conseil d'État.

Liberté d'établissement
ou libre prestation
de services

(articles L. 519-7 à 519-10)

Encadrement de l'exercice d'activités d'IOBSP français dans des États membres de l'UE ou de l'EEE ; et de l'exercice en France des IOBSP d'États membres de l'UE ou de l'EEE.

Source : commission spéciale

2. Des régimes spécifiques d'incompatibilité

Les intermédiaires en financement participatif sont soumis à un régime spécifique d'incompatibilités , prévu à l'article L. 548-2 du code monétaire et financier.

Le principe est que l'activité d'IFP ne peut être cumulée avec d'autres activités (c'est-à-dire que seules les activités explicitement prévues à l'article L. 548-1 peuvent être exercées par les IFP immatriculés). Deux exceptions sont toutefois prévues, afin de permettre le cumul de l'activité d'IFP avec une autre activité exercée à titre principal :

- lorsque des établissements de crédit, sociétés de financement, établissements de paiement, prestataires de services d'information sur les comptes, établissements de monnaie électronique, entreprises d'investissement, sociétés de gestion de portefeuille, agents de prestataire de services de paiement ou conseillers en investissement participatif sont également immatriculés en tant qu'IFP, leur activité d'intermédiation en financement participatif peut alors être cumulée avec leurs activités habituelles ;

- les établissements de crédit, de paiement ou de monnaie électronique et les sociétés de financement exerçant à titre accessoire des activités d'IFP peuvent également exercer des activités d'intermédiaire en assurance.

L'activité des IOBSP est limitée par la condition, fixée à l'article L. 519-2, que l'une des deux personnes mises en relation ait qualité d'établissement de crédit, de société de financement, d'établissement de monnaie électronique fournissant des services de paiement ou d'établissement de paiement.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté en commission spéciale à l'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur. Il a fait l'objet d'une modification rédactionnelle en séance publique.

Il propose de modifier les régimes d'incompatibilités et de contraintes à l'exercice des activités d'intermédiaire en opérations de banque et services de paiement (IOBSP) et d'intermédiaire en financement participatif (IFP). Il vise à permettre aux IOBSP d'orienter leur client vers les nouveaux acteurs du crédit que sont les plateformes de financement participatif, les entreprises d'assurance ou les sociétés de gestion lorsque celles-ci représentent une offre adaptée pour leurs clients ; et à autoriser le cumul des activités d'IFP et d'IOBSP .

Les IOBSP pourraient servir d'intermédiaire vers une plateforme IFP

Le premier alinéa de l'article L. 519-2 est ainsi modifié pour donner la possibilité aux IOBSP de servir d'intermédiaire entre un client mandant et une plateforme à statut d'IFP ou une entreprise d'assurance (dans le cadre de ses activités de prêts) ou une société de gestion (dans le cadre de ses activités de gestion de FIA mentionnées à l'article L. 511-6). Dans le droit actuel, les IOBSP ne peuvent orienter leurs clients qu'en direction d'établissements de crédit, de société de financement, d'établissement de monnaie électronique fournissant des services de paiement ou d'établissement de paiement.

Il est par ailleurs proposé de compléter cet article de deux alinéas afin de préciser que « l'intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement peut, de manière complémentaire, mettre en relation les porteurs d'un projet déterminé avec un intermédiaire en financement participatif mentionné à l'article L. 548-2 » .

Enfin, il est prévu au même article de limiter à deux le nombre d'intermédiaires pouvant intervenir consécutivement dans le cadre de la même opération. Lorsqu'un IFP intervient simultanément à un IOBSP dans cette entremise, il ne pourrait alors être recouru à un autre IOBSP.

Le statut d'IFP pourrait être cumulé avec celui d'IOBSP

Le III de l'article L. 548-2 est modifié pour donner la possibilité aux IFP de cumuler leur activité d'intermédiation en financement participatif avec des activités d'IOBSP.

Dans le droit actuel, aucun cumul n'est autorisé en dehors du cumul avec les activités exercées à titre habituel par les établissements bancaires, sociétés de financements, et certains autres établissements ayant qualité d'IFP.

Par ailleurs, le droit actuel permet à certains établissements exerçant des activités d'intermédiaire en assurance d'exercer une activité d'IFP. Cette possibilité est étendue aux IOBSP exerçant à titre accessoire l'activité d'intermédiaire en assurance.

Les obligations déontologiques s'appliquant aux IFP seraient renforcées

Deux alinéas sont ajoutés à l'article L. 548-6 relatif aux obligations déontologiques et règles de bonne conduite des IFP. Par parallélisme avec les dispositions de l'article L. 519-4-1 relatif aux règles de bonne conduite s'appliquant aux IOBSP, il est prévu que : « Les intermédiaires en financement participatif doivent se comporter de manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts de leurs clients, y compris de leurs clients potentiels » .

Une disposition additionnelle relative à la prévention des conflits d'intérêts a été insérée au même article, imposant aux IFP de prendre et de documenter « toutes les mesures raisonnables visant à détecter et empêcher les risques de conflits d'intérêts pouvant se poser dans le cadre de leur activité » .

Des mesures de coordination sont prévues

Par coordination avec la modification de l'article L. 519-2, qui permet aux IOBSP de servir d'intermédiaire entre un client mandant et une plateforme à statut d'IFP, une entreprise d'assurance (dans le cadre de ses activités de prêts), ou une société de gestion (dans le cadre de ses activités de gestion de FIA mentionnés à l'article L. 511-6), il est porté mention de ces trois types d'entités :

- au III de l'article L. 519-1 , relatif à la détermination par décret des catégories des IOBSP habilités à exercer afin de prévoir les cas d'obligations contractuelles d'exclusivité ;

- à l'article L. 519-3-2, relatif à l'obligation de vérification de l'immatriculation par les entités ayant recours aux services d'IOBSP ;

- à la première phrase de l'article L. 519-3-4, afin d'étendre l'obligation de couverture par le mandant ou par une assurance.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que la mesure proposée, qui améliore l'articulation entre les activités d'intermédiation entre porteurs de projets, financeurs individuels et institutions financières, permettra de faciliter l'accès au financement des entreprises françaises. Elle est de nature a fluidifier le parcours d'accès au crédit des entreprises clientes, les intermédiaires, qu'ils soient IOBSP ou IFP, pouvant désormais les orienter vers l'offre la plus pertinente.

D'ailleurs, votre rapporteur salue les précautions prises afin d'éviter de rallonger inutilement la chaîne d'intermédiation , ce qui serait source de coûts et de délais inutiles pour les entreprises : le présent article prévoit qu'un IOBSP puisse orienter son client vers un autre IOBSP ou vers un IFP, mais que celui-ci ne pourra pas à son tour le diriger vers un autre intermédiaire.

Par ailleurs , votre rapporteur s'est assuré que les dispositions proposées s'inscrivent dans le cadre juridique européen et sont conformes aux préconisations de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ainsi que de l'Autorité des marchés financiers (AMF). D'autre part, il souligne que le cumul des deux statuts d'IOBSP et d'IFP ne dispense en rien les établissements et sociétés des obligations prévues par le droit actuel. En cas de cumul d'activité, ils seront soumis aux deux régimes, sous le contrôle de l'ACPR.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-339 rédactionnel visant à clarifier la limitation du recours consécutif à plus de deux intermédiaires.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 27 octies (supprimé)
(art. L. 313-12 du code monétaire et financier)
Extension du délai de préavis minimal pour l'interruption
ou la réduction d'un concours à durée indéterminée à une entreprise
dans le cadre d'un crédit d'exploitation

Le présent article a pour objet d'augmenter de 60 à 90 jours le délai de préavis minimal fixé par la loi, lorsqu'un établissement bancaire décide d'interrompre ou de réduire le concours à durée indéterminée consenti à une entreprise dans le cadre d'un crédit d'exploitation.

I. Le droit en vigueur

Les conditions dans lesquelles les crédits d'exploitation aux entreprises sont accordés et mis en oeuvre sont fixées à la sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du code monétaire et financier.

L'article L. 313-12 du code encadre les conditions dans lesquelles les établissements de crédit ou sociétés financières peuvent interrompre les concours accordés aux entreprises dans le cadre d'un crédit d'exploitation . Tout concours, c'est-à-dire autorisation de découvert, à durée indéterminée et autre qu'occasionnel, ne peut être réduit ou interrompu que dans les conditions suivantes :

- la réduction ou interruption doit être notifiée par écrit ;

- cette décision doit être motivée si l'entreprise en fait la demande (mais les raisons de cette décision ne peuvent être communiquées à des tiers) ;

- un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours doit être respecté (hors comportement gravement répréhensible du débiteur ou en cas de situation irrémédiablement compromise). Un délai de préavis minimum de soixante jours est fixé par la loi .

En cas de non-respect de ces conditions, l'établissement de crédit ou société de financement s'expose à des sanctions pécuniaires.

L'encadrement de la durée de préavis a été progressivement renforcé :

• Un premier niveau de contrôle avait été instauré par l'article 60 de la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ne prévoyant tout d'abord que la fixation d'un délai de préavis contractuel , dans l'objectif de protection des déposants et des emprunteurs.

• L'article 24 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique avait ensuite renvoyé à un décret le soin de fixer, selon les catégories de crédit et les usages bancaires (mais en réalité fixé règlementairement de manière uniforme), le délai minimal devant être respecté par les établissements de crédit. Cette contrainte s'appliquait à peine de nullité de l'interruption du concours.

• Enfin, l'article 1er de la loi n° 2009-1255 du 19 octobre 2009 tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers a fixé dans la loi un préavis minimal de soixante jours .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale.

Il vise à augmenter le délai minimal légal de préavis de 60 à 90 jours . Les établissements bancaires et sociétés de financement devraient désormais notifier par écrit aux entreprises clientes bénéficiant d'un concours bancaire leur intention d'y mettre fin ou de le réduire, au plus tard 90 jours avant d'y procéder.

La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier est modifiée en ce sens.

III. La position de votre commission

L'existence d'un préavis minimal avant le retrait de l'autorisation de découvert ou la réduction de son plafond emporte des enjeux importants pour la trésorerie des entreprises . En effet, en raison de retards d'exécution ou de délais de paiement par exemple, les entreprises, en particulier les PME, ont souvent besoin de la flexibilité et de la liquidité offerte par les concours bancaires. Lorsque les banques choisissent d'interrompre le concours, un délai suffisamment long est nécessaire pour permettre à l'entreprise de trouver d'autres solutions de financement .

À l'inverse, pour les banques, un solde courant bancaire durablement négatif peut alerter sur des problèmes de trésorerie, voire sur des difficultés plus profondes du client. Dans le cas où l'entreprise concernée est effectivement en grande difficulté, un préavis trop long fait peser un risque important sur le recouvrement des montants dus, et peut plonger l'entreprise dans une situation plus difficile encore .

En conséquence, votre rapporteur appelle à la plus grande prudence . L'administration a indiqué n'avoir reçu aucune sollicitation allant dans le sens de cet amendement. A l'inverse, les personnes auditionnées par votre rapporteur en amont de l'examen du texte au Sénat ont mis en évidence le risque d'effets adverses qu'emporterait l'augmentation du délai de préavis minimum. Si les établissements de crédit craignent que ce délai prolongé ne leur permette pas de limiter leurs pertes en cas d'insolvabilité du client, il est probable qu'ils réduisent leur financement et leurs concours aux entreprises les plus fragiles . Or, ce sont justement ces petites entreprises, parfois en difficulté, dont les besoins de trésorerie et de crédit sont les plus conséquents. Les montants en jeu sont très significatifs, puisque l'encours de crédit de trésorerie des entreprises françaises représente plus de 232 milliards d'euros en 2018.

D'ailleurs, si les auteurs de cet amendement indiquent qu'une prolongation du préavis permettrait aux entreprises en difficulté de retrouver une trésorerie positive, votre rapporteur souligne que la décision de réduire ou d'interrompre un concours bancaire résulte souvent de difficultés de long-terme de l'entreprise cliente. Le seul retour à un solde créditeur ne témoigne pas nécessairement d'une amélioration de la situation de l'entreprise.

Votre rapporteur note également que la durée de préavis minimale de soixante jours est restée inchangée depuis le décret n °2005-1743 du 30 décembre 2005 portant application de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, qui l'avait fixé règlementairement à soixante jours, avant que cette durée ne soit inscrite dans la loi en 2009.

Il ne convient pas de modifier cette durée sans aucune consultation préalable des acteurs, ni estimation de ses impacts sur l'offre de crédit et de concours aux entreprises, en particulier les plus vulnérables . Sollicité à ce sujet par votre rapporteur, le Gouvernement a indiqué que l'administration ne dispose pas à ce jour de données agrégées sur les concours bancaires, la fréquence des interruptions et la durée effective de préavis, qui permettraient de réaliser une telle évaluation.

En conséquence, sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-340 de suppression du présent article.

Votre commission a supprimé l'article 27 octies .

Article 27 nonies (supprimé)
Expérimentation de financement participatif sous forme de prêts portant intérêt au sein d'une communauté professionnelle

I. Le droit existant

Pour une présentation complète du cadre juridique du financement participatif, il est renvoyé au commentaire de l'article 27 sexies .

Les intermédiaires en financement participatif sont régis par les articles L. 548-1 à L. 548-6 du code monétaire et financier.

L'article L. 548-1 dudit code précise le périmètre des opérations pouvant faire l'objet d'un financement participatif , en distinguant selon que le prêt peut être avec ou sans intérêt :

- d'une part, le financement, par des particuliers, de projets de personnes morales ou physiques agissant à des fins professionnelles, sous réserve que le prêt soit contracté à taux fixe et non usuraire au sens de l'article L. 314-6 du code de la consommation ;

- d'autre part, le financement de formations initiales ou continues ainsi que de projets personnels, sous réserve que le prêt soit consenti sans intérêt.

Le droit en vigueur ne permet donc pas les prêts rémunérés entre personnes physiques agissant à des fins non professionnelles.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue député Jean-Noël Barrot, rapporteur, et avec un avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement introduisant le présent article, prévoyant une expérimentation de financement participatif entre particuliers d'une même communauté professionnelle pour certains types de crédits à la consommation afin de concrétiser un projet personnel.

1.  Les caractéristiques du crédit pouvant faire l'objet de l'expérimentation de financement participatif

Le I du présent article propose d'autoriser, à titre expérimental, pendant une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, un intermédiaire en financement participatif à mettre en relation des prêteurs et des emprunteurs ayant des liens établis au sein d'une même entreprise ou d'un même groupe d'entreprises pour des opérations de crédit à la consommation 391 ( * ) , à l'exception des crédits renouvelables et du regroupement de crédit. L'appréciation des liens de communauté professionnelle s'étend aux salariés, dirigeants, associés, clients et fournisseurs.

L'intermédiaire en financement participatif, qui doit être immatriculé sur le registre unique tenu par l'ORIAS prévu à l'article L. 512-1 du code des assurances, ne pourrait proposer cette offre qu'à titre complémentaire à leur activité d'intermédiation en financement participatif de droit commun. Le premier alinéa du V du présent article indique que l'intermédiaire devrait inscrire sa mise en oeuvre de cette expérimentation au registre unique .

Le III du présent article fixe les modalités du crédit pouvant être contracté dans le cadre de cette expérimentation , à titre dérogatoire des dispositions applicables du code monétaire et financier en matière de financement participatif et du code de la consommation en matière de crédit à la consommation. Les conditions suivantes sont proposées :

- le crédit doit être conclu à taux fixe ;

- un montant maximal pouvant être emprunté par l'emprunteur de 30 000 euros ;

- un montant maximal pouvant être prêté par le prêteur pour une même opération de 2 000 euros ;

- une durée maximale de remboursement du prêt de 60 mois .

Il en résulte que l'échéance mensuelle de remboursement maximale pour l'emprunteur pourrait s'établir à 500 euros .

Le 2 du II du présent article précise les définitions applicables dans le cadre de l'expérimentation proposée pour l'emprunteur et le prêteur, qui, par opposition aux règles en vigueur pour le crédit à la consommation, sont des personnes physiques agissant à des fins non professionnelles ou commerciales. Le projet au financement duquel le crédit est contracté correspond à la définition en vigueur inscrite à l'article L. 548-1 du code monétaire et financier, à savoir « un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d'une opération prédéfinie en termes d'objet, de montant et de calendrier ». L'emprunteur doit fournir à l'intermédiaire en financement participatif des éléments précis permettant d'identifier ce projet.

Pour permettre à l'intermédiaire en financement participatif d'apprécier la solvabilité de l'emprunteur , et par cohérence avec les obligations qui lui incombent (voir infra ), le deuxième alinéa du IV du présent article l'autorise à consulter le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiements caractérisés (FICP). Parallèlement, il serait également tenu de le renseigner en cas d'incident de paiement constaté pour un crédit contracté dans le cadre de l'expérimentation.

Dans ce cadre, il est précisé que l'intermédiaire ne peut divulguer à une quelconque personne autre que l'emprunteur les informations contenues dans ce fichier. De même, l'utilisation des renseignements ainsi obtenus est circonscrite au seul financement du projet personnel visé par la présente expérimentation.

2. Les obligations incombant à l'intermédiaire en financement participatif dans le cadre du contrat de crédit à la consommation

Le dernier alinéa du III du présent article précise que les opérations de prêt devront répondre au formalisme prévu par le livre III du code de la consommation pour sa partie relative au crédit à la consommation, à savoir : les prescriptions prévues en matière de publicité, d'information précontractuelle, d'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur , ainsi que les obligations relatives à la formation du contrat et à son exécution. En particulier, l'intermédiaire en financement participatif devra fournir au prêteur et à l'emprunteur le contrat de crédit répondant aux exigences prévues par le code de la consommation 392 ( * ) .

Dès lors que le prêteur est une personne physique n'agissant pas pour des fins professionnelles ou commerciales, le premier alinéa du IV du présent article détaille les conditions dans lesquelles l'intermédiaire en financement participatif devra effectuer certaines obligations pour le compte du prêteur, en particulier s'agissant du formalisme des opérations de crédit à la consommation mentionné au paragraphe précédent.

Le dernier alinéa du IV du présent article précise, par cohérence avec le fait qu'il ne pourrait proposer cette offre expérimentale qu'à titre complémentaire de son activité classique, que l'intermédiaire en financement participatif doit remplir les obligations prévues par le code monétaire et financier pour ce type d'opérateur , ainsi que celles relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme 393 ( * ) .

Trois exceptions sont toutefois prévues pour :

- le rapport annuel d'activité devant être publié par les intermédiaires en financement participatif, dans la mesure où une obligation analogue est prévue par ailleurs (cf. infra ) dans le cadre de l'évaluation de l'expérimentation ;

- la fourniture aux prêteurs d'informations concernant les caractéristiques du projet et du prêt, ce qui n'est pas cohérent avec les dispositions prévues par ailleurs et devrait donc être supprimé ;

- la fourniture aux porteurs de projet d'un document synthétique récapitulant les principales caractéristiques du prêt, obligation redondante avec celles par ailleurs prévues par le code de la consommation.

3. Le suivi de l'expérimentation

Au terme du deuxième alinéa du V du présent article , l'intermédiaire en financement participatif devrait transmettre chaque trimestre à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) les caractéristiques des prêts consentis dans le cadre de l'expérimentation.

À l'issue de la période d'expérimentation , il devrait également remettre un rapport d'évaluation au ministre chargé de l'économie et à l'ACPR.

Il est renvoyé à un décret le détail des modalités d'application de ces deux obligations, en particulier s'agissant du contenu du rapport d'évaluation

III. La position de la commission

L'expérimentation envisagée par le présent article vise à étendre le champ du financement participatif entre particuliers au-delà de la sphère du don ou du prêt gratuit, pour aborder les prêts rémunérés apparentés aux crédits à la consommation.

Des garde-fous sont prévus, avec l'exclusion du crédit renouvelable et des opérations de regroupement de crédit . Toutefois, compte tenu des effets de ces types de crédits sur l'endettement des particuliers 394 ( * ) , il s'agit avant tout d'une précaution indispensable et logique .

En outre, un périmètre restreint est proposé pour définir les prêts qui pourraient ainsi être expérimentés. L'intermédiaire en financement participatif pourrait uniquement mettre en relation des prêteurs et emprunteurs faisant partie d'une même communauté professionnelle , entendue au sens large puisque les clients et fournisseurs y seraient inclus.

L'objet de cette restriction s'inscrit dans un double objectif :

- elle s'inscrit d'abord dans le cadre du modèle économique du financement participatif , reposant sur une logique de liens faibles entre individus ;

- elle vise surtout à définir une forme de garantie implicite de remboursement , dès lors que des liens existent entre l'emprunteur et ses prêteurs.

Pour autant, votre rapporteur considère que le calibrage du périmètre n'est guère satisfaisant en pratique .

En effet, peu d'entreprises disposent en France d'un nombre d'employés ou d'une clientèle suffisamment large pour réunir en leur sein une offre et une demande susceptibles de concrétiser cette expérimentation. Son bénéfice serait donc réservé à certaines catégories de salariés , au premier rang desquels les employés de grandes entreprises. Or près de 40 % de l'emploi salarié tient à des petites et moyennes entreprises et à des microentreprises 395 ( * ) . De même, l'ensemble des fonctionnaires serait exclu du champ de l'expérimentation.

Certes, le principe d'une expérimentation est de porter sur un panel restreint, avant une éventuelle généralisation à l'ensemble de la population. Toutefois, le panel envisagé s'accompagne d'un fort biais de sélection, susceptible de remettre en cause les conclusions qui pourraient en être tirées .

Dans ces conditions, en l'état du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, votre rapporteur considère que l'expérimentation envisagée n'est pas satisfaisante.

Face à ce constat, il a d'abord étudié la possibilité d'élargir le périmètre de l'expérimentation , par exemple en limitant le critère d'appartenance à une communauté professionnelle aux emprunteurs uniquement. Cette évolution aurait considérablement accru le champ potentiel des crédits pouvant faire l'objet d'un financement participatif.

De ce point de vue, votre rapporteur rappelle que le crédit à la consommation ne constitue pas une opération anodine.

Un encadrement strict est prévu par le code de la consommation ; il a été renforcé successivement en 2010 396 ( * ) et 2014 397 ( * ) , ce qui s'est traduit par une diminution progressive de leur part dans les dossiers de surendettement. Les crédits contractés progressent toutefois : pour les seuls prêts personnels, une croissance moyenne annuelle supérieure à 4 % est enregistrée depuis 2013, pour atteindre un encours total de 13,5 milliards d'euros fin 2017 398 ( * ) .

Dans un contexte de taux faibles, cette expérimentation pourrait alimenter un phénomène de sélection adverse , où ce seraient en priorité les personnes ne pouvant accéder au crédit à la consommation classique qui recourraient à ce type de mécanisme.

Au-delà des exigences prévues, il importe de s'assurer que les établissements distribuant le crédit à la consommation soient en capacité de les mettre effectivement en oeuvre.

À cet égard, votre rapporteur souligne le caractère encore peu mature du secteur du financement participatif , dont le premier encadrement législatif date de 2014 399 ( * ) . Les contraintes réglementaires enserrant l'activité d'intermédiaire en financement participatif se caractérisent par une certaine souplesse : une simple immatriculation à l'ORIAS (organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance), sous réserve d'enregistrements ou d'agréments complémentaires en fonction des prestations fournies.

En l'état actuel, les conditions d'une protection effective du consommateur ne semblent donc pas réunies pour envisager une ouverture du crédit à la consommation aux plateformes de financement participatif . La récente étude de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir étaye cette préoccupation 400 ( * ) .

C'est pourquoi votre commission a adopté l' amendement COM-541 visant à supprimer le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 27 nonies .

Article 28
(art. L. 227-2-1, L. 228-11, L. 228-12, L. 228-15
et L. 228-98 du code de commerce)
Assouplissement du régime des actions de référence

L'article 28 du projet de loi comporte plusieurs mesures destinées à assouplir le régime des actions dites de préférence, en vue de le rendre plus attractif pour les sociétés susceptibles de trouver avantage à la création de telles actions, en particulier pour leur développement.

I. Le droit en vigueur

Les actions de préférence ont été créées par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale 401 ( * ) , puis réformées une première fois par l'ordonnance n° 2008-1145 du 6 novembre 2008 relative aux actions de préférence. Votre rapporteur se félicite que la seconde réforme des actions de préférence n'ait pas lieu par ordonnance. Cette seconde réforme est justifiée par le fait que les actions de préférence n'ont toujours pas rencontré le succès escompté et demeurent peu utilisées par les sociétés potentiellement visées.

Le code de commerce prévoit que des actions de préférence peuvent être créées lors de la constitution de la société ou au cours de son existence. Ces actions peuvent être créées avec ou sans droit de vote et être assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent . Le droit de vote peut aussi être aménagé ou suspendu pour une durée donnée. Ces droits particuliers doivent être définis par les statuts de la société, dans le respect de certaines règles ou limites prévues par le code. Ils concernent principalement, en pratique, le droit de vote et le droit de participation aux dividendes.

En principe, les actions de préférence peuvent être très utiles pour les sociétés en croissance , car elles permettent, en particulier, de donner des droits spécifiques à un investisseur qui s'engage pour accompagner la croissance d'une entreprise, ou bien de moduler ses droits. Il peut s'agit de droits de vote minorés voire d'une absence de droit de vote, pour conserver aux fondateurs la maîtrise de leur société en limitant ou supprimant le risque de dilution du capital, ou de droits à dividende majorés ou garantis, pour convaincre un investisseur de venir au tour de table. Il s'agit donc en théorie d'un outil de nature à favoriser le capital-risque et l'investissement dans les entreprises innovantes et en croissance, de façon maîtrisée pour les dirigeants et les fondateurs . Les actions de préférence peuvent également permettre de favoriser la transmission progressive d'une entreprise.

Toutefois, les rigidités du régime des actions de préférence sont régulièrement mises en avant pour expliquer leur relatif insuccès , de sorte que les milieux professionnels demandent des assouplissements de longue date afin de le rendre plus attractif.

Déposée par notre collègue Thani Mohamed Soilihi et adoptée par le Sénat le 8 mars 2018 sur le rapport de notre collègue André Reichardt, au nom de la commission des lois, la proposition de loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés 402 ( * ) comporte des mesures de réforme des actions de préférence à son article 41. L'auteur du texte avait en outre proposé de les compléter, par amendement, mais le Gouvernement, représenté par M. Bruno Le Maire, avait préféré renvoyer le débat au présent projet de loi. Les mesures figurant dans le projet de loi recoupent largement celles discutées lors de la proposition de loi, sans toutefois aller aussi loin sur certains éléments d'assouplissement.

II. Le dispositif proposé

Ainsi, le projet de loi prévoit, en premier lieu, l'assouplissement de la possibilité, pour les sociétés non cotées , quel que soit leur statut (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées...), de créer des actions à droit de vote multiple , et pas simplement des actions à droit de vote double comme aujourd'hui, dérogeant ainsi complètement au principe égalitaire selon lequel une action donne droit à une voix.

Votre rapporteur approuve le maintien des règles actuelles pour les sociétés cotées, pour lesquelles la détention du capital au sein du public ne se prête guère à des droits de vote multiple. Seule la possibilité de droits de vote double continuera à s'y appliquer, le cas échéant de façon automatique en vertu des dispositions adoptées dans la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange ».

La commission spéciale de l'Assemblée nationale, à l'initiative de nos collègues députés Patricia Mirallès et Adrien Taquet, a procédé au même assouplissement pour les sociétés par actions simplifiées faisant appel au financement participatif, par cohérence. Ces sociétés sont en effet soumises, au sein du code, à un régime spécifique issu de l'ordonnance n°  2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif.

Le projet de loi prévoit, en second lieu, la suppression du droit préférentiel de souscription en cas d'augmentation de capital pour toutes les actions de préférence , sauf stipulation contraire des statuts, alors que ce droit demeure aujourd'hui dans certains cas, notamment lorsque les actions ne donnent qu'un droit limité de participation aux dividendes, ce qui crée une complexité dans les opérations d'augmentation de capital en présence de détenteurs d'actions de préférence. Ce faisant, le texte supprime une sur-transposition par rapport à la directive 2012/30/UE du 25 octobre 2012 sur le droit des sociétés.

Le projet de loi, en troisième lieu, procède à la correction d'une incohérence rédactionnelle concernant la procédure dite des avantages particuliers. Cette procédure prévoit l'établissement d'un rapport par un commissaire aux comptes, appelé commissaire aux avantages particuliers, sur la création des actions de préférence, afin que les actionnaires existants soient pleinement informés des effets d'une telle création sur leurs droits futurs. Ainsi, cette procédure doit logiquement s'appliquer en cas d'émission d'actions de préférence au profit de toute personne et pas seulement au profit des actionnaires existants, comme le droit actuel en dispose.

Le projet de loi tend aussi à supprimer une disposition redondante concernant des restrictions en matière de création d'actions de préférence.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a également prévu la faculté de rachat des actions de préférence, par la société, à l'initiative conjointe de la société et du détenteur de l'action , et pas seulement à l'initiative exclusive de la société, comme c'est le cas en l'état du droit, en vue de faciliter la sortie du capital des investisseurs détenteurs des actions de préférence.

Enfin, le projet de loi précise que ces modifications du régime des actions de préférence ne sont applicables qu'aux actions émises à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans application rétroactive aux actions déjà émises. Votre rapporteur approuve pleinement cette précaution, gage de sécurité juridique et de stabilité pour les sociétés ayant déjà procédé à de telles émissions jusqu'à présent.

III. La position de votre commission

Il est ressorti des auditions de votre rapporteur que, si le régime actuel des actions de préférence n'est pas adapté aux réalités de la vie des sociétés, les mesures de simplification et d'assouplissement prévues par le projet de loi n'allaient sans doute pas assez loin pour le rendre réellement attractif et donc pour en faire un instrument efficace de nature à favoriser l'investissement dans les petites et moyennes entreprises.

Aussi votre commission a-t-elle adopté, sur la proposition de son rapporteur, un amendement COM-382 complétant en ce sens le projet de loi, dans la continuité des travaux du Sénat sur la proposition de loi précitée de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés.

Premièrement, votre commission a relevé, dans les sociétés non cotées, la proportion maximale du capital social que peuvent représenter les actions de préférence de la moitié aux trois quarts, afin de donner plus de marges de manoeuvre aux sociétés souhaitant recourir à ce type d'actions.

Deuxièmement, elle a prévu que les statuts de la société pouvaient autoriser le conseil d'administration ou le directoire à décider directement le versement de dividendes spécifiques pour les détenteurs d'actions de préférence , ce qui permettrait de donner des garanties à des investisseurs sur la rémunération du capital investi. Ce dispositif comporte des garanties, avec l'approbation des comptes annuels et la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'assemblée générale préalablement à cette décision, l'obligation d'égalité de traitement des actionnaires se trouvant dans la même situation et un compte rendu à l'assemblée générale suivante.

Troisièmement, votre commission a autorisé le rachat des actions de préférence à l'initiative exclusive de leur détenteur , alors qu'aujourd'hui le rachat est à l'initiative exclusive de la société et que le projet de loi ne prévoit que le rachat à l'initiative conjointe de la société et du détenteur, ce qui ne change guère les choses en pratique. Les trois modalités seraient possibles et il appartiendrait aux statuts de choisir, préalablement à l'émission. Il s'agit de simplifier la sortie des investisseurs du capital de la société dont ils ont accompagné le développement, et par conséquent d'encourager l'entrée au capital des investisseurs dès lors qu'ils peuvent plus librement en sortir s'ils le souhaitent. Des garanties sont prévues, avec la fixation des conditions et délais de rachat par les statuts, de façon à ce que la société puisse garder une certaine maîtrise du processus de rachat.

Ces mesures font consensus chez les organisations concernées par la question des actions de préférence.

En outre, par cet amendement, votre commission a procédé à une mise en cohérence dans la codification des dispositions applicables aux actions de préférence et a supprimé une mention inutile.

Votre commission a adopté l'article 28 ainsi modifié .

Article 28 bis
(art. L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce
et 163 bis G du code général des impôts)
Autorisation de rémunération des administrateurs et des membres
de conseil de surveillance en bons de souscription de parts
de créateur d'entreprise

I. Le droit en vigueur

1. L`encadrement des rémunérations des dirigeants

La rémunération des administrateurs et des membres du conseil de surveillance des entreprises est encadrée, dans des conditions définies aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce.

Sous réserve des dispositions relatives aux administrateurs salariés, l'article L. 225-44 prévoit que les administrateurs ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles prévues aux articles L. 225-45 (jetons de présence), L. 225-46 (rémunérations exceptionnelles pour mission ou mandat), L. 225-47 (rémunération du président du conseil d'administration) et L. 225-53 (directeurs généraux délégués). L'article L. 225-85 prévoit le même type de contrainte pour les membres du conseil de surveillance.

2. Les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE)

Les BSPCE prévus à l'article 163 bis G du code général des impôts confèrent à leurs bénéficiaires le droit de souscrire des titres représentatifs du capital de leur entreprise à un prix définitivement fixé au jour de leur attribution. Les BSPCE leur offrent ainsi la perspective de réaliser un gain en cas d'appréciation du titre entre la date d'attribution du bon et la date de cession du titre acquis au moyen de ce bon.

Les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, aux membres de leur personnel salarié et à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés.

Elles peuvent également attribuer ces bons aux membres du personnel salarié et aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés des sociétés dont elles détiennent au moins 75 % du capital ou des droits de vote.

Les BSPCE sont identifiés comme un outil très intéressant pour attirer et fidéliser des salariés. Souvent émis gratuitement et soumis à un régime fiscal et social favorable, ces bons permettent aux sociétés d'associer leurs salariés au développement de l'entreprise et notamment à la création de valeur, à moindre frais. Cela permet donc aux plus jeunes entreprises d'attirer des talents quand elles ne peuvent pas rivaliser en termes de salaires avec des sociétés plus établies.

C'est l'Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) qui décide de l'émission des bons ainsi que de l'émission des titres auxquels donneront droit les BSPCE.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 28 bis , article additionnel adopté en séance publique à l'initiative de notre collègue député et rapporteur, Roland Lescure, élargit les formes autorisées de rétribution des administrateurs en y ajoutant les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) définis par l'article 163 bis G du code général des impôts.

L'objectif affiché par le rapporteur de l'Assemblée nationale est d'« attirer dans des jeunes entreprises des administrateurs suffisamment motivés et qualifiés, sans avoir dans l'immédiat les moyens de leur offrir des rémunérations suffisamment attractives sous forme de jetons de présence ».

Le I de l'article 28 bis modifie le code de commerce. Tout d'abord il complète le premier alinéa de l'article L. 225-44 en indiquant que les administrateurs « peuvent toutefois être rémunérés sous la forme d'attribution de bons mentionnés au II de l'article 163 bis G du code général des impôts ». Il modifie ensuite l'article L. 225-85 pour consacrer la même possibilité en faveur des membres du conseil de surveillance, mais selon une rédaction différente : l'attribution de BSCPE est insérée dans la liste des exceptions aux interdictions de rémunération, au même titre, par exemple, que les jetons de présence.

Le II du présent article modifie également l'article 163 bis G du code général des impôts.

Tout d'abord il précise que les conditions d'imposition des bons attribués s'apprécient lorsque la personne exerce son activité « ou, le cas échéant, son mandat », depuis moins de trois ans. Il est ainsi fait référence au cas des administrateurs ou membres de conseil de surveillance qui n'exercent pas une activité mais seulement un mandat.

Ensuite il consacre la nouvelle catégorie des bénéficiaires des BSPCE puisqu'il indique que « les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, aux membres de leur personnel salarié et aux membres de leur conseil d'administration, de leur conseil de surveillance ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent ». Il n'est dès lors plus fait référence aux « dirigeants soumis au régime fiscal des salariés ».

III. La position de votre commission

Lors des auditions de vos rapporteurs, toutes les personnes interrogées ont salué l'évolution législative amenée par l'article 28 bis . La direction générale du Trésor a quant à elle précisé que cette réforme répondait à une demande de France Digitale et des entreprises « notamment des secteurs des biotechs et des medtechs. En effet, dans un communiqué du 5 juin 2018, l'autorité des marchés financiers (AMF) indiquait avoir identifié le développement d'une pratique de la part d'une catégorie d'émetteurs (« biotechs » et « medtechs ») consistant à émettre des bons de souscription d'actions (BSA) attribués à des administrateurs à titre gratuit ou à des conditions de prix qui ne reflètent pas leur valeur de marché ». Or, compte tenu des limites posées par l'article L. 225-44 du code de commerce, l'AMF recommandait aux sociétés intéressées par l'attribution de BSA de les émettre à des conditions de marché afin de garantir la légalité de ces bons.

Dans son avis du 5 juin l'AMF concluait que « l'étude du régime juridique applicable aux rémunérations des administrateurs dans différents Etats, en Europe et aux Etats-Unis, montre une disparité en la matière. Certains régimes juridiques étrangers prohibent strictement les rémunérations en capital ou quasi-capital versées aux administrateurs quand d'autres accueillent plus favorablement cette pratique. Au regard des expériences étrangères et des incidences possibles de ces différences sur la compétitivité de la Place financière de Paris, une réflexion pourrait être initiée quant à l'opportunité de faire évoluer le cadre juridique existant, notamment pour les sociétés nouvelles ou issues du secteur des biotechnologies. Pour sa part, l'AMF a saisi le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) afin d'engager une réflexion sur ce sujet ».

Le groupe de travail mis en place par le HCJP a préconisé une évolution du régime des BSPCE.

Votre commission a décidé de confirmer cette évolution législative qui semble particulièrement utile aux entreprises. Elle a toutefois adopté un amendement rédactionnel (COM-490) visant à assurer un parallélisme des formes dans les modifications apportées aux deux articles concernés du code de commerce, en optant pour la logique d'évolution de l'article L. 225-85 (c'est-à-dire en complétant l'énumération des exceptions à l'interdiction de rémunérer).

Votre commission a adopté l'article 28 bis ainsi modifié .

Article 28 ter (supprimé)
(art. 522, 523, 524, 524 bis, 530, 533, 534, 535, 536, 545, 548, 549,
550 et 553 du code général des impôts)
Modification des dispositions relatives aux poinçons apposés
sur les métaux précieux

I. Le droit en vigueur

Les dispositions législatives régissant le commerce d'orfèvrerie et de joaillerie et les contrôles s'exerçant dans les ventes publiques, chez les fabricants et les marchands, sont aujourd'hui codifiées aux articles 521 à 553 bis du code général des impôts (CGI).

Le « titre » des ouvrages en métaux précieux (or, argent et platine) désigne le degré de pureté de l'alliage utilisé 403 ( * ) . Le poinçon désigne à la fois le titre et le paiement des droits afférents pour chaque objet de métal précieux.

Exprimé en millièmes (et en carats avant 1995), il est soumis à une législation et à une réglementation particulières ayant pour finalité de protéger le consommateur final et d'éviter la fraude. Ce dispositif s'inscrit également dans notre histoire institutionnelle depuis l'Ancien Régime.

La garantie des métaux précieux :
une continuité dans notre histoire institutionnelle

Le service de la garantie est un service de l'État remplaçant la Ferme générale du roi, devenue régie générale des Aides en 1774, dans un contexte marqué par mutation de la profession d'orfèvre, dont le caractère artisanal et familial avait cédé peu à peu la place à une production industrialisée.

La première loi relative à la surveillance du titre et à la perception des droits de garantie des matières d'or et d'argent a été promulguée le 19 brumaire an VI (9 novembre 1797).

Des bureaux de garantie , créés par l'arrêté du Directoire exécutif du 15 Prairial An VI (4 juin 1798), assurent la vérification des objets réalisés en métal précieux. Ils sont aujourd'hui au nombre de dix, répartis sur l'ensemble du territoire national 404 ( * ) .

La Direction générale des douanes et des droits indirects s'est vue transférer en 1993 les missions de gestion, de recouvrement et de contrôle de toutes les contributions indirectes , dont celles relatives aux métaux précieux, et qui étaient précédemment prises en charge par la Direction générale des impôts.

En outre, les dispositions applicables en France continentale en matière de fiscalité indirecte sur les métaux précieux ne sont pas mises en oeuvre de plein droit en Corse, par le fait d'un décret dit « impérial » du 24 avril 1811 . Ainsi, les fabricants et marchands d'ouvrages de métaux précieux en Corse ne sont pas tenus de faire essayer, titrer et marquer leurs ouvrages du poinçon de garantie.

Afin de s'assurer que la proportion de métal précieux est conforme aux obligations légales, tout objet ou ouvrage en métal précieux doit être testé - on parle en l'occurrence d'« essai au toucheau »-, c'est-à-dire soumis à une opération chimique afin de préciser la nature de l'alliage qui le constitue.

À l'issue de cet essai, deux poinçons métalliques sont apposés sur l'ouvrage :

- le poinçon dit « de garantie », apposé par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) dans l'un de ces dix bureaux de garantie présents sur le territoire, ou par l'un des quatre laboratoires privés accrédités par le COFRAC (Comité français d'accréditation) et agréés par la douane, ou encore par le fabricant lui-même, sous réserve d'une convention passée avec l'État à cet effet ;

- le poinçon « de maître » (en forme de losange pour les fabricants) ou « de responsabilité » (en forme d'ovale pour les importateurs) qui assure la traçabilité de l'origine du bijou et engage le professionnel à respecter les règles de garantie. Ce poinçon permet également à la douane d'identifier le professionnel responsable de la commercialisation de l'ouvrage.

La loi du 4 janvier 1994 405 ( * ) et le décret du 21 février 1995 406 ( * ) ont permis le poinçonnage des ouvrages de métaux précieux par des professionnels agréés par la douane, en dehors de toute contribution fiscale.

Les fabricants doivent donc respecter l'obligation de faire poinçonner leurs ouvrages. Cependant, le choix, pour les fabricants, de faire apposer le poinçon de garantie par l'un des dix bureaux compétents territorialement, implique une contribution aux poinçonnages et essai des métaux précieux , dont les recettes sont affectées au budget général de l'État.

Cette taxe , dont l'estimation du coût était supérieure à son rendement, a été supprimée par l'article 26 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 407 ( * ) .

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 28 ter adopté en séance , suite à un amendement présenté par notre collègue député, Roland Lescure du groupe La République en Marche et rapporteur général de la commission spéciale, propose de modifier les dispositions des chapitres II et III de la première partie du livre I er du code général des impôts relatives aux poinçons. Elles visent à :

- renvoyer à un décret le soin de fixer les autorités et organismes compétents pour assurer la gestion des poinçons de garantie. Il est ainsi proposé de modifier l'article 522 du CGI en précisant désormais que « le titre des ouvrages est garanti par l'apposition, par les entités définies par décret, du poinçon prévu à l'article 523 ». Cette modification remet en cause la garantie du titre des ouvrages relevant jusqu'à présent de la compétence de l'État, des organismes de contrôle agréés par lui ou encore des professionnels habilités par une convention conclue avec l'administration des douanes et des droits indirects. En outre, l'article 530 du CGI est modifié afin de tenir compte de la fin de la compétence du service de la garantie ou de l'organisme de contrôle agréé pour l'examen du titre d'un ouvrage.

En conséquence, l'article 523, qui précise les modalités d'attestation de la garantie du titre, soit par l'apposition d'un poinçon de garantie métallique et commercialisé par la Monnaie de Paris, soit par le marquage au laser d'un poinçon, est modifié : le rôle du poinçon de garantie, qui est d'assurer à l'acheteur le titre du produit mis sur le marché, est rappelé, mais ses modalités d'application sur chaque pièce sont désormais renvoyées au règlement ;

- rendre facultative l'apposition des poinçons de fabricant , à savoir les « poinçons de maître » ou les « poinçons de responsabilité » sur les ouvrages en métaux précieux, comme en dispose la réécriture de l'article 524 du CGI qui prévoit également que « la forme (du poinçon du fabricant) ainsi que les conditions sont fixées par décret .» Cette faculté s'étend donc aux ouvrages importés, pour lesquels seul un poinçon de titre enregistré dans l'État d'origine est exigé, ainsi qu'aux ouvrages exportés, comme en dispose la nouvelle version proposée de l'article 545 du CGI ;

- modifier les obligations déclaratives des fabricants et des marchands ou personnes assimilées : l'obligation impartie aux fabricants d'ouvrages d'or, d'argent ou de platine de transmettre au bureau de garantie compétent leur poinçon de maître - on parle en l'occurrence d'« insculpation » - et les obligations déclaratives de profession des marchands et personnes assimilées auprès du bureau de garantie compétent disparaissent avec l'abrogation proposée des articles 533 et 534 du CGI.

Les opérations d'essayage, de titrage et de marquage ne sont plus du ressort des bureaux de garantie ou des organismes de contrôle agréés auparavant compétents ; les professionnels dérogeant à ce dispositif ne pouvant plus exécuter ces opérations en vertu d'une convention préalablement passée avec l'administration des douanes et des droits indirects ;

- remplacer le livre de police par une comptabilité-matière comme en dispose la nouvelle version de l'article 536 du CGI. La comptabilité-matière permet le suivi régulier des entrées, des sorties et des quantités des articles en stock, alors que le livre de police permettait d'enregistrer les transactions et ainsi de garder une trace de l'origine des objets et de leur prix d'acquisition. Ce livre devait également être présenté à l'autorité publique à toute réquisition ;

- modifier les règles relatives à l'importation d'ouvrages précieux en provenance d'un État non membre de l'Union européenne ou d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, ainsi que de la Turquie : en tenant compte des conséquences de la fin de l'obligation du poinçon de responsabilité, des conventions passées avec la direction générale des douanes et des droits indirects, ainsi que de la compétence des bureaux de garantie ou des organismes de contrôle agréés ;

- supprimer la déclaration spécifique de plaquage et de doublage des ouvrages , par la suppression proposée du premier alinéa de l'article 550 du CGI.

En outre, la référence au fonctionnement des bureaux de garantie et des organismes de contrôle agréés est supprimée, du décret destiné à préciser les modalités d'application des articles relatifs aux ouvrages d'or, d'argent ou de platine, visé à l'article 553 du CGI.

Enfin, l'ensemble de ces dispositions doit entrer en vigueur au 1 er juillet 2019.

III. La position de votre commission

Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

Introduites en première lecture par un amendement en séance publique, les dispositions de cet article ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figurent dans le projet de loi initialement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

À ce titre, votre rapporteur considère que cet article 28 ter est issu d'un amendement dont le contenu permet de l'identifier comme un « cavalier législatif . »

En outre, le dispositif de cet article semble avant tout la conséquence de la suppression de la contribution aux poinçonnages et essai des métaux précieux , réalisée par la loi de finances pour 2019.

Or, comme le souligne notre collègue, Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, « la suppression de cette taxe doit se comprendre comme la première étape d'une évolution importante des règles sectorielles applicables aux fabricants de métaux précieux » 408 ( * ) .

Il relève également qu'une telle évolution « soulève d'importantes questions de sécurité et de protection du consommateur » . Il participe également à l'évolution des compétences de la direction générale des douanes et des droits indirects, déjà évoquée par un rapport de l'Inspection des finances de 2014. 409 ( * )

Compte tenu de l'absence de lien avec le projet de loi et des conséquences de ses dispositions sur l'ensemble du secteur économique de la transformation des métaux précieux ainsi que sur la protection des consommateurs , votre rapporteur vous propose de supprimer cet article 28 ter .

En adoptant l' amendement COM-553 proposé par votre rapporteur, votre commission a supprimé l'article 28 ter.

Article 29
(art. 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative
à l'économie sociale et solidaire, art. L. 3332-17-1 du code du travail)
Modernisation de l'agrément
« Entreprise solidaire d'utilité sociale - ESUS »

I. Le droit en vigueur

1. Le critère de « l'utilité sociale »

L'article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire définit les critères permettant à une entreprise d'être considérée comme « d'utilité sociale ». Cette qualification lui permet d'être incluse dans le champ de l'économie sociale et solidaire (ESS), lorsqu'elle remplit par ailleurs d'autres conditions, énumérées par l'article 1 er de cette loi :

- un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;

- une gouvernance démocratique, prévue par les statuts, où la voix de chacun ne repose pas exclusivement sur l'apport en capital ou le montant de la contribution financière ;

- une gestion où les ressources de l'entreprise sont majoritairement consacrées à l'activité de l'entreprise, ce qui implique un strict encadrement des bénéfices et des réserves.

Aux termes de l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014, l'utilité sociale se déduit de l'objet social de l'entreprise. Pour être reconnue « d'utilité sociale », l'entreprise doit ainsi avoir un objet social portant, à titre principal, sur au moins l'une des trois activités suivantes :

- apporter un soutien à des personnes en fragilité socio-économique ou en raison de leur état de santé, ou à des personnes nécessitant un accompagnement social ou médico-social ;

- lutter contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, ou contribuer à l'éducation à la citoyenneté, à la préservation du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;

- contribuer au développement durable , à la transition énergétique ou la solidarité internationale, dans la mesure où ces actions participent également des missions citées aux deux premiers points.

2. L'agrément « Entreprise solidaire d'utilité sociale »

L'article L. 3332-17-1 du code du travail, modifié par l'article 11 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 précitée, définit l'agrément « Entreprise solidaire d'utilité sociale », les conditions auxquelles les entreprises peuvent prétendre à cet agrément et les entreprises qui en bénéficient de plein droit.

En principe, cet agrément est délivré par le préfet du département où l'entreprise a son siège social lorsque l'entreprise remplit les critères suivants :

- elle poursuit comme objectif principal la recherche d'une utilité sociale, définie à l'article 2 de la loi précitée ;

- cet objectif a un impact significatif sur ses résultats financiers, évalué à partir de son compte de résultat et desa rentabilité financière ;

- sa politique de rémunération prévoit un encadrement des rémunérations maximales, selon deux critères :

- la moyenne des rémunérations annuelles des cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés ne doit pas être supérieure à 7 fois la rémunération annuelle d'un salarié à temps complet sur la base du salaire minimum de croissance, ou du salaire minimum de branche si ce dernier lui est supérieur ;

- les sommes versées, y compris les primes, au salarié ou dirigeant le mieux rémunéré, ne doivent pas excéder un plafond fixé à dix fois la rémunération annuelle selon les critères précédemment retenus ;

- les titres de capital de l'entreprise - s'ils existent - ne peuvent être échangés sur des marchés financiers dont le fonctionnement n'est pas assuré par une société de gestion de portefeuille ou organisme similaire étranger.

Les critères relatifs à l'objet social et à la politique de rémunération doivent être inscrits dans les statuts .

Néanmoins, certaines catégories d'entreprises limitativement définies se voient délivrer de plein droit cet agrément , à condition qu'elles respectent en particulier la condition relative à la nature des titres de capital mentionnée ci-dessus. Il s'agit :

- des entreprises d'insertion ;

- des entreprises de travail temporaire d'insertion ;

- des associations intermédiaires ;

- des ateliers et chantiers d'insertion ;

- des organismes d'insertion sociale ;

- des services de l'aide sociale à l'enfance ;

- des centres d'hébergement et de réinsertion sociale ;

- des régies de quartier ;

- des entreprises adaptées ;

- des établissements et services d'aide par le travail ;

- des organismes agréés mentionnés à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation ;

- des associations et fondations reconnues d'utilité publique et considérées comme recherchant une utilité sociale telle que définie précédemment ;

- des organismes agréés mentionnés à l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- des établissements et services accompagnant et accueillant des enfants et des adultes handicapés.

Enfin, l'article prévoit l'assimilation de certains organismes au statut d'ESUS agréées pour :

- les organismes de financement respectant des conditions sur la composition de leur actif. Leur actif doit être composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises de l'ESS, et parmi ces 35 %, au moins 5/7 e de titres émis par des entreprises bénéficiant de l'agrément ESUS,

- les établissements de crédit dont au moins 80 % des prêts et investissements sont effectués en faveur des ESUS.

II. Le texte du projet de loi

La refonte du dispositif ESUS proposé par le présent article vise à clarifier l'objet social des entreprises , jugé trop flou, ce qui peut bloquer l'obtention de l'agrément, contrairement aux objectifs poursuivis par la loi. D'après l'étude d'impact du projet de loi, les critères relatifs à l'objet social « [sont] présenté[s] de manière assez obscure et peu cohérente, donnant par ailleurs lieu à des interprétations souvent trop restrictives des services instructeurs, habitués aux critères traditionnels (sociaux) » .

Le système d'obtention de l'agrément est également jugé trop restrictif par l'étude d'impact du Gouvernement, d'où la volonté d'harmoniser certaines conditions d'accès, conformément aux demandes effectuées par les principales catégories d'entités dispensées de certaines obligations. De fait, il apparaît que les conditions de délivrance de l'agrément ESUS varient fortement d'une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) à l'autre.

À cet effet, le texte présenté par le Gouvernement prévoyait trois objectifs d'amélioration du dispositif ESUS :

- en faciliter l'accès , notamment dans le champ de la transition écologique, de la promotion culturelle ou de la solidarité internationale, en formulant dans la loi, de manière plus explicite qu'actuellement, l'ouverture de l'agrément ESUS à ces nouveaux secteurs d'activité, tout en maintenant la sélectivité du dispositif ;

- simplifier les modalités d'appréciation de l'impact des activités d'utilité sociale sur le modèle économique des entreprises candidates à l'agrément ;

- supprimer l'obligation d'inscrire, dans les statuts des entreprises candidates à l'agrément, l'encadrement des écarts de rémunération et harmoniser à l'ensemble des entreprises éligibles l'application de cet encadrement.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le I du texte adopté par l'Assemblée nationale élargit la notion d'« utilité sociale » en redéfinissant le champ des objets possibles pour les entreprises désireuses d'obtenir l'agrément ESUS.

L'article 29, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, précise les objets sociaux rentrant dans la notion d'utilité sociale de l'entreprise, définie à l'article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, en distinguant :

- les exigences-clefs de solidarité, qui peuvent être de trois ordres : i) soutenir des publics ciblés en fonction de leur degré de vulnérabilité, ii) maintenir et/ou recréer des cohésions sociales et territoriales ou iii) promouvoir des formes de sensibilisation citoyenne,

- les secteurs d'activités éligibles à l'agrément : i) le champ social, médico-social et sanitaire, ii) le développement durable et la transition écologique, iii) la promotion culturelle ou iv) la solidarité internationale.

L'article précise donc l'interprétation de la notion d'utilité sociale, qui doit correspondre à l'une des quatre catégories suivantes (contre trois auparavant) :

- soutenir des personnes fragiles du fait de leur situation socio-économique, médico-sociale et sanitaire, et lutter contre leur exclusion ;

- participer à la cohésion sociale et territoriale ;

- contribuer à l'éducation à la citoyenneté et la réduction des inégalités sociales et culturelles. L'accent est en particulier mis sur la réduction des inégalités de genre.

L'inscription explicite de la lutte contre les inégalités et la précision relative aux inégalités entre femmes et hommes ont été apportée, avec l'avis favorable du Gouvernement, par l'amendement défendu en commission par notre collègue députée Fadila Khattabi et d'autres membres du groupe LaREM, sous-amendé par le rapporteur Jean-Noël Barrot, ses auteurs estimant indispensable de rétablir une notion présente dans la rédaction initiale de l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014 et objectif majeur auquel contribuent ces entreprises, notamment à travers leurs actions en termes d'éducation citoyenne ;

- concourir au développement durable, à la transition écologique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale, dans la mesure où ce concours participe des trois missions précitées (soutien aux personnes fragiles, cohésion territoriale, participation à l'éducation à la citoyenneté).

Cette dernière rédaction est issue de l'amendement de notre collègue Adrien Taquet et plusieurs autres collègues députés, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur. Elle vise à maintenir la sélectivité des critères d'obtention de l'agrément ESUS, afin d'orienter l'épargne vers des modèles économiques exigeants en termes de solidarité, notamment dans la mesure où l'agrément entraîne un soutien fiscal destiné à compenser les exigences de cette solidarité (perte de rentabilité, contraintes de suivi).

Le II de l'article adopté par l'Assemblée nationale modifie également les conditions d'obtention de l'agrément prévu à l'article L. 3332-17-1 du code du travail, pour les simplifier et les harmoniser .

En premier lieu, il simplifie l'appréciation de la charge induite par l'objectif d'utilité sociale, en la réduisant au seul impact significatif sur le compte de résultat : elle ne tient donc plus compte de l'impact sur la rentabilité financière de l'entreprise. Cette simplification vise à clarifier l'évaluation des conséquences de l'objectif d'utilité sociale sur la santé financière de l'entreprise, afin de faciliter le travail des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) dans leur examen des demandes d'agrément. La restriction des critères retenus pour l'évaluation vise également à limiter la part d'interprétation et donc à unifier davantage le traitement des demandes à l'échelle nationale.

En second lieu, l'article retire l'obligation pour l'entreprise de mettre dans ses statuts les règles relatives aux écarts de rémunération . Si ces règles sont toujours des critères pertinents, retenus pour l'évaluation de la demande d'agrément ESUS, il n'est désormais plus indispensable qu'elles figurent dans les statuts de l'entreprise pour obtenir cet agrément. L'étude d'impact juge en effet qu'il s'agit d'une pure exigence formelle, et « qu'il est très simple de justifier du respect du plafond par d'autres moyens ». Pour contrebalancer le manque de contrôle que pourrait entraîner ce retrait, les conditions que doivent explicitement respecter les entreprises bénéficiant du statut d'ESUS de plein droit sont élargies aux critères relatifs aux écarts de rémunération précités.

Enfin, l'article prévoit que les entreprises qui bénéficient actuellement de l'agrément continuent d'en bénéficier jusqu'à son terme (au maximum 3 ans ou 5 ans selon la situation retenue), ce qui sécurise juridiquement la situation des agréments déjà délivrés.

IV. La position de votre commission

L'élargissement du champ de l'utilité sociale apparaît approprié , car il permet de soutenir un maximum d'initiatives entrant dans le champ de l'économie sociale et solidaire, sans pour autant faire disparaitre une nécessaire sélectivité dans la délivrance de l'agrément .

L'article apparaît ainsi équilibré, apportant des réponses adaptées aux demandes des acteurs de l'ESS et des Direccte, par la clarification et l'harmonisation des critères retenus pour l'obtention de l'agrément ESUS.

Votre commission a adopté l'article 29 sans modification.

Article 29 bis
Affacturage inversé collaboratif

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

L'affacturage est un mode de cession de créances largement répandu dans le monde des affaires. Il fait intervenir trois acteurs :

- une entreprise cliente qui a commandé une prestation et qui est débitrice de son fournisseur ;

- un fournisseur qui a réalisé la prestation et détient en conséquence une créance sur l'entreprise cliente ;

- un intermédiaire financier (appelé factor ou affactureur) qui acquiert la créance auprès du fournisseur et se substitue à ce dernier pour réclamer paiement de la créance auprès de l'entreprise débitrice.

C'est le fournisseur qui est à l'initiative de cette opération financière, qui ne requiert nullement l'accord de l'entreprise débitrice. En recevant immédiatement le paiement de sa facture, le fournisseur limite les démarches administratives de recouvrement et s'assure contre le défaut de paiement de son client. L'affacturage est également souvent utilisé comme mode de financement à court terme de la trésorerie des entreprises.

L'intermédiaire financier qui assure désormais les opérations administratives de recouvrement de la créance (relances, etc.) et endosse le risque de délais de paiement, voire de non-paiement, se rémunère par le biais d'une commission payée par le fournisseur qui a fait appel à ses services.

L'affacturage inversé est un procédé similaire, mais déclenché à l'initiative de l'entreprise débitrice pour permettre à ses fournisseurs d'être payés plus rapidement. Ce faisant, elle s'assure que ses fournisseurs conservent une trésorerie saine, gage de pérennité, et les fidélise. Le fournisseur est libre d'accepter ou non d'avoir recours au service de l'intermédiaire financier. S'il accepte, une convention est alors signée entre les trois acteurs de la transaction.

L'affacturage inversé est plus souvent utilisé par des grands groupes qui peuvent ainsi faire bénéficier à leurs fournisseurs de taux préférentiels auprès de leur intermédiaire financier.

Ce dispositif, qui pourrait être très utile en droit de la commande publique, n'y est à ce jour que peu répandu. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, l'union des groupements d'achats publics a recours à ce dispositif pour seulement 5 % de ses fournisseurs 410 ( * ) . Certains établissements publics hospitaliers 411 ( * ) l'utilisent également.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue député Patrick Mignola, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, avec les avis favorables du rapporteur et du ministre. En séance publique, il a été modifié par deux amendements rédactionnels du rapporteur.

Le présent article prévoit que dans le cadre d'un marché public, le pouvoir adjudicateur peut avoir recours à l'affacturage inverse (1 er alinéa du présent article), dans les conditions prévues par une convention tripartite (2 ème alinéa du présent article).

Il prévoit également (3 ème alinéa du présent article) que lorsqu'il s'agit d'une personne morale de droit public, le contrôle du comptable public s'exerce normalement et que celui-ci vise ladite convention. En effet, le comptable public est tenu d'effectuer certains contrôles préalables au paiement d'une dépense publique 412 ( * ) portant sur la qualité de l'ordonnateur, la disponibilité des crédits, le caractère libératoire du paiement ainsi que sur la validité de la dette qui comprend, notamment, la justification du service fait, l'exactitude de la liquidation et la production des pièces justificatives. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, ces contrôles seront, en cas de recours à l'affacturage inversé, effectués par le comptable public dans les mêmes conditions que lors du paiement effectué au fournisseur de l'acheteur public. La seule différence tiendra au fait que le paiement ne sera pas effectué au fournisseur, qui aura vu sa facture réglée par l'intermédiaire financier, mais à ce dernier.

Par ailleurs, toujours d'après les informations recueillies par votre rapporteur, la possibilité de recourir aux services d'un intermédiaire financier ne sera pas nécessairement précisée dès les documents de consultation mais devra se traduire dans les documents contractuels, le cas échéant, par voie d'avenant. Dans tous les cas, la convention passée entre le pouvoir adjudicateur et l'intermédiaire financier constituera un marché distinct qui sera transmis par le pouvoir adjudicateur, en sa qualité d'ordonnateur, au comptable public lorsqu'il en est doté. Outre cette convention d'affacturage, l'ordonnateur transmettra également au comptable le marché initial entre l'acheteur public et le fournisseur et les pièces y afférentes.

III. La position de votre commission

L'affacturage inversé est un mode de financement à court terme des entreprises très utile, tout particulièrement dans le cadre des commandes publiques. Il est donc souhaitable d'encourager son développement en fonction des besoins des entreprises, notamment afin de soutenir les petites et moyennes entreprises fournisseurs des personnes publiques, parfois fragilisées par les délais de paiement 413 ( * ) .

Votre commission spéciale s'étonne toutefois que l'Assemblée nationale ait jugé utile de recourir à un article de loi pour rappeler une possibilité déjà ouverte aux personnes publiques. Le seul apport du présent article réside dans l'encadrement du dispositif (précisions sur les modalités de contrôle par le comptable public) : votre commission ne proposera donc pas sa suppression.

En revanche, rien ne justifie que le dispositif soit ouvert aux seuls pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices pouvant également très légitimement avoir vocation à y recourir.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a donc adopté l'amendement COM-565 tendant à étendre le champ d'application du présent article à l'ensemble des « acheteurs mentionnés à l'article L. 1210-1 du code de la commande publique 414 ( * ) », tout en tenant compte de l'abrogation de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui prendra effet au 1 er avril 2019 415 ( * ) . Ce même amendement définit par ailleurs des mécanismes juridiques plus simples et opérationnels que le recours à une convention tripartite, prévu par les députés, par lesquels s'effectuera l'opération d'affacturage : la cession de créance ou la subrogation conventionnelle.

Enfin, il autorise explicitement les établissements de crédit, les sociétés de financement et les FIA - fonds d'investissement alternatifs définis par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier - à agir en qualités d'affactureurs dans ce cadre.

Votre commission a adopté l'article 29 bis ainsi modifié.

Sous-section 2
Moderniser la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations
pour améliorer ses actions en faveur des territoires
Article 30 A (supprimé)
(art. L. 518-2 du code monétaire et financier)
Intervention de la Caisse des dépôts et des consignations
en faveur des transitions énergétique et numérique

Le présent article a pour objet d'inscrire dans la loi les missions d'accompagnement aux transitions énergétique et numérique des territoires par la Caisse des dépôts et consignations.

I. Le droit en vigueur

1. Un statut ad hoc

La Caisse des dépôts et des consignations (CDC) a été créée par l'article 110 de la loi du 28 avril 1816, et placée « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». La jurisprudence est venue progressivement éclairer les contours de cet établissement particulier. Dans sa décision Bergerat du 4 janvier 1865, le Conseil d'État a qualifié la CDC « d'établissement spécial, vivant sa propre vie et distinct de l'État ». En 1947, le Conseil d'État a admis que la CDC était un établissement public 416 ( * ) .

Il ne s'agit pas non plus d'un établissement bancaire , même si, à l'image du Trésor public, de la Banque de France et de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, la CDC peut effectuer des opérations de banque sans pour autant être soumise au régime des établissements bancaires. Cette exclusion du champ bancaire a été validée par le Conseil constitutionnel en 1984 417 ( * ) .

L'adoption de la loi de modernisation de l'économie 418 ( * ) a confirmé la nature spéciale de la CDC. Ainsi, aux termes de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, la CDC est définie comme un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays .

2. Un champ d'activité étendu

Aux termes de l'article 518-2 précité , la CDC est chargée d'assurer des activités d'intérêt général, et elle peut exercer des activités concurrentielles . Outre l'administration des dépôts et des consignations, elle est chargée « d'assurer les services relatifs aux caisses et aux fonds dont la gestion lui a été confiée et d'exercer les autres attributions de même nature qui lui sont légalement déléguées », « de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite ». Enfin, elle a vocation à contribuer « au développement économique local et national, particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la politique de la ville, de la lutte contre l'exclusion bancaire et financière, de la création d'entreprise et du développement durable ».

La loi de 2008 de modernisation de l'économie précitée a modifié la rédaction de cet article en clarifiant les dispositions respectives des articles L. 518-1 et L. 518-2 du code monétaire et financier. Le premier est désormais relatif aux dispositions générales des établissements et services autorisés à effectuer des opérations bancaires, tandis que le second est dédié aux missions de la CDC.

En ce qui concerne ses missions d'intérêt général, la CDC assure les missions suivantes :

- centraliser, transformer et gérer les dépôts réglementés (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d'épargne populaire) en faveur de programmes d'intérêt général, via le fonds d'épargne. En 2017, le résultat net courant du fonds d'épargne s'élevait à 1,4 milliard d'euros, pour un encours des dépôts de 244 milliards d'euros. L'encours des prêts aux acteurs institutionnels et économiques s'élevait quant à lui à 185 milliards d'euros, dont 159 milliards d'euros à destination du financement de la politique du logement social 419 ( * ) ;

- agir en tant que dépositaire de confiance pour les dépôts de professions juridiques et les consignations 420 ( * ) . La CDC assure également les prestations bancaires de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et d'autres établissements publics ;

- gérer les régimes de retraite et des fonds de solidarité . Ainsi, la CDC gère une cinquantaine de fonds qui couvrent 7,5 millions d'actifs et 3,5 millions de pensionnés, soit un retraité sur cinq en France 421 ( * ) ;

- contribuer au développement économique local et national . Cette mission se traduit principalement par une expertise et un appui financier aux collectivités territoriales, une participation au capital de sociétés mixtes, universités ou dans des partenariats publics privés. En 2017, la CDC a mobilisé 671 millions d'euros de fonds propres en ce sens.

La CDC a développé ses activités concurrentielles via ses filiales :

- en matière de transport , avec Transdev ;

- en matière d'immobilier et de tourisme , avec Icade, CDC Habitat et la Compagnie des Alpes ;

- en matière de banque-assurance avec la participation au groupe la Poste et la filiale CNP Assurances qui occupe la première place de l'assurance des personnes sur le marché français avec 38 millions d'assurés ;

- en matière de développement d'infrastructures avec ses participations dans Egis et l'aéroport de Lyon ;

- en matière d'énergie avec ses participations au capital de CNR, RTE, GRT gaz ;

- plus largement, dans la gestion d'actifs , telles qu'avec sa filiale CDC international capital.

Par ailleurs, la CDC détient 50 % du capital de la Banque publique d'investissement ( BpiFrance ), créée par le législateur en 2012 422 ( * ) .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, adopté à l'initiative de notre collègue Eric Pauget en séance publique, après un double avis de sagesse de la commission et du Gouvernement , modifie l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, qui définit les missions et le mode de gouvernance de l'établissement.

Il ajoute la mention des transitions énergétique et numérique dans le champ des interventions de la Caisse des dépôts et des consignations .

L'objet de l'amendement précise que même si la CDC intervient déjà en matière de transitions énergétique et numérique, le fait que le législateur inscrive ce domaine parmi ses missions permet d'en faire un des axes majeurs de son action.

III. La position de votre commission

Si votre commission estime qu'il est justifié que la CDC s'engage dans les transitions énergétique et numérique, elle relève néanmoins que cette disposition a une portée limitée .

D'une part, la mention des transitions énergétique et numérique apparaît redondante avec celle du développement économique local et national auquel la CDC doit contribuer en application de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, résultant de sa rédaction actuelle.

D'autre part, l'intervention de la CDC en matière de transition énergétique et numérique ne nécessite pas de base légale dédiée . D'après les informations transmises par la CDC à votre rapporteur, près de 18 milliards d'euros d'investissement ont été dédiés à la transition écologique entre 2014 et 2017. Elle prévoit d'allouer près de 16 milliards d'euros à l'économie verte d'ici 2020, sous forme de prêts et d'investissements, soit près de 20 % de son activité de prêts fléchée vers des projets dits « verts ». L'accompagnement des directions régionales de la CDC envers les collectivités territoriales pour le financement du déploiement du très haut débit constitue également une illustration de l'implication de la CDC en matière de transition numérique.

Par ailleurs, votre commission s'interroge sur l'effet contre-productif de l'inscription d'une telle thématique dans le champ d'action de la CDC . Les termes de « transitions énergétique et numérique » pourraient s'avérer rapidement obsolètes. De plus, la mention de transitions énergétique et numérique pourrait in fine contraindre l'action de la CDC, en contradiction avec l'intention initiale de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale. Un maillage trop fin du champ d'intervention de la CDC pourrait conduire à encadrer de façon inutilement rigide les possibilités d'investissement et de déploiement de l'action de la CDC sur l'ensemble du territoire .

Par conséquent, votre rapporteur propose de supprimer le présent article. Un amendement COM.331 a été adopté en ce sens.

Votre commission a supprimé l'article 30 A.

Article 30
(art. L. 518-4 du code monétaire et financier)
Composition de la commission de surveillance
de la Caisse des dépôts et des consignations (CDC)

I. Le droit en vigueur

1. Un modèle de gouvernance original

En 1815, la monarchie est rétablie après l'échec des Cent-jours et la chute de l'Empire de Napoléon Bonaparte. Afin de s'acquitter de l'indemnité due à la dette de guerre, le Roi Louis XVIII décide de recourir à l'emprunt. Toutefois, la confiance des Français dans l'emprunt public a été malmenée au gré des crises financières répétées et de la dette publique contractée depuis la Révolution. Par conséquent, la loi du 28 avril 1816 créée à son article 110 un établissement spécial, chargé d'assurer la mission de dépositaire de confiance des fonds privés .

L'article 115 de la loi précitée place cet établissement spécial, la CDC, sous la surveillance du Parlement afin de le prémunir contre l'arbitraire du pouvoir exécutif. Cet article disposait ainsi qu'« il ne pourra, dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, être porté atteinte à sa dotation, car cet établissement est placé, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » 423 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a reconnu que cette protection par l'autorité législative contribuait à la nature particulière de la CDC. En effet, dans sa décision du 19 janvier 1984, celui-ci a qualifié la CDC « d'organisme soumis par son statut au contrôle du Parlement » 424 ( * ) .

Actuellement, cette disposition est codifiée à l'article L. 518-2 du code monétaire et financier qui dispose que « la Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Aux termes de l'article L. 518-7 du même code, la fonction de surveillance est exercée par la commission de surveillance .

2. La composition de la commission de surveillance

Aux termes de l'article L. 518-4 du code monétaire et financier, la commission de surveillance est composée de 13 membres 425 ( * ) :

- trois députés membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dont au moins un appartient à un groupe issu de l'opposition ;

- deux sénateurs membres de la commission des finances du Sénat ;

- un membre du Conseil d'État ;

- deux membres de la Cour des comptes ;

- du gouverneur ou de l'un des sous-gouverneurs de la Banque de France ;

- du directeur général du Trésor ou de son représentant ;

- de deux personnalités qualifiées désignées par le Président de l'Assemblée nationale ;

- d'une personnalité qualifiée désignée par le Président du Sénat.

Les sénateurs membres de la commission de surveillance de la CDC sont aujourd'hui nommés par le Sénat, sur proposition de la commission des finances, pour une durée de trois ans et dans la limite de leur mandat parlementaire. Ces sièges sont actuellement occupés par nos collègues Jacques Genest, sénateur de l'Ardèche, et Claude Raynal, sénateur de la Haute-Garonne.

Cette composition de la commission de surveillance résulte de l'article 151 de la loi de modernisation de l'économie de 2008 426 ( * ) . Celle-ci a augmenté le nombre de parlementaires siégeant au sein de la commission de surveillance (cinq au lieu quatre précédemment), et elle a prévu que trois personnalités qualifiées désignées par les deux présidents des assemblées y siègent également, renforçant ainsi le poids du Parlement dans sa composition.

En contrepartie, la loi de modernisation de l'économie a supprimé trois représentants : un membre du Conseil d'État, le président de la chambre de commerce de Paris, et le président du conseil de surveillance de la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance.

Il est intéressant de relever que le projet de loi initial en 2008 prévoyait qu'un des deux membres de la Cour des comptes soit supprimé . Toutefois, à la faveur d'un amendement introduit à l'initiative de notre collègue Michel Bouvard, la commission mixte paritaire avait maintenu à deux le nombre de membres issus de la Cour des comptes.

Par ailleurs, la loi de 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement 427 ( * ) a modifié l'article L. 518-4 du code monétaire et financier, afin de supprimer la mention de l'élection par les assemblées des parlementaires siégeant à la commission de surveillance. Les trois députés et les deux sénateurs sont désormais respectivement nommés par le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, et non élus.

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie l'article L. 518-4 du code monétaire et financier afin de faire évoluer la composition de la commission de surveillance .

Tout d'abord, il modifie la composition de la commission de surveillance en ce qui concerne les parlementaires qui y siègent. Les alinéas 2 à 6 prévoient que le nombre de parlementaires reste inchangé (cinq, dont trois députés et deux sénateurs), mais un député et un sénateur doivent être issus des commissions des affaires économiques. Ainsi, les parlementaires ne sont plus exclusivement issus des commissions des finances. Cette disposition répond à une pratique de l'Assemblée nationale consistant à intégrer un membre de la commission des affaires économiques au sein de la commission des finances, afin de lui permettre de siéger au sein de la commission de surveillance de la CDC.

Les alinéas 8 à 10 précisent que le directeur général du Trésor représente l'État, et simplifie la rédaction actuellement en vigueur.

Les alinéas 11 à 14 introduisent des innovations quant aux qualités des membres de la commission de surveillance :

- les membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes et le représentant de la Banque de France sont supprimés (alinéa 3). L'étude d'impact justifie cette suppression d'une part, par le besoin de renforcer l'indépendance de la commission de surveillance vis-à-vis du juge administratif et de la Cour des comptes, et d'autre part, pour le représentant de la Banque de France, par coordination avec les dispositions de l'article 35 du présent projet de loi. Cet article confie en effet à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la supervision prudentielle de la CDC. Dès lors, cette mission apparaît incompatible avec le fait de siéger dans l'organe de surveillance, dont les prérogatives sont par ailleurs élargies à l'article 31 ;

- quatre membres sont désormais désignés par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie , en raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable, économique ou juridique ou dans celui de la gestion (alinéa 12) ;

- deux membres représentants du personnel de la CDC et de ses filiales , élus pour trois ans, siègent désormais au sein de la commission de surveillance (alinéa 13) ;

- la composition de la commission de surveillance doit tendre vers un objectif de parité, puisque les commissaires surveillants de chaque sexe ne peuvent constituer moins de 40 % des membres (alinéa 14).

Le présent article porte ainsi le nombre de commissaires surveillants à quinze, contre treize actuellement.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, cette modification constitue le pendant du renforcement des prérogatives de la commission de surveillance prévu à l'article 31 du présent projet de loi . Ainsi, « le présent projet de loi vise à mettre en oeuvre une réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations en modernisant la composition de la commission de surveillance, dans un double objectif d'efficacité et d'exemplarité, et en transformant cette instance en véritable organe délibérant » 428 ( * ) .

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale n'a adopté aucun amendement au présent article.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement , à l'initiative de notre collègue Sophie Errante, qui occupe actuellement la présidence de la commission de surveillance, après un double avis favorable de la commission et du Gouvernement.

L'amendement porte à seize le nombre de commissaires surveillants. Le nombre de personnalités désignées par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat est porté à cinq (trois désignées par l'Assemblée nationale et deux par le Sénat), au lieu de trois actuellement. Le nombre de personnalités qualifiées désignées par décret est réduit de quatre à trois.

Évolution de la composition de la commission de surveillance

Composition actuelle

Composition du projet de loi

Composition adoptée à l'Assemblée nationale

Membres désignés par le Parlement

Députés de la commission des finances

3

2

2

Députés de la commission des affaires économiques

1

1

Sénateurs de la commission des finances

2

1

1

Sénateurs de la commission des affaires économiques

1

1

Personnalités désignées par le Président de l'Assemblée nationale

2

2

3

Personnalités désignées par le Président du Sénat

1

1

2

Membres désignées de façon indépendante

Conseil d'État

1

Cour des comptes

2

Représentants du personnel de la CDC

2

2

Membres désignées par l'exécutif

Gouverneur de la Banque de France

1

Directeur général du Trésor

1

1

1

Personnalités qualifiées nommées par décret

4

3

Total

13

15

16

Source : commission spéciale

IV. La position de votre commission

Votre commission estime qu'il est utile de faire évoluer la composition de la commission de surveillance de la CDC , au regard des nouvelles prérogatives qui lui sont confiées par le présent projet de loi 429 ( * ) , et qui tendent à la rapprocher du fonctionnement habituel du conseil d'administration d'un établissement public.

Votre commission salue l'ouverture aux commissions des affaires économiques des deux assemblées de la désignation des parlementaires pouvant siéger au sein de la commission de surveillance . Cette évolution est légitime en ce qu'elle permet une meilleure information du Parlement sur les travaux de la commission de surveillance, et qu'elle se justifie au regard du champ d'action de plus en plus large de la CDC. De plus, son rapprochement à venir avec le groupe La Poste devrait permettre de structurer un pôle banque-assurance public d'envergure qui justifie l'inclusion des commissaires des affaires économiques.

En outre, votre commission est favorable à la désignation de deux représentants du personnel de la CDC, et souscrit à l'objectif d'une composition paritaire de la commission de surveillance.

Néanmoins, les travaux de votre commission ont permis de formuler les mêmes réserves sur le projet de loi initial que celles exprimées à l'Assemblée nationale en première lecture . En particulier, le poids des membres désignés par l'exécutif semble disproportionné . Certes, le Conseil d'État a estimé dans son avis que ces dispositions « si elles accroissent (...) le poids du pouvoir exécutif dans la désignation des membres de la commission de surveillance, ne remettent toutefois pas en cause la spécificité de la gouvernance de cet établissement public » 430 ( * ) . Toutefois, votre commission considère qu'en portant à cinq le nombre de commissaires surveillants désignés par l'exécutif - quatre personnalités qualifiées et le directeur général du Trésor -, l'équilibre des pouvoirs au sein de la commission de surveillance aurait été nécessairement modifié, au détriment du pouvoir législatif .

Dans ce contexte, votre commission relève que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale permet de trouver une rédaction de compromis, préservant le poids du Parlement dans la désignation des membres de la commission de surveillance . Le ratio des membres désignés directement ou indirectement par l'Assemblée nationale et le Sénat est maintenu aux deux tiers des effectifs de la commission de surveillance, tout en permettant à l'exécutif de désigner trois personnalités qualifiées, conformément à la pratique dans d'autres conseils d'administration d'établissements publics 431 ( * ) .

Votre commission regrette toutefois la suppression des membres issus du Conseil d'État et de la Cour des comptes . En effet, les commissaires surveillants ont témoigné à votre rapporteur de l'importance et la qualité de l'apport de ces membres aux travaux de la commission de surveillance. Toutefois, votre commission souscrit à l'argument de la nécessité d'une plus grande indépendance de la commission de surveillance vis-à-vis de ces deux institutions . Elle relève qu'il restera possible pour les présidents de deux assemblées de nommer ponctuellement des fonctionnaires issus de ces deux corps d'État, afin d'intégrer leur expertise aux voix des membres désignés par le Parlement.

Votre commission a adopté l'article 30 sans modification.

Article 31
(art. L. 518-7, L. 518-8 et L. 518-9 du code monétaire et financier)
Prérogatives de la commission de surveillance

Le présent article a pour objet d'accroître les prérogatives de la commission de surveillance pour en faire un véritable organe délibérant de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, « la Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Ainsi, il revient à la commission de surveillance de s'assurer que la CDC accomplisse les missions qui lui sont confiées par la loi , notamment en veillant sur ses intérêts patrimoniaux.

Tout d'abord, le code monétaire et financier prévoit des compétences propres de la commission de surveillance :

- l'élaboration d'un modèle prudentiel 432 ( * ) , selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État (article L. 518-7). En pratique, la commission de surveillance détermine le modèle prudentiel de la CDC pour chacune des sections générale et du fonds d'épargne, sur proposition du directeur général et en tenant compte des préconisations de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) 433 ( * ) . Elle ne s'est dotée d'un modèle prudentiel qu'en 2011 434 ( * ) ;

- la fixation de l'encours annuel maximal des titres de créances de la CDC (article L. 518-7) ;

- le règlement, « de concert avec le ministre chargé de l'économie », de l'indemnité accordée aux comptables publics pour effectuer les recettes et dépenses dans les départements (article L. 518-14) ;

- la désignation des commissaires aux comptes (article L. 518-15-1).

De plus, la commission de surveillance est chargée de contrôler :

- la gestion du fonds d'épargne (article L. 518-7), défini à l'article L. 221-7 du code monétaire et financier ;

- pour les seules activités bancaires et financières, le respect par la CDC des règles prudentielles qui lui sont applicables . Elle confie à l'ACPR l'examen du respect par la CDC des règles prudentielles applicables (article L. 518-15-3). Les règles prudentielles divergent du modèle prudentiel : les premières désignent l'ensemble des dispositifs législatifs et réglementaires mis en oeuvre par les autorités de supervision afin de garantir la stabilité du système bancaire et financier, tandis que le second désigne le modèle interne de gestion des risques ;

- l'état des caisses et la bonne tenue des écritures , au moins une fois par mois (article L. 518-7).

La commission de surveillance peut émettre des avis, même sur des points ne relevant pas de sa compétence propre. Ces observations ne sont alors pas contraignantes pour le directeur général de la CDC (article L. 518-9).

Elle doit donner son accord lorsque la CDC souhaite émettre des titres de créances au bénéfice du fonds d'épargne (article L. 221-7).

Le code monétaire et financier prévoit que la commission de surveillance émet un avis sur les projets de décrets dont la mise en oeuvre nécessite le concours de la CDC (article L. 518-3), ainsi que pour plusieurs projets de décrets en Conseil d'État, tels que ceux relatifs aux conditions de centralisation du livret A (article L. 221-5) par exemple.

La loi de modernisation de l'économie 435 ( * ) a introduit des avis obligatoires devant être rendus par la commission de surveillance (article L. 518-7). Ainsi, elle est nécessairement saisie pour avis, au moins une fois par an sur :

- les orientations stratégiques de la CDC ;

- la mise en oeuvre des missions d'intérêt général de la CDC ;

- la définition de la stratégie d'investissement ;

- la situation financière et la trésorerie de la CDC, ainsi que sur la politique de contrôle interne ;

- les comptes sociaux et consolidés, et leurs annexes.

La commission de surveillance peut décider de rendre ses avis publics (article L. 518-9 du même code).

Enfin, la commission de surveillance établit son règlement intérieur qui définit ses règles de fonctionnement (article L. 518-7 du même code). L'article L. 518-8 du même code, entièrement remanié par la loi de modernisation de l'économie, prévoit que la commission de surveillance constitue en son sein des comités spécialisés consultatifs dont au moins trois relatifs à l'examen des comptes et des risques, aux fonds d'épargne et aux investissements. Le comité aux investissements est saisi au préalable des opérations d'investissement de la CDC qui la conduisent à acquérir ou à céder des titres donnant accès au capital d'une société au-delà de seuils définis par le règlement intérieur 436 ( * ) .

Si la commission de surveillance joue un rôle consultatif, le législateur a néanmoins étendu ses prérogatives depuis 2008 . L'étude d'impact du présent projet de loi résume son rôle à celui de « surveillance de la solvabilité de l'établissement public et de ses filiales » et précise qu'elle « bénéficie à ce titre, de pouvoirs de police comparables à ceux d'une autorité de supervision ».

II. Le dispositif proposé

Le présent article vise à accroître les prérogatives de la commission de surveillance en modifiant les articles L. 518-7, L. 518-8 et L. 518-9 du code monétaire et financier.

Le I du présent article modifie l'article L. 518-7 du code précité. Les alinéas 2 et 3 confient une mission de contrôle permanent de la gestion de la CDC à la commission de surveillance , alors que la rédaction actuelle prévoit une simple surveillance de la CDC et un contrôle de la gestion du fonds d'épargne.

Sur les sujets pour lesquels la commission de surveillance est actuellement saisie pour avis au moins une fois par an, le présent article prévoit qu'elle délibère au moins quatre fois par an (alinéa 4). De plus, la commission de surveillance doit désormais délibérer sur les orientations stratégiques de la CDC à moyen terme , ce qui implique une analyse prospective de la part de la CDC (alinéa 5). Outre la définition de la stratégie d'investissement de la CDC, la commission de surveillance délibère désormais sur les opérations de désinvestissement (alinéa 6).

Le présent article confère de nouvelles prérogatives à la commission de surveillance (alinéas 7 à 10) :

- l'adoption, sur proposition du directeur général, du budget de l'établissement public et de ses modifications successives ;

- l'approbation des comptes sociaux et consolidés et leurs annexes préalablement arrêtés par le directeur général ;

- l'examen des comptes prévisionnels ;

- la délibération sur la stratégie et l'appétence en matière de risques , notamment via la fixation du besoin de fonds propres et de liquidités à partir du modèle prudentiel qu'elle détermine ;

- l'approbation du programme d'émission de titres de créance , alors qu'elle n'en était que saisie auparavant, et la fixation de l'encours maximal annuel.

En outre, la commission de surveillance :

- approuve l'organisation générale et les orientations du contrôle interne , alors qu'elle n'était que saisie pour avis sur ces sujets ;

- délibère sur la politique d'égalité professionnelle et salariale entre tous les salariés et entre les hommes et les femmes. Cette disposition fait écho à l'objectif de parité au sein de la commission de surveillance prévu à l'article 30 du présent projet de loi ;

- se réunit sur demande du tiers de ses membres au moins, et examine toute question inscrite à l'ordre du jour par son président ou par la majorité de ses membres .

L'alinéa 11 précise les modalités de consultation écrite ou à distance en cas de délibération urgente. L'alinéa 13 prévoit que le régime indemnitaire des membres de la commission de surveillance est fixé dans le règlement intérieur de celle-ci .

Le II du présent article modifie l'article L. 518-8 du même code. Il supprime la mention de deux des trois comités spécialisés consultatifs 437 ( * ) au profit d'une rédaction prévoyant que la liste et les attributions des comités sont déterminées par le règlement intérieur de la commission de surveillance (alinéa 16). Ainsi, cette disposition vise à donner plus de liberté à la commission de surveillance dans son organisation interne.

De plus, le comité des investissements peut se voir déléguer le pouvoir d'approuver les opérations d'investissement et de désinvestissement pour lesquelles la commission de surveillance doit délibérer (alinéa 18).

Le III du présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 518-9 du même code . Les possibilités pour la commission de surveillance de publier ses avis et de faire contrôler les documents nécessaires à l'exercice de ses missions sont conservées. Elle peut adresser au directeur général des observations et avis sur toutes les questions intéressant la « bonne marche de l'établissement ».

Le IV du présent article ne modifie pas les prérogatives de la commission de surveillance. Il s'agit d'une mesure de coordination avec l'article 30 du présent projet de loi. Il précise que le rapport annuel au Parlement est envoyé aux commissions des finances et des affaires économiques des deux assemblées. Il supprime en outre les dispositions relatives au contenu de ce rapport.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur, la commission spéciale a adopté trois amendements plus substantiels.

Le premier, à l'initiative du rapporteur thématique Jean-Noël Barrot, vise à garantir que la commission de surveillance « dispose de moyens suffisants pour assurer le bon exercice de ses missions » .

Le deuxième, à l'initiative de notre collègue Dimitri Houbron, prévoit un plafonnement des indemnités des membres de la commission de surveillance défini par décret. Un sous-amendement du rapporteur thématique précise que ce décret sera pris après avis simple de la commission de surveillance. Cette disposition permet de se conformer à la recommandation du Conseil d'État 438 ( * ) . En effet, ce dernier a souligné dans son avis que le fait que la rémunération des membres de la commission de surveillance soit fixée par la commission de surveillance elle-même était « de nature à susciter des interrogations voire des incompréhensions », et constituait une « dérogation à la compétence réglementaire de droit commun du Premier ministre ».

Le troisième amendement, à l'initiative de notre collègue Stéphane Peu, supprime le IV du présent article relatif au rapport annuel au Parlement, estimant qu'il restreignait de façon injustifiée l'information du Parlement .

En séance publique, seuls deux amendements rédactionnels ont été adoptés, à l'initiative du rapporteur thématique Jean-Noël Barrot et du rapporteur général de la commission spéciale, Roland Lescure.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent rapproche le fonctionnement de la commission de surveillance de celui d'un conseil d'administration, tout en préservant sa spécificité.

Votre commission estime également que les dispositions relatives à l'encadrement des indemnités des commissaires surveillants constituent des gages de transparence dans le fonctionnement de la commission de surveillance .

Enfin , elle note que la portée de certaines dispositions ne doit pas être exagérée . En effet, elles constituent pour certaines davantage une reformulation qu'une réelle modification normative.

Toutefois, votre commission relève que ce toilettage rédactionnel pourrait être de nature à restreindre la possibilité pour la commission de surveillance d'adresser au directeur général des observations . En effet, la rédaction proposée prévoit que ces observations ou avis portent « sur toutes les questions intéressant la bonne marche de l'établissement », alors que la rédaction actuelle ne mentionne pas le champ dans lequel doivent s'inscrire les observations ou avis. Votre commission a adopté un amendement COM.332 de clarification en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié.

Article 32
(art. L. 518-11 et L. 518-12 du code monétaire et financier)
Prérogatives du directeur général
de la Caisse des dépôts et consignations (CDC)

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-11 du code monétaire et financier, le directeur général dirige et administre la CDC. Il est nommé pour cinq ans, par décret en conseil des ministres 439 ( * ) et conformément à la procédure de nomination prévue à l'article 13 de la Constitution. Pour rappel, celle-ci nécessite l'avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Il peut être fait obstacle à la nomination par le Président de la République lorsque l'addition des votes négatifs des deux assemblées représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Bien qu'il soit nommé par un décret du Président de la République, le directeur général prête serment devant la commission de surveillance. Cette dernière émet un avis, éventuellement rendu public, lorsqu'il est mis fin à ses fonctions. Elle peut également proposer de mettre un terme à son mandat .

Aux termes de l'article L. 518-12 du même code, le directeur général est responsable de la gestion des fonds et valeurs de la CDC . En matière budgétaire, il présente chaque année à la commission de surveillance le budget pour l'année suivante .

Le pouvoir réglementaire a précisé les prérogatives du directeur général depuis le décret du 31 mai 1862 440 ( * ) . Ses attributions sont larges puisqu'il « ordonne toutes les opérations (...) prescrit les mesures nécessaires pour la tenue régulière de la comptabilité, (...) ordonnance les paiements (...), vise et arrête les divers états de toute nature » (article R. 518-1 du code monétaire et financier).

Il est assisté par sept sous-directeurs (article R. 518-3 du même code), nommés par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie, et après avis du directeur général (article R. 518-4 du même code).

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article modifie l'article L. 518-11 du code monétaire et financier afin de préciser que le directeur général dirige, mais n'administre plus, la CDC . Il peut désormais désigner directement un ou plusieurs directeurs délégués pour l'assister dans ses fonctions . Il est mis fin à leur nomination par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie.

Le II du présent article modifie l'article L. 518-12 du même code en indiquant que le directeur général met en oeuvre les orientations approuvées par la commission de surveillance , notamment en matière de contrôle interne et de gestion des risques.

Une coordination avec l'article 31 du présent projet de loi est réalisée concernant l'adoption du budget de la CDC.

Enfin, le présent article inscrit dans la loi l'obligation pour le directeur général d'être entendu chaque année par les commissions des finances et des affaires économiques des deux assemblées sur la politique d'intervention de la CDC . Cette disposition consacre une pratique régulière des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, et l'élargit aux commissions des affaires économiques, à l'image de la composition de la commission de surveillance prévue à l'article 30 du présent projet de loi.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel, à l'initiative du rapporteur.

Aucun amendement n'a été adopté en séance publique.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime qu'en l'état actuel du droit, le directeur général bénéficie d'une large autonomie pour administrer la CDC. Par cohérence avec l'accroissement des prérogatives de la commission de surveillance prévu à l'article 31 du présent projet de loi, votre commission accueille favorablement la réaffirmation de la prépondérance de la commission de surveillance , dont les orientations doivent être mises en oeuvre par le directeur général.

Votre commission note néanmoins que la portée de ces aménagements, présentés par l'étude d'impact comme encadrant davantage les prérogatives du directeur général, ne saurait être exagérée .

Votre commission a adopté l'article 32 sans modification.

Article 33
(art. L. 518-13, L. 518-15-1, L. 518-15-2
et L. 518-15-3 du code monétaire et financier)
Application des règles de gestion comptable et commerciale
à la Caisse des dépôts et des consignations

Le présent article a pour objet d'appliquer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) les règles de droit commun de la comptabilité privée, et de supprimer par conséquent la fonction de caissier général.

I. Le droit en vigueur

La fonction de caissier général a été instituée en 1816, lors de la création de la CDC. Aux termes de l'article L. 518-13 du code monétaire et financier, le caissier général est « responsable du maniement des fonds. Il est chargé de la recette, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des valeurs » . La rédaction de cette disposition est restée quasiment inchangée depuis le décret du 31 mai 1862 441 ( * ) .

En pratique, le caissier général veille à sécuriser l'ensemble des transactions financières de l'établissement public. Il tient une comptabilité journalière justifiant ces opérations. Il signe et délivre les récépissés des fonds versés à la CDC, et il autorise les paiements sur présentation des pièces justificatives.

Le caissier général n'exerce pas la même fonction qu'un comptable public. Les deux fonctions divergent au regard de leurs attributions et des règles de mise en cause de responsabilité.

D'une part, contrairement à un comptable public, le caissier général n'est pas en charge de la comptabilité de l'établissement public , qui relève de la direction générale des finances publiques. Il ne tient qu'une comptabilité dite de premier niveau, recouvrant les dépenses et décaissements).

D'autre part, sa responsabilité est relativement limitée par rapport aux comptables publics . Si ces derniers sont « personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent » 442 ( * ) , le caissier général n'est responsable envers la Cour des comptes « que de la justification du fait matériel de l'encaissement ou du paiement » 443 ( * ) . De plus, la Cour des comptes relève que le caissier général n'est pas soumis aux contrôles de l'inspection générale des finances 444 ( * ) .

Son positionnement hiérarchique diverge également de celui d'un comptable public . En effet, le caissier général est placé sous l'autorité du directeur général, alors qu'un comptable public ne répond pas en principe à l'ordonnateur.

Historiquement, la nature particulière de la CDC a justifié que l'établissement ne comprenne pas de comptable public. En effet, si la CDC est soumise à des règles de comptabilité publique en application des dispositions de la loi de finances du 28 avril 1816, elle est restée en marge des évolutions du cadre général de la comptabilité publique. Ainsi, le décret du 29 décembre 1962 445 ( * ) , et plus récemment celui du 7 novembre 2012 446 ( * ) , ne lui sont pas directement applicables.

La Cour des comptes a examiné à deux reprises depuis 2005 la fonction comptable de la CDC. Dans son référé de 2005, elle suggère deux pistes d'évolution du rôle du caissier général : soit en faire un comptable public de plein exercice, soit supprimer cette fonction. Elle souligne que les évolutions récentes de la CDC, notamment avec le développement de ses activités concurrentielles, s'accordent mal avec l'instauration d'un comptable public et d'une soumission aux règles de la comptabilité publique . Elle réitère ce constat en 2016, et recommande de revoir le statut du caissier général en supprimant le contrôle de gestion et son jugement par la Cour des comptes 447 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article abroge l'article L. 518-13 du code monétaire et financier tel qu'actuellement rédigé afin de supprimer la fonction de caissier général . Il prévoit à la place que la CDC est soumise, pour sa gestion comptable, aux règles applicables en matière commerciale (alinéas 1 à 4).

Les alinéas suivants procèdent aux coordinations nécessaires.

Ainsi, l'article L. 518-15 du code monétaire et financier relatif au contrôle juridictionnel de la Cour des comptes est abrogé (alinéa 5) 448 ( * ) .

Les articles L. 518-15, L. 518-15-1 et L. 518-15-2 du même code sont renumérotés (alinéa 6).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre commission approuve les dispositions du présent article, qui permettent de se conformer aux recommandations reconduites depuis dix ans par la Cour des comptes . Elle relève néanmoins que le présent article va plus loin que ces recommandations, en prévoyant l'application des règles de comptabilité commerciale à la CDC.

Toutefois, d'après les informations transmises à votre rapporteur, la CDC applique déjà certains standards de la comptabilité privée. En effet, elle réalise et publie déjà chaque année des comptes consolidés respectant les normes IFRS (« international financial reporting standards »), reconnues comme étant les normes comptables de référence internationale depuis 2005.

Votre commission souligne que l'application des règles de la comptabilité commerciale n'est pas incompatible avec la nature particulière de la CDC . En effet, d'autres établissements publics se voient appliquer des règles de comptabilité de droit privé alors qu'ils manient des fonds publics, à l'image de Bpifrance 449 ( * ) ou de l'Agence française de développement 450 ( * ) . Le Conseil d'État a d'ailleurs reconnu la possibilité pour un établissement public de déroger aux règles de la comptabilité publique, dès lors que le régime financier et comptable était précisé dans le décret constitutif 451 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 33 sans modification.

Article 34
(art. L. 518-15 du code monétaire et financier)
Certification des comptes de la Caisse des dépôts et des consignations

Le présent article a pour objet, tout comme l'article 33, de moderniser la gestion comptable de la Caisse des dépôts et des consignations (CDC). Il prévoit que la certification des comptes de la CDC par deux commissaires aux comptes s'effectue selon les modalités de droit commun prévues par le code de commerce.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-15-1 du code monétaire et financier, les comptes annuels et consolidés de la CDC font l'objet d'une certification par deux commissaires aux comptes. La CDC présente ensuite aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat les comptes certifiés.

Cette disposition a été introduite par la loi de 2006 relative aux offres publiques d'acquisition 452 ( * ) , à l'initiative de Philippe Marini, alors rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Elle a été modifiée en 2008 par la loi de modernisation de l'économie 453 ( * ) afin de préciser qu'en cas de refus de certification, le rapport des commissaires aux comptes est joint aux comptes transmis aux deux assemblées.

Le même article prévoit que les deux commissaires aux comptes sont désignés, ainsi que leurs suppléants, par la commission de surveillance, sur proposition du directeur général de la CDC . Cette procédure est dérogatoire de celle existant pour les établissements publics, dont les commissaires aux comptes sont désignés par le ministre chargé de l'économie, en l'absence d'assemblée générale 454 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie l'actuel article L. 518-15-1 du code monétaire et financier, renuméroté L. 518-15 par l'article 33 du présent projet de loi, afin de préciser que la certification des comptes par les commissaires aux comptes s'effectue dans les conditions prévues par le code du commerce (alinéa 4).

Par conséquent, les commissaires aux comptes sont convoqués à toutes les réunions de la commission de surveillance au cours desquelles sont examinés les comptes annuels ou intermédiaires (alinéa 6).

Par ailleurs, le présent article procède à une coordination avec l'article 30 du présent projet de loi, en prévoyant que la CDC présente chaque année aux commissions des finances, mais aussi des affaires économiques, des deux assemblées, ses comptes certifiés (alinéa 3).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent article s'inscrit dans la continuité de l'article 33. Elle a adopté un amendement rédactionnel ( COM-335 )

Votre commission a adopté l'article 34 ainsi modifié.

Article 35
(art. L. 518-15-2 et L. 518-15-3 du code monétaire et financier)
Règles prudentielles applicables à la Caisse des dépôts et consignations
et supervision par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Le présent article a pour objet d'élargir le champ des règles prudentielles qui régissent les établissements de crédits traditionnels applicables à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), ainsi que de confier à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) le rôle d'autorité de supervision de la CDC.

I. Le droit en vigueur

1. Les règles prudentielles applicables à la CDC

La CDC est soumise à un double contrôle prudentiel, dont les règles se distinguent du droit commun.

Premièrement, depuis l'entrée en vigueur en 2008 de la loi de modernisation de l'économie 455 ( * ) , ses activités bancaires sont soumises à un contrôle externe . La question du respect de règles prudentielles bancaires par la CDC est ainsi relativement récente.

Aux termes de l'article L. 518-15-2 du code monétaire et financier, certaines règles prudentielles applicables aux établissements de crédit traditionnels sont applicables à la CDC, « sous réserve des adaptations nécessaires » . Elles sont définies par décret en Conseil d'État 456 ( * ) , pris après avis de la commission de surveillance. Ainsi, le législateur a souhaité prendre en compte la spécificité de la CDC par rapport à un établissement de crédit ou une société de financement classique en lui appliquant un régime ad hoc .

En effet, contrairement aux établissements de crédit classiques, la CDC est chargée de missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'État et les collectivités territoriales 457 ( * ) .

Ce régime dérogatoire se traduit également par l'exclusion de la CDC du champ d'application du cadre réglementaire européen concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédits et aux sociétés de financement 458 ( * ) . Les établissements européens homologues de la CDC tels que la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) en Allemagne et la Cassa depositi e prestiti (CDP) en Italie sont également exclus de ce champ réglementaire 459 ( * ) .

Deuxièmement, la CDC est soumise à une forme de contrôle interne , puisqu'aux termes de l'article L. 518-7 du code monétaire et financier, elle est soumise à un modèle prudentiel élaboré par la commission de surveillance 460 ( * ) . Concrètement, ce modèle est élaboré par la commission de surveillance, sur proposition du directeur général et avis de l'ACPR (article R. 518-30-2 du même code). La détermination d'un modèle prudentiel vise à prendre en compte la spécificité du modèle économique de la CDC dans la détermination et le suivi de ses besoins en fonds propres.

Par conséquent, il faut distinguer le modèle prudentiel, qui constitue un outil de pilotage interne de la solvabilité et de la liquidité de la CDC, des règles prudentielles externes.

2. Le contrôle du respect des règles prudentielles confié à l'ACPR

Aux termes de l'article L. 518-15-3 du code monétaire et financier, créé par la loi de modernisation de l'économie précitée, la commission de surveillance confie à l'ACPR l'examen du respect des règles prudentielles applicables à la CDC . Par la suite, l'ACPR transmet un rapport à la commission de surveillance, qui peut formuler des propositions de recommandations et adresser des mises en mises en garde au directeur général pouvant être rendues publiques.

Ainsi, outre les règles prudentielles applicables, la supervision de celles-ci bénéficie également d'un traitement dérogatoire. Elle relève de la commission de surveillance, qui la délègue à l'ACPR, tout en conservant le pouvoir de recommandation et d'injonction en la matière auprès du directeur général. Lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie en 2008, la commission spéciale avait noté que cette dérogation constituait un « pouvoir important de la commission de surveillance, véritable « mise sous tension » confortée par le recours à l'expertise et aux moyens de la commission bancaire » qui devait permettre de « renforcer le contrôle sur les activités de la Caisse, et in fine leur crédibilité et leur transparence » 461 ( * ) .

Depuis 2008, l'article L. 518-15-3 précité a connu deux modifications substantielles.

D'une part, la loi de finances rectificative pour 2012 462 ( * ) a introduit une contribution annuelle de la CDC au bénéfice de l'ACPR pour la prise en charge des frais de contrôle . Son montant est prévu conventionnellement chaque année par l'ACPR et la CDC, après avis de la commission de surveillance. Cette disposition permet un alignement sur la pratique de droit commun des établissements placés sous le contrôle de l'ACPR et qui s'acquittent annuellement une contribution relative aux frais de contrôle.

D'autre part , la loi de 2014 relative aux comptes bancaires inactifs 463 ( * ) , dite « loi Eckert », prévoit le contrôle de l'ACPR sur la mise en oeuvre par la CDC des dispositions relatives aux comptes inactifs prévues aux articles L. 312-20 du code monétaire et financier, L. 132-27-2 du code des assurances et L. 223-25-4 du code de la mutualité.

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie les articles L. 518-15-2 et L. 518-15-3 du code monétaire et financier afin de soumettre la CDC au contrôle de l'ACPR en matière prudentielle.

Le I du présent article modifie l'article L. 518-15-2 du code monétaire et financier, en élargissant les règles prudentielles de droit commun applicables à la CDC . Désormais, l'ensemble de la section 8 du chapitre Ier du titre Ier du livre V, relative à la gouvernance des établissements de crédit et des sociétés de financement, est applicable à la CDC, à l'exception de l'article L. 511-58 du même code (alinéas 1 et 2). Ce dernier interdit le cumul des fonctions de direction générale et de présidence de l'organe de surveillance, ce qui est inopérant dans le cas de la CDC. Ces dispositions concernent notamment :

- l'honorabilité, la compétence et les connaissances des dirigeants ;

- les procédures de contrôle interne et de gestion des risques ;

- les politiques et pratiques de rémunération au sein de l'établissement ;

- l'organisation des comités spécialisés.

En outre, le présent article maintient que le décret déterminant les règles prudentielles applicables à la CDC est pris après avis de la commission de surveillance . Cette dernière doit prendre en compte le modèle économique de la CDC, et non plus prudentiel, pour rendre son avis . Cette disposition vise à clarifier la distinction entre le modèle prudentiel déterminé par la commission de surveillance, qui est un outil de pilotage interne, et les règles prudentielles applicables qui relèvent du contrôle externe. Le recours au terme de « modèle économique » évite la confusion entre les deux exercices (alinéas 3 et 4).

Le II du présent article modifie l'article L. 518-15-3 du même code afin de désigner l'ACPR comme autorité de supervision prudentielle, c'est-à-dire que l'ACPR se charge de contrôler le respect par la CDC des règles prudentielles qui lui sont applicables . Par conséquent, l'ACPR n'agit plus sur délégation de la commission de surveillance (alinéas 5 à 7).

Le présent article détaille les pouvoirs de police de l'ACPR applicables à la CDC (alinéas 8 à 11) :

- elle peut lui adresser des recommandations ou injonctions , dans le champ des règles prudentielles qui lui sont applicables ;

- elle peut prononcer des mises en demeure et des sanctions . Ces dernières sont toutefois limitées aux sanctions énoncées aux 1° et 2° de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier, c'est-à-dire l'avertissement et le blâme ;

- par dérogation à la disposition précédente, « compte tenu de la gravité des manquements », la sanction peut être d'ordre pécuniaire , dans la limite maximale de 100 millions d'euros ou de 10 % du chiffre d'affaires annuel net. Cette sanction est versée au budget de l'État .

L'ACPR doit informer la commission de surveillance préalablement à la prononciation de toute recommandation, injonction ou mise en demeure. Dans le cas d'une sanction, l'information de la commission de surveillance doit avoir lieu avant la décision du collège de supervision de l'ACPR d'ouvrir une procédure disciplinaire.

Enfin, les alinéas 12 à 14 modifient les modalités de défraiement de l'ACPR pour les frais de contrôle . Les modalités de défraiement sont désormais fixées par un arrêté du ministre chargé de l'économie, pris sur avis de la commission de surveillance.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté par l'Assemblée nationale au présent article.

IV. La position de votre commission

D'après l'étude d'impact, le renforcement des prérogatives de la commission de surveillance est difficilement compatible avec le maintien du rôle de superviseur parmi les missions de la commission de surveillance. En effet, celle-ci ne peut « à la fois se prononcer sur la stratégie et la gestion de l'établissement tout en assurant sa supervision prudentielle » 464 ( * ) .

Votre commission accueille favorablement l'évolution des modalités de supervision prudentielle de la CDC, à plusieurs titres.

Premièrement, en ce qui concerne le champ des règles prudentielles qui lui sont applicables, votre commission relève que la précision apportée au champ des règles prudentielles applicables est afférente à la gouvernance et au contrôle interne. Elle renforce notamment la transparence en matière de rémunération des membres de la commission de surveillance, ce qui constitue un objectif appréciable . D'après les informations transmises par la direction générale du Trésor à votre rapporteur, ces dispositions étaient déjà prévues dans un projet de décret présenté à la commission de surveillance en 2016. Cette dernière avait rendu un avis favorable.

Deuxièmement, en ce qui concerne le transfert de l'autorité de supervision de la commission de surveillance à l'ACPR, votre commission relève que cette disposition ne modifiera pas en profondeur la pratique actuelle, et renforce la crédibilité de la CDC . En effet, la commission de surveillance délègue déjà à l'ACPR l'examen du respect des règles prudentielles qui lui sont applicables. Ainsi, l'entrée en vigueur de cette disposition ne nécessitera pas pour l'ACPR de constituer une nouvelle expertise relative à la CDC . D'après les informations transmises à votre rapporteur, la commission de surveillance s'appuie déjà très largement sur les recommandations formulées par l'ACPR en la matière.

Par ailleurs, votre commission estime que le transfert de l'autorité de supervision à l'ACPR est un gage de cohérence avec les dispositions de l'article 31 du présent projet de loi . Le remodelage de la commission de surveillance pour la rapprocher du fonctionnement d'un véritable organe de direction, notamment en l'impliquant davantage dans les décisions stratégiques d'investissement à moyen terme, ne saurait s'accommoder d'une fonction concomitante de superviseur. Par conséquent, le transfert de l'autorité de supervision renforce la crédibilité de la commission de surveillance dans son rôle de stratège.

D'après les informations transmises par la direction générale du Trésor à votre rapporteur, les établissements européens homologues de la CDC, la KfW en Allemagne et la CDP en Italie, sont soumis à la supervision de plein exercice du superviseur national. Ainsi, le présent article permet d'aligner la CDC sur les standards européens en la matière.

Pour autant, votre commission relève que cet article préserve les spécificités de la CDC par rapport aux établissements de crédit de droit commun. Ainsi, la conservation d'un régime législatif ad hoc en matière prudentielle éloigne la perspective d'un alignement complet de la CDC sur les modalités de fonctionnement de droit commun d'un établissement de crédit . De plus, le rôle de la commission de surveillance est préservé. Elle reste chargée d'élaborer le modèle prudentiel. Elle est également saisie pour avis des décrets en Conseil d'État relatifs aux règles prudentielles applicables à la CDC, et aux modalités de défraiement de l'ACPR.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-544 ).

Votre commission a adopté l'article 35 ainsi modifié.

Article 36
(art. L. 518-16 du code monétaire et financier)
Fixation par décret du versement annuel
de la Caisse des dépôts à l'État

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-16 du code monétaire et financier, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) verse chaque année à l'État une fraction de son résultat net, déterminée après avis de la commission de surveillance saisie par le directeur général . Le même article mentionne également le paiement d'une contribution représentative de l'impôt sur les sociétés.

En réalité, les relations financières entre la CDC et l'État s'articulent autour de trois composantes :

- le prélèvement sur le fonds d'épargne , qui correspond au coût de la garantie de l'épargne réglementée 465 ( * ) . Le montant de cette rémunération est fixée par décret après avis de la commission de surveillance ;

- la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés , créée en 1960 et mentionnée à l'article L. 518-16 du code monétaire et financier. Ses modalités de calcul sont les mêmes que celles de l'impôt sur les sociétés ;

- le versement d'une fraction du résultat net, également appelé le « dividende » . Le principe de ce versement a été introduit par la loi de finances pour 1990 466 ( * ) . Ses modalités de calcul ne font l'objet d'aucune disposition législative ou réglementaire. En pratique, la fixation du montant de cette participation fait l'objet d'un simple échange de lettres entre le ministre de l'économie et le directeur général .

II. Le dispositif proposé

Le présent article modifie l'article L. 518-16 du code monétaire et financier et prévoit que la fraction du résultat net de la CDC reversée chaque année à l'État est fixée par décret après avis de la commission de surveillance .

Par conséquent, le présent article supprime la saisine de la commission de surveillance par le directeur général.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative du rapporteur thématique et après un avis favorable du Gouvernement, visant à compléter l'article 36 en précisant que le montant du versement effectué au bénéfice de l'État ne saurait être de nature à mettre en cause la solvabilité de la CDC, ou le respect des règles prudentielles qui lui sont applicables .

IV. La position de votre commission

Votre commission constate que le caractère informel des modalités de fixation du versement de la CDC à l'État s'explique, d'une part, par la nature singulière de l'établissement, et d'autre part, par la nécessité d'établir des modalités souples , permettant de s'adapter rapidement aux évolutions des activités de la CDC.

Ainsi, les règles de calcul ont été plusieurs fois modifiées depuis 1990 . D'après les informations transmises par la direction générale du Trésor à votre rapporteur, de 1990 à 1997, le versement correspondait à 25 % du résultat net social de la CDC, et il a été porté à 29 % pour l'année 1998. De 1999 à 2009, le versement de la CDC à l'État a augmenté et il correspondait à 33,33 % du résultat net consolidé, avec l'introduction d'un seuil minimal correspondant à la contribution des dépôts obligatoires au résultat (CDOR). Le CDOR avait pour objectif de prendre en considération le monopole de la CDC en matière de gestion des dépôts des professions juridiques réglementées.

Depuis 2010, la règle de calcul du versement est fixée à 50 % du résultat net consolidé dans la limite de 75 % du résultat net social. Toutefois, les exercices 2016 et 2017 ont dérogé à cette règle : pour ces deux exercices, le montant du versement s'est établi à 50 % du résultat net consolidé avec un plafonnement à 50 % du résultat net social. L'objectif était d'augmenter les fonds propres disponibles pour permettre à la CDC de mettre en oeuvre les annonces liées au bicentenaire de l'établissement, telles que la création d'un fonds avec l'Agence française de développement (AFD).

La direction générale du Trésor a indiqué à votre rapporteur que l'évolution des résultats sociaux et consolidés de la CDC constituait une variable du montant du versement plus déterminante que la règle de calcul du versement lui-même .

Évolution du montant du « dividende » de la CDC versé à l'État

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant du versement

937

0

660

1169

103

0

415

637

463

897*

* En 2017, un versement semestriel sur les résultats du 1 er semestre de l'année n a été mis en place, en plus du versement assis sur les résultats de la CDC en n-1.

Source : commission spéciale,
à partir des données transmises par la direction du budget

Votre commission relève que cette modification des modalités de fixation du versement à l'État s'inscrit dans la continuité des dispositions visant à rapprocher la commission de surveillance du rôle d'un conseil d'administration classique . En effet, dans les établissements publics, le ministre chargé du budget détermine par arrêté le montant du dividende versé à l'État 467 ( * ) .

Toutefois, votre commission souligne que l'alignement du fonctionnement de la commission de surveillance sur celui d'un conseil d'administration ne saurait aliéner complètement son rôle historique de vigie . Certes, la commission de surveillance sera saisie pour avis sur le montant du versement effectué à l'État. Néanmoins, cette saisine pour avis ne permettra de peser sur la décision finale que dans la mesure où la commission de surveillance utiliserait la possibilité de rendre publics ses avis, comme le prévoit l'article 31 de la présente loi . Votre commission encourage donc la publication systématique et immédiate de ses avis relatifs au « dividende » versé par la CDC à l'État.

Votre commission a adopté l'article 36 sans modification.

Article 37
(art. L. 518-24-1 [nouveau] du code monétaire et financier)
Encadrement juridique des mandats de gestion de fonds
par la Caisse des dépôts et consignations
pour le compte de personnes publiques

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, la CDC est chargée « d'assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée » 468 ( * ) .

Cette mission de « tiers de confiance » lui a été confiée dès sa création en 1816 , avec la gestion des systèmes de retraite publique. Cette responsabilité est le corollaire de sa mission principale qui est de protéger l'épargne des français. À partir de 1890, sur mandat de l'État, la CDC s'est vue confier les fonds déposés par les particuliers chez les notaires. Le champ de cette mission s'est progressivement élargi et il inclut désormais les fonds des administrateurs et mandataires judiciaires, des greffiers des tribunaux et des huissiers. Divers autres fonds lui ont été confiés, tels que le fonds de cohésion sociale (FCS). Elle assure également la gestion des comptes en déshérence depuis 2014 469 ( * ) .

Elle gère ainsi des fonds pour le compte de personnes publiques, y compris les collectivités territoriales , dans le cadre de conventions. D'après l'étude d'impact, les activités de mandataire public de la CDC correspondent à des flux s'élevant à « plusieurs dizaines de milliards d'euros par an », sans davantage de précision.

La loi de 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises 470 ( * ) a précisé le cadre législatif des mandats de gestion.

Concernant les collectivités territoriales et leurs établissements publics, il est nécessaire de distinguer les mandats relatifs à la gestion des dépenses, et ceux relatifs aux recettes.

Aux termes de l'article L. 1611-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent confier, par convention écrite, à un organisme doté d'un comptable public, l'attribution des dépenses relatives :

- aux bourses d'action sanitaire et sociale ;

- aux aides en matière d'emploi, d'apprentissage et de formation professionnelle continue ;

- aux aides complémentaires des aides nationales ou de l'Union européenne gérées par cet organisme ;

- à d'autres dépenses énumérées par décret.

Aux termes de l'article L. 1611-71-1 du CGCT, elles peuvent confier à un organisme public ou privé, après avis conforme de leur comptable public, l'encaissement :

- du produit des droits d'accès à des prestations culturelles, sportives, et touristiques ;

- du revenu tiré des immeubles leur appartenant et confiés en gérance, ou d'autres produits et redevances fixés par décret ;

- du revenu tiré des prestations assurées dans le cadre d'un contrat portant sur la gestion du service public de l'eau, de l'assainissement ou autre service public fixé par décret.

Ainsi, pour l'encaissement des recettes, l'organisme mandaté ne doit pas nécessairement avoir un comptable public.

L'État, ses établissements publics, leurs groupements d'intérêt public (GIP) et les autorités publiques indépendantes (API) peuvent confier l'encaissement de recettes et le paiement de dépenses à un organisme public ou privé, sous réserve de l'avis conforme du comptable public 471 ( * ) . Les recettes fiscales, et plus largement les prélèvements obligatoires, sont exclus du dispositif.

II. Le dispositif proposé

Le présent article introduit un nouvel article L. 518-24-1 dans le code monétaire et financier visant à harmoniser le cadre législatif des mandats confiés à la CDC.

Il prévoit ainsi que l'État, ses établissements publics, les groupements d'intérêt public (GIP) et les autorités publiques indépendantes, peuvent confier à la CDC un mandat pour encaisser des recettes, payer des dépenses, et agir en justice au nom et pour le compte du mandant (alinéa 4), sous réserve de respecter les conditions suivantes :

- la convention doit être écrite ;

- les ministres chargés de l'économie et du budget doivent autoriser le mandat ;

- le principe d'une reddition au moins annuelle des comptes doit être respecté.

Concernant les mandats confiés par les collectivités territoriales, le présent article tire les conséquences de la suppression de la fonction de caissier général prévu à l'article 33 de la présente loi .

Alors même que la CDC n'aura plus de comptable public, le présent article prévoit que les collectivités territoriales peuvent lui confier les opérations de paiement des dépenses prévues au II de l'article L. 1611-7 précité.

Elles peuvent également confier à la CDC le paiement des dépenses et l'encaissement des recettes pour les fonds qui lui ont déjà été confiés à la date d'entrée en vigueur de la présente loi (alinéa 5).

Enfin, le présent article prévoit une disposition de régularisation des mandats en cours de gestion (alinéa 6).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement à cet article.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent article procède à une clarification bienvenue du cadre législatif en ce qui concerne la fonction de mandataire de gestion de la CDC.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel (COM-545).

Votre commission a adopté l'article 37 ainsi modifié.

Article 38
(art. L. 111-3 et L. 131-2-1 du code des juridictions financières)
Coordination avec l'application de la comptabilité commerciale
à la Caisse des dépôts et consignations

Le présent article a pour objet la suppression du contrôle juridictionnel de la Cour des comptes sur la gestion comptable de la CDC, par coordination avec l'article 33.

I. Le droit en vigueur

Aux termes des articles L. 518-15 du code monétaire et financier et L. 131-3 du code des juridictions financières, les modalités du contrôle juridictionnel exercé par la Cour des comptes sur la CDC sont définies par décret en Conseil d'État , « compte tenu du statut spécial de cet établissement » 472 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article tire les conséquences de l'article 33 et modifie le code des juridictions financières afin de supprimer le contrôle juridictionnel de la Cour des comptes sur la CDC . En effet, l'article 33 du présent projet de loi applique les règles de comptabilité commerciale de droit commun à la CDC. Par conséquent, il supprime la fonction de caissier général, et le contrôle juridictionnel afférent de la Cour des comptes devient sans objet.

Le II du présent article abroge l'article L. 131-3 du code des juridictions financières, qui prévoit la compétence juridictionnelle de la Cour des comptes envers la Caisse des dépôts.

Par conséquent, le I du présent article modifie l'article L. 111-3 du même code, en supprimant la mention de l'article abrogé.

Les alinéas 4 et 5 procèdent aux coordinations nécessaires dans le code des juridictions financières.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre commission estime que le présent article s'inscrit dans la continuité de l'article 33.

Elle relève que le maintien du contrôle de gestion de la Cour des comptes selon les modalités de droit commun applicables aux personnes morales de droit public constitue une garantie de la préservation de la nature particulière de la CDC , en dépit de l'application des règles de la comptabilité commerciale.

Votre commission a adopté l'article 38 sans modification.

Article 39
Entrée en vigueur des dispositions du projet de loi
relatives à la Caisse des dépôts et consignations

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le dispositif proposé

En principe, sauf dispositions particulières, les dispositions du présent projet de loi entreront en vigueur au lendemain de leur publication au Journal officiel.

Le présent article vise à permettre une entrée en vigueur différée de certaines des dispositions relatives à la CDC.

Le I du présent article prévoit que les articles 33 et 38 entrent en vigueur le 1 er janvier 2020 . Pour rappel, ces articles sont relatifs :

- à l'application des règles de gestion comptable et commerciale à la CDC, ainsi que des mesures de coordination nécessaires (articles 33 et 38) ;

Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur progressive des dispositions relatives à la composition de la commission de surveillance, prévues à l'article 30, à l'exception de l'introduction de deux membres représentant du personnel qui intervient dès l'entrée en vigueur de la présente loi .

Le Gouvernement souhaite associer le remplacement des membres issus des grands corps de l'État - Cour des comptes et Conseil d'État -, ainsi que de la Banque de France, par des personnalités qualifiées, au transfert de l'autorité de supervision à l'ACPR.

De plus, le présent article prévoit que les parlementaires membres de la commission de surveillance restent en fonction jusqu'au terme de leur mandat. L'introduction de parlementaires issus des commissions des affaires économiques des deux assemblées aura lieu lors du prochain renouvellement de ces membres.

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, à l'initiative du rapporteur, afin de clarifier les modalités d'entrée en vigueur. L'amendement prévoit que les articles 34, 35 et 36 entrent en application à compter du 1 er janvier 2020. En effet, l'article présentait une incohérence entre les deux paragraphes, le second prévoyant une entrée en vigueur différée de la composition de la commission de surveillance en raison du transfert de l'autorité de supervision à l'ACPR, alors même que l'article 35 afférent entrait en vigueur immédiat.

Désormais, les articles 33 à 36 et 38 entrent en vigueur au 1 er janvier 2020.

III. La position de votre commission

Votre commission estime qu'il est pertinent de prévoir une entrée en vigueur différée des dispositions visées par le présent article.

Un amendement de coordination avec l'article 30 est toutefois nécessaire.

Votre commission a adopté l'article 39 ainsi modifié.

Article 39 bis
(art. L. 312-1-6 du code monétaire et financier)
Accès à la médiation dans les conventions de compte

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit existant

Les articles L. 312-1-1 à L. 312-1-8 du code monétaire et financier déterminent les conditions des relations entre les établissements de crédit et leurs clients.

Pour les personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels, l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier prévoit que la gestion d'un compte de dépôt est réglée par une convention écrite passée entre le client et son établissement de crédit. Il s'agit ainsi de sécuriser le processus d'ouverture de compte en obligeant la banque à procéder à un certain nombre de diligences (vérifications d'identité, de domicile, etc.) et, surtout, à respecter certaines obligations d'information, en particulier sur le fonctionnement et les conditions tarifaires du compte.

Pour ces personnes, la médiation bancaire s'applique de droit , conformément à l'article L. 316-1 du code monétaire et financier.

Pour les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels , la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires 473 ( * ) a introduit un dispositif analogue, reproduit à l'article L. 312-1-6 du code monétaire et financier. Cet article prévoit que la gestion du compte est réglée par une convention écrite.

Sur le modèle de la convention de compte prévue pour les particuliers, il est renvoyé à un arrêté du ministre chargé de l'économie pour préciser les principales stipulations que cette convention de compte doit comporter , notamment les modalités d'accès à la médiation. Il s'agit, en cas d'échec du traitement direct d'un différend entre un client et sa banque, de recourir à un tiers afin d'assurer le règlement extra-judiciaire des litiges.

L'arrêté du 1 er septembre 2014 474 ( * ) est intervenu pour déterminer les éléments que la convention de compte conclue entre le client agissant pour des besoins professionnels et son établissement de crédit doit comporter. Son article 2 indique ainsi que « lorsqu'un dispositif de médiation est prévu , les modalités de saisine du médiateur compétent dont relève l'établissement de crédit » doivent figurer dans la convention de compte.

Il en résulte donc que l'ouverture de la médiation aux professionnels personnes physiques n'est pas obligatoire . Certains établissements de crédit ne la proposent pas à ces clients.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré par la commission spéciale de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Daniel Labaronne et d'autres membres du groupe La République en Marche, avec un avis favorable du Gouvernement.

Il vise à compléter l'article L. 312-1-6 du code monétaire et financier afin d'obliger les établissements de crédit à proposer un service de médiation à leurs clients personnes physiques agissant pour des besoins professionnels .

Si le renvoi à un arrêté du ministre chargé de l'économie pour préciser les principales stipulations de la convention est maintenu, celle-ci devra comporter les modalités d'accès à la médiation.

III. La position de votre commission spéciale

Le présent article vient utilement compléter le cadre législatif entourant la convention de compte liant un client agissant pour des besoins professionnels et son établissement de crédit.

Lors de l'introduction d'une obligation de convention de compte pour ces clients en 2013, la rédaction de l'article L. 312-1-6 du code monétaire et financier a été calquée sur celle de l'article L. 312-1-1 du même code relatif aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels.

Or, pour ces personnes, la saisine du médiateur est de droit, conformément à l'article L. 316-1 du même code, de sorte qu'il n'est pas utile de prévoir la mention obligatoire d'un service de médiation au sein de la convention de compte.

De fait, compte tenu d'une rédaction en partie imprécise , certains clients agissant pour des besoins professionnels ne bénéficient pas de ce service, sans que telle ait été l'intention du législateur . Aussi votre rapporteur approuve-t-il la précision apportée par le présent article.

Votre commission a adopté l'article 39 bis sans modification.

Section 2
Protéger les inventions et
libérer l'expérimentation de nos entreprises
Sous-section 1
Protéger les inventions de nos entreprises
Article 40
(art. L. 515-2 [nouveau], L. 611-2, L. 612-14, L. 612-15 et
L. 811-1-1 du code de la propriété intellectuelle)
Modernisation du certificat d'utilité

I. Le droit en vigueur

Dans son article L. 611-2, le code de la propriété intellectuelle prévoit trois titres de propriété intellectuelle protégeant les inventions :

les brevets d'invention , délivrés pour une durée de vingt ans à compter du jour de dépôt de la demande ;

les certificats d'utilité , délivrés pour une durée de six ans à compter du jour de dépôt de la demande ;

3° les certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet prenant effet au terme légal du brevet auquel ils se rattachent.

Comme le brevet, le certificat d'utilité confère à son titulaire un monopole d'exploitation de son invention.

Toutes les dispositions applicables aux brevets le sont aussi aux certificats d'utilité qui offre donc la même protection qu'un brevet, à quelques différences près :

- tout d'abord la durée des titres n'est pas la même : vingt ans maximum pour le brevet, six ans maximum pour le certificat d'utilité ;

- les formalités devant l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) diffèrent : aucun rapport de recherche, tel que prévu par l'article L. 612-14 du code de la propriété intellectuelle, n'est exigé dans le cas du certificat d'utilité contrairement au brevet ; l'INPI n'effectue donc aucun examen de fond du certificat d'utilité et délivre automatiquement, après un simple examen de forme, le certificat d'utilité ; la procédure est donc plus simple et plus rapide, en moyenne de l'ordre de six mois ; elle est en outre moins coûteuse 475 ( * ) ;

- autant le demandeur peut transformer une demande de brevet en demande de certificat d'utilité 476 ( * ) , autant l'inverse n'est pas autorisé.

Le régime du certificat d'utilité est a priori bien adapté aux petites et moyennes entreprises qui souhaitent protéger des modifications ou des évolutions mineures à des produits déjà existants ou des inventions à durée de vie courte. C'est un titre plus facile à obtenir et aussi moins coûteux 477 ( * ) .

Toutefois, ce titre de propriété intellectuelle est très peu utilisé dans notre pays : à peine 3 % des demandes de titres concernent des certificats d'utilité (500 demandes par an contre plus de 16 000 demandes concernant les brevets). Or, dans d'autres pays qui disposent d'un outil juridique comparable 478 ( * ) , il est souvent bien plus développé et utilisé par les entreprises.

Brevets d'invention et certificats d'utilité
en France, Allemagne, Autriche et Chine en 2013

Pays

Nombre de demandes de brevets

Nombre de demandes de certificats d'utilité

Poids des certificats d'utilité

France

16 886

503

3 %

Allemagne

63 158

15 472

24 %

Autriche

26 358

1 856

7 %

Chine

2 377 061

892 362

37 %

Source : étude d'impact du présent projet de loi

II. Le dispositif proposé

1. Allongement de la durée du certificat d'utilité à 10 ans

Dans son a) du 1° du I , le présent article vise à allonger la durée du certificat d'utilité de six à dix ans , la rapprochant de ce qui existe dans d'autres pays, notamment en Chine et en Allemagne.

2. Ouverture de la possibilité de transformation d'une demande de certificat d'utilité en demande de brevet

Si le déposant souhaite in fine bénéficier d'une protection plus forte, le présent article, dans le 3° du I , rend possible la transformation d'une demande de certificat d'utilité en demande de brevet d'invention , engageant la réalisation du rapport de recherche. Le délai et la procédure afférents seront précisés par voie réglementaire.

Ces deux mesures devraient permettre de doubler le nombre annuel de demandes certificats d'utilité qui passerait ainsi de 500 à 1000 par an 479 ( * ) .

3. Apposition d'une formule exécutoire par l'INPI

Le 4° du I du présent article désigne l'INPI pour l'apposition de la formule exécutoire prévue à l'article 71 du règlement européen (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires. La formule exécutoire est requise dans le cadre de l'exécution forcée des décisions de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) fixant le montant des frais relatifs aux actions en nullité ou recours formés contre les dessins et modèles communautaires. Cette disposition vient combler une lacune de la partie législative du code de la propriété intellectuelle, l'INPI réalisant déjà cette apposition depuis l'entrée en vigueur du règlement européen en 2002.

4. Diverses mesures de coordination

Les b) du 1°, 2° et 5° du I du présent article sont des mesures de coordination légistique.

5. Entrée en vigueur

Le II du présent article prévoit que les nouvelles rédactions n'entreront en vigueur qu'à la date de publication du texte réglementaire relatif à la transformation d'une demande de certificat d'utilité en demande de brevet ( cf. 3° du I du présent article) et au plus tard douze mois après la publication de la loi.

Seuls les certificats d'utilité délivrés par l'INPI après l'entrée en vigueur de la mesure bénéficieront des nouvelles mesures : la durée de protection des certificats d'utilité en vigueur au moment de l'entrée en vigueur de la mesure (« stock de certificats d'utilité » en cours de validité) ne sera pas modifiée et restera de six ans.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modifications autres que rédactionnelles.

En séance publique, cet article a été adopté sans modification.

III. La position de votre commission

Votre commission spéciale est très attentive aux questions de propriété intellectuelle qui jouent un rôle croissant dans les processus d'innovation et la compétitivité de nos entreprises. L'étude d'impact du présent projet de loi rappelle à cet effet qu'au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de brevets déposés chaque année au niveau mondial a triplé, pour atteindre plus de 3 millions de brevets déposés en 2016.

Votre commission est favorable au dispositif proposé qui permet d'aligner notre régime juridique sur celui des grands pays inventeurs et notamment de nos partenaires européens et d'offrir un brevet facile d'accès aux PME et aux chercheurs que nous devons inciter à protéger leurs inventions.

Votre commission est également favorable à la création d'une procédure dématérialisée de demande provisoire de brevet 480 ( * ) . Cette procédure devrait être mise en place par voie réglementaire dans un délai de six mois, conformément aux engagements pris par le ministre devant l'Assemblée nationale. Une telle procédure devrait permettre de déposer un brevet de manière anticipée, sans risquer de se faire doubler par un concurrent. C'est une disposition cruciale pour défendre l'innovation en France.

Votre commission a adopté l'article 40 sans modification.

Article 41
(art. L. 114-3-3, art. L. 531-1, art. L. 531-3 à L. 531-12,
art. L. 531-12-1 [nouveau], art. L. 531-13,
art. L. 531-14 à L. 531-16 [nouveaux], art. L. 533-1,
art. L. 545-1, L. 546-1 et L. 547-1 du code de la recherche)
Chercheurs entrepreneurs

I. Le droit en vigueur

Depuis vingt ans, les gouvernements successifs s'efforcent de rapprocher la recherche de l'activité économique en favorisant la valorisation des résultats de recherche et une plus grande coopération entre la recherche publique et l'industrie.

La loi n ° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche (dite « loi Allègre ») a instauré trois dispositifs dérogatoires afin de permettre aux personnels de la recherche publique 481 ( * ) d'être plus facilement associés aux opérations industrielles et commerciales de valorisation de leurs innovations : la création d'entreprise ; le concours scientifique ; la participation à la gouvernance d'une société anonyme .

• La création d'entreprise

Les articles L. 531-1 à L. 531-7 du code de la recherche précisent les conditions dans lesquelles un personnel de la recherche peut devenir dirigeant ou associé d'une entreprise créée pour valoriser ses travaux de recherche.

Au préalable, il doit signer avec son établissement de recherche un contrat de valorisation sur lequel la commission de déontologie de la fonction publique émet un avis. Lorsque l'avis a été rendu et que l'établissement de recherche a donné son autorisation, l'agent peut créer son entreprise. L'autorisation est donnée pour une durée de deux ans, renouvelable deux fois. L'agent cesse alors toute activité au titre du service public dont il relève, à l'exception de quelques activités d'enseignement. Il est soit détaché dans l'entreprise, soit mis à disposition de celle-ci.

À l'issue de cette période, le chercheur peut soit se mettre en disponibilité, soit démissionner de la fonction publique, soit être réintégré dans son emploi public, à condition de céder ses parts de l'entreprise dans les 12 mois.

Il peut néanmoins être autorisé à apporter son concours scientifique à l'entreprise ou à conserver une participation dans le capital social de l'entreprise dans la limite de 49 % du capital.

• Le concours scientifique

Les articles L. 531-8 à L. 531-11 du code de la recherche précisent les conditions dans lesquelles un personnel de la recherche peut être autorisé à apporter son concours scientifique à une entreprise qui assure la valorisation des travaux de recherche qu'il a réalisés.

L'agent doit être autorisé par sa hiérarchie à effectuer un concours scientifique, après avis de la commission de déontologie. Par un avis rendu le 15 novembre 2001 (avis n° 01AR0073), cette commission a fixé à 20 % au plus la quotité de temps de travail consacrée par l'agent à l'entreprise , celui-ci restant rémunéré à temps plein.

Pour valider l'autorisation, une convention de concours scientifique doit être signée entre l'employeur de l'agent et l'entreprise, ainsi qu'un contrat de valorisation. L'autorisation de concours scientifique est accordée pour cinq ans renouvelables .

Le fonctionnaire ne peut participer ni à l'élaboration ni à la passation des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. Il ne peut, au sein de l'entreprise, ni exercer des fonctions de dirigeant, ni être placé dans une situation hiérarchique.

La rémunération perçue pour le concours scientifique par l'agent est plafonnée à un montant fixé par décret n° 99-1081 du 20 décembre 1999 modifié. Le montant brut annuel était de 74 226 euros au 1 er février 2017.

Le chercheur peut également être autorisé à détenir 49 % du capital de cette entreprise lors de la création de celle-ci ou ultérieurement.

À l'issue de la période d'autorisation, le fonctionnaire dispose d'un an pour céder ses droits sociaux. Il ne peut plus conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque dans l'entreprise.

• La participation à la gouvernance d'une société anonyme

Les articles L. 531-12 à L. 531-14 du code de la recherche précisent les conditions dans lesquelles un personnel de la recherche peut être autorisé à participer au conseil d'administration ou au conseil de surveillance d'une société anonyme.

L'autorisation est donnée par l'autorité dont relève le fonctionnaire après avis de la commission de déontologie. Elle est valable deux ans renouvelables deux fois . La rémunération liée au capital et à la gouvernance (jetons de présence) est plafonnée. Le fonctionnaire ne peut pas à la fois être membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'entreprise et apporter son concours scientifique à cette dernière. Sa participation dans le capital social de l'entreprise ne peut excéder 20 %. Il ne peut participer ni à l'élaboration ni à la passation des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche.

À l'issue de cette période ou de son mandat d'administrateur, le chercheur peut soit se mettre en disponibilité, soit démissionner de la fonction publique, soit être réintégré dans son emploi public, à condition de céder ses parts de l'entreprise dans les trois mois.

En février 2017, un rapport 482 ( * ) a dressé un bilan assez mitigé de ces dispositifs. En seize ans, de 2000 à 2015 inclus, la commission de déontologie a étudié 1571 dossiers et émis 1426 avis favorables et sous réserve, soit une moyenne annuelle de 98 dossiers et de 89 avis favorables par an, dont :

- 231 avis favorables à une demande de création d'entreprise (16,2 % des avis favorables);

- 1144 avis favorables à une demande de concours scientifique (80,3 % des avis favorables) ;

- 58 avis favorables à une demande de participation à la gouvernance d'une société anonyme (3,5 % des avis favorables).

Selon l'étude d'impact jointe au présent projet de loi, plusieurs freins à l'utilisation de ces dispositifs ont été relevés auprès des utilisateurs :

- l'interdiction de maintenir un lien avec le service public de la recherche en cas de création d'entreprise : elle apparaît comme un obstacle important pour les fonctionnaires qui restent attachés à leur administration et hésitent à franchir le pas en raison des incertitudes autour de leur rémunération à venir et de leur capacité entrepreneuriale ;

- l'interdiction de maintenir tout lien avec l'entreprise à l'issue du concours scientifique ;

- l'impossibilité de conserver le capital à l'issue de l'autorisation : elle dissuade les chercheurs de consacrer des efforts dans cette activité privée aux résultats incertains et met parfois en difficulté ceux qui ont pris le risque et ne parviennent pas à revendre leurs parts, faute de repreneurs.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose d'assouplir et de simplifier le dispositif afin de le rendre plus attractif pour les personnels de recherche.

Les modifications apportées au dispositif de participation à la création d'entreprise

Désormais, le personnel de recherche désireux de créer son entreprise pourra conserver un lien avec le service public de la recherche. Le 3° du présent article réécrit l'article L. 531-4 du code de la recherche afin d'autoriser une mise à disposition ou un détachement à temps partiel dans l'entreprise en création.

Par ailleurs, le 4° du présent article modifie l'article L. 531-5 du même code afin que la mobilité du personnel de la recherche au sein de l'entreprise ne le pénalise pas dans sa carrière professionnelle. Désormais, il pourra bénéficier d'un avancement de grade dans son corps ou cadre d'emploi d'origine, même s'il n'est pas en fonction dans l'administration. Par ailleurs, il pourra bénéficier d'une nomination dans un autre corps à condition que celle-ci ne soit pas conditionnée à l'accomplissement d'une période de formation ou de stage préalable.

Les modifications apportées au dispositif d'apport d'un concours scientifique

Le 6 ° du présent article modifie l'article L. 531-8 du même code afin d'augmenter la quotité de temps de travail que le personnel de recherche peut consacrer à son activité dans l'entreprise . Celle-ci était limitée à 20 %, elle pourra désormais atteindre 50 %. En contrepartie, lorsque la mise à disposition ne sera pas jugée compatible avec l'exercice d'un temps plein dans la fonction publique, elle devra faire l'objet d'un remboursement de la part de l'entreprise (12° du présent article).

Par ailleurs, les fonctions susceptibles d'être occupées par le personnel de recherche dans le cadre du concours scientifique à l'intérieur de l'entreprise sont élargies . Ainsi, le b) du 7° du présent article prévoit que le fonctionnaire peut être placé dans une situation hiérarchique. Seule l'interdiction d'exercer la fonction de dirigeant est maintenue.

Les modifications apportées au dispositif de participation à la gouvernance de l'entreprise

Les 9 ° et 10 ° du présent article modifient l'article L. 531-12 du code de la recherche afin de remplacer les termes de conseil d'administration et le conseil de surveillance par le terme plus générique d'organes de direction et de substituer le terme de société anonyme par celui de société commerciale.

Les dispositions communes aux trois dispositifs

- Simplification des procédures d'autorisation

Le 12 ° du présent article crée un article L. 531-14 du code de la recherche qui simplifie et unifie les procédures d'autorisation de création d'entreprise, de concours scientifique, de participation au capital d'une entreprise et de participation aux organes de direction d'une société commerciale. La décision d'autorisation de l'administration n'est plus subordonnée à l'avis préalable de la commission de déontologie . Elle dépend directement de l'établissement dont relève le fonctionnaire. Cependant, ledit établissement pourra continuer à demander l'avis de la commission de déontologie s'il ne s'estime pas en mesure d'apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d'intérêts.

Par ailleurs, le suivi de l'autorisation est désormais assuré par l'établissement dont relève le fonctionnaire plutôt que par la commission de déontologie.

Les conditions dans lesquelles l'autorisation peut être refusée ou abrogée ou son renouvellement refusé restent les mêmes que dans le dispositif actuel 483 ( * ) , mais elles sont regroupées dans l'article L. 531-14 précité.

Par conséquent, tous les articles du code de la recherche qui faisaient référence à la procédure d'autorisation pour chaque dispositif sont abrogés (article L. 531-3 abrogé par le 2 °, article L. 531-7 abrogé par le 5°, articles L. 531-10 et L. 531-11 abrogés par le 8°).

- Passage d'un dispositif à un autre

Le 12 ° du présent article insère également un article L. 531-14-1 dans le code de la recherche qui autorise le personnel de recherche à passer d'un dispositif à un autre. Il permet également au fonctionnaire de conserver une participation au capital de l'entreprise dans la limite de 49 % de son montant lorsque l'autorisation pour créer une entreprise ou pour apporter un concours scientifique arrive à son terme.

- Participation au capital de l'entreprise

Au terme de l'autorisation pour la création d'une entreprise ou pour la participation aux organes de direction d'une société commerciale, en cas de fin anticipée de celle-ci convenue entre le fonctionnaire et l'autorité de tutelle ou de non renouvellement, le fonctionnaire peut désormais conserver une participation au capital de l'entreprise dans la limite de 49 % du capital, à l'instar de ce qui est déjà actuellement prévu lorsque le fonctionnaire crée une entreprise.

- Prise en compte des dispositifs de valorisation

La valorisation a longtemps été le monopole des organismes de recherche et des entreprises publiques. Toutefois, les outils de valorisation ont été diversifiés ces dernières années, à travers les sociétés commerciales de valorisation développées par les organismes de recherche et la création de nouvelles structures dans le cadre du programme des investissements d'avenir (telles que les sociétés d'accélération du transfert de technologies). Les 1 ° et 5° du présent article en tiennent compte en précisant qu'un fonctionnaire peut être autorisé à créer une entreprise ou à apporter son concours scientifique en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique, une entreprise publique, mais également avec une personne morale mandatée par ces dernières.

La désignation d'un mandataire unique

L'article L. 533-1 du code de la recherche porte sur les inventions réalisées par les fonctionnaires.

Le V. prévoit la désignation par les déposants d'un mandataire unique chargé de la gestion, de l'exploitation et de la négociation du titre de propriété avant sa publication. Le a) du 13 ° du présent article modifie l'article L. 533-1 précité afin d'élargir le champ d'application du décret d'application. Jusqu'à présent, celui-ci fixait le mode de désignation et les missions du mandataire. Désormais, il fixera également les pouvoirs de celui-ci.

Par ailleurs, le b) du 13 ° supprime, dans l'article L. 533-1 précité, la disposition qui obligeait toute entreprise ayant acquis le titre de propriété d'une invention réalisée par une personne publique de le rétrocéder s'il n'a pas été exploité dans un délai de cinq ans.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, cette disposition crée une insécurité juridique pour l'ensemble des acteurs et donc un frein au transfert de technologie. En effet, les établissements publics ne savent pas exactement comment mettre en place cette obligation sans mettre en péril leur négociation avec un exploitant. En outre, elle est parfois interprétée comme un droit d'option exclusif gratuit pour un exploitant du fait de la restitution de contrepartie financière versée notamment aux établissements, ce qui empêche ou retarde la réalisation d'autres opportunités de transfert de technologie.

Enfin, le 14 ° du présent article opère les coordinations nécessaires à l'application des dispositions présentées précédemment à Wallis et Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle Calédonie.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté deux modifications.

D'abord, elle a étendu aux dirigeants des organismes de recherche et d'enseignement supérieur la possibilité de participer aux organes de direction d'une société commerciale afin de favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique . L'autorisation est alors donnée par le ou les ministres de tutelle. La participation du fonctionnaire aux organes de direction ainsi que le nom de la société sont rendus publics. En outre, l'exercice de cette activité ne peut donner lieu à aucune rémunération.

Ensuite, elle a modifié la composition du haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur afin d'imposer qu'un des neuf membres ayant la qualité de chercheur, d'ingénieur ou d'enseignant-chercheur, nommés sur proposition des instances d'évaluation compétentes en matière d'enseignement supérieur et de recherche parmi leurs membres élus, soit un personnel de recherche qui a participé à la création d'une entreprise en application des articles L. 531-1 et suivants du code de la recherche.

IV. La position de votre commission

Votre commission approuve les assouplissements apportés aux dispositifs dérogatoires permettant aux chercheurs d'être plus facilement associés à la valorisation des innovations dont ils sont à l'origine.

Toutefois, elle est consciente qu'ils constituent une condition nécessaire mais non suffisante pour inciter les chercheurs à se tourner davantage vers la valorisation.

Une meilleure prise en compte de la valorisation dans le déroulement de la carrière des chercheurs - qui pourrait par exemple devenir une étape obligée pour l'accession à certains postes de responsabilité - et dans leur évaluation est indispensable pour inciter un nombre plus important de chercheurs à se consacrer à la valorisation de leurs travaux de recherche.

C'est la raison pour laquelle votre commission a adopté l'amendement COM-358 qui ajoute aux critères objectifs de l'évaluation définis à l'article L. 114-1 du code de la recherche, aujourd'hui limités aux « contributions au développement de la culture scientifique et aux actions en faveur de la participation du public à la prospection, à la collecte de données et au progrès de la connaissance scientifique », les contributions au développement de l'innovation.

Votre commission profite de cet amendement pour effectuer un toilettage législatif. L'article L. 114-3-1 du code de la recherche définit les missions du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur et prévoit que ce dernier valorise systématiquement, dans ses critères d'évaluation, l'innovation, les activités entrepreneuriales des chercheurs ainsi que les établissements qui offrent à leurs chercheurs un cadre de travail dynamique favorisant les créations d'entreprises. Dans cet objectif, il est fait référence aux dispositions du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de la recherche. Or, ces dispositions ont été déplacées au chapitre Ier du titre III du livre V du même code après l'adoption de l'ordonnance n ° 2014-135 du 17 février 2014 modifiant la partie législative du code de la recherche. L'amendement tire les conséquences de cette modification et remplace la référence au chapitre III du titre Ier du livre IV par le chapitre Ier du titre III du livre V.

Elle a également adopté deux amendements rédactionnels COM-357 et COM-359 .

Par ailleurs, votre commission insiste sur la nécessité de lever l'ensemble des freins administratifs aux passerelles entre le monde de la recherche et le monde de l'entreprise. Actuellement, les durées d'autorisations pour la création d'une entreprise ou la participation à ses organes de direction s'élèvent à deux ans renouvelables deux fois. Plusieurs interlocuteurs se sont prononcés pour une durée de trois ans renouvelables trois fois. Votre commission est favorable à cet allongement de la durée de mise à disposition qui devra être précisée dans le décret d'application.

En ce qui concerne les dispositions concernant le mandataire unique, votre commission est consciente que la situation actuelle n'est pas optimale, moins en raison de l'absence de mandataire unique - 75 % des conventions en auraient désigné un - qu'en raison de ses pouvoirs limités.

Ainsi, le mandataire unique n'est pas autorisé à négocier les cessions de brevet. Votre commission comprend donc la volonté du gouvernement de renforcer les pouvoirs du mandataire unique. Toutefois, elle met en garde sur le fait que l'efficacité relative des mandataires uniques est également liée à la complexité du paysage de la recherche français : la coexistence d'organismes de recherche, d'universités et d'écoles d'ingénieurs, la multiplication des tutelles dans le cadre des unités mixtes sont autant d'obstacles à une gestion rationnelle de la propriété intellectuelle.

Votre commission s'interroge donc sur l'efficacité des mesures réglementaires que souhaite adopter le gouvernement si elles ne sont pas accompagnées par une simplification concomitante du dispositif français de recherche.

En outre, les illusions sur le montant des ressources que rapporterait un brevet à l'établissement copropriétaire et la persistance d'indicateurs de performance qui incitent les établissements de recherche à revendiquer la copropriété des brevets sont des obstacles plus puissants au développement du mandataire unique que les faiblesses de la réglementation actuelle.

Votre commission souhaite donc que la modification du décret n° 2014-1518 du 16 décembre 2014 relatif au mode de désignation et aux missions du mandataire s'accompagne d'une large consultation de toutes les parties prenantes.

Votre commission a adopté l'article 41 ainsi modifié.

Article 41 bis
(art. L. 431-4 [nouveau] du code de la recherche)
Contrats de chantier pour les établissements publics de recherche
à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique

I. Le droit en vigueur

Les établissements de recherche sont amenés de manière croissante à financer leurs projets de recherche à travers des partenariats avec les entreprises ou en répondant à des appels à projets nationaux et européens. Ils sont alors conduits à recruter des personnels aux compétences particulières sur des durées s'échelonnant entre trois et cinq ans, voire plus.

Pourtant, les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial (EPIC) et les fondations reconnues d'utilité publique (FRUP) ayant pour activité principale la recherche publique disposent de dispositifs de recrutement peu adaptés aux besoins de la recherche sur projet, alors même que ce type de recherche représente une part croissante de leur activité et de leurs ressources financières.

En effet, ils n'ont à leur disposition que deux dispositifs :

- celui des contrats à durée déterminée prévu à l'article L. 1242-8-1 du code du travail : la durée maximale s'élève à 18 mois non renouvelable ;

- celui des contrats à objet défini prévu à l'article L. 1242-8-2 du code du travail : la durée peut atteindre 36 mois. Toutefois, elle reste inférieure aux durées de financement de certains projets de recherche.

En outre, ces contrats concernent uniquement les cadres et les ingénieurs, ce qui exclut les techniciens de recherche qui peuvent également être recrutés dans le cadre d'un projet de recherche.

Leur mise en oeuvre est aussi très contrainte : un accord d'entreprise doit notamment prévoir les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauche et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel.

L'article 30 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 devenu l'article L. 1223-8 du code du travail a autorisé une convention ou un accord collectif de branche à fixer les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d'un chantier ou d'une opération.

Par ailleurs, l'article L. 2233-3 du code du travail indique que les conventions de branche peuvent s'appliquer à des établissements publics industriels et commerciaux.

Toutefois, selon les informations obtenues par votre rapporteur, les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial ne sont rattachés à aucune branche.

De plus, l'article 30 précité ne peut pas s'appliquer aux fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique alors même qu'une part significative des travaux de recherche de ces dernières est menée en coopération avec des entreprises ou financée à travers des appels à projets.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui insère dans le code de la recherche la possibilité de conclure des contrats de chantier en s'inspirant très largement des articles L. 1223-8 et L. 1223-9 du code du travail.

Concrètement, l'article L. 431-4 nouvellement créé permet aux établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et aux fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique de signer un accord d'entreprise qui fixe les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d'un chantier ou d'une opération.

Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée.

L'accord d'entreprise doit préciser :

- les activités concernées ;

- les mesures d'information du salarié sur la nature de son contrat ;

- les contreparties en termes de rémunération et d'indemnité de licenciement accordées aux salariés ;

- les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;

- les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l'hypothèse où le chantier ou l'opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.

Afin de prévenir les abus, il est prévu que la rupture du contrat de chantier ou d'opération qui intervient à la fin du chantier ou une fois l'opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse.

Enfin, l'accord d'entreprise peut prévoir que le salarié licencié à l'issue d'un contrat de chantier ou d'opération bénéficie d'une priorité de réembauche en contrat à durée indéterminée dans le délai et selon les modalités fixées par l'accord.

III. La position de votre commission

Votre commission constate que le contrat à durée indéterminée de chantier ou d'opération permettra des durées de recrutement plus longues et plus protectrices pour les salariés.

En outre, ces contrats ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des salariés recrutés sur un même projet de recherche quelles que soient leurs fonctions.

Dans le même temps, ce type de contrat permet de maîtriser la gestion du risque économique que fait peser une activité et des financements par nature non pérennes dans le temps.

Votre commission a adopté l'article 41 bis sans modification.

Article 42
Habilitation à créer par ordonnance
une procédure d'opposition aux brevets d'invention

I. Le droit en vigueur

L'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle ne donne pas une définition de l'invention, mais énonce les conditions de fond qui permettent de faire breveter une invention . Sont brevetables , dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle .

L'Institut national de la propriété industrielle (INPI) est l'office français de propriété industrielle. Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de l'industrie, il délivre, au nom de l'État, les différents titres de propriété industrielle.

Toutefois, contrairement à d'autres offices nationaux de propriété industrielle ou à l'office européen des brevets, la loi n'a pas donné à l'INPI la faculté de considérer l'absence d'activité inventive ou d'application industrielle comme des motifs de rejet dans le cadre de la demande de brevetabilité d'une invention.

L'INPI élabore un rapport de recherche - sous-traité à l'Office européen des brevets - qui permet d'apprécier la nouveauté de l'invention et donne des éléments d'appréciation sur l'activité inventive. L'INPI délivre également un avis de brevetabilité, mais il n'est pas contraignant pour le déposant sauf en cas d'absence manifeste de nouveauté.

En outre, le code de propriété intellectuelle ne prévoit aucun recours administratif pour les brevets d'invention . La nullité d'un brevet d'invention délivré par l'INPI ne peut être prononcée que dans le cadre d'une procédure judiciaire.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose d'instaurer un recours administratif en vue d'obtenir la révocation ou la limitation d'un brevet d'invention délivré par l'INPI.

Selon l'étude d'impact, la procédure d'opposition envisagée « constituera un dispositif administratif simple, rapide et peu coûteux, permettant d'éviter un recours en justice dans le cadre des litiges simples. Ces caractéristiques répondent à des attentes très fortes des praticiens de la propriété intellectuelle et des entreprises, notamment les PME ».

Trois avantages sont avancés pour défendre l'instauration de la procédure d'opposition :

- mieux réguler l'activité économique : cette procédure donnerait aux entreprises les plus innovantes la possibilité d'attaquer à moindre coût un brevet de faible qualité détenu par un concurrent et donc de libérer rapidement un marché ;

- renforcer la confiance dans le brevet français et faciliter l'exportation des inventions : un brevet plus solide juridiquement sera plus susceptible d'être étendu à l'international et la technologie sera plus aisément exportable, en raison d'un risque de contentieux plus faible ;

- rendre le marché français plus attractif pour les investisseurs : l'augmentation de la valeur économique des brevets maintenus à la suite d'une procédure d'opposition permettra de valoriser le capital immatériel d'une entreprise, notamment des PME, auprès de futurs investisseurs.

L'étude d'impact précise que « compte tenu de la technicité des dispositions législatives à prévoir et eu égard aux échanges nécessaires au niveau interministériel dans le cadre de la préparation des textes associés » , il est proposé d'habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance.

C'est la raison pour laquelle le présent article habilite le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures nécessaires pour créer un droit d'opposition aux brevets d'invention délivrés par l'INPI afin de permettre aux tiers de demander par voie administrative la révocation ou la modification d'un brevet.

Par ailleurs, l'ordonnance devra prévoir les règles de recours applicables aux décisions résultant de l'exercice de ce droit.

Enfin, l'ordonnance devra opérer les mesures de coordination nécessaires afin que les dispositions relatives au droit d'opposition s'appliquent en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à encadrer l'exercice de la procédure d'opposition afin d'éviter les recours abusifs. Il reviendra au gouvernement de décider le type de mesures à privilégier pour atteindre cet objectif.

IV. La position de votre commission

Comme le rappelle l'étude d'impact, initialement, l'instauration d'une procédure d'opposition vise à augmenter la sécurité juridique et la qualité du brevet français à travers l'instauration d'un examen au fond a posteriori non systématique des brevets par l'INPI. À terme, l'élimination des brevets « faibles » devrait renforcer la présomption de validité de l'ensemble des brevets français .

Votre commission approuve l'instauration d'une procédure d'opposition, même si le recours à une ordonnance ne permet pas de connaître les modalités pratiques qui seront choisies pour l'exercice de ce droit.

Au cours des auditions organisées par votre rapporteur, plusieurs intervenants se sont interrogés sur les mesures que favorisera le Gouvernement pour limiter les procédures abusives. Deux solutions sont envisageables : la limitation de la capacité à agir ou l'instauration d'amendes en cas d'abus de droit. C'est cette dernière alternative qui a été retenue à l'Office européen des brevets et que semble privilégier le Gouvernement. Le coût de la procédure peut également être un élément permettant de dissuader les procédures abusives.

De même, il conviendra de limiter dans la durée l'exercice du droit d'opposition afin d'éviter une trop grande insécurité juridique pour les détenteurs de brevets. La procédure d'opposition prévue auprès de l'Office européen des brevets est par exemple fixée à neuf mois à l'issue de la délivrance du brevet.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, le Gouvernement devrait s'inspirer largement de la procédure instaurée auprès de l'Office européen des brevets pour arrêter les règles applicables au droit d'opposition auprès de l'INPI.

Votre commission a adopté l'article 42 sans modification .

Article 42 bis A (nouveau)
(art. L. 411-4, L. 512-4, L. 512-6, L. 512-7 [nouveau]
et L. 521-3-1 du code de la propriété intellectuelle)
Procédure administrative d'annulation des dessins et modèles

I. Le droit en vigueur

Selon l'article L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle, tout dessin ou modèle doit remplir deux conditions afin de bénéficier d'une protection : être nouveau et présenter un caractère propre.

Toutefois, le code de la propriété intellectuelle ne permet pas à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) de procéder au contrôle de ces conditions de validité des dessins et modèles ni de s'assurer qu'un dépôt de dessin ou modèle ne se heurte pas à un droit antérieur.

Actuellement, et conformément à l'article L. 512-4 du code précité, seule une décision de justice peut déclarer la nullité d'un enregistrement d'un modèle ou dessin.

Le caractère limité de l'examen opéré par l'INPI en matière de dessins et modèles place la France dans une position singulière en Europe, la grande majorité des États de l'Union européenne procédant à un contrôle de ces conditions de fond, notamment l'Allemagne, l'Autriche et le Royaume-Uni. L'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dispose également d'une procédure d'annulation.

II. La position de votre commission

L'article 69 du présent projet de loi prévoit la transposition de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques.

Cette dernière impose aux États membres la mise en place d'une procédure administrative permettant de s'opposer, devant leurs offices, à l'enregistrement d'une marque pour les motifs prévus à l'article 5 de la directive (essentiellement liés au fait que la marque est identique à une marque antérieure ou que sa similitude avec la marque antérieure crée un risque de confusion).

Par ailleurs, l'article 42 du présent projet de loi crée un droit d'opposition aux brevets d'invention délivrés par l'INPI.

Votre commission a donc adopté l'amendement COM-369 créant un article additionnel après l'article 42 afin de créer une procédure administrative permettant de demander la nullité d'un dessin ou d'un modèle.

Le I. du présent article additionnel vise à modifier le code de la propriété intellectuelle et à compléter les dispositifs d'annulation administrative des marques et des brevets 484 ( * ) introduits par le présent projet de loi.

Le 1° modifie l'article L. 411-4 afin d'élargir les missions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle et de l'autoriser à statuer sur des demandes en nullité de dessins et modèles.

L'article L. 512-4 énumère les motifs de nullité d'un dessin ou modèle qui peuvent être invoqués par décision de justice. Le 2 ° du présent article additionnel tire les conséquences du nouveau pouvoir attribué à l'INPI en matière d'action en nullité des dessins et modèles et étend lesdits motifs de nullité à l'ensemble des décisions d'annulation, qu'elles proviennent d'une décision de justice ou de l'INPI.

Dans le même objectif, le 3 ° supprime à l'article L. 512-6 - qui pose le principe de l'effet absolu de la décision judiciaire prononçant la nullité totale ou partielle d'un dessin ou modèle - le mot « judiciaire » afin de tenir compte de l'instauration d'une procédure administrative permettant de demander la nullité d'un dessin ou d'un modèle.

Le 4 °précise les caractéristiques des recours contre les décisions rendues à l'occasion des demandes en nullité des dessins et modèles.

D'une part, ces recours sont en réformation, c'est-à-dire que le juge peut remplacer la décision d'annulation prise par l'INPI, comme il le fait pour les décisions judiciaires. A contrario , en matière d'enregistrement, le juge peut casser une décision de l'INPI, mais il revient à ce dernier et non au juge de statuer de nouveau sur la demande d'enregistrement.

D'autre part, ces recours sont assortis d'un effet suspensif.

Par ailleurs, le 5 ° du présent article modifie l'article L. 521-3-1. En effet, celui-ci prévoit que les actions civiles et les demandes relatives aux dessins et modèles, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance.

Cet article est donc complété afin de préciser que les demandes en nullité peuvent également être introduites et instruites devant l'INPI dans les formes et les conditions définies par décret en Conseil d'État.

Afin de laisser le temps à l'INPI d'adapter ses procédures et de former ses équipes à cette procédure administrative permettant de demander la nullité d'un dessin ou modèle, le II. du présent article prévoit l'entrée en vigueur de cette disposition deux ans après la promulgation de la présente loi.

Votre commission a adopté l'article 42 bis A (nouveau) ainsi rédigé .

Article 42 bis
(art. L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle)
Examen a priori de l'activité inventive

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Selon l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, toute invention doit remplir trois conditions afin d'être brevetable : être une invention nouvelle ; impliquer une activité inventive ; être susceptible d'application industrielle.

Pourtant, l'article L. 612-12 du même code qui énumère les motifs de rejet ne fait pas référence aux deux derniers critères . Seule l'absence de nouveauté résultant manifestement du rapport de recherche est expressément mentionnée et conduit l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) à rejeter en tout ou partie une demande de brevet.

La vérification seulement partielle des conditions de brevetabilité constitue une spécificité française qui limite la qualité des brevets français par rapport aux brevets étrangers.

C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui instaure un examen systématique et a priori des conditions de brevetabilité.

L'article L. 612-12 précité fait l'objet de deux modifications .

D'une part, le 5° de cet article est complété. Jusqu'à présent, ce dernier ne faisait référence qu'au deuxième paragraphe de l'article L. 611-10 précité pour rejeter la brevetabilité d'une invention : ne peuvent être considérées comme des inventions les découvertes, les théories scientifiques, les méthodes mathématiques, les créations esthétiques, les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateurs. En outre, l'INPI ne pouvait rejeter la demande que si son objet ne pouvait manifestement pas être considéré comme une invention au sens du deuxième paragraphe de l'article L. 611-10.

Désormais, le contrôle de l'INPI ne sera plus limité à ce contrôle d'erreur manifeste d'appréciation . Il lui reviendra d'examiner attentivement que l'objet de la demande de brevet respecte les conditions établies au deuxième paragraphe de l'article L. 611-10.

En outre, l'INPI devra examiner les conditions de brevetabilité également en tenant compte du premier paragraphe de l'article L. 611-10 : il devra donc statuer sur l'activité inventive qu'implique l'invention que le déposant souhaiterait breveter ainsi que la susceptibilité de l'invention à faire l'objet d'une application industrielle .

D'autre part, le 7° de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle est modifié. Jusqu'à présent, dans le cadre de l'examen de la nouveauté de l'invention, l'INPI se contentait de s'assurer de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation : une demande de brevet pouvait être rejetée uniquement dans le cas où, après mise en demeure, le déposant n'avait pas modifié sa demande de brevet alors que l'absence de nouveauté de son invention résultait manifestement du rapport de recherche .

Désormais, l'INPI devra vérifier à partir du rapport de recherche la nouveauté de l'invention et le fait qu'elle implique une activité inventive. Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, l'INPI sera en droit de mettre en demeure le déposant de modifier sa demande de brevet et, le cas échéant, de rejeter cette dernière.

Cette réforme va impliquer une modification en profondeur des méthodes de travail de l'INPI. Afin de permettre à cet organisme de s'adapter à ces nouvelles missions, il est prévu que le présent article n'entrera en vigueur que deux ans après la promulgation de la présente loi.

II. La position de votre commission

Votre commission approuve cette réforme qui aligne la procédure d'examen des brevets français sur celle des autres pays européens, en réhausse la qualité et en améliore la compétitivité. En outre, il semblerait que le système actuel aboutisse à un détournement du contentieux de la contrefaçon de brevet, qui se trouve consacré en réalité à la vérification a posteriori de la validité du brevet français. Dès lors qu'une action en contrefaçon peut déboucher sur l'annulation rétroactive des brevets compte tenu de leur faible qualité, de nombreux titulaires, souvent des petites et moyennes entreprises, renoncent à demander réparation d'une contrefaçon pourtant manifeste 485 ( * ) .

Au cours des auditions, plusieurs intervenants ont critiqué ce dispositif, craignant une augmentation du coût des brevets, un allongement des délais et l'incapacité de l'INPI à faire face à ces nouvelles missions.

Toutefois, l'audition du directeur général délégué de l'INPI et du ministre de l'économie et des finances ont permis de lever ces craintes.

Certes, le coût du brevet devrait être légèrement renchéri, en raison essentiellement de l'augmentation des frais en conseil juridique dans le cadre du dialogue entre l'INPI et le déposant qui précédera l'acceptation ou le rejet du brevet par l'INPI.

Toutefois, les avantages associés à l'examen au fond des brevets par l'INPI devraient largement compenser le renchérissement relatif de ces derniers. Comme faisait remarquer un intervenant : « L e coût d'un brevet ne se limite pas à son coût de rédaction. Il faut également tenir compte des coûts liés à son examen, à sa délivrance, le cas échéant à son extension. Au final, le coût pour le déposant s'élève à plusieurs dizaines de milliers d'euros. Le fait de payer 2 000 à 3 000 euros de plus à l'issue de la procédure n'est donc pas décisif. »

Plus généralement, la décision de déposer un brevet n'est pas corrélée au montant de la dépense qui y est associée, même s'il est pris en compte. Elle s'inscrit dans une démarche stratégique par rapport au secteur d'activité de l'entreprise, aux caractéristiques du marché sur laquelle elle est active et aux entreprises concurrentes.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'il existe des aides aux PME pour le dépôt de brevet.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, la durée d'examen ne devrait pas être rallongée. Actuellement, elle est comprise entre deux et trois ans.

En outre, votre commission a obtenu des garanties de la part de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances sur l'adaptation des effectifs de l'INPI à ses nouvelles missions. Actuellement, 15 ingénieurs supplémentaires devraient être recrutés pour faire face à l'introduction de la procédure administrative d'opposition et 15 autres ingénieurs pour permettre à l'INPI de réaliser l'examen au fond de la brevetabilité des inventions.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté trois amendements de précision.

D'abord, elle a adopté l'amendement COM-360 qui modifie le 4 °de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle.

Le 4° précité renvoie aux articles L. 611-14 à L. 611-19 du même code qui explicitent l'activité inventive (article L. 611-14) et l'application industrielle (article L. 611-15) et excluent du champ d'application de l'invention brevetable :

- les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal (article L. 611-16) ;

- les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs (article L. 611-17) ;

- le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence totale ou partielle d'un gène (article L. 611-18) ;

- les races animales et les variétés végétales (article L. 611-19).

Dans la rédaction actuelle du 4 °de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle, l'INPI contrôle seulement que l'invention déposée n'est pas manifestement non brevetable en application des articles L. 611-14 à L .611-19 précités. Votre commission vous propose de ne pas limiter le contrôle de l'INPI à la simple vérification d'erreur manifeste d'appréciation, à l'instar de ce qui est proposé dans le présent article pour d'autres motifs de rejet.

Votre commission a également adopté l'amendement COM-361 . Dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, la faculté pour l'INPI de rejeter une demande de brevet pour défaut de nouveauté ou d'activité inventive est prévue de façon redondante par deux alinéas (le 5° et let 7° de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle. Le présent amendement modifie la rédaction du 5° afin de supprimer cette redondance.

Enfin, votre commission a adopté l'amendement COM-362. Le présent article prévoit que l'examen a priori de l'activité inventive par l'INPI entrera en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi. Toutefois, cette rédaction crée une insécurité juridique pour les demandes de brevet qui auront été déposées avant la promulgation de ladite loi mais ne seront traitées par l'INPI qu'après sa promulgation. Le présent amendement introduit un fait générateur qui permet de clarifier la situation : les demandes de brevet qui seront examinées au fond par l'INPI sont celles dont le rapport de recherche aura été notifié au déposant à compter de la promulgation de la loi.

Votre commission a adopté l'article 42 bis ainsi modifié .

Sous-section 2
Libérer les expérimentations de nos entreprises
Article 43
(art. 1er, art. 1-1, 2-1 et 2-2 [nouveaux], art. 3 de l'ordonnance
n° 2016-1057 du 3 août 2016 relative à l'expérimentation
de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques ;
art. 37 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative
à la transition énergétique pour la croissance verte)
Expérimentation des véhicules autonomes

I. Le droit en vigueur

1. Au niveau international

La convention sur la circulation routière conclue à Vienne le 8 novembre 1968 vise à faciliter la circulation routière internationale et à améliorer la sécurité routière en harmonisant la réglementation routière entre les parties contractantes. Elle traite entre autres du rôle du conducteur, de ses tâches et de l'ensemble des règles de circulation. Elle est adaptée périodiquement, en fonction des besoins, comme l'évolution technologique automobile ou la mise en oeuvre de nouvelles règles de formation du conducteur, par exemple, et, plus généralement, en fonction des impératifs liés à la sécurité routière qui restent la priorité de la convention.

Comme le rappelle un rapport récent 486 ( * ) , l'évolution technologique, d'abord des assistants à la conduite, puis de l'automatisation de plus en plus poussée de certaines tâches de conduite, a conduit à faire évoluer la convention.

Le premier paragraphe de l'article 8 dispose que tout véhicule en mouvement doit avoir un conducteur, le cinquième paragraphe précise que ce dernier doit constamment avoir le contrôle de son véhicule et le sixième paragraphe prévoit que le conducteur d'un véhicule doit éviter toute activité autre que la conduite.

Toutefois, cet article a été complété en 2016 afin d'autoriser le conducteur à être aidé par des systèmes d'aide à la conduite dans la réalisation de tâches de conduite et dans le contrôle du véhicule.

Ainsi, l'article 8-5 bis précise que les systèmes embarqués ayant une incidence sur la conduite d'un véhicule qui ne sont pas conformes aux prescriptions en matière de construction, de montage et d'utilisation susmentionnées sont réputés conformes pour autant qu'ils puissent être neutralisés ou désactivés par le conducteur.

Ce paragraphe fait l'objet d'interprétations différentes selon les pays et selon les constructeurs. Toutefois, il laisse raisonnablement penser que la circulation à titre expérimental de véhicules à délégation de conduite non déclarés conformes aux règlements techniques des Nations-Unis sur les véhicules est autorisée à condition que le système de délégation de conduite puisse être neutralisé ou désactivé par le conducteur.

2. Au niveau national

L'article 37 de la loi n° 2015-992 du 7 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures autorisant la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite à des fins expérimentales dans des conditions assurant la sécurité de tous les usagers et en prévoyant, le cas échéant, un régime de responsabilité approprié.

Cet article a limité la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite sur les voies réservées aux transports publics aux véhicules affectés à un transport public de personnes.

L'ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 a arrêté les modalités pratiques de la circulation à des fins expérimentales des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite.

Celle-ci est subordonnée à la délivrance d'une autorisation destinée à assurer la sécurité du déroulement de l'expérimentation. Cette autorisation est délivrée par le ministre chargé des transports après avis du ministre de l'intérieur ainsi que, s'il y a lieu, du gestionnaire de la voirie, de l'autorité compétente en matière de police de la circulation et de l'autorité organisatrice des transports concernés.

Les conditions de délivrance de l'autorisation et les modalités de sa mise en oeuvre sont définies dans le décret n° 2018-211 du 28 mars 2018.

Ce dernier modifie le code de la route et subordonne la circulation des véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques à un certificat provisoire d'immatriculation dit certificat WW DPT. Il prévoit que ces véhicules sont équipés d'un dispositif d'enregistrement permettant de déterminer à tout instant si le véhicule a circulé en mode de délégation partielle ou totale du véhicule. Les données sont automatiquement et régulièrement effacées. En cas d'accident, les données enregistrées au cours des cinq dernières minutes sont conservées par le titulaire de l'autorisation durant un an.

Afin d'assurer la conformité de la règlementation française avec la convention de Vienne, l'article 12 du décret prévoit que lors de l'activation des fonctions de délégation de conduite, une personne assure, en qualité de conducteur, la conduite du véhicule. En outre, elle doit être capable à tout instant de prendre le contrôle du véhicule, notamment en cas d'urgence ou lorsque le véhicule sort des conditions définies pour l'expérimentation. L'article 12 anticipe également l'évolution des technologies en prévoyant que l'autorisation d'expérimentation peut autoriser le conducteur du véhicule à se trouver physiquement à l'extérieur du véhicule. Il doit alors être en mesure de prendre le contrôle du véhicule à tout instant.

Toutefois, lors de la préparation du décret précité, il est apparu nécessaire de clarifier les règles applicables en matière de responsabilité pénale pendant les expérimentations. En effet, le terme « conducteur » est une notion qui structure le droit routier et, notamment, le droit de la responsabilité en matière routière. Il convient donc d'adapter le régime de responsabilité afin de tenir compte de la complexité des situations résultant de la juxtaposition des responsabilités pendant la phase où le système de délégation de conduite exerce effectivement la tâche de conduite.

Par ailleurs, la loi de transition énergétique mentionnée précédemment circonscrit la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite sur les voies réservées aux transports publics aux véhicules affectés à un transport public de personnes. Cette condition n'est pas adaptée aux réalités de l'expérimentation qui nécessite parfois, dans une première étape, l'utilisation d'un véhicule qui n'a pas les caractéristiques d'un véhicule de transport.

II. Le dispositif proposé

Le premier paragraphe du présent article modifie l'ordonnance du 3 août 2016 mentionnée précédemment.

Le 1° complète l'article 1er qui autorise la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite. Est ainsi rappelé le fait que la délivrance de l'autorisation est subordonnée à la condition que le système de délégation de conduite puisse être à tout moment neutralisé ou désactivé par le conducteur. Par ailleurs, un alinéa est inséré pour poser les conditions d'autorisation de circulation en l'absence de conducteur à bord du véhicule. D'une part, il faut qu'un conducteur situé à l'extérieur du véhicule soit prêt à tout moment à prendre le contrôle du véhicule, ce qui suppose donc une supervision permanente du véhicule. D'autre part, il faut que ledit conducteur soit capable de gérer des situations dans lesquelles une immobilisation ou un déplacement en urgence du véhicule s'imposent.

Le 2 ° insère un article 1-1 dans l'ordonnance afin d'assouplir les règles relatives à la circulation de véhicules autonomes sur les voies réservées aux transports collectifs. La notion de véhicules « affectés » à un transport public de personnes qui figure à l'article 37 de la loi du 17 août 2015 est remplacée par la notion de véhicules « utilisés » pour effectuer ou mettre en place un service de transport public de personnes. Par coordination, le II du présent article supprime la phrase de l'article 37 qui dispose que « la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s'il s'agit de véhicules affectés à un transport public de personnes. »

Le 3 ° insère deux articles 2-1 et 2-2 qui arrêtent les règles de responsabilité pénale dans le cadre des expérimentations de véhicules autonomes.

Selon l'article L. 121-1 du code de la route, le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule. L'article 2-1 nouvellement créé dégage le conducteur de sa responsabilité pendant les périodes où le système de délégation de conduite fonctionne. Le premier alinéa de l'article 2-1 subordonne le dégagement de la responsabilité du conducteur à deux conditions :

- celui-ci doit avoir préalablement activé le système de conduite déléguée conformément à ses conditions d'utilisation ;

- le système de délégation de conduite doit être en fonctionnement et informer le conducteur, être en état d'observer les conditions de circulation et d'exécuter sans délai toute manoeuvre en ses lieu et place.

Le second alinéa de l'article 2-1 précise les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale est rétablie pour le conducteur :

- soit dès que le système de délégation de conduite demande à ce dernier de reprendre le contrôle du véhicule ;

- soit lorsque le conducteur ignore le fait que les conditions d'utilisation du système de délégation de conduite n'étaient pas ou ne sont plus remplies.

L'article 2-2 créé par le 3 ° transfère la responsabilité pénale sur le titulaire de l'autorisation dès lors que le système de délégation de conduite est en fonctionnement. Ce dernier est pécuniairement responsable du paiement des amendes liées au non-respect des règles constituant une contravention. Il est également pénalement responsable du délit d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité d'autrui si la conduite du véhicule pendant l'activation du système de délégation a provoqué un accident entraînant un dommage corporel.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements.

D'abord, elle a modifié le 1° afin de :

- poser le principe de l'autorisation des expérimentations de véhicules autonomes sur la voie publique ;

- préciser le rôle du conducteur lorsqu'il est situé à l'extérieur du véhicule : celui-ci est chargé de superviser le véhicule et son environnement de conduite pendant l'expérimentation. L'Assemblée nationale a précisé que la prise de contrôle du véhicule par le conducteur extérieur a pour objectif d'effectuer les manoeuvres nécessaires à la mise en sécurité du véhicule, de ses occupants et des usagers de la route.

L'Assemblée nationale a complété le 2 °afin d'élargir la liste des véhicules autonomes susceptibles d'être autorisés à circuler à des fins expérimentales sur les voies réservées aux transports publics à tous les véhicules , sous réserve de l'avis conforme de l'autorité de police de la circulation concernée.

L'Assemblée nationale a par ailleurs modifié le 3 ° afin que la responsabilité pénale du conducteur ne soit engagée qu'à l'issue d'un délai de reprise de contrôle du véhicule qui devra être précisé par l'autorisation d'expérimentation et dont le conducteur devra être informé.

Enfin, l'Assemblée nationale a inséré un 4° qui élargit le champ d'application du décret en Conseil d'État chargé de préciser les conditions de délivrance de l'autorisation et les modalités de sa mise en oeuvre en prévoyant qu'il devra également fixer les modalités d'information du public sur les expérimentations en cours ainsi que les modalités d'évaluation des expérimentations.

IV. La position de votre commission

Compte tenu des enjeux économiques, sociaux et environnementaux du développement du véhicule autonome, votre commission est favorable à cet article qui clarifie les règles de responsabilité pénale dans le cadre des expérimentations de la circulation des véhicules autonomes et lève ainsi certains obstacles juridiques auxdites expérimentations.

Elle regrette toutefois que les dispositions sur le véhicule autonome soient réparties sur deux projets de loi distincts : celui sur la croissance et la transformation des entreprises pour les règles relatives aux expérimentations et celui d'orientation sur les mobilités qui définit le cadre juridique du dispositif pérenne 487 ( * ) . Alors que les enjeux sont similaires, cette division nuit à la cohérence des dispositifs et à la bonne compréhension de l'ensemble des enjeux.

Votre commission a adopté deux amendements.

Le premier amendement COM-363 précise le cadre des expérimentations des véhicules à délégation de conduite sur les voies réservées au transport collectif.

Le projet de loi initial proposait de limiter l'expérimentation de la circulation dans les voies réservées aux transports collectifs aux véhicules utilisés pour effectuer ou mettre en place un service de transport public de personnes. L'autorisation d'expérimentation pour ce type de véhicule est soumise à l'avis de l'autorité organisatrice des transports.

L'Assemblée nationale a étendu l'expérimentation de la circulation en délégation de conduite dans les voies réservées aux transports collectifs à tous les véhicules. Il apparaît donc cohérent que l'avis conforme de l'autorité organisatrice des transports soit étendu à toute demande d'autorisation de circulation à des fins expérimentales dans les voies réservées au transport collectif.

Celle-ci sera amenée à rendre un avis adapté au contexte local et aux objectifs poursuivis en termes de politique publique de mobilité, tout en s'assurant que les conditions opérationnelles sont réunies pour autoriser les expérimentations de véhicules.

Le second amendement COM-364 est un amendement de précision sur les modalités d'information du public sur les expérimentations et sur le champ d'application des évaluations permises par l'expérimentation. À la suite de l'adoption d'un amendement en ce sens par l'Assemblée nationale, ces deux éléments doivent désormais figurer dans le décret en Conseil d'État précisant les conditions de l'autorisation et les modalités de sa mise en oeuvre.

Il apparaît cependant que l'article 6 de l'arrêté du 17 avril 2018 énumère déjà tous les cas susceptibles d'être évalués dans le cadre des expérimentations. Cette précision n'a donc pas à figurer dans le décret en Conseil d'État qui devra être complété uniquement pour prévoir les modalités d'information du public sur la circulation à des fins expérimentales de véhicules autonomes.

Votre commission a adopté l'article 43 ainsi modifié.

Article 43 bis (supprimé)
(art. L. 315-2 et L. 315-3 du code de l'énergie)
Fixation du périmètre des opérations d'autoconsommation collective par voie réglementaire et suppression du seuil de puissance pour bénéficier d'un tarif d'utilisation des réseaux spécifique

I. Le droit en vigueur

Parce que les bénéfices de l'autoconsommation sur le dimensionnement des réseaux électriques dépendent, entre autres, de la proximité entre les lieux de production et de consommation , le périmètre de l'autoconsommation collective a été limité, sur proposition du Sénat, aux opérations situées en aval d'un poste de transformation de moyenne en basse tension (art. L. 315-2 du code de l'énergie), ce qui permet déjà les échanges entre plusieurs bâtiments , à finalité éventuellement différente (résidentielle ou tertiaire). Ce périmètre était d'ailleurs plus large que celui retenu par le Gouvernement dans l'ordonnance.

Un tarif spécifique d'utilisation du réseau, ouvert aux installations de moins de 100 kW (art. L. 315-3), a par ailleurs été prévu pour tenir compte des coûts de réseaux censément moindres générés par ces utilisateurs. C'est ce tarif que la CRE a limité aux opérations d'autoconsommation collective 488 ( * ) , et construit de façon à inciter les participants à maximiser leur autoproduction aux heures de pointe 489 ( * ) .

Trois séries de considérations ont justifié les limites définies par le cadre juridique actuel :

- bien qu'elle réponde à une demande sociétale forte et qu'elle soit appelée à se développer, l'autoconsommation est une pratique très récente qui reste encore embryonnaire à l'échelle du réseau : fin 2017, on dénombrait environ 20 000 autoconsommateurs (à rapporter aux 35 millions de consommateurs raccordés aux réseaux de distribution) et fin novembre 2018, seules six opérations d'autoconsommation collective regroupant 35 consommateurs étaient en service 490 ( * ) . Les effets d'une autoconsommation massive sur les réseaux sont donc encore largement méconnus , d'où la nécessité d'expérimenter les opérations collectives à une échelle raisonnable, au moins dans un premier temps ;

- un périmètre plus large inclurait par définition des opérations dont les participants sont plus éloignés sur le réseau et qui en font donc un usage proche des autres consommateurs, ce qui ne justifierait plus un traitement différencié par le biais d'un tarif spécifique ;

- enfin, étendre le périmètre des opérations d'autoconsommation collective, a fortiori en l'associant à un tarif spécifique, pourrait remettre en cause, à terme, le modèle de solidarité et d'équité entre les usagers et les territoires incarné par les principes de péréquation tarifaire et de tarification « au timbre-poste », qui aboutissent à une tarification de l'énergie en fonction d'un coût moyen national, et conduire à une forme de « communautarisme énergétique ».

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en commission par un amendement de nos collègues députés Célia de Lavergne, Anthony Cellier et Barbara Pompili (La République en Marche), cet article entend renvoyer à un arrêté le soin de fixer le périmètre d'une opération d'autoconsommation collective sur le réseau basse tension et supprimer le seuil de puissance fixé pour bénéficier d'un tarif d'utilisation des réseaux spécifique, le tout à titre expérimental pendant cinq ans .

L'amendement est justifié par la nécessité de s'adapter à « la réalité des projets urbains » : sont visées « des opérations d'urbanisme importantes qui se raccordent à plusieurs postes » de transformation de moyenne en basse tension et comportant un « mélange de fonction [habitat, bureaux, etc.] et de typologie [neuf, ancien] ».

Il est aussi présenté comme la reprise de l'une des recommandations issues du groupe de travail national sur l'énergie solaire, ainsi formulée dans la démarche baptisée « Place au soleil » : « Ouvrir de nouvelles possibilités pour l'autoconsommation collective en élargissant aux projets dont l'ensemble des consommateurs et producteurs sont situés dans un rayon d'un kilomètre » 491 ( * ) . Outre le fait que le critère géographique retenu est assez flou sur le plan technique, il n'est rien dit du tarif d'utilisation des réseaux qui serait appliqué à de telles opérations.

III. La position de votre commission

De nombreux motifs de fond comme de forme plaident pour la suppression des dispositions proposées .

Sur la forme , vouloir modifier le périmètre physique comme le cadre tarifaire de l'autoconsommation collective d'électricité apparaît manifestement sans lien même indirect avec le présent projet de loi, dont l'objet consiste à favoriser la croissance et la transformation des entreprises : le présent article constitue donc un « cavalier législatif » au sens de l'article 45 de la Constitution .

En outre, bien qu'il soit présenté comme instaurant une expérimentation, l'article propose étonnamment de modifier dès à présent le droit en vigueur et ne circonscrit pas son application à un territoire ou à un champ limités . En d'autres termes , il n'a d'expérimental que le nom et laisse entière la question du droit applicable au terme des cinq ans prévus. En tout état de cause, les opérations autorisées pendant l'expérimentation le resteraient.

Au surplus, sur le fond :

- alors que les effets de l'autoconsommation sur le système électrique et sur le financement des réseaux sont, de l'aveu même des acteurs du secteur et du régulateur, encore difficiles à objectiver , revenir sur une loi adoptée en février 2017 et sur un cadre tarifaire arrêté en juin 2018 apparaît au mieux prématuré ;

- le cadre en vigueur , qui est déjà plus large que ce que le Gouvernement avait prévu en 2016, permet déjà des échanges entre plusieurs bâtiments à vocation différente (résidentiel, tertiaire, etc.) pour maximiser les phases d'autoconsommation, mais à une échelle géographique raisonnable ;

- l'autoconsommation collective bénéficiant d' un certain nombre de dérogations aux règles habituellement associées à la fourniture d'électricité, il importe de limiter l'application de ces dérogations à des opérations de taille modérée 492 ( * ) ;

- alors que le Gouvernement lui-même avait jugé que le périmètre des opérations d'autoconsommation collective relevait de la loi lorsqu'il avait rédigé l'ordonnance de 2016, le droit proposé reviendrait à désaisir le législateur , en renvoyant cette définition au niveau réglementaire ;

- sans limite fixée dans la loi autre que celle du réseau basse tension, il existe un risque de voir émerger des quartiers autonomes sur le plan énergétique et de remettre en cause le modèle français de la distribution publique d'électricité , dans ses valeurs de solidarité voire dans son financement ;

- car à supposer que la flexibilité proposée ici sur le périmètre des opérations soit nécessaire, encore faudrait-il savoir dans quel sens - à la hausse ou à la baisse - un tarif spécifique jouerait pour s'assurer que les autoconsommateurs contribuent à la hauteur des coûts qu'ils génèrent : s'il s'agissait d' augmenter la part fixe du tarif spécifiquement pour ces consommateurs, de façon à refléter la valeur assurantielle de leur usage du réseau, le tarif appliqué serait alors supérieur au tarif actuel, ce qui certes serait vertueux pour le financement du réseau mais défavorable au développement de l'autoconsommation , à rebours de l'objectif affiché ; à l'inverse , si le tarif ne couvrait pas les coûts réels des autoconsommateurs, la mesure s'apparenterait à un effet d'aubaine ;

- s'agissant de la limite de puissance fixée pour l'accès au tarif spécifique , les auteurs de l'amendement considèrent qu'un tel seuil « ne se justifie pas au regard de critères physiques du réseau » et qu'en le supprimant, il s'agit de « dé-corréler la question du Turpe de celle de la maille de l'autoconsommation collective » ; or, s'il est exact que la limite des 100 kW est arbitraire, elle permet , à défaut de données fiables disponibles, de s'assurer qu'à cette échelle au moins, les gains pour le réseau sont probables et justifient une tarification spécifique pensée pour être plus favorable et pour maximiser les phases d'autoconsommation ;

- enfin, ces sujets ne peuvent être traités indépendamment de la question plus générale de la structure des tarifs , pour laquelle la CRE a d'ores et déjà prévu une clause de rendez-vous à l'été 2019 , « pour prendre en compte les éventuels changements importants dans les modes d'utilisation ou les méthodes de dimensionnement des réseaux » 493 ( * ) et adapter la structure tarifaire, si nécessaire.

Votre rapporteur fait du reste observer qu' une disposition de même nature , consistant à renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer le périmètre des opérations d'autoconsommation collective, a été supprimée le 19 septembre 2018 sur proposition conjointe des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique 494 ( * ) .

Pour l'ensemble de ces motifs, votre commission a supprimé cet article par l'adoption d'un amendement COM-343 de votre rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 43 bis .

Article 43 ter (supprimé)
Expérimentation relative aux opérations de recensement

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative des rapporteurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui permet aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'expérimenter le recours à des agents d'un prestataire pour les enquêtes annuelles de recensement de 2020 et 2021, dans le cadre d'un marché public.

Selon l'exposé des motifs de l'amendement, il s'agit de pallier les difficultés rencontrées par certaines communes et EPCI dans le recrutement et la fidélisation des agents recenseurs.

Cette disposition s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de soutenir des projets innovants qui exigent au préalable une évolution du cadre juridique.

L'initiative France Expérimentation, lancée en 2016, vise à offrir aux acteurs économiques, mais également aux territoires, la possibilité d'exprimer leurs besoins d'adaptation des normes et des procédures administratives auprès d'un interlocuteur unique et dans le cadre d'un dispositif clair et transparent.

Lors de son discours sur l'intelligence artificielle du 29 mars 2018, le Président de la République a annoncé le renforcement du programme France Expérimentation, à travers un élargissement de son champ d'application à des dérogations de nature législative .

II. La position de votre commission

Votre commission n'est pas opposée par principe aux expérimentations. Toutefois, elle constate que l'expérimentation proposée n'a aucun lien, même indirect, avec l'objet du présent projet de loi qui porte sur la croissance et la transformation des entreprises.

En conséquence, votre commission a adopté l'amendement COM-365 supprimant le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 43 ter .

Article 43 quater (supprimé)
Expérimentation relative au bail à réhabilitation

Le présent article a pour objet de créer une expérimentation réduisant à 6 ans la durée du bail à réhabilitation au bénéfice des organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage pour les logements vacants depuis plus d'un an de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

I. Le droit en vigueur

Le bail à réhabilitation , défini à l'article L. 252-1 du code de la construction et de l'habitation, est un contrat par lequel un organisme HLM, une société d'économie mixte ayant pour objet la construction ou la location de logements, un organisme bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage, ou une collectivité territoriale s'engage à réaliser des travaux d'amélioration de l'immeuble du bailleur et à l'entretenir pendant la durée du bail, qui ne peut être inférieure à 12 ans.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du texte en séance publique, les députés ont adopté un amendement de notre collègue Adrien Taquet et les membres du groupe La République en Marche, sous-amendé par Marie Lebec et Roland Lescure, tendant à la mise en place d'une expérimentation réduisant la durée du bail à réhabilitation de 12 ans à 6 ans pour les organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage, sous réserve que les logements loués soient vacants depuis plus d'un an. Cette expérimentation d'une durée de trois ans concernerait les logements de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Pour les auteurs de l'amendement, il s'agit de faciliter le recours au bail à réhabilitation lorsque le logement vacant ne nécessite que de « petits » travaux. Le choix d'une expérimentation permettrait de vérifier l'impact de la réduction de la durée de la location sur l'offre de logements.

III. La position de votre commission

Le présent article relatif au bail à réhabilitation n'a pas pour objet de contribuer à la croissance, à la transformation des entreprises ou à leur compétitivité. Ne présentant aucun lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial qui n'abordent pas les questions de logement, cet article constitue « un cavalier législatif » contraire à l'article 45 de la Constitution.

En conséquence, sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-431 de suppression de cet article.

Votre commission a supprimé l'article 43 quater .

Article 43 quinquies
Expérimentation relative à la recherche
et développement sur les micro-organismes

I. Le droit en vigueur

1. Le cadre juridique

• La législation internationale

La Convention sur la biodiversité biologique, ouverte à la signature le 5 juin 1992 lors du sommet de la terre de Rio, est entrée en vigueur le 29 décembre 1993.

Elle a trois objectifs : la conservation in situ (dans le milieu naturel) et ex situ (dans des collections) de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques .

Lors du sommet de Johannesburg en septembre 2002 a été lancée la négociation, dans le cadre de la convention, d'un régime international pour la promotion et la protection du partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques, afin d'assurer la mise en oeuvre du troisième objectif. C'est l'objet du Protocole de Nagoya, adopté le 29 octobre 2010.

Le Protocole de Nagoya repose sur trois volets : l'accès aux ressources génétiques, le partage des avantages issus de ces ressources et le respect des règles par les utilisateurs 495 ( * ) .

L'article 5 du Protocole stipule que chaque partie doit prendre les mesures nécessaires afin de s'assurer que les avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées sont partagés de manière juste et équitable selon des « conditions convenues d'un commun accord » . Le partage des avantages liés à l'utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques doit par ailleurs se faire au profit des « communautés autochtones et locales » détentrices de ces connaissances.

L'article 6 du Protocole prévoit que l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées en vue de leur utilisation en recherche et développement est soumis au « consentement préalable en connaissance de cause » du pays fournisseur.

Enfin, les articles 15 et 16 stipulent que chaque partie a l'obligation de prendre des mesures garantissant la conformité des utilisateurs qui se trouvent sous sa juridiction aux réglementations sur l'APA des parties du Protocole.

La transposition de ce dernier volet est obligatoire dans la législation des États ayant ratifié le Protocole.

• La législation européenne

En Europe, ce volet est mis en oeuvre par le règlement (UE) n° 511-2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l'Union européenne du Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

Le règlement précité s'applique aux ressources génétiques provenant d'un pays ayant ratifié le Protocole de Nagoya et ayant mis en place des mesures d'accès et pour lesquelles l'accès intervient après le 12 octobre 2014, date d'entrée en vigueur du Protocole de Nagoya dans l'Union européenne.

Le règlement impose aux utilisateurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées de faire preuve de diligence raisonnée lorsqu'ils accèdent et utilisent une ressource génétique . Concrètement, les utilisateurs doivent compléter une déclaration de diligence soit au stade de la recherche , dans le cas d'un financement par l'Union européenne des travaux de recherche, soit au stade du développement final d'un produit .

La commission européenne a développé un portail électronique pour déclarer en ligne.

Le règlement européen prévoit la constitution d'un registre européen des collections . Dès lors que l'utilisateur de ressources génétiques accède à une ressource génétique d'une collection figurant dans le registre, il est de fait réputé avoir fait preuve de la diligence nécessaire.

Le règlement européen impose également à chaque utilisateur de pouvoir disposer de documents traçant l'origine des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées, prouvant la conformité aux règles nationales des pays fournisseurs et de les conserver vingt ans . Il participe ainsi à la mise en place d'un système de traçabilité des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées.

Le règlement européen précise que le choix ou non de réglementer l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles relève de la seule compétence des États membres.

• La législation nationale

Contrairement à la quasi-totalité des États européens, la France a choisi de réguler l'accès à ses propres ressources génétiques et le partage des avantages en raison de l'importante biodiversité à la fois in situ 496 ( * ) et ex situ 497 ( * ) qu'elle abrite sur son territoire.

Deux procédures sont prévues dans le cadre du titre V de la loi sur la reconquête de la biodiversité.

Si la recherche n'a pas de visée commerciale, les utilisateurs sont soumis à une procédure de simple déclaration.

Si la recherche a un objectif de développement commercial, l'utilisateur est soumis à une procédure d'autorisation.

En outre, et contrairement à la législation européenne sur ce sujet, le fait générateur de l'application de la réglementation française sur l'APA n'est pas l'accès à la ressource ou à la connaissance en tant que telle, mais son utilisation dans le cadre d'une activité de recherche et développement. Par conséquent, l'utilisation d'une ressource génétique antérieurement à la date de promulgation de la loi n'exonère pas l'utilisateur d'avoir à se soumettre à la réglementation dès lors que cette ressource est destinée « à une nouvelle utilisation », soit un développement commercial différent de celui pour lequel l'accès aux ressources avait été précédemment accordé.

2. Les difficultés d'application de la législation française

Au moment du vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité 498 ( * ) , le dispositif proposé apparaissait comme un compromis acceptable entre la volonté affirmée de respecter les objectifs du Protocole de Nagoya (conservation de la biodiversité, utilisation durable des ressources et juste partage des avantages liés à l'utilisation des ressources génétiques) et le souci de ne pas imposer des règles tellement contraignantes qu'elles nuiraient à la compétitivité de la recherche et de l'industrie françaises.

Ainsi, de nombreux régimes d'exemption et d'exception ont été mis en place. Le mécanisme proposé ne s'applique pas aux ressources couvertes par des dispositifs internationaux spécifiques, tels que le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA).

De même, sortent du champ d'application du dispositif :

- les ressources génétiques humaines ;

- les ressources génétiques des espèces utilisées comme modèles dans la recherche et développement ;

- les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ne pouvant pas être attribuées à une ou plusieurs communautés d'habitants ;

- les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques dont les propriétés sont bien connues et ont été utilisées de longue date et de façon répétée en dehors des communautés d'habitants qui les partagent ;

- les connaissances et les techniques traditionnelles associées à certains modes de valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer ;

- les activités concourant à la sauvegarde des intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

Par ailleurs, la loi pour la reconquête de la biodiversité prévoit une liste de ressources soumises à un dispositif sur l'APA particulier : les ressources génétiques issues d'espèces domestiquées ou cultivées, les ressources génétiques d'espèces sauvages apparentées, ainsi que l'ensemble des ressources collectées par les laboratoires au titre de la prévention et de la maîtrise des risques graves pour la santé humaine.

De même, le formulaire déclaratif proposé par le ministère chargé de l'environnement était délibérément concis afin d'éviter une surcharge administrative pour les utilisateurs de ressources génétiques.

En dépit de ces précautions, la mise en place de la réglementation nationale soulève de nombreuses difficultés.

• Des retards dans la mise en oeuvre de la réglementation

D'abord, sa mise en oeuvre a été compromise par une réorganisation en profondeur du ministère chargé de l'environnement puis par le changement de majorité à la suite des élections présidentielles de 2017.

Par conséquent, le traitement des déclarations et des autorisations a accumulé du retard. Au cours de ses auditions, votre rapporteur a entendu de nombreux représentants d'organismes de recherche se plaindre des délais pour recevoir le récépissé de déclaration alors même que les financements sur projets sont limités dans le temps. Selon le ministère de la transition écologique et solidaire, les stocks sont en train d'être résorbés. À terme, l'objectif est de traiter les déclarations dans un délai de deux mois. Toutefois, ces retards ont suscité un profond mécontentement de la part des chercheurs, qui ont mal vécu ce surcroît de bureaucratie.

En raison de la cohabitation de la réglementation européenne et de la réglementation nationale, les utilisateurs de ressources génétiques peuvent en outre être amenés à devoir réaliser deux déclarations, l'une en anglais sur le portail électronique du ministère chargé de la recherche qui gère au niveau national les déclarations de diligence imposées par la commission européenne, l'autre en français sur le portail électronique du ministère chargé de l'écologie 499 ( * ) .

En ce qui concerne la procédure d'autorisation, les délais prévus par l'administration pour cette procédure s'élèvent à huit mois, ce qui peut constituer un réel handicap face à la concurrence.

Par ailleurs, l'application de la réglementation fait surgir d'innombrables questions liées à l'existence de zones « grises » pour lesquelles il est difficile de distinguer la frontière entre les ressources génétiques entrant dans le champ d'application du dispositif sur l'APA et celles qui en sont exonérées. Ces difficultés d'interprétation sont d'autant plus grandes que les textes réglementaires prévus pour déterminer les exemptions n'ont pas encore été pris. Ainsi, l'arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture, de la recherche, de la santé et de la défense publique qui doit établir la liste des espèces modèles exclus de la règlementation sur l'APA n'est toujours pas publié, faute d'approbation par le ministère en charge de l'environnement. De même, le décret du ministère chargé de la santé chargé de définir un régime particulier pour tous les micro-organismes pathogènes issus de son réseau de laboratoires de référence a été annulé par le Conseil d'État, renforçant l'insécurité juridique de l'accès à ce type de ressources.

• Un alourdissement des procédures difficilement justifiable et contreproductif

Cette situation est d'autant moins justifiable que de très nombreuses ressources génétiques collectées en France et utilisées par les chercheurs ou les industriels ne sont ni menacées ni endémiques et sont largement répandues in situ ou ex situ à l'étranger.

Le cas des micro-organismes est emblématique. Alors que la législation exige la traçabilité des ressources génétiques, il est souvent impossible d'identifier l'origine géographique d'une espèce de micro-organisme présente dans le monde entier.

La législation française conduit ainsi à des situations absurdes, dans lesquelles des collections rassemblées par des chercheurs sur plusieurs décennies sont détruites parce que la traçabilité des ressources n'a pas été consignée dès l'origine.

De même, certains partenariats entre des laboratoires de recherche français et d'autres laboratoires européens ou des industriels sont remis en cause au profit d'autres laboratoires européens qui disposent de collections identiques mais qui ne sont pas soumis à l'obligation de déclaration.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel qui vise, à titre expérimental, à exonérer pour une durée de trois ans l'accès aux ressources génétiques prélevées sur des micro-organismes en France métropolitaine du dispositif d'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et au partage des avantages découlant de leur utilisation prévu par les articles L. 412-3 à L. 412-20 du code de l'environnement.

À l'issue de l'expérimentation, le ministre chargé de la protection de l'environnement devra présenter un rapport au Parlement faisant le bilan de cette expérimentation.

L'adoption de cet amendement a été justifié par le fait que le dispositif de déclaration et d'autorisation instauré par la loi pour la reconquête de la biodiversité visait prioritairement l'enjeu associé aux ressources des territoires d'outremer, caractérisés par la forte richesse de leur biodiversité et concernés par un risque d'appropriation de ces ressources aux dépens des populations locales. L'Assemblée nationale a estimé que ce risque était, a priori , significativement plus faible pour la France métropolitaine.

Parallèlement, de nombreuses initiatives françaises dans le domaine des micro-organismes sont en cours ou en train d'être développées : plan EcoAntibio 2 2017-2021 afin de réduire l'utilisation d'antibiotiques chez les animaux ; développement de la filière du biocontrôle ; plateforme Metagnonopolis de l'INRA afin d'accompagner les industriels dans le développement de nouveaux produits, etc.

Or, le secteur de la recherche sur les micro-organismes est un secteur fortement compétitif au sein duquel la France occupe des positions importantes. Ainsi, les aliments qui nécessitent l'utilisation de ferments représentent un tiers du chiffre d'affaires à l'export du secteur alimentaire français.

Dans le cadre des appels à projet lancés par France expérimentation, deux entreprises ont souhaité bénéficier d'une dérogation à la réglementation sur l'APA, dont les projets ont été jugés pertinents. L'extension de la dérogation pendant trois ans à tous les utilisateurs de micro-organismes proposée par le présent article devrait lever les obstacles administratifs mentionnés précédemment et renforcer la compétitivité des entreprises ainsi que l'attractivité des organismes de recherche installés sur le territoire national.

III. La position de votre commission

Votre commission juge pertinente l'introduction dans le projet de loi de l'expérimentation proposée par le présent article dans la mesure où elle vise à renforcer la compétitivité des entreprises françaises.

Votre commission estime que l'exonération de l'accès aux micro-organismes du champ d'application des dispositions sur l'APA de la loi sur la reconquête de la biodiversité lève des obstacles administratifs pour un pan important de la recherche et développement.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a constaté que les dispositions sur l'APA soulevaient d'importantes difficultés dans leur mise en oeuvre 500 ( * ) et méconnaissaient souvent la réalité du terrain. Tous les intervenants ont insisté sur la distinction à faire entre les ressources génétiques sur le territoire métropolitain et les ressources génétiques présentes en outremer.

Votre commission a donc adopté l'amendement COM-367 qui restreint le champ d'application des dispositions sur l'APA aux ressources génétiques d'outremer. Cet amendement permet de revenir à l'esprit initial de la loi sur la reconquête de la biodiversité, à savoir la protection de la richesse de la biodiversité et des connaissances traditionnelles dans les territoires outremer. Le principe d'une expérimentation sur trois ans est maintenu afin de pouvoir établir un bilan et décider, en toute connaissance de cause, de revenir à la législation initiale ou de transformer cette expérimentation en régime pérenne d'exemption.

Par ailleurs, votre commission a adopté l'amendement COM-366 qui améliore l'effectivité de l'expérimentation d'une part en prévoyant un décret chargé d'arrêter les informations demandées aux utilisateurs de ressources génétiques pour permettre le suivi et l'évaluation de l'expérimentation et, d'autre part, en faisant courir la durée d'expérimentation à partir de l'entrée en vigueur dudit décret.

Votre commission a adopté l'article 43 quinquies ainsi modifié .

Section 3
Faire évoluer le capital et la gouvernance des entreprises publiques
et financer l'innovation de rupture
Sous-section 1
Aéroports de Paris

I. ADP, une société anonyme majoritairement détenue par l'État qui dispose d'un droit exclusif d'exploitation des aéroports parisiens

1) ADP assure la gestion de l'ensemble des aéroports de la région Île-de-France mais a également entrepris ces dernières années de se développer à l'international

Aéroports de Paris a été créée en 1945 par l'État sous la forme d'un établissement public industriel et commercial (EPIC) chargé d'une mission de service public consistant à aménager , exploiter et développer des aéroports civils dans un rayon de 50 kilomètres autour de Paris.

ADP s'est alors vu confier la gestion de l'aéroport de Paris-Le Bourget , qui avait été créé en 1923, puis a conçu les aéroports de Paris-Orly et de Paris-Charles de Gaulle , qui ont été respectivement inaugurés en 1946 et en 1974 et dont ADP assure l'exploitation depuis lors .

La loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui a transformé ADP en société anonyme (SA), est venue confirmer le monopole d'Aéroports de Paris (ADP) sur la gestion des plateformes franciliennes , puisqu'elle prévoit que l'entreprise « détient, aménage, exploite et développe les aéroports Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, ainsi que dix autres aérodromes civils situés en Île-de-France et l'héliport d'Issy-les-Moulineaux ». Plus de 100 millions de passagers et 2,3 millions de tonnes de fret et de courrier ont été accueillis dans ces aéroports en 2017.

Comme le montre le tableau ci-dessous, l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est à lui seul le dixième aéroport mondial en termes de trafic passager et le deuxième aéroport d'Europe . Si on lui ajoute le trafic passager de Paris-Orly, le trafic passager accueilli à Paris par ADP est quasiment aussi élevé que celui de l'aéroport d'Atlanta , premier aéroport au monde.

Les 10 premiers aéroports mondiaux
en termes de trafic de passagers

Rang

Aéroport (code IATA)

Trafic 2017 (en millions de passagers)

2017/2016

1

Atlanta (ATL)

103,9

-0,3 %

2

Beijing (PEK)

95,8

+1,5 %

3

Dubaï (DXB)

88,2

+3,5 %

4

Los Angeles (LAX)

84,6

+4,5 %

5

Tokyo (HND)

83,2

+4,3 %

6

Chicago (ORD)

79,5

+1,8 %

7

Londres (LHR)

78,0

+3,0 %

8

Hong Kong (HKG)

72,8

+3,5 %

9

Shanghai

70,0

+6,1 %

10

Paris (CDG)

69,5

+5,4 %

Source : Airport Council International (ACI)

ADP est avant tout le gestionnaire des infrastructures aéroportuaires d'Île-de-France , ce qui constitue le coeur de la mission de service public qui lui est conférée par la loi. Mais la société développe également sur ses plateformes des activités de commerces (boutiques, restauration, etc.), de services aux compagnies aériennes et aux passagers , de gestion immobilière (bureaux, logements), de parkings ainsi que de sécurité et de sûreté .

ADP ne peut toutefois plus être résumée à ses activités aéroportuaires franciliennes : si la société réalisait seulement 5 % de son chiffre d'affaires hors de France en 2005, 20 % de ses revenus proviennent aujourd'hui de ses activités réalisées à l'international .

ADP a en effet entrepris ces dernières années de se développer activement à l'étranger en créant des filiales d'ingénierie, de gestion et de développement aéroportuaire, en acquérant des participations dans des aéroports ou en en devenant l'exploitant, via des contrats de concession.

La société a en particulier acquis en mai 2012 38 % du capital 501 ( * ) de l'opérateur aéroportuaire turc TAV , qui gère 13 aéroports dans 7 pays, dont l'aéroport d'Istanbul Atatürk. Elle est devenue le gestionnaire de l'aéroport de Santiago du Chili en 2012. Le groupe est désormais également présent en Géorgie, en Macédoine, en Jordanie, à Madagascar, à l'île Maurice ou bien encore à Cuba. Il cherche actuellement à s'implanter en Bulgarie et au Japon.

Conséquence de cette politique d'expansion, la société ADP et ses filiales, qui forment ensemble le groupe ADP et comptent 17 422 salariés , assurent désormais la gestion de 26 aéroports , qui ont accueilli un total de 228 millions de passagers en 2017 .

Ce chiffre considérable fait aujourd'hui d'ADP le deuxième groupe aéroportuaire mondial , derrière le groupe espagnol Aeropuertos Españoles y Navegación Aérea (AENA).

2) Si ADP est devenue depuis 2005 une société anonyme, la loi dispose que son capital doit être majoritairement détenu par l'État

• ADP, une société anonyme publique en vertu de la loi

Conformément aux dispositions de l'article 1 er de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, l'entreprise ADP, qui était jusqu'en 2005 un établissement public industriel et commercial (EPIC) , est devenue depuis cette date une société anonyme (SA) .

Il s'agit toutefois d'une société anonyme publique , dans la mesure où la majorité de son capital doit être détenue par l'État , en vertu des dispositions de l'article L. 6323-1 du code des transports.

Si ADP se conforme au droit commun des sociétés, elle est également régie par un certain nombre de normes spécifiques liées à ses missions de service public .

Ces normes exorbitantes des règles communément applicables aux sociétés anonymes sont prévues par les articles de la loi de 2005 encore en vigueur, par les dispositions générales ou particulières du code des transports et du code de l'aviation civile et par les dispositions du cahier des charges d'ADP , fixées par le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005.

• Le capital d'ADP est aujourd'hui largement ouvert, même si l'État demeure majoritaire

À la suite de l'introduction d'ADP en bourse, intervenue le 16 juin 2006, l'État a vendu une grande partie du capital de la société à des investisseurs privés , tout en veillant à rester majoritaire, comme la loi le lui imposait.

En conséquence, l'État détient actuellement 50,63 % du capital de la société et 58,5 % de ses droits de vote , ce qui lui permet d'exercer un contrôle complet sur les orientations stratégiques de la société .

Les autres principaux actionnaires de la société ADP sont le groupe Vinci ( 8 % du capital), l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol ( 8 % du capital) et le groupe Predica , filiale du groupe Crédit agricole Assurances ( 5,1 % du capital).

Répartition du capital et des droits de vote d'ADP au 31 décembre 2017

Actionnaires

% du capital

% des droits de vote

État français

50,6

58,5

Schiphol Group

8

9,2

Groupe Vinci

8

9,2

Prédica/Crédit agricole assurances

5,1

5,7

Institutionnels français

6,5

3,7

Institutionnel non-résidents

15,8

9,1

Actionnaires individuels français et non identifiés

4,3

2,6

Salariés

1,7

1,9

Auto-détention

0

0

Total

100

100

Source : Aéroports de Paris

La présence au capital d'ADP du groupe Schiphol , qui exploite l'aéroport d'Amsterdam, concurrent des plateformes aéroportuaires parisiennes pour le trafic en correspondance, s'explique par la conclusion en novembre 2008 pour une durée de 12 ans d'accords de partenariat qui prévoyaient des prises de participation croisées de 8 % au capital de chacune des deux sociétés .

La dernière cession importante de capital d'Aéroports de Paris est intervenue en juin 2013 lorsque l'État et le fonds stratégique d'investissement (FSI) ont cédé conjointement au secteur privé 9,5 % du capital de la société , soit 4,96 % cédés à Vinci (portant ainsi sa participation à 8 %) et 4,81 % à Predica.

Cette opération a dégagé un produit de cession de 738 millions d'euros , dont 303 millions d'euros pour l'État, soit un prix par action de 78,50 euros .

II. ADP, une société publique très rentable, dont la valeur boursière a considérablement augmenté ces dernières années

1. Des résultats économiques très favorables, en forte progression sur la période récente

Ces dernières années, le groupe Aéroports de Paris (ADP) a connu une évolution dynamique de ses principaux indicateurs économiques en s'appuyant sur la croissance soutenue du transport aérien au départ et à l'arrivée de Paris, qui s'est établie à +2,1 % en moyenne sur la période 2005-2017 .

Au cours de cette même période, les revenus du groupe ADP ont en effet augmenté de 3,8 % par an 502 ( * ) , ce qui l'a conduit à réaliser un chiffre d'affaires consolidé de 3 617 millions d'euros en 2017, soit une hausse de 670 millions d'euros par rapport à 2016 503 ( * ) .

Sur cette somme, 1,8 milliard d'euros proviennent des activités aéronautiques , dont 1 055 millions d'euros (+5,2 %) des redevances aéronautiques 504 ( * ) , 230 millions d'euros des redevances accessoires (+4,6 %) et 487 millions d'euros (+1,6 %) des revenus liés à la sûreté et à la sécurité aéroportuaire.

Mais le chiffre d'affaires généré par les commerces et les services est également très important, puisqu'il a atteint 953 millions d'euros en 2017, en hausse de +1,2 % par rapport à 2016. Sur cette somme, 459 millions d'euros (+2,2 %) correspondent aux activités commerciales 505 ( * ) , 171 millions d'euros (-2,1 %) aux parkings et 134 millions d'euros (+0,5 %) aux prestations industrielles (fourniture d'électricité et d'eau).

Le chiffre d'affaires du segment immobilier d'ADP a représenté 250 millions d'euros en 2017, en baisse de 4,8 % par rapport à 2016. L'intégration globale de TAV Airports a permis en revanche une hausse de 585 millions d'euros du chiffre d'affaires à l'international d'ADP , passé de 97 millions d'euros en 2016 à 682 millions d'euros en 2017.

La société ADP est très rentable , puisque son résultat net part du groupe s'est élevé à 571 millions d'euros en 2017 (soit 136 millions d'euros de plus qu'en 2016), ce qui représente 12,5 % de ses capitaux propres . Depuis 10 ans, ce taux de rentabilité s'est montré relativement stable et a presque toujours été supérieur aux taux moyens des sociétés du CAC 40 , tout comme à celui des autres participations de l'État .

En ce qui concerne les dividendes versés par ADP à ses actionnaires, le taux de distribution s'élève à 60 % depuis 2012. Sur la période 2011-2017, l'État a perçu 854 millions d'euros à ce titre, dont 173,4 millions d'euros en 2017.

Évolution du résultat net du groupe ADP et
du montant des dividendes versés à l'État de 2011 à 2017
(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Résultats comptes consolidés (en millions d'euros)

348

341

305

402

430

435

571

Taux de distribution des dividendes

50 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

Dividendes au titre de l'exercice (en millions d'euros)

174

205

183

241

258

261

342

Dont versés à l'État (en millions d'euros)

90,8

111,7

92,7

122,3

130,8

132,3

173,4

Dividendes par action (en euros)

1,76

2,07

1,85

2,44

2,61

2,64

3,46

Source : groupe ADP et Agence des participations de l'État (APE)

Au total, et même si ses résultats sont susceptibles de varier en fonction de la qualité de sa gestion, il apparaît clairement que la société ADP bénéficie d'une véritable rente due à sa position de monopole naturel sur les vols origine-destination , ainsi que l'ont souligné devant votre commission spéciale François Ecalle, président du site d'information sur les finances publiques FIPECO et Yves Crozet, économiste des transports.

2. La valeur boursière de la société représente 16,10 milliards d'euros en janvier 2019, ce qui valorise la part de l'État à 8,2 milliards d'euros minimum

Le capital social d'ADP s'élève à environ 296,88 millions d'euros . Il est divisé en 98 960 602 actions d'une valeur nominale de 3 euros chacune .

La valeur de la société a connu une augmentation considérable depuis la première cotation en bourse d'ADP, intervenue le 16 juin 2006, puisque le cours de l'action a augmenté de 271,36 % entre juin 2006 et janvier 2019 . La valeur la plus basse enregistrée sur cette période s'est établie à 35,1 euros et sa valorisation la plus élevée à 202,6 euros .

Le cours de l'action d'ADP représentait 162,7 euros le 18 janvier 2019, ce qui correspond à une capitalisation boursière de 16,10 milliards d'euros et valorise la part de l'État à 8,05 milliards d'euros .

Ces chiffres sont en recul par rapport au point haut atteint en juin 2018, lorsque la valeur de l'action était estimée à 202,6 euros . Cette valorisation représentait une capitalisation boursière de 20 milliards d'euros , ce qui valorisait la part de l'État à 10,1 milliards d'euros environ .

Si cette valeur boursière ne permet pas d'anticiper sur le montant exact que la privatisation d'ADP pourrait rapporter à l'État, du moins permet-elle d'en fournir une première approximation .

III. Les aéroports franciliens, des actifs stratégiques pour la Nation

1. Un rôle économique et touristique considérable, des enjeux majeurs en termes de souveraineté

En 2017, les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et de Paris-Orly ont pour la première fois franchi à eux deux la barre des 100 millions de passagers accueillis , avec un total de 101,5 millions de passagers (+4,5 % par rapport à 2016).

Ce chiffre représente une hausse de 29,0 % par rapport aux 78,7 millions de passagers enregistrés en 2005 et de + 15,2 % par rapport aux 88,1 millions de passagers accueillis en 2011 .

En moyenne, l'augmentation annuelle du trafic passagers sur ces deux plateformes s'est ainsi élevée à 2,1 % par an , témoignant du fort dynamisme du secteur du transport aérien au cours de la période, même si celui-ci a été sévèrement affecté par la crise économique de 2008-2009.

Dans son étude d'impact, le Gouvernement considère que la gestion des aéroports confiés à ADP ne constitue pas un service public national , dans la mesure où ceux-ci sont exclusivement situés en Île-de-France.

Si ce raisonnement visant à rendre compatible avec les principes constitutionnels la privatisation de la société ADP a été validé par le Conseil d'État, il n'en demeure pas moins que les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly présentent des caractéristiques hors normes , ce qui explique pourquoi leur privatisation apparaît beaucoup plus sensible que celles des aéroports de Nice, de Lyon et de Toulouse.

Comme le montre le tableau ci-dessous, ces deux aéroports sont, et de très loin , ceux dont le trafic passager est le plus important en France , avec 69,5 millions et 32,0 millions de passagers respectivement , contre 13,3 millions pour celui de Nice, 10,3 millions pour celui de Lyon et 9,3 millions pour celui de Toulouse

Les principaux aéroports français en termes de trafic passagers

Rang

Aéroport

Trafic 2017
(en millions de passagers)

2017/2016

1

Paris-Charles de Gaulle

69,5

+5,4 %

2

Paris-Orly

32,0

+2,6 %

3

Nice-Côte d'Azur

13,3

+7,1 %

4

Lyon-Saint-Exupéry

10,3

+7,6 %

5

Toulouse-Blagnac

9,3

+14,7 %

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

Les aéroports franciliens constituent de facto la principale frontière de la France , première destination touristique mondiale avec plus de 90 millions de visiteurs accueillis en 2018 , et la voie d'accès privilégiée depuis l'étranger à Paris et à la région Île-de-France , première région économique française.

Le fait qu'ADP dispose d'un droit exclusif d'exploitation des aéroports de l'Île-de-France la place dans une situation de monopole naturel en l'absence d'autres aéroports majeurs dans un rayon de 300 kilomètres 506 ( * ) et lui donne accès à une zone de chalandise estimée à environ 25 millions d'habitants , dans la mesure où l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est directement accessible en train à grande vitesse (TGV).

Autre atout majeur : la position centrale des plateformes franciliennes leur permet de se trouver à deux heures de vol de la plupart des grandes villes d'Europe .

Au total, cet emplacement privilégié permet au groupe d'attirer à la fois un trafic point à point important (77 % du trafic total en 2017) mais également de favoriser le développement d'une plate-forme de correspondance ( hub ) puissante .

Cette situation géographique exceptionnelle confère incontestablement aux plateformes parisiennes un caractère d'actif stratégique unique pour le développement économique et touristique de la Nation et pour sa connectivité avec le reste du monde .

En conséquence, la capacité de la société ADP à fournir un service public de très haut niveau aux compagnies aériennes du monde entier ainsi qu'à leurs passagers est cruciale pour renforcer l'attractivité de notre pays .

Elle est également très importante pour l'avenir du pavillon français , dans la mesure où la compagnie Air France-KLM réalise à elle seule, avec ses partenaires, 50 % de l'activité de Paris-Orly et 62 % de celle de Paris-Charles de Gaulle (qui constitue son hub ) en 2017.

C'est la raison pour laquelle l'État doit impérativement être en mesure d'assurer un contrôle étroit sur cette entreprise et sur les infrastructures critiques dont elle assure la gestion : il s'agit là ni plus ni moins que d'un enjeu de souveraineté .

Les aéroports parisiens ont naturellement un impact majeur sur l'économie de la région Île-de-France : on estime ainsi que 122 040 personnes travaillent sur les plates-formes aéroportuaires franciliennes, dont 90 190 pour l'aéroport Paris-Charles de Gaulle , 28 360 à Paris-Orly et 3 490 à Paris-Le Bourget . Le nombre total d'emplois (emplois directs, indirects, induits et catalytiques) générés par le système aéroportuaire francilien est estimé à plus de 570 800 , soit près de 8 % de l'emploi salarié francilien .

La croissance du transport aérien en Île-de-France soulève également des enjeux importants en matière environnementale , puisque ce mode de transport génère une forte pollution atmosphérique et provoque des nuisances sonores pour leurs riverains.

Il est donc essentiel que l'État, mais également les collectivités territoriales sur le territoire desquelles ces plateformes sont installées, puissent participer activement aux prises de décisions relatives à la construction des infrastructures aéroportuaires , dont l'impact en matière d'aménagement joue un rôle structurant .

2) Un formidable potentiel de développement, des leviers d'amélioration de l'exploitation

• L'aéroport Paris-Charles de Gaulle dispose de réserves foncières qui lui permettront d'absorber la forte hausse annoncée du trafic aérien

Si l'impact économique des aéroports parisiens est déjà considérable à l'échelle de la région Île-de-France et du pays tout entier, ce phénomène devrait encore s'amplifier à l'avenir car le trafic aérien mondial devrait doubler dans les 20 ans à venir selon l'Association internationale du transport aérien (IATA) pour atteindre 7,8 milliards de passagers à l'horizon 2036 , soit une croissance annuelle à l'échelle de la planète comprise entre 4,5 % et 6 % .

Si les perspectives de croissance du trafic de l'aéroport de Paris-Orly sont contraintes par un plafond de 250 000 mouvements quotidien , le potentiel de développement de Paris-Charles de Gaulle est en revanche très important puisque ses quatre pistes pourraient lui permettre d'accueillir à terme entre 140 et 160 millions de passagers par an (le cap des 100 millions de passagers annuels étant franchi dès 2030), ce qui correspondrait à un quasi doublement de sa fréquentation actuelle .

Il s'agit là d'un atout majeur par rapport aux autres grands aéroports européens qui sont en concurrence avec Paris-Charles de Gaulle pour attirer le trafic aérien en correspondance , car plusieurs d'entre eux font aujourd'hui face à un phénomène de saturation . C'est le cas notamment de l'aéroport de Heathrow à Londres ou de l'aéroport de Francfort .

Pour accueillir ses passagers supplémentaires, ADP devra toutefois investir massivement , ses infrastructures actuelles ne lui permettant de recevoir que 80 millions de passagers annuels . La construction du Terminal 4 , qui devrait permettre à terme d'accueillir entre 35 et 40 millions de passagers supplémentaires par an , revêt donc une grande importance pour l'avenir de l'aéroport .

Le projet du nouveau Terminal 4

Le chantier du terminal T4 de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle devrait débuter à l'été 2020, pour une ouverture progressive du T4 en 2024, puis en 2028-2030 pour le bâtiment principal et en 2033-2037 pour l'ouverture totale. Construit entre les pistes et le Terminal 2, il s'étendra sur une superficie de 167 hectares. Il devrait être desservi par la ligne 17 du Grand Paris Express à l'horizon 2030.

Le T4 pourrait permettre de créer 50 000 emplois directs supplémentaires sur la plateforme de Paris-Charles de Gaulle (commerces, sécurité, aiguilleur du ciel, agents d'escales, etc.), et 175 000 emplois indirects.

ADP a saisi la commission nationale du débat public (CNDP), qui conduit une concertation sur ce projet depuis le 7 janvier et jusqu'au 7 avril 2019.

Source : commission spéciale

Les nouveaux passagers qu'accueillera à l'avenir Aéroports de Paris vont naturellement générer une forte activité économique , puisque l'on estime que 1 million de passagers en plus induisent la création de quelque 6 000 emplois .

Si beaucoup d'entre eux seront créés dans les activités aéronautiques, ils devraient également être particulièrement nombreux dans les commerces , qui connaissent actuellement un développement très important dans les aéroports parisiens 507 ( * ) , lesquels tendent de plus en plus à devenir de grands centres commerciaux mall »), à l'instar des autres grands aéroports internationaux.

• Les aéroports franciliens souffrent encore de certaines faiblesses mais celles-ci devraient s'atténuer à l'avenir

Si les aéroports franciliens disposent d'atouts considérables susceptibles d'attirer de nombreux investisseurs , ils présentent à ce stade quelques fragilités , qui paraissent toutefois remédiables à moyen terme .

La première faiblesse des aéroports franciliens tient à leur accessibilité insuffisante , en comparaison des meilleurs standards internationaux.

Si Paris-Charles de Gaulle est directement relié au train à grande vitesse (TGV), les liaisons avec Paris demeurent déficientes , la seule liaison ferroviaire à ce jour étant le RER B , qui est avant tout un train du quotidien destiné aux habitants de la région et n'est pas adapté aux besoins des touristes et de la clientèle d'affaires , désireux de rejoindre la capitale française rapidement.

Quant aux accès routiers, empruntés par 80 % des passagers , les autoroutes A1 et A3 sont aujourd'hui engorgées , ce qui rend la circulation particulièrement difficile aux heures de pointe .

Plusieurs projets actuellement en cours devraient progressivement remédier à cette situation. Le premier d'entre eux est le Charles de Gaulle Express , qui devrait relier directement l'aéroport à la gare de l'Est en 20 minutes à compter de 2024 . La ligne 17 du Grand Paris Express 508 ( * ) , dont la mise en service est prévue en 2030, devrait quant à elle relier Paris-Charles de Gaulle au quartier d'affaires de la Défense .

En ce qui concerne l'aéroport de Paris-Orly , le prolongement sud de la ligne 14 du métro devrait lui permettre d'être relié au centre de la capitale dès 2024 , la construction de la ligne 18 du Grand Paris Express étant censée fournir une liaison rapide avec le cluster de Paris-Saclay , la « Silicon Valley » à la française, à compter de 2027 . Des travaux en cours devraient améliorer les accès routiers de la plateforme à l'horizon 2022, sachant que 89 % des passagers les empruntent .

La seconde faiblesse importante des aéroports franciliens demeure le caractère insuffisant de la qualité de service aux yeux des passagers , puisque ceux-ci classent l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle à la 37 ème place seulement dans le classement des meilleurs aéroports mondiaux ( Skytrax World Airport Awards ), très loin des aéroports leaders en la matière tels que Singapour-Changi (1 er ), Séoul-Incheon (2 ème ) ou Hong Kong (4 ème ).

Plus préoccupant, les performances parisiennes se révèlent également inférieures à celles de plusieurs aéroports européens tels que Munich (6 ème ), Londres-Heathrow (8 ème ), Francfort (10 ème ) ou Amsterdam-Schiphol (12 ème ) avec qui Paris-Charles de Gaulle est en concurrence pour capter le trafic en correspondance entre l'Asie ou le Moyen-Orient et les Amériques .

Si de nombreux efforts ont été consentis ces dernières années pour corriger cette image peu flatteuse , beaucoup reste donc à faire pour améliorer le ressenti et la qualité de l'expérience vécue par les voyageurs qui utilisent les infrastructures aéroportuaires parisiennes.

Du reste, il convient de noter qu'une partie des progrès à réaliser ne tient pas réellement à ADP mais plutôt aux services de l'État, les temps d'attentes excessifs au passage aux frontières provoqués par une insuffisance des effectifs de la police aux frontières étant l'une des principales sources d'insatisfaction exprimées par les passagers .

Article 44
(art. L. 6323-2-1 [nouveau] du code des transports)
Modification du régime juridique d'Aéroports de Paris

I. Le droit existant

1. Aéroports de Paris (ADP) dispose d'un droit exclusif d'exploitation des aéroports franciliens sans limitation de durée

L'article L. 6323-2 du code des transports prévoit que la société Aéroports de Paris est chargée d'aménager , d'exploiter et de développer les aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget , ainsi que 10 aérodromes civils en Île-de-France et l'héliport d'Issy-les-Moulineaux .

En vertu de l'article L. 6323-3 du même code, la société ADP a l'obligation de fournir sur ces aéroports et aérodromes les services aéroportuaires adaptés aux besoins des transporteurs aériens, des autres exploitants d'aéronefs, des passagers et du public. Elle coordonne, sur chaque aérodrome qu'elle exploite, l'action des différents intervenants.

Il s'agit là d'un droit exclusif d'exploitation , sans limitation dans le temps , fondé sur une décision unilatérale d'organisation du service public prise par le législateur .

Ce droit exclusif d'exploitation s'inscrit dans le cadre juridique prévu par le premier paragraphe de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 509 ( * ) , qui reconnaît expressément aux États membres la possibilité de les accorder à des entreprises , qu'elles soient publiques ou privées.

Les spécificités des droits exclusifs d'exploitation sont confirmées par l'article 11 de la directive n° 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession qui prévoit que cette directive « ne s'applique pas aux concessions de services attribuées à un opérateur économique sur la base d'un droit exclusif qui a été octroyé conformément au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ».

Il en résulte que les dispositions de cette directive ne s'appliquent pas à des marchés de services attribués sur la base d'un droit exclusif dont une entité - telle qu'ADP - bénéficie en vertu de dispositions législatives. Ce droit exclusif d'exploitation ne saurait donc s'analyser comme un contrat de concession et relève d'un régime juridique distinct, établi par le législateur.

2. La société anonyme ADP s'est vue attribuer en 2005 la pleine propriété du foncier et des infrastructures des aéroports franciliens

L'article 1 er de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports a transformé l'établissement public industriel et commercial (EPIC) Aéroports de Paris (ADP) en société anonyme (SA ), sans que cette transformation n'emporte de création d'une personne morale nouvelle : la SA ADP a succédé à l'EPIC ADP. L'article L. 6323-1 du code des transports dispose que la majorité de son capital est détenue par l'État , ce qui fait donc d'ADP une SA publique .

L'article 2 de la loi de 2005 précitée a procédé, à la date de la transformation de l'établissement public ADP en SA, au déclassement de ceux de ses biens qui appartenaient au domaine public .

La même loi a également procédé au déclassement des biens qui provenaient du domaine public de l'État et qui avaient été remis en dotation à ADP ou que l'entreprise était autorisée à occuper .

N'ont en revanche pas été déclassés les biens nécessaires à l'exercice par l'État ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire (services de la navigation aérienne, gendarmerie du transport aérien, police aux frontières, douanes, etc.) 510 ( * ) .

Ces biens déclassés, qui sont à la fois des biens immobiliers (les aérodromes, les terrains ainsi que les immeubles de diversification) et des biens mobiliers (les systèmes d'exploitation) ont été attribués , à cette même date, à la société anonyme (SA) Aéroports de Paris en pleine propriété .

C'est donc elle et elle seule qui possède , entre autres, les terrains et les infrastructures des trois grands aéroports de la région Île-de-France que sont Paris-Charles de Gaulle , Paris-Orly et Paris-Le Bourget .

Le régime de propriété exclusive prévu par la loi de 2005 présente toutefois un certain nombre de spécificités exorbitantes du droit commun de la propriété applicable aux sociétés anonymes, compte tenu du caractère public de la SA ADP et des missions de service public qui lui sont confiées .

En premier lieu, les ouvrages appartenant à la société ADP et affectés au service public sont des ouvrages publics 511 ( * ) , aux termes de l'article L. 6323-5 du code des transports, et ce même s'ils n'appartiennent plus au domaine public, puisqu'ils ont été déclassés. Ils sont donc régis par les règles protectrices qui s'appliquent aux ouvrages publics .

Par ailleurs, l'article L. 6323-6 du code des transports prévoit que l'État peut s'opposer à toute cession , apport ou sûreté relatifs à un ouvrage ou un terrain d'ADP situé dans le domaine aéroportuaire et nécessaire à la bonne exécution des missions de service public confiées à la société.

Enfin, l'article 3 de la loi de 2005 dispose que la société ADP a l'obligation de verser à l'État au moins 70 % de la plus-value 512 ( * ) réalisée en cas de fermeture à la circulation aérienne de tout ou partie d'un aérodrome qu'elle exploite. Une convention, conclue pour une durée d'au moins 70 ans, détermine les modalités de calcul et de versement de cette somme.

II. Le dispositif proposé

L'article 44 du projet de loi insère dans le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code des transports, consacré aux dispositions particulières à la société Aéroports de Paris, un nouvel article L. 6323-2-1 relatif à la fin dans 70 ans de la mission d'ADP , au retour de ses biens à l'État à cette échéance, à l'indemnité à verser aux actionnaires pour compenser cette expropriation future et, enfin, aux conditions susceptibles de provoquer la fin de la mission d'ADP avant la durée de 70 ans susmentionnée.

1. La fin du droit exclusif d'exploitation d'ADP et le retour de ses biens à l'Etat dans 70 ans

a) La limitation dans le temps à 70 ans du droit exclusif d'exploitation d'ADP

Le nouvel article L. 6323-2-1 du code des transports prévoit en premier lieu que la mission d'aménagement , d'exploitation et de développement des aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget et de 10 autres aérodromes civils en Île-de-France confiée par l'État à la société anonyme Aéroports de Paris (ADP) aux termes de l'article L. 6323-2 du même code prendra fin 70 ans après l'entrée en vigueur dudit article L. 6323-2-1 , elle-même prévue à la date de la privatisation de la société ADP .

La société ADP conserve donc le droit exclusif d'exploitation des aérodromes franciliens qui lui avait été confié en 2005 mais celui-ci n'est plus illimité dans le temps .

Il expirera de plein droit 70 ans après l'entrée en vigueur du nouvel article L. 6323-2-1 introduit dans le code des transports par le présent article 44 du projet de loi, soit en 2089 si la privatisation d'ADP intervient en 2019 .

Il s'agit, à travers cette disposition, d'éviter de confier pour l'éternité à une société privée l'exploitation d'infrastructures stratégiques pour la Nation et d e ne pas privatiser un droit perpétuel d'exploitation fondé sur une décision unilatérale d'organisation du service public .

Ce dispositif juridique ad hoc , qui s'apparente à une concession, mais n'en est pas une dans la mesure où le droit exclusif d'exploitation est attribué par la loi à une société en l'absence de mise en concurrence, est qualifié par le Gouvernement, de « régime quasi-concessif » .

b) Le transfert à l'État des biens immobiliers et mobiliers d'ADP à l'issue de la période de 70 ans

Le statut des biens immobiliers (les aérodromes, les terrains, les immeubles de diversification, etc.) et mobiliers (les systèmes d'exploitation) d'ADP, qui lui avaient été attribués en pleine propriété par l'article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, est tout aussi fondamental et fait pour cette raison l'objet d'un traitement spécifique .

L'effectivité de la fin du droit d'exploitation d'ADP suppose en effet le transfert à l'État des biens d'ADP , pour que ceux-ci puissent être mis à disposition d'un futur exploitant à l'issue de la période de 70 ans.

En conséquence, le nouvel article L. 6323-2-1 précité prévoit que ces biens , de même que les biens meubles ou immeubles acquis ou réalisés par la société ADP et exploités en Île-de-France entre le 25 juillet 2005 et la date de la fin d'exploitation des aérodromes parisiens par la société ADP , soit en 2089 si la privatisation se produit en 2019, sont transférés en pleine propriété à l'État à la date de fin d'exploitation .

Cela signifie donc que dans 70 ans , la société ADP perdra à la fois son droit d'exploitation des aérodromes franciliens ainsi que la pleine propriété de ses biens , qui entreront à cette date dans le patrimoine de l'État.

En d'autres termes, l'article L. 6323-2-1 procède à une expropriation dans 70 ans des biens de la société Aéroports de Paris , sachant que 4 9,37 % de son capital est détenu par des actionnaires privés .

Le périmètre des biens inclus dans le futur transfert est large afin de tenir compte de la mutabilité des missions de service public aéroportuaire dans le temps , des actifs non affectés à ces missions lors de la privatisation étant susceptibles de le devenir durant la période de 70 ans ou ultérieurement compte tenu des évolutions futures du transport aérien.

Le III de l'article L. 6323-2-1 précise qu'ADP remet à l'État ces biens en bon état d'entretien et renvoie à son cahier des charges la définition des modalités précises de cette remise .

Il dispose que c'est également ce cahier des charges qui prévoit les modalités selon lesquelles l'État peut décider de ne pas reprendre , en fin d'exploitation normale ou anticipée, tout ou partie des biens qui ne seraient pas nécessaires ou utiles au fonctionnement du service public à cette date .

Ces biens seront remis libres de toute sûreté .

2. L'indemnisation des actionnaires pour la perte d'éternité et le retour à l'Etat des biens d'ADP

L'expropriation des biens de la société Aéroports de Paris dans 70 ans rend nécessaire une indemnisation « juste et préalable » de la société , et, à travers elle, de ses actionnaires , conformément aux dispositions de l'article 17 de de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

En conséquence de cette obligation constitutionnelle, l'article L. 6323-2-1 prévoit une indemnité composée de deux éléments , dont le premier serait versé au moment de la privatisation de la société ADP et le second au moment du retour de ses biens à l'État , au terme de la période d'exploitation exclusive de 70 ans.

a) Une première partie d'indemnité visant à compenser la perte d'éternité subie par les actionnaires du groupe ADP

Le premier élément de l'indemnité est un montant forfaitaire et non révisable , qui est versé par l'État à ADP à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société , soit potentiellement dès 2019.

Il s'agit d'appliquer l'obligation d'une indemnité « préalable » d'ADP , puisque la valeur de la société , cotée en bourse, sera immédiatement impactée par le choix opéré par le législateur de limiter ses droits d'exploitation dans le temps et de prévoir le retour de ses biens à l'État . Au travers de la société, ce sont bien les actionnaires actuels qui subissent un préjudice , et non les actionnaires futurs.

Ce montant forfaitaire et non révisable correspond à la somme des flux de trésorerie disponibles , pris après impôts , générés par les biens d'ADP pour la période débutant à la fin de la période d'exploitation , soit à compter de 2089 , actualisés au coût moyen pondéré du capital (CMPC) d'ADP , tel que déterminé à la date de la privatisation d'ADP selon le modèle d'évaluation des actifs financiers.

Comme le confirme l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement prévoit, pour calculer le montant de ce premier élément de l'indemnité versée à ADP, d'utiliser la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie futurs , dite des « discounted cash flows (DCF) » , qui constitue la méthode de valorisation d'une société la plus couramment utilisée.

Il sera toutefois déduit de ce montant une estimation de la valeur nette comptable (VNC) des biens d'ADP à la fin de la période d'exploitation , soit en 2089, là encore actualisée au coût moyen pondéré du capital (CMPC) d'ADP déterminé à la date de sa privatisation selon le modèle d'évaluation des actifs financiers.

Cette première partie de l'indemnité versée à la société Aéroports de Paris (ADP) verra son montant fixé par arrêté , au terme d'une procédure destinée à garantir l'indépendance et l'impartialité avec lesquelles sera déterminé son montant.

Cet arrêté est pris par le ministre chargé de l'économie. Il fait l'objet d'un avis conforme de la Commission des participations et des transferts (CPT) .

Pour éclairer son avis conforme , ladite Commission des participations et des transferts (CPT) reçoit elle-même un avis d'une commission ad hoc composée de trois personnalités désignées conjointement, en raison de leurs compétences en matière financière , par le premier Président de la Cour des comptes , le président de l'Autorité des marchés financiers et le président du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables .

b) Une deuxième partie d'indemnité qui correspond à la valeur nette comptable des biens d'ADP dans 70 ans

L'indemnité versée par l'État à la société ADP pour l'expropriation de ses biens dans 70 ans comprend un deuxième élément . Celui-ci sera versé au moment du transfert à l'État desdits biens , soit potentiellement en 2089. Son montant sera fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie.

Le montant de cet élément correspond à la valeur nette comptable (VNC) des biens d'ADP figurant à la date de la fin d'exploitation dans les comptes sociaux de la société , c'est-à-dire un montant égal à la valeur non amortie figurant à son bilan à cette date des actifs transférés à l'État .

Le paiement au bout de 70 ans de la VNC constatée des actifs lors de leur transfert doit permettre d'indemniser la société au plus près de la réalité de son préjudice (sans cette indemnisation la société constaterait une charge dans ses comptes) et est supposé inciter la société à investir dans les actifs jusqu'au terme des 70 ans .

3. Les conditions dans lesquelles l'Etat peut mettre fin à la mission d'ADP avant la fin de la période exclusive d'exploitation de 70 ans

Confier pendant 70 ans l'exploitation exclusive des aéroports franciliens à une société privée présente des risques importants pour le service public aéroportuaire en cas de défaillance de cet exploitant , que cette défaillance soit due à une mauvaise gestion des plateformes , à une faillite ou bien encore à une évolution de son actionnariat qui n'aurait pas l'agrément de l'État .

C'est pourquoi le II du nouvel article L. 6323-2-1 du code des transports prévoit une liste de cas dans lesquels l'État pourrait , dans la période comprise entre 2019 et 2089, mettre fin de manière anticipée , intégralement ou partiellement, à la mission d'aménagement , d'exploitation et de développement des aéroports franciliens confiée à ADP .

Une telle décision unilatérale de l'État , qui ferait l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'aviation civile, de l'économie et du budget, pourrait intervenir si, en dehors d'un cas de force majeure, et après mise en demeure restée infructueuse, nonobstant l'application éventuelle des sanctions prévues à son cahier des charges :

- ADP interrompt , de manière durable ou répétée, l'exploitation d'un aérodrome , alors que la société a l'obligation d'assurer la continuité du service public aéroportuaire ;

- ADP atteint à deux reprises sur quatre exercices successifs le plafond annuel de pénalités prévu à l'article L. 6323-4 du code des transports, durci par les dispositions de l'article 45 du projet de loi PACTE ;

- ADP commet tout autre manquement d'une particulière gravité à ses obligations légales et réglementaires ;

- ADP n'est plus en mesure d'assurer la bonne exécution du service public du fait que la société ou son actionnaire de contrôle 513 ( * ) fait l'objet d'une procédure collective 514 ( * ) , c'est-à-dire une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

- une modification du contrôle actionnarial de la société intervient sans avoir été agréée par l'État .

Dans ce cas, ADP perçoit pour seule indemnité, au titre du transfert consécutif de la propriété de ses actifs à l'État, un montant forfaitaire et définitif égal à la valeur nette comptable (VNC) des actifs concernés par la mesure de fin d'exploitation anticipée.

Ce montant est déterminé et arrêté au plus tard lors de l'entrée en vigueur de l'arrêté prévoyant la fin partielle ou totale de la mission d'ADP.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. Les modifications apportées par la commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs Marie Lebec (La République en Marche) et Roland Lescure (La République en Marche), un amendement qui prévoit que les montants de la première partie et de la deuxième partie de l'indemnité versés à Aéroports de Paris pour le transfert de ses biens à l'État dans 70 ans seront fixés par décret et non par arrêté . Ce décret sera pris sur rapport du ministre chargé de l'économie.

Un amendement présenté par Éric Woerth (Les Républicains) et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par les rapporteurs, a prévu que l'avis de la commission ad hoc rendu à la Commission des participations et des transferts (CPT) sur le montant de cette indemnité serait rendu public à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris (ADP).

Un amendement des rapporteurs a précisé que les cinq cas pouvant entraîner la fin anticipée du droit d'exploitation exclusif confié à ADP n'étaient pas cumulatifs . La réalisation d'un seul d'entre eux peut justifier qu'il soit mis fin par l'État à la mission confiée à Aéroports de Paris de manière anticipée.

Enfin, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements rédactionnels , là encore à l'initiative de ses rapporteurs.

2. Les modifications apportées en séance publique

L'Assemblée nationale a adopté un premier amendement présenté par le Gouvernement pour prévoir que les biens récupérés par l'État au terme des 70 ans d'exploitation des aérodromes franciliens par ADP comprennent les titres de capital ou donnant accès au capital des entreprises détenues , directement ou indirectement, par Aéroports de Paris , à l'exception de celles dédiées à une activité exercée hors des plateformes aéroportuaires . Ne seront donc pas transférées à l'État les entreprises qui appartiennent au segment « International et développement aéroportuaires » d'ADP .

Elle a également adopté un amendement, présenté par Stéphanie Do (La République en Marche) et sous-amendé à l'initiative des rapporteurs, visant à fixer des délais pour l'élaboration des deux avis sur le montant de l'indemnité versée par l'État à ADP au moment de la privatisation .

Les dispositions qu'elle a adoptées prévoient ainsi que la commission ad hoc devra rendre son avis sur le projet de décret qui lui sera soumis dans un délai de trente jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l'économie.

De même, la Commission des participations et des transferts (CPT) devra rendre son avis sur le même projet de décret dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l'économie.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de ses rapporteurs visant à préciser que les biens restitués à l'État au terme de la période d'exploitation exclusive d'ADP sont remis libres de toute sûreté autre qu'une sûreté existant à la date d'entrée en vigueur de l'article L. 6323-1 du code des transports , c'est-à-dire au moment de la privatisation d'ADP.

IV. La position de votre commission

1. La nécessité de limiter dans le temps le droit d'exploitation d'ADP et de prévoir un retour de ses biens à l'Etat

a) L'impossibilité de transférer immédiatement à l'État les biens d'ADP et de créer un véritable régime de concession

Ainsi qu'il a été rappelée supra , ADP détient, dans l'état actuel du droit, un droit d'exploitation perpétuel des aéroports de la région Île-de-France et possède en pleine propriété tant le foncier que les infrastructures de ces aéroports .

À Nice et à Lyon, dont la privatisation est intervenue en 2016, c'est l'État qui détenait les biens, foncier comme infrastructures, de ces aéroports, dont la concession était confiée à une société publique.

Pour chacun de ces aéroports, la privatisation a donc consisté à vendre les parts que l'État détenait au capital de la société bénéficiant de cette concession au secteur privé, sans pour autant que le statut de biens publics détenus par l'État du foncier et des infrastructures ne soit modifié .

Pour ADP, la situation est différente, puisque le foncier et les infrastructures des aéroports franciliens appartiennent à une société anonyme certes encore majoritairement publique, mais dont 49,37 % du capital est d'ores-et-déjà détenu par des actionnaires privés .

Mettre fin immédiatement à la mission d'exploitation exclusive des aéroports franciliens confiée à ADP par la loi de 2005 pour créer un régime de concession et organiser une mise en concurrence pour confier cette mission n'était pas une option envisageable.

Une solution aussi brutale aurait conduit en effet à exproprier la société de ses biens avant la privatisation , ce qui aurait contraint l'État à verser aux actionnaires minoritaires une indemnité qui aurait correspondu peu ou prou au montant qu'il aurait perçu en vendant ses parts du capital, rendant l'opération de privatisation complètement inutile .

Les mêmes actionnaires minoritaires auraient également été en droit de demander une offre publique de retrait , ce qui aurait exposé l'État à la potentielle différence entre la valeur de rachat et le produit de cession d'ADP .

b) Le retour à terme à l'État des biens d'ADP constitue une nécessité publique

L'expropriation immédiate des biens d'ADP étant exclue, il importe de concilier deux impératifs.

En premier lieu, il ne serait pas concevable de confier pour l'éternité l'exploitation d'aérodromes aussi stratégiques pour la connectivité de la France que ceux de la région Île-de-France, et en particulier Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, à une société privée .

Pour la même raison, les biens qui permettent l'exploitation de ces aérodromes , qu'il s'agisse du foncier comme des infrastructures , ne sauraient être détenus à perpétuité par des acteurs privés , alors même qu'il s'agit d'actifs dont l'importance est déterminante pour le développement économique et touristique , mais également pour l'aménagement du territoire de la région Île-de-France , voire pour le pays dans son ensemble .

Le Conseil d'État note à cet égard dans son avis sur la loi PACTE que « l'exigence de continuité du service public aéroportuaire implique que l'État puisse disposer , à l'expiration du droit d'exploitation accordé à la société ADP, des biens nécessaires à la poursuite effective de la gestion de ce service public ».

En conséquence, il considère, que « l e retour à l'État des actifs mobiliers et immobiliers appartenant à la société ADP répond à une nécessité publique et que ce motif justifie que cette société soit privée, dans 70 ans, de la propriété de ses biens affectés au service public aéroportuaire ».

Votre rapporteur considère lui aussi qu'il est absolument indispensable de limiter dans le temps le droit exclusif d'exploitation confié par l'État à ADP et de prévoir que ses biens , qu'il s'agisse de ceux qui lui ont été confiés en 2005, qu'elle a acquis depuis ou qu'elle acquerra pendant la suite de l'exploitation de ses aérodromes, reviendront à l'État à l'issue de cette période d'exploitation .

c) La durée de 70 ans du droit exclusif d'exploitation d'ADP, si elle paraît longue, correspond à un point d'équilibre difficile à remettre en cause

Ce principe étant posé, il fallait faire en sorte que la durée d'exploitation des aéroports confiés à ADP soit suffisamment longue pour ne pas détruire tout ou partie de la valeur de la société , qui est cotée en bourse, et ne pas contraindre l'État à verser une indemnité pour expropriation trop importante aux actionnaires minoritaires de la société.

De fait, plus la durée de cette exploitation sera longue , plus la valeur de la société sera importante et moins le montant de l'indemnité sera élevé . C'est pourquoi des durées de 30 ans, 40 ans voire 50 ans apparaissaient trop courtes et destructrices de valeur pour ADP et ses actionnaires , et, dans le même temps, trop couteuses pour les finances publiques .

À l'inverse, une durée de 100 ans aurait paru nettement trop longue .

La solution retenue par le Gouvernement s'est donc portée sur une durée de 70 ans .

Celle-ci apparaissait comme suffisamment longue pour préserver la valeur de la société ADP et maintenir à un niveau raisonnable le coût pour les finances publiques de l'indemnité versée aux actionnaires minoritaires.

Cette durée permet également de tenir compte de l'amortissement des investissements que devra consentir le futur propriétaire d'ADP, le coût du Terminal 4 étant compris dans une fourchette de 7 à 9 milliards d'euros d'ici 2037. Or la durée d'amortissement de certains de ses composants devrait être de 50 ans .

À noter enfin que la durée de 70 ans correspond, en droit général des propriétés publiques, à la durée maximale pendant laquelle une personne peut détenir des droits réels sur une dépendance du domaine public de l'État . Si ces dispositions ne sont pas applicables au cas d'ADP, il est possible d'établir une analogie avec le fait qu'elle continuera à disposer de ses biens pendant 70 ans avant que ceux-ci ne soient transférés à l'État.

Dans le même temps, une durée de 70 ans ne renvoie pas la date de fin d'exploitation et de retour des biens à l'État à un avenir si lointain que cette opération s'apparenterait de facto à une attribution à perpétuité du droit exclusif d'exploitation des aéroports franciliens.

Elle n'est en outre pas sans précédent , puisque la durée de la concession , confiée par l'État à la Compagnie Eiffage, du Viaduc de Millau 515 ( * ) , est de 78 ans, correspondant à 3 ans de construction et 75 ans d'exploitation . La durée des concessions du tunnel de Fréjus et du tunnel du Mont Blanc sont pour leur part de 70 ans et de 91 ans respectivement.

Dans son avis, le Conseil d'État note que la durée du droit d'exploitation par la société ADP des aéroports franciliens, soit 70 ans, « paraît particulièrement longue ».

De fait, celle-ci prendrait fin en 2089 si la privatisation intervient au cours de l'année 2019. À titre de comparaison, une durée d'exploitation de 70 ans qui se serait achevée en 2019 aurait commencé en 1949 . Or, le transport aérien a connu ces dernières décennies un essor considérable qu'il était impossible d'anticiper en 1949.

Le Conseil d'État, s'il estime donc que cette durée de 70 ans est « particulièrement longue », paraît considérer qu'elle présente plusieurs avantages déterminants sans lesquels, à dire vrai, l'opération de privatisation d'ADP perdrait tout son sens.

Selon lui, cette durée permet de « concilier plusieurs contraintes tenant à la stabilité de l'entreprise , de son organisation et de son modèle économique à court, moyen et long termes, à la nécessité de permettre l'amortissement et la rentabilisation des investissements à venir dans des infrastructures nécessaires au développement des plateformes aéroportuaires, à la nécessité de neutraliser l'impact du changement de régime de la société sur sa cotation sur un marché réglementé et aussi à l'équilibre des finances publiques ».

Il considère donc que le mécanisme conçu par le Gouvernement ne soulève pas d'objection de sa part .

Pour sa part, votre rapporteur considère lui aussi que la durée de 70 ans paraît fort longue mais qu'il est difficile de la réduire , compte tenu des différentes contraintes mentionnées supra , sans remettre en question l'intérêt financier de l'opération de privatisation pour l'État .

2. Une indemnité dont la fixation du montant, même si elle est réalisée de façon impartiale et avec les meilleures méthodes disponibles, sera nécessairement entachée d'énormes incertitudes

Si la seconde partie de l'indemnité qui sera versée par l'État à Aéroports de Paris (ADP) dans 70 ans pour dédommager la société pour la fin de son droit exclusif d'exploitation et pour le retour de ses biens à l'État ne soulève pas de difficultés particulières , la première partie de l'indemnité, en revanche, est nettement plus compliquée à établir .

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a du reste souligné que ce mécanisme « sui generis » d'indemnisation de la société ADP présentait « une grande complexité ».

Pour la calculer, le Gouvernement a décidé de recourir à la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie disponible ( discounted cash flow -DCF), qui est une méthode d'évaluation fondée sur le principe selon lequel la valeur de l'actif économique est égale au montant des flux de trésorerie disponible futurs générés par l'entreprise , actualisés en fonction de son risque .

Le Conseil d'État valide l'utilisation de cette méthode dont il note qu'il s'agit d'une « méthode classique d'évaluation des entreprises » et qu' « il n'apparaît pas en l'espèce qu'on puisse lui opposer d'autres méthodes plus pertinentes ». Il s'agit en effet de la méthode la plus utilisée pour la valorisation des sociétés exploitant des aéroports partout dans le monde.

Pour déterminer les flux de trésorerie disponible, il est nécessaire de connaître le plan d'affaires de l'entreprise , dont la durée dépendra de la « visibilité », c'est-à-dire de l'horizon raisonnable de prévision.

Or, votre rapporteur partage le point du vue du Conseil d'État qui souligne à raison que « s'il est possible de construire , compte tenu de la prévision des trafics aériens fortement liée aux prévisions de croissance du PIB, de l'importance des plateformes aéroportuaires en région Île-de-France et du caractère relativement mécanique de l'évolution des infrastructures en fonction des trajectoires de trafics et de la régulation, un plan d'affaires sur une durée de 20-30 ans , l'exercice est beaucoup plus complexe lorsqu'il est appliqué à une période s'ouvrant à un horizon sensiblement plus lointain et d'une durée illimitée ».

De fait, il paraît en pratique impossible d'anticiper sérieusement ce que seront la croissance du PIB, les évolutions du trafic aérien ou bien encore les changements technologiques qui se produiront au-delà d'une durée de 20 à 30 ans.

Votre rapporteur se montre pour cette raison dubitatif quant à l'argument utilisé par le Conseil d'État, qui considère que « même si l'horizon de 70 ans peut paraître très lointain , il n'y a pas de raison de considérer comme complètement hors de portée , compte tenu des prévisions pouvant être raisonnablement faites, l'exercice consistant à élaborer les hypothèses servant de base à l'application de cette méthode [la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie disponible] ».

En réalité, le calcul des flux de trésorerie dont bénéficiera ADP entre 2089 et l'infini paraît quasiment impossible à établir , ou sera en tout état de cause entaché d'énormes incertitudes , la méthode des discounted cash flow (DCF) étant habituellement utilisée sur des durées beaucoup plus courtes , comme l'ont rappelé lors de leur audition les représentants de la Commission des participations et des transferts.

À tout le moins, la procédure prévue par l'article 44 pour l'établissement de ce montant, à savoir un décret pris sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts , elle-même destinataire d'un avis d'une commission ad hoc , paraît présenter de fortes garanties d'indépendance et d'impartialité , qui devraient permettre que cette évaluation soit réalisée de façon objective en application des meilleurs méthodes disponibles .

Si l'ensemble des acteurs jouent leur rôle conformément à la loi et veillent à effectuer toute la transparence nécessaire sur leurs méthodes de calcul , le risque d'un contentieux entre l'État et les actionnaires minoritaires d'ADP devrait pouvoir être évité.

Selon les évaluations évoquées par la presse économique, le montant de cette première partie de l'indemnité pourrait représenter entre 500 millions d'euros et 1 milliard d'euros , dont la moitié reviendrait à l'État. Les actionnaires minoritaires d'ADP recevraient ainsi entre 250 millions d'euros et 500 millions d'euros au moment de la privatisation de la société.

En conclusion, votre rapporteur n'a pas souhaité modifier les équilibres du présent article 44 et a uniquement proposé à la commission spéciale, qui les a adoptés, un amendement COM-461 de précision juridique et un amendement COM-462 rédactionnel .

Votre commission a adopté l'article 44 ainsi modifié .

Article 45
(art. L. 6323-2 et L. 6323-4 du code des transports)
Cahier des charges d'Aéroports de Paris

I. Le droit en vigueur

L'article L. 6323-4 du code des transports prévoit que la mission d'exploitation exclusive des aéroports franciliens confiée à la société anonyme Aéroports de Paris (ADP) est encadrée par un cahier des charges fixé par l'État et approuvé par décret en Conseil d'État .

Le même article prévoit que ce cahier des charges fixe les conditions dans lesquelles ADP assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes franciliens et exécute , sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, les missions de police administrative qui lui incombent.

Le cahier des charges d'ADP définit également les modalités :

- selon lesquelles ADP assure la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes et entre les aérogares d'un même aérodrome ;

- du concours d'ADP à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'État, et plus particulièrement par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ;

- du contrôle par l'État du respect des obligations incombant à ADP au titre de ses missions de service public , notamment par l'accès des agents de l'État aux données comptables et financières de la société ;

- de l'accès des personnels de l'État et de ses établissements publics ainsi que des personnels agissant pour leur compte à l'ensemble du domaine aéroportuaire de la société pour l'exercice de leurs missions ;

- du contrôle par l'État d es contrats par lesquels ADP délègue à des tiers l'exécution de certaines de ses missions de service public .

Toujours selon les dispositions de l'article L. 6323-4 du code des transports, le cahier des charges d'ADP détermine les sanctions administratives que l'État est susceptible d'infliger à la société en cas de manquement aux obligations qu'il édicte.

L'État peut ainsi prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement , à l'ampleur du dommage et aux avantages tirés par la société du manquement. Il ne peut excéder 0,1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'ADP.

Il est susceptible d'être porté à 0,2 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'ADP en cas de nouvelle violation de la même obligation.

Le cahier des charges actuel d'ADP, dont les clauses appliquent les dispositions de l'article L. 6323-4 du code des transports et détaillent les obligations de service public de la société, a été approuvé par le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005 .

II. Le dispositif proposé

1. La mention dans la loi des autres aérodromes franciliens gérés par Aéroports de Paris

Le I de l'article 45 procède à une modification de l'article L. 6323-2 qui définit la mission d'Aéroport de Paris, à savoir aménager, exploiter et développer « les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, ainsi que les aérodromes situés dans la région Île-de-France dont la liste est fixée par décrets », en précisant directement dans la loi la liste de ces autres aérodromes franciliens, à savoir Chavenay-Villepreux , Chelles-Le Pin , Coulommiers-Voisins , Etampes-Mondésir , Lognes-Emerainville , Meaux-Esbly , Paris-Issy-les-Moulineaux , Persan-Beaumont , Pontoise-Cormeilles-en-Vexin , Saint-Cyr-l'Ecole et Toussus-le-Noble .

Les aérodromes exploités par Aéroports de Paris en Île-de-France

Source : Aéroports de Paris

2. Un cahier des charges considérablement étoffé pour renforcer les pouvoirs de contrôle de l'État sur la société privée ADP

Le II de l'article 45 du projet de loi vient modifier l'article L. 6323-4 du code des transports pour indiquer que celui-ci précise les modalités d'application des différents articles du code des transports relatifs à ADP insérés ou modifiés par la loi PACTE 516 ( * ) et pour insérer une très longue liste de dispositions que devra désormais prévoir le cahier des charges de la société Aéroports de Paris (ADP) privatisée , les dispositions qui existaient déjà étant intégralement conservées.

Il s'agit là de prévoir un cadre législatif et réglementaire conférant suffisamment de pouvoirs de contrôle à l'État sur la société privée Aéroports de Paris , de sorte qu'il soit en mesure de garantir la continuité et la bonne exécution du service public aéroportuaire en toutes circonstances.

a) Des dispositions nouvelles censées permettre un contrôle étroit par l'État de la société ADP privatisée

Quatre dispositifs insérés à l'article L. 6323-4 du code des transports paraissent particulièrement déterminants pour assurer un contrôle réel et efficace d'ADP par l'État , ledit contrôle étant opéré en pratique par la direction du transport aérien (DTA) de la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Le 6° porte sur le pouvoir de décision et d'orientation dont disposera l'État pour, le cas échéant, contraindre ADP , en cas de désaccord avec ses dirigeants, à s'acquitter de ses obligations de service public liées à l'exploitation des aéroports franciliens

Le nouveau cahier des charges devra en effet prévoir les modalités selon lesquelles l'État , en l'absence d'accord avec ADP, pourra, dans l'intérêt du service public et au regard des meilleurs standards internationaux , fixer les conditions dans lesquelles le service public aéroportuaire doit être assuré , les niveaux de performance à atteindre , les sanctions appliquées lorsque ces niveaux ne sont pas atteints et les orientations sur le développement des aérodromes .

L'État pourra également, en vertu du même 6°, imposer à ADP la réalisation d'investissements nécessaires au respect des obligations de service public de la société , ce qui paraît indispensable compte tenu notamment du projet de construction du nouveau Terminal 4 censé permettre l'accueil de 40 millions de passagers supplémentaires à Paris-Charles de Gaulle à l'horizon 2037.

Le 7° prévoit que l'État restera présent au conseil d'administration d'ADP , et ce, même s'il décide de vendre toutes ses participations au capital de la société.

Le futur cahier des charges devra en effet prévoir les conditions dans lesquelles un commissaire du Gouvernement , ou son suppléant, nommé par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et représentant l'État au conseil d'administration d'Aéroports de Paris, sera associé , sans voix délibérative , à l'ensemble des travaux de ce conseil .

Ce commissaire du Gouvernement se verra remettre par la société ADP toute information utile à sa mission , ce qui devrait lui donner accès à une grande partie des données opérationnelles , financières et comptables de la société. Cette mesure, destinée à permettre à l'État de surveiller de près l'activité du groupe ADP même s'il sortait totalement de son capital , a été appliquée lors de la privatisation des aéroports de Lyon et de Nice et a été recommandée par la Cour des comptes dans son rapport sur le sujet 517 ( * ) .

Troisième disposition majeure, prévue par le nouveau 8° de l'article L. 6323-4 du code des transports : la nomination des principaux responsables de la société ADP devra être agréée par l'État .

Le cahier des charges permettra en effet à l'État de bénéficier d'un pouvoir d'agrément sur les dirigeants d'ADP chargés des principales fonctions opérationnelles relatives à l'exploitation aéroportuaire , à la sûreté , à la sécurité et à la maîtrise d'ouvrage aéroportuaire , soit les différents domaines qui relèvent des missions de service public de la société. Le fait que l'État agrée les dirigeants d'une société privée constituerait une innovation opportune témoignant du caractère particulièrement sensible de la société ADP.

Cet agrément par l'État des principaux dirigeants d'ADP par l'État devra s'effectuer sur la base de critères objectifs relatifs à leur probité et à leur compétence pour éviter tout risque d'arbitraire.

Enfin, dernière disposition majeure introduite dans le nouveau cahier des charges, le nouveau 10° de l'article L. 6323-4 du code des transports dispose que l'accord préalable de l'État sera nécessaire à toute opération conduisant à un changement de contrôle direct ou indirect d'ADP au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

Le contrôle d'une société au sens de l'article L.233-3
du code de commerce

L'article L. 233-3 du code de commerce prévoit que toute personne physique ou morale, est considérée comme en contrôlant une autre :

- lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;

- lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;

- lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;

- lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes de d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

Une personne physique ou morale est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

Source : article 233-3 du code de commerce

Il s'agit là de s'assurer que le groupe ADP , qui gère des infrastructures critiques pour notre pays, ne sera pas contrôlé par des acteurs privés susceptibles de mal le gérer , ou, pire, associés à des puissances étrangères potentiellement porteuses d'intérêts incompatibles avec les intérêts français .

Rappelons par ailleurs que le II du nouvel article L. 6323-2-1 du code des transports introduit par l'article 44 prévoit que l'État pourrait mettre fin de façon anticipée à la mission d'ADP si une modification du contrôle actionnarial de la société se produisait sans qu'il l'ait agréée.

b) L'introduction dans le cahier des charges de nouvelles dispositions relatives aux biens d'ADP, à la bonne information de l'État ou bien encore au règlement des différends susceptibles d'apparaître entre l'État et la société

L'article L. 6323-4 du code des transports prévoit de nombreuses autres dispositions pour le nouveau cahier des charges de la société ADP, dont l'importance est variable.

• De nombreuses dispositions visent à renforcer le contrôle de l'État sur les biens d'ADP et sur les travaux réalisés pour son compte

Le cahier des charges d'ADP devra fixer plusieurs dispositions relatives aux biens d'ADP et aux travaux engagés par la société .

Le 11° impose à ADP le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et leurs décrets d'application pour la conclusion des marchés publics et des concessions portant sur des travaux avec une entreprise liée ou une coentreprise .

Il s'agit là d'éviter que les travaux qui auront lieu pendant les 70 ans à venir sur les plateformes aéroportuaires franciliennes soient attribués par le futur acheteur d'ADP à des entreprises partenaires , dans l'hypothèse où ADP serait acquise par un groupe qui comprendrait dans ses activités une branche consacrée aux travaux publics .

Ce risque de concentration verticale existe bel et bien puisque le groupe Vinci, souvent cité comme un acquéreur potentiel de la société ADP, est l'un des principaux acteurs du secteur des travaux publics en France.

Le 13° prévoit que l'État encadre et autorise, à peine de nullité, les décisions ou contrats conférant des droits réels aux occupants des biens d'ADP , pour tenir compte de la fin de la mission d'ADP, 70 ans après la privatisation.

Le 14° prévoit que l'État autorise les opérations qui, indépendamment d'un lien direct avec le service public aéroportuaire, dépassent un montant ou une superficie substantielle ou sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exécution du service public aéroportuaire ou des missions dont l'État est chargé . Il s'agit par exemple d'éviter la construction d'un bâtiment qui pourrait, 20 ans plus tard, nuire au développement de l'aéroport.

Le 15° dispose que le cahier des charges d'ADP prévoit les modalités selon lesquelles la société met à disposition de certains services et établissements publics de l'État les terrains , locaux , aménagements et places de stationnement et assure les prestations de service connexes en retenant, sur le montant des loyers et des prix, les taux d'abattement par type d'immeubles et de prestation pratiqués à la date de la privatisation.

Le 16° prévoit que l'État encadre et autorise les modifications substantielles , qu'elles soient permanentes ou provisoires, que la société apporte aux capacités des installations aéroportuaires , qui sont essentielles pour accueillir le trafic aérien (pistes, aérogares, etc.).

Le 17° prévoit que l'autorisation de l'État est nécessaire pour qu'ADP puisse engager des travaux lorsque ceux-ci dérogent à des normes ou objectifs mentionnés dans les dispositions du cahier des charges, lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter l'exécution du service public aéroportuaire ou bien encore lorsqu'ils peuvent perturber l'exercice des missions des services de l'État (navigation aérienne, douanes, polices aux frontières, gendarmerie du transport aérien, etc.).

• Des dispositions confèrent à l'État un droit de regard sur les décisions et les contrats d'ADP

Deux dispositifs permettent à l'État de s'opposer à la prise de certaines décisions ou à la conclusion de certains contrats par la société ADP .

Le 12° prévoit ainsi que le cahier des charges encadre la durée des actes d'Aéroports de Paris pour tenir compte de la fin de sa mission dans 70 ans.

Surtout, le 19° dispose que le ministre de l'aviation civile peut exiger qu'il soit mis fin à toute décision ou contrat d'Aéroports de Paris pris en méconnaissance des dispositions du cahier des charges , à ses frais exclusifs.

• Les dispositions relatives à l'information de l'État sur la gestion et la santé financière d'ADP

Plusieurs dispositions nouvelles du cahier des charges contraindront la société ADP à fournir des informations à l'État pour que celui-ci soit averti le plus en amont possible des difficultés éventuelles , notamment financières , qu'ADP pourrait rencontrer à l'avenir.

Dans cette perspective, le 20° prévoit qu'ADP informe annuellement l'État de tout élément de sa gestion financière susceptible d'obérer sa capacité d'assurer ses obligations de service public .

Il s'agit là de faire en sorte que l'État ne soit pas mis au pied du mur par une société dont la défaillance soudaine viendrait mettre en péril la continuité du service public aéroportuaire .

Pour prévenir ce risque, ADP devra disposer en permanence d'une notation de long terme de sa dette chirographaire et non subordonnée établie par au moins une agence de notation de crédits de réputation mondiale 518 ( * ) . Cette notation devra être supérieure à un niveau précisé dans le cahier des charges .

Le 21° prévoit également qu'ADP doit informer l'État en cas de dépôt d'une requête visant à l'ouverture d'une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation 519 ( * ) et le tient informé du déroulement de la procédure.

• Les dispositions relatives aux différends susceptibles de naître entre l'État et ADP

Deux clauses du cahier des charges portent sur l e règlement des différends susceptibles de naître entre l'État et ADP au cours de la période de 70 ans d'exploitation des aéroports franciliens.

Le 9° prévoit tout d'abord qu'ADP pourra, par exception, rechercher la responsabilité sans faute de l'État du fait des décisions normatives ou d'organisation des services dont il a la charge lorsqu'elles affectent spécifiquement , significativement et durablement l'activité de la société ADP en Île-de-France ou du fait des décisions de l'État lorsqu'elles bouleversent , dans la durée , les conditions économiques dans lesquelles l'exploitant opère ses activités de service public en Île-de-France .

Il s'agit là de garantir aux futurs propriétaires d'ADP que les décisions unilatérales que l'État sera susceptible de prendre au cours des 70 ans d'exploitation pourront faire l'objet d'un dédommagement , dans le cas où elles affecteraient très fortement l'activité de la société.

Mais cette disposition permet également d'encadrer le régime de la responsabilité sans faute de l'État dans ses relations avec ADP , de sorte que cette responsabilité ne soit pas uniquement laissée à l'appréciation du juge administratif et qu'elle ne puisse aller au-delà de ce que ladite disposition prévoit.

En second lieu, le 18° prévoit que le cahier des charges de la société précise les modalités de règlement amiable des différends entre l'État et ADP avant saisine des juridictions ou autorités compétentes.

c) Le durcissement des sanctions susceptibles d'être appliquées à la société ADP en cas de manquement à ses obligations de service public

Le 3° du II de l'article 45 réécrit le dernier alinéa de l'article L. 6323-4 du code des transports relatif aux sanctions administratives que l'État est susceptible d'infliger à la société ADP en cas de manquement aux obligations qu'il édicte dans la loi ou dans le cahier des charges de la société.

Il prévoit ainsi, comme dans le droit actuel, que l'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement , à l'ampleur du dommage et aux avantages tirés par la société dudit manquement mais précise que cette sanction dépend également « de leur caractère éventuellement répété ».

Pour chaque manquement constaté, le montant de cette sanction pécuniaire sera susceptible de représenter jusqu'à 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos d'Aéroports de Paris (ADP).

Le montant des pénalités encourues sur une année civile sera toutefois plafonné puisqu'il ne pourra excéder 10 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos d'ADP.

Il s'agit là d'un renforcement très significatif du montant des sanctions pécuniaires susceptibles d'être infligées à ADP puisque celles-ci ne pouvaient représenter jusqu'ici plus de 0,1 % du chiffre d'affaires d'ADP , ce taux étant porté à 0,2 % en cas de violation de la même obligation.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. Les modifications apportées par la commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté trois nouveaux alinéas 22°, 23° et 24° qui viennent encore étoffer la liste des dispositions que devra obligatoirement mentionner le futur cahier des charges d'ADP.

a) La prise en compte de l'impact environnemental des activités d'ADP

Le 22° , issu d'un amendement présenté par les rapporteurs Marie Lebec et Roland Lescure, précise que le cahier des charges devra prévoir les modalités selon lesquelles Aéroports de Paris exerce ses missions en tenant compte des effets environnementaux de ses activités .

La question de l'impact environnemental des activités de la société, qu'il s'agisse en particulier de la pollution de l'air ou des nuisances sonores provoquées par le trafic aérien , n'était en effet jusque ici pas prise en compte par les dispositions législatives relatives à ADP , alors qu'elle constitue un sujet de préoccupation important pour les populations riveraines des aéroports et pour les collectivités territoriales sur les territoires desquelles ils sont installés.

b) La mention dans le cahier des charges des activités d'aviation générale sur les aérodromes gérés par ADP

Le 23° introduit par la commission spéciale également à l'initiative de ses rapporteurs dispose que le nouveau cahier des charges d'ADP devra prévoir les modalités selon lesquelles ADP assure les conditions d'exercice d'une activité d'aviation générale .

L'aviation générale regroupe toutes les activités aériennes civiles autres que le transport commercial, qu'il s'agisse de l'aviation sportive, de l'aviation de loisir (aéroclubs) ou bien encore des activités de secours, d'évacuations sanitaires, de lutte contre les incendies, etc.

Les activités d'aviation générale concernent en particulier les dix aérodromes qu'exploite ADP en Île-de-France en plus de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget.

c) La création d'un comité des parties prenantes d'ADP distinct de ses organes de direction

Un alinéa 24° , lui aussi issu d'un amendement des rapporteurs, dispose enfin que le cahier des charges devra prévoir la création d'un comité des parties prenantes d'Aéroports de Paris . Ce comité sera distinct des organes de direction d'ADP. Il comprendra des représentants de la société , de collectivités territoriales , d'associations de riverains et d'associations agréées pour la protection de l'environnement .

Le comité aura pour objet de favoriser l'information et les échanges entre ces différents acteurs.

d) L'évolution du cahier des charges d'ADP au cours du temps

À compter de sa privatisation, la société ADP disposera du droit exclusif d'exploitation des plateformes parisiennes pour 70 ans , dans le cadre des dispositions législatives qui lui seront applicables.

Elle sera également tenue d'appliquer les dispositions réglementaires de son cahier des charges , qui sera déterminé par le Gouvernement par décret en Conseil d'État, en application des dispositions législatives de l'article L. 6323-4 du code des transports.

La période de 70 ans est particulièrement longue et le transport aérien en Île-de-France devrait connaître de profondes mutations dans les décennies à venir .

C'est pourquoi la commission spéciale de l'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de ses rapporteurs, un paragraphe prévoyant que l'État doit veiller au maintien au cours du temps de la bonne adéquation du cahier des charges d'ADP avec les objectifs du service public aéroportuaire ainsi qu'avec la situation économique de l'entreprise et les évolutions du secteur .

Ce paragraphe prévoit également que les dispositions du cahier des charges d'ADP font l'objet d'évaluations , dont au moins une évaluation réalisée par l'État , qui y associe la société Aéroports de Paris, 35 ans après la privatisation de la société , soit à mi-parcours de la période d'exploitation de 70 ans.

e) Les autres modifications apportées par la commission spéciale

La commission spéciale a adopté deux autres amendements significatifs de ses rapporteurs, les autres étant des amendements rédactionnels ou de précision juridique.

Le premier amendement exclut la participation du commissaire du Gouvernement au conseil d'administration d'Aéroports de Paris (ADP) pour les réunions portant sur la négociation du contrat pluriannuel de régulation économique-CRE (voir infra le commentaire de l'article 48), sa présence risquant de le placer en situation de conflit d'intérêt .

Le commissaire du Gouvernement siégeant au sein du conseil d'administration d'ADP sera en effet un représentant de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) , l'administration précisément en charge de négocier le CRE avec ADP pour le compte de l'État.

Le second amendement précise que, pour l'application des sanctions administratives prévues au dernier alinéa de l'article L. 6323-4 du code des transports, le chiffre d'affaires du dernier exercice clos , qui sert de base au calcul de la sanction, s'apprécie à la date à laquelle la sanction est prononcée et non à la date à laquelle le manquement a été réalisé.

2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté à l'article 45 des amendements d'ampleur relativement limitée .

Un premier amendement présenté par les rapporteurs visait à préciser la clause du cahier des charges qui prévoit l'encadrement de la durée des actes d'ADP pour tenir compte de la fin de sa mission dans 70 ans.

Les dispositions introduites par les députés précisent que l'État autorise préalablement tout acte de la société ADP autre qu'un contrat de travail lorsque sa durée excède de plus de 18 mois la date de fin normale de l'exploitation , qui, pour mémoire, pourrait intervenir en 2089. Le cahier des charges doit également indiquer les modalités selon lesquelles les contrats relatifs à l'exploitation des aérodromes confiés à ADP encore en vigueur à la fin de l'exploitation sont transférés à l'État à cette date .

Un sous-amendement du Gouvernement est venu prévoir que cette disposition s'applique non seulement en cas de fin normale de l'exploitation mais aussi en cas de fin anticipée de l'exploitation .

Un amendement, présenté par Marie Guévenoux (La République en Marche) et plusieurs de ses collègues, sous-amendé par les rapporteurs, précise la rédaction du premier alinéa du 24° introduit par la commission spéciale pour prévoir notamment que les missions du nouveau comité des parties prenantes d'ADP n'empiètent pas sur les compétences des commissions consultatives de l'environnement .

Deux autres amendements des rapporteurs précisent la rédaction du second alinéa du 24° pour prévoir notamment que l'évaluation du cahier des charges réalisée 35 ans après sa publication est rendue publique .

IV. La position de votre commission

1. Les dispositions nouvelles du cahier des charges doteront l'État d'un véritable pouvoir de contrôle sur la société

La présence majoritaire de l'État au conseil d'administration d'Aéroports de Paris lui donnait jusqu'ici un contrôle complet sur la stratégie de la société , sur la nomination de ses principaux dirigeants et sur ses biens , foncier comme infrastructures .

La privatisation d'ADP, si elle ne faisait pas l'objet d'un renforcement très substantiel des pouvoirs de contrôle de l'État , conduirait celui-ci à perdre toute maîtrise sur le devenir d'une société chargée d'une mission de service public de la plus haute importance pour la vie de la Nation, à savoir assurer le bon fonctionnement des principaux aéroports français , première porte d'entrée sur notre territoire.

Revoir en profondeur les dispositions législatives relatives au cahier des charges de la société ADP ainsi que ledit cahier des charges lui-même, approuvé par décret en Conseil d'État, est donc indispensable pour doter l'État de leviers puissants lui garantissant qu'il sera toujours en mesure d'imposer à ADP le respect des obligations de service public qui lui incombent pendant les 70 ans au cours desquels la société continuera à bénéficier d'un droit exclusif d'exploitation.

Plusieurs mesures fortes sont prévues par le présent article 45 du projet de loi PACTE.

Figurent parmi elles la possibilité pour l'État de fixer , en cas de désaccord avec ADP, les conditions dans lesquelles le service public aéroportuaire doit être assuré , les niveaux de performance à atteindre , les sanctions appliquées lorsque ces niveaux ne sont pas atteints et les orientations sur le développement des aérodromes .

La pouvoir conféré à l'État d'imposer à ADP la réalisation d'investissements nécessaires au respect des obligations de service public de la société est également essentiel dans le cadre de la réalisation prochaine du Terminal 4 à Paris-Charles de Gaulle.

L'État conservera également un puissant pouvoir de veto sur le devenir de la société dans la mesure où toute modification dans la détention de son capital conduisant à un changement de contrôle direct ou indirect d'ADP nécessitera son accord préalable .

Il pourra en outre s'opposer à la nomination de dirigeants qui ne lui paraîtraient pas disposer de la probité ou de la compétence nécessaires pour contribuer aux missions de service public d'ADP.

Dans son avis consacré au projet de loi PACTE, le Conseil d'État considère que « le renforcement de l'encadrement de la mission de service public assurée par ADP, dans un contexte de privatisation future, est justifié , suffisant et ne présente par un caractère excessif ».

Si votre rapporteur partage l'avis du Conseil d'État sur l e caractère équilibré et proportionné des dispositions prévues pour le futur cahier des charges d'ADP par le présent article 45, il lui paraît toutefois nécessaire de le compléter sur deux points :

- la question de la révocation éventuelle des dirigeants d'ADP ;

- l'évaluation des dispositions du cahier des charges à l'avenir .

2. Prévoir un pouvoir de révocation des dirigeants d'ADP en cas de manquement d'une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires d'Aéroports de Paris

Si, comme il a été indiqué, le cahier des charges prévoit les modalités selon lesquelles l'État donne son agrément lors de la nomination des dirigeants d'Aéroports de Paris chargés des principales fonctions opérationnelles relatives à l'exploitation aéroportuaire, à la sûreté, à la sécurité et à la maîtrise d'ouvrage aéroportuaire, l'État ne dispose en revanche d'aucun levier pour démettre l'un de ces dirigeants une fois en poste , même si celui-ci devait commettre une faute grave et de nature à perturber le bon fonctionnement du service public aéroportuaire .

C'est pourquoi votre commission spéciale a adopté un amendement COM-463 qui complète le 8° de l'article L. 6323-4 du code des transports pour prévoir que le cahier des charges d'ADP précise les modalités selon lesquelles les dirigeants susmentionnés sont révoqués à la demande de l'État en cas de manquement d'une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires d'Aéroports de Paris .

La mention d' « un manquement d'une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires d'Aéroports de Paris » vise à limiter ce pouvoir de révocation à des cas exceptionnels susceptibles de nuire à la bonne exécution par la société de sa mission.

3. Procéder à une évaluation des dispositions du cahier des charges d'Aéroports de Paris tous les dix ans

L'Assemblée nationale a introduit un 24° dans la nouvelle rédaction de l'article L. 6323-4 du code des transports qui prévoit que les dispositions du cahier des charges d'ADP et leur mise en oeuvre font l'objet d'évaluations , dont au moins une évaluation réalisée par l'État , qui y associe la société Aéroports de Paris , 35 ans après la privatisation de la société , soit à mi-parcours de la période d'exploitation de 70 ans . Elle a également prévu que cette évaluation est rendue publique .

Si le principe de ces évaluations est une excellente chose, encore convient-t-il de préciser leur périodicité , la seule qui est rendue obligatoire à ce stade étant celle qui sera conduite 35 ans après la privatisation.

Or votre rapporteur considère que, compte tenu de la croissance rapide du trafic aérien, il conviendra de réexaminer tous les 10 ans les dispositions du cahier des charges et leur mise en oeuvre , afin de vérifier que celui-ci est toujours adapté. Cette durée de dix ans correspond à la durée de deux contrats pluriannuels de régulation économiques (CRE) prévus à l'article L. 6325-2 du code des transports. La commission spéciale a adopté un amendement COM-465 en ce sens.

La commission spéciale a également adopté un amendement COM-466 de précision visant à indiquer que l'État doit veiller à la cohérence du cahier des charges avec les évolutions « du secteur du transport aérien et avec les effets économiques, sociaux et environnementaux des activités d'Aéroports de Paris ».

Elle a en revanche supprimé la référence à « la situation économique de l'entreprise », qui n'a pas à entrer en ligne de compte pour la détermination de ses obligations de service public .

Enfin, la commission spéciale a adopté, toujours à l'initiative de votre rapporteur :

- un amendement COM-464 visant à empêcher que ne soit rendue obligatoire , comme le prévoyait le texte transmis par l'Assemblée nationale, l'autorisation par l'État tous les contrats conclus par ADP pendant 70 ans , ce qui constituerait un frein excessif à l'activité d'ADP et serait disproportionné au regard de l'objectif recherché ;

- un amendement COM-481 de correction de références ;

- un amendement COM-482 de précision juridique.

Elle a également adopté un amendement COM-53 présenté par notre collègue Arnaud Bazin visant à rappeler qu'Aéroports de Paris doit veiller à la pérennité des aéroclubs dans le cadre de ses activités d'aviation générale .

Votre commission a adopté l'article 45 ainsi modifié .

Article 46
(art. L. 6323-6 du code des transports)
Nouvelles dispositions de maîtrise des emprises foncières

I. Le droit existant

L'article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports a procédé, à la date de la transformation de l'établissement public Aéroports de Paris (ADP) en société anonyme, au déclassement de ceux de ses biens qui appartenaient au domaine public ainsi qu'au déclassement de ceux qui provenaient du domaine public de l'État qui lui avaient été remis en dotation ou qu'ADP était autorisé à occuper , à l'exception des biens nécessaires à l'exercice par l'État ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire (police aux frontières, navigation aérienne, douanes, etc.).

Ces biens ont été attribués , à cette même date, à la société Aéroports de Paris en pleine propriété . C'est donc elle qui détient, entre autres, les terrains et les infrastructures des trois grands aéroports de la région Île-de-France que sont Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget.

Le régime de propriété exclusive prévu par la loi de 2005 présente toutefois un certain nombre de spécificités exorbitantes du droit commun de la propriété applicable aux sociétés anonymes, compte tenu du caractère public de la SA ADP et des missions de service public qui lui sont confiées .

En premier lieu, les ouvrages appartenant à la société ADP et affectés au service public sont des ouvrages publics 520 ( * ) , aux termes de l'article L. 6323-5 du code des transports, et ce même s'ils n'appartiennent plus au domaine public, puisqu'ils ont été déclassés. Ils sont donc régis par les règles qui s'appliquent aux ouvrages publics .

En outre, les ouvrages ou terrains appartenant à Aéroports de Paris, situés dans le domaine aéroportuaire et nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci bénéficient d'un régime de protection spécifique et renforcé prévu par l'article L. 6323-6 du même code.

Celui-ci dispose en effet que l'État s'oppose à la cession , à l'apport , sous quelque forme que ce soit et à la création d'une sûreté sur ces ouvrages ou terrains ou qu'il subordonne leur cession, la réalisation de l'apport ou la création de la sûreté à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement de ses missions . Les catégories de biens concernées sont listées par le cahier des charges d'Aéroports de Paris.

Dans l'état actuel du droit, l'État dispose donc d'un véritable droit de veto sur la cession , l'apport ou la création de sûreté sur les ouvrages et terrains de la société anonyme Aéroports de Paris utilisés dans le cadre de ses missions de service public , puisque, comme le précise l'article L. 6323-6 « est nul de plein droit tout acte de cession , apport ou création de sûreté réalisé sans que l'État ait été mis à même de s'y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l'opération ».

Par ailleurs, ces biens ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie et le régime des baux commerciaux ne leur est pas applicable .

Enfin, l'article 3 de la loi de 2005 dispose que la société ADP a l'obligation de verser à l'État au moins 70 % de la plus-value 521 ( * ) réalisée en cas de fermeture à la circulation aérienne de tout ou partie d'un aérodrome qu'elle exploite . Une convention, conclue pour une durée d'au moins 70 ans, détermine les modalités de calcul et de versement de cette somme.

II. Le dispositif proposé

L'article 46 procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 6323-6 relatif au contrôle qu'exerce l'État sur les cessions , les apports et les créations de sûreté sur les biens de la société Aéroports de Paris nécessaires à la bonne exécution de ses missions de service public aéroportuaire .

1. L'extension du droit de regard et du veto de l'Etat sur les cessions, apports et créations de sûreté sur les biens de la société ADP

L'article 46 impose tout d'abord à la société Aéroports de Paris l'obligation de soumettre à l'État tout projet d'opération conduisant à la cession , à l'apport , sous quelque forme que ce soit, ou à la création d'une sûreté relativement à l'un des biens et titres de participation dont la propriété sera transférée à l'État au terme de la période d'exploitation exclusive de 70 ans des aérodromes franciliens conférée à ADP par l'article 44 du présent projet de loi PACTE.

Le périmètre concerné, qui inclut l'ensemble des propriétés foncières d'ADP en Île-de-France , est donc nettement plus large que celui sur lequel l'État disposait d'un droit de regard jusqu'ici, lequel ne concernait que les ouvrages ou terrains appartenant à Aéroports de Paris « situés dans le domaine aéroportuaire et nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci ».

L'État autorise cette opération de cession, d'apport ou de création de sûreté dès lors qu'elle n'est pas de nature à porter atteinte à la bonne exécution du service public aéroportuaire ou à ses développements possibles à court ou à moyen termes. Elle peut également être conditionnée au respect de conditions que l'État précise.

Les créations de sûreté sur un bien ne sont susceptibles d'être autorisées qu'à la condition que ces dernières soient consenties au titre du financement des missions d'Aéroports de Paris portant sur ses aérodromes en Île-de-France . Elles ne sauraient pas exemple être utilisées pour financer l'acquisition de futures opérations de croissance externe de la société ADP privatisée.

Comme le prévoit déjà l'article L. 6323-6 dans sa version actuellement en vigueur, l'article 46 précise que les ouvrages ou terrains appartenant à Aéroports de Paris, nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci, ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie .

Le régime des baux commerciaux ne leur est pas non plus applicable .

Le droit de veto de l'État sur les opérations relatives aux biens de la société Aéroports de Paris est, à l'instar de son droit d'autorisation, également étendu à l'ensemble des propriétés foncières d'ADP en Île-de-France , puisqu'il est prévu qu'est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté non autorisé par l'État ou réalisé en méconnaissance de son opposition ou des conditions fixées à la réalisation de l'opération .

2. Les relations financières entre l'Etat et ADP consécutives à la cession, à l'apport ou à la réalisation d'une sûreté sur les biens de la société ADP affectés au service public aéroportuaire

La nouvelle rédaction de l'article L. 6323-6 du code des transports prévue par l'article 46 instaure un mécanisme de partage entre l'État et Aéroports de Paris du produit financier de l'aliénation des biens immobiliers et mobiliers de la société dont l'État l'autorise à se séparer.

Pour mémoire, il s'agit là de biens que l'État, en l'absence d'aliénation, aurait récupérés en pleine propriété au terme de la période d'exploitation exclusive de 70 ans.

Deux cas de figures sont envisagés.

Le premier concerne les biens qui ont été apportés à Aéroports de Paris par l'État en application de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports .

Lorsque la société est autorisée à céder ou apporter l'un de ces biens, ou qu'elle en perd la propriété du fait de la réalisation d'une sûreté, elle a l'obligation de verser à l'État 70 % de la plus-value correspondant à la différence nette d'impôts existant entre, d'une part, la valeur vénale des biens à leur date de transfert de propriété et, d'autre part, la valeur nette comptable figurant dans les comptes sociaux de la société à la date du transfert de propriété de l'actif.

Le second cas concerne les biens qui ont été acquis ou réalisés par la société après la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports et dont la durée de vie excédera la période d'exploitation exclusive des aérodromes franciliens de 70 ans prévue par l'article 44.

Dans ce cas, l'indemnité que verse la société ADP à l'État équivaut à une part des 70 % de la plus-value correspondant à la différence nette d'impôts existant entre, d'une part, la valeur vénale des biens à leur date de transfert de propriété et, d'autre part, la valeur nette comptable figurant dans les comptes sociaux de la société à la date du transfert de propriété de l'actif.

Cette part de la plus-value correspond à la quote-part qui serait revenue à l'État à la date de fin d'exploitation , c'est-à-dire en 2089. Elle est définie par l'État et la société lors du transfert de propriété de ces biens.

S'agissant des cessions de titre, le même dispositif s'applique à la différence positive entre le prix de cession des titres, d'une part, et leur valeur comptable, d'autre part, à la date du transfert des titres.

Enfin, la nouvelle rédaction de l'article L. 6323-6 du code des transports prévoit que le terrain d'assiette des aérodromes exploités par Aéroports de Paris , lorsqu'il fait partie du domaine public, peut faire l'objet d'un transfert de gestion au profit de l'État sur décision du préfet territorialement compétent.

Il s'agit, par cette disposition, de garantir l'affectation au service public aéroportuaire de toute parcelle de domaine public servant d'assiette à un aérodrome exploité par Aéroports de Paris.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de Charles de Courson (Libertés et territoire) et de plusieurs de ses collègues prévoyant que le transfert de gestion au profit de l'État sur décision du préfet du terrain d'assiette des aérodromes exploités par Aéroports de Paris (ADP) fait l'objet en contrepartie d'une indemnité fixée dans les conditions de droit commun .

Elle a également adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, plusieurs amendements rédactionnels ou de précision juridique, remplaçant notamment le terme « préfet » par celui de « représentant de l'État dans le département ».

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Charles de Courson et plusieurs de ses collègues visant à clarifier le périmètre des autorisations délivrées par l'État en cas de réorganisation interne du groupe ADP ou de volonté de cession d'activités , pour s'assurer que ces évolutions n'auront pas d'impact sur les biens nécessaires aux missions de service public aéroportuaires d'ADP.

IV. La position de votre commission

Si l'article 44 prévoit que les biens immobiliers et mobiliers d'Aéroports de Paris (ADP) qui lui avaient été attribués en pleine propriété par l'article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports ainsi que les biens acquis ou réalisés par la société ADP et exploités en Île-de-France entre le 25 juillet 2005 et la date de la fin d'exploitation des aérodromes parisiens par la société ADP, sont transférés en pleine propriété à l'État à la date de fin d'exploitation , encore faut-il s'assurer que celui-ci conservera un pouvoir de contrôle étroit sur le devenir de ces biens au cours de la période de 70 ans.

Les dispositions du présent article 46 paraissent fournir les outils nécessaires et garantir que la société privée ADP ne sera pas en mesure de céder des biens utiles au bon fonctionnement du service public aéroportuaire .

L'État disposera en effet d'un pouvoir d'autorisation de toute opération de cession, d'apport ou de création de sûreté sur ces biens , qui constitue un véritable droit de veto , dans la mesure où est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté non autorisé par l'État ou réalisé en méconnaissance de son opposition ou des conditions fixées à la réalisation de l'opération.

Enfin, le mécanisme de partage entre l'État et Aéroports de Paris du produit financier de l'aliénation des biens immobiliers et mobiliers de la société dont l'État l'autorise à se séparer paraît équilibré .

En conséquence, votre rapporteur n'a pas proposé à la commission spéciale d'amendements modifiant de façon substantielle le présent article 46, mais uniquement l'amendement rédactionnel COM-467 et l'amendement COM-483 , qui a pour objet de garantir que les transferts d'activités effectués en méconnaissance de l'autorisation prévue par la loi sont nuls.

Votre commission a adopté l'article 46 ainsi modifié .

Article 47
(art. L. 6323-4-1 [nouveau] du code des transports)
Périmètre régulé d'Aéroports de Paris

I. Le droit existant

1. Les services publics aéroportuaires rendus par les exploitants d'aérodromes sont financés par des redevances pour services rendus

L'activité principale des exploitants aéroportuaires comme Aéroports de Paris consiste à rendre des services publics aux compagnies aériennes et à leurs prestataires de services à l'occasion de l'usage de terrains, d'infrastructures, d'installations, de locaux et d'équipements aéroportuaires 522 ( * ) .

Ainsi que le prévoit l'article L. 6325-1 du code des transports, ces services publics aéroportuaires rendus aux compagnies aériennes donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus , dites « redevances aéroportuaires ».

Les trois principales redevances aéroportuaires perçues par Aéroports de Paris sont prévues par l'article R. 224-2 du code de l'aviation civile. Il s'agit de :

- la redevance par passager , correspondant à l'usage des installations aménagées pour la réception des passagers et du public. L'assiette de cette redevance est le nombre de passagers embarqués. Son produit pour ADP a atteint 653 millions d'euros en 2017 ;

- la redevance d'atterrissage , qui correspond à l'usage, par les aéronefs de plus de six tonnes, des infrastructures et équipements aéroportuaires nécessaires à l'atterrissage, au décollage et à la circulation au sol ; les tarifs de cette redevance sont fonction de la masse maximale certifiée au décollage de l'aéronef. Son produit pour ADP a atteint 243 millions d'euros en 2017 ;

- la redevance de stationnement , correspondant à l'usage, par les aéronefs de plus de six tonnes, des infrastructures et équipements de stationnement ; les tarifs de cette redevance sont fonction de la durée de stationnement, des caractéristiques de l'aéronef et, le cas échéant, de celles de l'aire de stationnement. Son produit pour ADP a atteint 159 millions d'euros en 2017.

Le chiffre d'affaires d'ADP issu de ces trois redevances aéronautiques représentait en 2017 1 055 millions d'euros , en hausse de 5,4 % par rapport à 2016, grâce au dynamisme du trafic de passagers (+4,5 %) et à l'augmentation des tarifs au 1 er avril 2017 (+0,97 %).

D'autres redevances , dites accessoires , peuvent également être instauré au profit de l'exploitant d'aéroport. ADP perçoit à ce titre sept redevances accessoires 523 ( * ) , pour un montant total de 230 millions d'euros en 2017, un montant en hausse de 4,6 % par rapport à 2016.

2. Pour éviter les abus de marché d'aéroports placés en situation de quasi-monopole naturel, les tarifs des redevances aéroportuaires font l'objet d'une régulation qui dépend de l'amplitude du périmètre régulé

Les aéroports étant en situation de monopole naturel , ou de quasi-monopole , sur les vols origine-destination, la tentation peut être grande pour ces opérateurs de fixer des tarifs de redevances aéroportuaires élevés pour maximiser leurs profits , au détriment des compagnies aériennes, qui constituent une clientèle captive .

Ce risque d'abus de marché est clairement identifié partout dans le monde et conduit les États à mettre en place des systèmes de régulation des tarifs des redevances .

En France, cette régulation économique est effectuée par l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) , chargée d'homologuer les tarifs annuels des redevances qui lui sont proposés par les aéroports qui accueillent plus de 5 millions de passagers par an et de rendre un avis conforme sur les contrats de régulation économique (CRE) signés entre l'État et ces aéroports , lesquels fixent sur cinq ans l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires (pour une présentation de l'ASI, voir infra le commentaire de l'article additionnel après l'article 48).

Pour formuler leurs propositions de tarifs soumises à l'ASI , les exploitants d'aéroports doivent appliquer plusieurs dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile, dans le respect des plafonds fixés par leur CRE , s'il existe.

En premier lieu, l'article L. 6325-1 du code des transports dispose que le montant des redevances aéroportuaires tient compte de la rémunération des capitaux investis .

L'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile précise que cette « juste rémunération des capitaux investis » est appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital (CMPC) calculé sur le périmètre des activités et services pris en compte pour le calcul des tarifs des redevances, dit « périmètre régulé » (voir infra ).

Le coût moyen pondéré du capital (CMPC) , indicateur clef de la régulation économique aéroportuaire, représente le taux de rentabilité annuel moyen attendu par les actionnaires et les créanciers de l'entreprise , en retour de leur investissement. Pour ADP, le CMPC, tel qu'il a été déterminé par l'État et la société, s'établit à 5,4 % pour la période 2016-2020 .

L'article L. 6325-1 du code des transports précité prévoit que le montant des redevances aéroportuaires peut également tenir compte des investissements , y compris futurs, liés à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service. Il ne peut en revanche excéder le coût des services rendus sur l'aérodrome .

Ces critères à prendre en compte pour la détermination des tarifs des redevances aéroportuaires sont précisés par l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile qui dispose que ceux-ci sont fixés en tentant compte des prévisions d'évolution du trafic de passagers et de marchandises sur l'aéroport mais également des éléments suivants :

- les objectifs d'évolution des charges , tenant compte notamment de l'évolution de la qualité des services fournis aux usagers et de celle de la productivité de l'exploitant ;

- les prévisions d'évolution des recettes ;

- les programmes d'investissement et leur financement .

Cet article prévoit qu'il peut être aussi tenu compte des profits dégagés par des activités de l'exploitant autres que les services aéronautiques .

a) Selon que le « périmètre régulé » inclut ou non tout ou partie des activités non aéronautiques des aéroports, on parle de « caisse unique », de « caisse double » ou de « caisse aménagée »

Le « périmètre régulé » désigne l'ensemble des activités , aéronautiques et non aéronautiques, à partir duquel est défini le plafond d'évolution des redevances .

Ce périmètre peut varier et conduire à la mise en place de trois systèmes distincts : la « caisse unique » , la « caisse double » ou un système intermédiaire, la « caisse aménagée » .

Les trois systèmes diffèrent par la proportion des activités non aéronautiques qui participent à l'équilibre tarifaire des activités aéronautiques . Chacun d'entre eux possède des avantages et des inconvénients , présentés en détail infra , et ne crée pas les mêmes types d'incitations pour les aéroports et pour les compagnies aériennes.

Si le périmètre régulé inclut l'ensemble des activités de l'aéroport , aéronautiques comme non aéronautiques, le système de régulation est dit en « simple caisse » ou « caisse unique » .

Dans une « caisse unique », les revenus des commerces (boutiques, restaurations, services bancaires, etc.) ou bien encore ceux de l'immobilier de diversification sont mélangés avec les revenus issus des activités aéronautiques et peuvent donc être utilisés pour financer les investissements aéroportuaires et les services rendus aux compagnies .

Si le périmètre régulé inclut uniquement les activités aéronautiques , il s'agit d'un système de « double caisse » , les autres activités (commerce, immobilier de diversification, parkings, etc.) étant traitées séparément et n'entrant nullement en ligne de compte pour le calcul des redevances aéroportuaires .

En d'autres termes, le périmètre régulé et le périmètre non régulé sont considérés comme étanches , ce qui implique la mise en place d'une comptabilité analytique robuste , et les activités non aéronautiques ne participent pas au financement des activités aéronautiques .

Enfin, si le périmètre régulé intègre, en plus des activités aéronautiques, une partie seulement des activités non aéronautiques , le système de régulation est dit en « caisse aménagée » . C'est le cas par exemple si les revenus des parkings entrent dans le périmètre régulé et sont pris en compte pour déterminer les tarifs des redevances .

b) Depuis 2011, la régulation des redevances aéroportuaires d'ADP est effectuée dans le cadre d'un système de « caisse aménagée », qui s'apparente de plus en plus dans les faits à un système de « double caisse »

Jusqu'en 2011, le système de caisse utilisé par Aéroports de Paris (ADP) était celui de la « caisse unique » , qui reste celui de la plupart des aéroports français de province.

Depuis 2011, l'article 1 er de l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes modifié prévoit que le système utilisé par ADP est celui de la « caisse aménagée » .

Les commerces et les services , ainsi que l'immobilier de diversification , ne font plus partie du périmètre régulé , mais quelques activités non aéronautiques (les parkings automobiles, les prestations industrielles et certaines locations en aérogares) continuent à y être incluses.

Toutefois, le poids financier relatif de ses activités non aéronautiques tend à devenir de plus en plus faible , si bien que le système de caisse d'ADP s'apparente de plus en plus à celui d'une « double caisse » .

II. Le dispositif proposé

L'article 47 du projet de loi vise à inscrire le système de « caisse aménagée » d'Aéroports de Paris dans la loi en insérant dans le code des transports un nouvel article L. 6323-4-1, qui reprend largement les dispositions de l'article 1 er de l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes, lequel définit le périmètre régulé d'ADP .

Ce nouvel article L. 6323-4-1 détermine la manière dont sont établis les tarifs des redevances aéroportuaires de la société Aéroports de Paris .

Il prévoit que ceux-ci sont fixés de manière à assurer une juste rémunération d'ADP au regard du coût moyen pondéré du capital (CMPC) sur le périmètre de ses activités aéronautiques .

Ce périmètre d'activités, le « périmètre régulé », est précisé par décret .

L'article L. 6323-4-1 prévoit toutefois qu'il comprend nécessairement les services publics aéroportuaires et les activités foncières et immobilières relatives :

- aux activités d'assistance en escale ;

- au stockage et à la distribution de carburants d'aviation ;

- à la maintenance des aéronefs ;

- aux activités liées au fret aérien, à l'aviation générale et d'affaires ;

- au stationnement automobile public et par abonnements ;

- aux transports publics.

Les activités relatives au stationnement automobile public et par abonnements , ainsi que les transports publics , ne relèvent pas des activités aéronautiques . Le nouvel article L. 6323-4-1 du code des transports prévoit donc pour ADP un modèle de « caisse aménagée », même si celui-ci s'apparente dans les faits à un modèle de « double caisse ».

Le même article L. 6323-4-1 dresse également la liste des activités de la société ADP qui n'entrent pas dans la « caisse régulée » et n'ont donc pas vocation à être pris en compte pour la détermination des tarifs des redevances aéroportuaires .

Il s'agit des activités commerciales et de services , notamment celles relatives aux boutiques , à la restauration , aux services bancaires et de change , à l'hôtellerie , à la location d'automobiles et à la publicité ainsi que les activités foncières et immobilières hors aérogares autres que celles mentionnées comme appartenant au périmètre régulé.

Rappelons pour mémoire que le chiffre d'affaires des commerces d'Aéroports de Paris représentait 953 millions d'euros en 2017 et celui de l'immobilier de diversification 250 millions d'euros .

Les revenus liés à l'ensemble de ces activités n'auraient donc pas vocation à venir financer les activités aéronautiques d'ADP , la société privatisée conservant l'intégralité des profits qu'elles génèreront à l'avenir .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté cet article après lui avoir apporté, à l'initiative de ses rapporteurs, deux modifications rédactionnelles .

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

IV. La position de votre commission

1. L'extension du périmètre régulé et le système de caisse oposent gestionnaires d'aéroports et compagnies aériennes

L'extension du périmètre régulé pour la fixation des tarifs des redevances aéroportuaires, et le système de caisse qu'il détermine , est un sujet très controversé , qui oppose les gestionnaires d'aéroports et les compagnies aériennes , sans que les économistes ne soient en mesure de donner un avantage clair à un modèle plutôt qu'à un autre.

a) Le système de caisse unique favorise une modération de redevances mais n'incite pas au développement des commerces

Dans le modèle de la « caisse unique », les activités non aéronautiques (commerces, immobiliers, parkings, etc.) sont incluses dans le périmètre régulé pour lequel le régulateur calcule le coût moyen pondéré du capital (CMPC) attendu par les actionnaires et les créanciers de l'aéroport.

Cela signifie donc que les profits issus des activités non aéronautiques tendent à favoriser une modération , voire une réduction des montants des redevances aéroportuaires dont s'acquittent les compagnies aériennes, ce qui explique que celles-ci soient systématiquement favorables à ce modèle.

Les compagnies considèrent en outre qu'il est légitime que les activités non aéronautiques participent au financement des activités aéronautiques, dans la mesure où les clients des commerces des aéroports sont leurs passagers et où lesdits commerces bénéficient des externalités positives du transport aérien .

Les compagnies font enfin valoir que le système de caisse unique est simple à mettre en oeuvre , tant pour les aéroports que pour le régulateur.

Le système de caisse unique possède toutefois un inconvénient important : il incite peu l'exploitant aéroportuaire à développer ses activités non aéronautiques, dans la mesure où les profits qu'il génère grâce aux commerces, à l'immobilier, etc . entraînent une pression à la baisse sur les redevances aéroportuaires .

b) Le système de la « double caisse » est susceptible de pénaliser les compagnies aériennes

Dans le modèle de la « double caisse », le périmètre régulé pour lequel le régulateur calcule le coût moyen pondéré du capital (CMPC) n'inclut que les activités aéronautiques . En conséquence, les redevances doivent couvrir le coût de l'ensemble des services aéronautiques rendus par l'aéroport et des investissements aéronautiques qu'il consent , sans que les autres activités de l'aéroport y contribuent.

Ce système entraîne mécaniquement une pression à la hausse sur le montant des redevances , raison pour laquelle les compagnies aériennes y sont très opposées.

Les activités non aéronautiques étant exclues du périmètre régulé, l'aéroport est de son côté fortement incité à les développer , puisqu'il est assuré de capter la totalité de leurs profits , sans que l'augmentation de ces derniers ne provoque une diminution des redevances aéroportuaires.

Les gestionnaires d'aéroports se montrent naturellement très favorables au système de la double caisse qui présente pour eux un intérêt financier évident, mais font également valoir plusieurs arguments selon lesquels la double caisse présenterait des avantages pour le transport aérien dans son ensemble .

Ce système inciterait en premier lieu l'aéroport à être performant en matière d'exploitation aéronautique , les revenus commerciaux n'étant pas susceptibles de venir compenser des performances insuffisantes des activités aéronautiques (charges trop élevées, surinvestissements, etc.).

La mise en place d'une comptabilité analytique précise permettrait en outre aux compagnies aériennes de connaître précisément les coûts des services aéroportuaires qui leur sont fournis.

c) Les observations empiriques ne sont guère concluantes

Les comparaisons d'aéroports européens d'une envergure analogue à celle d'ADP ne permettent malheureusement pas de faire apparaître une corrélation claire entre le niveau des redevances aéroportuaires, leur variation ces dernières années et le système de caisse choisi.

On constate ainsi que les redevances de Londres-Heathrow, qui utilise le système de la caisse unique , étaient déjà de 22 % supérieures à celles d'ADP en 2010 et le sont de 50 % en 2018 (avec un taux de croissance annuel moyen-TCAM sur la période de 4,8 % ).

À contrario, celles d'Amsterdam-Schiphol , également en caisse unique , étaient inférieures de 9 % à celles d'ADP en 2010 le sont de 34 % en 2018 , avec un TCAM de -1,8 % .

Les redevances de Francfort , en caisse double , étaient supérieures de 7 % à celles d'ADP en 2010 et le sont désormais de 10 % , avec un TCAM de +2,6 % .

Enfin, celles de Madrid , en caisse aménagée , étaient inférieures de 45 % à celles d'ADP en 2010 et ne le sont plus que de 15 %, avec un TCAM de + 6,7 % .

Ces différentes données laissent à penser que l'évolution des redevances aéroportuaires ne dépend pas tant du modèle de caisse que d'autres paramètres tels que la saturation de l'aéroport dans le cas de Londres-Heathrow ou la fixation à un niveau délibérément très bas du CMPC destiné à favoriser l'attractivité de l'aéroport (cas d'Amsterdam-Schiphol).

2. Prévoir la possibilité d'une subvention des activités aéronautiques par les activités non-aéronautiques, en particulier en cas d'investissements importants

Jusqu'à présent, le périmètre régulé d'Aéroports de Paris (ADP) et son système de caisse relevaient uniquement du niveau réglementaire , et la loi ne fixait nullement une liste d'activités devant nécessairement être incluses dans le périmètre régulé et une liste d'activités devant nécessairement ne pas être incluses dans ledit périmètre régulé.

Votre rapporteur note du reste que l'extension du périmètre régulé des autres aéroports français continue à relever du niveau réglementaire et non de la loi . Aucun système de caisse n'a été inscrit dans la loi lors des privatisations des aéroports de Toulouse, Nice et Lyon.

Dans la mesure où les dispositions du présent article 47 ne font que reprendre le modèle de quasi-double caisse qui régit actuellement le fonctionnement d'Aéroports de Paris, cette inscription dans la loi a visiblement pour principal objectif d'améliorer la valorisation de la société .

Inscrire le modèle de la double caisse dans la loi, c'est en effet rendre beaucoup plus difficile à l'avenir toute évolution de ce système , plus difficile en tout cas que la simple modification d'un texte réglementaire, ce qui est de nature à rassurer les investisseurs .

Or, si la double caisse est indéniablement le système le plus avantageux financièrement pour les exploitants aéroportuaires , il est également celui qui l'est le moins pour les compagnies aériennes , ce qui pourrait poser problème si un jour Air France ou d'autres compagnies françaises étaient confrontées à de graves difficultés économiques .

Comme votre rapporteur a cherché à le montrer supra , il est difficile de trancher entre les différents modèles de caisses , chacun présentant des points forts et des points faibles.

Il n'est donc pas opposé au modèle de double caisse pour ADP , à la condition que le Gouvernement et l'autorité indépendante de supervision des redevances aéroportuaires (ASI) s'assurent, notamment via les contrats de régulation économique prévus par l'article 48 du présent projet de loi, que le montant des redevances ne favorise pas excessivement ADP au détriment des compagnies aériennes .

Il juge toutefois problématique de figer pour 70 ans ce système dans la loi , sans prévoir de soupape de sécurité , en privant les gouvernements futurs de la possibilité de l'ajuster à l'avenir, par exemple pour prévoir une participation de certaines activités non aéronautiques au financement de grands projets d'investissement , qui pourrait un jour être opportune en permettant de ne pas augmenter les redevances aéronautiques de façon excessive.

Afin de prévoir des marges de souplesse , votre rapporteur a donc proposé à la commission spéciale d'adopter un amendement COM-480 qui prévoit que jusqu'à 20 % des profits des activités non régulées pourront , en tant que de besoin, venir en déduction des charges aéroportuaires prises en compte pour le calcul des redevances .

Il suffira pour cela que le Gouvernement modifie le décret fixant le périmètre régulé d'Aéroports de Paris auquel renvoie le présent article 47.

Ce dispositif s'inspire directement de celui prévu pour les gares, dans lequel 50 % des profits des commerces subventionnent les activités ferroviaires .

Par ailleurs, la commission spéciale a également adopté un amendement COM-267 de notre collègue Vincent Capo-Canellas qui prévoit que le coût moyen pondéré du capital (CMPC) d'Aéroports de Paris est estimé par la société et homologué par l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) .

Eu égard à ses autres missions - homologuer les tarifs annuels des redevances aéroportuaires des principaux aéroports français et rendre un avis conforme sur les CRE - il paraît en effet à la fois logique et souhaitable que l'ASI homologue également le CMPC du périmètre régulé d'Aéroports de Paris , comme le préconisent les conclusions des Assises du transport aérien.

Votre commission a adopté l'article 47 ainsi modifié .

Article 48
(art. L. 6325-2 du code des transports)
Contrat de régulation économique pluriannuel

I. Le droit existant

1. L'évolution des redevances aéronautiques des aéroports relevant de la compétence de l'État est encadrée par des contrats pluriannuels

Les aéroports étant placés dans une situation de monopole naturel , ou de quasi-monopole , le montant des redevances aéroportuaires , présentées en détail supra dans le commentaire de l'article 47, doit faire l'objet d'une étroite régulation , pour éviter que les gestionnaires d'aéroports n'abusent de leur pouvoir de marché et ne fixent des tarifs trop élevés , ce qui pénaliserait les compagnies aériennes et leurs passagers et nuirait au développement du transport aérien.

Dans cette perspective, l'article L. 6325-2 du code des transports prévoit que, pour Aéroports de Paris (ADP) et pour les autres exploitants d'aérodromes civils relevant de la compétence de l'État, des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans conclus avec l'État déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires .

Ces contrats doivent tenir compte, notamment, des prévisions de coûts , de recettes , d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant. Ils s'incorporent aux contrats de concession d'aérodrome conclus par l'État.

L'article R. 224-4 du code de l'aviation civile précise le contenu de ces contrats pluriannuels et les modalités de leur élaboration .

Il prévoit ainsi que l'exploitant aéroportuaire rend public un dossier relatif au périmètre régulé qui comprend un bilan d'exécution du contrat pluriannuel en cours et une présentation de ses hypothèses pour le contrat à venir ainsi qu'une évaluation de l'impact économique et financier de ces hypothèses et, le cas échéant, d'hypothèses alternatives.

Les usagers et les autres personnes intéressées ont alors un mois pour faire valoir leurs observations auprès du ministre chargé de l'aviation civile, lequel les communique à l'exploitant aéroportuaire puis saisit la commission consultative aéroportuaire , qui rend un avis public.

Sur la base de ces différents éléments, le contrat est négocié entre le ministre chargé de l'aviation civile et l'exploitant aéroportuaire . Il ne peut être signé par le ministre que s'il a reçu un avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) mentionnée à l'article R. 224-8 du code de l'aviation civile.

La conclusion de ces contrats pluriannuels qui déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires n'est toutefois pas obligatoire et peut ne pas intervenir en cas de désaccord persistant entre le ministre chargé de l'aviation civile et l'exploitant aéroportuaire ou d'avis négatif de l'ASI.

En l'absence d'un tel contrat, les tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par voie réglementaire.

2. Le contrat de régulation économique (CRE) 2016-2020 fixe les plafonds annuels des tarifs des redevances aéroportuaires d'ADP, mais également le montant de ses investissements ou bien encore ses objectifs de service public

Depuis 2006, l'État et Aéroports de Paris ont signé trois contrats pluriannuels déterminant les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires d'ADP, connus sous le nom de « contrats de régulation économique » (CRE).

Le CRE 3 actuellement en vigueur porte sur la période 2016-2020 .

Il définit le plafond d'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires les plus significatives , en se basant sur des hypothèses de croissance du trafic aérien, des choix d'investissements, des coûts d'exploitation ainsi que le coût moyen pondéré du capital (CMPC). Ce plafond d'évolution des tarifs ne s'applique pas automatiquement, mais représente l'augmentation tarifaire maximale pour la période considérée.

Pour 2016-2020, il représente une progression hors inflation de 1,0 % en moyenne par an , avec une évolution tarifaire correspondant à l'inflation en 2016 et à l'inflation +1,25 % de 2017 à 2020.

Simultanément, et en lien direct avec l'évolution prévue des tarifs des redevances, le CRE 3 fixe le montant des investissements qu'ADP s'est engagé à réaliser sur la période 2016-2020 . Ce montant s'élève à près de 3 milliards d'euros .

Il comprend notamment des programmes de fusion de terminaux 524 ( * ) et de rénovation , à Paris-Orly comme à Paris-Charles de Gaulle, ainsi que l'acquisition de nouveaux équipements destinés à améliorer l'efficacité opérationnelle des compagnies aériennes (nouveaux systèmes de tri des bagages, déploiement de mires de guidage, réaménagement d'aérogares, etc.).

Le CRE 3 fixe à ADP des objectifs en matière d'amélioration de la qualité de service , mesurés par sept indicateurs de « standard de qualité » 525 ( * ) correspondant à des services rendus par tous les aéroports à leurs clients, compagnies aériennes et passagers. Un système de bonus-malus , pouvant représenter jusqu'à +0,24 %/-0,52 % du produit des redevances chaque année, vise à conférer un caractère véritablement incitatif à ces objectifs .

Enfin, le CRE 3 détermine les efforts de maîtrise des charges courantes du périmètre régulé que doit réaliser ADP, l'objectif étant de parvenir à une baisse du coût par passager de 8 % en euros constants entre 2015 et 2020. Pour atteindre cet objectif, la direction d'ADP a limité ces dernières années les augmentations générales des salaires et cherche à ne remplacer qu'un départ de collaborateur sur deux .

II. Le dispositif proposé

L'article 48 propose une nouvelle rédaction globale de l'article L. 6325-2 du code des transports relatif aux contrats pluriannuels qui déterminent l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires.

Comme dans le droit existant, cette nouvelle rédaction prévoit que, pour Aéroports de Paris et pour les autres exploitants d'aérodromes relevant de la compétence de l'État, des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans conclus avec l'État déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires . Ils s'incorporent aux contrats de concession d'aérodrome conclus par l'État.

Ces conditions tiennent comptent notamment des prévisions de coûts et de recettes ainsi que des investissements et objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome.

L'article 48 introduit toutefois une première spécificité pour Aéroports de Paris en prévoyant que dans son cas, les objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome sont fixés par accord entre les parties ou, en l'absence d'accord , par le ministre chargé de l'aviation civile , selon les modalités fixées par le cahier des charges d'ADP.

Cela signifie donc que si l'État et ADP parviennent à se mettre d'accord sur les différents paramètres du contrat de régulation économique (plafond d'évolution des redevances, montant des investissements, réduction des coûts, etc.) sauf sur les objectifs de qualité des services publics , l'État serait en mesure d'imposer lesdits objectifs de qualité des services publics à ADP .

Si l'article 48 reprend les dispositions prévoyant qu'en l'absence d'un contrat pluriannuel déterminant les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, ces tarifs sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par voie réglementaire , il introduit là encore un nouveau cadre juridique spécifique pour la société Aéroports de Paris.

Il précise en effet que dans le cas d'une absence de conclusion entre l'État et ADP d'un contrat pluriannuel, le cahier des charges de la société précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l'aviation civile peut fixer les tarifs , après proposition d'ADP .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté cet article après lui avoir apporté plusieurs modifications .

À l'initiative de ses rapporteurs, elle a tout d'abord prévu que l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires tienne compte « notamment » des prévisions de coûts et de recettes ainsi que des investissements et d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant aéroportuaire, de sorte que ces différents éléments ne présentent pas un caractère exhaustif , à l'instar de ce que prévoient les dispositions actuelles de l'article L. 6325-2 du code des transports.

La commission spéciale a également adopté deux amendements, toujours à l'initiative de ses rapporteurs, pour préciser les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l'aviation civile peut fixer les tarifs des redevances aéroportuaires dans le cas d'une absence de conclusion d'un contrat pluriannuel entre l'État et Aéroports de Paris.

Le premier de ces deux amendements indique que les tarifs des redevances aéroportuaires doivent être fixés de manière à garantir la rémunération des capitaux investis par Aéroports de Paris au regard du coût moyen pondéré du capital (CMPC) , conformément aux dispositions de l'article L. 6323-4-1 du code des transports créé par l'article 47 du projet de loi PACTE.

Le second a pour objet de préciser que la fixation des tarifs par le ministre chargé de l'aviation civile s'opère sans préjudice des missions de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) , c'est-à-dire sans obérer son pouvoir d'homologation annuelle du tarif des redevances proposé par ADP.

Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de ses rapporteurs.

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

IV. La position de votre commission

Les contrats pluriannuels conclus entre l'État et les aéroports, sous le regard attentif de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI), constituent un outil essentiel de la régulation économique des aéroports .

Or, si les dispositions de l'article 48 issues des travaux de l'Assemblée nationale ont quelque peu renforcé les pouvoirs de l'État à l'occasion de la négociation de ces contrats ou en leur absence , ceux-ci demeurent insuffisants pour faire prévaloir l'intérêt général en cas de conflit avec le futur propriétaire privé d'Aéroports de Paris .

1. Inscrire l'avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) dans la loi

Ainsi qu'il a été rappelé supra , l'article R. 244-4 du code de l'aviation civile dispose que le contrat pluriannuel de régulation économique signé par l'État et les exploitants aéroportuaires fait l'objet d'un avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) .

Ce dispositif est très récent et l'ASI n'a à ce jour rendu un avis que sur un seul contrat de régulation économique (CRE) , celui de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur .

Cet avis conforme constitue un élément important de la régulation économique des aéroports , dont le caractère de quasi-monopole naturel sur les vols origine-destination est toujours susceptible d'entraîner des hausses excessives des tarifs des redevances , au regard des services rendus et des investissements consentis.

C'est pourquoi la commission a adopté un amendement COM-468 de votre rapporteur visant à prévoir directement dans la loi , et non plus seulement dans des textes réglementaires, l'existence de cet avis conforme qui est de nature à donner aux compagnies aériennes et aux autres parties prenantes de véritables garanties sur la qualité et l'indépendance de la régulation appliquée aux aéroports .

2. Prévoir que les investissements d'ADP peuvent être imposés par l'État dans le cadre de la négociation du contrat de régulation économique (CRE)

L'article 48, dans sa rédaction actuelle, prévoit que si l'État et ADP parviennent à se mettre d'accord sur les différents paramètres de leur contrat de régulation économique (plafond d'évolution des redevances, montant des investissements, réduction des coûts, etc.) sauf sur les objectifs de qualité des services publics , l'État sera en mesure d'imposer lesdits objectifs de qualité des services publics à ADP.

S'il s'agit là d'un point très positif, votre rapporteur considère que l'État doit également être en mesure, le cas échéant, d'imposer à Aéroports de Paris la réalisation d'investissements nécessaires au respect des obligations de service public de la société , comme le prévoient du reste les dispositions du nouveau 6° de l'article L. 6323-4 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l'article 45 du présent projet de loi PACTE.

Votre commission a adopté un amendement COM-469 de votre rapporteur en ce sens.

3. Donner à l'État la possibilité d'adopter unilatéralement les principales dispositions d'un contrat de régulation économique (CRE) en l'absence de contrat conclu avec ADP

En l'absence de conclusion d'un contrat de régulation économique (CRE), la rédaction du second alinéa de l'article L. 6325-2 du code des transports prévoit seulement que le ministre chargé de l'aviation civile peut déterminer les tarifs des redevances aéroportuaires d'Aéroports de Paris sur une base annuelle .

Cela signifie dont que si l'État et ADP ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le contenu du CRE, toute perspective pluriannuelle disparaît , tant pour l'évolution des tarifs des redevances que pour les investissements et pour les objectifs de qualité des services publics .

Une telle situation serait profondément insatisfaisante et conduirait à limiter drastiquement la régulation économique d'Aéroports de Paris , ce qui pourrait pénaliser les compagnies aériennes , leurs passagers mais également les autres acteurs de l'écosystème aéroportuaire .

C'est pourquoi la commission a adopté un amendement COM-470 , à l'initiative de votre rapporteur, qui dispose qu'en l'absence d'un contrat pluriannuel, le cahier des charges de la société précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l'aviation civile peut , pour une durée de 5 ans au maximum et après avis conforme de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) , déterminer :

- les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires ;

- les investissements et les objectifs de qualité des services publics rendus par Aéroports de Paris.

En d'autres termes, l'État sera en mesure d'adopter unilatéralement un quasi-CRE en cas de désaccord persistant avec Aéroports de Paris.

Il conviendra naturellement d'utiliser ce pouvoir uniquement en dernier recours , s'il apparaît impossible aux deux parties de parvenir à un accord contractuel.

Votre commission a adopté l'article 48 ainsi modifié .

Article 48 bis (nouveau)
Transformation de l'autorité de supervision indépendante
des redevances aéroportuaires
en autorité administrative indépendante (AAI)

I. Le droit existant

Les aéroports étant des quasi-monopoles naturels , les tarifs des redevances aéroportuaires qu'ils facturent aux compagnies aériennes doivent faire l'objet d'une régulation économique pour s'assurer que la concurrence entre transporteurs n'est pas faussée par des tarifs discriminatoires et, surtout, pour vérifier que ces tarifs ne sont pas excessifs , eu égard aux services rendus par les exploitants aéroportuaires.

1. La première version de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) mise en place par le Gouvernement n'était pas conforme aux règles européennes

a) L'existence de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) est prévue par une directive européenne de 2009

La directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, qui définit des règles communes pour la fixation de ces redevances, prévoit que les États membres de l'Union européenne mettent en place une autorité de supervision indépendante (ASI) chargée au minimum de :

- veiller au respect de la transparence entourant le processus de consultation des usagers préalable à la fixation des tarifs des redevances ;

- garantir leur caractère non-discriminatoire ;

- trancher les différends entre compagnies aériennes et gestionnaires d'aéroports en cas de désaccord sur les tarifs des redevances .

b) La désignation de la direction du transport aérien (DTA) comme ASI a été censurée par le Conseil d'État

En France, c'est dans un premier temps la direction du transport aérien (DTA) de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) qui a été chargée de jouer le rôle de l'autorité de supervision indépendante (ASI) , ainsi que le prévoyaient les dispositions du décret du 23 décembre 2011 526 ( * ) procédant à la transposition de la directive en droit français. En tant qu'ASI, la DTA s'est vue confier la mission d'homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires des aéroports dont le trafic dépasse cinq millions de passagers par an.

Mais ce dispositif a été censuré par le Conseil d'État dans une décision du 29 avril 2015.

Le juge administratif a en effet considéré que la direction du transport aérien (DTA) ne présentait pas des garanties d'indépendance suffisantes vis-à-vis des compagnies aériennes et des gestionnaires d'aéroports , dans la mesure où elle était également l'administration de tutelle ou de contrôle des sociétés exploitantes d'aéroports.

2. La nouvelle ASI, mise en place en 2016, représente un progrès par rapport à la version antérieure mais demeure une structure trop faible

Pour tenir compte de la décision du Conseil d'État susmentionnée, un décret du 23 juin 2016 527 ( * ) a inséré trois articles R. 224-8, R. 224-9 et R. 224-10 au code de l'aviation civile afin de créer une nouvelle autorité de supervision indépendante (ASI) .

L'indépendance et les compétences de l'ASI ont ensuite été étendues par un décret du 30 octobre 2017 528 ( * ) , qui est venu compléter les articles du code de l'aviation civile susmentionnés.

a) La création d'une autorité placée auprès du CGEDD et disposant de garanties d'indépendance, même s'il ne s'agit pas d'une autorité administrative indépendante (AAI)

L'article R. 224-8 du code de l'aviation civile prévoit que l'autorité de supervision indépendante (ASI) est placée auprès du vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 529 ( * ) .

Elle n'est donc pas une autorité administrative indépendante (AAI) , ni , a fortiori , une autorité publique indépendante (API) dotée de la personnalité morale, mais seulement un service de l'État doté d'une indépendance particulière .

Il est en effet prévu qu'elle ne peut recevoir aucune instruction du ministre chargé de l'aviation civile . Elle exerce ses compétences d'une manière impartiale et transparente et arrête librement ses décisions selon le règlement intérieur qu'elle adopte.

L'article R. 224-9 du code de l'aviation civile dispose que l'ASI est composée de cinq membres .

Son président et deux autres de ses membres sont choisis parmi les membres permanents du CGEDD . Les deux autres membres sont des personnalités reconnues pour leur expertise dans le domaine de la régulation économique ou du transport aérien . Le Président et les membres de l'autorité sont désignés pour une durée de cinq ans par le ministre présidant le CGEDD, sur proposition du vice-président.

Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant l'expiration de leur mandat que sur leur demande, en cas d'empêchement permanent, de cessation de leur qualité de membre permanent du CGEDD ou en raison de l'incompatibilité de cette fonction avec d'autres fonctions. Leur mandat peut être renouvelé une fois .

L'ASI est dotée de moyens humains, financiers et matériels censés être suffisants pour le plein exercice de ses missions, même si c'est en réalité loin d'être le cas.

À sa demande, les services du ministère chargé de l'aviation civile lui transmettent tout élément nécessaire à l'instruction des affaires dont elle est saisie , sous réserve des secrets protégés par la loi.

b) L'ASI est chargée de deux missions principales : homologuer les tarifs annuels des redevances aéroportuaires et rendre un avis conforme sur les contrats de régulation économique

L'ASI exerce ses compétences sur les aérodromes dont le trafic annuel de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers 530 ( * ) ainsi que sur les aérodromes faisant partie d'un système d'aérodromes au sens de l'article L. 6325-1 du code des transports comprenant au moins un aérodrome dont le trafic de la dernière année calendaire achevée dépasse cinq millions de passagers 531 ( * ) .

En 2019, cette définition donne compétence à l'ASI sur les aéroports de Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Lyon-Bron, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d'Azur, Cannes-Mandelieu, Paris-Charles de Gaulle , Paris-Orly , Paris-Le Bourget et Toulouse-Blagnac.

Ainsi que le prévoit l'article R. 224-8 du code de l'aviation civile, l'ASI exerce aujourd'hui deux missions .

En premier lieu, elle est chargée d'homologuer les tarifs annuels des redevances aéroportuaires que les exploitants d'aéroports souhaitent appliquer et qu'ils lui soumettent 532 ( * ) .

L'ASI dispose d'un mois pour se prononcer sur cette proposition tarifaire . En cas de refus d'homologation des tarifs, l'exploitant tarifaire dispose à son tour d'un mois pour formuler une nouvelle proposition tarifaire , sur laquelle l'ASI se prononce dans un délai de 21 jours.

En cas de refus d'homologation de cette nouvelle proposition, les tarifs des redevances précédemment en vigueur continuent à s'appliquer .

En second lieu, elle est saisie par le ministre chargé de l'aviation civile pour rendre un avis conforme sur tout projet de contrat de régulation économique (CRE) que le ministre souhaite signer avec un exploitant d'aéroport, selon une procédure précisée par l'article R. 224-10 du code de l'aviation civile (voir le commentaire de l'article 48 supra ).

Au travers de ses décisions, l'ASI doit veiller au respect de la réglementation applicable aux redevances aéroportuaires , vérifier que celles-ci n'entraînent pas de discrimination entre les usagers d'aéroports, conformément au droit de l'Union européenne et apprécier l'application du principe de rémunération des capitaux investis .

Elle s'assure de la correcte mise en oeuvre de la procédure de consultation des usagers d'aéroports et associations d'usagers et de la transparence de l'information entre les aéroports et leurs usagers .

c) L'ASI est progressivement en train de s'affirmer

À ce jour, l'ASI n'a eu à se prononcer que sur un seul projet de contrat de régulation économique (CRE) , celui conclu entre l'État et Aéroports de la Côte d'Azur pour la période du 1 er novembre 2017 au 31 octobre 2022. Elle a rendu le 6 juillet 2017 sur ce projet de CRE un avis favorable sous réserves , autorisant ainsi son entrée en vigueur.

L'ASI a en revanche rendu de nombreuses décisions d'homologation tarifaire des redevances aéroportuaires depuis trois ans.

En ce qui concerne Aéroports de Paris (ADP), l'ASI a :

- refusé d'homologuer la première proposition de tarifs pour 2016 d'ADP avant d'homologuer la seconde ;

- de nouveau refusé d'homologuer la première proposition de tarifs pour 2017 d'ADP avant d'homologuer la seconde ;

- a homologué les tarifs proposés par ADP pour 2018 , à l'exception de ceux de la redevance d'assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite sur l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, puis a homologué la seconde proposition pour cette redevance.

Enfin, dans une décision n° 1810-D1 du 11 janvier 2019 beaucoup plus étayée que les précédentes, l'ASI a refusé d'homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires d'ADP 533 ( * ) pour 2019 en estimant que « l'augmentation proposée par ADP du niveau des redevances aéroportuaires n'est pas acceptable dans la mesure où le produit global des redevances de service public aéroportuaire sur le système d'aérodromes auquel elle conduit dépasse le coût des prestations servies ».

Le fait que les propositions tarifaires d'Aéroports de Paris se heurtent de façon quasi-systématique à un premier refus de l'ASI tend à montrer l'importance de disposer d'une autorité de régulation véritablement indépendante et dotée d'une forte expertise .

À cet égard, votre rapporteur constate une réelle montée en puissance de l'ASI au fil de ses décisions , dont les fondements juridiques et économiques paraissent de plus en plus robustes .

II. Le dispositif proposé

Si la création en 2016 de l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) a constitué un indéniable progrès , le dispositif de régulation économique des redevances prévu en France reste insuffisant et moins efficace que ceux qui ont été mis en place dans d'autres pays européens sur le fondement de la directive 2009/12/CE précitée.

En premier lieu, l'existence de l'ASI est uniquement prévue au niveau réglementaire , et elle n'est, pour l'heure, mentionnée dans aucun texte de niveau législatif , ce qui la rend fragile et susceptible d'être supprimée, le cas échéant, par une simple décision du Gouvernement.

Surtout, son statut demeure indécis et ne présente pas toutes les garanties d'indépendance qu'il serait souhaitable de lui apporter.

En l'état actuel du droit, elle constitue une sorte de démembrement du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) , qui dépend du ministère de la transition écologique et solidaire, ce qui la rend très peu visible et empêche toute séparation nette avec l'administration en charge du secteur aérien , et en particulier la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Si ses deux missions - homologuer tous les ans les tarifs des redevances aéroportuaires et rendre un avis conforme sur les contrats de régulation économique (CRE) - peuvent lui permettre de jouer un véritable rôle d'arbitre entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes , il pourrait être souhaitable de lui confier des missions connexes , comme par exemple rendre un avis sur le calcul du coût moyen pondéré du capital (CMPC) en amont de la négociation des CRE .

Surtout, ses moyens actuels , humains et financiers , apparaissent très insuffisants pour lui permettre de pleinement jouer son rôle et de disposer d'une expertise à même de rivaliser avec celles des services de l'État , des exploitants d'aéroports ou des compagnies aériennes , même si sa montée en puissance récente mérite d'être saluée.

Compte tenu des contraintes liées à la recevabilité financière des amendements parlementaires, votre rapporteur n'est pas en mesure d'agir sur ce point .

Il a en revanche proposé à la commission spéciale, qui l'a adopté, un amendement COM-479 visant à conférer par la loi le statut d'autorité administrative indépendante (AAI) à l'ASI afin de sanctuariser son existence et ses missions actuelles , tout en lui offrant davantage de garanties effectives d'indépendance administrative et financière .

Votre commission a adopté l'article 48 bis (nouveau) ainsi rédigé .

Article 49
(art. 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance,
l'activité et l'égalité des chances économiques)
Autorisation et cadre général de la privatisation d'Aéroports de Paris

I. Le droit existant

1. Les procédures de cession du capital des sociétés publiques s'appliquent pleinement à Aéroports de Paris (ADP)

Les opérations de cession du capital des sociétés publiques sont encadrées par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique 534 ( * ) , et plus particulièrement par son titre III consacré aux opérations sur le capital.

Son article 21-1 pose comme préalable la nécessité que toute opération de cession par l'État au secteur privé conduisant à transférer la majorité du capital d'une société s'accompagne des garanties nécessaires à la préservation des intérêts essentiels de la Nation , le cahier des charges de l'appel d'offres portant cession du capital devant intégrer, le cas échéant, cette exigence.

a) Une disposition législative est indispensable pour autoriser la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP)

Les dispositions de l'article 22 de l'ordonnance précitée précisent que si la décision éventuelle de privatiser la société sera décidée par décret, l'autorisation préalable de la loi est indispensable pour procéder à la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) .

L'adoption d'une autorisation législative est en effet obligatoire lorsque l'État détient directement , depuis plus de cinq ans , plus de la moitié du capital social de la société et si l'une des deux conditions suivantes est remplie :

- ses effectifs , augmentés de ceux de ses filiales dans lesquelles elle détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital social, sont supérieurs à cinq cents personnes au 31 décembre de l'année précédant le transfert ;

- son chiffre d'affaires consolidé avec celui de ses filiales, telles qu'elles viennent d'être définies, est supérieur à 75 millions d'euros à la date de clôture de l'exercice précédant le transfert.

ADP souscrit naturellement à ces deux conditions .

En outre, le recours à la loi est également nécessaire lorsque la société est entrée dans le secteur public en application d'une disposition législative .

Si ADP faisait déjà partie du secteur public en 2005, ce sont bien les dispositions introduites par la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports à L. 6323-10 du code des transports qui prévoient que « la majorité de son capital [le capital de la société Aéroports de Paris] est détenue par l'État ».

Enfin, le VI de l'article 22 précité, introduit par l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, prévoit spécifiquement que « les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d'une concession accordée par l'État sont autorisées par la loi ».

b) La privatisation s'effectue sous le contrôle de la Commission des participations et des transferts (CPT)

Le chapitre II du titre III de l'ordonnance confie un rôle essentiel de contrôle et d'évaluation du processus de cession à la Commission des participations et des transferts (CPT) , dont l'article 26 prévoit qu'elle est saisie par le ministre chargé de l'économie dans les deux types de procédures de cession susceptibles de concerner la société ADP, à savoir :

- les opérations qui emportent le transfert par l'État de la majorité du capital de la société au secteur privé , lorsqu'elles sont réalisées selon les procédures des marchés financiers ;

- toute opération de cession au secteur privé réalisée en dehors des procédures des marchés financiers .

Conformément aux dispositions de l'article 27, la Commission des participations et des transferts (CPT) est chargée de déterminer la valeur de la société , en utilisant les méthodes classiques de valorisation des sociétés telles que celle du discounted cash flow 535 ( * ) .

Lorsque l'opération est réalisée en dehors des marchés financiers , comme cela a été le cas pour les aéroports de Nice et de Lyon, privatisés à l'issue d'un appel d'offre , la Commission des participations et des transferts (CPT) émet un avis sur les modalités de la procédure suivie , qui doit respecter les intérêts du secteur public , puis sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de la cession proposées par le ministre chargé de l'économie.

La CPT doit tenir compte notamment de la valeur de la société , des droits statutaires ou contractuels de toute nature accordés au secteur public, de la nature de l'opération, du prix , des caractéristiques des acquéreurs en cause et du projet industriel et stratégique afférent à l'opération .

Le décret, l'arrêté ou la décision pris par le Gouvernement autorisant ou décidant l'opération de privatisation doit être conforme à cet avis de la CPT .

Les évaluations et avis de la commission sont rendus publics à l'issue de l'opération , donc a posteriori , pour ne pas influencer le processus de cession.

c) Le prix demeure le critère déterminant de sélection des offres de rachat des parts de l'État, même s'il n'est pas le seul

Les privatisations sont encadrées par deux principes constitutionnels , qui tendent à faire du prix de cession le critère de sélection déterminant des offres.

En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision des 25 et 26 juin 1986 (86-207 DC), et le Conseil d'État dans sa décision du 18 décembre 1998 Société générale et autres , indiquent que la protection de la propriété publique interdit toute cession d'un actif public pour un prix inférieur à sa valeur et que le principe d'égalité interdit que l'attribution d'actifs publics puisse relever d'un quelconque privilège

En conséquence, l'article 29 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée rappelle que « la propriété de tout ou partie du capital des sociétés détenu par l'État ne peut être cédée à des personnes du secteur privé pour des prix inférieurs à leur valeur ».

En outre, le prix de cession fixé par le ministre de l'économie ne peut être inférieur à l'évaluation de la Commission des participations et des transferts (CPT), qui fixe donc le prix plancher de l'opération en dessous duquel le ministre ne pourra accepter l'offre.

L'Agence des participations de l'État et la Commission des participations et des transferts (CPT ) déduisent de cette jurisprudence que le critère du prix doit prioritairement être pris en compte pour attribuer des parts de l'État lors d'une cession , dès lors qu'il existe une différence significative entre les offres financières.

Pour éviter que le prix soit le seul et unique critère de choix, les dispositions de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ont prévu des critères supplémentaires à prendre en compte pour la privatisation des exploitants aéroportuaires (voir infra ).

Le prix demeure toutefois un élément essentiel d'appréciation , ce qui est logique s'agissant d'une privatisation dont le but est de maximiser le produit financier pour l'État, mais ne doit pas se faire au détriment des aéroports privatisés , qui doivent être confiés à des acquéreurs porteurs d'un véritable projet industriel.

d) La procédure de contrôle des investissements étrangers (IEF) s'appliquera à ADP en cas de cession du contrôle à des investisseurs étrangers ou de cession de plus de 33 % du capital à des investisseurs extérieurs à l'Union européenne

L'article L. 151-3 du code monétaire et financier prévoit que sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève des activités de nature à porter atteinte à l'ordre public , à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale .

C'est un décret en Conseil d'État qui définit la liste précise des secteurs concernés. Or, la dernière version de ce décret, prévue par le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, a explicitement étendu cette liste au secteur des transports dont relève Aéroports de Paris (ADP) .

L'article 1 er de ce décret a inséré à l'article R. 153-2 du code monétaire financier un 12° dont le c) prévoit en effet que relèvent désormais de cette procédure d'autorisation les investissements étrangers réalisés dans les activités portant sur l'intégrité, la sécurité et la continuité d'exploitation des réseaux et des services de transport par :

- une personne physique qui n'est pas ressortissante d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu une convention d'assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ;

- par une entreprise dont le siège social ne se situe pas dans l'un de ces mêmes États ;

- par une personne physique de nationalité française qui n'y est pas résidente .

Sont considérés comme des investissements étrangers le fait pour un investisseur :

- d'acquérir le contrôle , au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, d'une entreprise dont le siège social est établi en France ;

- d'acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entreprise dont le siège social est établi en France ;

- de franchir le seuil de 33,3 % de détention du capital ou des droits de vote d'une entreprise dont le siège social est établi en France .

L'autorisation du ministre de l'économie peut être assortie de conditions visant à assurer que l'investissement ne portera pas atteinte aux intérêts nationaux . Parmi ces conditions figure « l'intégrité, la sécurité et la continuité de l'exploitation d'un établissement, d'une installation ou d'un ouvrage d'importance vitale ».

Or ADP, plateforme de transports, est précisément considérée comme un opérateur d'importance vitale (OIV) au regard de la défense nationale (opérateur dont le rôle est reconnu comme nécessaire à une fonction majeure dans la défense du pays, au plan national ou zonal) pour les plateformes de Paris-Charles de Gaulle , Paris-Orly et Paris-le Bourget ainsi que pour l'héliport d'Issy-les-Moulineaux .

Le ministre de l'économie peut refuser d'autoriser l'investissement étranger et enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure. Il peut également lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier en cas de non-respect de l'injonction précitée.

Cette procédure, dite IEF, a été appliquée lors des cessions des sociétés aéroportuaires régionales de Toulouse et de Nice .

2. Les dispositions législatives relatives aux cessions du capital des exploitants aéroportuaires adoptées dans le cadre de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon

Ainsi qu'il a été indiqué supra , l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a prévu que les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d'une concession accordée par l'État sont autorisées par la loi .

Cet article, dont les paragraphes III et IV autorisaient le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de la Côte d'Azur et de la majorité du capital de la société Aéroports de Lyon, prévoyait également dans son paragraphe II un certain nombre de dispositions relatives aux opérations de cession de capital des sociétés exploitant un aérodrome destinées à tenir compte des difficultés rencontrées à l'occasion de la privatisation de l'aéroport de Toulouse .

Il précisait tout d'abord que le cahier des charges de l'appel d'offres portant sur la cession de capital est approuvé par le ministre chargé de l'aviation civile et qu'il précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien , ainsi que ceux du territoire concerné en matière d'attractivité et de développement économique et touristique .

Le cahier des charges doit également indiquer les obligations du cessionnaire afin de garantir le développement de l'aérodrome en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé, ainsi qu'avec les collectivités territoriales actionnaires.

Les candidats au rachat des parts de l'État doivent détailler dans leur offre les modalités par lesquelles ils s'engagent à satisfaire à ces obligations .

Ils doivent disposer d'une expérience en tant que gestionnaire d'aéroport ou actionnaire d'une société gestionnaire d'aéroport , ce qui n'était pas le cas lors de la privatisation de l'aéroport de Toulouse, et donnent, dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres, des garanties sur leur capacité à exercer les missions prévues au cahier des charges de la concession des aérodromes concernés . Cette capacité est appréciée par l'autorité signataire du contrat de concession aéroportuaire.

II. Le dispositif proposé

L'article 49 autorise la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) et vient compléter l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques précitée avec un paragraphe V destiné à prévoir des dispositions spécifiques à cette opération .

1. Autorisation par le législateur de la privatisation de la société Aéroports de Paris (ADP)

Le paragraphe I est la disposition législative qui autorise la privatisation d'Aéroports de Paris . Il dispose que « le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est autorisé ».

Cette privatisation apparaît compatible avec les dispositions de nature constitutionnelle , et en particulier avec les principes énoncés par l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité et prévoit que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait , doit devenir la propriété de la collectivité ».

La mission exercée par la société Aéroports de Paris, même si elle possède incontestablement un caractère stratégique pour la Nation dans son ensemble , constitue en effet un service public et un monopole de fait uniquement dans la région Île-de-France , et ne paraît donc pas relever des dispositions de l'alinéa 9 précité .

Cette position avancée par le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi a été confirmée par le Conseil d'État dans son avis rendu sur le projet de loi PACTE, puisqu'il estime qu' « ADP, nonobstant l'importance des aéroports qu'elle exploite, n'exerce pas une activité présentant le caractère d'un service public national ou d'un monopole de fait , au sens et pour l'application du neuvième alinéa du Préambule de 1946 », précisément parce que tous ses aéroports se trouvent en région francilienne .

À noter qu'autoriser la privatisation d'ADP nécessite également de supprimer le second alinéa de l'article L. 6323-10 du code des transports qui prévoit que « la majorité de son capital [le capital de la société Aéroports de Paris] est détenue par l'État ».

Cette suppression est prévue par le troisième paragraphe de l'article 50 du projet de loi PACTE (voir infra le commentaire de cet article).

2. L'encadrement de la procédure de privatisation d'Aéroports de Paris était extrêmement limité dans le projet de loi initial

Le Gouvernement n'avait prévu dans la rédaction initiale de l'article 49 que très peu de dispositions destinées à encadrer et à préciser le déroulement de la privatisation d'Aéroports de Paris , en plus des dispositions générales prévues par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, alors que les difficultés rencontrées lors de la privatisation de l'aéroport de Toulouse avaient montré leur nécessité et qu'un véritable effort avait été consenti pour améliorer l'encadrement législatif des privatisations des aéroports de Nice et de Lyon.

Le nouveau paragraphe V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques se limitait à prévoir que les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie devraient tout d'abord rappeler aux candidats à l'acquisition des actions d'ADP détenues par l'État les obligations de service public qui pèsent sur la société .

Il disposait également qu'ils fixent, en tant que de besoin dans un cahier des charges, les conditions liées à l'acquisition et à la détention des actions , notamment celles relatives à la stabilité de l'actionnariat .

Il précisait enfin que les dispositions qui étaient prévues au paragraphe II du même article 191 pour la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon ne seraient pas applicables à la privatisation d'ADP .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. La commission spéciale a renforcé, à l'initiative du Gouvernement, l'encadrement de la procédure de privatisation d'Aéroports de Paris

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a procédé, à l'initiative du Gouvernement qui avait déposé un amendement dans ce sens, à une réécriture quasi-complète de l'article 49 du projet de loi PACTE afin de prévoir des dispositions d'encadrement de la privatisation d'Aéroports de Paris beaucoup plus complètes et rigoureuses .

L'article 49 vient désormais compléter l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée avec deux paragraphes IV bis et V .

Le paragraphe IV bis reprend la disposition législative qui autorise la privatisation d'Aéroports de Paris. Il dispose que « le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est autorisé ».

Le nouveau paragraphe V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques détaille ensuite de façon beaucoup plus précise les dispositions spécifiques qui vont régir les opérations par lesquelles l'État va transférer au secteur privé la majorité du capital d'ADP , en plus des dispositions générales prévues par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Il précise que celles qui étaient prévues au paragraphe II pour la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon ne seront pas applicables à la privatisation d'ADP.

Les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie devront tout d'abord rappeler aux candidats à l'acquisition des actions d'ADP détenues par l'État les obligations de service public qui pèsent sur la société , énoncées dans la loi et dans son nouveau cahier des charges, dont les dispositions nouvelles sont prévues par l'article 45 du présent projet de loi PACTE.

Les opérations de cession de capital par l'État pourront être réalisées soit sur les marchés financiers soit via un appel d'offres .

Dès lors qu'elles seront réalisées en dehors des procédures des marchés financiers, les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie devront approuver un cahier des charges portant sur cette cession de capital . Un tel document avait également été prévu par la loi lors des privatisations des aéroports de Nice et de Lyon, ainsi qu'il a été rappelé supra .

Ce cahier des charges de cession devra tout d'abord préciser les obligations du ou des cessionnaires relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien , d'attractivité et de développement économique et touristique du pays et de la région Île-de-France , ainsi que de développements des interconnexions de la France avec le reste du monde. Ces dispositions sont proches de celles qui étaient prévues pour Nice et Lyon, même si la mention des « développements des interconnexions de la France avec le reste du monde » atteste du caractère indispensable des aéroports gérés par ADP pour la connectivité de notre pays .

Il devra ensuite définir les obligations du ou des cessionnaires destinées à garantir le développement des aérodromes appartenant à ADP et à optimiser leur impact économique , social et environnemental , en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouvent ces aérodromes.

Il pourra également, si nécessaire, préciser l'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports et la capacité financière suffisante pour garantir la bonne exécution par ADP de l'ensemble de ses obligations dont devront disposer les candidats au rachat des actions de l'État.

Si la condition de capacité financière était déjà prévue lors de la privatisation de l'aéroport de Toulouse, la condition relative à « l'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports » a été ajoutée lors de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon, l'expérience toulousaine ayant révélé les difficultés que pouvait poser l'acquisition d'un exploitant aéroportuaire par un propriétaire dénué d'expérience dans ce domaine .

Les candidats devront donner des garanties sur leur capacité à permettre à la société ADP d'exercer les missions prévues à son cahier des charges , tel qu'il est défini par l'article L. 6323-4 du code des transports dans sa rédaction issue du présent projet de loi PACTE. Cette capacité sera appréciée par les ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie.

Les candidats devront détailler dans leurs offres les modalités selon lesquelles ils s'engagent à satisfaire à ces différentes obligations et préciseront les engagements qu'ils souscrivent pour permettre à ADP d'assurer sur le long terme la bonne exécution de ses obligations de service public , définies tant par la loi que par son cahier des charges.

2. En séance publique, les députés ont autorisé les collectivités territoriales d'ïle-de-France à détenir des actions de la société Aéroports de Paris (ADP)

a) La possibilité pour les collectivités territoriales d'Île-de-France de participer au capital d'Aéroports de Paris (ADP)

En séance publique, les députés ont adopté un amendement présenté par Jean-Louis Bourlanges (Mouvement démocrates et apparentés) et plusieurs de ses collègues visant à autoriser les collectivités territoriales d'Île-de-France , leurs groupements et le département de l'Oise à détenir , par délibération de leur organe délibérant, des actions de la société Aéroports de Paris , alors que les dispositions de l'article 49 n'avaient jusque-là prévu que la possibilité d'un transfert du capital d'ADP vers le secteur privé.

L'acquisition de ces actions peut être réalisée au travers de la prise de participations au capital de sociétés commerciales ayant pour seul objet de détenir des actions de la société Aéroports de Paris (ADP).

Les accords conclus par les collectivités territoriales d'Île-de-France, leurs groupements et le département de l'Oise pour participer ensemble ou avec d'autres personnes publiques ou privées à toute procédure de cession du capital de cette société ne constituent pas des marchés publics au sens de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

b) L'absence d'impact sur les salariés de la privatisation

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicains) et plusieurs de ses collègues, sous-amendé à l'initiative des rapporteurs, visant à préciser que les statuts du personnel de la société Aéroports de Paris ne seront pas affectés par l'opération de privatisation .

IV. La position de votre commission

Si l'encadrement du processus de privatisation d'Aéroports de Paris était très déficient dans la version initiale du projet de loi, les amendements qui ont procédé à la réécriture de l'article 49 à l'Assemblée nationale fournissent désormais beaucoup plus de garanties quant à la prise en compte de la nature spécifique d'Aéroports de Paris , opérateur chargé d'une mission de service public essentielle pour la connectivité de la France.

Si la rédaction actuelle de l'article 49 est donc globalement satisfaisante , votre commission spéciale a adopté plusieurs amendements visant à lever les derniers obstacles à la participation des collectivités territoriales au processus concurrentiel de cession des actions d'ADP détenues par l'État, mais également à renforcer encore la conduite de l'opération de privatisation , si celle-ci se déroule en dehors du cadre des marchés financiers.

1. Aménager les dispositions relatives aux collectivités territoriales pour qu'elles puissent participer à armes égales à l'appel d'offres

Votre rapporteur considère que la volonté exprimée par les collectivités territoriales d'Île-de-France d'entrer au capital d'Aéroports de Paris (ADP) constitue une excellente initiative et qu'elle doit être encouragée .

Pour leur permettre de pouvoir participer à armes égales , au côté de partenaires financiers, au probable appel d'offre auquel donnera lieu la privatisation de la société, il convient toutefois de compléter les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale et qui constituent désormais le I bis du présent article 49.

Certaines règles législatives qui régissent le fonctionnement des collectivités territoriales sont en effet peu adaptées aux circonstances dans lesquelles se déroule un appel d'offre .

En particulier, les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales imposent que les décisions relatives à une prise de participation dans une société soient prises par l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale , ce qui est incompatible avec le déroulement des procédures concurrentielles auxquelles donnent lieu les privatisations d'entreprises publiques, qui requièrent rapidité d'exécution et confidentialité des offres .

Pour remédier à cette difficulté, votre commission spéciale a adopté un amendement COM-471 de son rapporteur qui permet aux assemblées délibérantes de déléguer à leur exécutif la compétence relative à l'acquisition des actions de la société Aéroports de Paris .

L'organe exécutif ne peut agir que dans la limite des crédits inscrits au budget 536 ( * ) et informe l'assemblée délibérante des actes pris dans le cadre de cette délégation à la plus proche séance utile à la fin de l'opération de cession. Il peut subdéléguer ses attributions conformément aux règles qui régissent habituellement les délégations de compétence dans le code des collectivités territoriales.

Votre commission spéciale a également adopté un amendement COM-472 de clarification qui donne explicitement la possibilité aux collectivités territoriales d'Île-de-France d'acquérir des actions d'Aéroports de Paris par l'intermédiaire de plusieurs niveaux de société . La mise en place d'une chaîne de société est en effet un mode habituel de financement de ce type d'opération et d'organisation de partenariats entre investisseurs.

Cet amendement COM-472 n'a pas pour effet de permettre aux collectivités concernées de prendre des participations dans d'autres sociétés qu'Aéroports de Paris . Quel que soit le schéma de détention mis en place, les sociétés spécifiquement constituées par les collectivités ne pourront en aucun cas avoir un autre objet.

2. Prévoir que les candidats à la reprise d'ADP doivent obligatoirement disposer d'une expérience aéroportuaire préalable

La rédaction du c) du 2° du V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques issue du présent article 49 prévoit que les candidats au rachat des participations de l'État au capital d'Aéroports de Paris doivent disposer, « si nécessaire », de l'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports et de la capacité financière suffisante pour garantir la bonne exécution par ADP de l'ensemble de ses missions .

Ces deux critères étaient également prévus lors de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon et visaient à s'assurer que le précédent de la privatisation de l'aéroport de Toulouse, qui avait vu un fonds chinois au financement opaque et dénué de toute expérience aéroportuaire racheter la majorité des parts de l'État, ne se reproduirait pas .

Ces deux conditions n'étaient toutefois pas assorties d'un « si nécessaire » susceptible de les rendre inopérantes . La présence de cette disposition s'explique par l'incertitude qui continue de régner quant à la façon dont l'État cédera tout ou partie de sa participation dans le capital ADP. Il s'agit en particulier de ne pas exiger une expérience aéroportuaire préalable d'actionnaires qui se porteraient acquéreurs de 3 % du capital d'ADP .

Cette réserve n'a toutefois pas lieu d'être en cas de cession du contrôle d'ADP à un acquéreur déterminé .

C'est pourquoi votre commission spéciale a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-473 qui prévoit que la double condition d'expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d'une société exploitant un ou plusieurs aéroports et de capacité financière suffisante pour garantir la bonne exécution par ADP de l'ensemble de ses missions est « impérative en cas de cession du contrôle direct ou indirect d'Aéroports de Paris au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ».

3. Les candidats devront présenter des garanties solides dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres

La rédaction du c) du 2° du V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques issue du présent article 49 prévoit que les candidats au rachat des actions de l'État donnent des garanties sur leur capacité à permettre à la société Aéroports de Paris d'exercer les missions prévues à son cahier des charges .

Votre commission spéciale a prévu via un amendement COM-474 que ces garanties sont données par les candidats « dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres », à l'instar de cet qui avait été prévu à l'occasion des privatisations des aéroports de Nice et de Lyon.

4. Favoriser une stabilité de l'actionnariat

Pour pouvoir bâtir une stratégie industrielle dans la durée, il apparaît souhaitable qu'Aéroports de Paris puisse disposer d'une stabilité de son actionnariat .

Votre commission spéciale a donc adopté un amendement COM-476 de son rapporteur qui prévoit que le cahier des charges de cession d'ADP prévoit les conditions liées à l'acquisition et à la détention des actions, notamment celles relatives à la stabilité de l'actionnariat .

5. La mise en place d'un comité de suivi des engagements

La rédaction du 3° du V de l'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques issue du présent article 49 prévoit que les candidats au rachat des actions de l'État précisent les engagements qu'ils souscrivent pour permettre à Aéroports de Paris (ADP) d'assurer sur le long terme la bonne exécution de ses obligations de service public .

Les cahiers des charges des cessions de Nice et de Lyon avaient prévu la constitution d'un comité de suivi des engagements pris par les repreneurs de ces deux aéroports. Mais ces instances, supposées se réunir une fois par an, n'ont jamais été convoquées .

Pour qu'il n'en aille pas de même dans le cas d'Aéroports de Paris, votre commission spéciale a adopté un amendement COM-475 de son rapporteur qui prévoit que la mise en oeuvre de ces engagements fait l'objet d'un suivi par un comité qui se réunit au moins une fois par an et qui comprend des représentants de l'État , des collectivités territoriales de la région Île-de-France et d'Aéroports de Paris .

Cet amendement va dans le sens de la proposition n° 7 du rapport de la Cour des comptes sur « Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice » 537 ( * ) , qui préconise de « mettre en place les comités de suivi des engagements des acquéreurs , préciser leur composition et modalités de fonctionnement dans les cahiers des charges des cessions futures et confier la responsabilité de leur pilotage au préfet ».

Votre commission a adopté l'article 49 ainsi modifié .

Article 50
(art. L. 6323-1 et L. 6323-7 [nouveau] du code des transports)
Contrôle d'Aéroports de Paris
et dispositions d'entrée en vigueur de la réforme

I. Le droit existant

L'article L. 111-4 du code des juridictions financières prévoit que la Cour des comptes contrôle les entreprises publiques . À ce titre, la Cour dispose actuellement de la faculté de contrôler les comptes d'Aéroports de Paris , société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par l'État en vertu du second alinéa de l'article L. 6323-10 du code des transports.

Par ailleurs, l'article L. 111-11 du même code prévoit également que la Cour des comptes peut contrôler les comptes que les délégataires de service public ont produits aux autorités délégantes .

II. Le dispositif proposé

1. Le maintien d'un contrôle de la Cour des comptes sur Aéroports de Paris

Le premier paragraphe de l'article 50 complète le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code des transports par un nouvel article L. 6323-7 destiné à instaurer un contrôle de la Cour des comptes sur la future société Aéroports de Paris (ADP) privatisée , dans la mesure où l'article L. 111-4 du code des juridictions financières ne lui sera plus applicable puisqu'il concerne uniquement les entreprises publiques.

À cette fin, l'article prévoit qu'ADP est assimilée à un délégataire de service public au sens et pour l'application de l'article L. 111-11 du code des juridictions financières , qui autorise la Cour des comptes à contrôler les comptes que les délégataires de service public ont produit aux autorités délégantes.

Afin de permettre à la Cour des comptes de contrôler ses comptes, la société anonyme ADP, titulaire exclusif pendant 70 ans du droit d'exploiter les plateformes aéroportuaires franciliennes, devra lui fournir tout élément utile à son instruction .

En outre, il est prévu que l'État se voit remettre une copie de tout élément communiqué à ce titre .

2. Dates d'entrée en vigueur des articles relatifs à Aéroports de Paris

Le deuxième paragraphe de l'article 50 fixe les dates d'entrée en vigueur de différentes dispositions relatives à la privatisation d'Aéroports de Paris portées par le projet de loi PACTE.

Il prévoit en particulier que les articles 44 à 48 , ainsi que les dispositions du premier paragraphe du présent article 50 , entrent en vigueur à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris et non au moment de la publication de la loi PACTE.

En outre, il prévoit que le décret en Conseil d'État approuvant le cahier des charges d'Aéroports de Paris, mentionné à l'article 45, ainsi que l e décret déterminant le périmètre régulé pour la fixation des redevances aéroportuaires (système de la « caisse aménagée »), mentionné à l'article 47, entrent également en vigueur à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris .

Enfin, son troisième paragraphe supprime le second alinéa de l'article L. 6323-10 du code des transports qui prévoit que « la majorité de son capital [le capital de la société Aéroports de Paris] est détenue par l'État ».

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

1. En commission spéciale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de ses rapporteurs pour supprimer la phrase prévoyant que l'État se voit remettre une copie de tous les éléments fournis par Aéroports de Paris à la Cour des comptes à l'occasion de ses contrôles.

Ils rappellent en particulier que l'article L. 6323-4 du code des transports prévoit déjà que le cahier des charges d'ADP définit les modalités du contrôle par l'État du respect des obligations incombant à la société au titre de ses missions de service public, notamment par l'accès des agents de l'État aux données comptables et financières de la société .

Ils soulignent également que l'État sera destinataire de nombreux documents comptables et financiers dans le cadre de la fixation annuelle des tarifs des redevances aéroportuaires et pour la négociation des contrats de régulation économique (CRE), qui intervient au maximum tous les cinq ans.

Enfin, l'État sera destinataire des rapports que la Cour des comptes réalisera sur Aéroports de Paris.

La commission spéciale a également adopté à l'initiative de ses rapporteurs un amendement prévoyant que l'article 49 de la loi PACTE, qui prévoit les modalités de privatisation d'ADP entrera en vigueur dès la publication de la loi , et non à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Aéroports de Paris, ce qui aurait rendu les dispositions de cet article inopérantes.

La commission spéciale a enfin adopté un amendement rédactionnel .

2. En séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification .

IV. La position de votre commission

Votre commission spéciale est très favorable à ce que l a Cour des comptes puisse continuer à contrôler les comptes d'Aéroports de Paris , eu égard aux missions de service public qui sont confiées à cette société.

Elle a toutefois adopté un amendement COM-477 qui prévoit directement ce contrôle sans assimiler ADP à un délégataire de service public, ce qu'il n'est pas. Or, cette assimilation était susceptible d'engendrer de la confusion.

Votre commission spéciale a également adopté un amendement COM-478 visant à préciser que les travaux de fixation de la première partie de l'indemnité prévue à l'article 44 et due à ADP pour le retour de ses biens à l'État dans 70 ans puissent être conduits en amont de son changement de régime .

Votre commission a adopté l'article 50 ainsi modifié .

Sous-section 2
La Française des jeux
Article 51 (supprimé)
Autorisation du transfert au secteur privé
de la majorité du capital de La Française des jeux

I. Le droit existant

1. Les jeux d'argent et de hasard en France

a) Un principe général de prohibition assorti de dérogations

Si les jeux d'argent et de hasard s'insèrent dans un périmètre variable en fonction des évolutions de la société et des innovations technologiques, ils réunissent trois caractéristiques essentielles : « l'existence d'une offre ouverte au public , d'un sacrifice financier et l'espérance d'un gain plus ou moins lié au hasard » 538 ( * ) .

La loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries a posé le principe général de prohibition des jeux d'argent et hasard , aujourd'hui inscrit à l'article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure.

Ce principe général fait toutefois l'objet de trois types de dérogations au profit :

- de segments de jeux : les jeux de loterie 539 ( * ) pratiqués en réseau physique (« en dur ») et en ligne, ainsi que le pari hippique 540 ( * ) et le pari sportif en dur 541 ( * ) ;

- de l'exploitation de casinos autorisée par des dispositions des articles L. 321-1 à L. 321-7 du code de la sécurité intérieure pour certains types de communes, seule l'exploitation de casinos en dur étant autorisée ;

- de l'exploitation concurrentielle des jeux d'argent et de hasard en ligne dans les conditions de la loi du 12 mai 2010 542 ( * ) , à savoir les paris sportifs, les paris hippiques et les jeux de cercle en ligne 543 ( * ) .

L'article 3 de la loi du 12 mai 2010 précitée définit les objectifs de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard pour l'ensemble du secteur , en retenant les quatre objectifs suivants :

- la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs ;

- la garantie de l'intégrité, de la fiabilité et de la transparence des opérations de jeu ;

- la prévention des activités frauduleuses ou criminelles, ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

- l'attention au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.

La vente de jeux d'argent et de hasard aux mineurs est interdite en application de l'article 5 de la loi du 12 mai 2010 précitée.

b) Une ouverture partielle du secteur des jeux d'argent et de hasard à la concurrence

La loi du 12 mai 2010 a consacré la coexistence d'un régime de droits exclusifs et d'un régime d'agrément pour les jeux en ligne.

Des objectifs multiples président à l'exercice de ces catégories de jeux sous droits exclusifs : la protection de la santé et de l'ordre public, mais aussi le financement de filières économiques (hippisme, sport 544 ( * ) ).

Les droits exclusifs bénéficient à deux opérateurs :

- la Française des jeux , pour les jeux de loterie en dur et en ligne, ainsi que pour les paris sportifs en dur ;

- le Pari Mutuel urbain , pour les paris hippiques en dur.

En pratique, la loi du 12 mai 2010 participait d'une approche défensive, visant à mettre en conformité le droit national avec les exigences du droit de l'Union européenne (voir encadré ci-après).

L'Union européenne et les jeux d'argent et de hasard

L'activité du secteur des jeux d'argent et de hasard est reconnue comme un service au sens de l'article 57 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), soumis aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de services 545 ( * ) . Cependant, aucune règle de droit dérivé ne porte spécifiquement sur ce domaine, et la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a admis, sous certaines conditions, une application souple des dispositions des traités au titre des particularités du secteur des jeux d'argent et de hasard. Le juge de Luxembourg a ainsi estimé qu' « il revient [aux États membres] d'apprécier, non seulement s'il est nécessaire de restreindre les activités des loteries, mais aussi de les interdire, sous réserve que ces restrictions ne soient pas discriminatoires » 546 ( * ) .

Aussi l'existence d'une gestion sous droits exclusifs n'est-elle pas contraire au droit communautaire , sous réserve que cette exclusivité participe d'un objectif de protection du consommateur et de lutte contre la criminalité 547 ( * ) . De même, il est loisible à un État membre d'interdire certains jeux d'argent et de hasard 548 ( * ) .

Cependant, les mesures nationales restrictives doivent respecter des critères de nécessité et de proportionnalité et s'inscrire dans une politique des jeux cohérente , sous le contrôle du juge communautaire 549 ( * ) .

Le développement des jeux en ligne a renouvelé le contrôle de proportionnalité de la CJUE sur les mesures nationales restrictives. Dans le contentieux « Placanica », le juge de Luxembourg a ainsi rejeté la possibilité de réserver les licences de paris sportifs en Italie à certains types d'opérateurs 550 ( * ) .

De même, l'essor du numérique a conduit la Commission européenne à davantage intervenir dans le secteur des jeux d'argent et de hasard , au nom de l'harmonisation du marché intérieur et de la compétitivité des services numériques.

Après une mise en demeure adressée le 12 octobre 2006, la France a ainsi fait l'objet, avec dix autres États membres, d'un avis motivé de la Commission européenne le 27 juin 2007 considérant que les restrictions imposées par la législation française aux paris sportifs et hippiques n'étaient pas justifiées au regard du principe de libre prestation de services.

L'organisation actuelle du marché des jeux d'argent et de hasard en France ne présente pas de difficultés au regard du droit de l'Union européenne. En 2018, la CJUE a souligné que « l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [...] ne s'oppose pas, en principe, à un système dual d'organisation du marché des jeux de hasard dont certains types de ces jeux relèvent du système du monopole étatique, alors que d'autres relèvent du système des concessions et des autorisations pour l'organisation de jeux de hasard, dès lors que [...] la réglementation restreignant la libre prestation des services poursuit effectivement, de manière cohérente et systématique, les objectifs invoqués par l'État membre concerné » 551 ( * ) .

Source : commission spéciale

c) Une approche segmentée du secteur des jeux d'argent et de hasard

Comme le relève la Cour des comptes dans son enquête sur la régulation des jeux d'argent et de hasard publiée en octobre 2016, « la régulation des jeux d'argent et de hasard s'appuie sur une pluralité d'autorités, chacune intervenant selon un périmètre et des champs d'action et de compétences variables [...]. Cette situation est surtout le résultat de l'histoire, chaque évolution de la politique des jeux se traduisant par une fragmentation un peu plus poussée de la fonction de régulation » 552 ( * ) .

En pratique, la situation actuelle est la suivante :

- les activités de La Française des jeux sous droits exclusifs sont placées sous le contrôle du ministre chargé du budget et exercées par la direction du budget, avec l'appui de la Commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX) ;

- les activités du Pari Mutuel urbain sous droits exclusifs sont placées sous le contrôle conjoint des ministres chargés du budget et de l'agriculture , avec l'appui de la COJEX ;

- les activités des casinos relèvent de la compétence exclusive du ministère de l'Intérieur ;

- les activités des opérateurs de jeux en ligne sont contrôlées par l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) , autorité administrative indépendante créée par la loi du 12 mai 2010 précitée.

Dans ces conditions, la régulation du secteur ne présente pas le même niveau d'approfondissement , dans la mesure où :

- la COJEX est un simple organe consultatif dépourvu de pouvoirs normatif et de sanction et de secrétariat permanent, chargé de donner un avis au ministère de l'action et des comptes publics sur la politique commerciale, de jeu responsable et de prévention du blanchiment de la Française des jeux et du Pari mutuel urbain 553 ( * ) ;

- l'ARJEL est une véritable autorité de régulation, constituée sous forme d'autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs étendus (agrément, contrôle, sanctions allant jusqu'au retrait de l'agrément).

Le tableau ci-après récapitule l'organisation du marché des jeux d'argent et de hasard en vigueur depuis la loi du 12 mai 2010 précitée.

Organisation actuelle du marché des jeux d'argent et de hasard

En dur

En ligne

Jeux de loterie

Monopole de la Française des jeux

Régulation du ministère du budget, avec avis de la COJEX

Paris sportifs

Monopole de la Française des jeux

Régulation du ministère du budget, avec avis de la COJEX

Opérateurs agréés par l'ARJEL

Paris hippiques

Monopole du Pari Mutuel urbain, sous le contrôle des ministères chargés de l'agriculture et du budget, avec avis de la COJEX

Opérateurs agréés par l'ARJEL

Jeux de casino

Autorisation dans certaines communes en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieur, sous le contrôle du ministère de l'intérieur

Opérateurs agréés par l'ARJEL, pour les jeux de cercle uniquement (machines à sous en ligne interdites)

E-sport

Autorisation des compétitions de jeux vidéo donnant lieu à droits d'inscription et à gains, dans les conditions des articles L. 321-9 à L. 321-11 du code de la sécurité intérieure

Prohibition des compétitions en ligne

NB : l'ARJEL désigne l'autorité de régulation des jeux en ligne, la COJEX désigne la commission consultation des jeux et paris sous droits exclusifs.

Source : commission spéciale

Cette situation présente toutefois des lacunes accentuées par l'innovation technologique, qui estompe la distinction entre jeux en dur et en ligne. Une partie des paris sportifs de la Française des jeux est ainsi enregistrée en ligne puis validée en point de vente.

2. La Française des jeux : une société anonyme détenue majoritairement par l'État

a) Héritière de la « Loterie nationale » créée par l'État, la Française des jeux est majoritairement détenue par l'État

En 1933, l'État a créé la « Loterie nationale » afin de formaliser la loterie de l'association des « Gueules cassées » née au lendemain de la Première Guerre mondiale pour venir en aide aux anciens combattants défigurés. Son activité s'est progressivement développée, conduisant l'État à autoriser la création d'un nouveau jeu : le Loto.

C'est dans ce cadre que l'État accompagne la création en 1979 de la Société de la Loterie nationale et du loto national (SLNLN), dont il constitue l'actionnaire majoritaire aux côtés d'associations d'anciens combattants. Cette  société devient ensuite France Loto en 1989, puis la Française des jeux en 1991.

Aujourd'hui, la Française des jeux est constituée sous forme de société anonyme de droit français non cotée, détenue à 72 % par l'État . Le tableau ci-après détaille la composition du capital de l'entreprise.

Le montant du dividende annuel perçu par l'État au titre de sa participation dans l'entreprise et versé au budget général s'établit à 89 millions d'euros en 2017, avec une moyenne de 95,7 millions d'euros pour la période 2014-2017.

Composition du capital de la société anonyme
La Française des jeux au 1 er janvier 2019

Actionnaire

Part du capital détenue

État

72 %

Association « Union des blessés de la face et de la tête »
( Gueules cassées)

9,2 %

Salariés de l'entreprise

5 %

Fédération André-Maginot

4,2 %

Union nationale des diffuseurs de jeux via la Soficoma (société civile)

3 %

Confédération des buralistes de France

2 %

Autres

5,6 %

Source : commission spéciale

La Française des jeux est à la fois un opérateur de jeux et un fournisseur de solutions technologiques à destination d'autres opérateurs de jeux - activité dite de « B to B » pour business to business (ou commerce interentreprise).

En tant qu'opérateur de jeux, La Française des jeux bénéficie du monopole de l'exploitation des jeux de loterie, en dur et en ligne 554 ( * ) , ainsi que des paris sportifs en dur 555 ( * ) , pour une durée illimitée , que l'État peut toutefois dénoncer sous réserve d'un préavis de six mois. Le décret du 9 novembre 1978 556 ( * ) détermine les conditions pratiques de ces droits exclusifs. Elle constitue à ce titre le deuxième opérateur de loterie en Europe , derrière l'opérateur italien Lottomatica .

Par ailleurs, La Française des jeux intervient également sur le secteur concurrentiel des paris sportifs en ligne, activité pour laquelle elle dispose d'un agrément délivré par l'ARJEL.

En 2017, ce sont 15,1 milliards d'euros de mises qui ont été enregistrées par l'entreprise , selon la répartition suivante : 49 % pour les jeux de grattage, 34 % pour les jeux de tirage et 17 % pour les paris sportifs. L'encours des mises a progressé de 17 % par rapport à 2014. Presque l'intégralité des mises (99 %) est issue des activités exercées sous droits exclusifs.

L'entreprise affiche des résultats financiers positifs, avec un résultat net consolidé de 181 millions d'euros en 2017, en hausse de 14 % par rapport à 2015 . Elle emploie 2 200 personnes .

Toutefois, une baisse du nombre de joueurs est observée , selon une tendance structurelle s'établissant à - 20 % entre 1999 et 2017, pour atteindre 26 millions de joueurs en 2017. L'essor des mises correspond donc à une augmentation des sommes jouées par chaque individu.

L'État est doublement représenté au sein du conseil d'administration de l'entreprise, en tant qu'actionnaire et en tant que régulateur. Le conseil d'administration comprend quinze membres, dont :

- un représentant de l'État actionnaire et six membres nommés sur proposition de l'État ;

- deux représentants de l'« Union des blessés de la face et de la tête » ;

- un représentant de la Fédération Maginot ;

- cinq représentants des salariés.

b) La Française des jeux est soumise à un cadre juridique et fiscal spécifique

La réglementation et la régulation

De façon générale, les pouvoirs de police sont assurés par la police spéciale du secteur des jeux, à savoir le Service central des courses et jeux (SCCJ) du ministère de l'Intérieur.

En matière de régulation , les activités de La Française des jeux sur le secteur des paris sportifs en ligne s'inscrivent dans le cadre de la loi du 12 mai 2010 et sont exercées sous le contrôle de l'ARJEL.

Les activités monopolistiques font l'objet d'une régulation spécifique confiée au ministère chargé du budget avec l'appui consultatif de la COJEX.

Ces contrôles sont essentiellement opérés à a priori .

Le premier axe concerne l'offre de jeux de La Française des jeux. Conformément au décret du 9 novembre 1978 précité, son offre doit répondre à trois objectifs :

- assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et veiller à la transparence de leur exploitation ;

- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique, afin de prévenir les risques d'une exploitation des jeux d'argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d'argent ;

- encadrer la consommation des jeux, afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance.

En amont 557 ( * ) , l'exploitation de tout jeu de loterie est soumise à une autorisation préalable du ministre chargé du budget.

La Française des jeux doit transmettre chaque année avant le 30 septembre de l'année n-1 son programme de jeux présentant les conditions de poursuite de l'exploitation des jeux existants et les nouveaux jeux envisagés pour l'année n ; elle doit ensuite rendre compte de l'exécution de ce programme avant le 31 mars de l'année n+1 .

Le ministre chargé du budget peut à tout moment interrompre, à titre temporaire ou définitif, le lancement d'un jeu de loterie ou de pronostic sportif pour des motifs tirés de la sauvegarde de l'ordre public et de l'ordre social.

De même, l'entreprise doit transmettre deux plans d'actions à l'approbation du ministre chargé du budget, relatifs à la prévention du jeu excessif et du jeu des mineurs ainsi qu'à la lutte contre la fraude et le blanchiment.

Le second axe concerne le contrôle des taux de retour aux joueurs 558 ( * ) . L'arrêté du 9 mars 2006 précité détermine pour les jeux de grattage et de tirage le taux de retour joueur ou une fourchette de taux de retour autorisés. Toutefois, en cas de non-respect du taux de retour joueur, aucune sanction explicite n'est prévue.

S'agissant de la distribution , La Française des jeux s'appuie sur un réseau d'environ 30 800 points de vente , essentiellement constitué de buralistes et de distributeurs de presse, répartis sur 11 000 communes . Il s'agit du plus grand réseau de points de vente de proximité en France.

Depuis le 1 er octobre 2017, l'exploitation d'un point de vente est soumise à l'autorisation préalable du ministre de l'intérieur , émise en considération des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé des mineurs. Cette procédure ne s'applique toutefois qu'aux nouveaux détaillants que La Française des jeux envisage d'autoriser à exploiter un poste d'enregistrement : seul le flux des créateurs et repreneurs de points de vente est donc soumis à cette procédure. La durée de l'enquête de moralité conduite par le Service central des courses et jeux, variable selon les régions, peut atteindre plusieurs mois.

S'agissant du contrôle de l'activité de jeux sous droits exclusifs , une part importante est en pratique mise en oeuvre par la Française des jeux elle-même , sous la supervision de la direction du budget, qui y consacre l'équivalent de un à deux équivalents temps plein en moyenne. Dans les faits, le ministère de tutelle ne dispose pas des capacités techniques internes pour contre-expertiser l'information fournie par l'opérateur.

L'article 6 de l'arrêté du 30 avril 2012 précité 559 ( * ) indique à cet effet que l'entreprise « prend les mesures et accomplit les diligences et les contrôles nécessaires à la bonne mise en oeuvre de l'objectif d'assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et de veiller à la transparence de leur exploitation ».

La Française des jeux consacre à cet effet des moyens considérés comme « importants » par la Cour des comptes 560 ( * ) , regroupés au sein de la direction « gestion des risques et sécurité », qui compte 85 personnes en 2018.

La fiscalité

Tous prélèvements confondus, La Française des jeux représente environ 60 % des recettes publiques issues du secteur des jeux d'argent et de hasard, soit environ 3,3 milliards d'euros 561 ( * ) .

Les activités de la Française des jeux exercées sous droits exclusifs font l'objet d'un régime fiscal spécifique.

La loi de finances rectificative pour 2012 du 29 décembre 2012 562 ( * ) détermine les modalités du prélèvement opéré sur les sommes misées par les joueurs dans le cadre des jeux exploités par la Française des jeux sous droits exclusifs. Ce prélèvement, fixé en application d'un arrêté du 9 mars 2006 563 ( * ) , correspond au solde des mises après déduction :

- des impositions de toute nature applicables aux jeux ou à leur organisation (prélèvement fiscal prévu à l'article 302 bis ZH du code général des impôts, prélèvement social prévu à l'article L. 137-21 du code de la sécurité sociale, contribution sociale généralisée en application des articles L. 136-7-1 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale ; contribution pour le remboursement de la dette sociale en vertu de l'article 18 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ; prélèvement au profit du Centre national pour le développement du sport institué par les articles 1609 novovicies et 1609 tricies du code général des impôts et TVA au taux applicable en vertu du 2° de l'article 261 E du code général des impôts) ;

- de la part des mises affectée aux gagnants, fixée par arrêté en fonction des types de jeux proposés (article 2 de l'arrêté précité du 9 mars 2006) ;

- de la part des mises affectée aux fonds de couverture des risques et de commercialisation des jeux et paris, également fixée par arrêté (article 2 de l'arrêté précité du 9 mars 2006) ;

- de la part des mises affectées à la couverture des frais d'organisation et de placement des jeux, elle aussi déterminée par arrêté (article 1 er de l'arrêté précité du 9 mars 2006).

La fraction des mises prélevée par l'État - évaluée sur l'année civile - ne peut être inférieure à 15 %, ni supérieure à 25 %, des sommes misées par les joueurs.

En tout état de cause, comme le concède l'Agence des participations de l'État (APE) 564 ( * ) , le régime fiscal n'est pas adapté à une société privée et doit être profondément revu.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique que « les éventuelles modifications de nature fiscale nécessaires trouveront leur place dans le projet de loi de finances pour 2019 , conformément à la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2017 sur les règles de gouvernance en matière de prélèvements obligatoires qui prévoit que les mesures en matière de prélèvements obligatoires proposées par le Gouvernement doivent par principe figurer dans des lois financières » 565 ( * ) .

En séance publique devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, soulignant la différence entre le montant des dividendes versés par la Française des jeux et les recettes fiscales liées à son activité, affirmait que « les dispositions [fiscales] correspondantes figureront dans le projet de loi de finances pour 2019. Je propose que nous étudiions ensemble, avant et pendant l'examen du projet de loi de finances, les dispositifs qui garantiront que les recettes fiscales de l'État liées à La Française des jeux seront rigoureusement maintenues » 566 ( * ) .

Cependant, aucune disposition relative à la fiscalité des jeux n'a été proposée au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 .

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le projet du Gouvernement n'a pas pu être élaboré dans les temps initialement prévus et « une adaptation sera proposée par amendement dans le cadre de la discussion [du présent projet de loi] au Sénat . Les modifications envisagées font à l'heure actuelle [mi-janvier 2018] l'objet d'un travail de rédaction avec le Conseil d'État, ce qui explique le retard pris par la présentation de ces dispositions » 567 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le présent article prévoit d'autoriser le Gouvernement à transférer au secteur privé la majorité du capital de la société La Française des jeux et organise à cet effet les conditions de ce transfert, en sollicitant une habilitation à légiférer par ordonnance.

Le recours à la loi pour procéder au transfert de la majorité du capital de l'entreprise s'impose en application des dispositions de l'ordonnance du 20 août 2014 568 ( * ) .

1. Autoriser le transfert au secteur privé de La Française des jeux en maintenant ses droits exclusifs

Les I à III du présent article visent à autoriser le Gouvernement à transférer au secteur privé la majorité du capital de La Française des jeux, actuellement détenue par l'État.

a) Attribuer des droits exclusifs à un opérateur et désigner La Française des jeux comme titulaire de ces droits

Les I et II du présent article procèdent à une double opération :

- d'une part, permettre à l'État de confier l'exploitation de certains types de jeux à une personne morale unique ;

- d'autre part, désigner La Française des jeux comme la personne morale unique titulaire de ces droits exclusifs .

Le I du présent article confie à une personne morale unique l'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne, ainsi que les jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution, ce qui correspond aux activités actuellement exercées par La Française des jeux sous droits exclusifs.

Seul le principe général d'un monopole d'exercice de certains jeux est posé par le I ; il est renvoyé à une ordonnance le soin de préciser le périmètre précis de ces droits exclusifs (cf. infra ).

Afin d'assurer la conformité avec le droit de l'Union européenne de cette attribution de droits exclusifs à un opérateur privé, deux précisions sont apportées :

- d'abord, l'exploitation de ces jeux est confiée pour une durée limitée , alors que La Française des jeux dispose actuellement d'un monopole illimité d'exploitation 569 ( * ) dans le temps de ces catégories de jeux ;

- ensuite, la personne morale unique à laquelle l'exploitation est confiée fait l'objet d'un contrôle étroit de l'État , ce qui correspond aux exigences de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour l'attribution de droits exclusifs à un opérateur dans le secteur des jeux d'argent et de hasard 570 ( * ) .

Outre le maintien de l'État au capital de la société, à hauteur d'environ 20 % 571 ( * ) et l'agrément préalable de l'État dès lors que les seuils de détention du capital ou des droits de vote prévus par l'article L. 233-7 du code de commerce seraient franchis (cf. infra ), « les principaux éléments envisageables en vue d'assurer un contrôle étroit de l'État sur la Française des jeux sont la désignation d'un commissaire du Gouvernement, le maintien du principe d'une approbation des statuts de [l'entreprise] par l'État, ainsi que l'agrément de l'État sur la nomination du président-directeur général de [l'entreprise] » 572 ( * ) . Ces éléments ne sont toutefois pas expressément prévus par l'habilitation et demeurent, à ce stade, des possibilités envisagées.

Le II du présent article complète le I en désignant la société La Française des jeux comme la personne morale unique à laquelle l'exploitation des jeux mentionnée au I est confiée.

b) Autoriser le transfert de la majorité du capital de La Française des jeux au secteur privé

Le III du présent article autorise le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux par décret.

Dans la mesure où les modalités entourant ce transfert sont renvoyées à une ordonnance, il est précisé que le décret permettant ce transfert entre en vigueur après l'entrée en vigueur de ladite ordonnance.

Autrement dit, la cession au secteur privé de la majorité du capital de La Française des jeux ne serait effective qu'une fois les dispositions de l'ordonnance entrées en vigueur.

2. Organiser les conditions de ce transfert par voie d'ordonnance

a) Un champ d'habilitation particulièrement large visant à préciser concrètement les modalités de la cession de La Française des jeux

Le IV du présent article propose d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi pour une liste de huit mesures détaillées aux 1 à 8 dudit IV .

Il s'agit de préciser les modalités du transfert au secteur privé de la majorité du capital de La Française des jeux et de procéder aux adaptations qu'il rend nécessaires en permettant au Gouvernement de :

- préciser le champ du monopole et les conditions de son exercice (1 et 2) ;

- définir les relations entre l'État et la personne morale unique détentrice des droits exclusifs , ainsi que ses actionnaires ( 3 et 4 ) ;

- redéfinir, pour l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard , et non uniquement les seuls droits exclusifs mentionnés au I du présent article, les pouvoirs de contrôle et de police administrative de l'État ainsi que les modalités de régulation , d'une part, et de modifier les sanctions administratives et pénales applicables, d'autre part ( 5 et 6 ) ;

- procéder aux adaptations requises pour l'application des dispositions précédentes en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et s'agissant des collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ( 7 ) ;

- procéder aux coordinations rendues nécessaires pour la mise en oeuvre des dispositions résultant des 1 à 7 ( 8 ).

b) Des dispositions essentielles pour la valorisation de La Française des jeux et la sécurité juridique de l'opération

Dans le détail, les éléments essentiels de l'habilitation figurent aux 1 à 6 du IV du présent article et portent sur les dispositions suivantes :

- le 1 vise à préciser le périmètre précis des droits exclusifs dont le principe est prévu au I du présent article ainsi que les contreparties qui en découlent pour la personne morale unique à laquelle l'exploitation de ces droits est confiée ;

- le 2 a pour objet de définir les conditions d'exercice des droits exclusifs, c'est-à-dire le cadre général entourant cet exercice, en particulier la durée limitée d'exercice, sous réserve d'un maximum de 25 ans ;

- le 3 porte sur les conditions d'organisation et d'exploitation des droits exclusifs , à savoir les modalités concrètes de cet exercice, ainsi que sur les modalités du contrôle étroit assuré par l'État sur l'opérateur détenteur de ces droits. Pour matérialiser ce contrôle étroit, deux possibilités sont prévues : soit la conclusion d'une convention liant l'État et l'opérateur, soit la définition par l'État d'un cahier des charges auquel l'opérateur serait soumis ;

- le 4 traite du contrôle exercé par l'État sur la détention par des personnes privées du capital ou des droits de vote de La Française des jeux , afin de définir les modalités de l'agrément requis en cas de franchissement des seuils de détention, conformément aux dispositions de l'article L. 233-7 du code de commerce ;

- le 5 concerne la redéfinition des modalités d'exercice du pouvoir de contrôle et de police administrative de l'État et de régulation de l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard , en particulier les dispositions applicables à l'Autorité de régulation des jeux en line (ARJEL), pour tenir compte du fait que La Française des jeux serait désormais contrôlée par des acteurs privés ;

- le 6 permet de modifier et, éventuellement, de renforcer les sanctions administratives et pénales et de définir de nouvelles sanctions en cas de méconnaissance des règles applicables au secteur des jeux d'argent et de hasard.

Ces dispositions sont essentielles pour la valorisation de la participation de l'État dans La Française des jeux et pour la sécurité juridique de l'opération de transfert.

En effet, la valorisation de la société La Française des jeux dépend essentiellement des droits exclusifs qui lui sont confiés ainsi que des conditions dans lesquelles ces droits sont exercés, tandis que la Cour de justice de l'Union européenne apprécie les conditions dans lesquelles l'État assure un « contrôle étroit » de l'opérateur de jeux d'argent et de hasard détenteur de droits exclusifs.

Il peut d'ailleurs être relevé que, à l'exception des ajouts au texte initial, les modifications adoptées par l'Assemblée nationale (cf. infra ) portent exclusivement sur le périmètre de l'habilitation du IV et non sur les dispositions des I à III du présent article.

Enfin, le dernier alinéa du IV du présent article précise qu'un projet de loi de ratification est déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance qu'il sollicite.

III. Les modifications de l'Assemblée nationale

1. Les modifications adoptées en commission

La commission spéciale a adopté huit amendements , dont quatre amendements de précision rédactionnelle.

a) Préciser l'habilitation pour la redéfinition de la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard

À l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement précisant le champ de l'habilitation du Gouvernement à redéfinir la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard.

Il s'agit d'assurer un contrôle des engagements pris par les opérateurs de jeux et des mesures qu'ils mettent en oeuvre afin d'appliquer les objectifs de la politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard, inscrits à l'article 3 de la loi du 12 mai 2010 573 ( * ) , à savoir :

- la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs ;

- la garantie de l'intégrité, de la fiabilité et de la transparence des opérations de jeu ;

- la prévention des activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

La portée réelle de cette modification est toutefois limitée , dans la mesure où la régulation du secteur doit s'attacher à contrôler le respect des objectifs de la politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard, sans qu'il soit utile de le mentionner expressément.

b) Conditionner le transfert au secteur privé de La Française des jeux au dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance

À l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement visant à subordonner le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux au dépôt préalable du projet de loi de ratification de l'ordonnance faisant l'objet du IV du présent article.

c) Renforcer la protection du consommateur

En premier lieu , à l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement ajoutant un V au présent article afin de plafonner à un montant forfaitaire défini par voie réglementaire les frais de gestion appliqués par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne ainsi que par La Française des jeux en cas de clôture d'un compte joueur .

Selon les indications de la rapporteure en commission, ce montant pourrait être établi à 5 euros par compte.

En pratique, il existe deux cas de clôture de compte joueur :

- la clôture d'un compte provisoire, lorsque le processus de validation du compte - justificatifs et formalités exigés, en particulier pour l'identification du titulaire - n'a pas été conclu ou lorsque le joueur en fait la demande ;

- la clôture d'un compte à la demande de son titulaire, le solde créditeur éventuel étant alors reversé au joueur ou, si ce reversement n'est pas possible - par exemple parce que l'opérateur n'est pas en mesure de vérifier les références du compte de paiement, mis en réserve par l'opérateur pour une durée de six ans au terme de laquelle le solde est reversé à l'État.

Il est précisé qu'aucun autre type de prélèvement ne pourra être effectué par l'opérateur sur les comptes clôturés et dont les avoirs sont mis en réserve.

En second lieu , à l'initiative de notre collègue députée Olga Givernet, et avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, la commission a adopté un amendement visant à introduire une obligation de consultation du fichier des interdits de jeux 574 ( * ) par les exploitants de points de vente de la Française des jeux et du Pari Mutuel urbain pour les opérations de jeux réalisées en point de vente au moyen d'un compte client.

Il est précisé qu'en cas de réponse positive, le compte serait clôturé.

Cet ajout a été entièrement réécrit en séance publique (cf. infra ).

2. Les modifications adoptées en séance publique

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté sept amendements , dont trois amendements de précision rédactionnelle.

a) Préciser le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance

Trois amendements portent sur le périmètre de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement .

Le premier amendement , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Olga Givernet, avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, complète le 1 du IV du présent article afin d'indiquer que l'ordonnance, en précisant le périmètre des droits exclusifs confiés à la personne morale unique, doit proposer une définition juridique des catégories de jeux autorisés dans le cadre des droits exclusifs attribués par l'État.

Cet amendement procède d'un compromis à la suite des débats en commission sur la définition des types de jeux proposés par La Française des jeux : le terme retenu dans le texte initial et maintenu par la commission spéciale vise les « jeux de loterie », catégorie potentiellement plus vaste que l'offre actuelle de La Française des jeux, et non les jeux de tirage et de grattage, catégorie plus restrictive que l'offre actuelle de La Française des jeux 575 ( * ) . La difficulté résulte de l'absence de définition juridique étayée de ces différentes catégories de jeux.

C'est pourquoi, en introduisant une définition juridique des catégories de jeux autorisés dans le cadre des droits exclusifs confiés à La Française des jeux, cet ajout correspond à un double objectif :

- d'une part, assurer une protection pour l'État , afin d'éviter l'apparition future d'une offre de jeux non souhaitée lors de la définition des droits exclusifs ;

- d'autre part, offrir une garantie pour La Française des jeux et ses actionnaires , en protégeant le périmètre des droits exclusifs qui lui seraient ainsi confiés.

Le deuxième amendement , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Max Mathiasin avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, prévoit que les modalités du contrôle étroit faisant l'objet de l'habilitation au 3 du IV du présent article doivent être formalisées dans une convention conclue entre l'État et La Française des jeux ou un cahier des charges élaboré par l'État . Ces deux possibilités n'étaient prévues qu'à titre éventuel dans le texte initial.

Le troisième amendement , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Olga Givernet avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, concerne la redéfinition de la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard prévue au 5 du IV du présent article.

L'amendement initial visait à préciser que l'habilitation à légiférer par ordonnance pour redéfinir la régulation avait pour objectif de mettre en place une autorité unique de surveillance et de régulation présentant des garanties d'indépendance. Il a fait l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement , adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable de la commission, supprimant la mention du caractère unique de l'autorité et précisant que les garanties d'indépendance de l'autorité doivent être adaptées à ses missions.

Il s'ensuit que l'habilitation ne contraint le Gouvernement :

- ni à unifier complètement la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard . En particulier, selon les indications transmises à votre rapporteur, le ministère de l'Intérieur devrait demeurer responsable de la surveillance et de la régulation des casinos 576 ( * ) ;

- ni à accorder le statut d'autorité administrative indépendante à l'éventuelle future autorité de régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard.

b) Ajuster l'obligation de consultation du fichier des interdits de jeux en transférant l'obligation de consultation des distributeurs aux opérateurs de jeux

À l'initiative de notre collègue Martin Leguille-Balloy, avec un double avis favorable du Gouvernement et de la commission, qui a repris l'amendement en séance publique en procédant à trois sous-amendements de précision rédactionnelle acceptés par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement réécrivant intégralement le VI du présent article introduit par la commission.

Il s'agit d'ajuster l'obligation de consultation du fichier des interdits de jeux pour les opérations de jeux réalisées en points de vente au moyen d'un compte client. Cette obligation incombe désormais à La Française des jeux et au Pari Mutuel urbain, et non plus aux exploitants de points de vente , qui devraient s'assurer « périodiquement » que les personnes ne sont pas inscrites au fichier des interdits de jeux.

Il est renvoyé à un arrêté le soin de préciser les modalités d'application de ces dispositions, en particulier la périodicité de la vérification par les opérateurs de l'inscription éventuelle des personnes utilisant leur compte client sur ledit fichier.

IV. La position de votre commission

1. Un projet possible d'un point de vue juridique, mais dont les modalités proposées ne garantissent pas au législateur sa sécurité

De façon préalable, votre rapporteur considère que la cession au secteur privé de la Française des jeux n'est pas contraire aux exigences constitutionnelles 577 ( * ) .

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d'État rappelle qu'il a jugé, dans une décision du 27 octobre 1999, que l'entreprise n'est pas investie d'une mission de service public et ne peut donc pas être regardée comme ayant le caractère d'un service public national. Par ailleurs, il estime que « la Française des jeux, qui ne dispose pas d'une position prépondérante sur le marché des jeux de hasard en France, sur lequel interviennent de nombreux opérateurs (PMU, casinos, opérateurs de jeux en ligne), et exerce une partie de ses activités sur des marchés concurrentiels, ne peut être regardée comme se trouvant en situation effective de monopole de fait » 578 ( * ) . Selon les informations transmises à votre rapporteur, une expertise juridique commandée par l'Agence des participations de l'État avait conclu dans le même sens en novembre 2017.

Par ailleurs, ainsi que cela a été exposé ci-avant ( voir encadré en première partie ), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) autorise l'attribution de droits exclusifs à un opérateur en matière de jeux d'argent et de hasard 579 ( * ) .

Au regard du droit de l'Union européenne, la difficulté essentielle correspond davantage à l'attribution de droits exclusifs sans mise en concurrence préalable.

Pour ce faire, la CJUE exige que l'opérateur soit placé sous « le contrôle étroit de l'État » et que la réglementation nationale l'oblige à limiter les risques de jeu excessif.

Répondant à une question préjudicielle du Conseil d'État, le juge de Luxembourg a ainsi considéré en 2011 qu'« un État membre cherchant à assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs dans le secteur des jeux de hasard peut être fondé à considérer que seul l'octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics est de nature à permettre de maîtriser les risques liés audit secteur et de poursuivre l'objectif de prévention de l'incitation à des dépenses excessives liées aux jeux et de lutte contre l'assuétude au jeu d'une façon suffisamment efficace » 580 ( * ) .

Le Conseil d'État a récemment fait usage de cette réponse préjudicielle pour le cas du PMU, jugeant à partir d'un faisceau d'éléments que le monopole qui lui était confié était conforme au droit de l'Union européenne 581 ( * ) .

Cependant, à ce stade, le présent article ne permet pas au législateur d'apprécier la réalité du « contrôle étroit » qui sera exercé sur La Française des jeux en tant qu'éventuel opérateur privé détenteur de droits exclusifs confiés par l'État sans mise en concurrence préalable.

Certes, le principe est posé par le présent article ; les modalités ne sont toutefois pas précisées dans le coeur du dispositif et il est renvoyé à l'ordonnance le soin de définir les conditions de ce contrôle étroit. Plusieurs éléments, pour certains encore en réflexion, ont été indiqués par le Gouvernement à votre rapporteur.

Dans ces conditions, rien ne permet à votre rapporteur de garantir que le projet du Gouvernement répondra in fine aux exigences du droit de l'Union européenne pour l'attribution de droits exclusifs sans mise en concurrence.

Il doit d'ailleurs être relevé que, si le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, indiquait devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale « [être] en contact avec la Commission européenne et lui avoir demandé, sur la base de la jurisprudence de la Cour [de justice de l'Union européenne], un avis formel » 582 ( * ) , le Gouvernement n'a pour l'instant transmis qu'une lettre d'intention présentant ce projet, qui n'a pas fait l'objet d'une réponse officielle des services de la Commission européenne. Comme l'indique la réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur, « les échanges ont vocation à se poursuivre lorsque les différents projets de texte auront été élaborés » 583 ( * ) .

Contrairement à la représentation nationale, ce n'est donc qu'une fois le projet d'ordonnance effectivement finalisé que la Commission européenne sera susceptible de se prononcer . Votre rapporteur ne peut que souligner le caractère incongru d'une telle situation.

Il en résulte une incertitude quant à la sécurité juridique globale du présent article.

À défaut de contrôle étroit tangible prévu par le présent projet de loi, l'attribution à un opérateur privé de droits exclusifs sans mise en concurrence préalable pourrait être remise en cause ultérieurement par le juge de l'Union européenne. L'incertitude juridique fait peser un risque sur les finances publiques : dans le cas où l'attribution serait remise en cause, les conditions financières de la cession pourraient s'en trouver modifiées.

2. Un chèque en blanc demandé au législateur, un chèque en bois pour les finances publiques ?

Votre rapporteur en conclut que le Gouvernement sollicite du législateur un chèque en blanc .

Alors même que le présent projet de loi a fait l'objet d'un travail préalable de consultation, que sa présentation a été plusieurs fois retardée, et que le travail parlementaire s'est engagé depuis plus de six mois, les conditions de la privation de La Française des jeux ne sont toujours pas arrêtées.

En pratique, seul l'objectif de la cession est clairement arrêté ; la route à suivre demeure en grande partie à tracer.

Confronté à des difficultés à obtenir des réponses précises à ses interrogations sur les projets du Gouvernement, le rapporteur a constaté que ce dernier n'était tout bonnement pas prêt.

Trois considérations, pourtant essentielles, restent encore en suspens :

- le périmètre exact des droits exclusifs confiés à La Française des jeux ;

- la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard ;

- la fiscalité des jeux .

Il en résulte un risque de conflit d'intérêt pour l'État , qui serait alors autorisé à privatiser La Française des jeux et aurait les mains libres pour définir précisément le périmètre des droits exclusifs et la régulation applicable.

Rien ne prémunit le législateur d'un risque d'arbitrage réglementaire favorisant la valorisation de l'entreprise au détriment des impératifs de santé publique.

a) La définition des droits exclusifs confiés à La Française des jeux n'est pas précisée

Comme cela a été souligné ci-avant ( voir la deuxième partie ), le présent article renvoie à une ordonnance le soin de « préciser le périmètre des droits exclusifs [confiés à La Française des jeux], avec une définition juridique des catégories de jeux autorisés ». Seul le principe de l'exercice de droits exclusifs au titre de « l'exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution » est posé par le présent article.

Or, d'un point de vue juridique, le terme de loterie est entendu dans une acception large . L'article L. 322-2 du code de la sécurité intérieure précise ainsi que les loteries sont des opérations dotées de quatre caractéristiques cumulatives : une offre publique, une opération faisant naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, dont le résultat dépend du hasard et pour laquelle un sacrifice financier est exigé de la part des participants.

D'ailleurs, devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a confirmé la volonté du Gouvernement de retenir un champ le plus large possible et faiblement contraignant , indiquant que « l'avantage de ce terme très générique, c'est qu'il permet à La Française des jeux de développer toutes sortes de jeux de hasard nouveaux, y compris en ligne » 584 ( * ) .

Il s'ensuit toutefois un risque car une telle acception pourrait permettre, selon les termes qui seraient in fine retenus dans l'ordonnance, à l'opérateur privé de proposer un périmètre de jeux plus large que ceux actuellement offerts.

Tel est le cas des jeux de casino en ligne, et en particulier des machines à sous virtuelles , offre qui présente un risque élevé d'addiction . De ce point de vue, les propos du ministre de l'économie et des finances en séance publique à l'Assemblée nationale, sont restés incertains. Interrogé sur la possibilité, au terme du dispositif proposé, pour La Française des jeux de développer des machines à sous virtuelles, le ministre s'est contenté de répondre qu'il « [s'engageait] à ce que les machines à sous physiques soient exclues du périmètre du monopole de La Française des jeux » 585 ( * ) .

b) Une régulation à revoir en profondeur

S'agissant de la régulation du secteur, un double constat fait consensus : la régulation actuelle est à la fois obsolète à cadre constant, car établie en silo au gré des dérogations accordées au principe général de prohibition, et inadaptée à une situation dans laquelle la Française des jeux serait majoritairement détenue par des investisseurs privés .

En effet, selon l'expression du président de l'ARJEL Charles Coppolani lors de l'entretien avec votre rapporteur, « il est dans l'ADN de La Française des jeux de pratiquer l'autorégulation ». Dans son enquête précitée sur les jeux d'argent et de hasard, la Cour des comptes considérait ainsi que la direction du budget procédait davantage à la supervision d'une entreprise qui se régulait elle-même.

Cette situation ne pourrait être prolongée une fois l'entreprise cédée au secteur privé pour garantir la conformité du processus avec les exigences du droit de l'Union européenne, mais également au regard des impératifs de santé publique.

Dans ce cadre, le Gouvernement envisage la création d'une autorité unique de régulation du secteur, à l'exception des casinos qui devraient demeurer sous la compétence du ministère de l'intérieur. Une mission conjointe du Conseil d'État et de l'Inspection générale des finances a rendu ses conclusions en septembre 2018 sur l'évolution de la régulation nécessaire dans le cadre de la cession de la Française des jeux.

Toutefois, il n'en est résulté, pour l'instant, aucune traduction concrète et les travaux sur la rédaction de l'ordonnance sont prévus pour le début de l'année 2019, en vue de finaliser un texte avant le printemps 2019. En réponse aux questions de votre rapporteur, l'Agence des participations de l'État se borne à indiquer que « les modalités précises de régulation seront élaborées dans le projet d'ordonnance. Elles seront ainsi discutées avec les parlementaires dans le cadre de la consultation qui sera organisée lors de l'élaboration de l'ordonnance » 586 ( * ) .

Dans ces conditions, le Gouvernement demande au Parlement d'autoriser la cession au secteur privé de La Française des jeux et de lui laisser carte blanche pour revoir la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard.

À cet égard, les indications données par le Gouvernement semblent en partie contradictoires : tout en garantissant que la future autorité sera investie de larges pouvoirs, susceptibles de correspondre à un « contrôle étroit », il évalue à cinq équivalents temps plein (ETP) les moyens supplémentaires par rapport à la structure actuelle de l'ARJEL. Dotée de 55 agents, l'ARJEL exerce aujourd'hui ses compétences sur les seuls jeux en ligne, qui représentent un produit brut des jeux de 8,4 milliards d'euros en 2016, contre 22,2 milliards d'euros pour la Française des jeux et le PMU réunis. De surcroît, le régulateur britannique pris en exemple par le Gouvernement emploie , à titre de comparaison, près de 300 agents 587 ( * ) .

Outre l'autorégulation pratiquée par La Française des jeux, la stratégie de l'entreprise transférée au secteur privé pourrait évoluer .

Une régulation adaptée doit conduire à prendre en compte ce risque, dans la mesure où La Française des jeux a jusqu'ici fait le choix de privilégier un modèle de jeu extensif , basé sur un élargissement du bassin de joueurs récréatifs engageant de petites mises. C'est d'ailleurs ce que souligne le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, dans un courrier adressé à la présidente-directrice générale de la Française des jeux, Stéphane Pallez, le 18 janvier 2018 : cette orientation « s'inscrit dans une perspective de promotion des jeux les moins problématiques et d'élargissement du bassin de joueurs [...] au détriment d'une pratique intensive du jeu ».

Cette stratégie s'appuie sur une distribution en points de vente caractérisée par un fort maillage territorial et la prédominance d'acteurs référents : les buralistes et les distributeurs de presse.

Compte tenu de l'incertitude sur le contenu de la future ordonnance, rien ne garantit le législateur qu'un opérateur privé sera contraint à opérer le même choix . Dans un contexte où le nombre de joueurs de La Française des jeux a diminué de près de 15 % en dix ans , une stratégie intensive pourrait être privilégiée .

Il en résulterait un double écueil :

- des risques accrus de comportements addictifs , au détriment de la santé et de l'ordre publics ;

- une fragilisation des distributeurs et de leur rôle essentiel dans les territoires , puisque dans 60 % des cas, les points de vente de La Française des jeux constituent le dernier commerce implanté dans la commune 588 ( * ) .

c) Une fiscalité obsolète et non ajustée en loi de finances pour 2019 : le spectre d'un chèque en bois pour les finances publiques

L'ensemble des personnes rencontrées par votre rapporteur a souligné l'inadéquation du régime fiscal actuel de La Française des jeux avec son transfert au secteur privé.

Une refonte du régime fiscal applicable constitue donc un préalable indispensable à l'opération de cession, sans laquelle aucun investisseur potentiel ne serait susceptible de s'engager.

Pour autant, aucune disposition de ce type n'est prévue dans la loi de finances pour 2019.

De fait, rappelant que « la cession ne pourra pas intervenir à régime fiscal constant », l'Agence des participations de l'État indique à votre rapporteur que « les modifications envisagées font à l'heure actuelle l'objet d'un travail de rédaction avec le Conseil d'État, ce qui explique le retard pris par la présentation de ces dispositions » 589 ( * ) .

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le Gouvernement envisagerait une refonte globale de la fiscalité des jeux d'argent et de hasard, avec un changement d'assiette des mises au produit brut des jeux - à savoir les mises retranchées des gains des joueurs.

Ces éléments confirment le constat de votre rapporteur de l'impréparation du projet du Gouvernement.

Les incertitudes entourant le régime fiscal futur des jeux sont d'autant plus préjudiciables qu'il s'agit d'une re cette importante pour les finances publiques , évaluée à 5,5 milliards d'euros en 2018 590 ( * ) , dont 60 % pour La Française des jeux. Ce montant représente près du quart des recettes nettes d'impôt sur les sociétés en 2018.

En parallèle, le Gouvernement répond aux critiques de céder une entreprise rentable au secteur privé en soulignant que seules les recettes fiscales importent. Devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, affirmait promptement que « on nous accuse de vendre les bijoux de famille, et de faire perdre de l'argent à l'État. Pardon, mais c'est grotesque ! Ce qui rapporte de l'argent, c'est la fiscalité. Or la fiscalité et donc les recettes resteront strictement les mêmes : l'État continuera à toucher 3 à 3,5 milliards d'euros par an sur les recettes de La Française des jeux. Il perdra certes les dividendes, soit 90 millions d'euros. Mais ce n'est pas ce qui compte, car ce qui compte, ce sont ces milliards d'euros de recettes fiscales. Là-dessus, je ne pense donc pas qu'il y ait de difficultés » 591 ( * ) .

Si le principe d'une refonte de la fiscalité est acquis, rien ne garantit le Législateur que ses modalités préserveront, en dynamique et pour chaque segment de jeux, les recettes fiscales actuelles.

Une difficulté majeure demeure donc, dans la mesure où le régime fiscal n'a guère été précisé entretemps et aucune information n'a été communiquée à votre rapporteur.

3. Assurer l'information étayée du Parlement sur le projet du Gouvernement pour permettre un débat éclairé

Compte tenu de ces lacunes, votre rapporteur considère que les conditions d'un débat éclairé sur la cession de cette entreprise historique ne sont pas réunies à ce stade.

À cet égard, les propos du ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, le 14 janvier dernier selon lequel le temps presse pour opérer ces privatisations afin de financer l'innovation « de rupture » 592 ( * ) doivent être nuancés. En effet, le fonds pour l'innovation et l'industrie, créé par voie réglementaire en janvier 2018, est déjà opérationnel et a déjà reçu près de 210 millions d'euros au titre de 2018 pour soutenir l'innovation 593 ( * ) .

Votre rapporteur tient à délier le récit gouvernemental : les privatisations envisagées ne conditionnent pas la capacité de la France à financer l'innovation.

Il n'y a donc pas d'urgence à procéder à la privatisation de la Française des jeux. Comme le précisait le ministre de l'économie et des finances lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2017 visant à créer une majoration exceptionnelle d'impôt sur les sociétés pour apurer le contentieux de la « taxe à 3 % » sur les revenus distribués, « nous devons prendre le temps de garantir la robustesse juridique des dispositifs votés » 594 ( * ) .

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement COM-539 supprimant l'article.

Les trois préalables développés précédemment - périmètre des droits, modalités de régulation et de « contrôle étroit » et régime fiscal des jeux - doivent être précisés à la représentation nationale avant que celle-ci puisse se prononcer sur l'opportunité de transférer l'entreprise au secteur privé.

Alors que l'exigence de compréhension et de transparence des décisions collectives s'impose, il importe que le Gouvernement assure l'information étayée du Parlement.

Votre commission a supprimé l'article 51.

Article 51 bis (supprimé)
(art. 5 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture
à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard)
Renforcement de la prévention du jeu des mineurs

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel qui permet aux détaillants de jeux d'argent et de hasard de disposer d'une base légale pour refuser de vendre à des mineurs des jeux d'argent et de hasard.

Le présent article insère deux alinéas dans l'article 5 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Le premier alinéa réaffirme l'interdiction de vendre ou d'offrir gratuitement à des mineurs des jeux d'argent et de hasard sur les hippodromes et dans les points de vente autorisés à commercialiser des jeux de loterie, des jeux de pronostics sportifs ou des paris sur les courses hippiques proposés au public.

Le second alinéa permet aux personnes physiques qui commercialisent directement les jeux de hasard mentionnés précédemment d'exiger du client qu'il établisse la preuve de sa majorité . Concrètement, elles pourront exiger une pièce d'identité pour contrôler son âge.

II. La position de votre commission

Votre commission partage le souci de l'Assemblée nationale de protéger les mineurs face aux jeux d'argent et de hasard.

Toutefois, la disposition proposée n'a aucun lien, même indirect, avec l'objet du présent projet de loi qui porte sur la croissance et la transformation des entreprises.

En conséquence, votre commission a adopté l' amendement COM-356 supprimant le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 51 bis .

Sous-section 3
ENGIE
Article 52
(art. L. 111-49 et L. 111-68 [abrogé] du code de l'énergie)
Suppression du seuil minimal de détention par l'État du capital d'Engie
et allègement de la contrainte de détention du capital de GRTgaz

I. Le droit en vigueur

Depuis la transformation de Gaz de France en société anonyme en 2004 595 ( * ) , l' obligation de détention par l'État d'une part minimale du capital de l'entreprise 596 ( * ) est passée de « plus de 70 % » en 2004 à « plus du tiers » en 2006 - ce qui permettait sa privatisation 597 ( * ) - et à « plus de 30 % » en 2013 598 ( * ) (art. L. 111-68 du code de l'énergie).

Depuis la loi du 29 mars 2014 599 ( * ) , ce seuil doit être respecté en capital ou en droits de vote et peut être temporairement franchi à la baisse à la condition qu'il soit de nouveau respecté dans un délai de deux ans.

De fait, entre septembre 2017 et avril 2018, l'État ne détenait plus que 24,1 % du capital et 28,1 % des droits de vote d'Engie ; grâce aux droits de vote double, la part de l'État dans les droits de vote est remontée, à part du capital inchangée, à 34,8 % à compter du 4 avril 2018. Après la cession de 0,45 % du capital opérée en juillet dernier, l'État contrôle désormais 23,6 % du capital et 34,5 % des droits de vote .

Depuis décembre 2007 600 ( * ) , l'État détient aussi, en application de l'article L. 111-69 du code de l'énergie, une action spécifique qui lui permet de s'opposer à toute décision d'Engie ou de ses filiales de droit français qu'il jugerait contraire aux « intérêts essentiels de la France dans le secteur de l'énergie relatifs à la continuité et à la sécurité d'approvisionnement en énergie » et qui aurait « pour objet, directement ou indirectement, de céder sous quelque forme que ce soit, de transférer l'exploitation, d'affecter à titre de sûreté ou garantie, ou de changer la destination [de certains actifs 601 ( * ) ] ».

Le droit en vigueur (art. L. 111-49 du code de l'énergie) prévoit par ailleurs que le capital de GRTgaz , filiale d'Engie et principal gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel en France 602 ( * ) , ne peut être détenu que par « GDF-Suez, l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public » .

GRTgaz est aujourd'hui détenu à 75 % par Engie et à 25 % par un consortium public composé de CNP assurances, CDC Infrastructure et la Caisse des Dépôts.

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose de supprimer ou d'alléger les contraintes de détention du capital d'Engie et de sa filiale GRTgaz.

Selon le Gouvernement, le droit actuel « présente des inconvénients importants et mérite d'être réformé » 603 ( * ) :

- ces contraintes sont jugées disproportionnées dans la mesure où d'autres dispositifs suffisent déjà à garantir la continuité et la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel : action spécifique détenue par l'État et, plus généralement, régulation du secteur qui s'est encore renforcée, récemment, à l'occasion de la réforme de l'accès aux infrastructures de stockage 604 ( * ) ;

- elles mobilisent inutilement des capitaux que l'État actionnaire pourrait réinvestir ailleurs, en particulier pour financer l'innovation de rupture au travers du fonds pour l'innovation et l'industrie créé début 2018 ; bien qu'aucun calendrier de cession des parts de l'État dans Engie n'ait été annoncé, il est prévu que le produit de cette vente vienne à terme capitaliser ce fonds ; au 30 juin 2018, la participation de l'État dans Engie représentait une valeur de 7,7 milliards d'euros , soit 10 % du portefeuille coté de l'État ;

- enfin, ces contraintes empêchent de fait toute augmentation de capital d'Engie ou de GRTgaz pour financer des projets de développement ou, dans le cas de GRTgaz, nouer des partenariats industriels avec d'autres acteurs européens, dès lors que l'État ne peut ou ne souhaite pas souscrire à ces augmentations de capital.

Concrètement, il est proposé d'abroger l'article L. 111-68 pour supprimer toute obligation de présence minimale de l'État au capital d'Engie (2°) et d' alléger la contrainte de détention du capital de GRTgaz à l'article L. 111-49 (1°), en prévoyant qu'Engie, l'État ou des entreprises et organismes du secteur public devront détenir la majorité, et non plus la totalité, du capital .

Alors que la détention d'une action spécifique permet déjà à l'État de s'opposer à une cession par Engie de sa participation dans GRTgaz, le Gouvernement indique avoir écarté l'option d'une suppression de tout seuil de détention dans GRTgaz en raison des « vives oppositions syndicales et politiques » 605 ( * ) qu'elle pourrait susciter.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En première lecture, les députés ont adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur ne voit pas d'objection à la suppression ou à l'allègement des contraintes de détention du capital d'Engie et de GRTgaz proposées par le présent article, dès lors qu'elles faciliteront le développement de ces entreprises et dans la mesure où la puissance publique dispose d'autres instruments pour assurer la continuité et la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel.

Il fait toutefois observer que pour que l'État continue à disposer d'une action spécifique au capital d'Engie et puisse, le cas échéant, exercer les droits qui y sont attachés, encore faut-il s'assurer que l'État détiendra au moins une action au capital .

En conséquence, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-344 formalisant dans la loi la condition minimale à remplir pour la détention d'une action spécifique , soit la détention d'au moins une action qui puisse lui servir de support. Comme dans le droit actuel, le principe comme les droits attachés à cette action spécifique, dont la nécessité et la proportionnalité doivent pouvoir être réévalués régulièrement, continueront à relever du pouvoir réglementaire.

Votre commission a adopté l'article 52 ainsi modifié .

Article 52 bis A
Déploiement expérimental de réseaux
et d'infrastructures électriques intelligents

I. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en séance publique par un amendement de notre collègue députée Célia de Lavergne (La République en Marche) sous-amendé par les rapporteurs, cet article entend appliquer la logique du « bac à sable réglementaire » 606 ( * ) au déploiement de réseaux et d'infrastructures électriques intelligents (souvent résumés sous le terme de smart grids ).

Concrètement, il s'agit de permettre à des acteurs de l'énergie de tester des produits ou des modèles économiques innovants dans un environnement réel mais en s'exonérant d'un certain nombre de contraintes juridiques , pour lesquelles des dérogations temporaires leur seraient accordées, le tout sous la supervision du régulateur.

Dans son I, l'article fixe le cadre général du dispositif :

- les dérogations seraient accordées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ou par l'autorité administrative 607 ( * ) , chacune dans son domaine de compétence et par décision motivée ;

- elles porteraient sur les conditions d'accès aux réseaux et sur leur utilisation telles qu'elles résultent, comme précisé au II, des titres II (transport et distribution) et IV (accès et raccordement aux réseaux) du livre III (dispositions relatives à l'électricité) du code de l'énergie, et sauf dispositions contraires au plan européen ou d'ordre public au plan national ;

- elles auraient pour objet de « mener à bien un déploiement expérimental de réseaux et d'infrastructures électriques intelligents » ; avant qu'un sous-amendement ne supprime cette précision, il était proposé de viser des « technologies émergentes » définies comme pouvant être commercialisées et dont le niveau d'énergie produit, consommé ou transitant par elles représenterait moins de 0,1 % de la consommation nationale ;

- ces dérogations seraient accordées pour quatre ans maximum et dans les cinq ans suivant l'adoption de la loi, avec une obligation de mise en conformité , à l'issue de l'expérimentation, avec les obligations auxquelles il aurait été dérogé ;

- enfin, le déploiement visé devrait contribuer à l'atteinte des objectifs de la politique énergétique 608 ( * ) et ne pourrait déroger aux principes relatifs au droit d'accès aux réseaux publics .

Le III prévoit une obligation d'information des participants sur le caractère expérimental de l'opération et sur les modalités de mise en conformité à l'issue de l'expérimentation, ainsi que la nécessité de prévoir les « conditions techniques et opérationnelles nécessaires au développement et à la sécurité des réseaux ».

Le IV prévoit qu'à la réception d'une demande de dérogation, la CRE en informe sans délai le ministre chargé de l'énergie et, le cas échéant, le ministre chargé de la consommation qui peuvent s'opposer dans un délai de deux mois à l'octroi de tout ou partie de ces dérogations.

Enfin, le V dispose que la CRE est chargée de rendre compte annuellement de l'avancement des expérimentations et d'en fournir une évaluation à leur issue.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à la mise en place d'un « bac à sable réglementaire » telle que proposée au présent article. Pour répondre aux défis de la transition énergétique, il importe en effet de pouvoir tester des technologies, des services ou des modèles d'affaires innovants dans un cadre réglementaire aux contraintes allégées, à titre expérimental et sous la supervision des pouvoirs publics .

Votre rapporteur observe qu' un tel modèle existe depuis 2017 en Angleterre dans le secteur de l'énergie, sous l'égide du régulateur anglais, l'Ofgem ( Office of Gas and Electricity Markets ), et qu'il a permis à des industriels ou à des start-ups de mener des projets expérimentaux. En France, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) peut aussi, sous certaines conditions, alléger temporairement, et pour une durée maximale de deux ans, les obligations d'un opérateur afin de l'accompagner dans le développement d'une technologie ou d'un service innovants.

De nombreuses expérimentations peuvent d'ores et déjà être envisagées dans le domaine de l'énergie, qu'il s'agisse par exemple d'accélérer le déploiement de réseaux intelligents, de tester des dispositifs de gestion optimisée du stockage de l'électricité, d'accompagner le développement de la mobilité électrique, etc., l'allègement temporaire des contraintes réglementaires devant permettre à la fois de gagner du temps et de réduire le coût des projets .

En outre, l'approbation préalable des projets par la CRE, la possibilité pour les ministres chargés de l'énergie ou de la consommation de s'y opposer, les conditions d'information des participants, la supervision de l'avancement des projets par le régulateur ou la nécessité de prévoir les modalités de mise en conformité à l'issue de l'expérimentation encadrent la mise en oeuvre de ces dispositions de façon satisfaisante .

Votre rapporteur juge enfin que le principe du « bac à sable réglementaire » pourrait utilement être étendu au gaz , par exemple pour mener à bien des expérimentations dans le cadre du développement du biométhane.

Sur la proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté :

- un amendement COM-345 permettant aux acteurs du gaz de demander à bénéficier de ce nouveau cadre ;

- un amendement COM-346 permettant de renouveler une fois les dérogations accordées, pour quatre ans maximum ;

- un amendement COM-349 prévoyant que lorsque les dérogations portent sur les missions des gestionnaires de réseaux, ceux-ci sont associés à l'expérimentation ainsi qu'à son suivi et à son évaluation ;

- enfin, un amendement COM-347 disposant que le suivi et l'évaluation des expérimentations par la Commission de régulation de l'énergie doivent être rendus publics .

Votre commission a adopté l'article 52 bis A ainsi modifié .

Article 52 bis
(Intitulé de la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier,
art. L. 111-48, L. 111-49, L. 111-69, L. 111-70, L. 111-71, L. 121-46
et L. 133-4 du code de l'énergie)
Dénomination d'Engie dans le code de l'énergie

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article introduit en commission par le groupe La République en Marche procède à un toilettage du code de l'énergie pour tenir compte du changement de dénomination sociale de l'entreprise GDF-Suez, devenue Engie depuis le 29 juillet 2015. Il remplace donc, là où c'est nécessaire, les termes « GDF-Suez » ou « Gaz de France » par le terme « Engie ».

II. La position de votre commission

Compte tenu de la modestie de son objet, cet article n'appelle pas d'opposition de principe.

Votre rapporteur ne peut toutefois s'empêcher d'observer son absence de portée juridique - les dispositions en question restaient applicables malgré le changement de nom de l'entreprise - et son effet plus que mesuré sur la croissance et la transformation des entreprises .

Votre commission a adopté l'article 52 bis sans modification .

Article 52 ter
(art. L. 221-7 du code de l'énergie)
Éligibilité aux certificats d'économies d'énergie
des installations classées soumises au marché européen
d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre

I. Le droit en vigueur

Les actions d'économies d'énergie réalisées dans les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises au système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (système dit « ETS » 609 ( * ) ) sont aujourd'hui exclues du bénéfice des certificats d'économies d'énergie (CEE), dans la mesure où le marché de quotas incite déjà leurs exploitants à faire des économies d'énergie .

Le dispositif des CEE impose aux vendeurs d'énergie (les « obligés ») des obligations d'économies d'énergie dont ils peuvent s'acquitter soit en réalisant directement ou indirectement des opérations d'économies d'énergie auprès de leurs clients et des autres consommateurs d'énergie (ménages 610 ( * ) , collectivités territoriales ou professionnels), soit en acquérant des CEE auprès d'acteurs dits « éligibles » qui réalisent eux-mêmes des opérations d'économies d'énergie.

La liste des personnes éligibles à la délivrance de CEE est fixée à l'article L. 221-7 du code de l'énergie : sont visés, outre les obligés eux-mêmes, les collectivités publiques, l'Agence nationale de l'habitat, les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux. Le même article prévoit par ailleurs explicitement que les économies d'énergie réalisées dans les ICPE sous ETS « ne donnent pas lieu à délivrance de certificats d'économies d'énergie ».

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en commission par un amendement du groupe La République en Marche, cet article entend revenir sur cette exclusion en permettant la délivrance de CEE pour les actions d'économies d'énergie réalisées dans les ICPE soumises au marché ETS . Il est ainsi proposé de modifier l'article L. 221-7 pour ajouter ces actions à la liste des opérations éligibles et supprimer leur exclusion explicite.

Selon les auteurs de l'amendement, qui rappellent que les ICPE sous ETS représentent environ 10 % de la consommation énergétique nationale, la mesure est justifiée par la nécessité de mener « des actions renforcées [pour atteindre] les objectifs ambitieux de réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre ». Il est aussi précisé que d'autres États membres appliqueraient déjà cette règle pour des dispositifs équivalents.

Enfin, il est prévu qu' un décret fixe les catégories d'installations concernées et les conditions et modalités de délivrance de ces CEE 611 ( * ) afin de « ne déséquilibrer ni le dispositif des CEE ni le système des quotas d'émission de gaz à effet de serre, et en évitant les effets d'aubaine ».

III. La position de votre commission

Sur le fond, votre rapporteur observe que l'objectif de la mesure est louable : en ouvrant le bénéfice des CEE aux actions d'économies d'énergie réalisées dans les ICPE sous ETS, cet article permettra de disposer d'un nouveau gisement très significatif d'actions d'économies d'énergies éligibles aux CEE. Elle sera bénéfique à la fois pour les exploitants , qui pourront financer une partie de leurs actions d'efficacité énergétique par ce biais, et pour les obligés eux-mêmes , dans un contexte de croissance continue des volumes d'obligations à réaliser d'une période des CEE à l'autre qui nécessite d'aller chercher de nouveaux gisements. Ce cumul est autorisé par le droit européen et déjà mis en oeuvre dans d'autres pays européens, les exemples de l'Italie et du Luxembourg étant cités.

Il importera toutefois que le décret d'application soit bien calibré pour éviter de déstabiliser l'un ou l'autre des deux systèmes - qui globalement fonctionnent bien, malgré parfois quelques insuffisances 612 ( * ) - et se prémunir de tout effet d'aubaine qui reviendrait à payer deux fois la même économie d'énergie, le coût des CEE et des quotas carbone étant d'une façon ou d'une autre répercuté dans le prix final payé par le consommateur, sachant que les entreprises ou sites électro-intensifs qui mettent en oeuvre une politique de performance énergétique bénéficient déjà d'un autre type de soutien, sous la forme d'une réduction du tarif d'utilisation du réseau.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le Gouvernement prévoit bien d'expérimenter une ouverture encadrée et progressive des CEE aux ICPE sous ETS : il est en particulier envisagé, à ce stade, de ne viser que des opérations spécifiques, réalisées dans des entreprises certifiées ISO 50001, en installant des équipements de mesure pour s'assurer de la réalité des économies d'énergie obtenues, et de limiter cette ouverture aux seuls secteurs éligibles à l'affectation de quotas à titre gratuit , ce qui exclurait le secteur de la production d'électricité et éviterait donc de déstabiliser le marché ETS, où ce secteur est très actif.

Sur la forme, votre rapporteur estime que le présent article n'est pas sans lien avec l'objet du présent projet de loi : l'éligibilité des ICPE sous ETS aux CEE comporte une forte dimension industrielle dès lors qu'elle contribue à l'amélioration de leur efficacité énergétique et donc de leur compétitivité. Il ne s'agit pas, ici, de revenir sur l'économie générale des CEE, qui relèverait davantage d'un texte spécifiquement dédié aux problématiques énergétiques, mais seulement d'élargir la liste des actions éligibles à un secteur économique particulier, dans un objectif de croissance et de transformation des entreprises .

Votre commission a adopté l'article 52 ter sans modification .

Article 52 quater
(art. L. 515-48 [nouveau] du code de l'environnement)
Possibilité d'adapter les règles du code de l'environnement
pour simplifier la constitution et le fonctionnement
de plateformes industrielles

I. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en commission par un amendement de notre collègue député Damien Adam (La République en Marche) sous-amendé par les rapporteurs, cet article entend permettre d' adapter les dispositions « réglementaires » - au sens des dispositions non législatives - du code de l'environnement à la situation des installations présentes sur une plateforme industrielle .

Pour ce faire, il est proposé d'ajouter au chapitre du code de l'environnement consacré aux dispositions particulières à certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) une nouvelle section composée d'un article unique L. 515-48 qui :

- pose un principe général d'adaptation possible des dispositions réglementaires du code ; l'exposé des motifs de l'amendement précise que « ces adaptations ne devraient pas conduire à remettre en cause le niveau des exigences en matière de prévention des risques et des pollutions et de protection de l'environnement, ni les principes de responsabilité résultant du code de l'environnement » ;

- propose une définition des plateformes industrielles , soit « le regroupement d'installations, sur un territoire délimité et homogène, conduisant, par la similarité ou la complémentarité des activités de ces installations, à la mutualisation de la gestion de certains des biens et des services qui leur sont nécessaires », la liste des plateformes devant être fixée par arrêté du ministre chargé des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

L'objectif consiste, selon l'auteur de l'amendement, à « simplifier la vie des entreprises » et à « créer un statut incitatif et favorable » à ces plateformes pour tenir compte de la mise en commun de certains moyens (traitement des effluents, production des utilités telles que l'électricité, l'eau, la vapeur ou les gaz industriels, etc .).

En traitant isolément le cas de chaque entreprise, la réglementation actuelle conduirait à « des coûts et des lourdeurs » qui remettent en cause le bénéfice attendu de la mutualisation, y compris sur le plan environnemental : sont ainsi cités la possibilité de valoriser des sous-produits d'une activité au sein d'autres unités industrielles présentes sur la plateforme ou la limitation du transit, souvent routier, de coproduits parfois dangereux, de nature à réduire les risques pour l'environnement.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable, sur le principe , à la possibilité d'adapter les dispositions réglementaires du code de l'environnement aux particularités d'installations regroupées sur des plateformes, qui sont effectivement placées dans une situation spécifique du point de vue de la prévention des pollutions et des risques.

Il a par ailleurs reçu du Gouvernement l'assurance qu'il s'agirait bien d' adapter ces règles à des situations particulières, et non de procéder à proprement parler à des dérogations ou à des assouplissements . Il est en particulier bien exclu que les rejets polluants puissent être globalisés au niveau d'une plateforme, ce qui reviendrait à créer des « droits à polluer indifférenciés » : si certaines responsabilités pourront être mutualisées - plan d'urgence coordonné, station commune de traitement des effluents, etc. -, les rejets de chaque installation seront toujours contrôlés individuellement.

Si l'adaptation de dispositions réglementaires ne relève pas, par définition, de la loi, la présente disposition législative s'avère toutefois nécessaire pour asseoir et unifier le concept de plateforme, et assurer ainsi une application cohérente et homogène des adaptations sur l'ensemble du territoire.

Votre rapporteur a seulement proposé à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-348 de portée uniquement rédactionnelle , qui consiste à définir la notion de plateforme industrielle avant de poser le principe d'une adaptation possible des règles applicables aux installations qui s'y regroupent.

Votre commission a adopté l'article 52 quater ainsi modifié .

Article 52 quinquies
(art. L. 221-5, L. 221-7 et L. 221-27 du code monétaire et financier)
Fléchage du livret A vers le financement de la transition énergétique
et la réduction de l'empreinte climatique

I. Le droit existant

1. L'épargne réglementée

L'épargne réglementée désigne des produits se caractérisant par une disponibilité permanente et une rémunération non soumise à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux 613 ( * ) .

Il existe essentiellement deux produits majeurs :

- le livret A , issu du livret de caisse d'épargne créé en 1818, qui constitue un des premiers produits d'épargne à grande échelle. Réservé à certains réseaux historiques 614 ( * ) , le livret A est distribuable dans l'ensemble des établissements bancaires depuis le 1 er janvier 2009 615 ( * ) (article L. 221-1 du code monétaire et financier) ;

- le livret de développement durable et solidaire (LDDS) , introduit par la loi du 8 juillet 1983 616 ( * ) sous l'appellation de compte pour le développement industriel (Codevi).

Le tableau ci-après détaille les principales caractéristiques de ces deux livrets.

Principales caractéristiques des livrets d'épargne réglementée

Personnes concernées

Plafond

Encours fin 2017

Livret A

Personnes physiques mineures et majeures
(un par personne)
et certaines personnes morales (associations)

22 950 euros (personnes physiques)

76 500 euros (personnes morales)

251,7 milliards d'euros (personnes physiques)

18,8 milliards d'euros (personnes morales)

Livret de développement durable et solidaire

Personnes physiques majeures

12 000 euros

103,9 milliards d'euros

Source : commission spéciale

Les caractéristiques du livret de développement durable et solidaire sont, pour l'essentiel, calquées sur celles du livret A.

Leur taux d'intérêt est fixé par voie réglementaire ; il est de 0,75 % depuis le 1 er août 2015 et devrait être maintenu à ce niveau jusqu'au 31 janvier 2020, conformément à l'arrêté du 27 novembre 2017 617 ( * ) .

L'utilisation des encours collectés sur ces deux produits d'épargne est encadrée par l'article L. 221-5 du code monétaire et financier :

- une partie des sommes collectées est centralisée au fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations afin d'assumer sa mission de financement du logement social et de la politique de la ville. La loi fixe un rapport minimal de 125 % entre le montant des ressources centralisées au fonds d'épargne et le montant des prêts que ce dernier consent au logement social et à la politique de la ville. Défini selon des modalités complexes 618 ( * ) , le taux de centralisation s'élevait à 59,5 % fin 2017 619 ( * ) . Les établissements de crédit perçoivent une rémunération en contrepartie de cette centralisation (article L. 221-6 du code monétaire et financier), fixée à 0,3 % ;

- les sommes non centralisées , conservées au bilan des établissements bancaires, font l'objet de critères d'utilisation, ou « fléchage » , spécifiques introduits lors de l'ouverture à la concurrence du livret A.

2. Les critères d'utilisation des ressources non centralisées

L'article L. 221-5 du code monétaire et financier précise que « les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire et non centralisées [...] sont employées par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, au financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens ainsi qu'au financement des personnes morales relevant de l'article 1 er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. En outre, chaque année, lorsque le montant total des sommes déposées sur les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations augmente, l'établissement de crédit concerné doit consacrer au moins les trois quarts de l'augmentation constatée à l'attribution de nouveaux prêts aux petites et moyennes entreprises . »

Il en résulte un triple fléchage des ressources non centralisées , à destination :

- des petites et moyennes entreprises (PME) ;

- des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens ;

- des personnes morales de l'économie sociale et solidaire .

Les deux premiers fléchages résultent de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 620 ( * ) ; le troisième a été introduit par la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 » 621 ( * ) .

À défaut de mesure d'application, ce nouveau fléchage n'est toutefois pas entré en vigueur.

Le fléchage à destination des PME est encadré par un ratio réglementaire d'emploi, à savoir le montant des prêts de l'établissement de crédit en faveur des PME rapporté à l'encours des ressources collectées au titre de l'épargne réglementée et non centralisées. Ce ratio est fixé à au moins 80 % 622 ( * ) . En pratique, les établissements le satisfont largement, puisque le ratio agrégé pour l'ensemble des établissements s'élève à 218 % en 2017. Il en va de même du ratio d'attribution de nouveaux crédits, fixé à 75 % par l'article L. 221-5 du code monétaire et financier.

S'agissant des travaux d'économie d'énergie, le ratio réglementaire d'emploi des ressources est fixé à 10 %. Cependant, comme le souligne l'observatoire de l'épargne réglementée, « il est impossible de mesurer précisément le financement direct ou indirect des travaux d'économie d'énergie puisque les crédits à l'habitat ancien concernent le plus souvent de façon indifférenciée et fongible plusieurs types de travaux » 623 ( * ) .

Pour apprécier le respect de ces critères, les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire sont soumis à deux obligations complémentaires prévues à l'article L. 221-5 du code monétaire et financier :

- la publication annuelle d'un rapport présentant l'emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées, avant le 31 mars de chaque année ;

- la transmission trimestrielle au ministre chargé de l'économie d'une information écrite sur les concours financiers accordés à l'aide de ces ressources , dont le contenu est précisé par l'arrêté du 4 décembre 2008 précité 624 ( * ) .

Sur la base de ces informations, il revient à l'observatoire de l'épargne réglementée 625 ( * ) , au titre de ses missions de suivi de la généralisation de la distribution du livret A prévue à l'article L. 221-9 du code monétaire et financier, de veiller au respect de ces obligations d'emploi 626 ( * ) .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Bénédicte Peyrol, avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, qui l'a sous-amendé.

Il procède à deux modifications .

Premièrement, il prévoit de modifier le fléchage des ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et solidaire (LDDS) actuellement prévu pour les « travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens », en substituant à cette mention celle de « projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique ».

À cet effet, le a du 1° et le 2° du présent article modifient respectivement les articles L. 221-5 et L. 221-27 du code monétaire et financier relatifs au livret A et au LDDS.

Deuxièmement, il complète le contenu du rapport que les établissements distribuant le livret A et le LDSS doivent, en application du quatrième alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, publier chaque année afin de présenter l'emploi des ressources collectés par ces deux livrets et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations.

Le b du 1° du présent article précise ainsi qu'outre l'emploi de ces ressources, ce rapport doit indiquer leur efficacité et leurs performances au regard des objectifs définis dans la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone en application de l'article L. 221-1 B du code de l'environnement. Contrairement aux obligations actuellement prévues, il ne s'agit pas d'une simple publication de données, mais d'une évaluation de la performance des ressources ainsi consacrées à la transition énergétique.

III. La position de votre commission

1. Un fléchage des ressources non centralisées cohérent avec les particularités de l'épargne réglementée

L'épargne réglementée constitue un produit majeur et populaire de placement financier des ménages français. Parmi les produits de taux 627 ( * ) , l'épargne réglementée présente un encours proche de 970 milliards d'euros à la fin 2017, derrière l'assurance-vie en euros, dont l'encours atteint 1 582 milliards d'euros.

Le traitement fiscal et social spécifique appliqué à l'épargne réglementée s'explique historiquement par la centralisation de l'encours collecté auprès de la Caisse des dépôts et consignations afin de soutenir la construction de logements. Ce modèle traditionnel réservait toutefois la distribution du livret A au réseau historique, ce qui a conduit à sa remise en question par la Commission européenne au regard des exigences communautaires relatives à la concurrence 628 ( * ) .

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 629 ( * ) a généralisé la distribution du livret A à l'ensemble des établissements de crédit. En parallèle de cette extension, il a été décidé que seule une partie des ressources ainsi collectées serait centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Sur une initiative parlementaire, des critères d'utilisation des ressources non centralisées ont toutefois été introduits , en cohérence avec les objectifs de soutien à certaines politiques publiques assignés à ces supports d'épargne.

Les deux objectifs retenus , le soutien aux petites et moyennes entreprises ainsi que les travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens, font l'objet d'un consensus.

Pour autant, le second critère se révèle en pratique trop large pour respecter l'intention initiale du législateur. Comme le relève l'observatoire de l'épargne réglementée, il est impossible de distinguer, parmi des travaux de rénovation, ceux qui permettent d'enregistrer des économies d'énergie.

2. Un recentrage cohérent pour répondre à l'impératif d'accompagnement de nos concitoyens sur la voie de la transition énergétique

Dans cette perspective, votre rapporteur approuve la précision proposée pour le second critère , conduisant à flécher une partie des ressources non centralisées vers le financement de projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique. Il en résultera d'une part une orientation plus directe vers les projets ayant un impact positif sur la transition écologique et d'autre part une meilleure capacité d'évaluer l'impact de ce fléchage.

Cette évolution est cohérente avec le choix initial du critère , opéré dans le contexte particulier des ambitions du Grenelle de l'environnement.

Conjuguée à l'annonce par le ministre de l'économie et des finances relative aux ressources des LDDS centralisées 630 ( * ) , elle constitue un élément de réponse aux importants besoins de financement nécessaires pour accompagner l'économie et la société sur le chemin de la transition énergétique.

Votre rapporteur est convaincu que pour réussir cette mutation fondamentale, il est en effet impératif d'investir dans des projets de recherche, mais également dans des mesures concrètes d'accompagnement de nos concitoyens.

Pour autant, en parallèle du recentrage du critère, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale modifie le cadre en vigueur pour apprécier l'utilisation des ressources non centralisées.

Actuellement, la répartition des rôles est clairement définie par le code monétaire et financier. Les établissements de crédit sont tenus de faire part de leur respect des ratios réglementaires d'utilisation des ressources, de présenter l'emploi qu'elles en font ainsi que de transmettre des données trimestrielles. C'est ensuite à l'observatoire de l'épargne réglementée qu'il revient d'exploiter des éléments pour veiller au respect des obligations d'emploi.

Cet équilibre est bouleversé par le dispositif adopté , dans la mesure où il est demandé aux établissements de crédit eux-mêmes d'apprécier l'efficacité et la performance de l'emploi de ces ressources au regard des objectifs de la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone.

Votre rapporteur estime que cette mission échoit à l'observatoire de l'épargne réglementée , dont les rapports annuels s'attachent à mesurer l'efficacité des obligations d'emploi sur la base des données transmises par les établissements de crédit.

En conséquence, votre commission a adopté l' amendement COM-329 .

Votre commission a adopté l'article 52 quinquies ainsi modifié .

Article 52 sexies
(art. L. 111-47 du code de l'énergie)
Possibilité pour les gestionnaires de réseaux de transport de gaz
de vendre des prestations de recherche et développement

I. Le droit en vigueur

Le 1 er janvier 2018, le principal gestionnaire de réseau de transport de gaz naturel en France, GRTgaz, a repris une partie des activités de recherche et développement d'Engie , sa maison-mère, consacrées aux infrastructures gazières, pour créer son propre centre de recherche.

Cette opération d'internalisation partielle a répondu à une demande de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) 631 ( * ) de renforcement de l'indépendance de GRTgaz vis-à-vis d'Engie, consistant à réduire le volume des relations contractuelles avec l'entreprise verticalement intégrée ; les contrats relatifs à l'opération ont ensuite été approuvés par le régulateur 632 ( * ) .

Concrètement, l'opération s'est traduite par le transfert d'une centaine de personnes (docteurs, chercheurs et techniciens) et d'actifs matériels (laboratoires d'analyses de la qualité du gaz notamment) et immatériels (54 innovations et 330 brevets) 633 ( * ) . Baptisé RICE 634 ( * ) , ce nouveau centre travaille principalement sur les questions de sécurité et de performance industrielles ainsi que sur les gaz renouvelables (biométhane ou hydrogène).

Une partie de l'activité transférée est réalisée pour le compte de clients tiers , opérateurs d'infrastructures gazières ou équivalentes, et GRTgaz prévoit de poursuivre cette offre de service.

L'article L. 111-47 du code de l'énergie énumère aujourd'hui limitativement les activités annexes que peuvent exercer les gestionnaires de réseaux de transport de gaz :

- activité directe, en France, de construction et d'exploitation de réseaux de gaz naturel ou d'installations de gaz naturel liquéfié, ou activité de transport de CO 2 et de stockage de gaz ;

- activité indirecte 635 ( * ) , en France, dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen, de construction et d'exploitation des mêmes réseaux ou toute activité de gestion d'un réseau d'électricité et de valorisation des infrastructures ;

- prises de participation dans des bourses d'échange de gaz naturel ;

- enfin, toute activité industrielle, commerciale, financière, civile, mobilière ou immobilière qui se rattache directement à l'une de ces activités, dans ou hors Union européenne.

Même si le champ des activités autorisées est large et inclut bien, de fait, les activités de recherche et développement considérées , y compris lorsqu'elles s'exercent dans le champ concurrentiel, il existerait toutefois un risque d'interprétation divergente susceptible de remettre en cause l'exercice de ces activités par GRTgaz.

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en séance publique par un amendement de notre collègue députée Christine Hennion (La République en Marche), cet article entend sécuriser juridiquement la reprise par GRTgaz d'une partie des activités de recherche d'Engie, y compris lorsqu'elle se traduit par la vente de prestations à des tiers.

Il prévoit ainsi d'ajouter à la liste des activités annexes autorisées aux gestionnaires de réseaux de transport de gaz - donc à GRTgaz mais aussi potentiellement à l'autre transporteur français Teréga, qui opère dans le sud-ouest - « toute activité industrielle, commerciale, financière, civile, mobilière ou immobilière [...] ayant trait aux activités de recherche et développement réalisées directement par les gestionnaires de réseaux qui concourent aux objectifs [de la politique énergétique] ».

III. La position de votre commission

Bien que le droit actuel permette déjà à un gestionnaire de réseau de transport de gaz d'exercer des activités de recherche et développement, votre rapporteur juge que la clarification proposée par le présent article n'est pas inutile .

Il ne doute pas que le régulateur sera vigilant pour éviter toute subvention croisée entre, d'une part, les activités régulées relevant des missions d'un transporteur de gaz, et couvertes en tant que telles par le tarif d'utilisation du réseau, et, d'autre part, celles qui relèvent du domaine concurrentiel.

Sur la forme, le lien même indirect avec le texte initial, dont l'article 52 traite du capital de GRTgaz, peut également être admis.

Votre commission a adopté l'article 52 sexies sans modification .

Sous-section 4
Ressources du fonds pour l'innovation de rupture
Article 53
(art. 1er A, 1er, 2 et 4 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement)
Augmentation du nombre de représentants de l'État
au conseil d'administration de l'établissement public Bpifrance

I. Le droit existant

1. L'établissement public à caractère industriel et commercial Bpifrance

L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Bpifrance a remplacé en 2013 636 ( * ) l'Epic OSEO créé en 2005. C'est à travers cet établissement que l'État détient, à parité avec la Caisse des dépôts et consignations, la société anonyme Bpifrance .

Le schéma ci-après illustre l'organisation et la répartition du capital du groupe Bpifrance.

Structure simplifiée du groupe Bpifrance et de son actionnariat

Source : Cour des comptes, « Bpifrance, une mise en place réussie, un développement à stabiliser,
des perspectives financières à consolider », rapport public thématique, novembre 2016.

L'article 1 er de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement précise que l'EPIC Bpifrance a deux objectifs principaux :

- promouvoir et soutenir l'innovation , ainsi que contribuer au transfert de technologies ;

- favoriser le développement et le financement des petites et moyennes entreprises (PME).

À ce titre, outre son rôle pour porter la participation de l'État dans le capital de Bpifrance SA, l'EPIC Bpifrance exerce deux missions principales :

- il garantit les émissions effectuées par Bpifrance financement ;

- il joue le rôle d'opérateur pour le compte de l'État , dans le cadre de conventions, par exemple au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA).

Pour exercer ces missions, l'article 4 de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée énumère les ressources dont il bénéficie , à savoir :

- le montant des rémunérations qui lui sont versées par ses filiales, les sociétés dont il détient une participation ou toute société dont l'État détient, directement ou indirectement, au moins 50 % du capital, en paiement des prestations et services qu'il assure pour leur compte ;

- les dividendes et autres produits des participations qu'il détient dans ses filiales ou dans les sociétés dans lesquelles il détient une participation ;

- la rémunération des missions qu'il exerce directement en son nom propre ou pour le compte de tiers ;

- des concours financiers de l'État et des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics ;

- tous autres concours financiers .

La gouvernance de l'EPIC Bpifrance est précisée à l'article 2 de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée : il est administré par un conseil d'administration composé d'un président et de cinq représentants de l'État nommés par décret.

Le décret du 18 novembre 2015 637 ( * ) complète ces dispositions en indiquant que les représentants de l'État sont désignés :

- pour deux membres, sur proposition du ministre chargé de l'économie ;

- pour un membre chacun, sur proposition respective des ministres chargés du budget, de l'industrie et de la recherche.

Il en résulte que la composition actuelle du conseil d'administration de l'EPIC Bpifrance comprend un représentant de chacune des entités administratives suivantes : la direction générale du Trésor, l'Agence des participations de l'État, la direction du budget, la direction générale des entreprises et la direction générale de la recherche et de l'innovation.

2. La création du fonds pour l'innovation et l'industrie

Au sein de l'EPIC Bpifrance, il a été créé en janvier 2018 un fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

Ce fonds traduit les annonces du Gouvernement relatives au « fonds pour l'innovation de rupture » abondé par le produit tiré de la cession de participations de l'État dans certaines entreprises 638 ( * ) .

Le fonds pour l'innovation et l'industrie a reçu, au cours du mois de janvier 2018, une dotation hybride :

- une dotation en numéraire d'un montant de 1,6 milliard d'euros 639 ( * ) ;

- un prêt de titres de participation détenus par l'État au sein du capital de la société EDF , représentant 13,3 % du capital, et au sein du capital de la société Thalès 640 ( * ) , soit 25,8 % du capital 641 ( * ) , représentant environ 8,4 milliards d'euros .

L'Agence des participations de l'État (APE) indique toutefois que le prêt de ces titres par l'État est opéré à titre temporaire , dans l'attente du produit de cessions ultérieures de participations, telles qu'envisagées par le présent projet de loi pour Aéroports de Paris et la Française des Jeux.

Les modalités de placement de la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation et l'industrie ont été précisées en août 2018 par arrêté 642 ( * ) . Concrètement, il a été ouvert un compte dans les écritures du Trésor , où seront logées « les dotations non consomptibles que l'État versera à l'établissement public Bpifrance dans le cadre de la constitution du fonds pour l'innovation et l'industrie » (article 2 de l'arrêté du 7 août 2018).

Il est prévu un rendement de 2,5 % par an, avec un mécanisme d'ajustement au 1 er janvier 2023 valable pour le passé et pour l'avenir .

En pratique, le taux d'intérêt annuel du compte sera révisé en fonction du taux de l'OAT à 50 ans. Si ce dernier est inférieur à 2,5 %, la rémunération devra être ajustée pour correspondre aux conditions de marché.

Surtout, la révision s'appliquera également à titre rétroactif puisque l'ajustement tiendra compte « d'un éventuel trop versé durant la période courant des versements intervenus à compter de l'ouverture du compte jusqu'au 31 décembre 2022 » (article 3).

En l'état actuel de ses ressources précisées par l'article 4 de l'ordonnance du 29 juin 2005 643 ( * ) , l'EPIC Bpifrance ne peut toutefois pas percevoir les intérêts tirés du placement de la dotation numéraire auprès du Trésor. Seuls les dividendes tirés des titres de participation prêtés par l'État peuvent être utilisés par le fonds pour l'innovation et l'industrie, pour un montant de 206,5 millions d'euros en 2018.

Les modalités de son soutien sont détaillées dans l'encadré ci-après.

Le soutien du fonds pour l'innovation et l'industrie

Les revenus du Fonds, soit 250 millions d'euros par an, seront employés au financement de l'innovation de rupture. Conformément aux recommandations de la mission sur les aides à l'innovation, deux priorités sont retenues :

- un tiers des crédits, soit 70 millions d'euros par an, sera orienté vers l'écosystème d'innovation des PME et start-up, particulièrement dans le domaine des deep tech (start-up à forte intensité technologique). Ce soutien sera confié à Bpifrance ;

- les deux autres tiers des crédits, soit 160 millions d'euros par an, seront consacrés au financement des grands défis, afin de créer ou d'orienter les filières vers des secteurs à forts enjeux technologiques et sociétaux (intelligence artificielle, mobilité, santé, cyber-sécurité). Le Conseil de l'innovation, instance interministérielle de concertation et de définition des axes stratégiques de la politique en faveur de l'innovation coprésidée par les ministres de l'économie et de la recherche, doit arrêter la liste des grands défis, en s'appuyant sur une consultation des administrations et des acteurs des écosystèmes d'innovation.

Source : commission spéciale

II. Le dispositif proposé

Le présent article propose au législateur de ratifier le dispositif imaginé par le Gouvernement et déjà partiellement mis en oeuvre consistant à transférer le produit tiré de la cession de participations de l'État vers « un fonds pour l'innovation de rupture ».

1. L'extension des recettes de l'EPIC Bpifrance avec effet rétroactif

Si le fonds pour l'innovation et l'industrie, créé depuis le 15 janvier 2018 et placé auprès de l'EPIC Bpifrance, a reçu une dotation hybride en numéraire et en titres, en l'état du droit, il ne peut percevoir le produit financier de cette dotation.

Le II du présent article propose de compléter l'article 4 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement, afin d' ajouter à la liste des ressources de l'EPIC Bpifrance « le produit financier des résultats du placement de ses fonds » (1 du II du présent article). De façon accessoire, il est proposé de préciser la formule générale actuellement inscrite, constituée de « tous autres concours financiers », au profit de « toutes autres recettes autorisées par les lois et règlements ».

Par ailleurs, le III du présent article précise que les intérêts des placements sont calculés à compter de la date de placement des fonds de l'EPIC Bpifrance sur un compte rémunéré . De fait, le compte rémunéré ayant été ouvert par l'arrêté du 7 août 2018, une fois la loi promulguée, l'EPIC Bpifrance pourrait percevoir le produit financier généré depuis cette date, soit 12,3 millions d'euros 644 ( * ) au titre de l'exercice 2018.

2. L'augmentation du nombre de représentants de l'État au conseil d'administration de l'EPIC Bpifrance

Le I du présent article propose de modifier l'article 2 de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée, afin de porter de 5 à 6 le nombre de représentants de l'État au conseil d'administration de l'EPIC Bpifrance. Il est précisé dans l'étude d'impact annexée au présent projet de loi que ce nouveau représentant sera désigné par décret sur proposition du Secrétaire général pour l'investissement.

En pratique, il s'agit d'une mesure de coordination résultant de la création du fonds pour l'innovation et l'industrie , au sein duquel le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) assurera un rôle de coordination et de suivi de l'utilisation des revenus que le présent article propose de lui attribuer.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement de précision rédactionnelle de notre collègue députée Marie Lebec, rapporteure, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Philippe Bolo et plusieurs de ses collègues du groupe Mouvement démocrate (Modem), avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement complétant les missions de Bpifrance en mentionnant explicitement le soutien à la création d'entreprise .

Concrètement, il est proposé de compléter l'article 1 er A et l'article 1 er de l'ordonnance du 29 juin 2005 645 ( * ) , en inscrivant que Bpifrance accompagne et promeut les entreprises dans leur développement « depuis leur création ».

IV. La position de votre commission

Le présent article concrétise la stratégie du Gouvernement proposée par le présent projet de loi consistant à céder des titres de participation dans différentes entreprises 646 ( * ) afin d'abonder un fonds pour l'innovation .

Ce mécanisme fait l'objet d'une rhétorique volontiers moderniste , puisqu'il doit marquer la fin d'une gestion « en bon père de famille [des] actifs de l'État dans un certain nombre d'entreprises » 647 ( * ) au profit d'un soutien à « l'innovation de rupture ». Ce soutien serait assuré par les intérêts tirés de la dotation initiale en numéraire du fonds, à hauteur de 10 milliards d'euros.

Votre rapporteur tient toutefois à distinguer les éléments du récit gouvernemental .

Cette stratégie n'est pas gravée dans le marbre : nul besoin, en effet, de céder des titres de participation pour garantir un soutien à l'innovation . Conformément au principe d'universalité budgétaire, ce soutien peut être opéré directement par crédit budgétaire ; il peut également l'être par un fléchage des dividendes tirés des participations financières de l'État.

Dès lors, si la nécessité de préparer notre pays aux évolutions futures ne semble guère devoir faire l'objet de débats, les modalités du soutien méritent d'être soigneusement examinées.

1. Le choix d'une débudgétisation en réponse à une carence budgétaire

De façon préalable, votre rapporteur rappelle l'origine ancienne du projet de fonds pour l'innovation. Il trouve sa genèse dans la proposition d'un responsable de programme confronté à l'érosion progressive de sa dotation budgétaire.

En effet, le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur « la Banque publique d'investissement Bpifrance » publié en septembre 2015 indique qu'afin « de soutenir l'effort global de la Bpi en faveur de l'innovation, cette dernière a présenté un projet visant à instaurer une fondation dont la dotation budgétaire reposerait sur les dividendes assis sur un portefeuille d'actions actuellement détenues par l'Agence des participations de l'État. Ce système alternatif aurait pour but de compenser la baisse constatée de la dotation budgétaire du programme 192 et ainsi de permettre à la Bpi de verser davantage d'aides individuelles ».

Toutefois, « si les membres de la mission d'information comprennent la démarche de Bpifrance et partagent son inquiétude relative à la baisse de la dotation budgétaire, ils n'adhèrent cependant pas à la création d'une fondation dont le fonctionnement, tel qu'il est actuellement envisagé, conduirait à institutionnaliser un mécanisme de débudgétisation qui n'apparaît conforme ni aux règles de la loi organique relative aux lois de finances ni aux principes de vote et de contrôle du Parlement sur l'ensemble du budget » 648 ( * ) .

Il peut à cet égard être relevé que le soutien prévu du fonds pour l'innovation et l'industrie, s'élevant à 250 millions d'euros par an, correspond au montant moyen de la dotation à Bpifrance portée par le programme 192 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au cours des dix derniers exercices.

Contrairement à la dotation portée par le programme 192, le soutien apporté par le fonds n'associerait nullement le Parlement.

Ce choix s'effectue donc au détriment des prérogatives de la représentation nationale.

2. Un mécanisme opportuniste, opérant une réduction artificielle de l'endettement de l'État

Comme l'a mis en évidence notre collègue Victorin Lurel 649 ( * ) , rapporteur spécial des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », le mécanisme se traduit par une réduction artificielle de l'endettement de l'État.

Selon les indications de Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, « ce fonds servira, pour 10 milliards d'euros, au désendettement de l'État . On me dira que cela ne représente que 0,5 % de l'intégralité de la dette de l'État, mais tout ce qui va dans le sens du désendettement va dans le bon sens [...]. La dette au sens maastrichtien du terme est une dette nette des actifs investis dans des actifs liquides. Les liquidités du fonds viendront donc en déduction de la dette au sens maastrichtien du terme. De manière très concrète, elles vont donc réduire d'autant les besoins de financement de l'État, donc les émissions de dette de l'État . Certes, 0,5 point en moins, c'est modeste, mais c'est nécessaire alors que notre dette atteint pratiquement 100 % de la richesse nationale » 650 ( * ) .

De fait, la réduction de la dette publique à hauteur de 0,5 point de PIB qui résultera des cessions de participations équivaut quasiment à l'infléchissement de la dette publique inscrit d'ici 2020 dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 651 ( * ) .

Encore ce montant agrégé masque-t-il surtout des dynamiques contraires selon les sous-secteurs d'administrations publiques. Le mécanisme proposé par le présent article aurait pour effet de contenir la progression prévue de l'endettement des administrations publiques centrales (APUC), dont le ratio d'endettement augmente entre 2018 et 2020, passant de 78,3 % du PIB à 81,7 % du PIB, soit une hausse de 3,4 points de PIB en trois ans. À défaut du fonds pour l'innovation et l'industrie, ce seraient près de 4 points de PIB de hausse.

3. Préparer l'avenir en compromettant la prochaine mandature

Au-delà de l'effet opportuniste du fonds sur l'endettement de l'État, les modalités même du fonds soulèvent des difficultés .

Ainsi que cela a été précisé ci-avant, son soutien annuel de 250 millions d'euros proviendrait du rendement de sa dotation en numéraire de 10 milliards d'euros.

Toutefois, ce rendement est parfaitement artificiel.

En effet, du point de vue budgétaire, le rendement du fonds sera retracé au titre de la charge de la dette 652 ( * ) . Si, pour reprendre les termes du ministre, il s'agit de « prévoir l'avenir de nos enfants » 653 ( * ) , ces derniers devront in fine en assumer le prix.

Le tableau ci-après récapitule les principales conséquences du présent article sur le budget et l'endettement de l'État.

Présentation simplifiée des conséquences du fonds pour l'innovation et l'industrie pour le budget et l'endettement de l'État

Situation actuelle

Situation proposée

Budget de l'État

Ressources

Dividendes ADP et FDJ versés en numéraire

250 millions d'euros par an en moyenne 2015-2017

Perte des dividendes ADP et FDJ, soit une baisse des recettes non fiscales du budget général de 250 millions d'euros par an (moyenne 2015-2017)

Dépenses

Dotation à Bpifrance portée par le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle »

137 millions d'euros par an en moyenne 2015-2017

Majoration de 250 millions d'euros de la charge de la dette résultant de la rémunération de la dotation en numéraire du FII

Hors budget de l'État

Dépense de 250 millions d'euros par le FII au titre du soutien à l'innovation

Endettement de l'État

Montant X

Montant en diminution, égal à
X - 10 milliards d'euros

Source : commission spéciale

Votre rapporteur conteste en particulier le taux d'intérêt annuel du compte ouvert par l'arrêté du 7 août 2018 précité, fixé à 2,5 % .

Les justifications qui lui ont été transmises par le Gouvernement sont, à ce propos, contradictoires : il est indiqué, d'une part, que ce taux est défini « en observant le taux d'intérêt moyen de ces obligations [à 50 ans] ces dernières années, lequel est proche de 2,5 % » et, d'autre part, que « l'obligation de maturité 50 ans présente actuellement un taux d'intérêt inférieur à 2,5 %, mais les perspectives de remontée des taux laissent envisager une évolution de ce taux vers sa moyenne de long terme » 654 ( * ) .

De fait, deux éléments doivent être relevés :

- la dernière émission d'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 50 ans date du 25 mai 2016, contractée à un taux de 1,75 % ;

- une hausse de 13 % des taux d'OAT à long terme 655 ( * ) peut être observée entre le 25 mai 2016 et la date à laquelle l'arrêté fixant le taux d'intérêt du compte a été publié.

Par construction, ces éléments auraient dû conduire à fixer le taux d'intérêt du compte à 2 % 656 ( * ) . L'Agence France Trésor indique à cet égard que le taux actualisé de l'OAT 50 ans s'établit à 1,9 %.

Un tel taux aurait réduit le soutien à l'innovation apporté par le fonds à 200 millions d'euros par an. Or, lors des premières annonces du Gouvernement, Bruno Le Maire envisageait un montant de cet ordre 657 ( * ) .

En fixant le taux d'intérêt à 2,5 %, le Gouvernement a donc privilégié le court terme, à rebours de ce qu'il déclare poursuivre par ce mécanisme.

En effet, l'article 3 de l'arrêté du 7 août 2018 précité prévoit un mécanisme d'ajustement du rendement du fonds, opportunément activé à partir du 1 er janvier 2023 . Le taux d'intérêt du compte sera alors révisé pour tenir compte des conditions de marché et, à titre rétroactif, la rémunération sera « ajustée pour tenir compte d'un éventuel trop versé durant la période courant des versements intervenus à compter de la signature du présent arrêté jusqu'au 31 décembre 2022 ».

En pratique, si le taux d'intérêt moyen des OAT à 50 ans entre 2018 et 2022 est inférieur à 2,5 %, la rémunération des années suivantes sera amputée en compensation. Le graphique ci-après illustre les conséquences d'un tel mécanisme dans le cas où le taux moyen constaté était équivalent au taux actuel, soit 2 % : en trois ans, le soutien du fonds aurait été indûment majoré de 150 millions d'euros, soit 25 % par an .

Ajustement projeté du soutien effectif
du fonds pour l'innovation et l'industrie en 2023

Note de lecture : l'ajustement est calculé sur la base d'un taux d'intérêt de 2 %, conforme à l'évolution des taux des OAT à 30 ans observée entre la dernière émission d'une OAT à 50 ans le 25 mai 2016 et la publication de l'arrêté du 7 août 2018 précité. Par hypothèse, l'intégralité de l'ajustement est imputé sur le rendement de l'année 2023, les modalités de l'ajustement devant faire l'objet d'une convention conclue entre l'État et Bpifrance (article 3 de l'arrêté précité).

Source : commission spéciale

4. Le nécessaire choix du pragmatisme : concilier intérêts budgétaires et préparation de l'avenir

Compte tenu de ces éléments, votre rapporteur s'est longuement interrogé sur le présent article, en prenant en compte deux considérations :

- d'une part, de façon concrète, le dispositif se limite à l'ajout d'un type de ressources pour l'EPIC Bpifrance et à l'ajustement de la composition de son conseil d'administration. La création du fonds pour l'innovation et l'industrie ainsi que les modalités du placement de sa dotation en numéraire relèvent du domaine réglementaire et sont déjà effectives ;

- d'autre part, si la débudgétisation entourant le mécanisme doit être critiquée, l'innovation doit être soutenue : il y va de la capacité de notre pays à faire face aux évolutions du numérique et à développer de nouveaux relais de croissance.

Dans ces conditions, le fonds pour l'innovation et l'industrie peut constituer un élément de réponse pertinent en ce qu'il aura vocation à soutenir des projets plus risqués que ceux actuellement financés (voir l'encadré ci-avant présentant les deux axes de son action).

Le soutien budgétaire global à l'innovation est estimé à 2,5 milliards d'euros par an selon le rapport sur les aides à l'innovation de mars 2018 établi dans le cadre de la création du fonds 658 ( * ) . En ce sens, le soutien supplémentaire à l'innovation apporté par le fonds, représentant environ 10 % de l'ensemble des soutiens budgétaires préexistants, « ne conduit pas à un changement d'échelle dans les moyens de la politique d'aides directes à l'innovation » 659 ( * ) .

L'objectif essentiel relevé par les auteurs de ce rapport n'est pas tant d'accroître ce soutien que d' « assurer une réelle stabilité dans les soutiens mis en place ».

Telle est d'ailleurs la justification essentielle apportée par le Gouvernement au choix de procéder à la cession de participations financières de l'État dans des entreprises. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, indique ainsi : « on me dit qu'on pourrait prendre les dividendes d'Aéroports de Paris ou d'autres entreprises publiques pour financer le fonds. Je reconnais que la question peut se poser, mais j'affirme que le choix que nous avons fait est sans doute le plus protecteur des intérêts de l'État et des Français parce que nous garantissons la stabilité du rendement à 2,5 %, soit 250 millions d'euros chaque année [...] pour le financement de l'innovation de rupture. Je rappelle que le rendement de ces entreprises publiques n'est pas stable, par définition. [...] Or, en matière de financement des innovations de rupture, nous avons besoin de stabilité » 660 ( * ) .

Néanmoins, cet argument semble bien fragile au regard du pari du Gouvernement s'agissant de la rémunération de la dotation en numéraire du fonds.

Il peut également être répondu au ministre que le montant annuel moyen des dividendes perçus par l'État d'ADP et de la FDJ au cours des dix dernières années s'établit à près de 190 millions d'euros, avec un écart de 25 % maximum à cette moyenne selon les exercices.

Il est tout à fait possible de garantir la stabilité d'un rendement de 250 millions d'euros annuels à partir des dividendes perçus par l'État actionnaire.

Le Gouvernement confirme d'ailleurs cette possibilité par sa décision de doter à titre transitoire le fonds pour l'innovation et l'industrie de participations n'ayant pas vocation à être cédées afin de doter le fonds d'une capacité d'action dès 2018 661 ( * ) .

C'est pourquoi votre rapporteur estime préférable de supprimer, à ce stade, l'extension des recettes de l'EPIC Bpifrance proposée par le présent article et de prolonger la situation actuelle. En conséquence, votre commission a adopté l'amendement COM-540 .

Il pourrait certes être argué que ce mécanisme ne prémunit pas contre l'instabilité éventuelle du dividende tiré des titres prêtés par l'État à l'EPIC Bpifrance.

Une double réponse pourrait toutefois être apportée :

- d'abord, la même difficulté existe s'agissant du mécanisme proposé par le Gouvernement, au risque d'un ajustement brutal à partir de 2023 en fonction des conditions de marché ;

- ensuite, dans le cas où cette solution ne se révèlerait pas satisfaisante à terme, une autre possibilité de capitalisation du fonds, sans procéder à des cessions complémentaires, pourrait être envisagée à l'appui du rapport sur les aides à l'innovation de mars 2018 avec les retours des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Il est ainsi indiqué que « l'État reçoit des différents programmes d'investissements d'avenir engagés des retours des prêts, avances remboursables et investissements en fonds propres consentis. Le rattachement du fonds pour l'innovation et l'industrie au grand plan d'investissement invite à ce que ces retours viennent au fil du temps compléter les 10 milliards d'euros de capital du fonds. [Ils représentent], selon une première estimation, près de 3 milliards d'euros à échéance du quinquennat, et près de 8 milliards d'euros sur les dix prochaines années » 662 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 53 ainsi modifié.

Article 53 bis A (supprimé)
(art. 1er A de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement)
Précision des missions de la Banque publique d'investissement

I. Le droit existant

Le groupe Bpifrance, dont le capital est détenu à parité par l'État, via l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Bpifrance, et la Caisse des dépôts et consignations, est organisé sous forme d'une holding de tête, la société anonyme Bpifrance , qui agit au travers de ses filiales , à savoir :

- un établissement de crédit, Bpifrance financement , en matière de financement en crédit des entreprises ;

- Bpifrance participations et Bpifrance investissement , pour les interventions en fonds propres.

L'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement 663 ( * ) détermine le statut, les missions et l'organisation du groupe.

En particulier, son article 1 er A, reproduit dans l'encadré ci-après, liste les différentes missions et les objectifs du groupe Bpifrance .

Article 1 er A de l'ordonnance du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement

« La Banque publique d'investissement est un groupe public au service du financement et du développement des entreprises , agissant en appui des politiques publiques conduites par l'État et conduites par les régions.

« En vue de soutenir la croissance durable, l'emploi et la compétitivité de l'économie, elle favorise l'innovation, l'amorçage, le développement, l'internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises , en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres.

« Elle oriente en priorité son action vers l'entreprenariat féminin, les très petites entreprises, les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, en particulier celles du secteur industriel et celles du secteur touristique.

« Elle investit de manière avisée pour financer des projets de long terme .

« Elle accompagne la politique industrielle nationale, notamment pour soutenir les stratégies de développement de filières. Elle participe au développement des secteurs d'avenir, de la conversion numérique et de l'économie sociale et solidaire.

« Elle apporte son soutien à la mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique .

« Elle favorise une mobilisation de l'ensemble du système bancaire sur les projets qu'elle soutient.

« Elle mène son action en coopération, en tant que de besoin, avec la Banque européenne d'investissement.

« Elle développe une offre de service et d'accompagnement des entreprises tout au long de leur développement.

« Elle peut stabiliser l'actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l'économie française. »

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue député Pierre-Alain Raphan (LREM) et malgré une double demande de retrait de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit en séance publique un nouvel article visant à préciser les missions de la Banque publique d'investissement .

Le présent article propose de compléter l'article 1 er A de l'ordonnance du 29 juin 2005 afin de préciser que la Banque publique d'investissement « contribue également au développement de l'innovation de rupture , notamment dans les domaines économiques, sociaux et managériaux ».

III. La position de votre commission

Le présent article complète la liste des objectifs du groupe Bpifrance , en ajoutant qu'il contribue au développement de l'innovation de rupture.

Cette mention s'inscrit certes dans le cadre de la création du fonds pour l'innovation et l'industrie, parfois désigné sous le terme de « fonds pour l'innovation de rupture ».

Pour autant, elle n'étend guère le périmètre des objectifs déjà assignés à Bpifrance au sein de l'article 1 er A de l'ordonnance du 29 juin 2005 précitée. En effet, il est indiqué que Bpifrance « favorise l'innovation, l'amorçage, le développement [...] des entreprises » en vue de soutenir la croissance durable et l'emploi, ce qui recouvre donc le rôle que le Gouvernement propose de confier à Bpifrance par la création du fonds pour l'innovation et l'industrie.

Dans ces conditions, la modification envisagée par le présent article est dépourvue de portée et relève davantage d'un bavardage législatif qu'il convient de prévenir. C'est pourquoi votre rapporteur a proposé à la commission spéciale de supprimer cet article ; la commission a adopté l'amendement COM-330 .

Votre commission a supprimé l'article 53 bis A.

Article 53 bis
(art. L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales)
Simplification de l'organisation de Bpifrance

I. Le droit existant

Dans le cadre de leurs compétences en matière économique, les régions peuvent participer au capital de sociétés dans les conditions de l'article L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales.

Cette participation est toutefois strictement encadrée puisqu'elle n'est possible que pour entrer au capital d'un établissement de crédit ou d'une société de financement ayant pour objet exclusif de garantir les concours financiers accordés à des personnes privées, et sous réserve qu'au moins un établissement de crédit ou une société de financement participe également au capital de ladite société.

La participation de la région au capital d'un établissement de crédit ou d'une société de financement vise à lui permettre d'abonder par subvention la constitution d'un fonds de garantie auprès de cette entité, avec laquelle elle passe une convention déterminant l'objet, le montant et le fonctionnement dudit fonds.

En pratique, pour la constitution de fonds régionaux de garantie, les régions ont recours à Bpifrance Régions , dont elles détiennent 0,012 % du capital, le reste étant détenu par Bpifrance financement, établissement de crédit. Bpifrance Régions est administrée par un conseil d'administration, au sein duquel les régions disposent de la moitié des sièges 664 ( * ) .

Chaque région décide de financer un fonds régional de garantie en fonction de ses priorités économiques. Les fonds régionaux de garantie gérés par Bpifrance interviennent systématiquement en complément des fonds nationaux , pour un montant équivalent. Ils permettent ainsi d'augmenter la quotité de prêt garantie jusqu'à 70 %, ce qui facilite l'accès des entreprises au crédit pour les projets à risque élevé.

Bpifrance Régions collecte et gère les ressources que les régions allouent à la garantie de prêts bancaires . Le tableau ci-après détaille les montants d'accord en risque garantis par les régions via ce mécanisme depuis 2013.

Montants de garantie accordés par les régions
via Bpifrance depuis 2013

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

223

246

245

238

301

Source : commission spéciale, à partir des données transmises par Bpifrance.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue députée Marie Lebec, rapporteure, et avec un avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a introduit le présent article.

Il vise à permettre aux régions de confier directement à Bpifrance financement la gestion des fonds de garantie qu'elles constituent.

À cet effet, il modifie l'article L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales afin d' élargir les conditions dans lesquelles une région peut participer à la constitution de fonds de garantie .

Il est ainsi proposé de permettre aux régions de verser des subventions à des fonds de garanties auprès de Bpifrance financement ( 1 du présent article ), établissement de crédit, filiale de la société anonyme Bpifrance, mentionné au IV de l'article 6 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

Les 2 et 3 du présent article procèdent aux coordinations rendues nécessaires par cette extension au sein du même article L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales.

III. La position de la commission

Le présent article procède avant tout à une mesure de simplification de l'architecture du groupe Bpifrance en ouvrant la possibilité juridique aux régions de confier la gestion de leurs fonds de garantie directement à Bpifrance financement.

Votre rapporteur n'y voit pas de difficulté, dans la mesure où :

- d'une part, il ne s'agit que d'une possibilité offerte aux régions , qui pourront toujours recourir à Bpifrance Régions ;

- d'autre part, les régions participent à la gouvernance de Bpifrance , en siégeant à son conseil d'administration, où elles disposent de deux sièges sur les quinze 665 ( * ) .

Consultée par votre rapporteur, l'association représentative des régions, Régions de France, n'a transmis aucune observation face à ce dispositif technique qui pourrait toutefois, à terme, conduire à une extinction de Bpifrance Régions.

Votre commission a adopté l'article 53 bis sans modification .

Article 53 ter
(art. 7 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005
relative à la Banque publique d'investissement)
Modification du conseil d'administration de Bpifrance

I. Le droit existant

Le groupe Bpifrance, dont le capital est détenu à parité par l'État, via l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Bpifrance, et la Caisse des dépôts et consignations, est organisé sous forme d'une holding de tête, la société anonyme Bpifrance , qui agit au travers de ses filiales , à savoir :

- un établissement de crédit, Bpifrance financement , en matière de financement en crédit des entreprises ;

- Bpifrance participations et Bpifrance investissement, pour les interventions en fonds propres.

Les articles 6 à 11 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement 666 ( * ) déterminent les missions, statuts et moyens d'action de la société anonyme Bpifrance.

L'article 7 de l'ordonnance du 29 juin 2005 porte ainsi sur la gouvernance de la société, administrée par un conseil d'administration comprenant quinze membres . La répartition est ainsi fixée :

- huit représentants des actionnaires , dont quatre représentants de l'État nommés par décret et quatre représentants de la Caisse des dépôts et consignations ;

- deux représentants des régions , nommés par décret sur proposition d'une association représentative de l'ensemble des régions ;

- deux personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière économique et financière ainsi que de développement durable, nommées par décret ;

- une personnalité qualifiée choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière, nommée par décret pour exercer les fonctions de directeur général de la société ;

- une femme et un homme représentants des salariés de la société et de ses filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital.

Il est précisé que la nomination des douze personnes , autres que celle assurant les fonctions de directeur général, doit respecter une stricte parité entre femmes et hommes.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet et de plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche et avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté le présent article.

Il propose de modifier l'article 7 de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement 667 ( * ) portant sur la composition du conseil d'administration de la société anonyme Bpifrance afin de procéder à deux évolutions :

- d'une part , préciser que les représentants des actionnaires sont choisis en raison de leur compétence en matière économique et financière , afin de tenir compte des recommandations des superviseurs 668 ( * ) en ce qui concerne l'évaluation des compétences des membres du conseil d'administration de la société ;

- d'autre part, porter de quinze à seize le nombre d'administrateurs, en ajoutant une personnalité qualifiée supplémentaire choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière ainsi que de développement durable, qui serait également nommée par décret.

Par coordination, la règle de parité est modifiée , afin de préciser qu'elle s'apprécie d'une part pour les représentants de l'État, de la Caisse des dépôts et consignations et des régions (10 membres), et d'autre part pour les administrateurs indépendants (4 membres, dont la personne assurant les fonctions de directeur général).

III. La position de votre commission

Le présent article procède à un ajustement de la composition du conseil d'administratio n de la société anonyme Bpifrance, dans un double souci de mieux prendre en compte les exigences des superviseurs et les recommandations en matière de gouvernance des entreprises.

La précision selon laquelle les représentants des actionnaires doivent être choisis en raison de leurs compétences en matière économique et financière est cohérente avec le statut de l'entreprise, constituée sous forme de compagnie financière. En pratique, cette précision ne modifiera guère les désignations effectuées respectivement par l'État et la Caisse des dépôts et consignations, mais elle s'impose pour répondre aux exigences posées par le cadre réglementaire en matière d'évaluation des compétences des membres du conseil d'administration d'établissements financiers 669 ( * ) . Ces exigences n'existaient pas lors de la mise en place de Bpifrance début 2013.

Parallèlement, l'ajout d'un membre au conseil d'administration vise à prendre en compte les recommandations des codes de gouvernance d'entreprises afin de faciliter la constitution des comités spécialisés du conseil d'administration et la représentativité des différents administrateurs en leur sein.

Votre rapporteur prend acte des ajustements proposés.

Votre commission a adopté l'article 53 ter sans modification .

Sous-section 5
Évolution de la gouvernance de La Poste
Article 54
(art. 1er-2, 10, 10-1 [nouveau], 11, 44, 45 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, art. L. 5424-1 et L. 5424-2 du code du travail, art. 34 de la loi n° 26-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire)
Suppression de la contrainte de détention par l'État de la majorité
du capital de La Poste et modification de la composition
de son conseil d'administration

Le présent article a pour objet de supprimer la contrainte de détention par l'État de la majorité du capital de la société anonyme La Poste, tout en prévoyant que l'intégralité de ce capital reste de détention publique ou salariée. La législation relative à la composition du conseil d'administration de la société et de ses filiales, aux personnels, au contrôle économique et financier de l'État, aux dispositions transitoires et à la compétence de la Caisse des dépôts en matière de conventions collectives est adaptée en conséquence.

I. Le droit en vigueur

1. Un cadre juridique spécifique

Le groupe La Poste est une société anonyme , au capital social de 3,8 milliards d'euros, Ses 950 millions d'actions sont détenues par l'État et la Caisse des dépôts et consignations. Né de la réforme de l'administration des Postes et Télécommunications (PTT), le groupe La Poste fait l'objet depuis 1991 d'un encadrement juridique particulier :

la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom avait acté la séparation de La Poste et de France Télécom, créant deux personnes morales de droit public à caractère spécifique. Elle fixe les grandes lignes du statut et de la gouvernance de La Poste ;

• la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales a modifié la loi de 1990 précitée pour transformer La Poste (alors considérée comme un établissement public industriel et commercial) en société anonyme, détenue majoritairement par l'État ;

• l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique fixe des règles communes aux sociétés dont l'État détient une partie du capital et s'applique subsidiairement au groupe La Poste ;

• à titre subsidiaire, les règles de droit commun du code de commerce s'appliquent à La Poste en tant que société anonyme ;

• les statuts du groupe La Poste déclinent les dispositions législatives et précisent les règles de gouvernance.

L'évolution du cadre juridique de la poste

Avant 1991 : une administration publique

Jusqu'à 1991, les services postaux font partie de l'administration publique des Postes et Télécommunications (PTT), rattachée au Ministère des Postes et Télécommunications. Le personnel des PTT a statut de fonctionnaire.

1991 : la transformation en personne morale de droit public, requalifiée en EPIC

Par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, les PTT sont transformés en deux personnes morales de droit public spécifiques, La Poste et France Télécom. Le personnel conserve son statut de fonctionnaire (à l'exception des nouveaux embauchés). En 1998, le Conseil d'État a qualifié La Poste d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).

2010 : la transformation en société anonyme dont l'État est actionnaire majoritaire

La loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales a modifié la loi de 1990 précitée pour transformer La Poste en société anonyme, celle-ci restant toutefois une entreprise publique. À l'initiative du Sénat, il a été prévu que l'État conserve la majorité des actions de la société.

Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché du courrier, la société est faite prestataire du service universel postal pour quinze ans. Les missions de service public de La Poste son réaffirmées, et la loi prévoit des contraintes de présence territoriale et la contractualisation avec l'État.

PJL PACTE : une société anonyme à l'actionnariat public

Le présent projet de loi PACTE prévoit la suppression de la contrainte de détention majoritaire du capital par l'État. Celui-ci devra néanmoins rester intégralement public (détenu par l'État ou la Caisse des dépôts) et salarié.

Source : commission spéciale

2. Des contraintes de détention du capital

L'article 1 er de la loi n°2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (créant un nouvel article 1 er -2 de la loi du 2 juillet 1990 précitée) a soumis le capital du groupe La Poste a des contraintes de détention spécifiques :

- l'État doit être actionnaire majoritaire ;

- les actionnaires salariés de La Poste ne peuvent détenir qu'une part minoritaire (aux termes de l'article 32 de la même loi) ;

- le reste du capital ne peut être détenu que par d'autres personnes morales de droit public.

Depuis 2010, le capital de la Poste est détenu à 73,68 % par l'État, et à 26,32 % par la Caisse des Dépôts et consignations. 670 ( * )

3. Une gouvernance encadrée par la loi

La société La Poste est dirigée par un conseil d'administration (CA) dont la composition et les missions sont encadrés par la loi.

Au titre de l'article 10 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom précitée, dans sa rédaction issue de l'article 39 de l'ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique , le CA de la société anonyme La Poste comprend entre 3 et 21 membres pour un mandat de cinq ans.

Dès lors que le capital n'est pas entièrement détenu par l'État 671 ( * ) , mais également par une autre personne morale de droit public (actuellement la Caisse des Dépôts), le CA doit être composé de :

- un tiers de représentants des salariés élus ;

- deux tiers de représentants nommés par l'assemblée générale des actionnaires . Leur composition doit être représentative de la répartition du capital ;

- un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers peuvent être nommés par décret, réduisant alors le nombre de représentants des actionnaires.

Les représentants des actionnaires doivent détenir ensemble la majorité des droits de vote au CA.

La composition du CA de la société anonyme La Poste est donc dérogatoire au régime général prescrit par l'ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, dans le cas des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation.

Le conseil d'administration de la société anonyme la poste

Dans sa composition actuelle, le CA de La Poste est constitué de 21 membres :

- le président du CA, également Président-directeur général du groupe La Poste, nommé par décret sur proposition du CA ;

- 8 représentants de l'État, actionnaire majoritaire à hauteur de 73,68 % (notamment du ministère de la culture, du Conseil d'État, de la direction du Budget, de l'Agence des Participations de l'État, et du Ministère de l'Économie) ;

- 3 représentants de la Caisse des dépôts et consignations, actionnaire minoritaire à hauteur de 26,32 % (dont son Directeur général) ;

- 2 administrateurs nommés par décret : la présidente de la Fédération des familles rurales de Basse Normandie, et la maire de Morlaix ;

- 7 représentants des salariés, issus de différents cadres et syndicats.

Le conseil d'administration est chargé de définir les orientations stratégiques du groupe. Il arrête également les comptes annuels et semestriels, autorise les opérations de croissance externe et de cession, les programmes d'investissement majeurs, et les conditions de l'intéressement du personnel. Il fonctionne par comités spécialisés. Un commissaire du Gouvernement (actuellement le Directeur général aux entreprises) assiste également à ses réunions.

Source : commission spéciale

4. Un projet de « grand pôle public de bancassurance »

Les activités bancaires, financières et d'assurance du groupe La Poste sont assurées par sa filiale La Banque Postale , créée le 31 décembre 2005. La Banque Postale est désormais l'une des cinq branches du groupe La Poste, aux côtés de la branche Services-Courrier-Colis, de GeoPost, du Réseau La Poste et de la branche Numérique.

La banque postale

À l'impulsion du Sénat, l'article 16 de la loi n°2005-516 du 20 mai 2005, relative à la régulation des activités postales a autorisé la création d'une filiale de la société anonyme La Poste, agréée en tant qu'établissement de crédit, qui se voit transférer toutes ses activités bancaires, financières et d'assurances. La loi a prévu que la majorité de son capital est détenue par La Poste.

Le 31 décembre 2005, La Banque Postale a ainsi été créée par transformation de l'entreprise d'investissement Efiposte, et a reçu la totalité des droits et obligations des services financiers de La Poste. Le capital de la Banque Postale est détenu à 100 % par le groupe La Poste.

La Banque Postale compte plus de 10,8 millions de clients particuliers et 408 000 professionnels, pour près de 182,7 milliards d'encours sous gestion. Elle s'appuie sur les 17 000 points de contact de La Poste implantés dans toute la France. Son résultat net est de 764 millions d'euros en 2017, et La Banque Postale contribue au chiffre d'affaires du groupe à hauteur de 23,4 %. Son capital social est de 4,05 milliards d'euros.

Source : commission spéciale.

Depuis sa création, les activités de La Banque Postale se sont largement diversifiées, puisque la filiale offre désormais trois types de prestations :

- en tant que banque de détail , elle fournit des produits à destination des particulier et es professionnels, ainsi que du secteur public local (livret A, crédits immobiliers, crédits à la consommation, crédits aux entreprises, microcrédits personnels) ;

- dans le secteur de la gestion d'actifs , elle fournit des produits d'épargne et d'investissement ;

- dans le secteur de l'assurance , elle fournit des produits en matière de prévoyance, d'assurance de santé, de dommages, ou encore des produits d'assurance collective.

La Banque Postale a elle-même pris des participations dans d'autres sociétés, certaines détenues à 100% (par exemple La Banque Postale Conseil en Assurances), d'autres partiellement mais également dans des partenaires commerciaux tels que CNP Assurances .

CNP assurances

CNP Assurances est une société anonyme, régie par le code des assurances, issue de la fusion de plusieurs anciennes caisses de prévoyance, d'assurance-vie et de retraite de la Caisse des dépôts et consignations. Elle se spécialise sur la conception et la gestion de contrats d'assurance-vie, d'assurance emprunteur et de prévoyance. CNP Assurance n'ayant pas de réseau de distribution en propre, ses produits sont distribués par ses deux principaux réseaux partenaires, la Caisse d'épargne et La Banque Postale.

Son capital de 686,62 millions d'euros est détenu à 40,8 % par la Caisse des dépôts et consignations, à 36,3 % par une holding de La Banque Postale et du groupe BCPE (Sopassure), à 1,1 % par l'État, et à 21,8 % par d'autres investisseurs institutionnels et individuels. Les performances de CNP Assurances alimentent à hauteur d'un tiers les résultats de la Caisse des dépôts, son principal actionnaire. À l'inverse, CNP Assurances détient également des parts dans des filiales du groupe La Banque Postale (c'est le cas de La Banque Postale Prévoyance).

Source : commission spéciale.

Le 30 août 2018, le Ministre de l'Économie Bruno Le Maire, a annoncé un projet de création d'un « grand pôle financier public au service des territoires » . Selon les communications du Gouvernement, l'opération permettant la constitution de ce pôle public de bancassurance se décomposerait en trois étapes (voir ci-dessous) :

• tout d'abord, l'apport par la Caisse des dépôts et par l'État au groupe La Poste de leurs participations au capital de CNP Assurances (à hauteur de 41,9%). Les fonds propres de La Poste seraient donc augmentés, ce qui modifierait la structure d'actionnariat du groupe en diluant le poids des participations de l'État (la Caisse des dépôts reprendrait par ailleurs les participations de l'Agence des participations de l'État) ;

• ensuite, l'apport par La Poste à sa filiale La Banque Postale des participations dans CNP Assurances ainsi acquises de la Caisse des dépôts et de l'État ;

• au terme de cette opération, la Caisse des dépôts remplacerait donc l'État comme nouvel actionnaire majoritaire du groupe La Poste, tandis que La Banque Postale deviendrait le nouvel actionnaire majoritaire de CNP Assurances.

L'objectif annoncé de ces opérations est, selon les communiqués du groupe La Poste, de renforcer le partenariat commercial existant entre La Poste et CNP Assurances et de soutenir la diversification du groupe . L'augmentation de ses participations au capital de CNP Assurances permettrait en effet à La Banque Postale d'augmenter son poids décisionnel auprès du fabriquant de contrats d'assurance. Le groupe précise toutefois que cette opération sera réalisée « tout en maintenant le modèle ouvert et multipartenarial de CNP Assurances » 672 ( * ) .

Représentation schématique de l'opération envisagée

Source : commission spéciale

II. Le texte du projet de loi

La rédaction initiale de l'article 54 du présent projet de loi ne visait qu'à modifier la taille et la composition du conseil d'administration (CA) du groupe La Poste.

Afin de préciser le régime dérogatoire applicable au CA de La Poste, l'article proposait une rédaction complète de l'article 10 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

Il était proposé de modifier l'encadrement du nombre de membres du conseil, passant de 3 à 21 membres, à 12 à 24 membres. Les modalités précises de la composition du CA exigeraient en effet, selon l'étude d'impact, la présence d'au moins douze membres afin de respecter la représentativité des actionnaires.

Il était précisé que la composition du CA de la Poste est dérogatoire au régime établi par l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, dont les autres dispositions s'appliquent par ailleurs.

La condition « Dès lors qu'une personne morale de droit public, autre que l'État, visée au I de l'article 1 er -2 de la présente loi détient une part du capital de La Poste » était supprimée, puisque la Caisse des dépôts est d'ores et déjà entrée au capital de la société.

Le renvoi à la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 était supprimé, au profit d'un renvoi à l'article 12 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

Enfin, il était prévu que soit nommé parmi les représentants des actionnaires au moins un représentant de l'État, comme il est prévu à l'article 4 de l'ordonnance n° 2014-948 précitée pour toutes les entreprises dans lesquelles l'État détient une participation, aux côtés d'au moins un représentant des communes et de leurs groupements et d'un représentant des usagers, comme cela était déjà prévu par le droit en vigueur.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

1. Une modification d'ampleur en commission : la levée de la contrainte de détention majoritaire par l'État du capital de la société La Poste

L'article 54 du présent projet de loi a été largement modifié lors de l'examen en commission spéciale à l'Assemblée nationale. Par voie d'amendement, le Gouvernement a rédigé de façon globale cet article, afin de modifier les contraintes de détention du capital de la société anonyme La Poste, et de soumettre ses activités de service public au contrôle de l'État. Les compositions des CA de la société et de ses filiales de service public ont également été revues.

La contrainte de détention majoritaire du capital par l'État est levée

Le du présent article modifie les dispositions de l'article 1 er -2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, afin de supprimer l'obligation pour l'État d'être actionnaire majoritaire du groupe La Poste.

Il est toutefois prévu que l'intégralité du capital soit détenue par l'État et la Caisse des dépôts, à l'exception de la part détenue par le personnel de la société. En l'absence d'actionnariat salarié, et si l'État devenait actionnaire minoritaire, cela imposerait donc nécessairement que la Caisse des dépôts détienne plus de 50 % du capital de La Poste.

La rédaction qualifie aussi La Poste de service public national.

Soumission au contrôle économique et financier de l'État

La rédaction de l'article 1 er -2 précité proposée par le prévoit que La Poste et ses filiales chargées de mission de service public soient soumises au contrôle économique et financier de l'État.

Ce contrôle est défini et encadré par le décret n°55-733 du 26 mai 1955 relatif au contrôle économique et financier de l'État : au titre de son article 1, il s'applique de droit aux sociétés dans lesquelles l'État est actionnaire majoritaire. La mention expresse de la soumission de La Poste au décret n° 55-733 précité permettra de maintenir le groupe dans le champ du contrôle de l'État, même si celui-ci devenait actionnaire minoritaire. Les filiales de La Poste chargées de missions de service public (par exemple l'accessibilité bancaire assurée par La Banque Postale) soient aussi soumises à ce contrôle.

Modification de la composition du conseil d'administration de la société anonyme

Le du présent article propose une nouvelle rédaction de l 'article 10 de la loi n°90-568 précitée, distincte de celle proposée dans le texte initial.

Le nombre d'administrateurs serait fixé à 21 membres, alors qu'il doit être compris entre 3 et 21 membres au titre du droit actuel. Comme dans le droit actuel et la rédaction initiale, un tiers du CA doit être composé de représentants élus des salariés. Au moins un représentant de l'État doit également être nommé. La composition du reste du CA dépendrait de la part du capital détenue par l'État :

- t ant que l'État serait actionnaire majoritaire : un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers pourraient être nommés par décret, le nombre de représentants des actionnaires étant alors réduit en conséquence. Au moins deux représentants des actionnaires seraient nommés sur proposition de l'État ;

- s i l'État n'était plus actionnaire majoritaire : deux représentants seraient nommés sur proposition de l'État par l'assemblée générale , et un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers nommés par décret participeraient aux réunions sans voix délibérative .

Évolution de la composition du conseil d'administration de la poste

Source : commission spéciale

Précisions relatives aux modalités de nomination et révocation du président du conseil d'administration

Le du présent article rédige l'article 11 de la loi n°90-568 précitée, relatif au mode de nomination du président du CA. Il est précisé qu'il est nommé sur proposition du CA, pour la durée de son mandat d'administrateur.

Les modalités de sa révocation dépendront également de la part du capital détenue par l'État : s'il est majoritaire, le président du CA est révoqué par décret ; s'il ne l'est pas, il est révoqué sur proposition des membres du CA.

Composition des conseils d'administration des filiales de La Poste chargées de missions de service public

Le du présent article rétablit un article 10-1 de la loi n° 90-568 précitée, afin de donner la possibilité à l'État de nommer un représentant au sein des organes de gouvernance des filiales de La Poste chargées de missions de service public. Celui-ci serait nommé selon les mêmes modalités que le représentant de l'État nommé au sein du CA de La Poste. L'État pourrait aussi désigner un commissaire du Gouvernement à voix consultative. Les CA de ces sociétés devraient comporter un tiers de représentants élus des salariés.

Plusieurs dispositions de l'ordonnance n° 2014-948 précitée, applicable aux sociétés commerciales dans lesquelles l'État a pris des participations, seraient donc rendues applicables aux filiales de La Poste, y compris lorsque l'État n'y aurait pas de participations directes.

Dispositions transitoires

Le du présent article effectue une rédaction globale du chapitre X de la loi n° 90-568 précitée, qui avait prévu en 1990 des dispositions transitoires relatives à la création de l'entreprise publique La Poste. Il fixait par exemple le régime applicable aux personnels actifs, les modalités de la première constitution du conseil d'administration et le cadre juridique des statuts initiaux.

La rédaction proposée supprimerait ces modalités transitoires, désormais caduques, la plupart des dispositions concernant l'année 1991. Il est proposé de ne laisser subsister que deux articles 44 et 45, qui prévoiraient le maintien des membres du CA nommés avant l'entrée en vigueur de la présente loi jusqu'à la fin de leur mandat, y compris celui du président de La Poste.

Régime d'allocation chômage

Le II du présent article conserverait le droit à l'allocation d'assurance des salariés de la SA La Poste, lorsque l'État n'en sera plus l'actionnaire majoritaire. Un nouveau 7° est ajouté en ce sens à l'article L. 5424-1 du code du travail (une coordination juridique est effectuée à l'article L. 5424-2 du même code).

L'objectif de cette disposition est de permettre aux salariés actuels de La Poste de bénéficier des mêmes droits que les fonctionnaires en matière d'assurance-chômage : si le 1° de l'article L. 5424-1 précité ouvre droit à allocation à tous les fonctionnaires d'État, le 3° soumet le droit à l'allocation d'assurances des salariés à la condition d'inscription de l'entreprise au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'État. Si l'État perdait sa qualité d'actionnaire majoritaire, les salariés de La Poste perdraient mécaniquement le droit à l'allocation assurance qui leur est actuellement ouvert.

Au titre de la rédaction proposée, La Poste disposerait de deux options : continuer à être son propre assureur-chômage, comme c'est actuellement le cas, ou s'affilier au régime de droit commun.

2. Des précisions apportées en séance publique sur le rôle de la Caisse des dépôts et consignations en tant qu'actionnaire majoritaire

Outre des amendements rédactionnels, les députés ont adopté en séance publique un amendement visant à exclure la possibilité pour la Caisse des dépôts et consignations, si celle-ci devenait actionnaire majoritaire de La Poste, de conclure des conventions collectives avec les salariés de la société ou de ses filiales.

L'article 34 de la loi n°96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire est précisé en ce sens : il prévoit en effet actuellement, en son cinquième alinéa, que « la Caisse des dépôts et consignations est par ailleurs habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle ». Au titre de l'accord de 2014 actuellement en vigueur, dans le périmètre social défini, des délégués syndicaux communs à la Caisse et à ses filiales de premier et deuxième rang peuvent être mis en place, ainsi qu'un comité mixte d'information et de concertation.

La rédaction adoptée à l'issue de la séance publique exclurait La Poste et ses filiales (qui seraient donc des filiales de troisième rang de la Caisse) de ce périmètre social : la société et ses filiales garderaient leurs propres règles spécifiques de représentativité syndicale et leurs propres institutions représentatives.

IV. La position de votre commission

La présente mesure vise à permettre un transfert de participation à l'issue duquel la Caisse des dépôts et consignations remplacerait l'État en tant qu'actionnaire majoritaire de la société La Poste.

Votre rapporteur estime que la mesure proposée, nécessaire à l'opération envisagée, ne modifie pas fondamentalement les conditions de l'encadrement par la loi de l'activité et de la gouvernance de la société La Poste.

En particulier, la rédaction proposée conforte le caractère de service public de ses activités, maintient une exigence de détention publique et salariée du capital ainsi que le contrôle de l'État, et n'emportera pas d'évolution relative aux statuts des personnels ou à l'organisation syndicale. De même, la nomination du Président directeur général continuera de relever de l'État, et la présence d'un représentant de l'État au conseil de surveillance de La Banque Postale est confortée. Enfin, la mesure proposée n'a pas d'impact sur le contrat d'entreprise pour la période 2018-2022 signé entre l'État et La Poste, ni sur le partenariat commercial entre La Banque Postale et CNP Assurances.

Toutefois, sur la forme, votre rapporteur regrette que la mesure adoptée lors de l'examen du texte en commission à l'Assemblée nationale ait été intégrée si tardivement et par voie d'amendement au texte du présent projet de loi. Si elle avait été prévue dès la présentation du texte initial, les conditions d'examen de cette mesure par le Sénat en auraient été améliorées.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-341 visant à clarifier la rédaction de la contrainte de détention publique du capital de La Poste. La rédaction du texte issu de l'Assemblée nationale, qui prévoit à la fois que le capital soit « intégralement public » et « détenu par l'État et la Caisse des dépôts et consignations » d'une part, et qui prévoit de l'autre l'éventualité d'un actionnariat salarié, apparaît contradictoire. La formulation proposée clarifie que le capital de la société La Poste devra obligatoirement être détenu par l'État ou la Caisse des dépôts, à l'exception de l'actionnariat salarié.

Votre commission a adopté l'article 54 ainsi modifié.

Section 4
Protéger nos entreprises stratégiques
Article 55
(art. L. 151-3, L. 151-3-1, L. 151-3-2 [nouveaux]
et L. 151-4 du code monétaire et financier)
Renforcement des pouvoirs de sanction et de police administrative
du ministre dans le cadre du régime d'autorisation préalable
des investissements étrangers dans des activités stratégiques

Le présent article a pour objet d'élargir les pouvoirs du ministre de l'économie dans le cadre de l'autorisation préalable des investissements étrangers dans des entreprises aux activités stratégiques. Il prévoit notamment d'augmenter le montant maximal des sanctions pécuniaires, d'autoriser la régularisation a posteriori d'investissements irréguliers, d'assortir les injonctions d'une astreinte, de prendre des mesures conservatoires, ou encore de retirer une autorisation. L'article prévoit également la remise d'un rapport au Parlement sur l'évolution envisagée des dispositions de la loi n°68-678 du 26 juillet 1968 dite « de blocage ».

I. Le droit en vigueur

1. Un renforcement progressif du régime d'autorisation préalable des investissements étrangers dans les entreprises aux activités stratégiques

Dans le droit français, le principe est que « les relations financières entre la France et l'étranger sont libres », comme le prévoit l'article L. 151-1 du code monétaire et financier. Ainsi, plus de 1300 projets d'investissements étrangers ont été réalisés en 2017 en France, qui est le second pays le plus attractif pour l'investissement étranger en Europe, en particulier en provenance des États-Unis, d'Allemagne, et du Japon. 673 ( * )

Toutefois, dans l'objectif d'assurer la défense des intérêts nationaux et d'empêcher la prise de contrôle étrangère d'activités stratégiques, l'article 3 de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger a autorisé le ministre de l'économie à soumettre par décret la constitution et la liquidation des investissements étrangers en France à déclaration, autorisation préalable ou contrôle. 674 ( * ) Le non-respect de ce régime d'autorisation était rendu passible d'emprisonnement, de confiscation, ainsi que d'une amende du double des montants en jeu.

Le régime législatif d'autorisation préalable a été doublement renforcé depuis 1966 :

- d'une part, les pouvoirs du ministre ont été étendus : l'article 1 er de la loi n° 96-109 du 14 février 1996 relative aux relations financières avec l'étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France a donné de nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction au ministre de l'économie, prévus au nouvel article 5-1 de la loi n° 66-1008 précitée. Par exemple, en cas d'investissement irrégulier ou non autorisé, le ministre dispose d'un pouvoir d'injonction de retour à l'état initial. L'article 30 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit a également permis au ministre d'assortir l'autorisation de conditions spécifiques, ou d'enjoindre à l'investisseur de modifier une opération d'investissement irrégulière.

- d'autre part, le champ des secteurs et activités dans lesquelles les investissements étrangers doivent solliciter une autorisation préalable a été élargi : la loi n° 96-109 précitée a précisé que les activités concernées sont les « activités participant en France, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique », celles dans lesquelles un investissement étranger « est de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique », et les « activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre ». L'article 78 de la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière y a ajouté les activités de défense nationale.

2. Un encadrement précis qui relève du domaine règlementaire

Codifié depuis 2000 à l'article L. 151-3 du code monétaire et financier, le régime d'autorisation préalable repose sur de nombreuses dispositions règlementaires : l'article 30 de la loi n° 2004-1343 précitée a renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de définir plus spécifiquement la nature des activités relevant d'une autorisation préalable. Le chapitre III du titre V du livre I er de la partie réglementaire du code monétaire et financier décline et précise ainsi les dispositions législatives. 675 ( * )

Un premier décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 réglementant les relations financières avec l'étranger et portant application de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier, dit « décret Loos-Villepin », s'était saisi du renvoi, par la loi n° 2004-1343 précitée à un décret dans la définition des activités relevant d'une autorisation préalable.

En 2014, un second décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit « décret Alstom » ou « décret Montebourg » a largement étendu le champ des activités concernées, y incluant notamment l'approvisionnement en énergie et en eau, la santé publique, ainsi que le transport et les communications électroniques (voir ci-dessous).

Afin de déterminer si une opération d'investissement est soumise à autorisation préalable, le droit actuel pose un triple critère : le régime applicable dépend du type d'investisseur, de la nature de l'investissement, et de l'activité visée . Les entreprises protégées par le régime d'autorisation sont celles dont le siège social est en France.

Le type d'investisseur

En ce qui concerne le type d'investisseur , trois régimes distincts sont prévus, visant respectivement les investisseurs de pays tiers, les investisseurs de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, et les entreprises de droit français. Le champ des opérations et activités soumises à autorisation est plus restreint pour ces deux derniers types d'investisseurs 676 ( * ) . Les investisseurs soumis au régime le plus strict sont, au titre de l'article R. 153-2 du code monétaire et financier :

Les personnes physiques non ressortissantes de l'UE ou d'un État de l'EEE conventionné avec la France ;

- les entreprises dont le siège social n'est pas situé dans ces mêmes États ;

- les personnes physiques de nationalité française ne résidant pas dans ces États.

La nature de l'investissement

Dans ce régime applicable aux investisseurs de pays tiers, les opérations soumises sont, au titre de l'article R. 153-1 du même code, la prise de contrôle d'une entreprise, l'acquisition d'une branche d'activité ou d'une partie d'une branche d'activité ; ou le franchissement du seuil de 33,33 % de détention du capital ou des droits de vote.

Les secteurs d'activité stratégiques

Enfin, pour les investisseurs de pays tiers, l'article R. 153-2 du même code définit les douze secteurs d'activité soumis à autorisation préalable :

- les activités dans les secteurs des jeux d'argent à l'exception des casinos ;

- les activités réglementées de sécurité privée ;

- les activités de recherche, de développement ou de production relatives aux moyens destinés à faire face à l'utilisation illicite d'agents pathogènes ou toxiques et à en prévenir les conséquences sanitaires ;

- les activités portant sur les matériels conçus pour l'interception des correspondances et la détection à distance des conversations ;

- les activités liées à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information ;

- les activités liées à la sécurité des systèmes d'information d'une entreprise contractant avec les opérateurs des installations d'importance vitale ;

- les activités relatives aux biens et technologies à double usage civil et militaire ;

- les activités relatives à la cryptologie ;

- les activités exercées par les entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale ;

- les activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre ;

- les activités exercées par les entreprises contractantes ou sous-traitantes du ministère de la défense ;

- les autres activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d 'ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale (approvisionnement en électricité, gaz, hydrocarbures, énergie, eau ; services de transport , de communications électroniques ; exploitation des ouvrages d'importance vitale ; protection de la santé publique ).

3. La procédure d'autorisation préalable

Demande d'autorisation préalable

Tout investisseur envisageant une opération susceptible de tomber dans le champ du régime d'autorisation préalable de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier peut, au titre de l'article R. 153-7 du même code, saisir le ministre de l'économie d'une demande écrite. Par cette procédure d'avis , le ministre indique dans un délai de deux mois si l'opération doit faire l'objet d'une autorisation.

À la suite du dépôt d'un dossier de demande, dont les pièces sont fixées par arrêté, le ministre de l'économie dispose d'un délai de deux mois pour y répondre . Si la demande reste sans réponse, l'autorisation est réputée acquise au titre de l'article R. 153-8.

Entre 100 et 200 autorisations seraient sollicitées par an en moyenne.

Instruction de la demande

La demande est instruite par les services du ministre de l'économie, qui, au titre de l'article R. 153-9, « examine si la préservation des intérêts nationaux tels que définis par l'article L. 151-3 peut être obtenue ».

Au sein du ministère de l'économie et des finances, c'est la cellule Multicom 2 du bureau des investissements et des règles dans le commerce international, placée auprès de la direction générale du Trésor, qui est chargée de l'instruction des demandes d'autorisation et du suivi des investissements étrangers. Elle associe à ce travail les administrations concernées par le biais d'un comité interministériel , et, dans le cadre du suivi, échange avec les entreprises et investisseurs.

L'instruction doit ainsi déterminer si l'octroi de l'autorisation, le cas échéant sous conditions, ne met pas en cause la préservation des intérêts nationaux. Au titre de l'article R. 153-9, les conditions pouvant être attachées à l'autorisation peuvent porter sur :

- la préservation de la pérennité des activités, des capacités industrielles , des capacités de recherche et de développement ou des savoir-faire associés ;

- la sécurité d' approvisionnement ;

- l'exécution des obligations contractuelles de l'entreprise visée lorsqu'elle est titulaire ou sous-traitante de marchés publics ou de contrats intéressant la sécurité publique, les intérêts de la défense nationale ou la recherche, la production ou le commerce en matière d'armes, de munitions, de poudres ou de substances explosives.

- le ministre peut aussi n'accorder l'autorisation qu'à la condition que l'activité stratégique de l'entreprise soit cédée à une autre entreprise , dans le cas où cette activité n'est exercée qu'à titre accessoire.

L'article R. 153-10 liste les motifs susceptibles de fonder un refus :

- une présomption sérieuse que des infractions sont susceptibles d'être commises par l'investisseur (trafic de stupéfiants, blanchiment d'argent, terrorisme, trafic d'influence, participation à une association de malfaiteurs...)

- l'impossibilité d'assurer la préservation des intérêts nationaux même à travers des conditions particulières.

4. Les pouvoirs de sanction et de police administrative du ministre

Si le suivi des investissements étrangers effectué par la cellule Multicom 2 révèle un manquement aux conditions fixées par l'autorisation, ou lorsque celle-ci identifie une opération réalisée sans autorisation préalable, le ministre peut sanctionner ces irrégularités. Le III de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier prévoit deux volets.

Pouvoir d'injonction : le ministre peut enjoindre à l'investisseur de ne pas réaliser l'opération, de la modifier, ou de revenir à ses frais à l'état initial (l'injonction devant être précédée d'une mise en demeure afin que l'investisseur puisse formuler des observations sous quinze jours) ;

Pouvoir de sanction pécuniaire : en cas de non-respect des injonctions, le ministre peut infliger une sanction pécuniaire, proportionnelle à la gravité des manquements, et ne pouvant dépasser le double du montant de l'investissement irrégulier (en permettant également à l'investisseur de formuler des observations sous quinze jours).

Il est précisé que ces décisions sont susceptibles d'être contestées devant le juge dans le cadre d'un recours de plein contentieux.

Enfin, au titre de l'article L. 151-4 du même code, les contrats relatifs à l'opération non autorisée sont automatiquement annulés .

Il convient également de relever que les manquements au régime d'autorisation préalable sont également sanctionnés par un volet pénal , prévu par le 1 de l'article 459 du code des douanes. Les investisseurs irréguliers peuvent être punis de cinq ans d'emprisonnement, de la confiscation du corps du délit ou des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction, ainsi que d'une sanction pécuniaire comprise entre le montant de l'investissement irrégulier et son double.

5. Une évolution très récente du cadre règlementaire français et du cadre européen

Un nouveau décret d'extension du champ des activités stratégiques, en coordination avec les mesures législatives proposées dans le projet de loi PACTE

Un récent décret n° 2018-1057 du 29 novembre 2018 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable a apporté les modifications suivantes :

- le régime d'autorisation préalable le moins contraignant est désormais réservé aux entreprises dont le siège social est établi en France, et non plus aux entreprises de droit français ;

- il a étendu le champ de la procédure d'avis , l'entreprise faisant l'objet de l'investissement pouvant désormais s'enquérir auprès du ministre de la nécessité de déposer une demande d'autorisation (possibilité jusqu'ici réservée au seul investisseur) ;

- il a élargi les motifs de refus des investissements étrangers , incluant notamment les menaces sur la protection des données ;

- il a également largement étendu le champ des activités relevant de l'autorisation préalable , y incluant désormais :

- les activités liées aux opérations spatiales ;

- les systèmes électroniques et informatiques dédiés aux missions de la police , de la gendarmerie, des douanes et de la sécurité civile ;

- les activités de recherche et de développement des secteurs de la cybersécurité, de l'intelligence artificielle, de la robotique, de la fabrication additive et des semi-conducteurs ;

- certaines activités d'hébergement de données .

Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2019. Près de 750 nouvelles entreprises françaises seraient ainsi rentrées dans le champ du contrôle préalable 677 ( * ) .

Un nouveau règlement européen

D'autre part, le droit de l'Union européenne évolue également afin de prendre en compte l'enjeu du contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques.

L'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'UE permet aux États membres de contrôler les investissements étrangers, mais uniquement pour des motifs ayant trait à la sécurité et à l'ordre public, la Cour de justice de l'UE contrôlant la proportionnalité des mesures de contrôle. Treize États européens disposent à ce jour de dispositifs de contrôle, dont la portée varie, mais qui tendent à se renforcer.

Une proposition de règlement européen a été présentée le 13 septembre 2017 678 ( * ) par la Commission européenne, en réponse à une demande émanant de la France, de l'Allemagne et de l'Italie.

Elle réaffirme la compétence des États en matière de protection de la sécurité nationale, les laissant libres d'instaurer un dispositif d'autorisation des opérations d'investissement.

Elle vise aussi à encourager la coopération internationale en matière de contrôle des investissements, ainsi que la communication entre les États et la Commission. Un groupe de coordination entre États membres a été mis en place.

Elle encadre les procédures d'autorisation par des conditions de délais, de prévisibilité et de protection des informations confidentielles.

Enfin, elle permet à la Commission de rendre un avis consultatif aux États membres sur des projets d'investissement ayant un impact européen ou sur des projets de l'Union.

Le Sénat a adopté le 7 janvier 2018 une proposition de résolution européenne saluant cette avancée 679 ( * ) . Le 20 novembre 2018, la Commission, le Conseil et le Parlement européen ont approuvé cette proposition de règlement. Il devrait entrer en vigueur d'ici avril 2019 .

La Commission européenne s'est par ailleurs engagée à conduire avant la fin 2018, « une analyse approfondie des flux d'investissements directs étrangers dans l'UE, en mettant l'accent sur les secteurs stratégiques (tels que l'énergie, l'espace, les transports) et les actifs (technologies clés, infrastructures critiques, données sensibles) dont le contrôle pourrait susciter des inquiétudes pour des raisons de sécurité ou d'ordre public, notamment lorsque l'investisseur est détenu ou contrôlé par un pays tiers ou bénéficie d'importantes subventions de l'État. » 680 ( * )

II. Le projet de loi initial

Dans sa rédaction initiale, l'article 55 du présent projet de loi propose de renforcer les sanctions visant les investissements non autorisés, et d'élargir les pouvoirs de police administrative du ministre de l'économie en la matière.

Il est ainsi proposé d'abroger le III de l'article L. 151-3, relatif aux pouvoirs de sanction et de police administrative du ministre, pour transférer ces dispositions dans deux nouveaux articles L. 151-3-1 et L. 151-3-2.

Le nouvel article L. 151-3-1 élargirait les pouvoirs du ministre dans les cas où une opération d'investissement non autorisée a été réalisée (I), ou dans les cas où les conditions fixées par l'autorisation ont été méconnues (II).

(I) Si un investissement a été réalisé sans autorisation, le ministre pourrait utiliser ses pouvoirs d'injonction pour e xiger le dépôt d'une demande d'autorisation (cette possibilité n'existe pas dans le droit actuel), faire rétablir par l'investisseur la situation antérieure ou modifier l'opération d'investissement.

La nouvelle rédaction offrirait également la possibilité au ministre d'assortir cette injonction d'une astreinte journalière, dont les modalités seront précisées par décret.

Elle autoriserait également le ministre, dans le cas où les intérêts nationaux (tels que listés à l'article L. 151-3) seraient susceptibles d'être compromis, à prendre une ou plusieurs mesures conservatoires (suspension des droits de vote acquis de manière irrégulière ; restrictions au versement des dividendes et des rémunérations liés aux actions et parts acquises de manière irrégulière, restriction temporaire à la libre disposition des actifs liés aux activités stratégiques concernés et désignation par le ministre d'un mandataire chargé de protéger les intérêts nationaux au sein de l'entreprise visée par l'investissement, qui disposerait d'un droit de veto dans les organes sociaux)

(II) Lorsque les conditions attachées à une autorisation délivrée ont été méconnues, le ministre pourrait retirer l'autorisation (ce qui impose à l'investisseur soit de rétablir l'état antérieur, soit de solliciter une nouvelle autorisation. Cette possibilité n'est pas prévue dans le droit actuel), e njoindre à l'investisseur de remplir les obligations non exécutées ou enjoindre à l'investisseur de remplir des conditions nouvellement définies , qui peuvent aller jusqu'au rétablissement de la situation antérieure ou la cession des activités stratégiques.

Ces injonctions pourraient être assorties d'une astreinte ou de mesures conservatoires identiques à celles prévues au I du même article.

La rédaction globale de ces dispositions maintiendrait l'obligation pour le ministre d'envoyer une mise en demeure à l'investisseur irrégulier, celui-ci pouvant présenter ses observations dans un délai de quinze jours, avant la prise de toute décision ou injonction. Une exception serait toutefois introduite en cas d'urgence, de circonstances exceptionnelles ou d'atteinte imminente à l'ordre public, la sécurité publique ou la défense nationale.

• Le nouvel article L. 151-3-2 préciserait et étendrait le régime de sanctions pécuniaires .

Tandis que le montant des sanctions pécuniaires est limité dans le droit actuel au double du montant de l'investissement irrégulier, la rédaction de ces dispositions modifierait le barème applicable. Le montant maximum serait égal au plus élevé des montants suivants :

- le double du montant de l'investissement irrégulier ;

- 10 % du chiffre d'affaire annuel de l'entreprise cible de l'investissement ;

5 millions d'euros pour les personnes morales et 1 million d'euros pour les personnes physiques.

Le pouvoir de sanction deviendrait plus dissuasif, puisque les investissements irréguliers de petite valeur (voire d'un montant d'un euro symbolique) pourront être punis d'amendes élevées, tenant compte du poids économique de l'investisseur. La rédaction proposée rappelle toutefois que le montant de la sanction infligée doit être proportionnel à la gravité du manquement.

D'autre part, alors que les sanctions ne peuvent aujourd'hui être infligées qu'en cas de non-respect d'une injonction, la rédaction proposée prévoit qu'elles puissent être décidées par le ministre également en cas d'obtention par fraude d'une autorisation préalable , en cas d'absence d'autorisation préalable , de méconnaissance des conditions attachées à l'autorisation ou d'inexécution totale ou partielle des décisions et injonctions prévues à l'article L. 151-3-1.

• Enfin, un renvoi à un décret en Conseil d' État est opéré à l'article L. 151-3 , et une coordination juridique liée à la possibilité de régularisation d'une opération non autorisée ainsi qu'une correction de référence seraient effectuées à l'article L. 151-4.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Lors de l'examen du présent projet de loi en commission spéciale à l'Assemblée nationale, outre un amendement rédactionnel, les députés ont adopté un amendement prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement avant le 1 er janvier 2020 un rapport sur l'évolution envisagée des dispositions de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.

Cette loi, dite « loi de blocage » , interdit aux ressortissants et résidents français ainsi qu'aux dirigeants d'entreprises présentes en France de communiquer aux autorités publiques étrangères « les documents ou les renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public » (article 1 er ). Elle interdit également la recherche ou communication de ces pièces en vue de constitution de preuves pour des procédures judiciaires ou administratives à l'étranger (article 2), sauf lorsque cela est prévu par des traités ou accords internationaux.

L'article 3 de loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a confié à l'Agence française anticorruption le soin de veiller, à la demande du Premier ministre, au respect de cette loi. Néanmoins, certains demandent la modification des dispositions de la loi elle-même, dénonçant une rédaction trop générale et peu opérationnelle , qui n'identifie pas les informations sensibles, ne prévoit pas d'encadrement strict du contrôle accepté par les entreprises françaises et dont les sanctions semblent peu dissuasives 681 ( * ) . Le Gouvernement a confié en juillet 2018 au député Raphaël Gauvain une mission sur les mesures de protection des entreprises française confrontées à des procédures donnant effet à des législations de portée extraterritoriale, qui devra inclure des propositions de modification de la loi n° 68-678 précitée. Le rapport final n'a pas été publié.

En séance publique à l'Assemblée nationale, les députés ont par ailleurs adopté un amendement visant à fixer règlementairement les modalités de révision des conditions attachées à l'autorisation préalable, afin de leur permettre d'évoluer en fonction des circonstances économiques. L'article L. 151-3 serait modifié en ce sens.

Par ailleurs, un amendement a été adopté afin de rendre obligatoire à l'article L. 151-3 la prise d'une ou plusieurs injonctions de police administrative afin de sanctionner l'absence d'autorisation préalable ou la méconnaissance des conditions attachées à l'autorisation. La rédaction initiale donnait en effet une simple faculté au ministre.

IV. La position de votre commission

La protection des entreprises stratégiques nationales est un enjeu fondamental pour la défense des intérêts essentiels du pays, aussi bien dans le domaine des technologies de défense et de communication, qu'en matière d'approvisionnement en énergie ou en eau par exemple.

La mesure proposée, qui élargit la palette d'instruments à la disposition du ministre de l'économie dans son examen des opérations d'investissements étrangers, vient utilement compléter les dispositions règlementaires récentes qui élargissent le champ de son contrôle.

Votre rapporteur estime que l'équilibre général de cette réforme est satisfaisant.

D'une part, cette réforme donne davantage de flexibilité à l'administration , en permettant par exemple de régulariser a posteriori une opération non autorisée, mais qui n'emporterait pas de risque pour les intérêts essentiels du pays. Cela est de nature à rassurer les investisseurs étrangers, tout en sécurisant juridiquement les opérations réalisées de bonne foi.

D'autre part, les différentes sanctions et injonctions à la disposition du ministre sont étoffées, afin de permettre une dissuasion plus efficace envers les investissements irréguliers, et de faire respecter la loi plus efficacement. Ainsi, les amendes pourront être plus représentatives des montants en jeu, et les actifs sensibles seront mieux protégés.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-432 visant à clarifier et préciser le dispositif du présent article. Il améliore ainsi la rédaction des dispositions relatives aux astreintes pouvant accompagner les injonctions du ministre de l'Économie.

Par ailleurs, sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-433 qui supprime la demande de rapport portant sur l'évolution de la « loi de blocage ». D'une part, des travaux missionnés par le Gouvernement sont d'ores et déjà en cours sur ce sujet. D'autre part, aucune mesure de nature législative n'est nécessaire à la réalisation de cette mission.

Votre commission a adopté l'article 55 ainsi modifié.

Article 55 bis
(art. L. 151-5 du code monétaire et financier)
Publication de statistiques et rapport annuel au Parlement
portant sur le contrôle des investissements étrangers

Le présent article prévoit la publication annuelle de statistiques portant sur le contrôle par le ministère de l'Économie des investissements étrangers dans les entreprises aux activités stratégiques.

I. Le droit en vigueur

Par exception au principe de libre circulation des capitaux, l'article L. 151-3 du code monétaire et financier prévoit un régime d'autorisation préalable des investissements étrangers dans les entreprises françaises aux activités stratégiques , lorsque ceux-ci sont de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique.

Les opérations relevant de ce contrôle doivent être autorisées avant leur réalisation par le ministre de l'Économie, le cas échéant assorties de conditions visant à garantir la capacité industrielle, la sécurité de l'approvisionnement et l'exécution des contrats de défense et de sécurité nationales. À défaut d'autorisation préalable, les investisseurs s'exposent à des sanctions pénales , à diverses mesures de police administrative ainsi qu'à des sanctions pécuniaires. 682 ( * )

Au sein de l'administration, l'instruction de ces demandes d'autorisation préalable relève actuellement de la cellule « Multicom 2 » de la Direction générale du Trésor. Elle traiterait en moyenne entre cent et deux cents dossiers par an, en préparation des décisions du ministre. Elle est également chargée du suivi des investissements réalisés, notamment afin de s'assurer que les conditions attachées à l'autorisation ont été respectées. À ce titre, elle communique à la fois avec les autres administrations, avec l'investisseur et l'entreprise cible.

Dans le droit actuel, aucune obligation législative ou règlementaire ne prévoit de publication ou de communication sur les types d'investissements traités, sur le nombre de dossiers examinés ou sur les décisions rendues par le ministre de l'Économie.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement adopté lors de l'examen du projet de loi en commission à l'Assemblée nationale. Il prévoit la publication annuelle par le ministre de l'Économie de statistiques relatives au contrôle des investissements étrangers.

Devront toutefois être respectées :

- les dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale ;

- une exigence d'anonymat pour les entreprises ayant fait l'objet d'un contrôle.

Il est proposé de codifier cette obligation de publication dans un nouvel article L. 151-5 du code monétaire et financier , au sein du titre relatif aux relations financières avec l'étranger.

Un amendement adopté en séance publique a précisé que les modalités de publication devront garantir « l'anonymat des personnes physiques et morales concernées ».

III. La position de votre commission

Votre rapporteur se félicite de l'introduction de cette mesure de transparence. L'activité de contrôle des investissements étrangers par l'État est méconnue, bien qu'il s'agisse pourtant d'un levier important de protection des entreprises stratégiques françaises et des actifs essentiels de la Nation.

La publication de statistiques agrégées, sans que celles-ci ne remettent en cause aucune obligation de confidentialité ou de secret des affaires , augmentera la lisibilité du dispositif d'autorisation, et pourra également améliorer son acceptabilité auprès des entreprises.

Par ailleurs, votre rapporteur estime qu'au vu de la suppression de l'article 55 ter du présent projet de loi par votre commission, dont les dispositions prévoyaient la création d'une délégation parlementaire à la sécurité économique à laquelle seraient transmises des informations plus détaillées relative au contrôle des investissements étrangers, il est nécessaire de maintenir les obligations relatives à l'information du Parlement.

En conséquence, sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-434 visant à conserver l'obligation de transmission annuelle par le Gouvernement au Parlement d'informations relatives au contrôle des investissements étrangers. Cette mesure est codifiée dans un nouvel article L. 151-6 du code monétaire et financier.

La commission a également adopté sur proposition de son rapporteur un amendement COM-435 de précision juridique, indiquant que le dispositif de contrôle visé est celui prévu à l'article L. 151-3 du code monétaire et financier.

Votre commission a adopté l'article 55 bis ainsi modifié .

Article 55 ter (supprimé)
(art. 6 undecies [nouveau] de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Délégation parlementaire à la sécurité économique

Le présent article vise à créer une délégation parlementaire commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, chargée de suivre l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu'en matière de contrôle des investissements étrangers.

I. Les délégations parlementaires

1. L'état des lieux au Sénat et à l'Assemblée nationale

Les délégations parlementaires sont des organes permanents d'information et de contrôle spécialisés dans des domaines présentant des problématiques transversales. Elles fournissent une capacité d'expertise autonome par rapport au Gouvernement et ne participent pas directement au travail législatif.

Ces délégations sont soit communes à l'Assemblée nationale et au Sénat, soit constituées dans chacune des assemblées, soit propres à l'une des assemblées. Elles tirent leur existence de la loi ou d'actes réglementaires des assemblées.

Office et délégations des assemblées et mode de création

Sénat

Assemblée nationale

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

(loi du 8 juillet 1983 683 ( * ) )

Délégation au renseignement

(loi du 9 octobre 2007 684 ( * ) )

Délégation aux droits des femmes
et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes

(loi du 12 juillet 1999 685 ( * ) )

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

(loi du 12 juillet 1999)

Délégation aux outre-mer

(Arrêté du Bureau du Sénat
du 16 novembre 2011 -
loi du 28 février 2017 686 ( * ) )

Délégation aux outre-mer

(loi du 28 février 2017)

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

(Arrêté du Bureau du 7 avril 2009)

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

(Décision de la conférence des présidents du 28 novembre 2017)

Délégation à la prospective

(Arrêté de bureau du 7 avril 2009)

Délégation aux entreprises

(Arrêté de bureau du 12 novembre 2014)

Source : commission spéciale

2. L'exercice de rationalisation de 2009

La situation actuelle résulte pour une très grande partie d'un effort de rationalisation des structures de contrôle et d'observation intervenu dans le prolongement de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui avait consacré, d'une part, l'existence des structures parlementaires dédiées à l'Union européenne (article 88-4) et, d'autre part, la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement (article 24).

Une proposition de loi 687 ( * ) , issue d'une concertation entre le Sénat et l'Assemblée nationale, avait alors procédé à la suppression de plusieurs délégations et offices :

- l'Office parlementaire d'évaluation de la législation ;

- l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé ;

- la Délégation parlementaire à l'aménagement et au développement durable du territoire ;

- la Délégation parlementaire pour la planification ;

- la Délégation parlementaire pour les problèmes démographiques.

Le rapport de notre excellent collègue Patrice Gélard, rapporteur au nom de la commission des lois, soulignait alors que « le Sénat s'est traditionnellement montré réservé à l'égard de l'institution de structures dont le rôle, du moins pour certaines d'entre elles, ne se démarquait pas clairement des attributions des commissions permanentes » et affirmait son souci de chercher la meilleure articulation entre les commissions permanentes et les autres organes parlementaires.

Il suggérait également de conserver à chaque assemblée la liberté « de redessiner l'architecture des organes d'évaluation et de contrôle selon ses priorités » estimant « qu'à l'exception des organes qui doivent rester communs aux deux assemblées - tel l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques - ou qui sont susceptibles d'exercer un pouvoir de contrainte à l'égard du Gouvernement, les structures destinées à favoriser l'information du Parlement ou à développer une capacité d'évaluation peuvent procéder d'une décision interne de chaque assemblée ».

II.  Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article résulte de l'adoption par la commission spéciale de l'Assemblée nationale d'un amendement de notre collègue député Adrien Taquet et des membres du groupe LaREM, sous amendé par les rapporteurs.

Il modifie l'ordonnance n° 58?1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, en vue de créer une délégation parlementaire à la sécurité économique ayant pour mission de « suivre l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu'en matière de contrôle des investissements étrangers » dans une activité localisée en France. Selon l'objet de l'amendement, il s'agit de donner corps à une proposition du rapport d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle 688 ( * ) soutenue par un engagement du ministre de l'Économie et des Finances.

La Délégation proposée comprendrait un nombre égal (8) de députés et sénateurs dont des membres de droit : les présidents des commissions des affaires économiques et des finances des deux assemblées. Les autres membres seraient désignés par le président de leur assemblée respective.

S'agissant des compétences de la Délégation, elles s'exerceraient « sans préjudice des compétences des commissions permanentes , » selon la formule consacrée, et « sous réserve de celles de la Délégation au renseignement ».

Dans ce cadre, le dispositif proposé prévoit que la Délégation :

- reçoit du Gouvernement, chaque année, un rapport comportant une description de l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation ainsi que des informations anonymisées relatives à la procédure d'autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, telle que définie par l'article L. 151-3 du code monétaire et financier modifié par les articles 55 et 55 bis du présent projet de loi ;

- peut entendre « le Premier ministre, les ministres compétents, le commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques et les directeurs des administrations centrales concernées, accompagnés des collaborateurs de leur choix », l'identification des personnes morales faisant l'objet de la procédure d'autorisation préalable étant possible dans le cadre de ces auditions ;

- peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu'aux ministres compétents, qu'elle transmet également au président de chaque assemblée.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise, enfin, que les travaux de la délégation parlementaire à la sécurité économique ne sont pas rendus publics.

III.  La position de votre commission

Le contexte de l'initiative prise par nos collègues députés et l'objet de la Délégation qu'ils proposent de créer appellent un certain nombre de critiques et d'interrogations.

Il convient de noter en premier lieu qu'une telle initiative aurait à l'évidence justifié une concertation préalable entre les deux Assemblées - du moins entre leurs Présidents - et mérité d'être introduite par un texte spécifique comme cela a été le cas pour toutes les créations d'organes communs aux Assemblées.

Au regard des principes définis par le Sénat en 2009, la création d'une telle Délégation présente deux défauts majeurs :

- celui d'entrer en concurrence avec les compétences de deux Délégations existantes, la Délégation au renseignement et à moindre titre, la Délégation aux entreprises et d'empiéter sur le périmètre des commissions des affaires économiques et des finances, malgré les précautions formelles intégrées dans la rédaction de l'article ;

- celui d'imposer par la loi une structure unique aux deux assemblées, pour des compétences qui ne le justifient pas et que chaque assemblée pourrait organiser à sa convenance.

Votre commission a supprimé l'article 55 ter .

Article 56
(art. 31-1 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014
relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés
à participation publique)
Réforme du régime des actions spécifiques de l'État

Le présent article a pour objet de modifier le cadre législatif permettant à l'État d'instaurer des actions spécifiques dans des entreprises stratégiques dans lesquelles il détient des participations. Il propose notamment de modifier son champ d'application, d'étendre les droits dérogatoires attachés à l'action spécifique, et de permettre à celle-ci d'évoluer dans le temps.

I. Le droit en vigueur

Lorsque l'État réduit sa détention d'actions dans une entreprise dont la protection est justifiée par des motifs d'intérêt général, d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale, il peut transformer l'une de ses actions en une action dite « spécifique ». Cette action spécifique offre de nombreux droits dérogatoires à l'État, qui peut par exemple désigner un représentant au conseil d'administration et se prononcer sur les évolutions les plus importantes de la structure de l'actionnariat.

1. La mise en place du cadre juridique de l'action spécifique

En 1986, la privatisation de plusieurs entreprises publiques françaises dans des secteurs stratégiques a été décidée dans le cadre de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

En anticipation de ce transfert au secteur privé, et afin de garantir la protection des intérêts publics essentiels, une action dite « spécifique » permettant à l'État actionnaire de conserver un droit de regard minimal sur les décisions relatives à ces sociétés, a été instaurée par l'article 10 de la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations décidées par la loi n° 86-793 précitée, dite « loi Privatisations ».

Au titre de cette disposition, toute action ordinaire détenue par l'État dans les entreprises ainsi privatisées 689 ( * ) pouvait être transformée par arrêté du ministre chargé de l'économie en action spécifique, assortie de droits dérogatoires. En particulier, les prises de participations excédant 10 % du capital devaient être agréées par le ministre, sous peine de suspension des droits de vote attachés, voire de vente forcée des titres non agréés.

La loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation a effectué une rédaction globale du dispositif de l'article 10 de la loi n°86-912, prévoyant notamment que la création ou suppression d'une action spécifique relève d'un décret simple plutôt que d'un arrêté ministériel, et précisant les droits attachés à l'action spécifique.

Un second régime législatif d'action spécifique a été introduit au nouvel article 31-1 de l'ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique par l'article 186 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

En effet, au regard de l'évolution du droit européen, il est apparu nécessaire de préciser le dispositif existant, ses conditions de mise en oeuvre, et permettre la création d'actions spécifiques dans d'autres entreprises détenues directement ou indirectement par l'État. Cette rédaction a néanmoins précisé que les actions spécifiques instaurées dans certaines entreprises au titre de l'article 10 de la loi n°86-912 précitée restaient en vigueur.

2. Le régime législatif en vigueur

L'article 31-1 de l'ordonnance n°2014-948 précitée définit les conditions dans lesquelles l'action spécifique peut-être mise en oeuvre, ainsi que les droits qui lui sont attachés.

a) Les conditions de mise en oeuvre

L'action ne peut être créée que dans le cadre d'un transfert au secteur privé de participations de l'État , lorsque celui-ci cède ou transfère la majorité du capital de la société, ou si sa participation franchit à la baisse les seuils de 33 % ou 66 %.

Par ailleurs, l'action spécifique doit être nécessaire à la « protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale. »

Si ces conditions sont remplies, un décret simple peut instaurer l'action spécifique.

b) Les droits attachés

Le décret instaurant l'action spécifique doit préciser les droits attachés à celle-ci. Ainsi, un ou plusieurs des droits suivants peuvent être prévus :

- un agrément obligatoire du ministre pour toute opération modifiant la structure de détention et de contrôle de la société, c'est-à-dire pour les opérations conduisant au franchissement de seuils de participation au capital social ou de droits de vote par toute personne ou tout groupe de personnes ;

- la nomination au conseil d'administration ou de surveillance de la société d'un ou deux représentants de l'État, sans voix délibérative ;

- un droit d'opposition aux cessions d'actifs de la société ou de ses filiales qui seraient de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux.

Les droits spécifiques attachés doivent être définis « de façon à être nécessaires, adéquats et proportionnés aux objectifs ».

c) L'évolution de l'action spécifique

Deux types d'évolutions sont prévus :

- l'action spécifique peut être éteinte et transformée en action ordinaire à tout moment et par décret simple, sauf si « l'indépendance nationale » est en cause ;

- en cas de scission ou de fusion de la société concernée, l'action spécifique doit d'abord être transformée en action ordinaire puis réinstaurée par décret dans la nouvelle société, sans que les droits attachés ne puissent être revus à la hausse.

d) Régime de sanctions

Dans les cas où une action spécifique prévoit un agrément obligatoire du ministre, lorsqu'une opération relevant de cet agrément n'a pas sollicité ou pas obtenu cet accord, les participations ainsi acquises sont considérées irrégulières. Les droits de vote attachés à ces participations ne peuvent alors pas être exercés . Si la société concernée relève de la défense nationale, des intérêts essentiels de la sécurité de l'État ou du commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre, les participations irrégulières doivent être cédées , le ministre pouvant procéder à leur vente forcée.

L'État français possède actuellement quatre actions spécifiques dans des entreprises stratégiques, dont trois relevant du secteur de la défense nationale (Thales, Safran Ceramics et Nexter Systems) et une relative à la sécurité publique et à l'approvisionnement en énergie (Engie). Les caractéristiques de ces actions sont retracées dans le tableau ci-dessous.

Par ailleurs, plusieurs actions spécifiques de l'État ont été transformées en actions ordinaires : c'est notamment le cas de l'action possédée entre 1999 et 2000 au capital d'Aerospatiale Matra 690 ( * ) , et de celle possédée entre 1993 et 2002 au capital d'Elf-Aquitaine. 691 ( * ) Cette dernière avait d'ailleurs fait l'objet d'un recours par la Commission européenne devant la Cour de justice de l'Union européenne, celle-ci jugeant l'action spécifique de l'État dans Elf-Aquitaine incompatible avec le droit d'établissement et le principe de libre circulation des capitaux. 692 ( * )

Actions actuellement détenues par l'État

Source : commission spéciale

II. Le projet de loi initial

L'article 56 du projet de loi propose une refonte du dispositif d'action spécifique , en modifiant notamment le champ des entreprises concernées, les droits pouvant être attachés à la détention d'une telle action, et en prévoyant une réévaluation quinquennale de leur pertinence.

1. Un champ d'application étendu, lié à la nature des activités protégées et à l'existence de participations publiques plutôt qu'au franchissement d'un seuil

Le texte du projet de loi initial propose de rédiger le I de l'article 31-1 de l'ordonnance n°2014-948 précitée, afin de modifier le champ des entreprises dans lesquelles peuvent être instaurées des actions spécifiques. Ce champ serait ainsi défini selon un double critère :

- elles devraient exercer l'une des activités stratégiques relevant du régime d'autorisation des investissements étrangers , telles que définies à l'article L. 151-3 du code monétaire et financier 693 ( * ) ;

- une partie de leur capital devra être détenue par l'État ou par Bpifrance , ses filiales ou leurs fonds d'investissement selon les modalités suivantes : soit l'État y détient des participations (la société étant donc inscrite à l'annexe du décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 694 ( * ) , définissant le portefeuille des participations gérées par l'Agence des participations de l'État) ; soit il s'agit d'une société cotée dont le capital est détenu au moins à 5 % par Bpifrance, ses filiales ou un fonds d'investissement desdites filiales. Le texte proposé prévoit d'ailleurs que ces critères s'appliquent aux filiales basées en France de sociétés qui n'ont pas de siège social en France, si l'État a acquis une action de ces filiales.

2. Modalités de création d'une action spécifique

L'article 56 du présent projet de loi précise également les dispositions relatives à la procédure de création d'une action spécifique, au I de l'article 31-1 précité.

Comme dans le droit actuel, une action spécifique ne pourra être créée que « si la protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique, ou de défense nationale » l'exige. La création sera en revanche prononcée par décret en Conseil d'État, alors qu'elle relève actuellement d'un décret simple.

Dans le cas des sociétés dans lesquelles Bpifrance, ses filiales ou leurs fonds d'investissement détiennent plus de 5 % des participations, il sera nécessaire que l'État acquière une action ordinaire avant de pouvoir la transformer en action spécifique .

3. Le régime des droits attachés est précisé et étendu

L'action spécifique peut aujourd'hui être assortie d'un droit d'opposition de l'État aux cessions d'actifs stratégiques de la société. Cette disposition est modifiée par le présent projet de loi afin de préciser que ce droit d'opposition concerne non seulement les cessions, mais également les apports ou les transmissions, dans l'objectif de mieux s'adapter aux différentes modalités d'évolution du capital de la société. Le droit d'opposition est également étendu aux modifications des conditions d'exploitation des actifs et aux changements de destination. L'affectation des actifs à titre de sûreté ou de garantie peut également être bloquée, comme cela est prévu aujourd'hui.

D'autre part, un nouveau droit attaché est introduit : l'action spécifique peut prévoir une obligation de transmission d'informations au ministre de l'Économie . Sont visées les informations nécessaires à l'exercice des autres droits attachés et « notamment les informations relatives à l'intégrité, à la pérennité et au maintien sur le territoire national des actifs » liés aux intérêts essentiels du pays.

4. L'évolution des caractéristiques de l'action spécifique est facilitée

La rédaction proposée modifie les III 695 ( * ) et IV de l'article 31-1 précité pour les remplacer par des dispositions relatives aux modalités d'évolution des droits attachés à l'action spécifique.

Au moins tous les cinq ans, l'État devrait apprécier si les droits prévus par le décret instituant l'action spécifique sont toujours « nécessaires, adéquats et proportionnés » à la protection des intérêts essentiels du pays. En fonction de l'issue de cette réévaluation :

- les droits attachés peuvent être modifiés par décret en Conseil d'État , soit pour supprimer l'une des quatre modalités dérogatoires, soit pour ajouter une modalité non retenue par le décret initial ;

- s'il n'est pas estimé nécessaire de conserver une action spécifique, celle-ci peut, comme dans le droit actuel, être transformée en action ordinaire , sauf lorsque l'indépendance nationale est en cause.

Enfin, si l'actif protégé par l'action spécifique est cédé, apporté ou transmis, l'État peut instituer une action spécifique dans la société détentrice dudit actif à l'issue de l'opération (cette possibilité n'existe actuellement qu'en cas de scission ou de fusion de la société).

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels, les députés ont adopté un amendement visant à insérer une obligation d'information préalable par l'État de la société dans laquelle il entend instaurer une action spécifique .

IV. La position de votre commission

Aux côtés du contrôle de l'investissement étranger, traité à l'article 55 du présent projet de loi, les actions spécifiques sont un autre outil de défense des intérêts essentiels du pays et des entreprises stratégiques.

Le cadre juridique des actions spécifiques s'était constitué de manière ad hoc dans un contexte de transfert au secteur privé d'entreprises publiques. En plusieurs aspects, la situation actuelle est différente : la protection des intérêts stratégiques français dépasse désormais le champ des seules anciennes entreprises publiques ; le rôle dévolu à l'État actionnaire a évolué ; la prise de participations publiques s'appuie également sur d'autres acteurs , tels que Bpifrance ; et les exigences européennes relatives aux actions spécifiques ont été progressivement précisées.

En conséquence, votre rapporteur estime qu'une modernisation du cadre juridique des actions spécifiques est en effet nécessaire , afin de permettre à celles-ci de remplir pleinement leur rôle de protection des actifs et activités stratégiques.

En particulier, l'instauration d'un parallélisme entre les champs respectifs du contrôle de l'investissement étranger 696 ( * ) et des actions spécifiques est bienvenue. Elle améliore la cohérence et la lisibilité de la « boîte à outils » à disposition de l'administration pour les investisseurs et les actionnaires.

De même, la rédaction proposée réalise une « actualisation » des entreprises où il est possible d'instaurer une action spécifique . L'extension de ce champ aux entreprises cotées dont Bpifrance, ses filiales et fonds d'investissement détiennent plus de 5% permet d'inclure une plus grande partie de l'actionnariat public. Selon les estimations de votre rapporteur, une douzaine d'entreprises seraient concernées par cette extension, notamment dans les domaines des télécommunications, de l'énergie, de l'informatique ou encore de l'électronique.

Votre rapporteur s'interroge toutefois sur le besoin de figer ce champ au 1 er janvier 2018 , ce qui permet certes une meilleure prévisibilité pour les entreprises, mais nécessitera une évolution législative pour toute modification ultérieure du champ.

Par ailleurs, l'élévation de l'acte de création et d'extinction d'une action spécifique d'un décret simple à un décret en Conseil d'État est une évolution positive, qui reflète bien le caractère exceptionnel d'une telle mesure.

Enfin, votre rapporteur salue les dispositions relatives à l'évolution dans le temps des caractéristiques de l'action spécifique . Elles permettront de s'assurer tous les cinq ans que les droits dérogatoires accordés à l'État restent justifiés, que la protection des actifs essentiels est bien garantie. Il s'agit d'une démarche plus protectrice des droits des actionnaires des sociétés concernées, et d'une mise en conformité avec le cadre européen .

Votre commission n'a pas apporté de modification majeure à ce dispositif, à l'exception d'un amendement COM-436 de précision juridique et d'un amendement COM-437 précisant par parallélisme que l'extinction d'une action spécifique relève également d'un décret en Conseil d'État.

Votre commission a adopté l'article 56 ainsi modifié .

CHAPITRE III
DES ENTREPRISES PLUS JUSTES

Section 1
Mieux partager la valeur
Article 57
(art. L. 137-16 du code de la sécurité sociale ; L. 3311-1, L. 3312-2, L. 3312-6, L. 3312-9, L. 3314-6, L. 3314-8, L. 3315-2, L. 3315-3, L. 3321-1, L. 3322-1, L. 3322-2, L. 3322-4, L. 3322-9, L. 3312-3, L. 3323-6, L. 3324-2, L. 3332-2, L. 3334-7, L. 3335-1 du code du travail)
Développement de l'épargne salariale

I. Le droit en vigueur

Le présent article modifie plusieurs articles du code de la sécurité sociale et du code du travail touchant aux dispositifs d'épargne salariale.

Les « dividendes du travail :
intéressement, participation et épargne salariale » 697 ( * )

- intéressement : ce dispositif facultatif, mis en place par voie d'accord, permet à toute entreprise de faire participer ses salariés à ses résultats et ses performances. L'accord d'intéressement est conclu pour une durée minimale de trois ans et contient notamment le mode de calcul de l'intéressement et les règles de répartition entre les salariés. La liberté de fixer des critères de performance est totale pour les entreprises 698 ( * ) mais ces critères doivent reposer impérativement sur le principe de l'aléatoire. Ce principe explique que les accords d'intéressement doivent être signés avant le 30 juin de l'année n pour permettre des versements en cas d'atteinte des objectifs au cours de l'année n+1. En 2015, le montant annuel moyen des primes d'intéressement versées aux salariés couverts par un accord s'élevaient à 1 772 euros ;

- participation : instituée par l'ordonnance du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises 699 ( * ) , la participation des salariés aux résultats de l'entreprise est un dispositif prévoyant la redistribution d'une partie des bénéfices de l'entreprise au profit des salariés. Elle est obligatoire dans les entreprises de 50 salariés et plus et facultative pour les entreprises de moins de 50 salariés. L'entreprise a l'obligation de constituer une réserve spéciale de participation dès lors que les bénéfices réalisés au cours de l'exercice excèdent, après impôts, 5 % du total des capitaux propres. Alors que la formule de l'intéressement relève de la négociation, la participation repose sur une formule légale permettant d'établir la réserve spéciale de participation (RSP).

Cette formule complexe n'a jamais modifiée depuis 1967 :

RSP = ½ (B - 5 %C) (S/VA) 700 ( * )

L'accord de participation, qui l'instaure, peut cependant retenir une formule de calcul différente, à condition qu'elle soit aux moins aussi avantageuse que la formule légale. L'accord précise également les modalités de répartition de la RSP, en principe répartie proportionnellement aux salaires perçus. Les versements de la participation sont limités aux trois-quarts d'un plafond de la sécurité sociale par salarié. En 2015, les versements annuels moyens au titre de la participation s'élèvent à 1 407 euros ;

Le cadre fiscal et social de l'intéressement et de la participation est favorable pour le salarié et l'employeur. Sur le plan social, les primes d'intéressement et de participation ne sont pas assujetties aux cotisations sociales salariales. De plus, sur le plan fiscal, lorsque les bénéficiaires décident d'investir leur primes sur un plan d'épargne salariale, s'ils existent dans l'entreprise, les sommes versées sont exonérées d'impôt sur le revenu en contrepartie du blocage des avoirs sur une certaine durée. En cas de perception immédiate, les primes sont assujetties à l'impôt. Dans l'hypothèse d'un versement sur le plan d'épargne, les sommes peuvent être abondées par l'employeur. Pour ce dernier, les sommes versées sont assujetties à la CSG-CRDS ainsi qu'au forfait social, depuis 2009, au taux normal de 20 % 701 ( * ) ;

- plan d'épargne salariale : terme générique regroupant les plans d'épargne d'entreprise (PEE), les plans d'épargne interentreprises (PEI) et les plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco). Une entreprise peut mettre en place dans son plan d'épargne salariale un PEE et un Perco afin de proposer à ses salariés des instruments d'épargne de plus ou moins long terme ;

- plan d'épargne d'entreprise (PEE) : système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. Le plan peut être abondé par le salarié et l'employeur avec des versements spécifiques mais également avec les primes d'intéressement et de participation. Les sommes sont alors bloquées pendant cinq ans sauf pour les cas de déblocages anticipés ;

- plan d'épargne interentreprises : plan d'épargne institué entre plusieurs employeurs afin de simplifier la mise en place d'un PEE dans les petites et moyennes entreprises ;

- plan d'épargne pour la retraite collectif : mis en place dans les entreprises proposant déjà un PEE, le Perco est un système d'épargne collectif permettant aux salariés de constituer un portefeuille de valeurs mobilières qui sera débloqué, sous forme d'un versement en capital ou de rentes viagères, au moment du départ à la retraite. Des cas de déblocage anticipés, plus limités que pour le PEE, existent également.

Source : commission spéciale

Le texte initial concerne plus spécifiquement quatre dispositions :

- le I limite très fortement le forfait social dans les petites et moyennes entreprises . Ces dispositions ayant été reprises puis adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 702 ( * ) afin d'entrer en vigueur le 1 er janvier 2019, le lecteur pourra se référer au rapport de la commission des affaires sociales du Sénat sur le PLFSS pour 2019 pour la description du droit en vigueur avant la promulgation de la LFSS pour 2019 et du dispositif proposé initialement par le présent article 703 ( * ) ;

- les règles d'appréciation et de franchissement des seuils s'appliquant aux dispositifs d'épargne salariale . Une entreprise peut en effet proposer de l'épargne salariale dès qu'elle compte un salarié et est tenue de mettre en place la participation dès qu'elle franchit le seuil de 50 salariés. Ces règles sont actuellement soumises aux dispositions prévues dans le code du travail aux articles L. 1111-1 et L. 1111-2. L'article 6 de ce projet de loi instaure une harmonisation des modalités d'appréciation et de franchissement de certains seuils sociaux et fiscaux en les alignant sur les règles de l'article L. 130-1 nouveau du code de la sécurité sociale 704 ( * ) . Le présent article soumet les seuils de l'épargne salariale à ces nouvelles règles ;

- l' impossibilité actuellement pour le conjoint-collaborateur ne percevant pas de rémunération de bénéficier de la répartition de la réserve spéciale de participation. Aux termes de l'article L. 3314-6 en effet, peuvent bénéficier de la participation en plus des salariés, les chefs d'entreprises, les mandataires sociaux et les conjoints collaborateurs. Dans le cas d'une répartition proportionnelle, cette dernière s'effectue sur la rémunération annuelle ou le revenu professionnel imposé à l'impôt sur le revenu dans la limite d'un plafond égal au salaire le plus élevé versé dans l'entreprise ou des ¾ du plafond de la sécurité sociale. Le versement de la participation est donc soumis au versement d'un salaire ;

- enfin, l' obligation pour les partenaires sociaux de négocier dans chaque branche un régime d'intéressement (article L. 3312-9) et de participation (article L. 3322-9) à destination des entreprises de moins
de 50 salariés avant le 31 décembre 2016.

Selon l'étude d'impact, le taux de couverture des salariés en matière d'épargne salariale diffère très fortement selon la taille de l'entreprise.
Alors que 88 % des salariés travaillant dans une entreprise de plus de 50 salariés sont concernés par au moins un dispositif d'épargne, seuls 17 % le sont dans les entreprises entre un et 49 salariés.

De fortes disparités existent également en matière d'intéressement entre les entreprises dont l'effectif salarié est compris entre 50 et 249 salariés et celles ayant plus de 250 salariés (39 points d'écart dans le taux de couverture alors que l'écart entre les entreprises de moins de 50 salariés et les entreprises de plus de 50 salariés n'est que de 21 points).

L'objectif du Gouvernement est donc de favoriser le développement de l'épargne salariale dans les entreprises de moins
de 50 salariés et de l'intéressement dans les entreprises de plus de 50 salariés.

II. Le dispositif proposé

Le I adapte en conséquence le forfait social applicable aux versements d'intéressement et de participation afin de :

- supprimer le forfait social dans les entreprises de moins
de 50 salariés pour les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation
, quel que soit le support sur lequel ces sommes sont investies et même si elles sont directement perçues ;

- exonérer de forfait social les versements au titre de l'intéressement dans les entreprises entre 50 et 249 salariés ;

- créer un nouveau taux dérogatoire de forfait social fixé à 10 % pour les versements de toutes les entreprises sur les fonds d'actionnariat salarié , lorsque ces derniers proposent des actions ou des certificats d'investissement émis par l'entreprise. Cette dérogation s'applique à toutes les entreprises depuis le 1 er janvier 2019.

Les , , et du II appliquent les nouvelles règles d'appréciation et de franchissement de seuils prévues à l'article 6 de ce projet de loi aux seuils prévus dans les dispositions du code du travail relatives à l'épargne salariale.

La conséquence la plus significative de l'application de ces nouvelles règles de franchissement concerne l'obligation de mise en place de la participation dans les entreprises de plus de 50 salariés. Désormais, cette obligation ne s'appliquera qu'une fois que l'entreprise aura franchi ce seuil pendant cinq années consécutives.

Le du II complète l'article L. 3314-6 du code du travail afin de permettre aux conjoints-collaborateurs, si l'accord de participation le prévoit, de bénéficier de la répartition, proportionnelle aux salaires, de la réserve de participation pour un montant qui ne peut être supérieur à un quart du plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, ce plafond fait référence à celui fixé à l'article L. 3332-10 du code du travail, aux termes duquel les versements annuels d'un salarié aux plans d'épargne d'entreprise auxquels il participe ne peuvent excéder un quart de sa rémunération annuelle ou de son revenu professionnel.

Soit le conjoint collaborateur a une rémunération et la prime de participation ne pourra être supérieure à un quart de son montant annuel, soit il n'en a pas et le plafond de référence sera un quart du plafond annuel de la sécurité sociale.

Le du II élargit d'ailleurs la notion de conjoint dans les articles relatifs à l'épargne salariale au partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

Le du II apporte une simplification bienvenue en modifiant l'article L. 3312-2 du code du travail afin de permettre, lorsque survient une modification de la situation juridique de l'entreprise, notamment par fusion, cession ou scission, de maintenir plus facilement l'accord d'intéressement.
Si cette modification nécessite en effet la mise en place de nouvelles institutions représentatives du personnel, l'accord d'intéressement de l'entreprise se poursuit ou peut être renouvelé avec les anciennes IRP.

Le III dispose qu'un régime d'intéressement, de participation ou de plan d'épargne salariale est négocié par branche, au plus tard le 31 décembre 2020. L'accord de branche devra être adapté aux spécificités des entreprises employant moins de 50 salariés. Cette obligation de négociation d'un accord fusionne les deux obligations prévues en matière d'intéressement et de participation.

Il est précisé que les entreprises de la branche peuvent opter pour l'application de l'accord ainsi négocié. À défaut d'initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2019, la négociation s'engage dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation de salariés représentative de la branche.

Cette formulation reprend les dispositions figurant dans les articles L. 3312-9 et L. 3322-9 du code du travail qui prévoyaient une obligation de négociation de tels accords de branche respectivement pour l'intéressement et la participation. Ces accords devaient être négociés au plus tard
le 30 décembre 2017. Les et du II abrogent ces articles.

Interrogé par votre rapporteur, le ministère du travail n'a pas répondu quant à la volonté des partenaires sociaux de conclure de tels accords dans les branches. En effet, l'obligation de négociation prévue actuellement dans le code devait aboutir au plus tard le 31 décembre 2016, date qui avait déjà été repoussée. Votre rapporteur s'interroge donc sur les raisons qui pourront conduire à la conclusion de tels accords avant la fin de l'année 2020...

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission , les députés ont adopté onze amendements dont trois concernaient le I relatif au forfait social, et un autre procédait à une coordination.

À l'initiative de nos collègues rapporteurs Coralie Dubost
et Roland Lescure, la commission spéciale a prévu :

- de permettre à des entreprises n'ayant aucune activité coordonnée entre elles, de prévoir dans leurs accords d'intéressement respectifs,
la possibilité d'un accord d'intéressement de projet pour un projet qui leur serait commun (2° bis du II) . L'exposé des motifs de l'amendement cite l'exemple de la refonte d'un système informatique ;

- que les accords de branche visant à mettre en place des régimes d'épargne salariale proposent un règlement type de plan d'épargne entreprise. Cette disposition a suscité de fortes réserves de la part de plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteur qui y ont vu la possibilité que ces accords aillent jusqu'à orienter les entreprises de la branche vers des gestionnaires de plans d'épargne .

À l'initiative de plusieurs membres du groupe La République en Marche, une série d'amendements a également été adoptée par la commission spéciale visant à :

- aligner le plafond individuel de versement des primes d'intéressement sur celui de la participation ( 4° bis du II ). La quote-part de la réserve de participation pouvant être versée à un bénéficiaire est actuellement plafonnée aux trois-quarts du plafond annuel de la sécurité sociale 705 ( * ) tandis qu'en matière d'intéressement, ce plafond s'élève à la moitié du PASS. L'amendement de nos collègues députés permet donc d'augmenter le plafond de versement des primes d'intéressement à ¾ de PASS, ce qui ne pourra concerner que les bénéficiaires les plus importants ;

- plafonner, par décret, les frais de tenue des comptes dans les Perco pour les salariés ayant quitté l'entreprise ( 10° du II ). L'amendement initial de nos collègues Aurélien Taché et Stanislas Guerini prévoyait un plafonnement des frais de tenue de compte dans les PEE et les Perco.
Un sous-amendement du Gouvernement a limité ce plafonnement aux seuls Perco au motif que les salariés quittant l'entreprise peuvent liquider leur PEE s'ils jugent que leurs frais bancaires sont trop élevés ;

- préciser la rédaction de l'article L. 3335-1 du code du travail afin de laisser possible le transfert d'un plan d'épargne d'entreprise, lorsque sa situation juridique est modifiée à la suite d'une fusion, d'une cession ou d'une scission, dans la nouvelle entreprise sans qu'il soit obligatoirement lui-même transféré dans le plan de la nouvelle entreprise ( 11° du II) ;

Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement de notre collègue Dominique Potier et de plusieurs membres du groupe socialiste, visant à préciser que les accords de branche sur le régime d'épargne salariale doivent fixer des critères de performance relevant de la responsabilité sociale des entreprises, dont la liste est fixée par décret, et qui peuvent être intégrés à la négociation.

En séance publique , l'Assemblée nationale a adopté une série de huit amendements rédactionnels et de coordination à l'initiative de ses deux rapporteurs.

Tirant les conséquences du relèvement aux trois-quarts de PASS du plafond de versement individuel pour les primes d'intéressement, l'amendement du groupe La République en Marche, également adopté
en séance publique, permet d'aligner les plafonds d'exonération d'impôts sur le revenu au même niveau, afin de continuer à encourager le placement des sommes issues de l'intéressement sur des dispositifs d'épargne salariale.

IV. La position de votre commission

Cet article propose un ensemble de modifications éparses sans véritable plan d'ensemble et surtout sans mesure réellement significative,
à l'exception de la forte limitation du forfait social dans les petites
et moyennes entreprises.

Alors que beaucoup de nos collègues députés en ont appelé à poursuivre l'esprit de l'ordonnance de 1967, citant le général de Gaulle et son discours de Bagatelle, aucune des mesures contenues dans cet article n'est appelée à une telle postérité.

Aucune des réflexions engagées actuellement dans le champ de l'épargne salariale n'a même trouvé à se concrétiser dans ce projet de loi.

Des travaux sont pourtant en cours 706 ( * ) pour réviser la formule légale de participation dont tous les acteurs s'accordent sur la complexité
et le manque de lisibilité pour les employeurs et les salariés. L'absence de consensus au sein du Conseil d'orientation de la participation, l'intéressement, l'épargne salariale et l'actionnariat salarié (Copiesas)
et les importants effets de transferts que pourraient entraîner une révision de la formule légale ont empêché à ce jour toute initiative en la matière.

De même, alors que l'intéressement semble être un outil apprécié des entreprises en ce qu'il permet de fixer des objectifs lisibles au plus près des réalités des entreprises et d'associer les salariés également aux résultats,
ce projet de loi aurait pu entamer un rapprochement entre les régimes d'intéressement et de participation .

Votre rapporteur regrette ce manque d'ambition en particulier s'agissant de l'évolution de la formule de participation.

À son initiative, votre commission spéciale a toutefois adopté une série de huit amendement dont un rédactionnel ( amendement COM-447 ).

Un premier amendement COM-445, co-signé avec notre collègue rapporteur Jean-François Husson, aligne l'ensemble des taux dérogatoires
de forfait social sur le nouveau taux de 10 % instauré par la LFSS pour 2019 pour les versements sur l'actionnariat salarié. Poursuivant la réflexion engagée par notre collègue, rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, Jean-Marie Vanlerenberghe qui avait déjà contribué à la simplification du dispositif, cet amendement a donc pour conséquence :

- de diminuer de 16 % à 10 %, le taux de forfait social
sur les versements issus de l'intéressement et de la participation et des contributions employeurs affectées à un certain type de Perco investissant dans les PME ;

- d'augmenter de 8 % à 10 % le taux de forfait social applicable aux sommes affectées à l'intéressement et la participation dans les sociétés coopératives ouvrières de production (Scop).

Vos rapporteurs sont conscients de l'effort supplémentaire demandé aux Scop mais considèrent que cet amendement doit être la première étape vers une simplification du forfait social avec le retour d'un taux unique qui pourrait être de 10 %.

Le rapport de la commission des affaires sociales sur le PLFSS pour 2019 avait en effet montré d'une part, l'évolution déraisonnable de ce taux passé de 2 % en 2009 à 20 % en 2012 et sa perte de sens avec la multiplication des taux dérogatoires. La création par le présent article d'un nouveau taux de 10 % en était d'ailleurs une nouvelle illustration. La perspective du retour à meilleure fortune de la sécurité sociale permet d'envisager cette diminution.

La mesure proposée par le Gouvernement entraîne une baisse des recettes pour la sécurité sociale de 600 millions d'euros. D'après les estimations fournies à votre rapporteur, l'amendement provoquerait une baisse des recettes d'environ 60 millions d'euros supplémentaires.

Un second amendement COM-448 de votre rapporteur prévoit de mettre en place obligatoirement un plan d'épargne d'entreprise pour les salariés dès qu'un accord d'intéressement a été signé. Cette mesure, au coût très faible pour les entreprises 707 ( * ) , permettrait de faire bénéficier l'ensemble des salariés couverts par un accord des avantages sociaux et fiscaux afférents au PEE et de pouvoir se constituer une épargne salariale.

L'amendement COM-449 de votre rapporteur prévoit de sécuriser, pour les entreprises, les exonérations de cotisations et contributions sociales attachées aux primes d'intéressement lorsque l'autorité administrative n'a pas fait d'observations au cours de la procédure de validation de l'accord d'intéressement. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) sont en effet tenues de valider l'accord d'intéressement dans les quatre mois suivant son dépôt. Le silence de l'administration vaudrait donc désormais « rescrit social » pour la durée de l'accord. Si un contrôle de l'Urssaf devait conclure à une contrariété de l'accord par rapport à la réglementation, les exonérations acquises ne pourraient être remises en cause. L'entreprise devrait néanmoins se mettre en conformité afin de pouvoir continuer à bénéficier de l'exonération sociale pour la fin de la durée de l'accord.

L'amendement COM-450 autorise les entreprises signant un premier accord d'intéressement à le faire à n'importe quel moment de l'année en échange d'une extension de la durée de l'accord à quatre ans pour préserver le principe de l'aléatoire. Cette souplesse accordée aux entreprises leur permettrait de ne pas attendre un an pour les premiers versements d'intéressement.

L'amendement COM-446 simplifie les modalités de gestion de l'intéressement et de la participation. Actuellement, outre le versement direct au salarié ou le versement sur un PEE, l'entreprise peut proposer aux salariés d'affecter leurs primes sur un compte bancaire bloqué géré et rémunéré par l'entreprise. Cette modalité de gestion présente un risque pour le salarié en cas de difficultés de son entreprise qui peuvent alors menacer son emploi et son épargne. En cas de liquidation, l'assurance de garantie des salaires (AGS) n'est d'ailleurs souvent pas en mesure de garantir à la fois le paiement des salaires et le remboursement de l'épargne salariale. Cet amendement propose d'interdire la gestion de l'épargne salariale par ce biais et de privilégier le PEE ou le versement direct.

Enfin l'amendement COM-451 réécrit le III du présent article concernant l'accord de branche en matière d'intéressement, de participation et d'épargne salariale. En évoquant le terme de « règlement type »,
la rédaction issue de l'Assemblée nationale soulevait le risque que les accords de branche établissent un cadre trop restrictif et puissent définir en particulier des clauses de désignation, qui ont fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel en juillet 2013 en matière de santé et de prévoyance.

Votre commission a également adopté un amendement COM-101
de notre collègue Jean-Pierre Grand visant à préciser le dispositif de plafonnement des frais de tenue de compte d'un Perco lorsque le salarié a quitté l'entreprise. Il prévoit que le plafonnement prévu par décret ne peut excéder le produit financier du placement.

Votre commission a adopté l'article 57 ainsi modifié.

Article 57 bis A
(art. L. 3314-2 du code du travail)
Prise en compte d'un objectif pluriannuel
dans la formule de calcul de l'intéressement

I. Le droit en vigueur

L'article L. 3314-2 du code du travail prévoit que, pour bénéficier des avantages fiscaux et sociaux qui lui sont afférent, l'intéressement collectif des salariés dans une entreprise doit présenter un caractère aléatoire et résulter d'une formule de calcul fondée :

- soit sur les résultats ou les performances de l'entreprise au cours d'une année ou d'une période inférieure au moins égale à trois mois ;

- soit sur les résultats de l'une ou plusieurs de ses filiales dès lors qu'au moins deux tiers des salariés de ces filiales sont eux-mêmes couverts par un accord d'intéressement.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Inséré par les députés en séance publique, à l'initiative de notre collègue Stanislas Guerini avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article complète l'article L. 3314-2 du code de travail par un alinéa prévoyant que la formule de calcul de l'intéressement peut être complétée d'un objectif pluriannuel lié aux résultats ou aux performances de l'entreprise.

Aux termes de l'article L. 3314-2, la mesure du respect des objectifs d'intéressement fixés dans l'accord se mesure, au maximum, d'une année sur l'autre avec un versement de la prime l'année suivant l'atteinte dudit objectif.

Tel que rédigé, cet article introduit la possibilité d'un objectif pluriannuel qui aurait donc pour conséquence que la prime d'intéressement ne soit pas versée chaque année au titre de cet objectif, mais à l'issue d'une période plus longue.

L'exposé des motifs de l'amendement évoque cette limite actuelle au régime de l'intéressement, « construit pour un partage du résultat de manière annuelle et récurrente, et non pour le partage d'une plus-value à un horizon de moyen ou long terme » .

Mais l'exposé des motifs fait également état d'un second objectif poursuivi par cette nouvelle disposition et qui n'est pas du tout explicite à la simple lecture de cette dernière.

L'introduction d'un objectif pluriannuel dans la formule de calcul de l'intéressement doit permettre également, en cas de cession de l'entreprise et de reprise notamment par un capital-risqueur sur une courte période, d'intéresser les salariés au partage de la plus-value réalisée au moment où l'entreprise est à nouveau cédée quelques années plus tard. Les salariés de l'entreprise doivent en effet pouvoir être intéressés à la prise de valeur de l'entreprise, sur laquelle se rémunère le fonds d'investissement.

En proposant un objectif de performance pluriannuel dans une entreprise, cet article devrait permettre à « tout détenteur de titres d'une société ou d'un groupe de sociétés (de) s'engager à rétrocéder une fraction des éventuelles plus-values constatées lors de la cession desdits titres (aux) salariés et mandataires sociaux de ladite société et le cas échéant de ses filiales, par le truchement de l'accord d'intéressement établi entre les partenaires sociaux de l'entreprise. En effet, la plus-value de cession, qui correspond à une hausse de la valorisation des actions de l'entreprise, constitue un indicateur de la performance économique de l'entreprise dans la durée » .

L'article L. 3312-5 prévoit que les accords d'intéressement sont conclus pour une durée de trois ans. À l'issue de cette période et si l'accord d'origine le prévoit, lorsqu'aucune des parties ne demande de renégociation dans les trois mois précédant la date d'échéance de l'accord, celui-ci est renouvelé par tacite reconduction pour une durée de trois ans. Il n'y a donc pas d'incompatibilité entre le cadre juridique des accords d'intéressement et la possibilité de fixer un objectif pluriannuel sur une durée maximum de six ans sans renégociation.

III. La position de votre commission

La mesure proposée élargit les possibilités de développement de l'intéressement et va donc dans le sens de son renforcement.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est toutefois imprécise et pourra être améliorée au stade de la séance publique.

Votre commission a adopté l'article 57 bis A sans modification.

Article 57 bis B
(art. L. 3314-11 [nouveau] du code du travail)
Répartition de l'intéressement

I. Le droit en vigueur

L'accord d' intéressement définit les critères de répartition des primes d'intéressement entre les salariés d'une entreprise. Aux termes de l'article L. 3314-5 du code du travail, cette répartition peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires.

L'article L. 3314-8 instaure toutefois un double plafond, collectif et individuel, pour le versement par une entreprise des primes d'intéressement. Au niveau collectif, le montant global des primes distribuées aux bénéficiaires ne doit pas dépasser annuellement 20 % du total des salaires bruts. Au niveau individuel, le montant des primes distribuées ne peut sur une année excéder une somme égale à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale 708 ( * ) .

De leurs côtés, les règles encadrant la répartition de la réserve spéciale de participation (article L. 3324-7 du code du travail) prévoient que les sommes qui n'auraient pas pu être mises en distribution dans le cas où un salarié aurait atteint son plafond de versement, font l'objet d'une répartition immédiate entre tous les salariés auxquels ont été versés des sommes d'un montant inférieur au plafond des droits individuels. Ce plafond ne peut pas plus être dépassé du fait de cette répartition supplémentaire.

Dans le cas de l'intéressement, aucune règle de ce type n'existe de sorte que les primes d'intéressement qui n'auraient pu être distribuées aux salariés ayant atteint leur plafond individuel ne sont tout simplement pas versées.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, introduit en séance publique par les députés à l'initiative de notre collègue Vincent Descoeur et plusieurs autres membres du groupe Les Républicains avec avis favorable du Gouvernement et de la commission, vise à introduire une règle de répartition du reliquat des primes dans le cadre de l'intéressement similaire à celle existant pour la participation.

Il complète à ce titre la section 3 (Distribution de l'intéressement) du chapitre IV (calcul, répartition et distribution de l'intéressement) du titre Ier (Intéressement) du livre III (Dividende du travail : intéressement, participation et épargne salariale) de la troisième partie du code du travail par un nouvel article L. 3314-11.

Suivant un parallélisme des formes, cet article reprend pour l'intéressement le contenu de l'article L. 3324-7 applicable à la participation. Il précise toutefois que cette redistribution du reliquat d'intéressement doit être prévue dans l'accord d'intéressement. La participation étant obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, une telle disposition n'est pas nécessaire à ce niveau.

L'amendement portant création de cet article additionnel a fait l'objet de deux sous-amendements de nos collègues rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure :

- le premier précise que la répartition du reliquat d'intéressement entre les salariés qui n'ont pas atteint le plafond est effectuée selon les mêmes modalités que la répartition originelle ;

- le second est un amendement rédactionnel.

III. La position de votre commission

Cet article renforce l'attractivité de l'intéressement pour le salarié en permettant, le cas échéant, d'augmenter les primes individuelles versées. Pour les entreprises, cette obligation n'entraîne pas de coûts supplémentaires significatifs et participe d'une démarche de mieux associer les salariés à la performance de l'entreprise.

Dans la pratique cependant, les sommes distribuées au titre de la participation et de l'intéressement atteignent rarement le plafond.

Votre commission a adopté l'article 57 bis B sans modification.

Article 57 bis C
(art. L. 3324-5 du code du travail)
Abaissement du plafond de salaire pris en compte
dans le calcul de la répartition de la participation

I. Le droit en vigueur

L'article L. 3324-5 du code du travail fixe les principales règles de répartition de la réserve spéciale de participation (RSP) entre les salariés bénéficiaires. Le premier alinéa précise ainsi que la répartition est calculée proportionnellement au salaire perçu dans la limite de plafonds déterminés par décret.

Parmi ces plafonds, l'article D. 3324-10 précise que le salaire servant de base à la répartition proportionnelle de la RSP correspond à la somme des revenus d'activité soumis à cotisations sociales, dans la limite de quatre fois le plafond annuel de sécurité sociale (PASS) 709 ( * ) .

Ce plafond signifie que pour les salariés percevant une rémunération annuelle supérieure à ce plafond, les rémunérations situées au-dessus ne sont pas prises en compte pour calculer la quote-part de participation desdits salariés.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté en séance publique à l'initiative de nos collègues membres du groupe La République en Marche avec l'avis favorable du Gouvernement, le du présent article modifie l'article L. 3324-5 du code du travail pour :

- d'une part, élever au rang législatif la fixation du nombre de PASS constituant l'assiette maximale de salaires pris en compte pour la répartition de la RSP ;

- d'autre part, abaisser ce nombre de plafonds, actuellement fixé à l'article D. 3324-10, de quatre à trois PASS 710 ( * ) ;

Le procède à une coordination.

Nos collègues députés ont justifié l'abaissement du plafond de salaire pris en compte pour la répartition de la participation par le renforcement de sa dimension égalitaire en en permettant une meilleure répartition vers les rémunérations inférieures à 3 PASS .

Comme le rappelle l'exposé des motifs de l'amendement, la rémunération annuelle moyenne des cadres en France s'élevait en 2014 à 54 800 euros bruts. Par conséquent, cet abaissement de plafond va concerner principalement les cadres supérieurs aux rémunérations élevées.

III. La position de votre commission

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, parmi les salariés ayant touché de la participation au titre de l'année 2014 au sein des entreprises de 10 salariés 711 ( * ) ou plus, 0,7 % des salariés (32 000 personnes) ont une rémunération supérieure à quatre PASS . Pour un plafond de trois PASS, la proportion de salariés concernés est de 1,6 % soit 68 000 personnes 712 ( * ) .

Un abaissement du plafond de quatre à trois PASS entraînerait une perte moyenne de 860 euros pour les 68 000 personnes concernées. La perte atteint 1 300 euros en moyenne pour les 32 000 salariés rémunérés au-delà de 4 PASS. En contrepartie, 4,1 millions de salariés bénéficieront d'une augmentation de leur participation de 14 euros en moyenne 713 ( * ) .

Cette mesure entraîne une redistribution significative des plus hautes rémunérations au sein d'une entreprise vers les plus faibles. La participation n'étant pas la principale variable de rémunération des hauts-cadres dirigeants qui bénéficient en moyenne plus fortement de l'intéressement, il apparait légitime de renforcer son caractère égalitaire.

Votre commission a, sur cet article, adopté un amendement COM-452 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 57 bis C ainsi modifié.

Article 57 bis D (supprimé)
(art. L. 3332-7 du code du travail)
Renforcement de l'accompagnement
des salariés bénéficiaires d'un plan d'épargne entreprise
dans leurs décisions de placement

I. Le droit en vigueur

En matière d'information des salariés concernant leur plan d'épargne d'entreprise (PEE), l'article L. 3332-7 du code du travail dispose que le règlement du plan détermine les conditions dans lesquelles le personnel est informé de son existence et de son contenu.

Le plan d'épargne salariale pouvant être soit imposé par l'employeur, soit négocié, la liberté laissée à l'entreprise est donc grande pour aménager les conditions de cette information.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté en séance publique par l'Assemblée nationale à l'initiative de ses rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article complète l'article L. 3332-7 pour préciser le contenu du règlement du plan d'épargne d'entreprise.

Dans sa version initiale, cet amendement était ainsi rédigé :
le règlement « prévoit la mise en oeuvre de modalités d'un conseil personnalisé aux bénéficiaires, à leur demande, sur leurs décisions de placement, à la charge des sociétés chargées de gérer les actifs du plan » .

Les entreprises mettant en place des plans d'épargne d'entreprise abondés par les versements des employeurs et des salariés, tant au titre de la participation et de l'intéressement que d'autres abondements, ont recours à des sociétés de gestion (banques, assurance) pour les fonds collectés.

L'amendement initial visait donc explicitement les sociétés de gestion des PEE comme chargées de cette activité de conseil.

L'adoption d'un sous-amendement du Gouvernement a simplifié le dispositif proposé mais en le rendant moins explicite. Le texte dispose désormais que le règlement « prévoit la mise en oeuvre de modalités d'une aide à la décision pour les bénéficiaires » .

D'après les informations obtenues par votre rapporteur, cette nouvelle rédaction permet d'élargir le champ des personnes chargées de cette activité d'aide à la décision. En effet, en fonction des entreprises et des PEE, plusieurs catégories d'interlocuteurs peuvent intervenir auprès des bénéficiaires. Il peut s'agir des organisations syndicales de l'entreprises,
qui ont négocié l'accord de mise en place du PEE, des directions financières ou des ressources humaines de l'entreprise ou encore effectivement des sociétés de gestion du plan.

Par ailleurs, la nouvelle rédaction fait disparaître le terme même de conseil qui apparaissait comme trop précis et ainsi source de contentieux.

III. La position de votre commission

Les dispositions de cet article soulèvent deux difficultés :

- sur le fond, la nouvelle rédaction ne lève pas tous les risques de contentieux quant à l'activité de conseil à l'épargnant tant en matière de conflit d'intérêt, en particulier si un représentant de l'entreprise est chargé de cette activité, que de compétence, dans le cas où la société de gestion n'est pas désignée ;

- de plus, des dispositions seront désormais prévues à l'article L. 3332-7-1, tel qu'il résulte de l'article 58 du présent projet de loi, pour mettre à disposition du bénéficiaire un relevé annuel de situation. Ce relevé sera l'élément déclencheur de demandes d'information et de conseil pour l'affectation de l'épargne du salarié. Il conviendrait a minima d'insérer ces dispositions concernant le renforcement de l'accompagnement au niveau de cet article 58.

Votre commission a adopté un amendement COM-453 de suppression de cet article.

Votre commission a supprimé l'article 57 bis D.

Article 57 bis
(L. 3332-25 du code du travail)
Recours aux sommes du plan d'épargne entreprise
pour les levées d'actions de son entreprise

I. Le droit en vigueur

L'article L. 3332-25 prévoit que les actions ou parts acquises
pour le compte des salariés et anciens salariés dans le cadre de leur plan d'épargne d'entreprise (PEE) leur sont délivrées à l'expiration d'un délai minimum de cinq ans à compter de l'acquisition des titres.

Les salariés peuvent toutefois liquider les avoirs disponibles sur leur PEE, avant l'expiration de ce délai de cinq ans, dans un certain nombre de cas fixés soit au niveau réglementaire 714 ( * ) , soit au niveau législatif dans le cas du second paragraphe de cet article L. 3332-25.

Ce dernier dispose que le délai ne s'applique pas si la liquidation des avoirs acquis dans le cadre du PEE par le salarié bénéficiaire sert à lever des options de souscription ou d'achat d'actions de son entreprise. Dans ce cas, les actions souscrites ou achetées sont versées dans le plan d'épargne et sont à nouveau indisponibles pendant cinq ans à compter du versement. Les actions débloquées du PEE peuvent également être apportées à une société d'investissement à capitaux variables (Sicav) ou un fonds de placement commun de l'entreprise (FCPE) dont l'actif est exclusivement composé de titres de capital de l'entreprise ou d'une entreprise du même groupe.

En ne permettant le déblocage du PEE avant cinq ans que pour l'achat d'actions, l'article L. 3321-5 ne concerne donc que les entreprises sous la forme de sociétés anonymes.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté par la commission spéciale à l'initiative de notre collègue Philippe Bolo et plusieurs autres membres du groupe Mouvement démocrate, cet article élargit le champ de cette exception législative permettant le déblocage, avant cinq ans des capitaux du PEE, au cas d'achat de parts de l'entreprise du salarié bénéficiaire du plan.

Un sous-amendement du Gouvernement a procédé à une coordination dans le même article.

III. La position de votre commission

Cet article introduit un parallélisme de traitement s'agissant de l'utilisation du PEE entre les salariés d'une société anonyme et ceux d'une entreprise disposant d'un capital en parts sociales. Il participe de la simplification en matière d'épargne salariale entreprise dans ce projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 57 bis sans modification.

Article 58
(art. L. 3334-5 et L. 3332-7-1 [nouveau] du code du travail)
Accessibilité des plans d'épargne pour la retraite collectifs
et information des bénéficiaires des plans d'épargne entreprise

I. Le droit en vigueur

Deux dispositions concernant l'épargne salariale, n'ayant pas de lien direct, sont modifiées dans cet article.

La première concerne l'obligation pour une entreprise de mettre en place un plan d'épargne d'entreprise (PEE) pour pouvoir proposer à ses salariés un plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) .

L'article L. 3334-5 du code du travail dispose en effet que le Perco ne peut être mis en place dans une entreprise que si les salariés ont la possibilité d'opter pour un plan de durée plus courte (un plan d'épargne d'entreprise ou interentreprises).

La seconde disposition est relative à l'information des salariés en matière d'épargne salariale.

La sous-section 3 ( Information des salariés ), de la section 1 ( Conditions de mise en place ) du chapitre II ( Plan d'épargne d'entreprise ) du titre III ( Plan d'épargne salariale ) présente les dispositions applicables en matière d'information des salariés sur l'existence et le contenu du PEE
(art. L. 3332-7).

L'étude d'impact rappelle que depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 715 ( * ) , l'article L. 3341-6 du code du travail oblige chaque entreprise ayant mis en place un dispositif d'épargne salariale à mettre à disposition de ses salariés un livret d'épargne salariale présentant les dispositifs mis en place dans l'entreprise, au moment de la signature du contrat de travail.

L'article L. 3341-7 prévoit les modalités de l'information du salarié
relative à son épargne salariale au moment où il quitte l'entreprise afin qu'il reçoive un état récapitulatif de l'ensemble des sommes et valeurs mobilières épargnées.

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article abroge l'article L. 3334-5 du code du travail
et supprime l'obligation faite aux entreprises de mettre à disposition de leurs salariés un PEE avant d'ouvrir un Perco.

Le PEE demeure obligatoire en cas d'accord de participation.
Cette mesure ne vise donc que les entreprises de moins de 50 salariés qui n'auraient pas à ce jour déjà mis en place un PEE.

Aux termes de l'étude d'impact, « il est souhaitable de flexibiliser la mise en place des Perco au sein des petites entreprises, dans le cadre d'une démarche volontaire. (...) Avec cette mesure, le développement du Perco devrait donc être accéléré ainsi que la part des fonds consacrée à l'investissement productif de long terme ».

Le II créé un nouvel article L. 3332-7-1 au sein de la section 3 mentionnée ci-dessus afin d'instituer un relevé annuel de situation pour chaque bénéficiaire d'un plan d'épargne d'entreprise. Ce relevé annuel est établi par la personne chargée de la tenue du registre des comptes administratifs et comporte l'ensemble des versements du salarié ainsi que les choix d'affectation de son épargne au sein du plan. Ce relevé présente enfin le montant des valeurs mobilières estimées sur le fond au 31 décembre de l'année précédente.

Un décret déterminera les mentions devant figurer au sein du relevé ainsi que la date à laquelle ce relevé est édité.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a apporté aucune modification à cet article.

IV. La position de votre commission

La suppression de l'obligation de mettre en place un plan d'épargne d'entreprises avant de proposer un plan d'épargne pour la retraite collectif peut apparaître comme une souplesse supplémentaire permise aux petites et moyennes entreprises.

Cette obligation permet toutefois de proposer au salarié une offre complète d'épargne salariale, pour qu'il puisse procéder à des placements :

- de moyen terme, les actions acquises sur un PEE devant être détenues cinq ans au minimum sauf cas de déblocages anticipés ;

- et de long terme, le Perco ne pouvant être débloqué qu'au moment de la retraite 716 ( * ) .

Dans son étude d'impact, le Gouvernement exclut précisément de remettre en cause l'obligation de mettre en place un PEE lorsqu'un accord de participation est signé « dans la mesure où, dans les cas où le versement de la participation est obligatoire, il paraît souhaitable d'assurer qu'il existe pour les salariés un produit d'épargne de moyen terme » .

Votre rapporteur ne comprend pourquoi ce qui est vrai pour la participation des salariés ne l'est pas pour tous les versements proposés dans le cadre de l'épargne salariale.

Le coût supplémentaire pour les entreprises, induit par la mise en place des deux dispositifs pour un salarié, est faible d'après les informations communiquées à votre rapporteur. En effet, l'ouverture d'un compte d'épargne salariale pour un salarié coûte entre 15 et 20 euros à l'employeur si le salarié l'utilise. Ce coût n'est augmenté que de quelques euros supplémentaires si le salarié utilise les deux comptes (PEE et Perco).

La suppression totale du forfait social sur l'ensemble des dispositifs fera plus que compenser le maintien de cette obligation qui assure à l'épargne salariale une plus forte attractivité en particulier à destination des plus jeunes collaborateurs. En n'ayant à disposition qu'un Perco, ces salariés pourraient privilégier le versement direct des primes d'intéressement ou de participation mis en place de façon facultative dans la TPE.

Votre commission a donc adopté deux amendements identiques COM-97, de notre Jean-Pierre Grand et COM-454 de votre rapporteur, supprimant le I de cet article.

S'agissant de l'instauration d'un relevé annuel de situation,
votre commission a considéré cette mesure avec intérêt. D'après les informations obtenues, ce relevé de situation n'entraînera pas de lourds développements informatiques. Il s'agit à travers cette mesure de s'appuyer sur les bonnes pratiques afin de les généraliser pour améliorer l'information en direction des épargnants.

Votre commission a adopté l'article 58 ainsi modifié.

Article 59
(art. L. 227-2 et L. 227-2-1 du code de commerce et L. 3332-11, L. 3332-12, L. 3332-13, L. 3332-19 et L. 3332-20 du code du travail)
Développement de l'actionnariat salarié

I. Le droit en vigueur

Alors que la loi du 6 août 2015 relative à la croissance, l'activité
et l'égalité des chances économiques 717 ( * ) avait allégé l'imposition sur la participation directe des salariés au capital de leur entreprise 718 ( * ) ,
le présent article entend lever deux freins supplémentaires au développement de l'actionnariat salarié dans notre pays 719 ( * ) .

En premier lieu, il permet aux sociétés par actions simplifiées (SAS) de procéder à des offres collectives à tous leurs salariés, sans limite de nombre maximum d'investisseurs ni montant minimal d'investissement.
Il instaure par ailleurs la possibilité pour l'employeur d'abonder unilatéralement les supports d'investissement en actionnariat salarié contenus dans le plan d'épargne de l'entreprise.

• Les offres réservées aux salariés dans les SAS

L'article L. 227-2 du code de commerce dispose actuellement qu'une société par actions simplifiées ne peut procéder à une offre de titres financiers au public ni à l'admission aux négociations sur un marché réglementé de ses actions.

Elle peut néanmoins procéder à certaines catégories d'offres 720 ( * ) ,
qui ne constituent toutefois pas une offre au public et que l'article L. 227-2 définit précisément. Sont autorisées les offres :

- ouvertes au public mais dont le ticket minimum par investisseur
est de 100 000 euros (2° et 3° du I de l'article L. 441-2) ;

- de financement participatif (I bis de l'article L. 441-2) ;

- à cercle restreint d'investisseurs, au plus de 149 personnes, sans limite de montants (2° du II de l'article L. 441-2) ;

- à des investisseurs qualifiés, sans limite de nombre de personnes
ni de montant de l'offre (2° du II du même article) ;

- à des gestionnaires de fonds, sans limite de nombre de personnes
ni de montant de l'offre (3° du II).

• L'abondement unilatéral de l'employeur sur le PEE

L'article L. 3332-10 du code du travail encadre les versements effectués par l'employeur sur le plan d'épargne d'entreprise pour le compte de ses salariés. Les sommes versées annuellement par l'employeur ne peuvent excéder le triple de la contribution du bénéficiaire qui peut résulter d'un versement d'une prime d'intéressement ou de participation ou d'un abondement volontaire.

Ces sommes peuvent toutefois être majorées lorsque le salarié ou le mandataire social éligible au PEE acquiert des actions ou certificats d'investissement émis par son entreprise. Cette dernière peut alors abonder dans la limite de 80 % de l'investissement du salarié sur le produit d'actionnariat salarié.

A contrario , il est possible pour l'employeur, dans le cadre d'un plan d'épargne retraite collectif (Perco) et si le règlement du plan le prévoit, d'effectuer des versements même en l'absence de contribution du salarié.
Ces versements peuvent d'ailleurs amorcer le Perco ou intervenir périodiquement tout en étant plafonnés à un montant égal à 2 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).

En effet, ces versements unilatéraux de l'employeur sont soumis au même régime social et fiscal que les autres contributions employeur à un Perco.

II. Le dispositif proposé

Reprenant deux propositions abordées dans le dernier rapport du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne et de l'actionnariat salariés (Copiesas) 721 ( * ) , le présent article procède à un assouplissement des deux règles évoquées ci-dessus afin de renforcer les incitations à l'orientation de l'épargne salariale vers l'actionnariat salarié.

Le I modifie l'article L. 227-2 du code de commerce pour élargir les aménagements au principe d'interdiction, pour une société par actions simplifiées, de procéder à offre au public de ses titres.

Il complète cet article en disposant que ces sociétés peuvent néanmoins procéder, non seulement aux offres prévues à l'article L. 411-2 dans les conditions qu'il fixe lui-même, mais également « aux offres adressées aux dirigeants ou aux salariés, et le cas échéant aux anciens salariés, par leur employeur ou pas une société liée, dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ».

Le II procède à une coordination à l'article L. 227-2-1 qui fixe
le cadre juridique applicable aux offres prévues à l'article L. 227-2.
Elle prévoit que les mêmes règles s'appliquent aux offres adressées aux dirigeants, salariés et anciens salariés par leur employeur. Ces règles sont essentiellement relatives à la procédure d'émission de vote et des droits de vote attachés aux actions acquises dans ce cadre.

Le 2° du III complète l'article L. 3332-11 du code du travail pour autoriser les entreprises, si le règlement du PEE le prévoit, à effectuer des versements sur ce plan, en l'absence de contribution du salarié.
Deux conditions sont toutefois posées à ces versements, qui doivent :

- être attribués de façon uniforme à l'ensemble des salariés ;

- et servir à l'acquisition d'actions ou de certificats d'investissement émis par l'entreprise elle-même ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes.

Ces titres d'actionnariat salarié acquis par le salarié ne sont disponibles qu'au bout de cinq ans suivant le versement. Enfin, un décret prévoit les plafonds de versement annuel ainsi que les modalités de versement.

À ces conditions, ces versements sont soumis au même régime social et fiscal que tout autre versement employeur sur le PEE d'un salarié.

Le 1 ° du III procède à un aménagement rédactionnel pour insérer le terme, utilisé dans le reste du code du travail, des entreprises appartenant « au même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes ».

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au stade de la commission, les députés ont adopté trois amendements dont deux, à l'initiative de nos collègues rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure :

- le premier complète le I pour interdire que les actions cédées par une SAS, dans le cadre d'une offre réservée à ses salariés, soient conditionnées à des dispositions statutaires spécifiques prévues aux articles L. 227-13 722 ( * ) , L. 227-14 723 ( * ) et L. 227-16 724 ( * ) ;

- le deuxième amendement permet d'harmoniser, au sein de l'article L. 3332-2 ainsi que dans d'autres articles du code du travail, le recours au terme d'abondement de l'employeur.

Un troisième amendement, porté par nos collègues membres du groupe La République en Marche, introduit un IV qui permet de rendre plus attractifs les mécanismes de décote consentis dans le cadre d'offres réservées aux salariés.

Dans les sociétés cotées, l'article L. 3332-19 prévoit que le prix de souscription ne peut être inférieur de 20 % au prix d'admission sur le marché ou de 30 % si la durée d'indisponibilité prévue par le plan est supérieure
à dix ans. L'article L. 3332-20 prévoit les mêmes plafonds pour les prix de cession de l'action par rapport à son prix de souscription.
Ils sont respectivement portés à 30 et 40 % par le présent amendement.

En séance publique, deux amendements rédactionnels des rapporteurs ont été adoptés.

IV. La position de votre commission

Ces deux aménagements purement techniques permettent d'améliorer les règles encadrant l'actionnariat salarié.

Votre commission a adopté l'article 59 sans modification.

Article 59 bis
(art. L. 225-197-1 du code de commerce)
Déplafonnement des attributions d'actions gratuites
à capital constant

I. Le droit en vigueur

L'article L. 225-197-1 du code de commerce fixe à 10 % du capital
de l'entreprise le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué dans le cadre du dispositif d'attribution d'actions gratuites
.

Le dispositif d'attribution d'actions gratuites

Mis en place par l'article 83 de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 725 ( * ) , ce dispositif permet à une entreprise de procéder, sous certaines conditions, à une attribution gratuite d'actions (AGA) au profit de son personnel ou de ses mandataires sociaux 726 ( * ) . L'AGA a vocation à s'appliquer aux sociétés par actions, cotées ou non cotées 727 ( * ) .

L'assemblée générale extraordinaire peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder à une attribution gratuite.

Elle détermine en particulier le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué, qui ne peut toutefois pas excéder 10 % du capital social ou 30 % lorsque l'attribution bénéficie à l'ensemble du personnel salarié. L'écart entre le nombre d'actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq.

Elle fixe également la période d'acquisition, c'est-à-dire la période entre l'attribution gratuite de l'action et l'acquisition définitive par le salarié, de même que la période minimale d'acquisition.

Les gains 728 ( * ) tirés de la revente de ces actions bénéficient d'un régime fiscal favorable qui a été assoupli par la loi n° 2015-990 relative à la croissance, à l'activité et à l'égalité des chances économiques.

Source : commission spéciale.

Le plafond de 10 % du capital social s'applique de façon stricte pour l'ensemble des plans d'attribution cumulés effectués durant toute la vie de la société et tant que le capital social n'est pas augmenté. Une fois atteint,
il rend impossible toute nouvelle attribution d'actions gratuites au profit des salariés.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté par la commission spéciale, à l'initiative de nos collègues membres du groupe La République en Marche, cet article prévoit une nouvelle modalité d'appréciation de ce plafond de 10 % et en fixe la règle
à l'article L. 225-197-1 du code de commerce.

Pourront désormais sortir du calcul de ce plafond de 10 %,
augmenté à 30 % dans le cadre d'une attribution d'AGA à l'ensemble des salariés, deux catégories d'actions :

- les actions qui n'ont pas été définitivement attribuées au terme de la période d'acquisition ;

- les actions qui ne sont plus soumises à l'obligation de conservation.

Dès lors, le plafond maximum de capital social détenu par les salariés par le biais d'une attribution gratuite ne porterait plus que sur les actions en cours d'acquisition et de conservation et non sur l'ensemble des actions qui ont fait l'objet d'un plan d'attribution durant toute la vie d'une société.

Ainsi que le précise l'exposé des motifs de l'amendement, cette nouvelle règle de calcul « substituerait au plafond `en stock' actuellement appliqué - les actions gratuites distribuées durant la vie de la société ne peuvent représenter plus de 10 % de son capital social - un plafond `en flux' - les actions en cours d'acquisition ou de conservation par l'effet de plans précédents ne pourraient représenter plus de 10 % du capital social-, ce qui résoudrait le problème rencontré » .

III. La position de votre commission

Cette mesure élargit la possibilité offerte aux entreprises de distribuer des actions gratuites, ce qui peut conduire à renforcer l'actionnariat salarié dans notre pays.

Votre commission a adopté l'article 59 bis sans modification.

Article 59 ter A
(art. 135 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015
pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques)
Suppression de la restriction relative aux actions gratuites
dont l'attribution a été autorisée antérieurement au 8 août 2015

I. Le droit en vigueur

Afin d'encourager l'actionnariat salarié, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a prévu de comptabiliser les actions attribuées gratuitement aux salariés dans le périmètre légal de l'actionnariat salarié. Si l'actionnariat salarié atteint 3 % du capital d'une entreprise, les actionnaires salariés peuvent alors disposer d'un siège au conseil d'administration.

Cependant, le VII de l'article 135 de la loi du 6 août 2015 dite « Macron », non codifié, prévoit une disposition transitoire aux termes de laquelle l'inclusion des actions attribuées gratuitement dans le périmètre légal ne vaut que pour les actions attribuées après la publication de cette même loi.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, inséré au stade de la séance publique par les députés à l'initiative de notre collègue Natalia Pouzyreff, prévoit une dérogation à cette disposition transitoire en complétant le VII de l'article 135 de la loi « Macron ».

Les sociétés pourront désormais prévoir, dans leurs statuts, que les actions gratuites détenues par les salariés, dont l'attribution a été autorisée par des assemblées générales extraordinaires préalablement à la publication de la loi du 6 août 2015, sont également prises en compte pour la détermination de la proportion de capital détenue par le personnel.

L'exposé des motifs de l'amendement précise que la mesure permet non seulement de faire cesser une discrimination entre les salariés bénéficiaires des actions gratuites mais également de faire atteindre, dans les entreprises concernées, le seuil de capital à partir duquel la présence d'un administrateur salarié au conseil d'administration est possible.

III. La position de votre commission

Votre commission approuve cet assouplissement, de nature à renforcer l'actionnariat salarié.

Votre commission a adopté l'article 59 ter sans modification.

Article 59 ter
(art. L. 214-165 du code monétaire et financier)
Exclusion des représentants de l'entreprise lors des opérations de vote
au sein des conseils de surveillance
des fonds communs de placement d'entreprise

I. Le droit en vigueur

L'article L. 214-165 du code monétaire et financier fixe la composition et les modalités de désignation du conseil de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) dits « d'actionnariat salarié ». Ces derniers se distinguent des autres FCPE par le fait que plus du tiers de leur actif est composé de titres émis par l'entreprise ou par toute entreprise qui lui est liée.

Le conseil de surveillance peut :

- soit être entièrement élu sur la base du nombre de parts détenues par chaque porteur de parts. Dans ce cas, seuls les salariés porteurs de parts sont membres du conseil. Ce dernier exerce les droits de vote attachés aux titres émis par l'entreprise et rend compte de ses votes aux porteurs de parts mandants ;

- soit être composé de salariés représentant les porteurs de parts, eux-mêmes porteurs de parts, et pour moitié au plus, de représentants de l'entreprise. Il existe deux modes de désignation des salariés représentants les porteurs de parts : par élection ou par nomination par le comité social et économique ou par les organisations syndicales représentatives.

Dans ce dernier cas, la gouvernance du fonds est assurée de manière paritaire entre les représentants des salariés porteurs de parts
et les représentants de l'entreprise, dont le FCPE constitue l'un de ses actionnaires. Le règlement instituant le FCPE peut alors prévoir que les droits de vote relatifs à ces titres sont exercés individuellement par les porteurs de parts et pour les fractions de part formant rompus, par le conseil de surveillance.

Le président du conseil de surveillance est toujours choisi parmi les représentants des porteurs de parts.

La composition paritaire d'un FCPE peut favoriser la mise en place de l'actionnariat salarié dans une entreprise, qui peut ainsi s'appuyer sur un actionnaire qui ne privilégie pas uniquement les intérêts patrimoniaux mais également l'emploi et donc l'investissement.

En revanche, ce type de gouvernance est générateur d'un risque de conflit d'intérêt. En effet, l'entreprise peut proposer une résolution aux actionnaires et se prononcer sur elle par le biais de ses représentants dans le conseil de surveillance du FCPE d'actionnariat salarié.

Dans son rapport non publié, le Conseil d'orientation pour la participation, l'intéressement, l'épargne et l'actionnariat salarié (Copiesas) avait évoqué la piste d'un déport obligatoire des employeurs au moment de la détermination de la politique de vote sur les résolutions.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, inséré par la commission spéciale de l'Assemblée nationale à l'initiative de ses rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure, impose ce déport.

Il prévoit en effet à l'article L. 214-165 du code monétaire
et financier, dans le cas où le conseil de surveillance n'est pas intégralement élu par les porteurs de parts et est au contraire composé paritairement,
que pour l'exercice des droits de vote attachés aux titres émis de l'entreprise, les opérations de vote ont lieu hors la présence des représentants de l'entreprise.

Aux termes de l'exposé des motifs, il s'agit bien « d'éviter un conflit entre l'intérêt de l'entreprise et les intérêts des salariés, représentés collectivement comme actionnaires minoritaires de cette même entreprise » . Les auteurs de l'amendement précisent que pour les autres missions que la loi affecte au conseil de surveillance du FCPE, « les représentants de l'entreprise participent toujours à la gouvernance, (...) notamment l'examen de la gestion financière, administrative et comptable du fonds » .

III. La position de votre commission

Si l'intention porté par cet article d'éviter le risque de conflit d'intérêt est louable, la rédaction proposée par l'Assemblée nationale apparaît problématique.

En excluant les représentants de l'entreprise des opérations de vote, cet article fait porter le risque que les entreprises se détournent de l'actionnariat salarié en raison de leur perte de contrôle dans le conseil de surveillance du FCPE. Un très grand nombre de personnes auditionnées ont insisté sur le risque que faisait peser cette règle du déport sur l'actionnariat salarié.

Votre commission a donc adopté l' amendement COM-458 visant :

- d'une part à imposer le principe de l'élection des représentants des porteurs de part au sein du conseil de surveillance des FCPE d'actionnariat salarié. Les représentants de l'entreprise continuent eux à être désignés en qualité ;

- d'autre part, à attribuer une voix prépondérante au président du conseil qui est obligatoirement choisi parmi les représentants porteurs de parts et salariés de l'entreprise.

Cette solution apparait la plus équilibrée en terme de prévention des risques de conflit d'intérêt et de maintien d'une participation souhaitable des représentants de l'entreprise qui sont les principaux promoteurs du renforcement de l'actionnariat salarié en son sein.

Votre commission a adopté l'article 59 ter ainsi modifié.

Article 59 quater A
(art. L. 214-164 du code monétaire et financier)
Limitation de la présence des représentants de l'entreprise
au sein des conseils de surveillance
des fonds communs de placement d'entreprise

L'article L. 214-164 du code monétaire et financier prévoit que le règlement du fonds commun de placement de l'entreprise (FCPE),
constitué en vue de gérer les sommes collectées sur le plan d'épargne qu'elle a mis en place pour ses salariés, institue un conseil de surveillance.

Aux termes de cet article, le conseil de surveillance est composé
de salariés représentant les porteurs de parts, eux-mêmes porteurs de parts et, pour moitié au plus, de représentants de l'entreprise .

Le présent article, adopté en séance publique par les députés, à l'initiative de notre collègue Stanislas Guérini, propose une amélioration rédactionnelle destinée à renforcer, au moins symboliquement, la présence des salariés porteurs de parts dans le conseil de surveillance.

Il inverse, à droit constant, l'ordre des priorités en prévoyant désormais que le conseil de surveillance est composé pour moitié au moins de salariés représentants les porteurs de parts et de représentants de l'entreprise.

Si cette modification ne change rien sur le fond, la lecture de l'article L. 214-164 du code monétaire et financier s'en trouve facilitée.

Votre commission a adopté l'article 59 quater A sans modification.

Article 59 quater
(art. L. 3341-1 et L. 3341-2 du code du travail)
Renforcement de la formation des administrateurs salariés
des sociétés d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié,
et des membres des conseils de surveillance
des fonds communs de placement d'entreprise

I. Le droit en vigueur

L'article L. 3341-2 du code du travail prévoit que les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) représentant les salariés actionnaires ou élus par les salariés, bénéficient d'un stage de formation économique, financière et juridique d'une durée maximale de cinq jours.

Ce stage est dispensé par un organisme figurant sur une liste arrêtée par l'autorité administrative dans des conditions prévues par voie réglementaire.

Les salariés concernés par ce stage peuvent bénéficier du congé de formation économique et sociale et de formation syndicale, prévu à l'article L. 2145-11 du code du travail.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté par la commission spéciale à l'initiative de notre collègue Stanislas Guerini et plusieurs autres membres du groupe La République en Marche, cet article vise à renforcer le stage de formation des salariés membres soit d'un conseil de surveillance d'un FCPE soit d'un conseil d'administration d'une société d'investissement à capital variable (Sicav) d'actionnariat salarié.

Son I procède tout d'abord à la suppression de l'article L. 3341-1 du code du travail devenu obsolète.

Le II du présent article réécrit l'article L. 3342-2 afin :

- d'une part, de viser les administrateurs des SICAV d'actionnariat salarié, en plus des membres du conseil de surveillance des FCPE d'actionnariat salarié, comme bénéficiaires du stage de formation économique, financière et juridique prévue à cet article ;

- d'autre part, de porter la durée du stage de trois à cinq jours minimum.

Il prévoit également qu'un décret précise le contenu de ladite formation, le stage demeurant dispensé par un organisme figurant sur une liste arrêtée par l'autorité administrative.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements, dont un amendement rédactionnel de nos collègues rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure. Les deux autres amendements ont été adoptés à l'initiative de notre collègue Stanislas Guerini et tempèrent le dispositif issu des travaux de la commission.

Le premier limite le bénéfice du stage aux seuls administrateurs des SICAV d'actionnariat salarié représentant les salariés porteurs de parts
et non l'ensemble de ses membres. Il permet également de préciser que les salariés membres des conseils de surveillance des FCPE non concernés par la gestion d'un actif d'actionnariat salarié peuvent également bénéficier de ce stage. Cette rédaction rétablit pour ce dernier point le droit en vigueur.

Le second amendement abaisse la durée minimale de cinq jours à une trois jours. In fine , le stage de formation passerait donc d'une durée maximale de cinq jours à une durée minimale de trois jours...

III. La position de votre commission

Cet article ne modifie pas fondamentalement l'économie générale du dispositif de formation des salariés participants aux organes de contrôle des fonds gérant l'épargne salariale.

Afin d'assurer le maximum de souplesse aux entreprises,
votre commission a adopté un amendement COM-455 supprimant le terme de stage de formation économique, financière et juridique pour ne retenir que le terme de formation. La rédaction évoquant, comme dans le droit en vigueur, un stage d'une durée minimale de trois jours peut laisser penser qu'il doit se tenir en une seule fois. Or, cette formation pourrait très bien être dispensée en plusieurs fois.

Votre commission a adopté l'article 59 quater ainsi modifié .

Article 60
(art. 31-2 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés
à participation publique)
Offres réservées aux salariés dans les entreprises publiques

I. Le droit en vigueur

Instauré par la loi du 6 août 1986 relative aux modalités de privatisation 729 ( * ) , le dispositif d'offre réservée aux salariés (ORS) s'applique dans les cas de cession, par l'État, de titres d'une entreprise dont il détient au moins 10 % du capital. Cette opération consiste à réserver 10 % des titres cédés par l'État aux salariés de l'entreprise de laquelle il se désengage. L'offre est également proposée aux anciens salariés, éligibles au plan d'épargne entreprise.

Supprimé en 2014 dans l'ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance 730 ( * ) et aux opérations sur le capital des sociétés à participation unique, ce dispositif a été réintroduit dans le cadre de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 731 ( * ) qui a ratifié la même ordonnance et créé son article 31-2 régissant actuellement
les ORS.

Cet article dispose qu'en cas de cession d'une participation de l'État, réalisée selon les procédures de marchés financiers et entraînant le transfert d'une partie du capital au secteur privé, 10 % des titres cédés par l'État sont proposés aux salariés dans le cadre d'une ORS.

Cette opération est ouverte aux catégories de personnes suivantes qui doivent par ailleurs être adhérentes au plan d'épargne d'entreprise :

- les salariés de l'entreprise ;

- les salariés des filiales dans lesquelles l'entreprise concernée par la cession de participation de l'État détient, directement ou indirectement, la majorité du capital ;

- les anciens salariés s'ils justifient d'un contrat ou d'une activité rémunérée d'une durée accomplie d'au moins cinq ans avec l'entreprise ou ses filiales.

Deux modalités de gestion de l'ORS sont prévues par le texte.

Le premier alinéa de l'article 31-2 prévoit une cession directe de l'État aux salariés . Cette modalité implique que les services de l'État compétents établissent eux-mêmes les prospectus nécessaires à l'offre publique et procèdent à la cession auprès des salariés. Cette option n'est en pratique jamais utilisée.

La seconde option est définie au deuxième alinéa de l'article qui prévoit que les titres peuvent également être cédés par l'État à l'entreprise , avec l'accord de celle-ci, à charge pour elle de les rétrocéder aux mêmes personnes dans un délai d'un an.

L'entreprise est alors porteuse d'un risque financier en cas de baisse du cours du titre entre la cession par l'État et l'acquisition par le salarié pendant le délai d'un an.

Durant ce délai, les titres acquis par l'entreprise à destination de ses salariés ne sont pas pris en compte pour apprécier la part du total de ses propres actions qu'elle peut détenir. En effet, aux termes de l'article L. 225-210 du code de commerce, une société ne peut posséder plus de 10 % du total de ses propres actions. De même, les titres détenus temporairement par l'entreprise pour le compte de ses salariés ne lui confèrent aucun droit de vote, ces derniers étant suspendus.

À l'issue du délai, les titres non souscrits sont vendus sur le marché.

Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise la fraction des titres proposée aux salariés, la durée de l'offre, l'identité du cessionnaire,
le plafond individuel de souscription et les modalités de l'offre
si la demande est supérieure à l'offre.

Enfin, l'entreprise, sur décision de son conseil d'administration, peut prendre à sa charge une part du prix de cession, dans la limite de 20 %,
ou des délais de paiement, qui ne peuvent excéder trois ans. Cette décision peut être motivée pour l'entreprise par la volonté de développer un actionnariat salarié qu'elle juge plus stable et pouvant à terme mieux correspondre à ses intérêts.

Et ce d'autant plus que si un tel rabais a été consenti, le salarié est tenu de conserver les titres ainsi acquis pendant deux ans.

II. Le dispositif proposé

Le présent article réécrit intégralement l'article 31-2 pour apporter deux modifications principales au droit en vigueur :

- ouvrir les offres réservées aux salariés à l'ensemble des opérations de cession de participation de l'État , que ce soit dans les sociétés cotées ou dans les sociétés non cotées.

Au premier alinéa du I de l'article, les termes qualifiant les cessions de participation de l'État « réalisées selon les procédures des marchés financiers » ont été supprimés ;

- limiter dans le même temps les ORS aux opérations « significatives » .

Aux termes du troisième alinéa, la participation cédée est significative si elle est supérieure à des seuils exprimés à la fois en pourcentages du capital de la société et en montants .

En clair et sans préjuger des seuils règlementaires qui, d'après les informations obtenues par votre rapporteur, ne sont pas encore déterminés, une opération pourrait être significative dans les cas théoriques suivants :

- l'État cède 0,1 % d'une société dont le capital s'élève à plusieurs milliards d'euros, l'opération pourra être jugée significative en montant ;

- l'État cède 30 % d'une société au capital inférieur à 1 million d'euros, l'opération pourra être jugée significative en pourcentage du capital.

La nouvelle rédaction introduit une nouvelle disposition relative à la capacité de souscription des salariés, c'est-à-dire à leur possibilité de se porter acquéreur des parts cédées dans le cadre de l'ORS en fonction des plafonds réglementaires de détention des titres de l'entreprise sur leur PEE. Si cette capacité est insuffisante, au regard du nombre de titres proposés,
ce nombre peut être réduit.

Le II de l'article 31-2 précise une nouvelle modalité de gestion de l'ORS.

Les titres proposés peuvent toujours être cédés par l'État,
mais la même phrase précise désormais immédiatement l'alternative à savoir que ces mêmes titres peuvent être proposés à l'entreprise dont les titres sont cédés. Cette cession doit se faire avec l'accord de l'entreprise, à charge pour elle de les rétrocéder à ses salariés selon l'une des deux modalités suivantes :

- soit l'entreprise acquiert les titres de l'État et les rétrocède à ses salariés dans un délai d'un an. Il s'agit de la procédure actuelle qui entraîne les mêmes règles en matière de droits de vote et d'appréciation du plafond prévu à l'article L. 225-210 ;

- soit l'entreprise, après avoir proposé à ses salariés les titres qui leur sont destinés et recensé le nombre de titres qu'ils ont réservés, acquiert auprès de l'État les titres correspondants et les rétrocède sans délai.

Avec cette nouvelle modalité de gestion, l'entreprise ne prend plus de risque financier et assure simplement une démarche dite « back to back », d'intermédiaire de gestion entre l'État et le salarié. Dans ce cas, l'État peut alors prendre en charge une partie des coûts supportés par l'entreprise au titre de ces opérations, dans des conditions prévues par décret.

Le III prévoit les conditions de fixation du prix de cession et, le cas échéant, les rabais applicables qui relèvent du droit commun applicable pour les offres réservées aux adhérents d'un PEE en cas d'augmentation du capital de l'entreprise 732 ( * ) . La limitation du rabais à 20 % de la valeur du titre est fixée également dans le droit commun.

Conformément au droit actuel, tout rabais sur le prix de cession ou tout autre avantage consenti aux salariés est décidé et supporté par l'entreprise. Le dernier alinéa du IV prévoit explicitement que les avantages consentis sont fixés par le conseil d'administration de l'entreprise.

Le IV prévoit également une exception, lorsque la cession de l'État a pour effet de transférer au secteur privé la majorité du capital de la société. Dans ce cas, un rabais peut être pris en charge par l'État, dans la limite de 20 % et dans le respect des dispositions de l'article 29 de la même ordonnance qui encadre la procédure de cession des titres publics.

À l'instar des titres acquis avec rabais de l'entreprise, les titres acquis à ces conditions ne peuvent être cédés pendant deux ans.

Le V prévoit l'intervention de la commission des participations et des transferts au sujet des offres directes de titres par l'État ou de leur cession à l'entreprise si ladite cession se réalise plus de 30 jours après l'évaluation des prix et parités des titres.

Le VI prévoit que pour chaque cession un arrêté du ministre chargé de l'économie précise les personnes éligibles, le prix de la cession, la durée de l'offre et les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais et la partie des coûts pris en charge par l'État.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un seul amendement rédactionnel a été adopté à l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de nos collègues rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure.

IV. La position de votre commission

L'aménagement technique proposé par cet article pour les offres réservées aux salariés en cas de cession par l'État apparait pertinent.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, la mise en place d'une ORS est une opération lourde techniquement et coûteuse en matière de conseil juridique. Il semble donc logique de la limiter aux opérations significatives. Et ce d'autant plus que les entreprises dont l'État est actionnaire sont toujours libres de procéder à une offre réservée aux adhérents du PEE qu'elles ont mis en place.

Votre commission a adopté un amendement COM-457 visant à préciser que les retraités éligibles au plan d'épargne de l'entreprise dont l'État souhaite se désengager sont bien destinataires de l'ORS .

Votre commission a adopté l'article 59 ainsi modifié.

Section 2
Repenser la place des entreprises dans la société
Article 61
(art. 1833, 1835, 1836-1 [nouveau] et 1844-10 du code civil,
art. L. 225-35, L. 225-64 et L. 235-1 du code de commerce,
art. L. 110-1, L. 110-1-1 [nouveau], L. 111-1 et L. 114-17
du code de la mutualité et art.  L. 322-1-3, L. 322-1-3-1 [nouveau],
L. 322-26-1 et L. 322-26-1-2 [nouveau] du code des assurances)
Obligation de gestion des sociétés dans leur intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité, et possibilité pour les sociétés de se doter statutairement d'une raison d'être

L'article 61 du projet de loi vise à instaurer l'obligation pour toute société d'être gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Il vise aussi à permettre à toute société de se doter statutairement d'une « raison d'être », c'est-à-dire de principes en vue desquels elle entend affecter des moyens. À cette fin, il modifie le code civil et le code de commerce.

I. Le droit en vigueur

Les principes fondamentaux du droit des sociétés sont fixés par le chapitre I er du titre IX du livre III du code civil (articles 1832 et suivants).

Reposant sur la conception de la société comme contrat, mais aussi comme institution, l'article 1832 dispose que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ». Il dispose aussi, depuis la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EURL et EARL), que la société peut « être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne » 733 ( * ) .

Le contrat de société a pour effet juridique et particularité de créer une personne nouvelle, distincte de celle des associés qui l'ont instituée et ayant une capacité juridique propre, mais limitée par l'objet pour lequel elle a été instituée, lui permettant par exemple de contracter avec des tiers au contrat de société. Ainsi, l'article 1842 dispose que « les sociétés (...) jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ». La jurisprudence accorde d'ailleurs une grande importance au principe d'autonomie de la personne morale, avec des implications importantes, par exemple, en droit de la responsabilité.

L'article 1833 ajoute que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés », tandis que l'article 1835 prévoit que « les statuts doivent être établis par écrit » et « déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement ».

Sur le fondement de ces principes, communs à toutes les sociétés, puisque l'article 1834 prévoit que ces dispositions « sont applicables à toutes les sociétés s'il n'en est autrement disposé par la loi en raison de leur forme ou de leur objet », s'est développé le régime juridique des sociétés commerciales, codifié aujourd'hui au livre II du code de commerce.

Le titre I er du livre II du code de commerce reprend à l'identique une partie des dispositions du code civil sur les sociétés, mais il commence par un article L. 210-1 qui dispose que « le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet » et que « sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions ».

Compte tenu du poids des sociétés commerciales, en particulier des plus grandes d'entre elles, dans la société contemporaine, dans les rapports économiques et dans le monde du travail, ces principes juridiques classiques, reposant sur une finalité uniquement économique, ont été jugés insuffisants pour appréhender pleinement leur rôle et les conséquences de leurs activités dans leur diversité. Il en est résulté, à partir des années 1990, la notion de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des sociétés, invitant celles-ci à être attentives aux conséquences de leurs activités sur la société. De la pratique, cette notion a fini par passer dans la législation elle-même au début des années 2000, avec l'obligation pour les grandes sociétés de publier des informations à caractère social et environnemental, complétant la publication traditionnelle d'informations à caractère financier. On parle à cet égard de « reporting » extra financier.

À l'occasion de l'examen par le Sénat, en octobre 2015, en première lecture, de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, notre collègue Christophe-André Frassa, rapporteur de la proposition de loi au nom de la commission des lois, dressa un état des lieux de la législation en matière de RSE. Votre rapporteur renvoie à ces développements 734 ( * ) .

La première consécration législative de la RSE remonte ainsi à la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, laquelle a créé l'obligation pour les sociétés anonymes cotées 735 ( * ) , dans le code de commerce, de mentionner dans le rapport de gestion présenté chaque année aux actionnaires par le conseil d'administration, des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité 736 ( * ) . Cette obligation a été amplifiée, mais aussi étendue aux sociétés non cotées d'une certaine taille, par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, avec des exigences renforcées quant aux informations publiées, détaillées par voie réglementaire et contrôlées par un organisme tiers indépendant.

Par la suite, le droit européen a également intégré des exigences de même nature, avec la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.

Aujourd'hui, dans le cadre désormais défini par le droit européen, le rapport de gestion doit comprendre une « déclaration de performance extra-financière » 737 ( * ) . Cette déclaration doit comporter « des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité », précisées par voie réglementaire, ainsi que, pour les sociétés cotées, « les effets de cette activité quant au respect des droits de l'homme et à la lutte contre la corruption et l'évasion fiscale ». Ayant conservé la sédimentation des multiples interventions du législateur depuis 2010 destinées à enrichir la liste des informations publiées, elle doit aussi spécialement comporter « des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l'activité de la société et de l'usage des biens et services qu'elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire, de la lutte contre le gaspillage alimentaire, de la lutte contre la précarité alimentaire, du respect du bien-être animal et d'une alimentation responsable, équitable et durable, aux accords collectifs conclus dans l'entreprise et à leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés, aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités et aux mesures prises en faveur des personnes handicapées ».

La déclaration de performance extra-financière est obligatoire pour les sociétés cotées dont le total de bilan est supérieur à 20 millions d'euros ou le montant net du chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros et dont le nombre de salariés est supérieur à 500, ainsi que pour les sociétés non cotées dont le total de bilan ou le montant net du chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions d'euros et dont le nombre de salariés est supérieur à 500.

Ainsi, la RSE s'appuie juridiquement sur l'exigence de transparence des informations sociales et environnementales des sociétés, de façon à ce que celles-ci rendent compte publiquement de l'impact de leurs activités.

En vertu de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 précitée, à laquelle le Sénat n'avait pas souscrit en l'état, s'ajoute à ces dispositions l'obligation pour les sociétés employant plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde d'établir un plan de vigilance. Ce plan doit comporter « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle (...), ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie » 738 ( * ) .

Votre rapporteur constate que le droit français a été précurseur en matière de RSE des sociétés et qu'il est aujourd'hui particulièrement riche.

II. Le dispositif proposé

En premier lieu, le projet de loi veut compléter l'article 1833 précité du code civil par une disposition selon laquelle « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Il s'agirait donc d'une disposition impérative, dont la portée juridique effective a été diversement interprétée au cours des auditions de votre rapporteur. Le projet de loi prévoit, par coordination à l'article 1844-10, que la nullité de la société comme la nullité des actes ou délibérations de ses organes ne peut résulter d'une violation de cette disposition.

En second lieu, il veut compléter l'article 1835 précité du même code par une disposition selon laquelle les statuts de la société « peuvent préciser une raison d'être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Dans ce cas, il s'agirait donc d'une disposition facultative, laissée à l'appréciation de chaque société. La raison d'être n'emporte pas d'obligation particulière. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agit ici d'inciter, « sous la forme d'un effet d'entraînement, les sociétés à ne plus être guidées par une seule « raison d'avoir », mais également par une raison d'être, forme de doute existentiel fécond permettant de l'orienter vers une recherche du long terme ».

En outre, le projet de loi comporte des dispositions de coordination au sein du livre II du code de commerce, concernant les sociétés anonymes, ainsi que dans le code de la mutualité et dans le code des assurances. En particulier, il précise que le conseil d'administration ou le directoire, selon la forme de la société, détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en oeuvre conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ainsi que, s'il y a lieu, la raison d'être dont elle s'est dotée 739 ( * ) .

Par ces deux dispositions, le projet de loi reprend des propositions formulées, en mars 2018, par Mme Nicole Notat, présidente de l'agence de notation Vigeo-Eiris et ancienne secrétaire générale de la CFDT, et M. Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, à l'issue de leur mission sur l'entreprise et l'intérêt général, confiée par les quatre ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l'économie et des finances ainsi que du travail, dans leur rapport « L'entreprise, objet d'intérêt collectif » 740 ( * ) . Votre commission a pu entendre M. Jean-Dominique Senard en audition.

Les principales recommandations du rapport « L'entreprise, objet d'intérêt collectif »

La mission confiée en janvier 2018 à Mme Nicole Notat et M. Jean-Dominique Senard consistait à formuler des propositions permettant de mieux reconnaître, au-delà des aspects de court terme et de profit, la contribution des entreprises à l'intérêt collectif et aux enjeux sociaux et environnementaux.

Remis en mars 2018, ce rapport comporte 14 recommandations, dont 5 de niveau législatif, concernant :

- la mention des enjeux sociaux et environnementaux dans la définition de la société dans le code civil ;

- la formulation d'une « raison d'être » par le conseil d'administration ou de surveillance de toute société commerciale, afin de guider sa stratégie ;

- l'accroissement du nombre d'administrateurs représentant les salariés dans les conseils des sociétés ou des groupes de sociétés employant plus de 1 000 salariés ;

- l'extension à terme de la présence d'administrateurs représentant les salariés dans les conseils des sociétés ou des groupes de sociétés employant plus de 500 salariés ;

- l'obligation pour les sociétés par actions simplifiées employant plus de 5 000 salariés de se doter d'un conseil d'administration ou de surveillance, afin de pouvoir y faire siéger des administrateurs représentant les salariés.

Ce rapport comporte également des recommandations optionnelles relevant de la compétence du législateur, dont :

- la possibilité de formuler une « raison d'être » dans les statuts d'une société ;

- la possibilité de créer une « entreprise à mission », accessible à n'importe quelle forme de société, à condition de remplir certains critères, dont la mention d'une « raison d'être » dans les statuts, une meilleure prise en compte des impacts sociaux et environnementaux, grâce à un « comité d'impact » pouvant associer les parties prenantes, et une déclaration renforcée de performance extra-financière.

Source : commission spéciale

L'article 62 du projet de loi reprend également une proposition de ce rapport, consistant à augmenter le nombre des administrateurs représentant les salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance dans les grandes sociétés.

Par ailleurs, introduit par l'Assemblée nationale, l'article 61 septies correspond également à une proposition de ce rapport. Il prévoit qu'une société commerciale dotée d'une raison d'être peut, en outre, devenir une « société à mission », si ses statuts comportent aussi une mission, c'est-à-dire des objectifs sociaux et environnementaux conformes à sa raison d'être, ainsi qu'un organe spécialement chargé de suivre l'exécution de cette mission.

III. La position de votre commission

Votre commission constate que la mention dans le code civil de la gestion de la société dans son intérêt social ne fait que consacrer dans la loi la notion jurisprudentielle connue et bien établie d'intérêt social, sans chercher, à juste titre, à la définir. En effet, le juge peut être amené à vérifier qu'une décision prise par les organes compétents d'une société est bien conforme à l'intérêt de cette société, afin d'en vérifier la régularité. Cette notion est une conséquence nécessaire du principe d'autonomie de la personne morale : la société possède un intérêt propre, distinct de celui des associés ou des dirigeants, de sorte que les décisions prises par les associés ou les dirigeants doivent être conformes, non seulement à l'objet social, mais aussi à l'intérêt social. Une telle reconnaissance de l'intérêt social n'est pas nécessaire et ne modifie en rien l'état du droit. Néanmoins, elle n'appelle pas d'objection de la part de votre commission.

En revanche, l'exigence de prise en considération, dans la gestion de la société, des enjeux sociaux et environnementaux de son activité a soulevé de nombreuses interrogations voire inquiétudes lors des auditions conduites par votre rapporteur, mais aussi dans la doctrine, quant à sa portée juridique réelle.

L'exposé des motifs du projet de loi indique que « la mention des enjeux sociaux et environnementaux permet de préciser que tout dirigeant devrait s'interroger sur ces enjeux et les considérer avec attention, dans l'intérêt de la société, à l'occasion de ses décisions de gestion », tout en ajoutant qu'« un éventuel dommage social ou environnemental ne pourra pas prouver à lui seul l'inobservation de cette obligation ». Lors de son audition, M. Senard a indiqué que cette disposition ne visait pas à modifier l'état du droit, mais l'état d'esprit dans les entreprises. Ainsi, cette innovation est présentée comme une disposition incitative, visant à une prise de conscience dans toutes les sociétés, quelles qu'elles soient, et non comme une contrainte supplémentaire, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, actuellement en dehors des exigences prévues par le code de commerce en matière de responsabilité sociale et environnementale.

Pour autant, si cette innovation ne remet pas en cause les principes du droit de la responsabilité, elle pourra tout de même favoriser des actions en responsabilité sur le terrain d'une prise en considération insuffisante des enjeux sociaux et environnementaux, par exemple par une organisation de la société civile, en cas de préjudice. Certes, le droit de la responsabilité exige un lien de causalité entre le dommage à l'origine du préjudice et une faute de la part de l'auteur du dommage, mais une prise en considération insuffisante des enjeux sociaux et environnementaux ne pourrait-elle pas être interprétée par le juge comme une faute ? En outre, cette innovation ne pourrait-elle pas aussi nourrir des actions en annulation, par exemple de la part d'un actionnaire minoritaire ou d'une organisation de la société civile, contre des actes, des résolutions voire des contrats passés par la société, au motif qu'ils ne prendraient pas assez en considération les enjeux sociaux ou environnementaux ?

Dans ces nouvelles hypothèses contentieuses, justifiées par le caractère imprécis de la notion de prise en considération ainsi que par l'incertitude de son interprétation par le juge civil, il faudra que la société mise en cause puisse rapporter la preuve qu'elle a bien pris en considération dans ses décisions les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Ainsi, le projet de loi pourrait mettre à la charge de n'importe quelle société civile ou commerciale, quelle que soit sa taille ou sa forme juridique, une nouvelle obligation concrète dans le cadre de son processus interne de décision, pour faire face à tout risque contentieux. Elle devrait mettre en place des modalités de décision permettant une telle prise en considération et permettant aussi de prouver, s'il y a lieu, qu'elles ont bien procédé à cette prise en considération.

Au demeurant, cette contrainte supplémentaire ne pèserait que sur les sociétés, même unipersonnelles, et pas sur les entreprises individuelles, créant une différence de traitement en fonction de la structure juridique de l'entreprise pour les plus petites d'entre elles.

Aussi, afin de lever toute ambiguïté quant à la portée juridique d'une telle disposition introduite dans le code civil, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-383 visant à maintenir la dimension incitative du texte pour toutes les sociétés, en conservant le principe de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la gestion de toute société, tout en renvoyant à la loi le soin d'en définir s'il y a lieu les conditions, dans le régime propre à chaque forme de société, ce qui est déjà le cas pour les sociétés anonymes, ou dans des législations particulières applicables à toutes les entreprises, par exemple dans le code de l'environnement. Selon la rédaction ainsi modifiée par votre commission, la société serait « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité dans les conditions prévues par la loi ».

Par ailleurs, s'agissant de l'introduction de la notion de raison d'être, votre commission s'est interrogée sur sa portée juridique et sa signification concrète ainsi que sur la complexité de la formulation retenue par le projet de loi. Par exemple, que signifie pour une société de se doter de principes ? Toutefois, dès lors que cette disposition demeure facultative, il appartiendra en tout état de cause à chaque société intéressée d'en apprécier la plus-value pour elle-même, tout en étant attentive au risque contentieux qui pourrait potentiellement en résulter.

Dans ces conditions, votre commission n'a pas remis en cause cette disposition, mais elle a souhaité mieux la codifier dans le code civil, tout en clarifiant sa rédaction, en adoptant un amendement COM-384 en ce sens sur la proposition de son rapporteur. Ainsi, cette disposition ne figurerait plus à l'article 1835, lequel traite du contenu fondamental des statuts d'une société, mais dans un nouvel article 1836-1 qui lui serait dédié. Elle disposerait que « les statuts peuvent définir une raison d'être dont la société se dote, en complément de son objet, en vue de laquelle elle entend affecter des moyens dans le cadre de son activité ». En effet, la raison d'être s'ajouterait à l'objet de la société, mais lui consacrer des moyens ne constituerait pas une méconnaissance de celui-ci.

En outre, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté plusieurs amendements COM-385, COM-386, COM-387, COM-388 et COM-517 de clarification rédactionnelle, de cohérence ou de coordination dans le code civil, le code de commerce, le code de la mutualité et le code des assurances. Ils concernent notamment la prise en considération par le conseil d'administration ou le directoire, dans les sociétés commerciales, des enjeux sociaux et environnementaux de l'activité de la société ainsi que, s'il y a lieu, de sa raison d'être définie dans les statuts. Ils prévoient aussi, en modifiant l'article L. 235-1 du code de commerce par cohérence avec la disposition déjà prévue par le texte à l'article 1844-10 du code civil, pleinement approuvée par votre commission au nom du principe de sécurité juridique, que la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter d'une violation des dispositions relatives à cette prise en considération.

Votre commission a adopté l'article 61 ainsi modifié .

Article 61 bis (supprimé)
(art. L. 225-105 et L. 236-27 du code de commerce)
Obligation pour modifier les statuts d'une société afin de la doter
d'une raison d'être de réunir spécialement une assemblée générale extraordinaire des actionnaires exclusivement sur cet ordre du jour

Introduit par l'Assemblée nationale en commission, à l'initiative de notre collègue députée Coralie Dubost, rapporteure du texte, puis modifié en séance publique, l'article 61 bis du projet de loi prévoit que la modification des statuts d'une société anonyme en vue d'y introduire une raison d'être doit avoir lieu lors d'une assemblée générale extraordinaire des actionnaires exclusivement consacrée à cet ordre du jour, dans un souci de solennité et de sérieux d'une telle démarche.

I. Le droit en vigueur

Les statuts d'une société anonyme ne peuvent être modifiés que par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires 741 ( * ) , laquelle se caractérise par des exigences plus fortes que l'assemblée générale ordinaire en matière de quorum et de majorité. Ainsi, l'assemblée générale extraordinaire ne peut délibérer que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le quart des actions ayant le droit de vote, sur première convocation, et le cinquième, sur deuxième convocation, et elle statue à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés.

Dans la pratique des sociétés, les assemblées générales ordinaire et extraordinaire ont généralement lieu dans la foulée l'une de l'autre, afin de ne réunir qu'une fois les actionnaires et d'examiner en une fois tous les sujets qui relèvent de la compétence de l'une ou de l'autre assemblée. Dès lors, il est rare de convoquer une assemblée générale extraordinaire spécifique sur un ordre du jour particulier, d'autant qu'une telle réunion peut être coûteuse et lourde à organiser, a fortiori dans les grandes sociétés et les sociétés cotées, compte tenu du nombre de leurs actionnaires.

II. Le dispositif proposé

Alors que l'article 61 du projet de loi prévoit que les statuts d'une société peuvent préciser une raison d'être, l'article 61 bis exige la réunion d'une assemblée générale extraordinaire particulière en cas de modification des statuts pour prévoir une raison d'être, sans autre sujet à l'ordre du jour, sans préjudice toutefois de la faculté pour des actionnaires représentant au moins 5 % du capital de demander l'inscription d'un autre sujet à l'ordre du jour et de la possibilité pour l'assemblée générale, en toutes circonstances, de révoquer des membres du conseil d'administration ou de surveillance et de procéder à leur remplacement.

III. La position de votre commission

Votre commission estime que l'article 61 bis du projet de loi impose une contrainte inutile et coûteuse pour les sociétés concernées. En tout état de cause, les actionnaires seront en mesure d'apprécier la portée de leur vote concernant l'introduction d'une raison d'être dans les statuts, quand bien même ce vote ne serait qu'un point parmi d'autres à l'ordre du jour. Aussi votre commission a-t-elle supprimé cette disposition, en adoptant en ce sens un amendement COM-389 présenté par son rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 61 bis .

Article 61 ter A (nouveau)
Renforcement de l'activité de normalisation

I. Le droit en vigueur

L'activité de normalisation - c'est-à-dire l'édiction de normes d'application volontaire à destination des entreprises - trouve en France son fondement juridique dans la loi n° 41-1987 du 24 mai 1941 relative à la normalisation. Pour l'essentiel, la portée juridique de ces normes ainsi que les conditions de leur production sont définies par le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation.

Mais elle est une activité menée également au niveau européen - et régie à ce titre par le Règlement (UE) n° 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne - ainsi qu'au niveau mondial, avec notamment les normes ISO définie par l' International Organization for Standardization . L'utilisation de normes volontaires est d'ailleurs l'un des instruments de la politique d'affermissement du marché unique au sein de l'Union européenne.

Comme l'a mis en relief le rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat en juillet 2017, établi par votre rapporteur 742 ( * ) , on compte aujourd'hui en France plus de 35 000 normes volontaires publiées - reconnaissables aux indicatifs sous lesquels elles sont enregistrées : NF, EN, ISO - destinées à fournir des règles de conduites ou des bonnes pratiques dans des domaines extrêmement variés de l'activité des entreprises auxquelles elles s'adressent essentiellement.

Ces normes sont élaborées dans un cadre purement technique , par un réseau d'organismes de droit privé aux niveaux national, européen et international, composés d'acteurs de la société civile (entreprises pour l'essentiel, mais aussi organisations de consommateurs, organisations non gouvernementales), sans lien nécessairement direct avec les politiques publiques définies par les États ou les organisations intergouvernementales, même si des représentants de l'administration ou des collectivités territoriales participent - inter pares - au processus.

La normalisation présente des enjeux essentiels en matière d'efficience économique . Diffusant des standards susceptibles d'être repris par de nombreux acteurs économiques, le cas échéant à travers le monde, elle contribue fortement à ouvrir des marchés. Elle peut donc être utilement mise à profit pour développer certains secteurs économiques nationaux et projeter à l'international leur activité.

En outre, dans la mesure où elle a vocation à déterminer les caractéristiques techniques d'activités en pleine croissance et mutation - comme le numérique ou l'énergie - ayant des implications dans plusieurs secteurs, la normalisation constitue également un enjeu considérable en termes de compétitivité et de souveraineté. Si la normalisation est un système de production de règles émancipé de la tutelle étatique - puisqu'il est le fait de structures de droit privé -, elle peut servir ou, à l'inverse, desservir l'action des pouvoirs publics. Des solutions techniques reconnues comme des normes au niveau international ou européen peuvent ainsi entraver le développement de certains secteurs de notre économie ou les mettre sous la dépendance d'acteurs étrangers qui peuvent ignorer ou, à tout le moins, ne pas prendre pleinement en compte, les besoins de la Nation.

Enfin, la normalisation volontaire constitue un enjeu de simplification du droit . L'on n'a en effet de cesse de dénoncer, à juste titre, l'inflation normative, la profusion de règles qui viennent s'appliquer aux entreprises et qui, dans bien des cas, entravent sinon rendent plus complexe leur développement. L'un des remèdes à ce mal pourrait être, dans des hypothèses précises mais potentiellement nombreuses, de substituer aux normes « juridiques et obligatoires » des normes « volontaires et souples » issues de l'activité de la normalisation.

Compte tenu de ces multiples enjeux, le rapport d'information précité préconisait 28 recommandations visant :

- d'une part, à assurer la performance du système de normalisation tout en veillant qu'il réponde à des préoccupations d'intérêt général ;

- d'autre part, à tirer parti des atouts de la normalisation en favorisant l'émergence d'une stratégie qui serve efficacement les intérêts de la Nation dans un monde de la normalisation transnational et fortement concurrentiel.

II. Le texte adopté par votre commission

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-564 portant création d'un article additionnel destiné à mettre en oeuvre les préconisations du rapport d'information précité afin de favoriser le développement de l'activité de normalisation.

Cet article a pour objet de donner une assise législative plus large à l'activité de normalisation en précisant davantage les dispositions de la loi du 24 mai 1941 relative à la normalisation, cette dernière étant par ailleurs abrogée. Si l'activité de normalisation en France ressortit essentiellement du niveau réglementaire, il importe en effet que ses grands principes soient établis par la loi et que, dans le même temps, le recours aux normes volontaires soit valorisé.

Outre une définition de la normalisation ainsi que le renvoi au pouvoir réglementaire pour déterminer l'organisme de normalisation français et le processus d'élaboration des normes volontaires, le dispositif proposé conserve la possibilité de rendre des normes volontaires d'application obligatoire, mais désormais à la double condition :

- d'une part, que des motifs de sécurité des personnes et des biens ou de santé publique l'exigent ;

- d'autre part, sous réserve qu'elles fassent l'objet d'une mise en ligne gratuite au public. Les normes volontaires rendues obligatoires doivent en effet présenter un caractère exceptionnel et l'obligation de les appliquer rend impératif leur accessibilité gratuite au public. Dans la mesure où ces normes peuvent être protégées par la propriété intellectuelle, l'État, pour assurer cette diffusion gratuite, devra donc rechercher les termes d'un accord avec les organismes qui en sont les auteurs.

En dernier lieu, cet article instaure formellement un mécanisme de « demande de normalisation » inspiré du dispositif existant au niveau de l'Union européenne à l'égard des organismes européens de normalisation (CEN, CENELEC, ETSI). Il prévoit ainsi que le pouvoir réglementaire, par le biais par exemple d'un simple arrêté ministériel, puisse charger l'organisme français de normalisation d'établir des normes volontaires destinées à assurer la mise en oeuvre de politiques publiques ou de dispositions législatives ou réglementaires particulières et dont il définit l'objet.

Cette mesure a vocation à assurer un « continuum » entre les strictes mesures juridiques définies au niveau de l'État par des dispositions relevant du domaine de la loi ou du règlement - qui pourraient ainsi, dans des domaines techniques, être moins nombreuses ou complexes - et les mesures de normalisation volontaire.

Votre rapporteur propose qu'une première mise en application de cette mesure soit opérée pour définir des référentiels destinés à renforcer l'insertion et l'accès des personnes en situation de handicap dans les entreprises et valoriser celles d'entre elles qui les mettront en oeuvre, plutôt que le label d'État envisagé par l'article 61 ter du présent projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 61 ter A ainsi rédigé.

Article 61 ter (supprimé)
Label pour les sociétés se dotant d'une politique d'accessibilité et d'inclusion des personnes en situation de handicap

I. Le droit en vigueur

Le développement de l'insertion des personnes en situation de handicap dans l'entreprise est un enjeu crucial, car aujourd'hui ces personnes souffrent davantage du chômage que d'autres catégories de personnes en âge de travailler. Si certaines entreprises ont accompli des efforts remarquables en la matière, d'autres tardent à le faire, souvent par peur des coûts potentiels et des difficultés pratiques générés par l'emploi de ces personnes, alors que cette crainte n'apparait pas justifiée en pratique.

Le développement d'actions en faveur de l'accessibilité et d'inclusion des personnes en situation de handicap dans les entreprises doit donc être favorisé, et les entreprises qui mènent en la matière une action forte doivent être reconnues comme telles.

Des référentiels, dont le respect est attesté le cas échéant par une certification, ont d'ores et déjà été mis en place. C'est le cas, notamment, de la norme volontaire NF X50-783 « Accessibilité des personnes handicapées - organismes handi-accueillants. Exigences et recommandations pour l'inclusion des personnes handicapées dans les organismes ».

Révisée et renforcée en septembre 2018, cette norme publiée par l'AFNOR est un outil permettant à une entreprise d'attester et de développer ses capacités à accueillir dans les meilleures conditions une personne handicapée. Elle constitue un référentiel pour définir et mettre en place une politique du handicap dans le cadre d'une démarche d'amélioration continue, impliquant l'ensemble des fonctions et acteurs internes de l'organisme. Elle comporte à cette fin 62 recommandations : de l'accessibilité à l'information au recrutement des personnes handicapées en passant par l'aménagement du poste de travail, l'évolution de carrière ou encore l'accessibilité des locaux.

Comme toutes les normes publiées par l'AFNOR, la norme est d'application volontaire : seuls les organismes qui le souhaitent décident de l'appliquer. En outre, elle est payante : l'accès à son contenu s'opère à la suite du paiement d'un prix à l'organisme de normalisation qui en est l'auteur.

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue députée Caroline Janvier, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, avec un avis de sagesse de la rapporteure et un avis favorable du ministre. En séance publique, il a été adopté sans modification.

Cet article prévoit que les sociétés - c'est-à-dire les seules entreprises constituée sous une forme sociale (société anonyme, société à responsabilité limitée...) qui justifient la mise en place d'une politique d'accessibilité et d'inclusion des personnes handicapées peuvent se voir attribuer un label, les modalités d'application de cette faculté devant être définies par un décret en Conseil d'État.

Il faut en déduire qu'il s'agirait de créer un nouveau label d'État, à l'instar des labels « Diversité » et « Égalité professionnelle », institués respectivement par le décret n° 2008-1344 du 17 décembre 2008 relatif à la création d'un label en matière de promotion de la diversité et de prévention des discriminations dans le cadre de la gestion des ressources humaines et à la mise en place d'une commission de labellisation, et l'arrêté ministériel du 2 septembre 2004 relatif à la commission de labellisation de l'égalité professionnelle.

III. La position de votre commission

Votre commission est très favorable au renforcement des démarches des entreprises en faveur de l'inclusion des personnes en situation de handicap et approuve la volonté de distinguer celles d'entre elles qui fournissent des efforts particuliers en la matière . Elle a néanmoins estimé que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale n'était pas le plus pertinent pour y parvenir.

Outre que le présent article ne vise sans justification que certains types d'entreprises - les sociétés -, il a pour conséquence de créer un nouveau label d'État. Or, comme elle l'a montré en adoptant l'article 61 ter A à la suite d'un amendement de notre collègue rapporteur Élisabeth Lamure, votre commission entend privilégier le recours à des normes qui seraient définies par les acteurs eux-mêmes, dans le cadre du système français de normalisation .

La création d'une nouvelle norme NF spécifique au handicap en entreprise, voire la révision de la norme NF X50-783 précitée, susceptible d'une certification par un organisme habilité par le comité français d'accréditation (COFRAC), semblerait une voie plus opérante, évitant d'avoir à créer, le cas échéant, une nouvelle commission de labellisation ainsi qu'un processus de certification ad hoc . En outre, l'élaboration de cette norme volontaire pourrait intervenir dans le cadre de la nouvelle procédure de « normalisation sur demande » de l'administration, qui serait prévue à l'article 12 ter A du présent projet de loi. Cette création ne nécessiterait aucune assise législative.

En conséquence, votre commission a adopté l'amendement de suppression de votre rapporteur ( amendement COM-313 ).

Votre commission a supprimé l'article 61 ter .

Article 61 quater
(art. 53 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation
relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement)
Promotion de référentiels sectoriels et territoriaux de la responsabilité sociale et environnementale des petites et moyennes entreprises

I. Le droit en vigueur

La promotion de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises s'est imposée tardivement dans le paysage juridique français, mais elle est aujourd'hui bien ancrée dans certains dispositifs juridiques encadrant l'activité des entreprises, et plus particulièrement des sociétés, que le présent projet de loi entend compléter.

À côté de ces instruments juridiques, il est également souhaitable de voir se développer des mesures relevant du « droit souple » ou plus simplement les « bonnes pratiques » des acteurs , afin que la démarche de responsabilisation des entreprises soit effectivement mise en oeuvre par le plus grand nombre d'acteurs. À cet égard, le développement de sigles, labels ou appellations permettant de distinguer et de promouvoir l'action vertueuse des acteurs dans ce domaine doit être favorisée .

Cette démarche est directement encouragée par le législateur. En particulier, l'article 53 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite « Grenelle I », a prévu que l'État appuierait :

- d'une part, la création, pour les entreprises de toute taille, de labels attestant la qualité de leur gestion dans les domaines environnementaux et sociaux et leur contribution à la protection de l'environnement ;

- d'autre part, la mise en place d'un mécanisme d'accréditation des organismes certificateurs indépendants chargés de les attribuer.

En outre, selon cette même disposition, l'État s'est engagé à soutenir « de la façon la plus appropriée, y compris fiscale , » les petites et moyennes entreprises qui s'engageront dans la voie de la certification environnementale.

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le présent article, introduit en commission spéciale de l'Assemblée nationale, est issu d'un amendement de notre collègue député Adrien Taquet et des membres du groupe LaREM, sous-amendé par la rapporteure, Coralie Dubost, avec un avis favorable du ministre. En séance publique, il a été adopté sans modification.

Le texte adopté prévoit de modifier l'article 53 de la loi précitée du 3 août 2009 en précisant qu'il reviendrait à l'État d'assurer la promotion de « référentiels sectoriels et territoriaux » créés par les fédérations professionnelles pour attester la qualité de la prise en compte par les petites et moyennes entreprises des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Cette mission serait conduite à l'aide de structures et de moyens existants.

L'engagement de l'État sera donc certes plus précis qu'aujourd'hui, mais également plus réduit.

Ainsi, l'État ne contribuerait pas à la création de labels, mais à la promotion de « référentiels », qui en outre devraient être nécessairement sectoriels - c'est-à-dire fonction du champ d'activité des entreprises - et adaptés aux spécificités des territoires - par exemple, territoires ruraux ou urbanisés, territoires de montagne... En outre, cette action ne concernerait désormais que les petites et moyennes entreprises.

Par ailleurs, le soutien de l'État aux entreprises elles-mêmes, qui devrait comme aujourd'hui prendre la forme « la plus appropriée », concernerait uniquement les entreprises labellisées, mais devrait intervenir en tout état de cause « à l'aide de structures et de moyens constants ».

Enfin, ces actions de promotion et de soutien seraient de simples facultés pour l'État, alors que l'article 53, dans sa rédaction actuelle, comporte un engagement non potestatif.

Cette rédaction semble très directement inspirée par l'expérimentation mise en place par la Plateforme nationale d'actions globales pour la Responsabilité sociétale des entreprises (Plateforme RSE), abritée par France Stratégie, avec douze organisations professionnelles sectorielles, afin de créer des référentiels, propres aux spécificités des secteurs professionnels concernés et des territoires d'implantation des entreprises. Selon les représentants de la Plateforme RSE entendus par votre rapporteur, cette expérimentation d'une durée de dix-huit mois devrait s'achever au début de l'année 2020. Elle donnera lieu à une évaluation en vue de présenter des recommandations aux pouvoirs publics en la matière.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à la création de référentiels sectoriels et territoriaux en matière de RSE, qui permettent de proposer des bonnes pratiques en matière de RSE définies au plus près du fonctionnement quotidien des entreprises . En ce sens, l'expérimentation engagée par la Plateforme RSE doit être approuvée dans son principe et, le cas échéant, si son évaluation s'avère favorable, il conviendra d'envisager la création de plusieurs référentiels qui pourraient donner lieu à la délivrance de sigles ou de labels.

Pour autant, il y a lieu de s'interroger sur la nécessité de modifier les dispositions de l'article 53 de la loi « Grenelle II », même dans le but louable de soutenir cette action. Dans son libellé actuel , et malgré le fait qu'il s'agisse d'une disposition relevant d'une loi de programmation, le périmètre et la valeur de l'engagement assigné par le législateur à l'État s'avèrent en effet plus importants que ceux prévus par le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Dans ces conditions, votre commission a souhaité modifier le présent article 61 quater en adoptant l'amendement COM-314 de votre rapporteur afin de conserver le caractère impératif de l'engagement de l'État, tout en précisant qu'il s'appliquerait à des labels attribués sur la base de référentiels pouvant présenter un caractère sectoriel et territorial et élaborés , le cas échéant, par les fédérations professionnelles .

De ce fait, l'engagement assigné à l'État par le législateur serait précisé dans le sens souhaité par l'Assemblée nationale, sans remettre en cause pour autant sa portée.

Votre commission a adopté l'article 61 quater ainsi modifié.

Article 61 quinquies (supprimé)
Rapport sur le recensement et l'évaluation des labels d'entreprise

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

Au cours des vingt dernières années, les labels à destination des entreprises se sont multipliés, sans cadre juridique uniforme et souvent de manière désordonnée . Leur origine comme leurs objets sont aujourd'hui très diversifiés.

On peut ainsi relever l'existence de labels délivrés par l'État , comme le label « Entreprise du patrimoine vivant », prévu par l'article 23 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, qui peut être attribué « à toute entreprise qui détient un patrimoine économique, composé en particulier d'un savoir-faire rare, renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire ».

D'autres labels sont des créations d'organismes de droit privé, français ou étrangers, opérant au niveau national, européen ou international.

Il peut s'agir, pour certains, de sanctionner le respect de normes volontaires élaborées par les organes de normalisation comme l'AFNOR en France, le CEN au niveau européen ou l'ISO au niveau international. Des organismes de certification délivrent alors un certificat attestant le suivi des prescriptions issues de ces normes.

D'autres sont des créations issues de référentiels purement privés. Comme l'a indiqué la direction générale du Trésor à votre rapporteur, on peut citer par exemple le label américain « B corp », qui récompense les sociétés mettant en oeuvre une politique sociale et environnementale ambitieuse (bien-être des salariés, écarts de rémunérations entre les salariés, etc.). Dans le domaine agricole, les producteurs peuvent, par exemple, obtenir le label « Bee friendly » s'ils contribuent à la survie des abeilles en n'utilisant pas les pesticides aujourd'hui responsables de leur déclin.

En définitive, il découle de la situation actuelle une absence de lisibilité, tant pour les entreprises que pour les consommateurs, de la portée et de l'objet des différents labels utilisés.

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

À l'initiative de sa rapporteure, Coralie Dubost, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a introduit, avec l'avis favorable du ministre, le présent article qui prévoit l'obligation pour le Gouvernement de remettre un rapport au Parlement dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi.

Ce rapport porterait sur les conditions de mise en place d'une « structure de revue et d'évaluation » des labels d'entreprise permettant de « valoriser des produits, des comportements ou des stratégies ».

Cette structure associerait, notamment, des experts et des membres du Parlement et proposerait des pistes de rationalisation et d'harmonisation des conditions de validité, de fiabilité et d'accessibilité de ces labels pour les « petites sociétés ». Cette dernière notion, peu usuelle, semblerait limiter les pouvoirs de recommandation de la structure à des EURL ou des SARL, en excluant les autres formes d'entreprises.

III. La position de votre commission

Votre commission partage le constat d'un « maquis » des labels d'entreprises et de la nécessité de mener une action de recensement et d'évaluation des différents labels existants. Sur cette base, une réflexion pourrait ensuite être utilement menée pour « simplifier » le paysage actuel.

Conformément à la position traditionnelle du Sénat, elle estime néanmoins qu'il n'y a pas lieu d'inscrire dans la loi la remise d'un rapport au Parlement sur les conditions de création d'une structure qui serait chargée de procéder à cette mission, à supposer même que le Parlement, dans le cadre de ses travaux d'information ne procède pas lui-même à un travail ou qu'une structure déjà existante ne soit pas déjà en mesure de le mener. La Plateforme RSE pourrait ainsi constituer un cadre pertinent à cet effet.

En conséquence, la commission a adopté l' amendement COM-315 de votre rapporteur tendant à supprimer le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 61 quinquies .

Article 61 sexies
(art. L. 225-37-3 du code de commerce)
Prise en compte de la performance extra-financière
dans la rémunération des dirigeants d'entreprise

I. Le droit en vigueur

L'article L. 225-37 du code de commerce prévoit que le conseil d'administration présente à l'assemblée générale un rapport sur le gouvernement d'entreprise (RGE) joint au rapport de gestion.

L'article L. 225-37-3 précise que dans ce rapport, les sociétés mentionnent les informations relatives aux rémunérations pour chacun de leurs mandataires sociaux.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 61 sexies résulte de l'adoption, en commission spéciale, d'un amendement de notre collègue députée et rapporteure Coralie Dubost afin que le RGE fasse état des éléments de rémunération découlant de critères de performance extra-financière, autrement appelée responsabilité sociale des entreprises ou «  RSE ».

La RSE est la contribution des entreprises au développement durable. Elle se traduit notamment, à l'article L. 225-102-1, par une obligation de déclaration de performance extra-financière dans le rapport de gestion.

III. La position de votre commission

Cette disposition semble équilibrée et cohérente avec les mesures de transparence par ailleurs mises en oeuvre.

Votre commission a adopté l'article 61 sexies sans modification.

Article 61 septies
(art. L. 210-10 à L. 210-12 [nouveaux] du code de commerce,
art. L. 322-26-4-1 [nouveau] du code des assurances,
art. L. 110-1-1 [nouveau] du code de la mutualité)
Sociétés à mission

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 61 septies résulte de l'adoption, en commission, de plusieurs amendements et sous-amendements de notre collègue député Adrien Taquet et plusieurs autres membres du groupe LREM.

L'article L. 210-10 ajouté au code de commerce par le I du présent article crée tout d'abord « un nouveau statut de société » qui « matérialise une raison d'être » créée par l'article 61 du présent projet de loi. Codifiée dans le code de commerce, elle vise des sociétés commerciales dont les statuts doivent :

- définir « une mission qui assigne à la société la poursuite d'objectifs sociaux et environnementaux » (alinéa 3) ;

- préciser la composition, le fonctionnement et les moyens d'un « organe social » chargé de suivre l'exécution de la mission. Deux amendements adoptés en séance publique précisent que cet organe doit comporter au moins un salarié 743 ( * ) , qu'il procède à toute vérification qu'il juge opportune et présente un rapport joint au rapport de gestion présenté à l'assemblée générale 744 ( * ) (alinéas 4 et 5).

Par ailleurs les actes pris pour la mise en oeuvre de la mission « sont réputés ne pas dépasser l'objet social » (alinéa 6). Un décret en Conseil d'État prévoit les modalités de vérification annuelle de la mise en oeuvre des missions par un organisme tiers indépendant (alinéa 7).

La société à mission peut faire publiquement état de sa qualité à condition d'être immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS). Cette disposition résulte d'un amendement des rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure.

L'article L. 210-11 prévoit qu'en cas de manquement aux obligations de suivi par l'organe social, le président du tribunal peut être saisi, statuant en référé (alinéa 9). Il peut enjoindre au représentant légal de la société de supprimer la mention « société à mission » de tous les actes ou supports de la société (alinéa 10).

L'article L. 210-12 prévoit que les missions de l'organe social peuvent être effectuées par un référent dans les sociétés à mission employant moins de 50 salariés 745 ( * ) .

Enfin le II et le III prévoient des mesures de coordination dans le code des assurances et le code de la mutualité.

II. La position de votre commission

Consciente des attentes de la société et de certaines entreprises décrites dans le rapport de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat déjà évoqué, votre commission approuve la création de la société à mission dès lors qu'elle constitue une liberté offerte aux entreprises et non une obligation.

Toutefois, compte tenu de la complexité du dispositif, elle a adopté l'amendement COM-496 procédant à une nouvelle rédaction des alinéas 1 à 10 qui :

- permet de clarifier que la société à mission n'est pas un nouveau statut de société mais une qualité qui peut être recherchée par toutes les formes de sociétés commerciales. La rédaction actuelle, évoquant la « constitution » d'une société à mission apparait à ce titre impropre et devrait être remplacée par la notion de « qualité », dont les sociétés bénéficiaires pourraient choisir de faire publiquement état ;

- apporte des améliorations rédactionnelles, notamment en plaçant la condition d'avoir une raison d'être au même niveau que les deux autres conditions ;

- permet de simplifier l'ensemble des concepts utilisés pour pouvoir bénéficier de la qualité de société à mission. La rédaction actuelle apparait en effet excessivement complexe, en demandant d'articuler une raison d'être avec une mission, assignant des objectifs sociaux et environnementaux. L'articulation de ces différents concepts entre eux, ainsi qu'avec les notions de droit commun d'intérêt social et d'objet social, pourrait conduire à des conflits d'objectifs et nuire à la clarté et la sécurité juridique dont devrait être entourée la création de ce nouveau dispositif. Il parait préférable de n'ajouter pour les sociétés à missions que l'exigence de se doter d'objectifs sociaux et environnementaux ;

- permet aux statuts de définir les modalités du suivi de l'exécution des objectifs sociaux et environnementaux, qui peut être confié à un comité ou un référent, et non à un organe social, ce qui permet d'éviter de transformer ses membres en mandataires sociaux et de leur adjoindre un régime spécifique particulièrement lourd pour l'entreprise. En outre, il convient de supprimer tout effet de seuil et de permettre librement aux statuts de désigner un référent plutôt qu'un comité sans condition d'effectifs ;

- supprime la présomption de respect de l'objet social des actes pris par le dirigeant pour la mise en oeuvre de la mission. Cette présomption apparait en effet susceptible de conduire à des abus ;

- assouplit le régime de publicité et de contrôle de la qualité de société à mission, en supprimant l'inscription obligatoire de cette qualité au registre du commerce et des sociétés. Cette inscription conduirait à des rigidités et à des frais inutiles, dans la mesure où le contrôle du greffier en la matière ne peut être que formel et se réduit au seul rôle d'entériner les conclusions de l'organisme tiers indépendant.

Votre commission a adopté l'article 61 septies ainsi modifié.

Article 61 octies
(art. 787 B du code général des impôts)
Fonds de pérennité

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, issu de l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur général Roland Lescure, du groupe LREM, « a pour ambition de créer le cadre juridique d'un nouvel instrument de détention et de transmission d'une société : le fonds de pérennité économique . »

Lors des débats en séance publique, le titre du fonds a été modifié par voie d'amendement pour finalement devenir le fonds de pérennité.

Douze chapitres constituent la définition de cette nouvelle structure :

Le I précise que le fonds est constitué par l'apport gratuit et irrévocable des titres de capital ou de parts sociales d'une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole. Cet apport est réalisé par un ou plusieurs fondateurs afin que le fonds gère ces titres ou parts et exerce les droits qui y sont attachés. Le fonds utilise ses ressources dans le but de contribuer à la pérennité économique de cette ou ces sociétés et pour pouvoir réaliser ou financer des oeuvres ou des missions d'intérêt général.

Le II est relatif aux statuts, établis par écrit, qui déterminent la dénomination, l'objet, le siège et les modalités de fonctionnement du fonds, ainsi que les règles relatives au conseil d'administration et au comité de gestion ( cf . ci-dessous VII). Il est précisé que l'objet ne peut être modifié qu'après deux délibérations du conseil d'administration, réunissant au moins les deux tiers des membres.

Le III précise les modalités de déclaration à la préfecture et de publicité des documents dans des conditions fixées par décret.

Le IV décrit la dotation du fonds de pérennité : elle est composée des titres ou parts apportés par le ou les fondateurs lors de sa constitution ainsi que des biens et droits de toute nature qui peuvent lui être apportés à titre gratuit et irrévocable. L'article 910 746 ( * ) du code civil n'est pas applicable à ces libéralités (alinéa 9).

Il rappelle l'inaliénabilité des titres ou parts, sauf lorsqu'il en a été décidé autrement par l'apporteur ou le testateur dans le cas d'une société contrôlée par le fonds par l'effet d'une libéralité ou d'une acquisition, dans la limite de la fraction du capital social qui n'est pas nécessaire à l'exercice de ce contrôle. Dans les conditions du deuxième alinéa de l'article 900-4 du code civil 747 ( * ) , le fonds peut être judiciairement autorisé à disposer des titres ou parts frappés d'inaliénabilité s'il advient que la pérennité économique de la ou des sociétés l'exige (alinéa 11). L'alinéa 12 précise qu'aucun fonds public ne peut être versé à un fonds de pérennité. Les ressources sont constituées des revenus et produits de sa dotation, des produits des activités autorisées par les statuts et des produits des rétributions pour service rendu (alinéa 13).

Le fonds dispose de ses ressources dans la limite de son objet (alinéa 14) et les statuts fixent les conditions dans lesquelles la dotation en capital peut être consommée (alinéa 15).

Le V est relatif au legs, qui est possible pour un fonds n'existant pas au jour de l'ouverture de la succession, si le testateur a désigné la ou les personnes chargées de constituer ce fonds et qu'il acquiert la personne morale dans l'année suivant cette ouverture (alinéa 16).

Le VI est relatif à la gouvernance du fonds, administré par un conseil d'administration.

Le VII prévoit un comité de gestion chargé du suivi permanent de la ou des sociétés dont les titres ou parts constituent l'apport au fonds. Il formule des recommandations au conseil d'administration portant sur la gestion financière de la dotation, sur l'exercice des droits attachés aux titres ou parts détenus ainsi que sur les actions permettant de contribuer à la pérennité économique de ces sociétés (alinéa 21) .

Le VIII oblige le fonds à établir annuellement des comptes comprenant au moins un bilan et un compte de résultat et à nommer au moins un commissaire aux comptes dès lors que le montant total des ressources dépasse 10 000 euros à la clôture du dernier exercice (alinéa 22). Si ce dernier relève des faits de nature à compromettre la continuité de l'activité du fonds, il en informe le conseil d'administration qui doit lui répondre dans un délai fixé par décret (alinéa 24).

Le IX prévoit le contrôle de l'autorité administrative (alinéa 25) qui peut saisir l'autorité judiciaire aux fins de sa dissolution en cas de constat de dysfonctionnements graves affectant la réalisation de l'objet du fonds de pérennité (alinéa 27).

Le X prévoit les conditions de dissolution (alinéa 29) qui entraîne la liquidation du fonds (alinéa 30). À l'issue de cette dernière, l'actif net du fonds est transféré à un bénéficiaire désigné par les statuts ou, à défaut, à l'initiative du liquidateur désigné par l'autorité judiciaire (alinéa 31).

Le XI prévoit la possibilité de créer un fonds de dotation pour réaliser ou financer tout ou partie des oeuvres ou des missions d'intérêt général du fonds de pérennité. Ce fonds de dotation est soumis aux dispositions de l'article 140 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie régissant les fonds de dotation, mais sous réserve de cinq dérogations (exonération d'apport initial de 15 000 euros en numéraire ; capacité du fonds de dotation à consommer sa dotation en capital sauf dispositions contraires des statuts ; présence d'au moins un membre du conseil d'administration du fonds de pérennité au sein du conseil d'administration du fonds de dotation ; modification statutaire avec l'approbation d'un représentant du fonds de pérennité 748 ( * ) ; transmission du rapport annuel au fonds de pérennité).

Enfin le XII prévoit l'application des dispositions relatives au « pacte Dutreil » prévu à l'article 787 B du code général des impôts pour la transmission du fonds de pérennité.

II. La position de votre commission

Comme l'a précisé Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, lors des débats devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale : « l'objectif est d'assurer la transmission et la pérennité de nos entreprises, en particulier les entreprises familiales ». Puis évoquant le cas des fondations actionnaires dont l'inspection générale des finances recommande le développement 749 ( * ) , le ministre conclut : « il faut bien distinguer cette nouvelle structure des fondations reconnues d'utilité publique ou des fonds de dotation qui ont une finalité philanthropique : elle aura en premier lieu une vocation économique , qui est de garantir la stabilité des entreprises sur le long terme . »

Par ailleurs le rapport de Jean-Dominique Senard et de Nicole Notat, dans son chapitre dédié à la proposition n°14, distingue clairement d'une part l'assouplissement des règles permettant aux fondations de détenir des parts et actions de société sans s'immiscer dans leur gestion, et d'autre part la création de fonds de transmission et de pérennisation des entreprises. Sur ce dernier point, le rapport indique : « Il a aussi été envisagé dans les auditions qu'un véhicule juridique puisse faciliter la transmission et la pérennisation de PME. Un rapport notait ainsi que 700 000 entreprises sont susceptibles d'être cédées sur 10 ans. Les fondateurs, en l'absence d'un successeur désigné, peuvent souhaiter se déposséder de leur bien, pour assurer la pérennité d'une raison d'être ou d'une implantation territoriale, sans pour autant affecter les fruits à l'intérêt général , et se conformer aux contraintes afférentes . »

Votre commission estime que la rédaction actuelle de l'article 61 octies crée une confusion puisque le fonds de pérennité est organisé pour assurer la transmission et la pérennisation des entreprises, mais certaines dispositions relèvent davantage du droit applicable aux fondations :

- tout d'abord dans la définition du fonds de pérennité, l'alinéa 1 mentionne qu'il peut « réaliser ou financer des oeuvres ou des missions d'intérêt général » ;

- l'alinéa 4 précise que l'objet, défini dans les statuts, « comprend, le cas échéant, l'indication des oeuvres ou des missions d'intérêt général qu'il entend réaliser ou financer » ;

- le chapitre XI (alinéas 32 à 37) prévoit un fonds de dotation « adossé au fonds de pérennité », « aux fins de réaliser ou de financer tout ou partie des oeuvres ou des missions d'intérêt général ».

Ces dispositions créent une confusion d'autant plus inutile que par ailleurs, toujours dans l'esprit du rapport dit « Notat-Senard », l'article 61 nonies A réaffirme, en les clarifiant, les règles permettant aux fondations reconnues d'utilité publiques d'être des fondations actionnaires. En outre, il serait délicat de scinder les activités du fonds de pérennité avec d'un côté les activités économiques privées et de l'autre le fonds de dotation menant des activités d'intérêt général.

Enfin rien d'interdit au fonds de pérennité d'effectuer, comme toute entreprise privée, du mécénat d'entreprise directement auprès des organismes éligibles listés par le code général des impôts.

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement (COM-492) supprimant les références ou dispositions précitées relevant davantage du domaine des fondations et fonds de dotation et des missions d'intérêt général.

Par ailleurs, la rédaction de l'alinéa 1 interdit à des personnes physiques d'apporter à un fonds de pérennité les titres de sociétés holdings ou sociétés mères par l'intermédiaire desquelles elles détiennent le contrôle des sociétés ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou agricole. Or la plupart des entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont la pérennité constitue un enjeu pour la vitalité économique des territoires et qui sont visées par cet article, sont détenues via des holdings. En outre, les statistiques de la Banque de France indiquent que 62 % des PME employant plus de 100 salariés sont détenues par l'intermédiaire d'une société holding. Aussi, votre commission a adopté un amendement (COM-493) visant à étendre aux titres de sociétés holdings la faculté d'apport à titre gratuit à un fonds de pérennité .

Votre commission a adopté l'article 61 octies ainsi modifié.

Article 61 nonies A
(art. 18-3 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987
sur le développement du mécénat)
Précision des conditions de contrôle d'une entreprise
par une fondation reconnue d'utilité publique

I. Le droit en vigueur

Comme le rappelle le Conseil d'État dans sa communication du 9 janvier 2019 sur la réforme des procédures visant à faciliter la création et la vie des associations et fondations d'utilité publique, on dénombrait, au 30 avril 2018, 655 fondations reconnues d'utilité publique (FRUP).

Une FRUP résulte de la cession, de manière irrévocable, de ressources, de biens ou de droits par une ou plusieurs personnes physiques ou morales en vue de la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif. La reconnaissance d'utilité publique par décret en Conseil d'État confère aux fondations la personnalité morale. Les fondations sont régies par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat .

Son article 18-3 pose les bases des fondations actionnaires : « Dans le cadre d'une opération de cession ou de transmission d'entreprise, une fondation reconnue d'utilité publique peut recevoir des parts sociales ou des actions d'une société ayant une activité industrielle ou commerciale, sans limitation de seuil ou de droits de vote, à la condition que soit respecté le principe de spécialité de la fondation . »

Toutefois cette rédaction soulève des difficultés. Comme le souligne le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) intitulé « Le rôle économique des fondations » et publié en avril 2017 :

La première difficulté réside dans l'interprétation de la référence aux opérations de « cession ou de transmission d'entreprise ». En dehors d'exclure la création d'une entreprise par une fondation, ce qui ne semble pas justifié, cette disposition paraît peu limitative. L'apport d'une fraction seulement du capital d'une entreprise relève en effet d'une forme de transmission - cela est d'ailleurs illustré par l'apport progressif de la société Pierre Fabre à une FRUP. Par conséquent, la référence aux opérations de cession ou de transmission d'entreprise pourrait être utilement supprimée.

La seconde difficulté, plus aigüe, tient à l'invocation d'un « principe de spécialité ». La lecture qui en est la plus couramment faite y voit l'obligation pour la fondation d'avoir une activité conforme à son objet. Celui-ci devant par définition relever de l'intérêt général, il exclut l'exercice d'une activité commerciale, notamment la gestion active de participations dans des entreprises. Dans la pratique, cela implique qu'une fondation détenant majoritairement une entreprise ne s'immisce pas dans la gestion de cette dernière. Les montages mis en oeuvre par les fondations Pierre Fabre (interposition d'un holding intercalaire) et Avril (création d'une structure de commandite par actions) visent à garantir le respect de ce principe.

Le maintien d'une certaine étanchéité - ou tout au moins d'une distance - entre la gestion de la fondation et celle de l'entreprise paraît bienvenue. D'une part, elle permet de faire coexister des intérêts divergents : la fondation, dont le financement est en partie assis sur les dividendes versés par l'entreprise qu'elle détient, peut être tentée de faire primer la satisfaction de ses besoins de fonds sur ceux de l'entreprise. D'autre part, les mandataires d'une structure philanthropique ne peuvent être les mêmes que ceux d'une entité commerciale, les compétences requises pour diriger ces deux types de structures étant très différentes.

La seconde lecture faite du principe de spécialité consiste à y voir une obligation pour la fondation et pour l'entreprise détenue d'exercer dans le même secteur d'activité. Une telle obligation ne semble pas justifiée ; au contraire même, elle pourrait entraîner des conflits d'intérêts, la fondation pouvant être amenée à faire appel prioritairement à l'entreprise détenue pour fournir certains biens ou services. Permettre à une fondation d'investir dans n'importe quel secteur d'activité - ce qui est actuellement le cas, au moins par des participations minoritaires - pourrait, certes, la conduire à placer des ressources dans des sociétés ayant un objet antagoniste au sien. Ce cas de figure est cependant théorique, et il revient aux fondations d'être cohérentes dans leur gestion, sans qu'un encadrement législatif soir nécessaire ».

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 61 nonies A résulte de l'adoption, en séance publique, d'un amendement de notre collègue député Stanislas Guérini, du groupe LREM, modifié par une série de sous-amendements du même auteur. Il modifie l'article 18-3 en lui substituant la rédaction suivante :

« Une fondation reconnue d'utilité publique peut recevoir et détenir des parts sociales ou des actions d'une société ayant une activité industrielle ou commerciale, sans limitation de seuil de capital ou de droits de vote, à la condition que soit respecté le principe de spécialité de la fondation.

« Lorsque ces parts ou ces actions confèrent à la fondation le contrôle de la société au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, les statuts de la fondation précisent le cadre juridique par lequel la fondation exerce ses droits au sein de la société sans s'immiscer dans sa gestion. Ils indiquent les conditions dans lesquelles la fondation se prononce notamment sur l'approbation des comptes de la société, la distribution de ses dividendes, l'augmentation ou la réduction de son capital ainsi que la modification de ses statuts ».

III. La position de votre commission

Votre commission approuve la volonté de faire évoluer l'article 18-3 mais observe plusieurs difficultés dans cette rédaction :

- elle maintient la condition du principe de spécialité dans le premier alinéa, et avec elle l'ambiguïté de l'interprétation évoquée ci-dessus ;

- elle est source à la fois de complexité et d'ambiguïtés nouvelles. En effet, la liste des décisions auxquelles elle est associée pourrait être interprétée de façon limitative : bien d'autres sujets peuvent lui être soumis dans une optique de gestion patrimoniale mais si le deuxième alinéa de l'article 18-3 donne une liste indicative, on peut s'interroger sur la possibilité qu'aura la fondation de le faire en dehors des actes listés. Par ailleurs la formule d'exercice des droits peut prêter à confusion au regard de l'impossibilité de s'immiscer dans sa gestion.

Votre commission a donc adopté l'amendement COM-504 modifiant cet article pour :

- décorréler le principe de spécialité de l'affirmation de la faculté de détention de parts ou actions de sociétés, afin de supprimer les problèmes d'interprétation mentionnés dans le rapport de l'IGF précité ;

- simplifier la rédaction du dispositif du deuxième alinéa , dans le même esprit que les simplifications opérées dans de nombreux autres articles du présent projet de loi. Il s'agit simplement d'expliciter le principe de spécialité qui consiste, pour les fondations actionnaires, à ne pas s'immiscer dans la gestion des sociétés dont elle détient des parts ou actions. Elle doit donc se contenter d'opérer une gestion patrimoniale de ces sociétés. La simplification de rédaction ne doit pas laisser s'immiscer un doute sur l'interprétation à retenir : la gestion patrimoniale amènera la fondation à se prononcer sur les comptes de la société qu'elle contrôle, sur la distribution des dividendes, sur l'augmentation ou la réduction de son capital ainsi que sur la modification de ses statuts . Toutefois la fondation pourra être amenée à se prononcer sur d'autres sujets, et ses statuts devront préciser comment y procéder. C'est le sens de la nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article 18-3 ;

- prévoit une entrée en vigueur différée au 1 er janvier 2022 pour ce deuxième alinéa , afin de laisser aux fondations le temps de modifier leurs statuts , ce qui peut prendre un temps considérable compte tenu des délais administratifs afférents. Votre commission espère d'ailleurs que les nouvelles règles présentées par le Conseil d'État pourront améliorer ces délais, aujourd'hui beaucoup trop longs.

Votre commission a adopté l'article 61 nonies A ainsi modifié.

Article 61 nonies
(art. L. 225-261 et L. 225-268 du code de commerce)
Modernisation du régime juridique
des sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO)

I. Le droit en vigueur

Instituée par la loi du 26 avril 1917, la société anonyme à participation ouvrière (SAPO) est une forme particulière de société anonyme comportant deux types d'actions :

- les actions de capital représentatives des apports effectués par les associés ;

- les « actions de travail », sans valeur nominale, qui sont la propriété exclusivement collective des salariés regroupés en une société coopérative de main d'oeuvre (SCMO) et qui ne sont pas la contrepartie d'un apport.

Les actions de travail confèrent aux salariés un droit de vote aux assemblées de la SAPO et le droit à une fraction des bénéfices réalisés par cette société ainsi que, le cas échéant, à une partie du boni de liquidation.

Les dividendes ainsi attachés aux actions de travail sont répartis entre les salariés conformément aux règles fixées par les statuts de la société coopérative de main d'oeuvre et en application des décisions de ses assemblées générales.

L'article L. 225-261 du code de commerce rappelle le caractère collectif de la propriété des actions de travail, les modalités de liquidation des droits en cas de départ de la société, ainsi que les conditions d'attribution des dividendes.

L'article L. 225-268 définit les règles de composition du conseil d'administration.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article résulte de l'adoption de deux amendements identiques de nos collègues députés Dominique Potier, du groupe socialiste, et Hubert Julien-Laferrière, du groupe LREM. L'objectif est de moderniser le cadre juridique de la SAPO :

- en visant les salariés et non plus les « ouvriers et employés » (alinéas 3 et 4) ;

- en prévoyant une certification de la régularité des distributions de dividendes au profit des salariés, réalisée par un commissaire aux comptes (alinéas 5 et 6) ;

- en offrant aux SAPO la possibilité fonctionner de façon duale avec un conseil de surveillance (alinéa 7).

III. La position de votre commission

Votre commission a jugé utile et bienvenue la modernisation du régime juridique des SAPO proposé par le présent article.

Votre commission a adopté l'article 61 nonies sans modification .

Article 61 decies (supprimé)
(art. L. 423-3 du code de la consommation)
Obligations relatives au retrait et au rappel des produits
présentant des risques pour les consommateurs

I. Le droit en vigueur

1. Un dispositif visant à garantir la protection des consommateurs face aux produits potentiellement dangereux

L'article L. 423-3 du code de la consommation prévoit, pour les producteurs et les distributeurs, des obligations de retrait et de rappel des produits ne satisfaisant pas aux critères minimaux de salubrité et de sécurité pour les consommateurs, ainsi qu'une information immédiate des autorités administratives compétentes. Précisés à l'article L. 421-3 du même code, ces critères recouvrent « la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre » et « ne pas porter atteinte à la santé des personnes », sous réserve de « conditions normales d'utilisations ou [...] de conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel ».

Ces obligations visent une meilleure protection des consommateurs par l'accélération et la facilitation du retrait des produits par les entreprises elles-mêmes. Lorsqu'un produit est identifié comme porteur de risques, le producteur ou le distributeur doit prévoir des actions afin de prévenir les risques. Cette prévention passe par :

- le rappel, c'est-à-dire la récupération de produits défectueux déjà vendus. Ces mesures de rappel sont relayées par des campagnes d'information ;

- le retrait, c'est-à-dire la suppression d'un produit des circuits de distribution et de commercialisation.

Lorsque les mesures prises par l'entreprise sont jugées insuffisantes par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), cette dernière peut mettre en place des mesures d'urgence visant le retrait du produit. Elle centralise le signalement des produits dangereux, qui peut provenir de différentes sources : ses services déconcentrés chargés de la surveillance du marché, les alertes des consommateurs qui peuvent, au moyen de formulaires en ligne, signaler des effets ou anomalies constatés sur certains produits ou encore les autorités de surveillance des autres États membres de l'Union Européenne, par le biais du réseau d'alerte européen.

L'absence de mesures de retrait et de rappel fait l'objet de sanctions qui ont été très récemment renforcées par la loi n° 2018-939 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous : cinq ans d'emprisonnement et 600 000 euros d'amende.

Cet article L. 423-3 complète l'obligation générale de conformité posée aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de la consommation, aux termes desquels les professionnels sont tenus d'informer sans délais et par tout moyen les opérateurs situés en amont et en aval de toute non-conformité à la réglementation portant sur une qualité substantielle du produit. Le code impose également aux producteurs de s'organiser pour maîtriser les risques , notamment par le retrait ou le rappel des produits mis sur le marché, comme le prévoient les articles L. 423-2 à L. 423-4.

2. Une application des exigences européennes

Le dispositif de retrait-rappel pesant sur les opérateurs correspond aux obligations européennes prévues par :

- la directive 2011/95/CE qui impose aux professionnels une obligation générale de sécurité (article 3) : « les producteurs sont tenus de ne mettre sur le marché que des produits sûrs ». Cette obligation est transposée à l'article L. 421-3 du code de la consommation ;

- le règlement CE 178/2002 750 ( * ) qui définit les obligations de mise sur le marché des denrées sûres (article 14§1), de la traçabilité amont/aval des produits (article 18) et d'action des exploitants en cas de risque associé à des produits qu'ils ont mis sur le marché (articles 19 et 20).

3. Un dispositif renforcé pour les produits alimentaires et d'alimentation animale

L'article L. 423-3 prévoit également, depuis la loi du 30 octobre 2018, un dispositif de traçabilité des produits retirés pour les produits du secteur alimentaire et de l'alimentation animale , notamment via l'usage d'un site internet dédié tenu par l'administration. Les informations devant être transmises doivent être précisées par voie réglementaire. Ces données chiffrées permettent un suivi précis des produits encore présents sur le marché, et d'éviter la commercialisation de produits alors que leur dangerosité a été mise en évidence.

L'absence de respect de ces obligations est sanctionnée par une amende de 5 000 euros, prévue à l'article L. 452-7.

L'accélération des procédures et l'alourdissement des sanctions visent à assurer une meilleure protection des consommateurs, notamment suite à la commercialisation de laits infantiles infectés par des salmonelles par l'entreprise Lactalis.

Le renforcement du suivi et la fiabilisation de l'information s'inscrivent dans le prolongement de recommandations émises par le Sénat dans son rapport d'information sur les procédures de retrait et de rappel des produits alimentaires présentant un risque sanitaire du 5 avril 2018 751 ( * ) . Ce rapport pointe en effet des « dysfonctionnements préoccupants dans la protection sanitaire offerte aux consommateurs » 752 ( * ) et identifie ces dysfonctionnements dans trois étapes-clés : la réalisation des contrôles portant sur la qualité sanitaire des produits, la phase d'information sur la procédure de retrait-rappel mise en oeuvre et l'exécution matérielle de cette procédure par les acteurs concernés.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 61 decies du présent projet de loi vise à généraliser à l'ensemble des produits et services un dispositif déjà prévu pour les produits alimentaires par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible, dite « EGALIM », du 30 octobre 2018 , à savoir l'obligation d'établir un état chiffré des produits rappelés ou retirés, ainsi que la déclaration systématique des données relatives à ces produits à l'administration via un site internet dédié.

Concernant les produits non alimentaires ou non destinés à l'alimentation animale, les obligations actuelles ne prévoient pas ce suivi chiffré et systématiquement transmis en ligne à l'administration, mais seulement l'engagement d'actions nécessaires lorsque des doutes sont soulevés quant à la dangerosité du produit pour la sécurité des consommateurs et l'information immédiate des autorités administratives de ces mesures.

L'extension des obligations spécifiques au secteur alimentaire et de l'alimentation animale à l'ensemble des produits vise à garantir une meilleure protection des consommateurs et un suivi fin de l'ensemble des produits dangereux pour le consommateur.

Cette disposition correspond également à la première recommandation du rapport « Amélioration de l'efficacité des procédures de retrait-rappel des produits de consommation courante » 753 ( * ) du Conseil national de la consommation (CNC) : créer un site administratif public recensant les rappels de produits . Si ce registre a été mis en place pour les produits alimentaires et d'alimentation animale, le CNC préconise son extension à l'ensemble des produits, afin de favoriser l'accès à une information fiable pour les consommateurs et les professionnels.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a donné un avis favorable à son adoption, de même que le Gouvernement, ce dernier ayant souligné que l'amendement suivait les recommandations du Conseil national de la consommation.

III. La position de votre commission

L'article 61 decies ne paraît pas répondre aux exigences de l'article 45 de la Constitution, dès lors qu'il ne comporte pas de lien, même indirect, avec les autres dispositions du présent projet de loi . Si une généralisation du dispositif adopté dans le cadre de la loi EGALIM peut sembler pertinente dans un souci de protection du consommateur, une telle mesure ne saurait trouver sa place dans les dispositions du présent texte.

En conséquence, votre commission a adopté l'amendement COM-316 de votre rapporteur tendant à la suppression de cet article.

Votre commission a supprimé l'article 61 decies .

Article 61 undecies (supprimé)
(art. L.214-101, L.214-102 et L. 214-115 du code monétaire et financier)
Création d'une nouvelle catégorie de biens pouvant constituer
l'actif d'une société civile de placement immobilier (SCPI)

I. Le droit en vigueur

Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ont pour objet (article L.214-114 du code monétaire et financier) :

- l'acquisition directe ou indirecte, y compris en l'état futur d'achèvement, et la gestion d'un patrimoine immobilier affecté à la location ;

- l'acquisition et la gestion d'immeubles qu'elles font construire exclusivement en vue de leur location.

Pour les besoins de cette gestion, elles peuvent :

- procéder à des travaux de toute nature dans ces immeubles (construction, rénovation, entretien réhabilitation, etc.) ;

- acquérir des équipements ou installations nécessaires à l'utilisation des immeubles ;

- céder des éléments de patrimoine immobilier dès lors qu'elles ne les ont pas achetées en vue de les revendre et que de telles cessions ne présentent pas un caractère habituel.

L'article L. 214-115 définit l'actif d'une SCPI, qui doit être exclusivement constitué :

1° des immeubles construits ou acquis, en vue de la location des droits réels portant sur de tels biens et énumérés par décret en Conseil d'État ;

2° des parts de sociétés de personnes qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé et répondant à certaines conditions ; 754 ( * )

3° des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), des parts ou actions d'organismes de placement collectif immobilier (OPCI) et de parts actions ou droits détenus dans des organismes de droit étranger ayant un objet équivalent quelle que soit leur forme ;

4° de dépôts et liquidités définis par décret en Conseil d'État ;

5° des avances en compte courant ;

6° des instruments financiers à terme.

À la fin de l'année 2016 on comptait 755 ( * ) 178 SCPI gérées par 28 sociétés de gestion. La capitalisation des SCPI, qui correspond au montant des collectes effectuées, a atteint 5,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2016, dont 18 % (soit 940 millions d'euros) ont été levés par seulement deux SCPI.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant l'amendement n°2072, présenté par notre collègue député Cédric Roussel, du groupe LREM, lors de l'examen en séance publique, l'Assemblée nationale a introduit dans le présent texte un article additionnel visant selon son auteur à « faciliter les investissements des SCPI à l'étranger ».

L'exposé sommaire de l'amendement indique ainsi que « compte tenu de la collecte importante réalisée ces dernières années par les SCPI », ces dernières « ont investi une partie de leur actif, en conformité avec leur stratégie d'investissement dans des actifs immobiliers situés hors de France. Dans la plupart de ces opérations, la question de l'acquisition par l'intermédiaire de société ad hoc (SPV) s'est posée. La difficulté a toutefois porté sur la nature juridique de la société intermédiaire éligible, la plupart des droits étrangers ne connaissant pas de structure comparable aux sociétés de personnes de droit français ».

Le dispositif du présent article insère en conséquence, à l'article L.214-115, une nouvelle catégorie pouvant constituer l'actif d'une SPCI. À cet effet, il crée un 2° bis qui vise « des parts de sociétés de personnes autres que celles mentionnées au 2°, des parts ou des actions de sociétés autres que des sociétés de personnes qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché » réglementé, devant satisfaire à trois conditions :

- la responsabilité des associés ou actionnaires est limitée au montant de leurs apports ;

- l'actif est principalement constitué d'immeubles acquis ou construits en vue de la location ainsi que des meubles meublants 756 ( * ) , biens d'équipement ou biens meubles affectés à ces immeubles et nécessaires au fonctionnement, à l'usage ou à l'exploitation de ces derniers par un tiers, de droits réels portant sur de tels biens, de participations directes dans des sociétés répondant à certaines des conditions mentionnées dans l'article L.214-115 ;

- les instruments financiers qu'elles émettent ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.

III. La position de votre commission

Votre commission note tout d'abord que les modifications apportées par le présent article vont bien au-delà de l'objectif affiché qui est de faciliter les investissements à l'étranger et qu'elles élargissent considérablement la définition de l'actif d'une SCPI.

Elle remarque ensuite que ces dispositions sont dépourvues de lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Elles ne lui semblent donc pas conformes aux règles de recevabilité fixées par l'article 45 de la Constitution.

En adoptant deux amendements identiques ( COM-484 et COM-79 ), votre commission a supprimé l'article 61 undecies.

Article 61 duodecies (supprimé)
(art. L. 214-115 du code monétaire et financier)
Assouplissement des conditions de détention
de parts de sociétés de personnes pouvant constituer
l'actif d'une société civile de placement immobilier (SCPI)

I. Le droit en vigueur

Le 2° du I de l'article L.214-115 précise que peuvent constituer l'actif d'une société civile de placement immobilier (SCPI) les parts de sociétés de personnes qui ne sont pas admises sur un marché réglementé et qui satisfont à quatre conditions :

a) les associés répondent du passif au-delà de leurs apports ;

b) l'actif est principalement constitué d'immeubles acquis ou construits en vue de la location ou de droits réels 757 ( * ) portant sur de tels biens ;

c) les autres actifs sont des avances en compte courant, des créances résultant de leur activité principale ou des liquidités ;

d) les instruments financiers qu'elles émettent ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.

Le b) instaure ainsi un parallélisme des formes avec la définition de l'objet d'une SCPI, délimité par l'article L. 214-114.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant l'amendement n°2054, présenté par notre collègue député Cédric Roussel du groupe LREM, lors de l'examen en séance publique, l'Assemblée nationale a introduit dans le présent texte un article additionnel visant à « permettre aux SCPI de détenir un actif immobilier par l'intermédiaire d'une participation directe ou indirecte dans une SCI ».

L'article 61 duodecies modifie le b) du 2° du I de l'article L.214-115 du code monétaire et financier qui définit la deuxième condition pour que des parts de sociétés de personnes puissent constituer l'actif d'une SCPI.

Il en élargit considérablement le champ puisqu'il y ajoute les « meubles meublants, biens d'équipement ou biens meubles affectés à ces immeubles et nécessaires au fonctionnement, à l'usage ou à l'exploitation de ces derniers par un tiers, de droits réels portant sur de tels biens, ou de participations directes ou indirectes répondant aux conditions du présent 2° ». En transposant le b) du 2° du I de l'article L.214-36 relatif aux OPCI, le présent article non seulement permet une participation directe ou indirecte dans une SCI comme le précise l'objet de l'amendement, mais il englobe de surcroît de nouvelles catégories d'actifs tels que les meubles meublants.

III. La position de votre commission

Votre commission note, comme pour le précédent article 61 undecies , que les modifications apportées par l'article 61 duodecies vont bien au-delà de l'objectif affiché de l'amendement, qui est de permettre la détention de parts d'une SCI intermédiaire.

Elle remarque ensuite que ces dispositions sont dépourvues de lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Elles ne lui semblent donc pas conformes aux règles de recevabilité fixées par l'article 45 de la Constitution.

En adoptant deux amendements identiques ( COM-485 et COM-80 ), votre commission a supprimé l'article 61 duodecies.

Article 61 terdecies (supprimé)
(art L.  14-114 du code monétaire et financier)
Faculté, pour les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI),
d'acquérir, à titre accessoire, des biens meubles et meublant
nécessaires à la prestation de services par un tiers

I. Le droit en vigueur

L'article L.214-114 du code monétaire et financier précise que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ont pour objet :

- l'acquisition directe ou indirecte, y compris en l'état futur d'achèvement, et la gestion d'un patrimoine immobilier affecté à la location ;

- l'acquisition et la gestion d'immeubles qu'elles font construire exclusivement en vue de leur location.

Pour les besoins de cette gestion, elles peuvent :

- procéder à des travaux de toute nature dans ces immeubles (construction, rénovation, entretien réhabilitation, etc.) ;

- acquérir des équipements ou installations nécessaires à l'utilisation des immeubles ;

- céder des éléments de patrimoine immobilier dès lors qu'elles ne les ont pas achetées en vue de les revendre et que de telles cessions ne présentent pas un caractère habituel.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant l'amendement n°2077, présenté par notre collègue député Cédric Roussel, du groupe LREM, lors de l'examen en séance publique, l'Assemblée nationale a introduit dans le présent texte un article additionnel visant selon son auteur à « compléter l'offre immobilière aujourd'hui lacunaire des SCPI » et à « offrir de nouveaux débouchés à leurs capitaux ».

L'exposé sommaire de l'amendement énumère tout d'abord une liste hétérogène d'exemples illustrant l'évolution des besoins ou des destinations de l'offre immobilière : résidences étudiantes, résidences seniors, hébergements touristiques, offres de type conciergerie dans l'immobilier commercial, locations d'espaces de travail partagés, installations de panneaux photovoltaïques, exploitation des données des immeubles connectés. Soulignant le regret des SCPI de ne pouvoir « investir dans ces services associés à la détention d'immeuble », l'exposé indique ensuite qu'en prévoyant la faculté d'acquérir des équipements ou installations nécessaires à l'utilisation des immeubles à l'article L.214-114 du code monétaire et financier, « la volonté du législateur semble avoir été de faire entrer dans cette catégorie uniquement les équipements lourds nécessaires à la mise en service du bâtiment ». Enfin l'auteur de l'amendement note que le dispositif prévu pour les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) à l'article L.214-34, prévoyant des acquisitions à titre accessoire, pourrait être transposé aux SPCI, rapprochant ainsi les deux régimes.

Le dispositif du présent article insère en conséquence, à l'article L.214-114, un nouvel alinéa prévoyant que les SPCI peuvent, à titre accessoire, « acquérir directement ou indirectement, en vue de leur location, des meubles meublants, des biens d'équipement ou tous biens meubles affectés aux immeubles détenus et nécessaires au fonctionnement, à l'usage ou à l'exploitation de ces derniers par un tiers . »

III. La position de votre commission

Votre commission note tout d'abord que la modification apportée par l'article 61 terdecies change en profondeur l'objet des SCPI et rapproche leur régime de celui des OPCI.

Elle remarque ensuite que cette disposition est dépourvue de lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Elle ne lui semble donc pas conforme aux règles de recevabilité fixées par l'article 45 de la Constitution.

En adoptant deux amendements identiques ( COM-486 et COM-78 ), votre commission a supprimé l'article 61 terdecies.

Article 61 quaterdecies (supprimé)
(art. L. 214-115 du code monétaire et financier)
Élargissement de la liste des biens pouvant constituer
l'actif d'une société civile de placement immobilier (SCPI)

I. Le droit en vigueur

L'article L. 214-115 du code monétaire et financier définit l'actif d'une SCPI, qui doit être exclusivement constitué :

1° des immeubles construits ou acquis, en vue de la location des droits réels portant sur de tels biens et énumérés par décret en Conseil d'État ;

2° des parts de sociétés de personnes qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé et répondant à certaines conditions 758 ( * ) ;

3° des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), des parts ou actions d'organismes de placement collectif immobilier (OPCI) et de parts, actions ou droits détenus dans des organismes de droit étranger ayant un objet équivalent quelle que soit leur forme ;

4° de dépôts et liquidités définis par décret en Conseil d'État ;

5° des avances en compte courant ;

6° des instruments financiers à terme.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant l'amendement n°2079, présenté par notre collègue député Cédric Roussel du groupe LREM, lors de l'examen en séance publique, l'Assemblée nationale a introduit dans le présent texte un article additionnel visant, comme l'article 61 terdecies , à « compléter l'offre immobilière aujourd'hui lacunaire des SCPI » et à « offrir de nouveaux débouchés à leurs capitaux ».

L'article 61 quaterdecies modifie l'article L.214-115 en deux temps. Tout d'abord il élargit le champ défini au 1° du I en ajoutant, dans la même logique que les articles 61 undecies , 61 duodecies et 61 terdecies , les « meubles meublants, biens d'équipement ou biens meubles affectés à ces immeubles et nécessaires au fonctionnement, à l'usage ou à l'exploitation de ces derniers par un tiers ». Ensuite, il réécrit le b) du 2° du I, pourtant déjà modifié par l'article 61 duodecies , mais en le rédigeant différemment (il ne mentionne plus les participations directes ou indirectes).

III. La position de votre commission

Votre commission note tout d'abord que l'article 61 quaterdecies non seulement élargit le champ défini par le 1° en supprimant la spécificité des SCPI, mais contient également une incohérence absolument inconciliable avec l'article 61 duodecies en modifiant différemment la même disposition visée.

Elle remarque ensuite que ces dispositions sont dépourvues de lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Elles ne lui semblent donc pas conformes aux règles de recevabilité fixées par l'article 45 de la Constitution.

En adoptant deux amendements identiques ( COM-487 et COM-81 ), votre commission a supprimé l'article 61 quaterdecies.

Article 62
(art. L. 225-27-1 du code de commerce,
art. L. 114-16 et L. 114-16-2 [nouveaux] du code de la mutualité)
Administrateurs salariés dans les grandes entreprises
et dans les organismes régis par le code de la mutualité

I. Le droit en vigueur

La représentation des salariés dans les organes d'administration est organisée depuis le début des années 1980. Ainsi la loi n°82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel (loi dite « Auroux ») prévoyait une représentation obligatoire du comité d'entreprise (devenu comité social et économique), avec voix consultative, au conseil d'administration ou de surveillance.

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a pour la première fois ouvert la possibilité de désigner des administrateurs représentant les salariés dans les organes d'administration avec voix délibérative (article L. 225-27 du code de commerce). Par ailleurs la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 relative à l'épargne salariale a rendu obligatoire la présence de représentants des salariés actionnaires au sein des organes de gestion des sociétés cotées à la condition que l'ensemble des salariés détiennent plus de 3 % de capital de la société (articles L. 225-23 et L. 225-71 du code de commerce).

C'est la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi qui a rendu obligatoire la représentation des salariés non actionnaires dans les organes d'administration et de surveillance des sociétés, afin d'associer et d'informer les salariés de la stratégie de l'entreprise.

Ce dispositif a été renforcé par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, loi dite « Rebsamen ». Elle prévoit une désignation obligatoire dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège français est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger. Des dérogations sont prévues (holding gérant des filiales respectant ces obligations ; filiale d'une société elle-même soumise à cette obligation).

Le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux dans les sociétés dont le nombre d'administrateurs est supérieur à douze et au moins à un s'il est égal ou inférieur à douze (article L.225-27-1 du code de commerce). Les administrateurs représentant les salariés ne sont pas pris en compte pour la détermination du nombre minimal et du nombre maximal d'administrateurs (article L. 225-17 du code de commerce) ni pour l'application des règles de représentation équilibrée entre femmes et hommes dans les conseils d'administration (article L. 225-18-1 du code de commerce).

Les modalités de désignation des représentants des salariés sont diverses (organisation d'une élection, désignation par l'organisation syndicale ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections syndicales, etc.).

II. Le texte du projet de loi

La réforme proposée au présent article 62 fait écho aux propositions de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat dans leur rapport « l'Entreprise, objet d'intérêt collectif », visant à renforcer la présence des administrateurs salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés de plus de 1000 salariés en France.

Le texte initial du projet de loi abaisse le seuil de douze à huit administrateurs au-delà duquel la société est tenue de prévoir au moins deux représentants des salariés (alinéas 8 et 14 du projet de loi).

Le B du I précise que l'entrée en fonction des administrateurs et membres du conseil de surveillance représentant les salariés intervient au plus tard six mois après la première assemblée générale suivant la publication de loi, qui porte les modifications statutaires nécessaires à leur élection ou à leur désignation .

Le II modifie le code de la mutualité pour étendre aux mutuelles, unions et fédérations de mutuelles les dispositions applicables aux sociétés anonymes en matière de nomination d'administrateurs salariés . Deux salariés sont élus dans les organismes mutualistes qui emploient entre 150 et 999 salariés (I de l'article L. 114-16-1-2). Ces élus ont une voix consultative, sauf dispositions contraires des statuts de l'organisme pouvant leur accorder une voix délibérative (alinéas 6 et 7 du projet de loi initial).

Les alinéas 11 à 15 du texte du Gouvernement reprennent les modalités d'organisation du vote et d'éligibilité des candidats applicables aux sociétés anonymes (L. 225-28 et L. 225-29 du code de commerce). En revanche la condition d'ancienneté est de un an au lieu de deux dans les sociétés anonymes. Les règles relatives au mandat sont détaillées aux alinéas 16 à 25.

L'alinéa 22 prévoit la faculté, pour les organismes mutualistes, de rembourser les frais de garde d'enfants, de déplacement et de séjour qu'ils engagent pour effectuer leur mandat.

Le III est relatif à l'entrée en vigueur de l'article L. 114-16-2 du code de la mutualité. Elle est fixée au premier janvier 2022 pour les dispositions du I tandis que la modification des statuts prévue au II a lieu au plus tard dans les 12 mois suivant la clôture de l'exercice 2022 pour les organismes mutualistes employant plus de 1000 salariés permanents.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Plusieurs modifications ont été apportées lors de l'examen en commission :

- l'amendement de nos collègues députés Coralie Dubost et Roland Lescure, rapporteurs et membres du groupe LREM, a harmonisé les règles applicables aux mutuelles et aux sociétés d'assurance mutuelle ; un deuxième amendement des mêmes auteurs a inséré un C (alinéa 18) prévoyant une clause de revoyure, via un rapport au Parlement, pour évaluer les effets des modifications portées par le présent article et étudier l'opportunité d'une extension du nombre de représentants de salariés à trois au-dessus du seuil de 12 membres du conseil d'administration ;

- un amendement d'Adrien Taquet a rendu obligatoire le remboursement des frais de garde d'enfants de déplacement et de séjour mentionnés à l'alinéa 22 ;

- un amendement de Denis Sommer a inséré une disposition rappelant que les représentants des salariés ont les mêmes droits que les autres administrateurs ;

- un amendement de votre collègue Coralie Dubost a inclus les holdings dans le champ de l'obligation de désigner ou élire des représentants de salariés, à la condition qu'elles soient cotées et décisionnaires.

En séance publique l'amendement de notre collègue a inséré une modification des articles L. 225-23 et L. 225-71 afin que les dispositions de leur I, applicables aux sociétés cotées, puissent s'appliquer aux sociétés non cotées employant au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales (alinéa 3).

IV. La position de votre commission

Votre commission approuve l'évolution progressive du nombre de représentants des salariés permettant aux sociétés d'adapter leur mode de gouvernance. Elle a apporté plusieurs modifications visant à :

- maintenir une dérogation pour les holdings familiales ayant un flottant peu important, inférieur à 20 %, par exemple pour obtenir des liquidités ( amendement COM-500 ) ;

- supprimer la mention d'égalité des droits entre administrateurs salariés et autres administrateurs (amendement COM-501), dès lors que cette disposition est inutile. Rappeler l'égalité des droits pourrait d'ailleurs même revenir à partir du principe qu'elle ne va pas de soi ;

- instaurer un calendrier réaliste pour l'adaptation des entreprises qui devront prévoir des modifications statutaires en 2020 ( amendement COM-498 ) ;

- supprimer le rapport au Parlement (amendement COM-499 ). En effet, ce dernier est libre d'organiser ces travaux de contrôle et n'a pas à attendre l'échéance d'un rapport pour demander des comptes au Gouvernement ;

- supprimer la disposition, d'ordre réglementaire, imposant le remboursement des frais de gardes et autres ( amendement COM-502 ).

Votre commission a adopté l'article 62 ainsi modifié .

Article 62 bis A
(art. L. 225-45 et L. 225-83 du code de commerce,
117 bis, 120, 210 sexies, 223 B du code général des impôts,
L.  214-17-1 et L. 214-24-50 du code monétaire et financier)
Modification du nom donné à la rémunération des administrateurs
prévue à l'article L. 225-45 du code de commerce

I. Le droit en vigueur

L'article L. 225-45 du code de commerce précise que « L'assemblée générale peut allouer aux administrateurs en rémunération de leur activité, à titre de jetons de présence, une somme fixe annuelle que cette assemblée détermine sans être liée par des dispositions statutaires ou des décisions antérieures ».

Cet émolument trouve son origine dans les premières sociétés du XIXe siècle 759 ( * ) : on remettait aux membres présents lors des réunions du conseil un jeton en métal leur donnant droit à une indemnité.

Aujourd'hui, la présence effective d'un administrateur aux réunions n'est plus une condition d'octroi de ces jetons, mais celui-ci doit tout de même participer à l'activité de la société.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article est issu de l'adoption, en séance publique, d'un amendement de notre collègue député M. Adrien Taquet, du groupe LREM. L'objectif du projet de loi étant de « réconcilier les Français avec l'entreprise », l'exposé sommaire de l'amendement indique que « l'un des clichés les plus prégnants dans l'opinion est sans doute celui d'administrateurs se contentant de siéger au conseil d'administration de multiples entreprises pour "toucher" des jetons de présence. Cette représentation, biaisée, est bien éloignée de la réalité de l'immense majorité des conseils d'administration, à savoir l'apport par les administrateurs de leurs expériences et de conseils à la direction de l'entreprise ».

Il change donc l'appellation des « jetons de présence » qui deviennent la « rétribution des administrateurs ». L'auteur de l'amendement précise ainsi que « le changement des perceptions passe, notamment, par le changement des dénominations . »

III. La position de votre commission

Tout en approuvant l'idée de changer l'image passive pouvant être associée au terme de « jeton de présence », votre commission s'interroge sur le terme de rétribution, qui n'apparaît nécessairement répondre aux objectifs de « réconciliation » visés par l'article. En outre, ce choix pourrait à nouveau évoluer, d'autres termes pouvant être préférés à l'avenir (indemnité, émolument, etc .).

Aussi, dans un souci de simplification, votre commission a adopté un amendement COM-508 visant à supprimer l'appellation, pour ne garder que la définition ainsi modifiée : « L'assemblée générale peut allouer aux administrateurs en rémunération de leur activité une somme fixe annuelle ». La référence devenant alors celle de la rémunération des administrateurs visée à l'article L. 225-45.

Votre commission a adopté l'article 62 bis A ainsi modifié.

Article 62 bis
(art. L. 225-23, L. 225-30-2, L. 225-71 et L. 225-80 du code de commerce)
Formation des administrateurs salariés

I. Le droit en vigueur

L'article L. 225-30-2 du code de commerce prévoit que Les administrateurs élus par les salariés ou désignés en application de l'article L. 225-27-1 760 ( * ) bénéficient à leur demande d'une formation adaptée à l'exercice de leur mandat, à la charge de la société, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. La durée de ce temps de formation ne peut être inférieure à vingt heures par an.

Par ailleurs les articles L. 225-23 et L. 225-71 du code de commerce prévoient un ou plusieurs représentants aux conseils d'administration et de surveillance, élus par l'assemblée générale des actionnaires, dans les sociétés cotées lorsque les salariés de la société ou des sociétés qui lui sont liées au



titre de l'article L. 225-180 761 ( * ) représentent plus de 3 % du capital social. La suite du premier alinéa de chacun de ces articles fixe les modalités de l'élection, ainsi que les règles relatives à la durée ou à la fin du mandat. Une dérogation est toutefois prévue au quatrième alinéa de chacun de ces deux articles. Pour le L. 225-23 relatif au conseil d'administration, il précise que : « Les sociétés dont le conseil d'administration comprend un ou plusieurs administrateurs nommés parmi les membres du conseil de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise représentant les salariés, ou un ou plusieurs salariés élus en application des dispositions de l'article L. 225-27 762 ( * ) , ne sont pas tenues aux obligations prévues au premier alinéa », présentées ci-dessus. Le parallélisme des formes se retrouve dans la dérogation figurant au quatrième alinéa de l'article L. 225-71 relatif au conseil de surveillance.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article 62 bis résulte de l'adoption, par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, de trois amendements.

Le premier, présenté par notre collègue député Adrien Taquet, du groupe LREM, supprime la dérogation prévue au quatrième alinéa des articles L. 225-23 et L. 225-71 présentée ci-dessus et double le temps de formation des administrateurs salariés actionnaires, le faisant passer de 20 à 40 heures (alinéas 2 à 5 et 9 à 12). Le second amendement, du même auteur, modifie l'article L. 225-30-2 pour doubler de la même façon le temps de formation prévu ; il précise également que « pour les administrateurs élus par les salariés ou désignés en application de l'article L.225-27-1 et n'ayant jamais exercé un mandat, cette formation doit avoir lieu avant la première réunion du conseil d'administration suivant leur élection ou désignation ».

Le troisième amendement, présenté par notre collègue députée et rapporteure Coralie Dubost, du groupe LREM, prévoit une coordination à l'article L. 225-80 relatif au mandat des membres du conseil de surveillance élus par les salariés et complète l'article L. 225-30-2 pour préciser « qu'une partie du temps de formation obligatoire de l'administrateur salarié ait lieu au sein de l'entreprise à laquelle il appartient ou à une entreprise qui lui est liée (une filiale, par exemple). Il s'agit de faire en sorte que le futur administrateur puisse se former auprès des différentes structures dirigeantes de son entreprise et en percevoir au mieux les enjeux particuliers afin de parachever sa formation théorique . » 763 ( * )

Lors de l'examen en séance publique, nos collègues députés ont adopté un amendement 764 ( * ) prévoyant que la formation doit avoir débuté avant la première réunion du conseil d'administration suivant l'élection ou la désignation des représentants des salariés (alinéa 8).

III. La position de votre commission

Votre commission a adopté trois amendements.

Le premier ( COM-497 ) prévoit un calendrier plus réaliste de la formation des nouveaux représentants des salariés et fixe une date butoir correspondant au premier conseil d'administration arrêtant les comptes de l'exercice au cours duquel ils ont été élus ou désignés. En effet, les sociétés organisent très souvent un conseil d'administration dans la foulée de l'assemblée générale, ce qui rend impossible l'organisation d'un début de formation entre les deux réunions. Aussi est-il préférable de s'assurer que le représentant aura été formé pour appréhender les enjeux liés à la clôture des comptes.

Le deuxième amendement ( COM-506 ) est une précision rédactionnelle à l'alinéa 8.

Enfin le dernier amendement (COM-507) prévoit, pour les entreprises qui bénéficient aujourd'hui de la dérogation prévue au quatrième alinéa des articles L.225-23 et L. 225-71 un calendrier soutenable : il indique ainsi que l'entrée en fonction des administrateurs et des membres du conseil de surveillance représentant les salariés actionnaires intervient au plus tard six mois après l'assemblée générale procédant aux modifications statutaires nécessaires à leur élection. Cette assemblée générale a lieu au plus tard en 2020.

Votre commission a adopté l'article 62 bis ainsi modifié.

Article 62 ter
(art. L. 225-37-3 du code de commerce)
Information sur les écarts de rémunération

I. Le droit en vigueur

L'article L. 225-37 du code de commerce prévoit que le conseil d'administration présente à l'assemblée générale un rapport sur le gouvernement d'entreprise joint au rapport de gestion.

Par ailleurs l'article L. 225-37-3 précise que dans ce rapport, les sociétés anonymes cotées mentionnent les informations relatives aux rémunérations pour chacun de leurs mandataires sociaux . Sont ainsi prévus les éléments suivants :

- en premier lieu « la rémunération totale et les avantages de toute nature versés par cette société durant l'exercice , y compris sous forme d'attribution de titres de capital, de titres de créance ou de titres donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créance de la société ou des sociétés mentionnées aux articles L. 228-13 765 ( * ) et L. 228-93 766 ( * ) . Les rémunérations et avantages en question comprennent le cas échéant ceux reçus des sociétés contrôlées, au sens de l'article L. 233-16, par la société dans laquelle le mandat est exercé ainsi que de la société qui contrôle la société dans laquelle le mandat est exercé. Ce rapport décrit en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances à la suite desquelles ils ont été attribué » ;

- en second lieu , « les engagements de toute nature pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux , correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de leurs fonctions ou postérieurement à l'exercice de celles-ci, notamment les engagements de retraite et autres avantages viagers ».

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par l'adoption d'un amendement de notre collègue députée et rapporteure Coralie Dubost, du groupe LREM, visant à « améliorer la transparence des sociétés cotées en matière de rémunération de leurs dirigeants au regard de la rémunération moyenne des salariés ».

L'auteure indique dans l'exposé sommaire de cet amendement, qu'il s'agit de transposer « de façon presque équivalente » le b) du & de l'article 9 ter de la directive 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires.

Son amendement insère tout d'abord un nouvel alinéa à l'article L. 225-37-3 pour viser « en troisième lieu le niveau de la rémunération de chaque dirigeant mis au regard de la rémunération moyenne sur une base équivalent temps plein des salariés de la société autres que les dirigeants et l'évolution de ce ratio au cours des cinq exercices les plus récents au moins, présentés ensemble et d'une manière qui permette la comparaison ». Il modifie ensuite l'article L.225-82-2 pour que ces éléments fassent l'objet d'une résolution soumise à l'assemblée générale.

Deux amendements du Gouvernement en séance ont modifié la rédaction de la fin de l'article 62 ter adopté en commission, pour supprimer la référence à l'article L. 225-82-2, pour ajouter une nouvelle obligation d'information à l'article L. 225-37-3 rédigée comme suit : « en quatrième lieu le niveau de la rémunération de chaque mandataire social mis au regard de la rémunération médiane des salariés de la société, sur une base équivalent temps plein, et des mandataires sociaux, ainsi que l'évolution de ce ratio au cours des cinq exercices les plus récents au moins, présentés ensemble et d'une manière qui permette la comparaison » et enfin pour viser les mandataires sociaux et non les dirigeants.

III. Le position de votre commission

Tout à fait favorable à l'évolution de la transparence sur les rémunérations, votre commission a néanmoins refusé de sur-transposer la directive visée, dont l'article 9 ter ne mentionne aucune information relative à la rémunération médiane (alinéa 5). En outre, la directive ne fait pas référence à des ratios (« la rémunération de chaque mandataire social mis au regard de la rémunération moyenne ») mais à l'évolution annuelle de la rémunération moyenne.

Par ailleurs de nombreux interlocuteurs auditionnés se sont inquiétés des obligations qui pourraient être interprétées de manière extensive et qui les amèneraient à prendre en compte les salaires de pays dont les niveaux de rémunération ne sont pas comparables, ce qui serait source d'incompréhensions et de tensions potentielles.

Votre commission a donc adopté un amendement (COM-505) reprenant la formulation du b) du 1 de la directive et précisant que les salaires visés sont ceux des salariés employés sur le territoire français .

Votre commission a adopté l'article 62 ter ainsi modifié.

Article 62 quater
(art. L. 225-53 et L. 225-58 du code de commerce)
Représentation plus équilibrée des femmes
dans les fonctions exécutives des sociétés

I. Le droit en vigueur

Le code de commerce impose aux sociétés des obligations en termes de représentation des femmes et des hommes dans le conseil d'administration (article L. 225-18-1 relatif aux administrateurs des sociétés anonymes) et le conseil de surveillance (article L. 225-69-1 pour les sociétés anonymes et article L. 226-4-1 pour les sociétés en commandite par action).

Ces dispositions, issues de la loi  n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration, dite « loi Copé-Zimmermann », ont fixé au 1 er janvier 2017 l'échéance pour atteindre 40 % de femmes (ou un écart maximum entre femmes et hommes de 2 pour les conseils d'administration de 8 membres et moins) 767 ( * ) .

Par ailleurs en application des articles L. 225-17 et L. 225-69, le conseil d'administration, comme le conseil de surveillance, « est composé en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes ».

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant un amendement de notre collègue et rapporteure députée Coralie Dubost, membre du groupe LREM, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a inséré le présent article prévoyant d'intégrer la même formule « s'efforce de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes » pour la désignation du ou des directeurs généraux délégués (L. 225-53) et pour le directoire (L. 225-58).

Puis lors de l'examen en séance publique, nos collègues députés ont complété le dispositif en ajoutant, pour chacun de ces deux articles, que doit être déterminé « un processus de sélection qui garantit jusqu'à son terme la présence d'au moins une personne de chaque sexe parmi les candidats » 768 ( * ) .

III. La position de votre commission

Un tel processus de sélection paraît inapplicable car il méconnaît la vie des entreprises . En effet les nominations visées, qu'il s'agisse d'un poste de directeur général délégué ou d'un poste de membre du directoire, ne résultent jamais d'une procédure présentant formellement, jusqu'à la fin, des candidats comme lors d'une élection. Ces nominations sont le fruit d'un processus beaucoup plus fluide et informel qui permet aux dirigeants de repérer, dans le temps, les « hauts potentiels » d'une entreprise et parmi eux, les personnes susceptibles d'occuper de tels postes. La rédaction actuelle, si elle était conservée, obligerait les entreprises à provoquer des candidatures factices, uniquement suscitées par le souhait de respecter la loi. La mention d'un tel processus de sélection doit donc être proscrite : votre commission l'a donc supprimée pour les deux articles du code de commerce visés.

En revanche, il est intéressant de savoir comment les dirigeants des entreprises s'efforcent de prévoir une représentation équilibrée des femmes et des hommes pour les postes de directeur général et de membre du directoire. Aussi votre commission a-t-elle prévu une telle obligation d'information dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise prévu à l'article L. 225-37-4 du code de commerce. Elle complète ainsi utilement le 6° de cet article, déjà modifié par l'article 104 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 prévoyant une obligation équivalente pour les 10 % de postes à plus forte responsabilité et le comité exécutif.

L' amendement COM-491 portant ces deux modifications a été adopté.

Votre commission a adopté l'article 62 quater ainsi modifié.

Article 62 quinquies A (supprimé)
(art. L. 225-18-1, L. 225-69-1 et L. 226-4-1 du code de commerce)
Nullité des délibérations auxquelles a participé un administrateur
ou un membre du conseil de surveillance nommé en violation
des règles de représentation équilibrée des deux sexes

I. Le droit en vigueur

Deux lois ont modifié de façon déterminante le droit pour améliorer la place des femmes dans les instances dirigeantes des grandes entreprises privées et publiques :

- la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration, dite « loi Copé-Zimmermann »,

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet ».

Elles ont fixé au 1 er janvier 2017 l'échéance pour atteindre 40 % de femmes (ou un écart maximum entre femmes et hommes de 2 pour les conseils d'administration de 8 membres et moins). S'agissant du secteur privé, sont concernées les entreprises cotées et les entreprises ayant, pour le troisième exercice consécutif, 500 salariés et plus et un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan supérieur à 50 millions d'euros. Une nouvelle phase d'évolution a été fixée par l'article 67 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes : à compter du 1 er janvier 2020, le nouveau seuil d'effectifs pour l'application de ces dispositions est fixé à 250 salariés.

Trois articles du code de commerce précisent cette obligation quantitative :

- l'article L.225-18-1 relatif aux administrateurs des sociétés anonymes (SA) ;

- l'article L. 225-69-1 relatif aux membres du conseil de surveillance des sociétés anonymes ;

- l'article L.226-4-1 relatif aux membres du conseil de surveillance des sociétés en commandite par actions (SCA).

Rédigés avec la même déclinaison, ces articles rappellent tout d'abord l'obligation de proportion de chaque sexe qui « ne peut être inférieure à 40 % ». Puis sont prévues les conséquences en cas de non-respect de cette obligation : « Toute nomination intervenue en violation du premier alinéa et n'ayant pas pour effet de remédier à l'irrégularité de la composition du conseil est nulle. Cette nullité n'entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part le membre du conseil irrégulièrement nommé . »

La sanction est clairement établie  en cas de non-respect de l'obligation de représentation équilibrée des deux sexes : la nomination concernée est nulle, mais pas les délibérations du conseil auxquelles a pris part le membre irrégulièrement nommé . Cette rédaction avait été défendue par votre assemblée, soucieuse de ne pas créer une incertitude juridique trop importante. Pourtant l'impératif de sécurité juridique paraissait rendre inutile une telle précision. Ainsi, comme le précise le rapport de Mme Zimmermann du 15 décembre 2010 sur cette disposition : « Pour ce qui concerne la sanction de nullité des nominations intervenues en violation de la mixité requise par la loi, les sénateurs ont considéré qu'il était inutile d'indiquer expressément que la nullité des nominations n'entraîne pas la nullité des délibérations du conseil, en vertu du principe général selon lequel toute irrégularité dans la composition du conseil ne saurait affecter la validité des délibérations du conseil ; le premier alinéa de l'article L. 210-9 du code de commerce dispose en effet que « ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer, d'administrer ou de diriger la société, lorsque cette nomination a été régulièrement publiée ». Toutefois, afin d'éviter toute ambiguïté, ils ont maintenu cette précision. »

Par ailleurs, l'article L. 225-45 du code de commerce prévoit la suspension des jetons de présence pour tous les membres du conseil d'administration : « Lorsque le conseil d'administration n'est pas composé conformément au premier alinéa de l'article L. 225-18-1, le versement de la rémunération prévue au premier alinéa du présent article est suspendu. Le versement est rétabli lorsque la composition du conseil d'administration devient régulière, incluant l'arriéré depuis la suspension . »

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En adoptant l'amendement présenté par nos collègues députés Coralie Dubost et Roland Lescure, rapporteurs de la commission spéciale et membres du groupe LREM, l'Assemblée nationale a introduit le présent article 62 quinquies A afin de rendre possible la nullité des délibérations prises par un conseil d'administration ou de surveillance dont la composition ne respecterait pas les obligations de représentation équilibrée des deux sexes.

La disposition supprime en effet la seconde phrase du second alinéa des articles L. 225-18-1, L. 225-69-1 et L. 226-4-1 du code de commerce.

Faisant référence aux débats entre les deux chambres, l'exposé sommaire de l'amendement indique que « dans une volonté de conciliation, et parce que le Sénat avait adopté en contrepartie la suspension des jetons de présence (...), l'Assemblée a accepté que le principe de non nullité des délibérations soit maintenu dans la loi ».

Puis les auteurs de l'amendement concluent pour justifier cette disposition : « Aujourd'hui, alors que la loi produit pleinement ses effets, il convient d'assurer que les conseils d'administration ou de surveillance, dans les sociétés anonymes ou dans les sociétés en commandite par actions (en 2020), l'appliquent avec la diligence nécessaire. À cette fin, la suppression de la clause de non nullité des délibérations paraît un outil approprié pour garantir cette diligence ».

III. La position de votre commission

Votre commission estime que les sanctions déjà prévues par le droit en vigueur (nullité de la nomination irrégulière, suspension des jetons de présence des administrateurs) sont suffisantes pour motiver les entreprises concernées à respecter une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances dirigeantes.

En outre, la menace de nullité des délibérations paraît disproportionnée : en effet la nullité des délibérations des instances dirigeantes d'une entreprise peut entraîner des nullités en cascade, préjudiciables pour la sécurité juridique des salariés comme des tiers ayant avec elle des relations contractuelles. Un effet « boule de neige » de cet ordre peut ainsi avoir de graves conséquences tant juridiques qu'économiques.

Par ailleurs, si les grands groupes sont parfaitement armés pour répondre aux obligations juridiques visées, il en va différemment des entreprises plus modestes qui seront bientôt nombreuses à être concernées compte tenu du nouveau seuil de 250 salariés. En effet, la vie des entreprises est souvent rythmée par des imprévus liés à des départs, des démissions, des décès ; le respect des obligations en matière de composition des conseils d'administration et des conseils de surveillance peut donc devenir un véritable casse-tête.

Il serait étrange que le législateur, souvent interpellé au nom du principe général du droit à la sécurité juridique 769 ( * ) par l'ensemble des acteurs économiques, fasse peser sur les entreprises une incertitude juridique aussi lourde de conséquences . Véritable épée de Damoclès, la nullité des décisions du conseil d'administration ou du conseil de surveillance apparaît bien comme contraire à l'objectif de stabilité juridique que le législateur, comme le juge, s'efforcent d'atteindre pour ne pas pénaliser inutilement et injustement les entreprises 770 ( * ) . Comme le rappelait le vice-président du Conseil d'État 771 ( * ) s'exprimant sur les attentes des entreprises, « les exigences de sécurité juridique et de confiance légitime sont devenues en seulement une décennie le moteur le plus puissant et la perspective la plus stimulante de rénovation de notre droit ».

En adoptant l' amendement COM-494, v otre commission a supprimé l'article 62 quinquies A.

Article 62 quinquies
(art. L. 1132-1 du code du travail)
Non-discrimination dans les processus de nomination
aux fonctions exécutives des sociétés

I. Le droit en vigueur

En application de l'article 1132-1 du code du travail, modifié par l'article 70 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (...) en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille... »

Cet article énumère une série de domaines dans lesquels le principe de non-discrimination doit être respecté, par exemple en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de l'adoption, en commission spéciale, d'un amendement de notre collègue députée et rapporteure Coralie Dubost dont l'objectif est de rendre ces règles de non-discrimination applicables aux nominations exécutives, afin de garantir la diversité et le renouvellement des profils.

III. La position de votre commission

Cette modification est complémentaire des divers articles du présent projet de loi relatifs à la représentativité des femmes dans les fonctions dirigeantes des entreprises.

Votre commission a adopté l'article 62 quinquies sans modification .

Article 62 sexies
(art. L. 2312-24 du code du travail)
Renforcement du dialogue entre le conseil d'administration
et le conseil social et économique d'une entreprise
sur ses orientations stratégiques

I. Le droit en vigueur

L'article L. 2312-24 du code du travail définit les conditions dans lesquelles la consultation annuelle du comité social et économique (CSE) est organisée sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

Cet article fixe les dispositions supplétives, c'est-à-dire celles s'appliquant en l'absence d'un accord d'entreprise prévu à l'article L. 2312-19 du même code afin d'organiser au sein de l'entreprise la ou les consultations annuelles sur les orientations stratégiques de l'entreprise, sur sa situation économique et financière et sur sa politique sociale, les conditions de travail et l'emploi en son sein (art. L. 2312-17 du code du travail).

En l'absence d'un tel accord, l'article L. 2312-24 prévoit que le CSE est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de son administration ou de sa surveillance.

Il doit en particulier se prononcer :

- sur les conséquences de ces orientations sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages ;

- sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;

- sur les orientations de la formation professionnelle ;

- sur le plan de développement des compétences.

Le CSE s'exprime sous la forme d'un avis, dans lequel il peut proposer des orientations alternatives aux orientations proposées par le conseil d'administration. L'avis est alors transmis à ce dernier ou, le cas échéant, au conseil de surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le CSE en reçoit communication et peut y répondre.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté par la commission spéciale à l'initiative de nos collègues Roland Lescure, rapporteur général et Coralie Dubost, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article modifie l'article L. 2312-24 du code du travail afin de renforcer le dialogue entre le CSE et l'organe de direction ou de surveillance de l'entreprise sur ses orientations stratégiques.

Il prévoit qu'une fois l'avis du CSE transmis à l'organe dirigeant, ce dernier présente une réponse argumentée devant le comité, laquelle peut donner lieu à débat.

Comme l'a précisé notre collègue Roland Lescure devant la commission spéciale, le dialogue entre le CSE et le conseil d'administration s'apparente le plus souvent à des « échanges de lettres (...) ce qui ne va pas dans le sens d'une véritable conversation stratégique ». L'objectif de cet article est donc d'obliger les représentants du conseil d'administration ou du conseil de surveillance à présenter, chaque année, devant les représentants des salariés, la stratégie de l'entreprise et qu'un débat ait lieu autour de ces orientations.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel déposé par nos deux mêmes collègues.

IV. La position de votre commission

Votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a adopté un amendement COM-459 précisant que seul un représentant de l'organe de direction est tenu de présenter la réponse argumentée à l'avis du CSE devant ce dernier.

La formulation résultant des débats à l'Assemblée nationale laissait entendre qu'il convenait de réunir les deux organes en formation complète pour débattre de ladite réponse argumentée ce qui aurait constitué une procédure très lourde.

Votre commission a adopté l'article 62 sexies ainsi modifié .

Article 62 septies
(intitulé de la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre 1er,
art. L. 141-23, L. 141-25, intitulé de la section 4 du chapitre Ier
du titre IV du livre 1er, L. 141-28, L. 141-30, L. 141-31,
intitulé de la section 1 du chapitre X du titre III du livre II, L. 23-10-1, L. 23-10-3, intitulé de la section 2 du chapitre X du titre III du livre II, L. 23-10-7,
L. 23-10-9 et L. 23-10-11 du code de commerce)
Coordination des dispositions du code de commerce
relatives au droit d'information préalable des salariés avec les nouvelles règles encadrant le conseil social et économique d'une entreprise

I. Le droit en vigueur

Les dispositions du code de commerce relatives au droit d'information préalable des salariés en cas de vente de leur entreprise n'ont toujours pas été modifiées à la suite de la publication de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 772 ( * ) qui fusionne, au sein du comité social et économique de l'entreprise, l'ensemble des institutions représentatives du personnel (IRP) et notamment l'ancien comité d'entreprise.

Les sections 3 773 ( * ) et 4 774 ( * ) du chapitre I er du titre IV du livre I er de ce code d'une part, et les sections 1 775 ( * ) et 2 776 ( * ) du chapitre X, du titre III du livre II instaurent le droit d'information préalable en faisant référence au terme de « comité d'entreprise », qui ne correspond plus au droit en vigueur.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté en séance publique à l'initiative du Gouvernement, cet article procède au toilettage des dispositions encadrant le droit à l'information préalable des salariés.

Les à modifient les intitulés et les articles des sections 3 et 4 mentionnées ci-dessus afin de remplacer les termes de « comité d'entreprise » par les termes de « comité social et économique exerçant les attributions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 2312-1 du code du travail » .
Cette référence renvoie aux attributions du comité social et économique dans les entreprises d'au moins cinquante salariés.

Les à 14° procèdent à la même substitution au niveau des sections 1et 2 du chapitre X, du titre III du livre II.

Il est également précisé que les seuils d'effectifs prévus dans ces deux sections sont appréciés au sens des articles L. 1111-1 et L. 1111-2 du code du travail, au premier jour du mois de la notification au comité d'entreprise de la décision de cession soit d'un fonds de commerce ( ), soit des parts de la société ( 12° ).

III. La position de votre commission

Votre commission a adopté un amendement COM-460 de rédaction globale de cet article visant notamment à abroger les deux sections du code de commerce instaurant le droit d'information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise.

Cette abrogation reprend une position ancienne du Sénat au sujet de ce dispositif, réaffirmée le 7 juin 2018 par l'adoption de la proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise.

Le présent article, dans la rédaction adoptée par votre commission, reprend les articles 14 à 16 de cette proposition de loi 777 ( * ) :

- les et 2° du I reprennent le contenu de son article 14 qui abroge le droit à l'information préalable des salariés ;

- les 3° et 4° du I reprennent l'article 15 et instaurent, en contrepartie, une obligation d'information des salariés, dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire d'une entreprise, lorsque le juge de commerce décide d'un plan de cession ;

- enfin, reprenant l'article de 16 de la PPL, le II limite, dans le code du travail, l'obligation faite aux employeurs, dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, d'informer au préalable leurs salariés lorsqu'ils envisagent un transfert d'un établissement dans la même zone d'emploi. Cette obligation, imposée pour permettre le cas échéant une reprise de l'établissement, ne se justifie pas dans le cas d'un simple déménagement dans la même zone d'emploi.

Votre commission a adopté l'article 62 sexies ainsi modifié.

CHAPITRE IV
DIVERSES DISPOSITIONS D'ADAPTATION
AU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE,
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 63
(art. 1er, 2, 3-1 [nouveau] de l'ordonnance n°2014-697 du 26 juin 2014
relative au développement de la facturation électronique,
art. 221 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance,
l'activité et l'égalité des chances économiques [abrogé])
Transposition de la directive 2014/55/UE du 16 avril 2014 relative
à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics
et habilitation à adapter ces dispositions dans les collectivités d'outre-mer

Le présent article a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures complémentaires de transposition de la directive 2014/55/UE afin de mettre en conformité le droit français avec les dispositions européennes en matière de facturation électronique dans le cadre des marchés publics.

I. Le droit en vigueur

L'interopérabilité des systèmes européens de facturation électronique est un enjeu important pour l'accès des entreprises aux marchés publics des différents États membres. À l'impulsion de la Commission européenne, les États membres ont adopté le 16 avril 2014 une directive 2014/55/UE du Parlement européen et du Conseil relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics, dans l'objectif d'élaborer une norme minimale applicable à tous les pouvoirs adjudicateurs de marchés publics.

La directive 2014/55/UE vise à encourager les contractants à adopter la facturation électronique pour les marchés passés avec les acteurs publics. Elle prévoit l'élaboration par les organisations européennes de normalisation d'une norme européenne commune, définissant notamment un contenu minimal obligatoire, par un « modèle sémantique de données des éléments essentiels » ainsi que des « syntaxes » communes lisibles par les machines traitant les factures.

Ces obligations de contenu et de forme s'appliquent à toutes les factures relevant des directives européennes portant sur les marchés publics et les concessions, à l'exception de ceux passés en matière de défense et de sécurité, qui sont soumis à des exigences de secret et de sécurité particulières. Toutes les administrations publiques des États membres sont donc tenues de se mettre en capacité de recevoir et de traiter de manière automatisée les factures électroniques établies selon la norme fixée.

Le 16 octobre 2017, la Commission a pris un acte d'exécution validant la norme européenne EN 16931-1:2017, élaborée par le Comité européen de normalisation (CEN). La décision a fixé au 18 avril 2019 la date limite pour se conformer à l'obligation de recevoir et traiter les factures électroniques ainsi normées , énoncée à l'article 7 de la directive 2014/55/UE (un délai supplémentaire étant offert jusqu'au 18 avril 2020 pour les pouvoirs adjudicateurs sous-centraux et leurs entités adjudicatrices sous-centrales ). Le délai limite de transposition des autres dispositions de la directive avait été fixé au 27 novembre 2018 .

Selon les informations transmises par le Gouvernement français à la Commission européenne, plusieurs mesures de transposition ont déjà été prises à ce jour :

- l'article 242 nonies A de l'annexe 2 du code général des impôts , qui fixe de manière générale les mentions obligatoires figurant sur toutes les factures ;

- l'ordonnance n°2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique 778 ( * ) , prise sur le fondement de l'habilitation du 2° de l'article 1 er de la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Elle prévoit notamment une double obligation de facturation électronique : les titulaires et sous-traitants admis au paiement direct de contrats conclus par l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics doivent transmettre leurs factures sous forme électronique et l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics doivent accepter les factures transmises sous forme électronique ;

L'ordonnance n°2014-697 du 26 juin 2014 relative
au développement de la facturation électronique

L'ordonnance n°2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique visait à transposer les dispositions de la directive 2014/55/UE du Parlement européen et du Conseil relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics.

Son article 1 er prévoit une double obligation de facturation électronique : les titulaires et sous-traitants admis au paiement direct de contrats conclus par l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics doivent transmettre leurs factures sous forme électronique et l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics doivent accepter les factures transmises sous forme électronique.

Son article 2 fixe la modalité unique d'échange de ces factures. Un portail de facturation est mis en place afin de permettre le dépôt, la transmission et la réception des factures électroniques.

L''entrée en vigueur de l'obligation de transmission de factures électroniques s'applique de façon progressive aux entreprises de différentes tailles, les grandes entreprises et personnes publiques y étant soumises dès le 1 er janvier 2017, les microentreprises au 1 er janvier 2020. L'obligation de réception s'applique en conséquence depuis le 1 er janvier 2017.

Source : commission spéciale

- le décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016 relatif au développement de la facturation électronique, qui précise les dispositions de l'ordonnance n° 2014-697 précitée. Il fixe notamment certains éléments devant obligatoirement figurer sur les factures électroniques, tels que la répartition des montants par taux de taxes ou le numéro unique de la facture.

L'échange des factures dématérialisées de la commande publique est réalisé par le biais de la plateforme Chorus Pro, active depuis 2017. Selon l'étude d'impact du projet de loi, plus de dix millions de factures auraient à ce jour été transmises à près de 150 000 adjudicateurs publics, provenant de 80 000 fournisseurs environ. Il est précisé que 80 % de ces entreprises titulaires ou sous-traitantes de contrats de marchés publics sont des petites et moyennes entreprises. La plateforme Chorus Pro est gérée par l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), rattachée au ministère de l'Économie et des Finances.

Avec l'entrée en vigueur progressive jusqu'en 2020 de l'obligation de facturation électronique généralisée aux entreprises de toutes tailles, il est estimé par le Gouvernement que près de 100 millions de factures électroniques devront être traitées annuellement en 2020 , en provenance de plus d'un million d'entreprises.

II. Le projet de loi initial

L'article 63 du présent projet de loi propose d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures législatives visant à transposer la directive 2014/55/UE du 16 avril 2014 du Parlement européen et du Conseil relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics, et à adapter les règles relatives aux obligations de facturation électronique existantes applicables aux contrats de marchés publics.

Il est également prévu que cette ordonnance modifie le régime applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le délai de prise d'ordonnance est fixé à six mois après la promulgation de la loi, et le délai de dépôt d'un projet de loi de ratification est fixé à trois mois .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article n'a fait l'objet d'aucune modification lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale.

IV. La position de votre commission

L'établissement de normes européennes de facturation électronique est un enjeu essentiel de compétitivité et de simplification pour les entreprises. Il s'agit de permettre aux entreprises françaises de pouvoir répondre à des marchés publics dans tous les États membres sans barrières techniques, et de faciliter le traitement des factures par les adjudicateurs publics, ce qui permettra également de réduire les délais de paiement.

Si l'on ne saurait donc douter de la nécessité de rendre applicable au plus vite la directive 2014/55/UE précitée, votre rapporteur s'interroge sur la méthode retenue.

Tout d'abord, la directive datant de 2014, le Gouvernement sollicite en fin 2018 une habilitation à la transposer par ordonnance, alors même que le délai limite de transposition initial est déjà écoulé. Ce retard de transposition n'a pas été justifié . Un projet de loi de transposition aurait amplement pu être préparé durant ce délai.

D'autre part, sollicité à ce sujet par votre rapporteur, le Gouvernement n'a transmis aucune indication sur les choix de transposition susceptibles d'être retenus dans l'ordonnance. Notamment, il n'est pas indiqué le traitement qui sera réservé à l'échéancier d'entrée en vigueur de l'obligation de facturation électronique pour les entreprises prévu par le droit actuel. De même, la directive ouvre une option permettant aux États membres de repousser l'entrée en vigueur de la nouvelle norme pour les collectivités locales et leurs établissements locaux, au vu des coûts et délais engendrés. Le Gouvernement n'a pas indiqué si cette option serait exploitée.

Au vu des conséquences de ces choix sur les collectivités territoriales, rompues à la passation de marchés publics et de concessions, votre rapporteur considère qu'il n'est pas envisageable de renvoyer la modification du droit actuel à une ordonnance, sans passer par un débat parlementaire donnant voix aux acteurs locaux.

En conséquence, sur proposition du rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-438 visant à transposer la directive 2014/55/UE directement dans la loi. Les dispositions de transposition prévoient :

- de conserver la « double obligation » de facturation électronique existante en droit français , qui vise à la fois les adjudicateurs publics et les entreprises passant des contrats de marchés publics et de concessions ;

- de soumettre la totalité des pouvoirs et entités adjudicateurs à l'obligation d'accepter les factures électroniques établies selon la norme européenne, comme le prévoit la directive. Cette obligation entrerait en vigueur en deux temps : l'amendement proposé s'assure en effet que les collectivités territoriales et à leurs établissements publics disposent du délai maximal autorisé par la directive pour se mettre en conformité à la norme de facturation ;

- d'insérer une dérogation au bénéfice des marchés de défense et de sécurité aux informations particulièrement sensibles, qui seront dispensés de facturation électronique, comme le prévoit le droit européen ;

- de prévoir explicitement que les factures électroniques contiennent les éléments essentiels imposés par la directive et définis règlementairement, à compter d'une date d'entrée en vigueur différée 779 ( * ) .

Par ailleurs, pour plus de lisibilité, l'amendement rassemble au sein de la même ordonnance n°2014-697 toutes les dérogations existantes à l'obligation d'utilisation de la plateforme de facturation électronique , ainsi que la dérogation introduite par le présent projet de loi à l'article 63 bis B .

Le champ de l'habilitation est donc restreint en conséquence : le Gouvernement sera uniquement habilité à prendre les mesures nécessaires d'adaptation du dispositif dans les collectivités d'outre-mer.

L'amendement proposé n'instaure aucune obligation nouvelle pour les entreprises titulaires ou sous-traitantes de marchés publics. Il exploite les options de la directive permettant de laisser le délai maximum autorisé pour la mise en oeuvre des nouvelles obligations des adjudicateurs. Enfin, il permet à la transposition de la directive de se faire sous le contrôle du Parlement , pour une insertion directe dans la loi, plutôt que dans le cadre d'une ordonnance préparée par le Gouvernement et dont la date de publication n'est pas connue.

Votre commission a adopté l'article 63 ainsi modifié.

Article 63 bis A
(Art. L. 224-12 du code de la consommation)
Dématérialisation des factures d'électricité et de gaz

I. Le droit en vigueur

En vertu de l'article L. 224-12 du code de la consommation, les conditions de présentation des factures de fourniture d'électricité et de gaz naturel sont aujourd'hui fixées par un arrêté du ministre chargé de la consommation et du ministre chargé de l'énergie pris après avis du Conseil national de la consommation 780 ( * ) .

Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 18 avril 2012 781 ( * ) , « la facture de fourniture d'électricité ou de gaz naturel est adressée au consommateur sur un support papier ou, avec son accord exprès et préalable, sur un autre support durable à sa disposition » ; c'est donc cette disposition qui fait de l'envoi d'une facture papier la règle et de sa dématérialisation l'exception , conditionnée à l'accord du consommateur.

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par un amendement de Jean-Marc Zulesi et plusieurs de ses collègues députés (La République en Marche) sous-amendé par la rapporteure, cet article entend « généraliser la dématérialisation des factures de gaz naturel et d'électricité pour les consommateurs » 782 ( * ) .

Considérant que « la réglementation sectorielle spécifique au secteur de l'énergie [,] qui impose d'obtenir l'accord exprès et préalable des consommateurs avant tout envoi de la facture sur support dématérialisé », constitue « l'un des freins majeurs » à la dématérialisation des factures d'énergie, ses auteurs proposent d' inverser la logique actuelle : les factures seraient par défaut dématérialisées, sauf si le client demande à les recevoir sous format papier .

Par son I, le présent article propose donc de réécrire le premier alinéa de l'article L. 224-12 pour renvoyer, non plus à un arrêté, mais à un décret en Conseil d'État pour préciser les conditions de présentation des factures ; bien que le principe d'une dématérialisation par défaut des factures ne soit pas explicité, il est prévu d'informer les consommateurs « de la possibilité de demander [une facture papier] par tous moyens et à tout moment, y compris au moment de la souscription (...) s'ils ne souhaitent pas recevoir la facture sur support dématérialisé proposée par le fournisseur », dont on déduit donc qu'elle deviendrait le principe.

Dans sa version initiale, l'amendement visait indifféremment les clients particuliers et les « petits professionnels » , soit tous « les consommateurs souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères ou consommant moins de 30 000 kilowattheures par an pour le gaz ».

Faisant valoir qu'une telle disposition, s'agissant des consommateurs non résidentiels, serait incompatible « avec la directive relative à la TVA » , la rapporteure a limité par sous-amendement le champ de l'article aux seuls « consommateurs finals résidentiels » .

L'article 232 de la directive du 13 juillet 2010 sur la TVA 783 ( * ) prévoit en effet que « l'utilisation d'une facture électronique est soumise à l'acceptation du destinataire ». Cette disposition a été transposée en droit interne au VI de l'article 289 du code général des impôts qui dispose que « les factures électroniques sont émises et reçues sous une forme électronique quelle qu'elle soit [et que] leur transmission et mise à disposition sont soumises à l'acceptation du destinatair e ». C'est du reste la raison pour laquelle l'ordonnance prévue à l'article 222 de la loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 784 ( * ) , qui obligeait les professionnels à accepter les factures électroniques, n'a pu être prise.

Enfin, le II de l'article prévoit que dans les trois mois précédant l'entrée en vigueur du I - dont on imagine qu'elle serait fixée dans le décret d'application -, une campagne d'information sur la dématérialisation devra être menée par les fournisseurs en associant les services de l'État et les associations de consommateurs.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à la mesure proposée en ce qu'elle permettra de simplifier et de moderniser la relation client tout en contribuant à réduire les coûts commerciaux et l'empreinte environnementale liés à l'envoi des factures.

Il juge toutefois nécessaire de revoir le dispositif pour en améliorer la rédaction et surtout renforcer substantiellement la protection des consommateurs , en s'inspirant des dispositions retenues par l'ordonnance du 4 octobre 2017 pour la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier 785 ( * ) . Il importe en effet de bien encadrer la mesure afin de ne pas mettre en difficulté les consommateurs les plus fragiles et les plus éloignés des usages numériques et d'éviter les chocs de facturation ou l'accumulation d'impayés pour ceux d'entre eux qui ne parviendraient plus à accéder aux factures ainsi dématérialisées, ou qui n'auraient pas su faire usage de leur droit d'opposition à défaut d'information suffisante.

En conséquence, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-350 rect. pour prévoir que :

- le fournisseur devra s'assurer au préalable, puis annuellement, que le support proposé est adapté à la situation de son client et que celui-ci sera bien en mesure de prendre connaissance de ses factures - ce qui impliquera en particulier la vérification de l'adresse électronique fournie par le client ;

- le client sera informé de son droit d'opposition à la dématérialisation et de son droit de demander à recevoir ses factures sur un support papier , droits qu'il pourra exercer par tout moyen, à tout moment et sans frais ;

- la communication des factures par voie dématérialisée devra comporter un certain nombre d'informations minimales - période facturée, montant facturé et niveau de consommation relevée ou estimée - lorsqu'il est renvoyé, par exemple, à la consultation du détail de la facture sur un espace personnel, et devra dans ce cas permettre d' accéder facilement au contenu complet de la facture ;

- le fournisseur devra informer son client, le cas échéant, par tout moyen adapté, de l'existence d'un espace personnel dans lequel les informations, factures et autres documents relatifs à son contrat sont mis à sa disposition.

En outre, l'amendement a aussi pour effet de rétablir l'avis du Conseil national de la consommation sur l'arrêté précisant les conditions de présentation des factures, que la rédaction adoptée à l'Assemblée avait pour effet de supprimer.

S'agissant de l'application éventuelle du présent article aux petites entreprises, votre rapporteur admet qu'il peut paraître paradoxal d'appliquer une règle aux particuliers qui soit plus contraignante - bien que très encadrée - que celle retenue pour des clients professionnels. Il constate cependant qu'en l'état, le droit européen ne permet pas d'étendre cette disposition à ce type de clients. Qui plus est, nombre de ces petites entreprises, qui comptent peu voire parfois aucun salarié, ne sont pas outillées pour passer au « tout dématérialisé », même si les syndicats professionnels travaillent avec leurs membres sur le sujet de la dématérialisation.

Votre commission a adopté l'article 63 bis A ainsi modifié .

Article 63 bis B (supprimé)
(art. 2 de l'ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014
relative au développement de la facturation électronique)
Exclusion de la Régie autonome des transports publics de l'application
de certaines règles de facturation électronique

I. Le droit en vigueur

Les articles 1 er et 2 de l'ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique dispose que les titulaires ainsi que les sous-traitants admis au paiement direct de contrats conclus par l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics doivent transmettre leurs factures sous forme électronique et que ces personnes publiques doivent les recevoir par le biais d'un « portail de facturation » mutualisé, qui permet le dépôt, la réception et la transmission des factures sous forme électronique.

Sur cette base, l'administration a mis en place le portail « Chorus Pro » qui remplace et s'inspire de l'outil « Chorus Factures » qui avait été lancé le 1 er janvier 2012 pour répondre à l'obligation faite à l'État d'accepter les factures dématérialisées émises par ses fournisseurs à compter du 1 er janvier 2012 par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

Cette obligation d'utiliser ce portail connaît néanmoins certaines exceptions :

- pour l'État , quand un impératif de défense ou de sécurité nationale l'exige ;

- pour la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités , ainsi que pour la Caisse des dépôts et consignations , en application de l'article 221 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique , l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Jean-Marc Zulesi et plusieurs de ses collègues, avec un avis de sagesse du rapporteur et du Gouvernement, afin d'ajouter la Régie autonome des transports publics (RATP), établissement public industriel et commercial, aux personnes publiques qui ne sont pas soumises à l'obligation d'utiliser le portail Chorus.

Selon les auteurs de cet amendement, la RATP possède déjà un système d'information lui permettant de traiter les factures dématérialisées de ses cocontractants, et le raccordement à la plateforme dématérialisée mise à disposition par l'État engendrerait des dépenses supplémentaires et inutiles compte tenu des investissements déjà engagés par l'établissement. En outre, son adhésion à la plateforme mutualisée de l'État créerait, selon eux, une distorsion de concurrence par rapport à d'autres opérateurs de transports à l'activité similaire et pourtant déjà exclus - la SNCF - et d'autres entités publiques - la Caisse des dépôts.

III. La position de votre commission

Votre commission estime qu'en matière de dématérialisation, le pragmatisme doit être recherché plutôt que d'imposer une solution générale uniforme, applicable à toutes les entités publiques, lorsque des systèmes d'information assurent des fonctionnalités similaires sans pénaliser les cocontractants des personnes publiques. Dans ces conditions, dès lors que le système propre de la RATP fonctionne et eu égard aux dérogations déjà prévues à l'application de l'article 2 de l'ordonnance du 26 juin 2014 précitée, elle n'a pas souhaité remettre en cause, sur le fond, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale.

En revanche, pour des raisons de lisibilité de la règle de droit et de cohérence légistique , elle a décidé d'introduire cette dérogation dans le cadre de l' amendement COM-438 de votre rapporteur à l'article 63 du présent projet de loi, tout en procédant par ailleurs à la reprise, au sein de l'ordonnance, des exceptions prévues par l'article 221 de la loi du 6 août 2015 précitée.

En conséquence, elle a adopté l' amendement de suppression du présent article, présenté par votre rapporteur ( amendement COM-317 ).

Votre commission a supprimé l'article 63 bis B.

Article 63 bis
(art. 65 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015
relative aux marchés publics)
Restriction des ordres de service à zéro euro

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le droit en vigueur

Un marché public peut être modifié en cours d'exécution sous certaines conditions 786 ( * ) , dès lors que ces modifications ne changent pas sa nature globale.

En matière de marchés publics de travaux 787 ( * ) , il est ainsi prévu que des prestations supplémentaires ou modificatives peuvent être notifiées au prestataire par simple ordre de service lorsque leur réalisation est nécessaire au bon achèvement de l'ouvrage. Le prestataire est alors tenu de se conformer strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés.

Le marché n'ayant pas prévu de prix pour ces prestations, un prix provisoire est arrêté par le maître d'oeuvre après consultation du titulaire. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur et le titulaire sont d'accord pour arrêter les prix définitifs, ceux-ci font alors l'objet d'un avenant au marché. Toutefois ces dispositions protectrices des prestataires ne sont applicables que lorsque les parties s'y sont expressément référées dans les documents contractuels. À défaut, elles ne sont pas opposables.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les prestataires cocontractants des acheteurs publics dans le cadre de marchés publics de travaux dénoncent de manière répétée le recours aux ordres de services à zéro euro - c'est-à-dire effectués sans contrepartie financière par le titulaire du marché - qui seraient particulièrement courants 788 ( * ) dans le secteur de la construction d'ouvrages hospitaliers. Cette pratique mettrait parfois en péril l'équilibre économique de certains prestataires.

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue député Philippe Bolo, adopté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, avec les avis favorables de la rapporteure et du ministre. En séance publique, il a été adopté sans modification.

Cet article bannit la pratique des ordres à zéro euro en prévoyant que, désormais, les prestations supplémentaires ou modificatives au marché public de travaux devront faire l'objet d'une « contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire du contrat ».

Les prestations supplémentaires ou modificatives concernées sont celles qui sont demandées au titulaire du marché public de travaux par l'acheteur, qui sont nécessaires au bon achèvement de l'ouvrage et qui ont une incidence financière sur le marché public.

III. La position de votre commission

Les acheteurs publics doivent être exemplaires dans leurs relations avec leurs fournisseurs. La pratique abusive des ordres à zéro euro doit donc être combattue. Votre commission approuve donc le dispositif dans son principe.

Toutefois, la disposition adoptée par les députés modifiant le texte de l'ordonnance du 23 juillet 2015 sur les marchés publics, qui sera abrogée à compter de l'entrée en vigueur du code de la commande publique 789 ( * ) au 1 er avril 2019, votre rapporteur avait proposé l' amendement COM-318 , destiné à pérenniser la mesure au-delà de cette date dans le cadre d'un article non codifié au sein du nouveau code, dès lors que celui-ci n'avait pas été ratifié expressément et que le projet de loi de ratification n'avait pas même été déposé sur le Bureau d'une des assemblées. Il s'agissait ainsi de ne pas laisser accroire que, ce faisant, le Sénat aurait entendu ratifier purement et simplement l'ensemble du code de la commande publique.

Votre commission a, en définitive, adopté l'amendement COM-294 du Gouvernement inscrivant la mesure à l'article L. 2194-3 nouveau du code de la commande publique . Elle tient toutefois à souligner que cette modification ponctuelle du nouveau code ne saurait valoir ratification implicite de l'ensemble de ses dispositions, le Sénat entendant procéder à leur examen exhaustif sur la base du projet de loi de ratification qui sera déposé par le Gouvernement.

Votre commission a adopté l'article 63 bis ainsi modifié.

Article 64 (supprimé)
Habilitation en vue de transposer la future directive relative aux cadres
de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficience des procédures de restructuration, d'insolvabilité et d'apurement

L'article 64 du projet de loi sollicite une habilitation sur le fondement de l'article 38 de la Constitution en vue de transposer la future directive relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficience des procédures de restructuration, d'insolvabilité et d'apurement, dite « directive insolvabilité », publiée par la Commission européenne le 22 novembre 2016 et non encore définitivement adoptée à ce jour.

I. Le dispositif proposé

Le Gouvernement serait autorisé à prendre par ordonnance, « dans des conditions favorisant la poursuite de l'activité, la sauvegarde de l'emploi, l'apurement du passif et le rebond des entrepreneurs honnêtes et permettant la réduction des coûts et des délais des procédures, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour rendre compatibles les dispositions des livres IV, VI et VIII du code de commerce avec le droit de l'Union européenne », visant implicitement la future directive précitée. Le délai d'habilitation est fixé à vingt-quatre mois.

Cette directive prévoit notamment des mesures facilitant l'adoption des plans de restructuration, comme les classes de créanciers et l'application forcée, et des mesures destinées à favoriser le rebond des entrepreneurs. Elle ne remettrait pas en cause les procédures amiables confidentielles en droit français que sont le mandat ad hoc et la conciliation, dont l'efficacité est reconnue.

La transposition exigerait de réformer les modalités d'adoption des plans de sauvegarde, pour les entreprises d'une certaine taille. Aujourd'hui, le plan élaboré, selon le cas, par le débiteur ou l'administrateur judiciaire doit être soumis à l'approbation de deux comités dont la composition est fixée par la loi : le comité des créanciers financiers et le comité des autres créanciers, c'est-à-dire essentiellement les principaux fournisseurs 790 ( * ) . La directive prévoit quant à elle que les créanciers doivent être répartis en différentes « classes » homogènes, constituées au cas par cas de façon adaptée à l'entreprise, le plan étant adopté lorsque, au sein de chaque classe, les créanciers représentant les trois quarts du montant des créances l'approuvent. La directive donne la possibilité d'une application forcée du plan, sur décision judiciaire et à certaines conditions, dans le cas où il ne serait pas approuvé par toutes les classes de créanciers. Ce serait donc une réforme importante de la procédure de sauvegarde. Si ces nouvelles modalités, qui sont inspirées de certains droits étrangers, seront plus complexes à mettre en oeuvre, elles seront toutefois plus adaptées à la réalité économique de l'entreprise et à la diversité des créanciers, notamment financiers.

L'habilitation propose donc de remplacer la procédure d'adoption des plans de sauvegarde avec comités de créanciers par une procédure d'adoption de ces plans par des classes de créanciers et d'introduire la possibilité pour le tribunal d'arrêter un plan malgré l'opposition d'une ou plusieurs classes de créanciers, en veillant à la protection des intérêts du débiteur, des créanciers et des personnes concernées par les plans de sauvegarde, par exemple les salariés du débiteur. Elle prévoit, dans ce cadre, d'imposer le respect des accords de subordination entre créanciers conclus avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde, concernant généralement les créanciers financiers, et d'aménager les règles relatives à la suspension des poursuites à l'encontre du débiteur.

Au-delà de ce qu'exige la directive, l'habilitation prévoit d'étendre à la procédure de redressement judiciaire les modifications qui seront apportées à la procédure de sauvegarde, afin qu'elles restent harmonisées comme elles le sont aujourd'hui, en matière d'adoption des plans.

Si la procédure de sauvegarde, relativement récente en droit français 791 ( * ) , est très efficace pour permettre à une entreprise de surmonter ses difficultés, elle demeure bien moins utilisée que la procédure de redressement judiciaire. Ainsi, sur 47 003 jugements d'ouverture de procédures collectives en 2017, on recensait 940 sauvegardes pour 12 843 redressements judiciaires 792 ( * ) . Toutefois, pour pouvoir bénéficier de la sauvegarde, il ne faut pas être en situation de cessation des paiements 793 ( * ) , ce qui suppose d'anticiper les difficultés et de saisir le tribunal plus en amont par rapport au redressement judiciaire.

L'habilitation prévoit aussi le développement des mesures destinées à favoriser le rebond de l'entrepreneur individuel faisant l'objet de procédures de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel

À ce jour, si les négociations sont achevées entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil en vue d'aboutir à un texte commun, selon les informations récemment communiquées à votre rapporteur, la directive n'a toujours pas été officiellement adoptée et publiée.

II. La position de votre commission

Dans son avis, le Conseil d'État a considéré « qu'en sollicitant une habilitation en vue de transposer une directive encore en formation à la date de l'habilitation et dont le contenu est susceptible d'évoluer pendant la durée de l'habilitation, le Gouvernement prend le risque, par une autorisation dont les termes pourraient ne pas permettre de transposer utilement la directive, d'un défaut de transposition ou de transposition incomplète des normes de l'Union européenne. Tout en prenant acte de la garantie apportée par le Gouvernement s'agissant du caractère suffisamment stabilisé de la proposition de directive, le Conseil d'État rappelle sa réserve de principe vis-à-vis de ce procédé. »

Votre commission ne peut que partager une telle réserve de principe, d'autant qu'il s'agirait pour le Parlement d'habiliter le Gouvernement en vue de transposer une directive dont les termes définitifs ne sont pas connus. Certes, dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 794 ( * ) , le Conseil constitutionnel a admis que l'on pouvait habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives susceptibles d'être adoptées au cours du délai d'habilitation, sans méconnaître sa jurisprudence relative à l'article 38 de la Constitution, s'agissant en particulier de l'exigence de précision suffisantes de l'habilitation, d'autant que les propositions de directive ont été communiquées au Parlement en vertu de l'article 88-4 de la Constitution.

Pour autant, votre commission juge problématique une telle pratique, car le Parlement ne peut se prononcer de façon suffisamment éclairée sur le champ de la délégation de pouvoir législatif qu'il est invité à donner, puisque le texte définitif de la directive n'est pas connu. Au surplus, au vu du délai de transposition envisagé par la proposition de directive, fixé à deux ans, votre commission estime qu'il n'est pas indispensable d'habiliter dès aujourd'hui le Gouvernement à transposer cette future directive.

De plus, l'habilitation ne vise pas strictement à transposer cette future directive, mais elle propose aussi de modifier la procédure de redressement judiciaire pour tenir compte des modifications de la procédure de sauvegarde rendues nécessaires par la directive. En outre, votre rapporteur relève que les dernières réformes importantes du droit des entreprises en difficulté ont déjà été réalisées par ordonnance 795 ( * ) : il faut remonter à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises pour qu'une réforme d'ampleur ait pu être examinée par le Parlement.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-390 de son rapporteur en vue de supprimer cet article, invitant le Gouvernement à présenter le moment venu un projet de loi de transposition, permettant sur cette matière importante du droit des entreprises en difficulté un réel examen parlementaire.

Votre commission a supprimé l'article 64.

Article 65
Transposition de la directive 2014/50/UE du Parlement européen
et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux prescriptions minimales
visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États-membres

I. Le droit en vigueur

1. Une directive dont le délai de transposition est expiré

En 2014, le Parlement et le Conseil ont adopté une directive qui établit « les règles visant à faciliter l'exercice du droit à la libre circulation des travailleurs entre les États-membres en réduisant les obstacles créés par certaines règles relatives aux régimes complémentaires de pension liés à une relation de travail » 796 ( * ) .

L'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit en effet que la libre circulation des travailleurs comporte, entre autres, le droit de répondre à des offres d'emploi et de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États-membres. La directive vise à encourager la mobilité des travailleurs entre États-membres 797 ( * ) en réduisant les obstacles à cette mobilité créés par les règles d'acquisition et de préservation des droits à pension complémentaire.

Cette directive ne vise que les régimes complémentaires facultatifs de pension (régimes supplémentaires) à l'exclusion 798 ( * ) des régimes légaux de sécurité sociale et des régimes complémentaires obligatoires, qui sont quant à eux régis par le règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

La directive prévoit ainsi :

En matière d'acquisition des droits 799 ( * )

- que la période d'acquisition des droits ne peut dépasser trois ans ;

- que, lorsqu'un âge minimal est fixé pour l'acquisition des droits, celui-ci ne peut être supérieur à 21 ans ;

- que, lorsque la relation de travail cesse avant l'acquisition des droits, le régime doit rembourser les cotisations versées .

En matière de préservation des droits à pension dormants 800 ( * )

- que les droits acquis doivent pouvoir être conservés dans le régime où ils ont été acquis ou, si l'État-membre le décide, qu'ils peuvent faire l'objet du paiement d'un capital représentant la valeur des droits acquis.

En matière d'information 801 ( * )

- que les affiliés ont droit à une information claire, écrite et dans un délai raisonnable ; ils doivent notamment pouvoir obtenir des informations sur les conséquences d'une cessation d'emploi, sur la valeur de leurs droits et sur le traitement de leurs droits dormants.

Cette directive, entrée en vigueur en mai 2014, prévoyait que les mesures de transposition en droit interne devaient intervenir avant le 21 mai 2018 . Les États-membres devront communiquer, avant le 21 mai 2019, toutes les informations disponibles concernant l'application de la directive, à la Commission, qui établira ensuite un rapport d'application au plus tard le 21 mai 2020.

2. Quelles conséquences en droit français ?

Dans le droit français, ce sont les contrats de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale qui sont concernés par la transposition de la directive. Ce sont des contrats facultatifs, alimentés exclusivement par des versements de l'employeur :

- à prestations définies : le contrat garantit soit un revenu à la retraite égal à un pourcentage du salaire de fin de carrière (régime additionnel), soit un complément de revenu assurant un taux de remplacement tous régimes confondus (régime différentiel) ;

- et à droits aléatoires : les droits du bénéficiaire sont conditionnés à sa présence dans l'entreprise au moment de son départ en retraite.

D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, ces régimes de retraite concernent environ 205 000 bénéficiaires pour un encours total de 40 milliards d'euros en 2016.

La directive impose donc :

- de mettre fin à l'aléa conditionnant l'acquisition définitive des droits à la présence du travailleur dans l'entreprise jusqu'à sa retraite. En effet, les droits devront être considérés comme acquis au-delà d'une période qui ne peut excéder trois ans . Ces dispositions impliquent de modifier les règles applicables à ces contrats qui conditionnent aujourd'hui, en vertu de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, « la constitution de droits à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise » ;

- de prendre des mesures nécessaires à la mise en oeuvre les prescriptions de la directive touchant notamment à la préservation des droits dormants et à l'information des affiliés .

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois 802 ( * ) à compter de la promulgation de la présente loi, différentes mesures :

- les mesures de transposition de la directive de 2014 (1°) ;

- mais aussi des mesures de « modernisation du cadre juridique des régimes de retraite à prestations définies financés par les entreprises » (2°) ;

- ainsi que toute mesure de coordination nécessaire au sein des codes des assurances, de la sécurité sociale, de la mutualité, du travail, de commerce et du code général des impôts (3°).

L'étude d'impact justifie le recours à des ordonnances par deux raisons :

- une autre ordonnance est prévue dans le cadre de la réforme de l'épargne retraite de l'article 20 du présent projet de loi 803 ( * ) dont les mesures sont complémentaires de celles de l'ordonnance prévue au présent article ;

- certaines mesures nécessiteront « un travail technique approfondi avec les acteurs concernés (notamment représentants des employeurs et des travailleurs, entreprises d'assurance, institutions de prévoyance et mutuelles, autorité de contrôle prudentielle) en amont de leur adoption » 804 ( * ) .

Le II du présent article prévoit que le projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois 805 ( * ) à compter de la publication de l'ordonnance.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modifications autres que rédactionnelles.

En séance publique, cet article a été adopté sans modification.

IV. La position de votre commission

Votre commission relève que, à la suite de l'avis du Conseil d'État, les délais d'habilitation du gouvernement prévus au présent article et à l'article 20, qui portent sur des domaines complémentaires, sont désormais différents : six mois dans le présent article, douze dans l'article 20.

En tout état de cause, et quel que soit le délai de transposition retenu au présent article, la France, qui a déjà laissé expirer le délai de transposition de la directive (mai 2018), ne sera pas non plus en mesure de respecter le délai de transmission des informations à la Commission (mai 2019).

Bien que déplorant ce retard de transposition , votre commission est favorable à l'adoption du présent article sans modification.

Votre commission a adopté l'article 65 sans modification.

Article 66
(art. L. 533-22, L. 533-22-4 [nouveau] et L. 544-7 à L. 544-9 [nouveaux]
du code monétaire et financier, art. L. 310-1-1-2 [nouveau] et L. 385-7-1 [nouveau] du code des assurances et art. L. 225-37-4, L. 225-40, L. 225-40-2 [nouveau], L. 225-88, L. 225-88-2 [nouveau], L. 225-115, L. 228-1, L. 228-2, L. 228-3, L. 228-3-1, L. 228-3-3, L. 228-3-4, L. 228-3-5 [nouveau] et L. 228-3-6 [nouveau] du code de commerce)
Transposition de la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 modifiant
la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir
l'engagement à long terme des actionnaires

L'article 66 du projet de loi comporte une série de mesures destinées à transposer directement une partie de la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires, ainsi qu'une habilitation visant à transposer les autres dispositions de la directive.

I. Le droit en vigueur

Dans ses considérants, la directive précise son objectif : « L'engagement concret et durable des actionnaires est l'une des pierres angulaires du modèle de gouvernance des sociétés cotées, qui repose sur l'équilibre des pouvoirs entre les différents organes et les différentes parties prenantes. Une plus grande implication des actionnaires dans la gouvernance d'entreprise est un des leviers pouvant contribuer à améliorer les performances tant financières que non financières des sociétés, notamment en ce qui concerne les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (...). En outre, une plus grande implication de toutes les parties prenantes, en particulier des salariés, dans la gouvernance d'entreprise constitue un facteur important pour garantir l'adoption par les sociétés cotées d'une vision à plus long terme qu'il est nécessaire d'encourager et de prendre en considération. »

La directive insiste en particulier sur les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d'actifs, compte tenu de leur rôle dans la gouvernance des sociétés cotées, tout en déplorant que, « souvent, les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d'actifs ne s'engagent pas à l'égard des sociétés dont ils détiennent des actions, et il apparaît que les marchés des capitaux exercent souvent une pression sur les sociétés pour que celles-ci soient performantes à court terme, ce qui peut compromettre les performances financières et non financières des sociétés à long terme et conduire, entre autres conséquences négatives, à des niveaux d'investissement sous-optimaux, par exemple dans la recherche et le développement, au détriment des performances à long terme tant des sociétés que des investisseurs ».

La directive met donc en avant l'exigence de transparence à l'égard de ces acteurs, qui devraient avoir une stratégie d'investissement de long terme. Elle exprime la même exigence à l'égard des agences de conseil en vote, compte tenu de leur influence auprès des actionnaires.

Par ailleurs, la directive traite de la politique de rémunération des dirigeants au sein des sociétés cotées : « Étant donné que la rémunération est un des éléments essentiels permettant aux sociétés de mettre leurs intérêts en adéquation avec ceux de leurs dirigeants et compte tenu du rôle crucial joué par ces derniers dans les sociétés, il est important que la politique de rémunération des sociétés soit déterminée de manière appropriée par les organes compétents au sein de la société et que les actionnaires aient la possibilité d'exprimer leur point de vue en ce qui concerne la politique de rémunération de la société. »

Dans ses considérants, elle ajoute à cet égard qu'« afin de garantir que les actionnaires ont réellement leur mot à dire sur la politique de rémunération, ils devraient avoir le droit de procéder à un vote contraignant ou consultatif sur cette politique en se fondant sur une vue d'ensemble claire, compréhensible et complète de la politique de rémunération de la société ». Cette politique de rémunération doit décrire les différentes composantes de la rémunération des dirigeants, reposant sur des critères de performance financiers et non financiers. La directive ajoute également que « les actionnaires devraient avoir le droit de voter sur le rapport sur la rémunération de la société », ce rapport devant « fournir une vue d'ensemble complète des rémunérations individuelles des dirigeants au cours de l'exercice le plus récent ».

La directive exige un vote contraignant ou consultatif des actionnaires sur la politique de rémunération des dirigeants, ainsi qu'un vote consultatif sur les rémunérations individuelles versées aux dirigeants.

En l'absence d'approbation de la politique de rémunération, si le vote est contraignant, les dirigeants continuent à être rémunérés suivant les règles ou pratiques antérieures. Si le vote est consultatif, une nouvelle politique doit être présentée à l'assemblée générale suivante.

Dans le cas où les actionnaires votent contre le rapport présentant les rémunérations individuelles, « la société devrait expliquer, dans le rapport sur la rémunération suivant, la manière dont le vote des actionnaires a été pris en compte ».

Votre rapporteur rappelle que la France a mis en place, avec la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, un dispositif de vote contraignant des actionnaires sur la politique de rémunération comme sur les rémunérations individuelles des dirigeants des sociétés cotées, qui va bien au-delà des exigences de la directive.

Enfin, la directive traite des « transactions avec des parties liées », c'est-à-dire les conventions conclues entre la société et un dirigeant ou un actionnaire, avec une exigence renforcée de transparence et de publicité, afin d'éviter que de telles conventions puissent porter préjudice à la société. Ceci correspond à la philosophie du régime des conventions réglementées dans le droit français des sociétés.

La directive est d'harmonisation minimale, c'est-à-dire qu'elle permet aux États membres « d'adopter ou de conserver des dispositions plus strictes dans le domaine couvert par la présente directive pour faciliter davantage l'exercice des droits des actionnaires, encourager l'engagement des actionnaires et protéger les intérêts des actionnaires minoritaires ».

Le délai de transposition de la directive expire le 10 juin 2019.

II. Le dispositif proposé

1. La transposition des exigences de transparence des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs

Le projet de loi modifie le code monétaire et financier pour prévoir que les sociétés de gestion de portefeuille doivent élaborer et publier une politique d'engagement actionnarial « décrivant la manière dont elles intègrent leur rôle d'actionnaire dans leur stratégie d'investissement » et, chaque année, rendre compte de la mise en oeuvre de cette politique. Elles doivent également, dans le cadre d'un contrat conclu avec une entreprise d'assurance-vie ou un organisme de retraite professionnelle supplémentaire, sur la base d'un mandat de gestion de portefeuille ou d'une souscription à un placement collectif, communiquer des informations sur la manière dont leur stratégie d'investissement respecte ce contrat et contribue aux performances à moyen et long termes des actifs qui leur sont confiés. Les entreprises d'investissement qui fournissent des services de gestion de portefeuille sont soumises aux mêmes obligations.

Le projet de loi modifie aussi le code des assurances pour appliquer les mêmes obligations aux entreprises d'assurance-vie et aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire, lorsqu'ils investissent dans des actions cotées, directement ou par l'intermédiaire d'une société de gestion de portefeuille ou d'une entreprise d'investissement. Ces entreprises et fonds doivent publier des informations sur la compatibilité entre leur stratégie d'investissement et l'état de leurs passifs ainsi que sur la contribution de cette stratégie à la performance des actifs qui leur sont confiés. En cas d'investissement par l'intermédiaire d'une société de gestion de portefeuille ou d'une entreprise d'investissement, sur la base d'un mandat de gestion de portefeuille ou d'une souscription à un placement collectif, ils doivent publier des informations relatives à ce contrat.

En cas de manquement à ces diverses obligations d'information et de publication, toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal aux fins d'injonction, le cas échéant sous astreinte.

Ces dispositions assurent la transposition des exigences de la directive en matière de politique d'engagement actionnarial ainsi que de transparence des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs. Elles entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 10 juin 2019, date limite pour la transposition de la directive.

2. La transposition des exigences de transparence des agences de conseil en vote

Le projet de loi crée dans le code monétaire et financier une nouvelle section relative aux prestataires de service de conseil en vote - aussi appelés agences de conseil en vote ou « proxy advisors » - au sein du livre V du code relatif aux prestataires de services.

Ces dispositions assurent la transposition des exigences de la directive en matière de transparence de ces acteurs de plus en plus importants dans la vie des sociétés cotées, du fait notamment des recommandations qu'ils formulent aux actionnaires en matière de vote des résolutions dans les assemblées générales ainsi que des analyses et conseils qu'ils fournissent aux investisseurs institutionnels qui font appel à leurs prestations.

Le prestataire de service de conseil en vote est défini comme « une personne morale qui analyse, sur une base professionnelle et commerciale, les document sociaux ou toute autre information de sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, dans le but d'éclairer les décisions de vote des actionnaires de ces sociétés par la fourniture de recherches et de conseils ou par la formulation de recommandations de vote », suivant une formulation très proche de celle figurant dans la directive.

Un certain nombre de règles sont prévues pour les agences de conseil en vote dont le siège ou dont l'« administration centrale » se situe en France ou qui possèdent une succursale en France, lorsqu'elles fournissent des services de conseil en vote à des actionnaires de sociétés ayant leur siège et dont les actions sont cotées dans un État membre de l'Union européenne, avec des formulations reprises de la directive.

Ces règles comportent notamment l'obligation pour ces agences de se référer à un code de conduite, de le rendre public et de rendre compte de son application, ainsi que l'obligation de justifier, s'il y a lieu, les raisons pour lesquelles elles ne se réfèrent pas à un tel code ou pour lesquelles elles s'en écartent. Ces agences doivent également informer leurs clients et publier des informations sur leurs méthodes de travail ainsi qu'en matière de prévention et de gestion des conflits d'intérêts.

En cas de manquement à ces diverses obligations d'information et de publication, toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal aux fins d'injonction, le cas échéant sous astreinte.

Ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 10 juin 2019, date limite pour la transposition de la directive.

3. La transposition des exigences de transparence des transactions avec les parties liées

Le projet de loi modifie enfin le code de commerce pour transposer les dispositions pertinentes de la directive relatives aux « transactions avec les parties liées », le droit français étant déjà très exigeant dans ce domaine, ainsi que pour améliorer la procédure d'identification des actionnaires ainsi que le régime de l'intermédiaire inscrit, conformément aux prescriptions de la directive.

S'agissant plus spécialement des règles relatives aux transactions avec les parties liées, elles correspondent en droit français au régime des conventions dites courantes ou réglementées, conclues entre une société anonyme et un de ses dirigeants, un de ses actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote, la société qui la contrôle 806 ( * ) ou encore une autre société détenue ou dirigée par un de ses propres dirigeants 807 ( * ) .

Ces conventions doivent être autorisées de façon motivée et ensuite examinées chaque année par le conseil d'administration ou de surveillance, selon la forme de la société. Elles doivent être contrôlées par le commissaire aux comptes puis soumises à l'assemblée générale, qui statue sur le rapport du commissaire aux comptes. Dans certaines conditions, une convention qui n'a pas été autorisée par le conseil peut être annulée.

Ce régime des conventions réglementées n'est pas applicable aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ni aux conventions conclues entre deux sociétés dont l'une détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de l'autre 808 ( * ) .

Compte tenu de ce niveau déjà élevé de contrôle et de transparence prévu par le droit français, la transposition de la directive ne nécessite que des ajustements, concernant notamment les sociétés cotées.

Actuellement, le rapport du conseil sur le gouvernement d'entreprise doit comporter la liste des conventions réglementées conclues entre, d'une part, un dirigeant de la société ou un actionnaire qui détient plus de 10 % des droits de vote et, d'autre part, une autre société dont la société détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital. Le projet de loi vise plus largement et de façon plus cohérente, dans ce second cas, toute autre société contrôlée par la société. Il ajoute que, lorsque le rapport ne comprend pas ces informations, toute personne peut saisir le président du tribunal aux fins d'injonction de les lui communiquer, le cas échéant sous astreinte.

En outre, le code précise que l'intéressé est tenu d'informer le conseil dès qu'il a connaissance d'une convention réglementée et qu'il ne peut prendre part au vote du conseil sur l'autorisation de cette convention. Il ajoute que lors de l'assemblée générale l'intéressé ne peut pas non plus prendre part au vote sur la convention et que ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité lors de ce vote. D'une façon plus cohérente, le projet de loi mentionne « la personne directement ou indirectement intéressée à la convention » plutôt que l'intéressé, prévoit que cette personne ne peut pas prendre part aux délibérations du conseil sur l'autorisation, et pas seulement au vote du conseil, et dispose que les actions de cette personne ne sont pas prises en compte lors de l'assemblée générale pour le calcul de la majorité seulement, et pas pour le calcul du quorum, pour le vote sur la convention.

Conformément à la directive, le projet de loi instaure, pour les sociétés cotées, une obligation de publication sur leur site internet d'informations sur les conventions réglementées, au plus tard au moment de leur conclusion. Toute personne peut demander au président du tribunal d'enjoindre à la société, le cas échéant sous astreinte, de publier ces informations, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État.

Ce mécanisme d'injonction de faire sous astreinte, prévu d'ailleurs en cas de manquement aux différentes obligations de publication d'informations instaurées par le présent article et pas seulement pour celle qui concerne les conventions réglementées, constitue, selon votre rapporteur, une sanction tout à fait adaptée et efficace pour de tels manquements, déjà largement utilisée par le droit des sociétés.

Ces modifications apportées au régime des conventions réglementées sont ainsi très limitées et, par ailleurs, bienvenues. Elles sont cohérentes avec les prescriptions de la directive.

Toutefois, une dernière modification a suscité de fortes critiques lors des auditions conduites par votre rapporteur, sans avoir de fondement dans la directive. Il s'agit de l'obligation de communiquer à tout actionnaire qui en fait la demande la liste des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales. Ceci reviendrait purement et simplement à rétablir une disposition instaurée par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, mais abrogée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, en raison de sa lourdeur de gestion pour les sociétés et de sa faible utilité. À propos de ces conventions, la directive indique que « l'organe d'administration ou de surveillance de la société établit une procédure interne permettant d'évaluer régulièrement si ces conditions sont remplies », ce que le projet de loi ne prévoit pas. Il existe ainsi un décalage entre le projet de loi et la directive sur le régime de ces conventions courantes.

Par ailleurs, le projet de loi étend aux titres de capital et obligations de société cotés sur tous les marchés réglementés et systèmes multilatéraux de négociation agréés ou assimilés, en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne, le mécanisme de l'intermédiaire inscrit pour le compte du détenteur non domicilié en France du titre de capital ou de l'obligation. Ce dispositif de l'intermédiaire inscrit permet de répondre à l'obligation pour les valeurs mobilières émises par les sociétés d'être inscrites en compte ou dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé au nom de leur propriétaire : en effet, l'intermédiaire inscrit est tenu de déclarer, lorsqu'il ouvre son compte-titres 809 ( * ) , sa qualité d'intermédiaire détenant des titres pour le compte d'autrui.

Le projet de loi améliore également la procédure d'identification des actionnaires. Il permet en particulier à la société de solliciter, non seulement le dépositaire central qui assure la tenue du compte émission de ses titres, mais aussi tous les intermédiaires habilités à tenir des comptes-titres (établissements de crédit, entreprises d'investissement...), contre rémunération proportionnée aux coûts engagés, en vue de se faire communiquer les informations concernant ses actionnaires, y compris auprès des intermédiaires inscrits. Le projet de loi comporte aussi des améliorations ponctuelles et précisions rédactionnelles ainsi que des mises en cohérence dans les articles concernés du code de commerce. Il prévoit notamment que toute stipulation contractuelle ayant pour objet ou pour effet d'interdire la communication de ces informations est réputée non écrite. En l'état du droit, ces communications sont déjà encadrées par des délais.

De plus, le projet de loi autorise la société à mettre en oeuvre un traitement automatisé des données ainsi collectées sur ses actionnaires afin de pouvoir les identifier et communiquer avec eux pour faciliter leur participation aux assemblées générales et leur adresser toutes informations utiles. La finalité du traitement est bien définie par le texte.

Ces deux séries de dispositions concernant l'intermédiaire inscrit et la procédure d'identification des actionnaires permettront aux sociétés de mieux connaître la liste de leurs actionnaires et de pouvoir communiquer avec eux, en vue de favoriser l'exercice de leurs droits.

L'ensemble de ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 10 juin 2019, date limite pour la transposition de la directive.

4. La transposition des autres dispositions de la directive, notamment de l'obligation de consulter les actionnaires sur la rémunération des dirigeants dans les sociétés cotées

Enfin, l'article 66 du projet de loi sollicite une habilitation en vue, en premier lieu, de transposer par ordonnance la directive, sans autre précision. Votre rapporteur indique que cette habilitation ne saurait conduire à remettre en cause les dispositions adoptées par le législateur pour assurer une partie de cette transposition, au sein notamment du présent article.

L'exposé des motifs du projet de loi précise que cette habilitation vise notamment la mise en place « des obligations, pour les intermédiaires, de transmettre certaines informations de la société à ses actionnaires, ainsi que des obligations de facilitation de l'exercice par l'actionnaire de ses droits ».

La même habilitation est également sollicitée, en deuxième lieu, en vue de « créer un dispositif unifié et contraignant encadrant la rémunération des dirigeants des sociétés cotées », en adaptant les dispositions du code de commerce dans le cadre de la transposition de la directive. Ainsi que cela a été rappelé, il existe effectivement déjà, en droit français, un mécanisme de cette nature, issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Sur ce second point, l'exposé des motifs indique que la transposition « nécessitera des ajustements particuliers du dispositif français d'encadrement des rémunérations des dirigeants. En effet, une transposition stricte de la directive conduirait à rendre le droit français particulièrement complexe et peu lisible, en ajoutant aux votes actuellement prévus un vote supplémentaire ex ante sur la politique de rémunération, ainsi qu'un vote ex post sur le rapport des rémunérations lors de l'assemblée générale, ces différents votes connaissant chacun des champs d'application et des degrés de contraintes différents. Ces raisons conduisent à proposer une refonte cohérente du dispositif français, qui serait articulé autour d'un vote contraignant ex ante portant sur une politique de rémunération unifiée couvrant l'ensemble des rémunérations, et d'un vote ex post contraignant auquel serait assortie une sanction dissuasive et pertinente. »

Il s'agirait donc d'une refonte du dispositif en vigueur, pour aboutir à un vote ex ante contraignant sur la politique de rémunération et un vote ex post contraignant sur les rémunérations effectivement versées, dans le cadre d'un rapport sur les rémunérations, allant plus loin que les exigences de la directive.

Le code de commerce prévoit aujourd'hui que « les principes et les critères de détermination, de répartition et d'attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux président, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués, en raison de leur mandat, font l'objet d'une résolution soumise au moins chaque année à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires » 810 ( * ) . Il s'agit du vote ex ante contraignant portant sur la politique de rémunération dans les sociétés cotées. En cas de vote négatif, la politique de rémunération antérieure doit continuer à s'appliquer. Cette première étape correspond largement à la directive. Elle est entrée en vigueur à compter des assemblées générales de 2018, statuant sur les comptes de l'exercice 2017.

Lorsqu'une politique de rémunération a été fixée, le code de commerce prévoit ensuite que « l'assemblée générale statue sur les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature versés ou attribués au titre de l'exercice antérieur par des résolutions distinctes pour le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, le directeur général, les directeurs généraux délégués, ou pour le président du directoire et les autres membres du directoire ou le directeur général unique ». En cas de vote négatif, les éléments de rémunération variables ou exceptionnels ne peuvent être versés, seule la rémunération fixe peut l'être. Il s'agit du vote ex post contraignant sur les rémunérations versées. En prévoyant des résolutions distinctes, cette seconde étape correspond moins à ce que prévoit la directive. Elle doit entrer en vigueur à compter des assemblées générales de 2019, statuant sur les comptes de l'exercice 2018.

Votre rapporteur relève que le dispositif issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique comporte diverses malfaçons 811 ( * ) ainsi que des incohérences, s'agissant notamment des effets d'un vote négatif ex post .

Rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois du Sénat, notre collègue François Pillet avait d'ailleurs déploré « qu'il faille légiférer dans la précipitation, sans connaître la teneur exacte des obligations qui résulteront de cette directive une fois qu'elle aura été définitivement adoptée » 812 ( * ) . Lors de l'examen de ce texte, le Sénat avait adopté, sans succès, un dispositif qui se voulait le plus proche possible de la future directive, sans caractère contraignant du vote sur les rémunérations individuelles, comportant un vote ex ante sur la politique de rémunération et un vote ex post sur les rémunérations effectivement versées. En dehors de quelques améliorations de nature rédactionnelle, le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'avaient pas souhaité retenir le dispositif résultant des travaux du Sénat.

En troisième lieu, cette habilitation est sollicitée afin de procéder aux nécessaires coordinations dans tous les codes et lois résultant des dispositions précédentes prévues par ordonnance ainsi que des dispositions déjà prévues au présent article, et afin de rendre applicables l'ensemble de ces dispositions dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, sous réserve des compétences de ces collectivités.

Le projet de loi de ratification doit être déposé dans les trois mois de la publication de l'ordonnance.

III. La position de votre commission

Le projet de loi se bornant à transposer une partie des dispositions de la directive, votre commission ne peut que les approuver.

Elle déplore cependant le recours à une ordonnance pour transposer, en particulier, le dispositif de vote des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants des sociétés cotées, d'autant que la directive laisse des marges de manoeuvre et que le droit français n'en est pas si éloigné. Tel qu'explicitée par l'exposé des motifs du projet de loi, l'habilitation est néanmoins précise, puisqu'elle tend à conserver la logique du dispositif issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée.

Toutefois, l'exposé des motifs estime que « la complexité des changements législatifs impliqués par cette refonte et la nécessaire clarté et sécurité juridique de ces mesures nécessitent de solliciter une habilitation à légiférer par ordonnance ». En d'autres termes, le Gouvernement estime que le sujet est trop sérieux pour être laissé, comme en 2016, à la délibération du Parlement... Votre rapporteur juge une telle affirmation spécialement choquante, quand bien même le dispositif de 2016 est très largement perfectible.

En outre, comme notre collègue François Pillet, votre rapporteur estime regrettable d'avoir instauré en 2016 un mécanisme dont on savait dès l'origine qu'il allait falloir rapidement le réformer, dans le cadre de la transposition de la directive. Il s'agit d'une mauvaise manière de légiférer, au détriment de la stabilité, de la clarté et de la prévisibilité de la règle de droit.

Cette habilitation n'a toutefois pas fait l'objet, quant à ses finalités, d'objections particulières lors des auditions de votre rapporteur, en dépit de la sensibilité du sujet et des débats ou polémiques qui ont pu avoir lieu lors des débats parlementaires sur le dispositif adopté en 2016.

En conséquence, votre rapporteur n'a pas proposé à votre commission de modifier cette habilitation, suffisamment précise dans son champ comme dans ses finalités au regard des exigences du Conseil constitutionnel.

S'agissant des agences de conseil en vote, votre commission a adopté un amendement COM-391 de son rapporteur visant, par cohérence, à codifier dans le livre II du code de commerce les dispositions encadrant les activités de ces agences, au sein d'un nouveau titre IV bis , plutôt que dans le code monétaire et financier. En effet, ces agences s'adressent aux actionnaires des sociétés cotées. L'organisation des assemblées générales des sociétés anonymes, cotées ou non, et les droits de leurs actionnaires sont définis dans le livre II du code de commerce.

À cet égard, votre rapporteur rappelle que l'article 22 du projet de loi sollicite une habilitation pour regrouper, au sein d'une division spécifique du code de commerce, les dispositions de ce code propres aux sociétés cotées, en vue d'améliorer leur lisibilité, tout en transférant dans le code monétaire et financier les dispositions relatives au statut de l'intermédiaire inscrit, aux obligations de déclaration des franchissements de seuils et aux offres publiques, qui y ont effectivement davantage leur place. Les règles de fonctionnement des sociétés cotées ont donc vocation à demeurer dans le code de commerce.

Cet amendement comporte aussi des clarifications et simplifications rédactionnelles, dans le respect de la directive, s'agissant en particulier des différentes obligations de ces agences.

En adoptant un amendement COM-392 présenté par son rapporteur, votre commission a également intégré au sein du présent article, par cohérence et avec une rédaction plus claire, la disposition prévoyant, à l'article 66 bis du projet de loi, que l'Autorité des marchés financiers devait rend compte, dans son rapport annuel sur le gouvernement d'entreprise, de l'application des règles applicables aux agences de conseil en vote et pouvait approuver toute recommandation en la matière.

Enfin, par un amendement COM-393 présenté par son rapporteur, votre commission a supprimé le rétablissement de la disposition selon laquelle tout actionnaire peut demander communication de la liste des conventions entre la société et l'un de ses dirigeants ou principaux actionnaires lorsqu'elles portent sur des opérations courantes conclues à des conditions normales. Cette disposition, peu voire pas utilisée, que la directive n'exige pas, a effectivement été supprimée par le législateur en 2011. L'établissement d'une telle liste est une contrainte administrative lourde, en particulier dans les groupes de sociétés, sans réelle plus-value pour l'information des actionnaires puisqu'elle porte sur des conventions courantes. De plus, l'information des actionnaires sur les conventions réglementées a été utilement renforcée depuis 2011, le projet de loi poursuivant cette évolution, comme cela a été exposé plus haut.

En substitution, conformément à la directive, votre commission a prévu que le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, selon le cas, devait mettre en place une procédure permettant d'évaluer si les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales remplissent bien ces conditions. Il est vraisemblable que cette procédure interne fasse intervenir le commissaire aux comptes de la société, qui est déjà chargé de contrôler les conventions réglementées 813 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 66 ainsi modifié .

Article 66 bis (supprimé)
(art. L. 621-18-3 du code monétaire et financier)
Examen annuel par l'Autorité des marchés financiers de l'application des règles encadrant les activités des agences de conseil en vote

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de notre collègue député Stanislas Guerini, l'article 66 bis du projet de loi prévoit un examen chaque année, par l'Autorité des marchés financiers (AMF), de l'application des règles encadrant les activités des agences de conseil en vote.

I. Le dispositif proposé

Dans le cadre de la transposition de la directive 2017/828 du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires, l'article 66 du projet de loi édicte une série de règles encadrant les activités des agences de conseil en vote, en vue notamment de prévenir les risques de conflits d'intérêts. Votre commission a approuvé ces règles, conformes à la directive, tout en clarifiant leur rédaction.

L'article 66 bis du projet de loi prévoit utilement de confier à l'AMF de suivre l'application de ces nouvelles règles, dans le cadre de son rapport annuel sur le gouvernement d'entreprise. Il prévoit également qu'elle peut formuler toute recommandation à cet égard.

II. La position de votre commission

Votre commission ayant intégré au sein de l'article 66 du projet de loi les dispositions du présent article, tout en clarifiant leur rédaction, elle a adopté un amendement COM-394 présenté par son rapporteur afin de supprimer par coordination le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 66 bis .

Article 67
Transposition de la directive 2016/2341/UE du 14 décembre 2016
concernant les activités et la surveillance
des institutions de retraite professionnelle

Le présent article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour transposer la directive (UE) 2016/2341 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP), aménager les règles applicables aux organismes de retraite professionnelle, et renforcer l'attractivité des organismes de retraite professionnelle collective .

I. Le droit en vigueur

La retraite professionnelle supplémentaire recouvre les contrats de retraite assurantielle d'entreprise par capitalisation ayant pour objectif la constitution de rentes viagères dont le titulaire peut bénéficier à compter du départ à la retraite . Ces contrats sont souscrits par l'employeur pour le compte de ses salariés 814 ( * ) .

La France avait toujours fait le choix de confier la gestion de ces contrats à des organismes d'assurance - assurances, mutuelles, ou encore institutions de prévoyance -, à l'exception des plans d'épargne pour la retraite collective (PERCO), gérés par des sociétés de gestion 815 ( * ) . Par conséquent, les contrats de retraite professionnelle supplémentaire étaient soumis aux exigences prudentielles de la directive « Solvabilité II » 816 ( * ) , entrée en vigueur le 1 er janvier 2016.

Or, ce régime prudentiel définit des exigences quantitatives, c'est-à-dire les règles de valorisation des actifs et des passifs, les exigences de capital et leur mode de calcul, à partir d'un horizon de risque à un an. Ce régime prudentiel semblait inadapté à la gestion des retraites professionnelles supplémentaires qui, en raison de l'horizon d'investissement de long terme, permet une plus grande diversification des actifs.

La directive européenne 2003/41/CE du 3 juin 2003 dite « IORP » 817 ( * ) permet aux États membres de confier ces contrats à des « institutions de retraite professionnelle » (IRP), soumises à un régime prudentiel propre , dérogatoire de celui prévu par la directive « Solvabilité II ». Les règles prudentielles qui leur sont applicables sont proches de celles qui étaient prévues par la directive « Solvabilité I ». Tous les États membres de l'Union européenne, sauf la France jusqu'en 2017, ont choisi de soustraire les activités de retraite supplémentaire à l'application de la directive « Solvabilité II ».

Par ailleurs, la directive « IORP » permet à une IRP de gérer des régimes d'entreprises situées dans d'autres États membres . Cette possibilité de mener des activités transfrontalières a été qualifiée de « passeport européen » , au même titre que pour les prestations d'autres services financiers. L'ordonnance du 23 mars 2006 818 ( * ) relative aux retraites professionnelles supplémentaires a transposé en droit français ces dispositions.

L'entrée en application de la directive « Solvabilité II » a encouragé le législateur à utiliser le cadre de la directive « IORP » de 2003 afin d'éviter une distorsion réglementaire au bénéfice des organismes des États membres exerçant en France en libre prestation de service avec des exigences réglementaires moindres .

Par conséquent, l'ordonnance du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire 819 ( * ) prévoit la possibilité pour les gestionnaires de ces contrats de transférer leurs activités de retraite professionnelle supplémentaire dans un nouveau véhicule, les fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS) , après avoir obtenu l'agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 114 de la loi de 2016 dite loi « Sapin II » 820 ( * ) .

À ce jour, un seul organisme, Aviva France, a obtenu l'agrément nécessaire de l'ACPR, en novembre 2018.

Parallèlement à ces évolutions législatives nationales, la directive « IORP » de 2003 a été refondue par la directive 2016/2341/UE dite « IORP II » 821 ( * ) afin de satisfaire trois principaux objectifs :

- renforcer les exigences en matière de gouvernance et de gestion des risques ;

- améliorer la transparence de l'information fournie aux affiliés et bénéficiaires des IRP ;

- faciliter le développement transfrontalier des régimes de retraite supplémentaire .

Concernant la gouvernance et la gestion des risques, la directive « IORP II » prévoit notamment que les IRP appliquent des politiques écrites dans ces domaines, élaborent des plans d'urgence, et disposent d'un système de contrôle interne efficace (article 21). Les personnes en charge de la gestion des IRP doivent apporter la preuve de leur compétence et de leur honorabilité (article 22). La directive renforce les exigences en matière de politique de rémunération et d'audit interne (articles 23, 25 et 26).

L'information à fournir aux affiliés fait l'objet d'un titre dédié au sein de la directive (titre IV). L'article 36 précise notamment que l'information doit être mise à jour régulièrement, rédigée de manière claire, et avec un vocabulaire qui ne porte pas à confusion.

Enfin, la directive vise à faciliter le développement d'activités transfrontalières. En effet, en dépit de la directive « IORP » de 2003, l'Union européenne comptait moins de 80 plans transfrontaliers actifs en 2016, dont 80 % étaient basés au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. La directive « IORP II » prévoit que les États membres autorisent les IRP enregistrées ou agréés sur leur territoire à exercer une activité transfrontalière (article 11), et distingue les États membres d'origine, dans lequel est agréé l'IRP, des États membres d'accueil dans lesquels se situent les bénéficiaires. L'IRP est soumise à la supervision de l'autorité compétente dans l'État d'accueil. Enfin, les États membres doivent veiller à ce que les coûts du transfert transfrontalier ne soient pas supportés par les affiliés (article 12).

La directive « IORP II » a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 23 décembre 2016. Elle est entrée en vigueur le 13 janvier 2017 et les États membres ont disposé de 24 mois pour la transposer en droit interne, soit jusqu'au 13 janvier 2019 .

II. Le texte du projet de loi

Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive dite « IORP II » (alinéa 2).

Il habilite également le Gouvernement à aménager les règles applicables aux organismes créés par l'ordonnance du 6 avril 2017 et qui peuvent gérer des fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS) et bénéficier d'un régime prudentiel dérogatoire (alinéa 3). Le Gouvernement souhaite ainsi rendre le régime de ces organismes plus attractifs au regard de leur succès limité depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 6 avril 2017.

Il habilite le Gouvernement à prendre des mesures permettant d'encourager le développement d'activités transfrontalières des régimes de retraites professionnelles supplémentaires , en modifiant les dispositions de l'ordonnance du 23 mars 2006 822 ( * ) , afin d'appliquer les dispositions de la directive « IORP II » en la matière (alinéa 4).

Enfin, le présent article habilite le Gouvernement à procéder aux adaptations et harmonisations législatives nécessaires (alinéa 5).

Un projet de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance (alinéa 6).

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission spéciale de l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel.

IV. La position de votre commission

Votre commission relève que ces dispositions s'inscrivent dans la continuité de celles prévues à l'article 114 de la loi de 2016 dite loi « Sapin II » 823 ( * ) . Elle s'étonne que l'habilitation à transposer la directive « IORP II » soit sollicitée si tardivement , alors même que les États membres de l'Union européenne disposaient d'un délai jusqu'au 13 janvier 2019 pour la transposer en droit interne. D'après les informations transmises à votre rapporteur, cette sollicitation tardive résulterait du retard pris dans le calendrier d'examen du présent projet de loi.

Votre commission relève par ailleurs que l'étude d'impact indique que le cadre juridique de l'ordonnance du 23 mars 2006 s'est avéré « inadapté » pour encadrer la gestion transfrontalière de régimes de retraite non assurantiels, sans préciser les difficultés posées par cette ordonnance. Votre commission estime que l'étude d'impact est insuffisamment étayée sur ce point . D'après les informations transmises par la direction générale du Trésor à votre rapporteur, l'ordonnance du 23 mars 2006 vise à autoriser et encadrer la gestion transfrontalière de régimes de retraite non assurantiels. Or, ses dispositions étaient calquées sur les spécificités du PERCO, et elles se sont révélées trop contraignantes pour une utilisation transfrontalière. Cette situation aurait conduit des acteurs français à délocaliser leurs activités dans d'autres pays européens disposant de véhicules d'épargne retraite plus efficaces, tels que le Luxembourg.

V otre commission a adopté l'article 67 sans modification.

Article 68
(art. L. 613-30-3 du code monétaire et financier)
Transposition de la directive (UE) 2017/2399 du 12 décembre 2017
modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne
le rang des instruments de dette non garantie
dans la hiérarchie en cas d'insolvabilité

I. Le droit existant

1. Les standards internationaux en matière de réglementation bancaire

En réponse à la crise financière de 2008, des négociations internationales se sont ouvertes afin de renforcer les règles applicables et d'accroître la supervision du système financier .

L'accord dit de « Bâle III », conclu en décembre 2010 dans le cadre du Comité de Bâle par vingt-sept pays 824 ( * ) , comporte un ensemble de dispositions visant à améliorer la solvabilité des grands établissements bancaires, via des exigences de fonds propres renforcés , et à encadrer leur capacité à faire face à leurs engagements de court terme, via des critères de liquidité .

Au niveau de l'Union européenne, ces dispositions ont été déclinées par la directive sur les fonds propres réglementaires dite « CRD IV » du 26 juin 2013 825 ( * ) et le règlement du même nom et du même jour dit « CRR » 826 ( * ) .

En complément, dans le cadre du G20, le Conseil de stabilité financière a défini des règles relatives à l'absorption des pertes en cas de mise en résolution d'un établissement bancaire, appliquées uniquement aux banques les plus importantes, dont la défaillance pourrait présenter un risque systémique 827 ( * ) .

Ces règles imposent aux banques le respect d'un ratio de passif pouvant être facilement soumis à une procédure de renflouement interne en cas de résolution. Elles sont connues sous le terme anglais de TLAC pour « total loss absorbing capacity » : il s'agit en pratique d'un coussin en capital et en titres sécurisés permettant l'absorption de pertes éventuelles.

En pratique, les grandes banques doivent respecter un ratio de fonds propres et de dette senior correspondant à 16 % des risques pondérés (RWA pour « risk-weighted asset » en anglais) à compter du 1 er janvier 2019 puis à 18 % à compter du 1 er janvier 2022. Les actifs éligibles comprennent une gamme étendue d'instruments financiers, dont les dettes seniors dont le remboursement est prioritaire en cas de mise en résolution.

Toutefois, pour être pris en compte dans le ratio, les titres de dette senior doivent être liquides et mobilisables sans entraîner de risque juridique important . Deux solutions sont donc envisageables :

- une réorganisation structurelle interne du groupe bancaire, conduisant à placer ces titres dans une compagnie holding ne comportant quasiment aucun passif opérationnel ;

- une subordination légale ou contractuelle dans le cadre de la hiérarchie des créanciers (cf. infra ).

Les grandes banques américaines ont essentiellement recouru à la première solution, tandis que la seconde a été privilégiée en Europe. C'est pourquoi la hiérarchie des créanciers a dû être adaptée en conséquence pour permettre aux grandes banques européennes de se préparer à l'entrée en vigueur du TLAC dès le 1 er janvier 2019.

2. Les règles applicables en cas de mise en résolution

La directive relative au redressement des banques et à la résolution du 15 mai 2014 dite « BRRD » 828 ( * ) intègre dans le droit de l'Union européenne les principes du TLAC.

Elle introduit un nouveau ratio relatif aux exigences minimum de fonds propres et de passifs éligibles ou « MREL » selon l'acronyme anglais.

Plus largement, elle définit le cadre juridique permettant la résolution ordonnée d'une banque défaillante en tant qu'alternative à sa mise en liquidation. De fait, à défaut d'harmonisation européenne, le droit de la faillite relève des dispositions du droit national, à savoir le livre VI du code de commerce, sous réserve des adaptations prévues par le code monétaire et financier.

Les dispositions de la directive « BRRD » ont été transposées en droit national par l'ordonnance du 20 août 2015 829 ( * ) .

L'article 37 de la directive « BRRD » énumère les instruments de résolution , à savoir : la cession de certaines activités de l'établissement, le recours à un établissement-relais, la séparation des actifs et le renflouement interne (ou « bail-in »). Ce dernier instrument renvoie à tout mécanisme permettant l'exercice, par une autorité de résolution 830 ( * ) , des pouvoirs de dépréciation et de conversion d'éléments de passif d'un établissement soumis à une procédure de résolution.

Dans ce cadre, si la directive « BRRD » renvoie au droit national applicable en cas de liquidation judiciaire la détermination de la hiérarchie des créanciers, son article 108 fixe le niveau de priorité des titulaires de dépôts de personnes physiques et de petites et moyennes entreprises (PME) par rapport aux créanciers chirographaires, ou créanciers « ordinaires ». Il en résulte que les titulaires de dépôts dits « couverts » par les systèmes de garantie des dépôts nationaux 831 ( * ) doivent être mis à contribution après les titulaires de dépôts dits « non couverts » 832 ( * ) , ces derniers devant eux-mêmes supporter les pertes après les créanciers chirographaires.

La hiérarchie des créanciers harmonisée au niveau européen a été complétée par la directive du 12 décembre 2017 833 ( * ) . Cette dernière introduit un nouveau rang de privilège par rapport aux créanciers chirographaires ordinaires.

Cette modification s'inspire largement de la réforme française opérée par la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » 834 ( * ) et codifiée à l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier. Elle a conduit à créer une nouvelle catégorie de créanciers chirographaires : détenteurs de produits « non structurés » 835 ( * ) d'une échéance supérieure à un an, ces créanciers sont placés après les créanciers simples dans la hiérarchie des créanciers . Le contrat d'émission doit prévoir que le propriétaire du titre est chirographaire au sens de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier.

Il s'agit donc d'une subordination contractuelle , ce qui entraîne deux conséquences :

- d'une part, seuls les instruments émis à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 2016 sont éligibles à cette nouvelle catégorie de créanciers chirographaires ;

- d'autre part, les établissements de crédit peuvent continuer à émettre des titres répondant aux deux autres conditions mais bénéficiant d'une préférence par rapport à cette nouvelle classe chirographaire.

Le schéma ci-après récapitule la hiérarchie des créanciers prévue par l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier.

Hiérarchie des créanciers
prévue à l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier

Source : commission spéciale

Les dispositions de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier ne visent que les établissements de crédit . Au contraire, le champ d'application de la directive du 12 décembre 2017 précitée est plus large , car il vise les entités listées à l'article 1 er de la directive « BRRD », à savoir les établissements de crédit, les entreprises d'investissement, les établissements financiers, les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mères dans un État membre ou dans l'Union européenne, les compagnies financières holding mixtes et les compagnies financières holding mixtes mères dans un État membre ou dans l'Union européen et les compagnies holding mixtes.

La directive du 12 décembre 2017 prévoit en outre qu'il soit fait mention dans le prospectus d'émission du rattachement de ces titres, créances, instruments ou droits au nouveau rang prévu par la directive.

Ces dispositions doivent être transposées en droit national au plus tard le 29 décembre 2018.

3. Le « paquet bancaire » de novembre 2016

Le 23 novembre 2016, à la suite de sa communication du 24 novembre 2015 sur l'achèvement de l'union bancaire 836 ( * ) , la Commission européenne a présenté un ensemble de modifications d'actes législatifs européens désigné sous le terme de « paquet bancaire ». Ces propositions modifient les actes législatifs suivants :

- le règlement sur les exigences de fonds propres (CRR) et la directive sur les exigences de fonds propres (CRD IV), qui fixent des exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement, ainsi que des règles de gouvernance et de surveillance ;

- la directive relative au redressement et à la résolution des banques (BRRD) et le règlement établissant le mécanisme de résolution unique, qui déterminent les règles relatives au redressement et à la résolution d'établissements défaillants.

Après deux années de négociations en trilogue, le colégislateur européen est parvenu à un accord politique provisoire le 4 décembre 2018 837 ( * ) , avant une adoption définitive qui devrait intervenir au cours du premier semestre 2019.

Les modifications législatives convenues par le Conseil et le Parlement européen portent sur deux types de mesures .

D'une part, le « paquet bancaire » comporte des dispositions visant à intégrer dans le droit de l'Union européenne les derniers standards réglementaires internationaux définis au sein du Comité de Bâle et du Conseil de stabilité financière. Il s'agit en particulier :

- du renforcement de la sensibilité aux risques des exigences de fonds propres ;

- de la standardisation de la mesure des risques auxquels les établissements de crédit sont exposés ;

- de la mise en oeuvre d'une obligation contraignante en termes de ratio de levier afin d'empêcher les établissements d'accumuler un levier excessif ;

- de l'introduction d'une obligation contraignante en matière de ratio de liquidité à court terme (NSFR, pour « net stable funding ratio » en anglais), afin de s'assurer que les actifs à plus d'un an sont couverts par des ressources de même nature ;

- de l'articulation du TLAC, appliqué aux établissements d'importance systémique mondiale, au sein du mécanisme actuel de MREL (exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles), appliqué à tous les établissements de crédits.

D'autre part, le « paquet bancaire » comprend des mesures visant à améliorer la capacité de prêt des banques, en renforçant la proportionnalité des exigences prudentielles de la directive CRD IV et du règlement CRR pour les établissements de petite taille.

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article propose de mettre en conformité le droit national en matière de hiérarchie des créanciers avec les dispositions de la directive du 12 décembre 2017 838 ( * ) .

Il complète à cet effet l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier.

Afin d'étendre l'application de la nouvelle catégorie de créanciers chirographaires au-delà des seuls établissements de crédit, le 2° du I du présent article propose d'introduire un I bis au sein de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier.

Il prévoit que la hiérarchie des créanciers actuellement en vigueur pour les établissements de crédit et précisée au I de l'article 613-30-3 du code monétaire et financier trouve également à s'appliquer dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'encontre de l'une des personnes suivantes :

- les entreprises d'investissement au sens de l'article L. 531-4 du code monétaire et financier, à l'exception de celles qui ne sont pas habilitées à fournir le service de tenue de compte-conservation d'instruments financiers ;

- les établissements financiers qui sont des filiales d'un établissement de crédit, d'une entreprise d'investissement ou d'une compagnie holding mentionnée ci-après ;

- les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mères dans un État membre ou dans l'Union européenne ;

- les compagnies financières holding mixtes et les compagnies holding mixtes mères dans un État membre ou dans l'Union européenne ;

- les compagnies holding mixtes.

Le I bis proposé de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier ne décalque donc pas la hiérarchie des créanciers actuellement prévue à son I, mais s'y réfère en l'adaptant aux entités visées. Le périmètre des entités visées au I bis correspond au champ d'application de la directive « BRRD » du 15 mai 2014.

Le II du présent article précise les modalités d'entrée en vigueur de ces dispositions.

La nouvelle hiérarchie des créanciers prévue par le présent article ne s'applique qu'aux procédures de liquidation ouvertes à l'encontre des entités visées à compter de l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

Par ailleurs, le 1° du I du présent article complète les dispositions en vigueur de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier s'agissant de la nouvelle catégorie de créanciers chirographaires subordonnés résultant de la loi « Sapin 2 ». Comme cela a été précisé ci-avant, le contrat d'émission doit actuellement préciser que le créancier est chirographaire subordonné. Le 1° du I du présent article complète cette disposition conformément à la directive du 12 décembre 2017 précitée afin qu'il soit fait mention, le cas échéant, du rattachement de ces instruments à la catégorie de chirographaire subordonné dans le prospectus d'émission.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

À l'initiative du Gouvernement et avec un avis favorable de la commission, l'Assemblée nationale a complété le dispositif initial en adoptant un amendement visant à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances les dispositions du « paquet bancaire » (III du présent article).

L'habilitation proposée s'applique pendant un délai de vingt-quatre mois. Ce délai particulièrement long est justifié selon la direction générale du Trésor par l'incertitude sur la date d'adoption définitive du paquet bancaire, sans doute au cours du premier semestre 2019, et par le délai de transposition de dix-huit mois prévu pour les dispositions qu'il contient. Le B du III du présent article précise qu'un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Concrètement, le A du III du présent article propose d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures du domaine de la loi nécessaires dans trois domaines principaux .

Tout d'abord, le a du 1° du A du III du présent article porte sur la mise en conformité du code monétaire et financier avec les nouvelles règles prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement fixées par la directive CRD V. Il vise à cet égard les « règles concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, [...] la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres ».

Ensuite, le b du même 1° du A du III du présent article porte quant à lui sur le volet prévention et gestion des crises bancaires et permet de transposer la modification de la directive BRRD. Il vise ainsi les « règles concernant l'assainissement et la liquidation des personnes mentionnées à l'article L. 613-34 du code monétaire et financier 839 ( * ) , en particulier celles qui sont relatives à la résolution, aux capacités d'absorption des pertes et de recapitalisation ainsi qu'aux exigences en matière de fonds propres et d'engagements éligibles ».

Enfin, le 2° du A du III du présent article propose de clarifier les conditions dans lesquelles s'appliquent les procédures collectives prévues par le livre VI du code de commerce à l'égard d'entités appartenant à des groupes bancaires . Il s'agit en particulier de déterminer les conditions dans lesquelles est établi le scénario contrefactuel selon lequel la résolution est décidée. Pour rappel, en tant qu'alternative à la liquidation, la résolution ne peut conduire à faire supporter aux créanciers des pertes supérieures à celles qui seraient encourues en cas de liquidation. À cet égard, des précisions restent à apporter s'agissant des mesures de résolution susceptibles d'être adoptées à l'égard de personnes appartenant à un même groupe. Aussi l'habilitation proposée vise-t-elle à « adapter et clarifier les règles régissant les procédures collectives ouvertes à l'égard d'entités appartenant à un groupe financier ».

Par ailleurs, le 3 du A du III du présent article permet d'opérer les coordinations au sein du code monétaire et financier et d'autres codes et lois que les modifications précédentes pourraient rendre nécessaires.

Le 4 du A du III du présent article concerne l'application et les adaptations nécessaires pour l'application des dispositions précédentes en Outre-mer.

IV. La position de la commission

1. Une transposition nécessaire et bienvenue de la directive relative au rang des instruments de dette non garantie

L'introduction en droit national, par la loi « Sapin 2 » 840 ( * ) , d'une nouvelle catégorie de créanciers faisant l'objet d'une subordination contractuelle par rapport aux créanciers simples participait d'un double objectif : faciliter les capacités d'absorption en cas de mise en résolution d'un établissement de crédit en renforçant la sécurité juridique de cette procédure d'une part, et anticiper l'entrée en vigueur de l'exigence de capacité totale d'absorption des pertes (TLAC) au 1 er janvier 2019.

En effet, la directive « BRRD » 841 ( * ) oblige en cas de résolution d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'investissement que les pertes soient d'abord assumées par les actionnaires et les créanciers de l'entité, avant toute intervention du fonds de résolution.

Or, une double difficulté était susceptible de se matérialiser compte tenu :

- d'une part, de la grande hétérogénéité de la catégorie des créanciers chirographaires, qui comprenait les titulaires de titres de créance simples, mais aussi de passifs opérationnels ou de produits dérivés, rendant difficile la mobilisation rapide de l'ensemble de ces créanciers afin de supporter des pertes ;

- d'autre part, le principe prévu à l'article 34 de la directive « BRRD » dit du « no creditor worse off », en vertu duquel aucun créancier ne peut être plus mal traité en cas de résolution qu'il ne l'aurait été en cas de liquidation.

Il en résultait une potentielle fragilisation juridique de la procédure de résolution constituant un frein à sa bonne mise en oeuvre que la subordination contractuelle introduite a permis de surmonter.

Parallèlement, la réforme de 2016 s'inscrivait dans la perspective de l'entrée en application de l'exigence de capacité totale d'absorption des pertes (TLAC) au 1 er janvier 2019. Afin d'être pris en compte dans le calcul du TLAC, les titres de créance doivent être subordonnés aux passifs non éligibles, de sorte que les titres de créances simples relevant de la classe chirographaire initiale ne pouvaient pas être mobilisés par les grandes banques françaises pour le respect du TLAC. Il importait donc de leur permettre d'anticiper cette nouvelle réglementation en émettant des titres de créance simples éligibles au TLAC.

C'est pourquoi cette réforme pertinente a servi de base aux évolutions reprises au niveau de l'Union européenne par la directive du 12 décembre 2017 842 ( * ) qui, en s'inscrivant dans le cadre de la directive « BRRD » en a repris le champ d'application plus large que les seuls établissements de crédit.

En transposant ces dispositions, le présent article renforce la portée de la modification introduite dès 2016 en droit national en assurant sa mise en conformité.

2. Une habilitation visant à transposer rapidement les avancées du « paquet bancaire »

L'ajout introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement afin de transposer par voie d'ordonnance les mesures du « paquet bancaire » correspond à un champ plus vaste de dispositions.

Sur la forme, il doit tout d'abord être relevé que le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation avant même que les dispositions européennes à transposer fassent effectivement l'objet d'une adoption définitive. Si un premier compromis s'est défini lors de la réunion du Conseil de l'Union européenne le 25 mai 2018 avec l'adoption d'une orientation générale, ce n'est que le 4 décembre 2018 que le colégislateur européen a conclu un accord politique provisoire. Ce dernier doit encore être confirmé au sein de chacune des deux institutions, avec une perspective réaliste d'adoption définitive au cours du premier semestre 2019.

Pour autant, le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale sans que le contenu définitif du « paquet bancaire » soit connu, dans la mesure où les éventuelles modifications demandées par le Parlement européen n'étaient pas arrêtées à cette date.

Certes, le Conseil constitutionnel a accepté une habilitation en vue de transposer une habilitation en vue de transposer une directive non encore adoptée, au motif que son adoption pourrait intervenir pendant le délai d'habilitation 843 ( * ) . Toutefois, votre rapporteur ne peut que regretter cette démarche, renforçant le caractère de blanc-seing que revêt l'habilitation sollicitée au Parlement.

Sur le fond, le champ de l'habilitation couvre l'ensemble des dispositions contenues dans les modifications législatives arrêtées par le colégislateur européen le 4 décembre 2018.

Ces mesures constituent une avancée dans le traitement harmonisé des risques au niveau européen.

Cependant, les mesures contenues ne concernent que le traitement du risque à l'avenir.

Elles ne résolvent pas le stock de créances douteuses figurant encore au bilan des banques européennes, qui représente 3,4 % de leur encours total de crédit, soit 820 milliards d'euros, et se répartit de façon très hétérogène selon les États membres - 45 % des prêts en Grèce, 11,7 % au Portugal et 10 % en Italie 844 ( * ) .

Ces difficultés constituent un frein jusqu'ici non surmonté à la finalisation de l'union bancaire et en particulier à la concrétisation de son troisième pilier relatif au système européen de garantie des dépôts.

Votre commission a adopté deux amendements de précision rédactionnelle COM-562 et COM-563.

Votre commission a adopté l'article 68 ainsi modifié.

Article 69
Transposition de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen
et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations
des États-membres sur les marques et adaptation de notre droit
aux dispositions du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen
et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque
de l'Union européenne (« Paquet Marques »)

I. Le droit en vigueur

Dans son article L. 711-1, le code de la propriété intellectuelle définit une marque comme « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale ». Peuvent notamment constituer un tel signe, les dénominations sous toutes les formes, les signes sonores et les signes figuratifs.

La propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement 845 ( * ) auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Ce dépôt confère une protection pendant une période de dix ans, qui peut être indéfiniment renouvelée. Plus de 90 000 marques sont ainsi déposées chaque année à l'INPI.

La protection des marques au niveau communautaire et international

« Des mécanismes de protection ont également été instaurés au niveau communautaire et international afin de permettre à l'exploitant d'une marque qui souhaite exporter ses produits ou ses services, de protéger sa marque sur les territoires d'autres pays :

- au niveau communautaire, une procédure gérée par l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) permet au propriétaire d'obtenir un titre unique, la marque de l'Union européenne, qui s'applique automatiquement dans tous les pays membres de l'Union européenne ;

- au niveau international, le « système de Madrid » prévoit une procédure unique d'enregistrement des marques, gérée par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), cette procédure unique permettant ensuite au propriétaire de solliciter un titre de protection dans les 117 pays membres du « système de Madrid » ».

Source : Étude d'impact annexée au présent projet de loi

Afin de moderniser le système des marques au sein des États-membres, d'harmoniser les pratiques au niveau européen et de renforcer la coopération entre les offices nationaux des différents États-membres ainsi qu'avec l'office de l'Union européenne, la législation européenne relative aux marques a récemment évolué à l'occasion de l'adoption, en décembre 2015, du « Paquet Marques », entré en vigueur le 23 mars 2016 et composé :

- du règlement modificatif (UE) 2015/2424 sur la marque de l'Union européenne, codifié à droit constant par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne et entré en vigueur le 1 er octobre 2017 ;

- de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États-membres sur les marques et qui doit être transposée dans les droits nationaux avant le 14 janvier 2019 846 ( * ) .

II. Le dispositif proposé

Le I du présent article habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures nécessaires :

- à la transposition de la directive (UE) 2015/2436 précitée (1° du I du présent article) ;

- à la mise en conformité de notre droit avec le règlement (UE) 2017/1001 précité ( 2° du I du présent article ) ;

- à l'application, avec d'éventuelles adaptations, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna des dispositions issues du présent article et qui relèvent de la compétence de l'État 847 ( * ) ( 3° du I du présent article ) ;

- à l'adaptation de ces dispositions pour les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon 848 ( * ) ( 3° du I du présent article ).

Le II du présent article prévoit qu'un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Les dispositions de mise en conformité de notre droit avec le règlement et la directive qui ne relèvent pas du domaine de la loi feront l'objet d'un décret en Conseil d'État modifiant la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle.

Les principales modifications qu'il convient d'apporter à notre droit en vertu du « Paquet Marques » sont les suivantes :

1. Mise en place d'un système de dépôt mono-classe

Alors qu'en France, les modalités de dépôt en vigueur prévoient le paiement forfaitaire d'une redevance pour la désignation de trois classes de produits et services au sein de la classification internationale, la directive prévoit l'abandon du système forfaitaire au profit d'un système de paiement de redevances par classe de produits et services 849 ( * ) .

2. Abandon de l'exigence d'une représentation graphique comme condition de validité d'une marque

La levée de cette condition devrait notamment permettre de rapprocher le droit européen du droit américain. Ce dernier rend en effet possible depuis 1990 l'enregistrement d'une marque olfactive. Dans un premier temps, l'office de dépôt britannique avait accepté en 1996 l'enregistrement de deux marques olfactives, avant que le juge communautaire ne vienne en 2002 par le biais de deux questions préjudicielles repousser cette solution et écarter la possibilité d'un dépôt pour des parfums ou odeurs, qui ne présenteraient pas un caractère suffisamment précis.

Cette évolution permettra donc aux titulaires d'enregistrer en tant que marques des signes sonores, audio-visuels, olfactifs ou gustatifs 850 ( * ) . En conséquence, l'article L. 711-1 qui définit les éléments constitutifs de la marque devra être modifié.

3. Création de nouveaux motifs de refus d'enregistrement et d'annulation de la marque

L'article L. 712-7, qui prévoit actuellement les cas de rejet d'une demande d'enregistrement, devra être modifié en conséquence.

4. Renforcement de la procédure d'opposition des marques

Alors qu'actuellement en France, seule une marque antérieure permet de fonder une opposition, la directive 851 ( * ) prévoit d'étendre les droits antérieurs opposables.

L'article L. 712-4 qui prévoit actuellement que, pendant le délai de deux mois suivant la publication de la demande d'enregistrement d'une marque, opposition à cette demande peut être faite auprès du directeur de l'INPI par « le propriétaire d'une marque déposée ou enregistrée antérieurement ou bénéficiant d'une date de priorité antérieure, ou le propriétaire d'une marque antérieurement notoirement connue » devra donc être complété en ce sens.

Par ailleurs, l'opposant devra prouver l'usage sérieux des marques enregistrées depuis plus de cinq ans pour chacun des produits et services revendiqués et non plus pour un seul comme cela est le cas actuellement devant l'INPI.

5. Création de deux régimes distincts de « marques collectives » et de « marques de certification »

Ces deux régimes existent déjà en droit français 852 ( * ) (et notamment le régime des marques de certification 853 ( * ) qui n'est qu'optionnel dans la directive) mais ils doivent être complétés et harmonisés en vertu du « Paquet Marques ». Les articles L. 715-1 à L. 715-3, actuellement dévolus aux marques collectives, devront donc être refondus.

6. Création d'une procédure administrative en matière de déchéance et de nullité des marques nationales

Il conviendra d'introduire de nouvelles dispositions dans notre code de la propriété intellectuelle afin de créer cette nouvelle procédure prévue par la directive 854 ( * ) .

7. Renforcement de la lutte contre la contrefaçon

Le renforcement de la lutte contre la contrefaçon prévu par la directive passera par :

- le rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises en transit ;

- l'introduction de la possibilité pour le titulaire d'une marque de s'opposer en cas d'actes de contrefaçon préparatoires 855 ( * ) ;

- et le droit d'agir en contrefaçon en cas d'usage de noms commerciaux ou de dénominations sociales.

8. Révision du régime de la marque communautaire

Les articles L. 717-1 à L. 717-7 relatifs à la marque communautaire ont été créés en 2001 en application du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. Ce règlement, qui a été codifié en 2009 par le règlement (CE) 207/2009, a doté l'Union d'un système propre de protection des marques, qui prévoit une protection des marques au niveau de l'Union, parallèlement à la protection dont elles peuvent bénéficier au niveau des États-membres dans le cadre des systèmes de marques nationaux. La marque communautaire constitue un complément ou une alternative à la protection qu'offrent les marques au niveau des États-membres.

La prise en compte des dispositions issues du règlement modificatif (UE) 2015/2424 sur la marque de l'Union européenne 856 ( * ) impliquera donc une adaptation des articles L. 717-1 à L. 717-7 précités.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission spéciale a adopté quatre amendements rédactionnels.

En séance publique, le présent article a été adopté sans modification.

III. La position de votre commission

Votre commission est particulièrement attachée à la protection des marques, dont le non-respect représente un coût majeur pour notre économie. En 2017, les autorités douanières françaises ont saisi 8,4 millions d'articles de contrefaçon dont 2,3 millions d'articles achetés sur internet et transportés par fret. Deux tiers des entreprises propriétaires de marques subissent des contrefaçons. Ce commerce parallèle engendrerait une perte de 30 à 40 000 emplois légaux chaque année, sans compter le manque à gagner en termes de recettes fiscales. Les pertes annuelles liées à la contrefaçon seraient de l'ordre de 336 millions d'euros pour le secteur de la bijouterie et de l'horlogerie et de 100 millions d'euros pour celui de la maroquinerie et des articles de voyage 857 ( * ) .

Votre commission est donc favorable à la transposition du « Paquet Marques » qui renforce notre arsenal législatif en matière de protection des marques et tout particulièrement au rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises en transit sur le territoire de l'Union européenne qui avaient été mis à mal par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne de décembre 2011 858 ( * ) .

Dans ses observations formulées sur le présent projet de loi 859 ( * ) , la commission des affaires européennes du Sénat a estimé que la visibilité offerte par le texte d'habilitation au législateur était parfois réduite.

En effet, dans certains de ses articles la directive offre des options au législateur national. Or, ni le texte d'habilitation, ni l'exposé des motifs n'indiquent les choix qui seront retenus par le Gouvernement dans son ordonnance. C'est le cas notamment en matière de refus d'enregistrement, de nullité de l'enregistrement ou encore de refus d'enregistrement de marques de garantie ou de certification.

La commission des affaires européennes a en outre estimé indispensable que la transposition soit précédée d'un examen approfondi des facultés ouvertes par la directive en matière d'enregistrement de marques collectives.

Votre commission a adopté l'article 69 sans modification.

Article 69 bis A (supprimé)
Habilitation pour transposer par ordonnance
une directive européenne relative à la lutte contre la fraude

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté en séance publique un article additionnel visant à autoriser le gouvernement à transposer par ordonnance la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal.

Cette directive établit des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions en matière de lutte contre la fraude et les autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.

Il convient de rappeler que le droit pénal européen constitue une compétence partagée de l'Union et de ses États membres. Par conséquent, les normes sont formulées au niveau européen, mais leur mise en oeuvre et leur exécution se font au niveau national. Il revient aux États membres de fixer les sanctions tandis que les juridictions nationales sont seules compétentes pour juger et prononcer les sanctions.

II. La position de votre commission

Le gouvernement a justifié l'examen de cet amendement dans le présent projet de loi par le fait que l'harmonisation des sanctions pénales en cas de fraude proposée par la directive (UE) 2017/1371 permettait d'éviter des distorsions de concurrence entre les entreprises des différents membres de l'Union européenne.

Votre commission considère le lien entre la demande d'habilitation de cette directive d'une part et la croissance et la transformation des entreprises d'autre part particulièrement ténu, voire inexistant. En réalité, l'introduction de cette disposition au moment de l'examen du projet de loi en séance publique relève plus d'une « opportunité législative », le Gouvernement cherchant à utiliser le présent projet de loi pour faire adopter des dispositions qui n'ont pas encore trouvé de support législatif.

En conséquence, votre commission a adopté l' amendement COM-368 supprimant le présent article.

Votre commission a supprimé l'article 69 bis A.

Article 69 bis (supprimé)
Habilitation du Gouvernement à transposer la directive du 30 mai 2018 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme

Le présent article prévoit d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de transposer la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, et plus généralement afin de renforcer le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

I. Le droit existant

L'ordonnance n° 2016-1635 du 1 er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, que vise à ratifier l'article 71 du présent projet de loi, a transposé en droit interne les dispositions de la quatrième directive anti-blanchiment , c'est-à-dire la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Toutefois, de nouvelles règles ont été récemment adoptées au niveau européen et nécessitent de nouvelles mesures de transposition.

Les principales nouveautés de la cinquième directive anti-blanchiment, c'est-à-dire la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 , sont les suivantes :

- un renforcement des compétences des cellules de renseignement financier de l'Union européenne (Tracfin en France), de leurs moyens de coopération et de leur accès aux informations ;

- la création d'un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales (entreprises etc.) ;

- la création d'un registre des bénéficiaires effectifs des trusts, accessible sans restrictions aux autorités compétentes (cellules de renseignement financier, professionnels assujettis aux obligations anti-blanchiment tels que les établissements financiers et avocats etc.), ainsi qu'à toute personne justifiant d'un intérêt légitime ;

- une interconnexion des registres nationaux des bénéficiaires effectifs afin d'améliorer la coopération et l'échange d'informations entre États membres ;

- la possibilité pour les États membres de lever l'anonymat des cartes prépayées dès lors que celles-ci sont utilisées pour des achats supérieurs à 150 euros (ou 50 euros en cas d'achat en ligne) ;

- l'extension du champ des personnes assujetties aux règles anti-blanchiment aux plateformes d'échange et de stockage de monnaies virtuelles et aux intermédiaires sur le marché des oeuvres d'art ;

- un renforcement des obligations de vigilance concernant les pays tiers à haut risque , c'est-à-dire les pays dont le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme présente des déficiences importantes ;

- la mise en place de registres nationaux centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement ou de systèmes centraux de recherche de données dans tous les États membres.

Cette directive devra être transposée par les États membres et applicable au plus tard le 10 janvier 2020 .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par la commission spéciale de l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement , avec l'avis favorable de notre collègue députée Coralie Dubost, rapporteure. Un amendement rédactionnel a été adopté à l'initiative de cette dernière en séance publique.

Il vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de transposer la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Le champ de l'habilitation va plus loin que la seule transposition de la directive, et vise plus généralement à renforcer le dispositif français de lutte anti-blanchiment. Le Gouvernement serait ainsi habilité à :

« - [prendre] toute mesure de coordination et d'adaptation rendue nécessaire en vue de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

« - assujettir aux mesures de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme des entités autres que celles mentionnées à l'article 2 de la directive ;

« - modifier les règles figurant aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V du code monétaire et financier en vue de compléter le dispositif existant de gel des fonds et ressources économiques ;

« - autoriser l'accès aux fichiers tenus par la direction générale des finances publiques pertinents pour les besoins de l'exercice de leurs missions par les agents des services de l'État chargés de mettre en oeuvre ces décisions de gel et d'interdiction de mise à disposition ;

« - créer un dispositif ad hoc de transposition sans délai des mesures de gel prises par le Conseil de sécurité des Nations Unies au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en vertu des résolutions 1267 (1999), 1718 (2006), 1737 (2006) et de leurs résolutions subséquentes, comme le requiert le Groupe d'action financière ».

Ces mesures connexes visent notamment à améliorer l'efficacité de du dispositif national de gel des avoirs , notamment en permettant l'accès aux bases FICOBA, FICOVIE, BNDP, dans la perspective de l'évaluation de la France par le Groupe d'action financière (GAFI) en janvier 2021.

L'habilitation permettrait enfin au Gouvernement de rendre applicables ces dispositions, avec les adaptations nécessaires à leurs compétences propres et à leurs spécificités, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'à Saint-Barthélemy.

III. La position de votre commission

Tout en partageant l'objectif poursuivi par le Gouvernement et en saluant les apports importants de la cinquième directive anti-blanchiment, votre rapporteur estime que le dispositif proposé ne présente pas de lien, même indirect, avec le texte initial, et qu'il est à ce titre contraire à l'article 45 de la Constitution .

Votre commission a par conséquent adopté l'amendement COM-559 de suppression de cet article présenté par votre rapporteur.

La date limite de transposition, fixée au 10 janvier 2020, devrait laisser le temps de trouver un véhicule législatif adapté pour permettre au Parlement d'habiliter le Gouvernement à légiférer.

Votre commission a supprimé l'article 69 bis.

Article 70
Réévaluation comptable des immobilisations corporelles
des grands ports maritimes de l'État et de certains ports autonomes

I. Le droit existant

En vertu de décisions ministérielles prises durant la Seconde guerre mondiale 860 ( * ) , l'ensemble des ports français - soit les grands ports maritimes (GPM) 861 ( * ) , les deux grands ports fluviaux de Paris et de Strasbourg, les ports autonomes, les chambres de commerce maritime, les chambres de commerce gérant les infrastructures portuaires, ainsi que les municipalités concessionnaires de l'outillage public propriété de l'État étaient exonérés de l'impôt sur les sociétés jusqu'au 1 er janvier 2018.

Par une décision du 27 juillet 2017, la Commission européenne a mis en demeure les autorités françaises de supprimer, à compter du 1 er janvier 2018, l'exonération d'impôt sur les sociétés bénéficiant aux ports, lorsqu'ils sont engagés dans des activités économiques 862 ( * ) , au motif que cette exonération représentait une « aide existante 863 ( * ) » et que les ports devaient être assimilés à des « entreprises 864 ( * ) » dès lors qu'ils exercent une activité économique.

D'après cette décision, le non-paiement de l'impôt par les ports constitue, en l'espèce, un « avantage économique » au regard de l'impôt s'appliquant en France à l'ensemble des entreprises 865 ( * ) . Seules les activités régaliennes, ainsi que les objectifs d'aménagement dans l'intérêt général, ne sont pas considérés comme des activités économiques et sont susceptibles de bénéficier d'une dérogation au cadre fiscal de l'impôt sur les sociétés. 866 ( * )

La Commission a enfin précisé que la fin de cette exemption devait s'appliquer, au plus tard, aux revenus générés par des activités économiques à partir du début de l'année fiscale suivant l'adoption de la mesure de mise en conformité, soit au 1 er janvier 2018.

À la suite de cette décision, contre laquelle la France n'a pas fait appel, et en application de l'instruction administrative publiée le 6 décembre 2017, les exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2018 par les ports français - autres que les grands ports maritimes et les deux grands ports fluviaux de Paris et de Strasbourg - n'ont pu «  se prévaloir des commentaires doctrinaux prévoyant cette exonération d'impôt sur les sociétés à compter du 1 er janvier 2018. » 867 ( * )

À l'inverse, les grands ports maritimes et les grands ports fluviaux de Paris et de Strasbourg sont des établissements actuellement soumis au recueil des normes comptables des établissements publics (RNCEP) 868 ( * ) . Conformément à la norme 6 dudit recueil - norme relative aux immobilisations corporelles -, la comptabilisation des actifs corporels de ces grands ports maritimes s'opère sur leur coût historique, sans possibilité de procéder à des réévaluations libres, en dehors d'éventuelles dépréciations fondées sur des tests de dépréciation.

En conséquence, seule une évolution, par voie législative, de la réglementation comptable applicable aux GPM et aux grands ports fluviaux de Paris et de Strasbourg leur permettrait de procéder à une réévaluation comptable de leurs actifs corporels.

II. Le dispositif proposé

Afin d'assurer « l'entrée en fiscalité », au 1 er janvier 2018, des GMP et des grands ports fluviaux de Paris et de Strasbourg comme en dispose la mise en demeure de la France par la Commission européenne, le présent article modifie le droit en vigueur à deux niveaux.

D'une part, afin d'assurer à ces établissements la possibilité de réévaluer leurs actifs corporels, il introduit une dérogation à l'arrêté du 1 er juillet 2015 869 ( * ) et à la proscription de la réévaluation libre des actifs corporels des établissements publics.

Il est ainsi précisé, dans le premier alinéa de cet article 70, que les immobilisations corporelles de ces grands ports maritimes « peuvent faire l'objet d'une réévaluation comptable libre à leur valeur actuelle à la date de clôture des comptes de l'exercice 2017, y compris dans le cas où les comptes de cet exerce auraient été arrêtés et approuvés à la date de la publication de la présente loi » ; la contrepartie étant inscrite au sein de leurs fonds propres.

D'autre part, s'agissant de l'arrêt des comptes de l'année 2017, les second et troisième alinéas de l'article 70 permettent de déroger à l'article L.5312-8 du code des transports 870 ( * ) , lequel fixe, au 30 juin de l'année suivante, la date-butoir d'arrêt des comptes de l'année en cours.

La date-butoir d'arrêt des comptes 2017 de ces établissements est ainsi repoussée au 31 mai 2019.

Enfin, la première phrase du premier alinéa de l'article 70 a été modifiée lors de son examen par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, suite à un amendement rédactionnel de notre collègue députée Coralie Dubost (LREM) 871 ( * ) .

III. La position de votre commission

Soucieux de l'avenir de nos ports, votre rapporteur ne peut que reconnaître la nécessité de la mise en conformité de leurs règles comptables avec le droit de l'Union européenne.

Cette possibilité ouverte aux GPM et aux deux grands ports fluviaux de Paris et de Strasbourg leur permettra de bénéficier de dispositifs attachés à la fiscalité des entreprises, en tirant parti des procédures d'amortissement, comme ont pu le faire, avant eux, leurs homologues européens, notamment le Port de Rotterdam.

À l'initiative de votre rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-568 qui permet d'étendre cette faculté de réévaluation aux ports gérés en régie directe par les collectivités territoriales ou par les établissements publics auxquels ces collectivités ont transféré leurs actifs 872 ( * ) .

Dans un contexte où la perspective de l'après-Brexit pèse sur l'évolution de nos ports, situés sur la façade Atlantique et sur la Manche 873 ( * ) , votre rapporteur estime que cette réponse des pouvoirs publics à la mise en demeure de la Commission européenne est un acte de responsabilité, à la condition que la loi soit publiée dans les délais impartis afin de respecter le calendrier auquel ces ports se sont préparés 874 ( * ) .

La commission a adopté l'article 70 ainsi modifié.

Article 71
(art. L. 214-7-4, L. 214-24-33, L. 214-154, L. 214-165-1, L. 214-169,
L. 214-170, L. 214-175-1, L. 524-6, L. 532-9, L. 532-20-1, L. 532-21-3, L. 561-2,
L. 561-3, L. 561-7, L. 561-8, L. 561-10, L. 561-21, L. 561-22, L. 561-25,
L. 561-31, L. 561-32, L. 561-36 à L. 561-36-2, L. 561-46, L. 562-3, L. 612-35-1
et L. 621-31 du code monétaire et financier, art. L. 84 D et L. 228 A
du livre des procédures fiscales, article 1649 AB du code général des impôts, art. L. 225-100 et L. 824-3 du code de commerce, art. L. 229-38 du code
de l'environnement, art. L. 311-11, L. 311-16, L. 311-30, L. 311-53,
L. 326-12, L. 326-13, L. 421-9, L. 423-1, L. 423-2, L. 423-4, L. 423-5, L. 423-7
et L. 423-8 du code des assurances, art. L. 222-9, L. 431-1, L. 431-2,
L. 431-4, L. 431-5, L. 431-7 et L. 431-8 du code de la mutualité, articles
L. 931-37 à L. 931-39, L. 931-41, L. 931-42, L. 932-46, L. 951-2 et L. 951-11
du code de la sécurité sociale, art. 2488-6, 2488-10 et 2488-11 du code
civil, art. 8-2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions
d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant
sur les immeubles et les fonds de commerce, art. 5 de l'ordonnance
n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique
de la gestion d'actifs et du financement par la dette)
Ratification de vingt-trois ordonnances

I. Le droit en vigueur

1. L'ordonnance n° 2014-696 du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance vie au financement de l'économie

L'article 17 de la loi n° 2014-1 du 2 décembre 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la modification du code des assurances, afin de créer contrat eurocroissance.

C'est en application de cette habilitation qu'a été prise l'ordonnance n° 2014-696 du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance vie au financement de l'économie.

Conçu comme un « troisième pilier de l'assurance-vie », à côté du fonds en euros et des unités de compte, le fonds eurocroissance comporte une garantie en capital, totale ou partielle, au terme d'une durée de détention contractuelle d'au moins huit ans.

À cette fin, l'ordonnance complète le titre III du livre I er du code des assurances par un chapitre IV nommé « Engagements donnant lieu à constitution d'une provision de diversification ».

Dans le détail, l'article L.134.1 autorise les entreprises d'assurance sur la vie à contracter des engagements « en cas de vie » ou « en cas de décès », à l'exception d'engagements d'assurance temporaire en cas de décès. Ces engagements peuvent comprendre la garantie d'une rente ou un capital à échéance. Ils donnent lieu à la constitution d'une provision de diversification destinée à absorber les fluctuations des actifs en représentation.

Pour une description détaillée du cadre juridique de l'assurance-vie, le lecteur est invité à consulter le commentaire de l'article 21 du présent projet de loi.

2. L'ordonnance n° 2015-558 du 21 mai 2015 relative aux succursales établies sur le territoire français d'établissements de crédit ayant leur siège social dans un État qui n'est pas membre de l'Union européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen

L'article L. 511-21 du code monétaire et financier définit les succursales d'établissement de crédit comme des « [sièges] d'exploitation qui constituent une partie dépourvue de personnalité juridique d'un établissement de crédit ou d'un établissement financier et qui effectue directement, en tout ou en partie, les opérations inhérentes à l'activité d'un établissement de crédit ».

Deux cas doivent être distingués :

- lorsqu'il s'agit d'une succursale d'une banque d'un État membre de l'Union européenne, elle bénéficie du « passeport européen » , c'est-à-dire la possibilité de faire valoir son agrément obtenu dans cet autre État membre pour bénéficier en France de la liberté d'établissement et de la libre prestation de service ;

- lorsqu'il s'agit d'une succursale d'une banque d'un pays tiers , à savoir hors Union européenne ou Espace économique européenne, elle doit obtenir un agrément auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Selon l'ACPR, 18 succursales sont agréées au 30 juin 2018, représentant un total de bilan de 58,2 milliards d'euros , soit 0,7 % des actifs du secteur bancaire en France, pour un effectif de 674 personnes.

Alors que le régime juridique des succursales de banques établies dans un pays tiers revêtait un caractère très lacunaire, la directive du 26 juin 2013 sur les exigences de fonds propres, dite « CRD IV » 875 ( * ) , a renforcé les exigences applicables à ces entités. Son article 47 prévoit en effet que les États membres ne peuvent accorder aux succursales d'établissements de crédit de pays tiers un régime plus favorable qu'aux succursales d'établissements européens.

Lors de la transposition de la directive « CRD IV » par l'ordonnance du 20 février 2014 876 ( * ) , il a uniquement été renvoyé à un arrêté du ministre chargé de l'économie le soin de préciser les « règles applicables aux succursales établies sur le territoire de la République française par des établissements de crédit ayant leur siège social dans un État qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

Toutefois, à défaut d'arrêté spécifique traitant des succursales de pays tiers, aucune disposition n'assurait la mise en conformité avec les dispositions de l'article 47 de la directive « CRD IV ». Par conséquent, le risque d'arbitrage réglementaire entre l'installation d'un établissement de crédit d'un pays tiers au sein d'un État membre de l'Union européenne sous forme de succursales ou de filiale n'était pas prévenu.

C'est pourquoi l'article 19 de la loi du 30 décembre 2014 877 ( * ) a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi permettant de compléter et d'adapter les dispositions du code monétaire et financier aux succursales des établissements de crédit des pays tiers ainsi qu'à étendre ces dispositions, avec les adaptations nécessaires, dans les collectivités d'outre-mer.

Sur ce fondement, l'ordonnance du 21 mai 2015 878 ( * ) a été adoptée afin d'étendre aux succursales de pays tiers le régime applicable en France aux établissements de crédit sous réserve d'aménagements tenant compte de leurs spécificités.

Composée de quatre articles, l'ordonnance modifie le chapitre I er du titre I er du livre V du code monétaire et financier portant dispositions générales relatives aux prestataires de services bancaires, et procède à différentes mesures de coordination.

L'ordonnance comprend trois types de mesures relatives :

- aux règles d'agrément ;

- aux ratios prudentiels ;

- aux règles de gouvernance .

S'agissant des règles d'agrément , il est prévu que les succursales sont agréées par l'ACPR en tant qu'établissement de crédit , sous réserve que l'établissement de crédit dont dépend la succursale s'engage à exercer à l'égard de cette dernière des missions équivalentes à celles qui sont confiées, par la réglementation prudentielle française, au conseil d'administration et à l'assemblée générale.

S'agissant des ratios prudentiels, l'ACPR peut exempter totalement ou partiellement les succursales des exigences de solvabilité, de liquidité, de levier de grands risques sous certaines conditions. Trois conditions doivent être remplies :

- la réglementation du pays d'origine doit être jugée équivalente à la réglementation française ;

- l'établissement de crédit dont dépend la succursale doit s'engager à assurer lui-même la surveillance des opérations de la succursale et faire en sorte que la succursale ait en France les fonds suffisants pour la couverture de ses engagements ;

- les établissements de crédit français doivent bénéficier d'un traitement équivalent de la part de l'autorité compétente de l'État de l'établissement de crédit dont dépend la succursale - condition de réciprocité.

Selon les informations transmises par l'ACPR, deux succursales d'établissements de crédit japonais bénéficient d'une exemption totale aux normes de solvabilité, grands risques, liquidité et levier et six succursales d'une exemption partielle.

S'agissant de la gouvernance, les règles de droit commun prévues pour les établissements de crédit sont entièrement applicables aux succursales d'établissements de crédit de pays tiers.

Par ailleurs, les succursales de taille significative, à savoir celles dont le total de bilan excède cinq milliards d'euros, doivent justifier de l'existence d'un comité des risques et d'un comité des rémunérations ou d'un dispositif permettant d'atteindre les mêmes finalités. Parmi les 18 succursales agréées par l'ACPR, quatre succursales excèdent ce seuil de bilan 879 ( * ) .

3. L'ordonnance n°2016-312 du 17 mars 2016 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs

L'article 29 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi (à l'exception de celles intervenant en matière répressive) nécessaires à la transposition de la directive du 23 juillet 2014, dite directive « OPCVM V » 880 ( * ) . Celle-ci modifie le cadre législatif applicable aux organismes de placement collectif en valeur mobilière s'agissant des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions ainsi que les mesures d'adaptation et d'harmonisation liées à cette directive.

C'est en application de cette habilitation qu'a été prise l'ordonnance n° 2016-312 du 17 mars 2016 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs.

La directive « OPCVM V » modifie les règles européennes relatives aux dépositaires agissant pour le compte d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), et qui n'avaient pas connu de modification depuis leur adoption en 1985. La directive met fin aux interprétations divergentes retenues au sein des différents États membres à l'occasion de contentieux sur la responsabilité des dépositaires chargés de la conservation des actifs et de leur délégataire. Elle permet ainsi de clarifier ce régime de responsabilité.

Par ailleurs, la directive introduit une harmonisation européenne du cadre réglementaire applicable aux OPCVM en matière de régime de sanctions et de pratiques de rémunération, s'inspirant de principes fixés par le G20 déjà appliqués pour d'autres types d'organismes de placement collectifs, et en cohérence avec les orientations retenues dans d'autres secteurs financiers.

4. L'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse

L'article 168 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de nature législative permettant la modernisation du régime des bons de caisse, créant le régime des « minibons », à savoir les bons de caisse faisant l'objet d'une intermédiation par les plateformes de financement participatif, et adaptant le régime juridique applicable aux professionnels du financement participatif.

C'est en application de cette habilitation que le Gouvernement a adopté l'ordonnance n° 2016-520 du 28 juin 2016, qui :

- modernise le régime général des bons de caisse , instruments de financement qui étaient largement tombés en désuétude, avant de retrouver une nouvelle popularité dans le cadre du financement participatif (voir le commentaire de l'article 71 quinquies du présent projet de loi) ;

- crée le régime des « minibons » , à savoir les bons de caisse faisant l'objet d'une intermédiation par les plates-formes de financement participatif, tenues par les conseillers en investissements participatifs (CIP) ou les prestataires de services d'investissements (PSI). L'ordonnance reconnaît à cette occasion les protocoles de registres distribués (« blockchain ») dans le droit français, afin notamment de permettre de sécuriser la gestion des « minibons » ;

- procède à des adaptations du régime juridique applicable aux professionnels du financement participatif précités, afin de leur permettre de proposer de tels titres, et renforce leurs obligations d'information en direction de leurs clients concernant les risques encourus ;

- précise les modalités d'application de la réforme outre-mer.

5. L'ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers

L'article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive 2014/65/UE (dite « MiFID II ») et porter adaptation en droit interne du règlement (UE) 600/2014 (dit « MiFIR »), relatifs aux marchés d'instruments financiers.

C'est en application de cette habilitation que le Gouvernement a adopté l' ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers , que le V du présent article propose de ratifier.

La directive MiFID II et le règlement MiFIR ont été adoptés en 2014 à la suite de la crise financière de 2008 . Ils visent à « rendre les marchés financiers davantage transparents, résilients et efficaces, et à renforcer le niveau de protection des investisseurs » 881 ( * ) . En particulier, le règlement européen précité impose que les activités de négociations d'instruments financiers suffisamment liquides s'opèrent sur des plates-formes régulées. Dans cette perspective, l'ordonnance reconnaît une nouvelle catégorie de plate-forme de négociation - les systèmes organisés de négociation .

En outre, l'ordonnance améliore la transparence des marchés . Des règles sont établies « pour améliorer la consolidation et la mise à disposition du public des données de négociation » 882 ( * ) . Les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sont renforcés, en particulier dans le domaine des instruments dérivés de matières premières ( voir sur ce point le commentaire de l'article 23 du présent projet de loi ). Les plates-formes et leurs membres doivent mettre en place des contrôles pour la négociation à haute fréquence.

Enfin, un régime harmonisé d'accès au marché européen pour les entreprises des pays tiers est prévu par la directive, sur la base d'une décision d'équivalence de la Commission européenne. Ce régime s'applique à ce stade uniquement pour la fourniture de services d'investissement à des clients professionnels ( voir sur ce point le commentaire de l'article 23 du présent projet de loi ) .

6. L'ordonnance n° 2016-1575 du 24 novembre 2016 portant réforme du dispositif de gel des avoirs

Le 5° du I de l'article 118 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement a autorisé le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures législatives visant à réformer le dispositif français de gel des avoirs , et plus précisément à modifier le code monétaire et financier « en vue notamment d'étendre le champ des avoirs susceptibles d'être gelés et la définition des personnes assujetties au respect des mesures de gel et d'interdiction de mise à disposition des fonds, d'étendre le champ des échanges d'informations nécessaires à la préparation et à la mise en oeuvre des mesures de gel et de préciser les modalités de déblocage des avoirs gelés ».

L'ordonnance n° 2016-1575 du 24 novembre 2016 portant réforme du dispositif de gel des avoirs a été prise sur ce fondement .

Son article 1 er procède à une réécriture du chapitre II du titre VI de livre V du code monétaire et financier afin d'introduire, principalement, les modifications suivantes :

- une clarification et une harmonisation avec les textes européens des définitions d'acte de terrorisme, des fonds, des ressources économiques, de la détention et du contrôle, du gel des fonds et du gel des ressources économiques (article L. 562-1). La notion de ressources économiques est notamment étendue aux avoir mobiliers (véhicules etc.) et immobiliers ;

- une distinction des fondements sur lesquels le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur peuvent décider de geler les avoirs, soit au titre de la lutte contre le financement du terrorisme (article L. 562-2), soit dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures de gel décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le Conseil de l'Union européenne (article L. 562-3) ;

- une interdiction automatique de mise à disposition de fonds et de ressources économiques au profit d'une personne visée par une mesure de gel (article L. 562-5) ;

- un élargissement du champ de cette interdiction , au-delà des seules personnes mentionnées à l'article L. 561-2 qui détiennent ou reçoivent des fonds pour le compte d'un client, aux personnes morales et organismes susceptibles de verser des prestations aux personnes visées (article L. 562.4), y compris les personnes de droit public , tout en précisant que cette interdiction ne fait pas obstacle au versement de fonds sur des comptes dont les fonds sont gelés (article L. 562-7) ce qui permet en pratique le versement des prestations sur de tels comptes bancaires ;

- des dispositions précisant les modalités nécessaires à la mise en oeuvre effective des mesures de gel des ressources économiques que sont les biens immobiliers et les véhicules afin que la mutation de tels biens ne puisse favoriser la mise à disposition de fonds au profit des personnes visées par une mesure de gel des avoirs (article L. 562-8) ;

- des dispositions précisant les modalités d'exécution (article L. 562-9) et d'opposabilité (article L. 562-10) des mesures de gel des avoirs ;

- la possibilité pour le ou les ministres compétents d'autoriser, dans certaines conditions, le déblocage de fonds ou la mise à disposition de fonds ou ressources économiques qui font l'objet d'une mesure de gel des avoirs. Il s'agit notamment de prendre en compte la nécessité pour une personne physique faisant l'objet de la mesure de couvrir les frais du foyer familial et d'assurer la conservation de son patrimoine (article L. 562-11) ;

- l'extension des possibilités d'échanges d'information entre les agents de certaines directions des ministères économiques et financiers dans le cadre de la préparation et de la mise en oeuvre des mesures de gel des avoirs (article L. 562-12) ;

- l'obligation pour les établissements de crédit désignés par la Banque de France en application de la procédure de droit au compte de recueillir l'autorisation préalable du ministre compétent avant de procéder à l'ouverture d'un compte à une personne faisant l'objet d'une mesure de gel des avoirs (article L. 562-13).

7. L'ordonnance n° 2016-1635 du 1 er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

L'article 118 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement a autorisé le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures législatives visant à renforcer le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme , et plus précisément à :

« 1° Transposer la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme , modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission et adopter toute mesure de coordination et d'adaptation rendue nécessaire en vue de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

« 2° Définir les modalités d'assujettissement aux mesures de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de contrôle et de sanction de certaines professions et catégories d'entreprises autres que les entités mentionnées à l'article 2 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 précitée ».

L'ordonnance n° 2016-1635 du 1 er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme a été prise sur ce fondement . Celle-ci constitue une avancée importante permettant à la France de lutter plus efficacement contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et emporte de nombreuses modifications législatives. Ses vingt-trois articles procèdent principalement à des modifications au sein du livre V du code monétaire et financier 883 ( * ) , afin notamment :

- d'étendre le champ des personnes assujetties aux mesures de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en y intégrant notamment les intermédiaires d'assurance, en opérations de banque ou en financement participatif, les plateformes de conversion des monnaies virtuelles, les agents sportifs et les commerçants métaux précieux et bijoutiers ;

- de préciser certaines notions, telles que les « personnes politiquement exposées » (PPE) et les « relations d'affaires » ;

- de renforcer les mesures de vigilance que les personnes assujetties devront appliquer et de renforcer l'approche par les risques en leur imposant une obligation d'évaluation de ces risques en vue d'ajuster l'intensité des mesures de vigilance à mettre en oeuvre et d'adapter leurs procédures y compris au niveau des groupes ;

- de consolider les règles de contrôle et de sanction applicables aux personnes assujetties en cas de manquement à leurs obligations ;

- de prévoir la centralisation des informations sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales au sein du registre du commerce et des sociétés et de mettre en place un registre des bénéficiaires effectifs des trusts ;

- d'étendre les prérogatives de la cellule de renseignement financier Tracfin, notamment en élargissant son droit de communication à l'égard de toutes les personnes assujetties et pas uniquement aux établissements financiers et en développant les règles d'échange et de transmission d'informations avec d'autres services de l'État, ainsi qu'avec les cellules de renseignements financiers étrangères ;

- d'étendre les prérogatives de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme , celle-ci étant désormais dotée d'un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, de police administrative (mesures conservatoires, possibilité d'adresser des mises en demeure etc.) et de sanctions (jusqu'à 100 millions d'euros ou 10 % du chiffre d'affaires mondial avec retrait de l'agrément).

8. L'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées

La directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, a mis en place un régime commun de reconnaissance harmonisé entre les États de l'Union (le régime antérieur étant composé de directives sectorielles) afin d'assurer la promotion de la flexibilité des marchés du travail, la libéralisation accrue de la prestation de services, une plus grande automaticité dans la reconnaissance des qualifications et la simplification des procédures administratives.

Cette première base juridique a été modifiée et modernisée en 2013 par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 sur quatre points :

- l'assouplissement des conditions de reconnaissance : la durée d'expérience professionnelle requise pour autoriser la libre prestation de service, dans le cas où la profession est réglementée en France mais ne l'est pas dans le pays d'origine, est réduite à un an ; les conditions de reconnaissance pour les établissements permanents sont élargies ;

- la création d'un certificat électronique, la « carte professionnelle européenne » , qui permet aux professionnels qui en bénéficient de justifier des qualifications nécessaires à l'exercice de leur profession dans les autres États membres. Elle n'est cependant aujourd'hui pas généralisée à l'ensemble des professions réglementées ;

- l'introduction du principe d'accès partiel à une profession , en cas de différentiel de périmètre couvert par les règlementations nationales. En particulier, lorsque la réglementation de l'État membre d'accueil couvre un champ d'activité plus large que celle de l'État membre d'origine, la reconnaissance s'effectue pour les seules activités ou opérations pour lesquelles le professionnel est qualifié dans son État membre d'origine ;

- l'amélioration de la sécurité juridique du dispositif par l'introduction d'un mécanisme d'alerte entre États membres sur les professionnels interdits d'exercice dans leur pays, la mise en place d'échanges électroniques via le système Information du marché intérieur (IMI) géré par la Commission et la création de centres d'assistance pour les citoyens souhaitant voir leurs qualifications reconnues dans un autre État membre.

Le 2° du I de l'article 216 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de sa promulgation, les mesures relevant du domaine de la loi qui ont pour objet de transposer la directive 2013/55/UE.

Sur ce fondement a été prise l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées. Ce texte couvre la majorité des professions réglementées en France : celles qui ne sont pas couvertes par ce texte le sont par d'autres vecteurs législatifs ou relèvent exclusivement du niveau réglementaire. L'ordonnance prévoit des dispositions transversales et des dispositions sectorielles.

Des dispositions transversales facilitent la reconnaissance des qualifications professionnelles tout en renforçant les garanties pour les consommateurs et les patients . Les articles 1 à 10 de l'ordonnance prévoient ainsi :

- l'établissement des principes régissant la carte professionnelle dématérialisée et ses conditions de délivrance ;- la clarification des modalités de coopération administrative bilatérale entre les autorités compétentes européennes en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles (application du système européen « IMI ») ;- la fixation de la procédure relative au mécanisme d'alerte permettant la diffusion de l'identité d'un professionnel à l'ensemble des autorités compétentes en la matière de l'Union, pour les professionnels :

o exerçant une activité liée à la santé ou à l'éducation des mineurs, soumis à une suspension ou une interdiction d'exercer en raison d'un manquement relatif à l'exercice de la profession, ou

o ayant fait l'objet d'une condamnation pour avoir présenté de fausses preuves à l'appui de leurs qualifications professionnelles dans le cadre d'une demande de reconnaissance ;

- l'amélioration de l'information et des procédures de reconnaissance des qualifications professionnelles par un système de « guichet unique » ;

- la fixation d'un niveau de « connaissances linguistiques » minimal pour exercer en France, variable selon la profession concernée. L'ordonnance prévoit un niveau de connaissance plus élevé pour les activités professionnelles ayant des implications en matière de sécurité des patients.

Des dispositions spécifiques adaptent ces règles à certaines professions réglementées nécessitant un cadre juridique particulier. Les articles 11 à 25 de l'ordonnance prévoient à cet égard l'assouplissement des conditions de recevabilité pour plusieurs professions lorsqu'elles ne sont pas réglementées dans leur État d'origine :

o les assistants de service social européens et les psychologues européens ;

o les demandes de prestations temporaires des guides-conférenciers, des contrôleurs techniques européens, des formateurs à la conduite de bateau, des géomètres-experts, des opérateurs de vente volontaire de meubles aux enchères, des éducateurs et agents sportifs, des professeurs de danse, des responsables d'établissement d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, et d'établissement destiné à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère ;

o les demandes d'exercice temporaire ou d'installation des agents immobiliers, des administrateurs de biens, des syndics de copropriété, des marchands de listes et des experts-comptables.

Les formes de l'assouplissement varient d'une profession à l'autre. Ainsi, un accès partiel à la profession d'avocat pour les activités de consultation juridique ou de rédactions d'actes sous seing privé est prévu, et l'ordonnance procède à la modification du régime de libre prestation de services pour les contrôleurs techniques de construction.

9. L'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale

Dans l'objectif d'améliorer l'articulation entre les différentes procédures d'autorisation auxquelles sont soumises les projets d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation, deux expérimentations permettant l'obtention d'une autorisation unique ont été mises en place dès 2014. L'ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installation classées pour la protection de l'environnement, prise sur la base de l'habilitation prévue à l'article 14 de la loi n°2014-1 du 2 janvier habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, a permis aux projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, d'installations de méthanisation et d'installations de production d'électricité ou de biométhane à partir de biogaz, dans sept régions identifiées 884 ( * ) , ainsi qu'à tous les projets ICPE de Champagne-Ardenne et de Franche-Comté, de bénéficier d'une « autorisation unique » délivrée par le préfet, valant autorisation au titre de plusieurs régimes d'autorisation du code de l'environnement, de l'urbanisme, de l'énergie et du code forestier.De même, l'ordonnance n°2014-619 du 12 juin 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement a permis aux IOTA d'obtenir une autorisation unique .

Avant que cette expérimentation ne fasse l'objet d'une évaluation finale, le Gouvernement a été habilité par l'article 103 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques à procéder par ordonnance à la généralisation et à la pérennisation de cette expérimentation relative à une autorisation unique. Préalablement à la prise de cette ordonnance, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte étendu cette expérimentation à la France entière.

L'autorisation unique a ainsi été pérennisée sur tout le territoire français par l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale. Entrée en vigueur au 1er mars 2017, la nouvelle « autorisation environnementale » unique couvre désormais une quinzaine d'autorisations relevant de l'État.

Le 5 avril 2017, le Gouvernement a présenté au Bureau du Sénat un projet de loi de ratification de l'ordonnance n°2017-80 précitée.

10. L'ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente

L'article 114 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique 885 ( * ) , dite « Sapin 2 », a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour procéder à deux modifications législatives :

- d'une part, afin de créer une nouvelle catégorie d'organismes ayant pour objet la gestion des régimes de retraite professionnelle supplémentaire , et soumis à un régime prudentiel moins contraignant que celui des organismes d'assurance ;

- d'autre part, afin de moderniser le régime des plans d'épargne retraite populaire, des retraites supplémentaires par points et de modifier le statut des institutions de retraite professionnelle collective pour favoriser la commercialisation des plans d'épargne retraite collective en libre prestation de service.

Pour une description complète du cadre juridique de l'épargne retraite supplémentaire, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 20 du présent projet de loi.

Tout en soulignant que le Parlement aurait dû examiner directement ces dispositions, notre collègue Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances sur ce texte, avait indiqué partager l'objectif du Gouvernement d'assouplir le régime prudentiel des retraites professionnelles supplémentaires, afin d'améliorer leur rendement et de favoriser leur contribution au financement de l'économie 886 ( * ) .

C'est sur le fondement de cette habilitation qu'a été prise l'ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unité de rente.

Elle crée les organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire (ORPS) , parfois qualifiés de « fonds de pension à la française ». Les ORPS doivent être constitués sous une des formes sociales spécifiques à l'activité de retraite professionnelle supplémentaire, à savoir sous forme :

- de fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS), constitués en société anonyme ou en société d'assurance mutuelle, régie par le code des assurances ;

- de mutuelle ou union de retraite professionnelle supplémentaire (MRPS ou URPS), régies par le code de la mutualité ;

- d' institution de retraite professionnelle supplémentaire (IRPS), régie par le code de la sécurité sociale.

S'agissant du volet prudentiel, les ORPS sont soumis aux mêmes règles de gouvernances issues de la directive dite « Solvabilité II » 887 ( * ) que celles applicables aux organismes d'assurance, à l'exception des règles quantitatives issues du pilier 1 de cette même directive.

11. L'ordonnance n° 2017-734 du 4 mai 2017 portant modification des dispositions relatives aux organismes mutualistes

L'article 48 de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II » 888 ( * ) , a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la refondation du code de la mutualité, notamment en renouvelant la gouvernance des organismes mutualistes et en améliorant la protection et l'information du consommateur.

C'est sur ce fondement que l'ordonnance n° 2017-734 du 4 mai 2017 portant modification des dispositions relatives aux organismes mutualistes a été prise.

L'ordonnance opère ainsi une évolution de la gouvernance, en permettant une évolution des rôles entre l'assemblée générale et le conseil d'administration, en clarifiant les modalités d'élection ou de désignation des délégués à l'assemblée générale et en simplifiant les modalités de vote. Elle modernise aussi le statut de l'élu mutualiste afin d'améliorer la reconnaissance de l'engagement mutualiste et d'ouvrir l'accès des élus à la formation.

L'ordonnance procède à une harmonisation des règles entre les codes de la mutualité, de la sécurité sociale et des assurances afin de permettre une meilleure information et protection des assurés. Les objectifs poursuivis sont l'homogénéisation des règles applicables entre les différentes catégories d'organismes exerçant une activité d'assurance d'une part, la qualité et la lisibilité de la législation d'autre part. Le dispositif de substitution est revu, afin de permettre un contrôle et une sécurité renforcés au profit des adhérents et des organismes mutualistes.

12. L'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés

La loi n° 2007-211 du 19 février 2007 a instauré le régime juridique de la fiducie en droit français. L'article 2011 du code civil qui en est issu prévoit en effet que « la fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires . ».

L'article 2328-1 du code civil issu de la même loi, complété par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, et désormais abrogé, prévoyait par ailleurs que « toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation », créant ainsi la notion d'« agent des sûretés » sans pour autant la nommer. Le recours à un agent des sûretés est particulièrement utile à l'occasion d'un crédit syndiqué, qui fait intervenir plusieurs établissements prêteurs, ou lors de l'émission d'obligations par une société, garanties par des sûretés en faveur des obligataires, ou encore lorsqu'un débiteur consent des sûretés à plusieurs groupes de créanciers. Il a pour rôle de gérer les sûretés qui garantissent l'opération, de façon uniforme, au profit de l'ensemble des créanciers.

Les lois du 19 février 2007 et du 4 août 2008, en créant le régime juridique de l'agent des sûretés, avaient ainsi pour objectif de faire face aux insuffisances des instruments juridiques du droit français (mandat, solidarité active notamment) et à la concurrence des droits étrangers permettant ce type d'opérations sous la forme du trust anglo-saxon 889 ( * ) ou de la « parallel debt » de droit anglo-saxon, allemand ou néerlandais 890 ( * ) .

Toutefois, ce nouvel instrument s'est révélé inefficace et a été peu utilisé par les praticiens en raison de trop nombreuses imprécisions quant à la qualification juridique de l'opération et à son régime applicable. En outre son rôle était trop restreint, puisque que ce texte n'accordait de pouvoirs à l'agent des sûretés qu'en matière de sûretés réelles.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, la lutte contre la corruption, et la modernisation de la vie économique, a donc habilité le Gouvernement à réformer le régime de l'agent des sûretés par voie d'ordonnance. L'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés, prise en application de cette habilitation et entrée en vigueur le 1 er octobre 2017, a modifié les dispositions applicables à l'agent des sûretés. L'article 2328-1 du code civil a ainsi été abrogé et de nouvelles dispositions ont été insérées aux articles 2488-6 à 2488-12 du code civil dans un nouveau titre III consacré à l'agent des sûretés.

L'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 a pour objet de remédier aux lacunes du régime de l'agent des sûretés, tel qu'issu de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 et de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, l'objectif étant, selon l'article 117 de la loi « Sapin 2 » n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 de « doter le droit français d'un régime juridique de l'agent des sûretés efficace, permettant de concurrencer les dispositifs existants dans les pays anglo-saxons ».

Tout d'abord, l'ordonnance rend possible le recours à un agent des sûretés pour l'ensemble des sûretés, et non plus uniquement les sûretés réelles. Le nouvel article 2488-6 al. 1 du Code civil pose en effet en règle que « toute sûreté ou garantie peut être prise, inscrite, gérée et réalisée par un agent des sûretés, qui agit en son nom propre au profit des créanciers de l'obligation garantie ». L'ajout du terme « garantie » élargit au maximum le champ d'application de l'article, en permettant de mobiliser des techniques qui ne relèvent pas nécessairement du livre quatrième du code civil.

Par ailleurs, les textes issus de l'ordonnance permettent à l'agent des sûretés de gérer l'opération du début jusqu'à la fin. Il pourra procéder aux différentes opérations relatives à une garantie qu'il s'agisse de sa prise, de son inscription, de sa gestion ou encore de sa réalisation.

Il est également prévu que la désignation de l'agent des sûretés ne se fasse plus nécessairement dans l'acte qui constate l'obligation garantie. Cette désignation peut intervenir dans un autre acte pouvant être conclu à un autre moment. En revanche, comme le précise l'article 2488-7 du code civil, l'acte de désignation de l'agent des sûretés est un contrat solennel. En effet, « à peine de nullité, la convention par laquelle les créanciers désignent l'agent des sûretés doit être constatée par un écrit qui mentionne sa qualité, l'objet et la durée de sa mission ainsi que l'étendue de ses pouvoirs ».

Le régime juridique de l'agent des sûretés est également précisé par les textes issus de l'ordonnance. Il résulte de l'article 2488-6 du code civil que l'agent des sûretés agit en son propre nom. Il n'a donc pas la qualité de mandataire, puisqu'il n'agit pas au nom des créanciers qui l'ont recruté. Le changement d'un des créanciers du pool sera donc sans incidence, ce qui accroît la souplesse du mécanisme. Cette opération, qui ne s'apparente donc pas à un mandat, se rapproche de la technique fiduciaire, sans toutefois en relever en tant que telle. En effet l'agent des sûretés est titulaire des sûretés et garanties, comme cela résulte des alinéas 2 et 3 de l'article 2288-6 du code civil. Les droits et biens acquis par l'agent des sûretés dans l'exercice de sa mission forment un patrimoine affecté à celle-ci, distinct de son patrimoine propre. Entreront en effet dans le patrimoine créé spécialement pour l'opération les sûretés et garanties elles-mêmes ainsi que les actifs perçus dans le cadre de leur gestion et réalisation.

Il est également précisé, dans la mesure où l'agent des sûretés agit en son nom propre, que celui-ci devra faire mention de sa qualité lorsqu'il agit au profit des créanciers garantis. L'agent des sûretés peut exercer toute action pour défendre les intérêts des créanciers de l'obligation garantie, sans avoir à justifier d'un mandat spécial. Ces actions pourront tendre à la conservation, à la gestion ou à la réalisation des sûretés et garanties. Les prérogatives de l'agent des sûretés seront toutefois fonction des pouvoirs qui lui auront été accordés par les créanciers dans le contrat de désignation.

D'autres conséquences découlent de la création d'un patrimoine d'affectation. Tout d'abord, l'article 2488-10 du code civil prévoit que les droits et biens acquis par l'agent des sûretés dans l'exercice de sa mission ne peuvent être saisis que par les titulaires de créances nées de leur conservation ou de leur gestion, à l'exception de l'existence et l'exercice d'un droit de suite d'un autre créancier, et des cas de fraude. Enfin, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel à l'égard de l'agent des sûretés est sans effet sur le patrimoine affecté à sa mission, afin de protéger les créanciers bénéficiaires des garanties.

Il est également prévu que tout créancier bénéficiaire des sûretés et garanties puisse demander en justice la désignation d'un agent des sûretés provisoire ou le remplacement de l'agent, si l'agent manque à ses devoirs, s'il met en péril les intérêts qui lui sont confiés, ou s'il fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité. Le remplacement de l'agent des sûretés emporte de plein droit la transmission du patrimoine affecté au nouvel agent (art. 2488 al. 11). Pour finir, si l'agent des sûretés commet des fautes dans l'exercice de sa mission, l'article 2488-12 du code civil dispose qu'il est responsable sur son patrimoine propre, sauf si les parties ont organisé contractuellement la responsabilité de cet agent en mobilisant les ressources du droit commun des contrats.

Ainsi, par l'ensemble de ces précisions et ajouts, l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 renforce les pouvoirs de l'agent des sûretés et clarifie son régime juridique, tout en protégeant les créanciers l'ayant désigné contre le risque d'insolvabilité de l'agent. Ce faisant, elle facilite la gestion des sûretés en cas de pluralité de créanciers, en particulier dans les opérations de crédit syndiqué, faisant intervenir plusieurs établissements prêteurs, ou lors de l'émission d'obligations par une société au profit d'une multitude d'obligataires.

13. L'ordonnance n° 2017-970 du 10 mai 2017 tendant à favoriser le développement des émissions obligataires

L'ordonnance du 10 mai 2017, dont l'objectif était le développement des émissions obligataires, a modifié le régime précédemment en vigueur, régi en grande partie par un décret-loi du 30 octobre 1935, qu'elle abroge, et dont les dispositions avaient été reprises par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et codifiées dans le code de commerce.

Le nouveau régime assure à la délivrance des obligations un fonctionnement plus simple, plus souple, et laissant plus de place à la liberté contractuelle. Les modifications intervenues concernent aussi bien l'émission d'obligations que les modalités de représentation des obligataires.

• La modification des conditions d'émission des obligations

L'ordonnance prévoit un régime de vérification préalable à l'émission d'obligations, requise pour les sociétés par actions n'ayant pas établi deux bilans régulièrement approuvés par les actionnaires, plus souple. Cette vérification peut désormais être assurée par un ou plusieurs commissaires désignés par l'organe de la société ayant qualité pour décider ou autoriser l'émission d'obligations, tel le conseil d'administration, voire le directeur général, agissant sur délégation.

En outre, et par exception, une telle vérification de l'actif et du passif n'est plus requise si l'émission d'obligations bénéficie de la garantie d'une société ayant, elle, établi deux bilans régulièrement approuvés par les actionnaires, ce qui aura pour effet de faciliter l'émission d'obligations par des filiales récemment créées, qui bénéficient de la garantie d'une société de leur groupe, le plus souvent leur société-mère.

Le conseil d'administration (ou le directoire) conserve le pouvoir d'autoriser l'émission des obligations, sauf clause statutaire contraire. Il peut toutefois dorénavant déléguer à toute personne les pouvoirs nécessaires pour réaliser, dans un délai d'un an, l'émission d'obligations et en arrêter les modalités. Une telle flexibilité était jusque-là limitée au bénéfice des établissements de crédit.

L'ordonnance modifie également les conditions d'octroi de sûretés réelles à la garantie du remboursement des obligations. Le texte précisait jusque-là qu'en cas d'émission d'obligations assorties de sûretés réelles, les sûretés devaient être constituées par la société avant l'émission, et que leur acceptation par les obligataires était rétroactive à compter de la souscription des obligations. Le mécanisme était original, puisque la sûreté était constituée au profit d'une créance future, l'effet rétroactif permettant d'être immunisé d'une éventuelle période suspecte. Le texte vient clarifier cet aspect, prévoyant que la constitution des sûretés peut avoir lieu « concomitamment » et non plus nécessairement « avant » l'émission.

Dans le cas où les sûretés sont constituées avant l'émission des obligations, la loi disposait que celles-ci l'étaient pour le compte de la masse des obligataires, laquelle n'existait pas encore. Le texte nouveau prévoit quant à lui que « lorsque l'acte spécial est conclu avant l'émission des obligations, les représentants de la masse peuvent être parties à celui-ci pour le compte de la masse des obligataires en formation ».

Enfin, le régime spécifique d'autorisation de l'octroi des sûretés qui était prévu à l'article L. 228-78 du code de commerce est abrogé, laissant le droit commun s'appliquer en la matière. De même disparaît la constatation du résultat de l'émission assortie de sûretés réelles « dans un acte authentique par le représentant de la société », résultant de l'ancien article L. 228-79, al. 2 du code de commerce). Les cas de mainlevées d'une sûreté pourront par ailleurs être prévus au contrat d'émission, sans nécessairement avoir recours aux décisions de l'assemblée des obligataires.

L'ordonnance autorise désormais les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les sociétés de financement non seulement à racheter leurs propres obligations, mais également à y souscrire directement. La disposition est une exception expresse aux principes des articles 1349 du code civil et L. 228-74 du code de commerce. Cette souscription de ses propres titres de créances n'a toutefois vocation qu'à être temporaire.

Enfin, la documentation contractuelle peut désormais être rédigée en langue étrangère, dès lors qu'elle est comprise de l'investisseur. L'article L. 213-6-3, I, du code monétaire et financier dispose en substance que « le contrat d'émission ainsi que tout autre document contractuel afférent à l'émission des obligations, à leur service financier ou à leur couverture peuvent être rédigés dans une langue, autre que le français, usuelle en matière financière », mais uniquement lorsque l'investissement est supérieur à une valeur fixée par décret et qu'il n'y a pas offre au public.

L'émetteur a dorénavant la faculté de modifier le contrat d'émission des obligations, sans le consentement des obligataires, afin de corriger une erreur matérielle.

• La modification des conditions de représentation des obligataires

Le décret-loi du 30 octobre 1935 relatif à la protection des obligataires avait imposé la réunion des obligataires en une masse, dotée de la personnalité juridique et chargée de leur protection. Le fonctionnement de cette masse est régi en détail dans le code de commerce et offre une protection aux porteurs d'obligations. L'émetteur gagne ainsi à avoir un interlocuteur unique, représentant l'ensemble des obligataires d'une même émission et les obligataires ont eux aussi intérêt à se regrouper pour mieux défendre leurs intérêts collectifs.

L'ordonnance vient modifier les règles de représentation des obligataires. Elle précise ainsi que le représentant de la masse doit être désigné dans le contrat d'émission, lorsque les obligations sont offertes au public. Dans le cas contraire, l'assemblée générale des obligataires ou, à défaut, une décision de justice, pourra également opérer cette désignation. Le représentant de la masse a dorénavant la faculté expresse de déléguer ses pouvoirs, à l'exception de celui d'ester en justice.

Il est désormais possible de déroger par la voie contractuelle aux conditions de forme et de délai pour la convocation de l'assemblée générale. Celle-ci pourra également faire l'objet d'une simple consultation écrite, éventuellement par voie électronique, si le contrat d'émission l'a prévu. Le contrat pourra également prévoir une participation par visioconférence ou autre moyen de télécommunication permettant d'identifier l'obligataire.

Par exception au principe de représentation des obligataires, aucune masse ne devait précédemment être constituée lorsque l'emprunt était « émis à l'étranger par des sociétés françaises ». C'était donc une conception territoriale qui commandait la dérogation. Aujourd'hui, « le contrat d'émission des obligations dont la valeur nominale à l'émission est au moins égale à un montant fixé par décret en Conseil d'État peut prévoir que tout ou partie des dispositions législatives et réglementaires relatives à la masse des obligataires, aux représentants de la masse et aux assemblées générales d'obligataires ne leur sont pas applicables. Dans cette hypothèse, le contrat d'émission des obligations organise la représentation des obligataires et prévoit les règles de quorum et de majorité applicables à leurs décisions » (article L. 231-6-3 du code monétaire et financier). En l'absence de masse, les obligataires seront considérés comme des créanciers ordinaires lorsque l'émetteur participe à une opération de fusion, de scission, de réduction de capital non motivée par des pertes.

Cette réforme permet donc une modernisation du régime applicable aux émissions obligataires. Elle permet, en pratique, plus de flexibilité dans la structuration des termes et conditions des obligations, via la contractualisation, partielle, du régime.

14. L'ordonnance n° 2017-1090 du 1 er juin 2017 relative aux offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l'emprunteur sur un compte de paiement

Le II de l'article 67 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II ») habilitait le Gouvernement à prendre, par ordonnance, « toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d'encadrer, dans le dans le respect de l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier, les conditions dans lesquelles la souscription par un consommateur d'un contrat de crédit immobilier ainsi que le niveau de son taux d'intérêt peuvent être associés à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation de ses revenus, quelle que soit leur nature ou leur origine, pendant la durée du crédit ».

C'est sur cette base que le Gouvernement a adopté l'ordonnance n° 2017-1090 du 1 er juin 2017 relative aux offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l'emprunteur sur un compte de paiement, dans le délai de six mois prévu par l'article 67 précité.

Il a ensuite déposé sur le Bureau du Sénat, dans le délai de trois mois prévu par le même article 67, un projet de loi de ratification 891 ( * ) permettant d'éviter la caducité de l'ordonnance.

L'ordonnance modifie le code de la consommation pour prévoir :

- que le prêteur « peut » conditionner une offre de prêt immobilier à la domiciliation par l'emprunteur de ses salaires ou revenus assimilés sur un compte de paiement à condition toutefois que cette domiciliation ait pour contrepartie un « avantage individualisé » accordé à l'emprunteur (1 er alinéa de l'article L. 313-25-1 issu du 2° de l'article 1 er de l'ordonnance) ; il peut s'agir par exemple d'un taux d'intérêt plus bas ou de frais de dossiers réduits voire supprimés ;

- que cette condition ne peut être imposée au-delà d'une durée maximale fixée à dix ans 892 ( * ) ; au terme de ces dix années, l'avantage individualisé est acquis à l'emprunteur jusqu'à la fin du prêt (deuxième alinéa de l'article L. 313-25-1 issu du 2° de l'article 1 er de l'ordonnance) ;

- qu'en revanche, si avant le terme du délai de dix ans, l'emprunteur cesse de satisfaire à la condition de domiciliation, le prêteur peut mettre fin à l'avantage individualisé pour les échéances restant à courir (troisième alinéa de l'article L. 313-25-1 issu du 2° de l'article 1 er de l'ordonnance) ;

- que l' offre de prêt doit indiquer si le prêt est subordonné à une condition de domiciliation et identifier clairement l'avantage individualisé correspondant (10° de l'article L. 313-25 issu du 2° de l'article 1 er de l'ordonnance) ;

- que si un avenant au contrat de prêt porte sur la condition de domiciliation, il doit aussi, notamment, mentionner l'avantage individualisé correspondant (troisième alinéa de l'article L. 313-39 issu du 3° de l'article 1 er de l'ordonnance) ;

- qu'est réputée non écrite toute clause subordonnant l'octroi du prêt à la condition de domiciliation s'il n'existe pas d'avantage individualisé en contrepartie ainsi que toute clause qui exigerait le respect de cette condition au-delà du délai de dix ans (article L. 341-34-1 issu de l'article 2 de l'ordonnance).

Ces nouvelles dispositions du code de la consommation s'appliquent aux offres de prêt émises depuis le 1 er janvier 2018 ainsi qu'à leurs avenants.

15. L'ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement

Les articles 46 et 122 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II ») ont habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour achever l'adaptation du droit interne à la directive MiFID II et au règlement MiFIR, et pour procéder à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement.

C'est en application de cette habilitation que le gouvernement a adopté l'ordonnance 2017-1107 du 22 juin 2017, que le XV du présent article propose de ratifier.

Si l'essentiel des dispositions de MiFID II avait déjà fait l'objet d'une transposition en droit français par l'ordonnance n° 2016-827 précitée, les dispositions relatives aux pouvoirs des autorités compétentes des États membres et à leur coopération avec l'Autorité européenne des marchés financiers, restaient à préciser, ce qui est réalisé par le biais de cette ordonnance.

Surtout, l'ordonnance vise à opérer la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille (SGP) de celui des entreprises d'investissement (EI). Historiquement, les sociétés de gestion de portefeuille exerçant une activité de gestion collective relevaient de la catégorie des entreprises d'investissement, alors même que cette activité ne constitue pas un service d'investissement au sens de l'article L. 321-1 du code monétaire et financier. Toutefois, « le droit de l'Union européenne a adopté une définition plus restrictive des entreprises d'investissement excluant les sociétés de gestion de portefeuille exerçant une activité de gestion collective ». Dès lors que les sociétés de gestion font désormais l'objet de directives sectorielles adaptées et que les entreprises d'investissement sont soumises à de nouvelles règles d'organisation et de fonctionnement plus strictes, il est apparu nécessaire de procéder à la séparation de la gestion collective et des entreprises d'investissement en droit français. Il s'agit ainsi de limiter la sur transposition des directives européennes.

Enfin, l'ordonnance comporte la correction de quatre erreurs matérielles.

16. L'ordonnance n° 2017-1142 du 7 juillet 2017 portant simplification des obligations de dépôt des documents sociaux pour les sociétés établissant un document de référence

L'ordonnance n° 2017-1142 du 7 juillet 2017 portant simplification des obligations de dépôt des documents sociaux pour les sociétés établissant un document de référence a été prise en application du 2° de l'article 136 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II »).

Cette ordonnance a pour objet d'alléger les obligations de dépôt des rapports et informations afférents à chaque exercice prévues à l'article L. 232-23 du code de commerce pour les sociétés qui sont également tenues d'établir le document de référence prévu par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Ce texte modifie l'article L. 232-23 du code précité, lequel fixe les obligations de dépôt de documents comptables 893 ( * ) auprès du greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, qui s'imposent à toute société par actions.

La modification introduite permet aux sociétés cotées qui déposent auprès de l'AMF un document de référence de le déposer également au greffe du tribunal de commerce dans les délais légaux de publicité des comptes, ce qui les exonère alors de l'obligation de dépôt des documents exigés, dès lors que ceux-ci sont déjà contenus dans le document de référence déposé. Le document de référence devra alors comprendre une table de concordance permettant au greffier d'identifier tous les documents qu'il comporte. Les documents obligatoires non inclus dans le document de référence devront faire l'objet d'un dépôt concomitamment à celui-ci au greffe du tribunal.

L'article 2 de l'ordonnance est une disposition d'application qui fixe une entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance aux rapports afférents au premier exercice ouverte à partir du 1er janvier 2017 et déposés à compter du 1er avril 2018.

L'article 3 de l'ordonnance prévoit les modalités de son application dans les îles Wallis et Futuna.

17. L'ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés

L'ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés a été prise sur habilitation issue des 1° et 4° de l'article 136 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II »).

Compte tenu des nombreuses informations devant être communiquées par les entreprises, du fait de leurs obligations de reporting , sur de multiples supports parfois redondants, la loi « Sapin II » a prévu par voie d'ordonnance la rationalisation et la modernisation de ces documents. L'habilitation résultant des 1° et 4° de l'article 136 vise plus particulièrement le rapport de gestion (art. L. 225-100 du code de commerce) et le rapport du président (art. L. 225-37 ou L. 225-68 du code de commerce).

L'objet de l'ordonnance était de prévoir des supports d'information plus cohérents sans modifier les obligations d'information à la charge des sociétés. Elle a ainsi mis en oeuvre la suppression du rapport du président sur le contrôle interne et la gestion de risques. Le conseil d'administration (ou le conseil de surveillance) doit en revanche présenter à l'assemblée générale un rapport sur le gouvernement d'entreprise (art. L 225-37 et L 225-68 du code de commerce), qui peut prendre la forme d'un rapport distinct joint au rapport de gestion, ou d'une section spécifique du rapport de gestion dans les sociétés à conseil d'administration.

Ce nouveau rapport sur le gouvernement d'entreprise regroupe les informations relatives à la gouvernance (par exemple la composition ainsi que les conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil), aux rémunérations (par exemple la rémunération des mandataires sociaux dans les sociétés cotées) ainsi que les éléments susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique (par exemple la structure du capital de la société).

Le rapport de gestion est quant à lui désormais essentiellement consacré aux questions relatives à la marche des affaires, aux risques et à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Ainsi, pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les principales caractéristiques des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place par la société, relatives à l'élaboration et au traitement de l'information comptable et financière, devront figurer dans le rapport de gestion.

Les sociétés commerciales qualifiées de petites entreprises 894 ( * ) seront exemptées de l'obligation d'exposer dans le rapport de gestion (art. L. 225-100-1 et L 232-1 nouveaux du code de commerce) : les indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à l'activité de la société ; les informations portant sur l'utilisation des instruments financiers, la politique de couverture et l'exposition aux risques de prix, de crédit, de liquidité et de trésorerie ; leurs activités en matière de recherche et de développement, ainsi que la liste des succursales.

Ces dispositions sont applicables depuis le premier exercice ouvert à compter du 1 er janvier 2017. Elles concernent donc les rapports publiés depuis mai-juin 2018.

18. L'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette

L'ordonnance du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette 895 ( * ) , prise en application de l'article 117 de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II » , a modifié les dispositions du code monétaire et financier relatives aux fonds d'investissement alternatifs (FIA) . Il s'agit en particulier de définir les conditions dans lesquelles ces fonds peuvent octroyer des prêts à des entreprises, afin de diversifier leurs sources de financement.

Cette ordonnance a élargi les moyens de financement non bancaires des entreprises en créant une nouvelle catégorie de fonds d'investissement alternatif.

Trois types de fonds doivent être distingués :

- les fonds professionnels spécialisés , comprenant eux-mêmes trois déclinaisons avec le fonds d'investissement professionnel spécialisé (FIPS), la société d'investissement professionnelle spécialisée (SIPS) et la société de libre partenariat (SLP) ;

- les organismes de titrisation , susceptibles de prendre deux formes juridiques, à savoir la copropriété sans personnalité morale, dans le cas d'un fonds commun de titrisation, et la société anonyme ou par actions simplifiée, avec personnalité morale pour la société de titrisation ;

- les organismes de financement spécialisés , sous deux formes juridiques, à savoir la copropriété sans personnalité morale pour le cas des fonds de financement spécialisé, et la société anonyme ou par actions simplifiée avec personnalité morale, pour les sociétés de financement spécialisé.

La création des organismes de financement spécialisé résulte de l'ordonnance du 4 octobre 2017. Les dispositions spécifiques qui leur sont applicables figurent aux articles L. 214-190-1 à L. 214-190-3 du code monétaire et financier.

Ces organismes ont pour objet d'investir directement ou indirectement dans des titres de capital (actions), des titres de quasi-capital (obligations convertibles ou échangeables en actions) ainsi que des titres de créance (obligations) et peuvent accorder directement des prêts aux entreprises non financières.

Contrairement aux organismes de titrisation, les organismes de financement spécialisé relèvent de la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, dite « AIFM » , du 8 juin 2011. Il en résulte deux conséquences :

- en matière de gestion, la société de gestion de l'organisme peut être agréée directement par l'Autorité des marchés financiers ou par une autorité d'un autre État membre de l'Union européenne ;

- en matière de commercialisation, l'organisme de financement spécialisé émet des parts ou actions pouvant être placées auprès d'investisseurs européens.

19. L'ordonnance n° 2017-1608 du 27 novembre 2017 relative à la création d'un régime de résolution pour le secteur de l'assurance

Le V de l'article 47 de la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II » précitée 896 ( * ) a habilité le Gouvernement à mettre en place un mécanisme de résolution des entreprises d'assurance 897 ( * ) par voie d'ordonnance.

Ce mécanisme national s'inspire des mesures prévues pour les banques au niveau national par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 898 ( * ) et, au niveau européen, par la directive du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, dite « BRRD » 899 ( * ) .

C'est sur ce fondement que l'ordonnance n° 2017-1608 du 27 novembre relative à la création d'un régime de résolution pour le secteur de l'assurance a été prise. En pratique, elle étend au secteur de l'assurance le régime de résolution mis en oeuvre dans le secteur bancaire , en procédant aux adaptations tenant compte des spécificités des assurances.

Comme pour les banques, c'est l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui est compétente pour mettre en oeuvre la procédure de résolution.

Un chapitre spécifique est créé au sein du titre I er du livre III du code des assurances, regroupant les dispositions relatives aux régimes de résolution en assurance.

20. L'ordonnance n° 2017-1609 du 27 novembre 2017 relative à la prise en charge des dommages en cas de retrait d'agrément d'une entreprise d'assurance

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) est une structure chargée d'indemniser les victimes de préjudices dans un nombre défini de situations. Il est issu du Fonds de garantie automobile (FGA), créé en 1951 900 ( * ) pour répondre à l'augmentation des accidents de la route, dont le champ d'intervention a été progressivement étendu jusqu'à sa transformation en FGAO par la loi n° 2003-710 du 1 août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

La compétence du FGAO couvre depuis lors quatre domaines : les accidents de circulation et de chasse, les risques miniers, les risques technologiques et la défaillance d'une société d'assurance.

Le FGAO est une personne morale de droit privé dont la mission est de couvrir les risques faisant l'objet d'une obligation d'assurance. Il regroupe toutes les entreprises d'assurance agréées en France et soumises au contrôle de l'État et toutes les entreprises offrant des garanties en matière d'assurance automobile et de chasse. Le Fonds est financé par les contributions des entreprises d'assurance, des assurés et des responsables non assurés d'accident de la circulation et de chasses. Il s'agit donc d'un mécanisme socialisation du risque .

L'article 149 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de sa promulgation, toute mesure relevant du domaine de la loi et modifiant les dispositions du chapitre I er du titre II du livre IV du code des assurances relatives au FGAO, afin de :

- limiter le champ de la mission du fonds de garantie ;

- modifier les conditions applicables aux entreprises fournissant des contrats d'assurance dont la souscription est obligatoire au titres des articles L. 211-1, L. 242-1 et L. 251-1 du code des assurances, et celles applicables à l'indemnisation de leurs bénéficiaires ;

- supprimer la contribution des entreprises d'assurance et rationaliser les modalités de financement de la mission « Défaillance » du Fonds de garantie.

L'ordonnance n° 2017-1609 du 27 novembre 2017 relative à la prise en charge des dommages en cas de retrait d'agrément d'une entreprise d'assurance cherche à préserver, sur le long terme, les dispositifs de solidarité nationale qui garantissent un niveau élevé de protection des personnes physiques victimes d'un dommage et s'exercent en subsidiarité des mécanismes assurantiels. Pour ce faire, ses dispositions prévoient :

- la simplification du cadre d'intervention du FGAO en matière de défaillance d'une entreprise d'assurance , par le regroupement de l'ensemble des dispositions relatives à sa mission « Défaillance » dans une unique section du code des assurances ;

- le recentrage de la mission « Défaillance » du FGAO sur la protection des personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations de contrats d'assurance couvrant les garanties obligatoires de responsabilité civile automobile et de dommages ouvrages ;

- la suppression des différences de traitement entre les entreprises d'assurance agréées en France et celles opérant en France en libre prestation de services ou en libre établissement , par l'extension du champ d'intervention du FGAO des premières aux secondes ;

- la facilitation des échanges d'information entre le Fonds de garantie et les autorités chargées du contrôle des entreprises d'assurance ;

- l'harmonisation des autres dispositions par coordination avec les modifications du champ de la mission « Défaillance » du FGAO , en particulier concernant :

o les droits de subrogation permettant de recouvrer les indemnités versées ;

o les dispositions relatives à l'assurance de responsabilité civile automobile et à l'assurance de dommages ouvrages ;

o les modalités de financement de la mission « Défaillance », avec le maintien des contributions des assureurs concernés, des contributions extraordinaires de ces mêmes assureurs pour faire face à de nouvelles failles, et l'ajout de contributions différentes pour les interventions du FGAO en responsabilité civile automobile et en dommages ouvrages ;

- la mise en conformité des déclarations financières produites par les entreprises d'assurance à leurs états financiers annuels et un système de signalement auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en cas de situation irrégulière relevée par le FGAO ;

- des précisions concernant les modalités d'indemnisation , par le Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soin dispensés par des professionnels de santé (FAPDS), des personnes victimes d'un dommage bénéficiaires d'une garantie de responsabilité civile médicale fournie par une entreprise d'assurance défaillantes ; avec des mesures transitoires et des modalités en vigueur visant à garantir la sécurité juridique du dispositif.

21. L'ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers

L'article 120 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II ») a habilité le gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires permettant la représentation et la transmission au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé (DEEP) - communément appelé « blockchain » - des titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d'un dépositaire central des titres (DCT), ni livrés dans un système de règlement et de livraison d'instruments financiers.

C'est en application de cette habilitation que le Gouvernement a adopté l'ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017, que le XXI du présent article propose de ratifier.

L'ordonnance « a retenu le champ le plus large possible au vu de l'habilitation donnée, à savoir l'ensemble des titres qui ne sont pas admis aux opérations d'un DCT, et, en pratique, ceux pour lesquels l'émetteur pourra décider de l'inscription dans un DEEP » 901 ( * ) . Sont ainsi visés :

- les titres de créances négociables ;

- les parts ou actions d'organismes de placement collectif ;

- les titres de capital émis par les sociétés par actions et les titres de créance autres que ceux négociables, à condition qu'ils ne soient pas négociés sur une plate-forme de négociation.

Cette ordonnance constitue ainsi la seconde étape d'un système expérimental d'introduction des protocoles de registres distribués dans le droit français, la première étape ayant eu lieu avec l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse. Elle ouvre l'expérimentation de la blockchain à un champ beaucoup plus large que celui des seuls « minibons ».

Au plan juridique, l'ordonnance « confère à l'inscription d'une émission ou d'une cession de titres financiers dans une blockchain les mêmes effets que l'inscription en compte de titres financiers » 902 ( * ) , sans pour autant revoir à la baisse les garanties existantes relatives à la représentation et à la transmission des titres concernés. Les dispositions relatives aux titres financiers au sein du code monétaire et financier et du code de commerce sont ajustées pour permettre le recours à ce dispositif.

Son article 8 prévoit toutefois une entrée en vigueur différée à la date de la publication d'un décret d'application et « au plus tard, le 1 er juillet 2018 ». Le décret n'a finalement été pris que le 24 décembre 2018 903 ( * ) .

22. L'ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées

• Les dispositions du droit de l'Union à transposer

Le cadre applicable aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées au sein de l'Union européenne a été construit à partir du droit des consommateurs au sein du marché intérieur, défini par le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil.

Le règlement (CE) 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs met en place un réseau d'autorités compétentes pour le contrôle de l'application de la législation concernant la protection des consommateurs.

Il est complété, en matière de prestations de voyages, par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, s'appliquant aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur pour la fourniture d'un bien ou d'un service. Elle définit des obligations d'information pour les contrats à distance ou hors établissement, et celles des autres contrats. Elle prévoit également des sanctions en cas d'infraction à ces obligations et un droit de recours devant les tribunaux pour les organismes publics, les organisations de consommateurs et les organisations professionnelles ayant un intérêt légitime à ester en justice. Cette directive a été transposée en droit interne par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et le décret n° 2014-1061 du 17 septembre 2014 relatif aux obligations d'information précontractuelle et contractuelle des consommateurs et au droit de rétraction.

La directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées spécifie les modalités d'application de ce droit concernant les voyages à forfait et les prestations de voyage liées, en modifiant le règlement n° 2006/2004 et la directive 2011/83/UE, et en abrogeant la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait. Elle vise à conférer aux consommateurs un niveau élevé et uniforme de protection de leurs droits en prenant en compte l'utilisation accrue des réservations en ligne . Sa principale innovation juridique réside dans la distinction entre les forfaits et les prestations de voyage liées, soumises à un régime partiellement différent. Ses dispositions prévoient en particulier :

- une extension de la liste des informations devant être communiquées par l'organisateur ou le détaillant avant la signature du contrat, et de la liste des informations devant être précisées dans la confirmation du contrat ;

- des limitations applicables aux majorations du prix , celles-ci n'étant permises que si le contrat prévoit expressément cette possibilité et dans des conditions prévues par la directive ;

- un assouplissement des conditions de résiliation de contrat , en élargissant les cas où le remboursement est obligatoire et les cas entraînant un dédommagement ;

- une responsabilité pour l'organisateur d'exécution du forfait , avec des règles applicables en cas de non-conformité et de résiliation, permettant notamment l'obtention de dédommagements ;

- une garantie supplémentaire en cas d'insolvabilité de l'organisateur .

• L'ordonnance de transposition

L'article 64 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, au plus tard le 31 décembre 2017, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) n° 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées.

C'est sur ce fondement qu'a été prise l'ordonnance n° 2017-1717 transposant la directive (UE) n° 2018/2302 n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées.

Elle modifie le chapitre unique relatif au régime de la vente de voyage et de séjours, du titre Ier du livre II du code du tourisme, en reprenant servilement les règles édictées par la directive, à l'exception des domaines qui restent de la compétence des États membres, pour lesquels une harmonisation minimale a été retenue. C'est le cas des dispositions relevant du droit des contrats, l'ordonnance n'appliquant pas les règles issues de la directive aux forfaits et aux prestations de voyage liées de moins de 24 heures qui ne comprennent pas une nuitée, ou lorsque ces prestations sont proposées par un organisme sans but lucratif, à titre occasionnel pour un groupe limité de voyageurs, ou dans le cadre d'une convention générale conclue pour le voyage d'affaires. Une telle option se situe dans la filiation de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, visant à préserver la situation économique des acteurs du secteur tout en adaptant la règlementation à un marché mondialisé et aux opportunités offertes par le développement du numérique. Les dispositions de l'ordonnance prévoient ainsi :

- l'élargissement du champ d'application du régime de la vente de voyages et de séjours, en distinguant à l'article L. 211-2 du code du tourisme le forfait de voyage et la prestation de voyage liée. En particulier, l'ajout de la notion de « prestations de voyage liées », qui renvoie principalement aux ventes croisées sur internet, fait entrer dans le champ de ce régime un certain nombre d'acteurs qui auront facilité aux voyageurs l'achat d'autres prestations en lien avec la première prestation vendue ;

- le renforcement de la protection du voyageur achetant un forfait ou un service de voyage via un intermédiaire par de nouvelles obligations portant sur les informations contractuelles ou précontractuelles devant être transmises au client, les conditions dans lesquelles un professionnel peut modifier les prix après la conclusion d'un contrat, les conditions de modification du contrat, ainsi que les conditions de résiliation du contrat par les différentes parties ;

- la définition d'un régime de responsabilité pour les différents acteurs des services de voyage : maintien de la coresponsabilité entre l'agence de voyage et l'organisateur du séjour et du régime de responsabilité de plein droit (en spécifiant cette responsabilité pour chaque service de voyage dans le cas des prestations de voyage liées) ; introduction d'un devoir d'assistance du professionnel envers le voyageur ;

- le maintien des dispositions relatives à la garantie financière contre l'insolvabilité, en ajoutant une garantie financière pour les prestations de voyage liées ;

- la simplification des démarches que doivent remplir les entreprises européennes souhaitant proposer leurs services en libre prestation de service en France ;

- une disposition de sécurité juridique : les dispositions de l'ordonnance devant entrer en vigueur le 1 er juillet 2018, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.

23. L'ordonnance n° 2018-95 du 14 février 2018 relative à l'extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, de diverses dispositions en matière bancaire et financière

La mobilité bancaire , à savoir la possibilité pour un client de transférer son compte de dépôt d'un établissement de crédit à l'autre, a fait l'objet de plusieurs modifications visant à faciliter son exercice 904 ( * ) .

L'article L. 312-1-7 du code monétaire et financier détermine le cadre juridique applicable. Il s'agit d'un service gratuit pour le consommateur, tant pour l'aide à la mobilité proposée par l'établissement de crédit d'arrivée que pour la clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret par l'établissement de départ. Surtout, il revient aux deux établissements de crédit d'assurer le transfert de l'ensemble des virements et prélèvements réguliers opérés sur le compte, avec l'accord du client.

La loi du 13 juin 2014, dite « loi Eckert » , a introduit l'obligation, pour les banques et assurances, de recenser annuellement les comptes bancaires inactifs et les contrats d'assurance vie en déshérence afin d'en rappeler l'existence à leur titulaire ou leurs ayants droit.

À l'issue d'un délai de dix ans d'inactivité sur ce compte, ou de trois ans si son titulaire est décédé, l'établissement de crédit doit procéder au transfert du solde des comptes inactifs à la Caisse des dépôts et consignations . L'inactivité d'un compte s'apprécie différemment selon le type de support : un délai de douze mois consécutifs sans mouvement et sans nouvelles du titulaire prévaut pour les comptes courants ; pour les comptes sur livret, comptes-titres et comptes d'épargne salariale, ce délai est porté à cinq ans.

S'agissant des contrats d'assurance-vie, le solde de tout contrat non réclamé depuis plus de dix ans doit être transféré à la Caisse des dépôts et consignations.

L'ordonnance du 14 février 2018 906 ( * ) , prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, vise à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et sur les îles Wallis et Futuna les dispositions relatives à la mobilité bancaire et au traitement des comptes en déshérence qui n'étaient pas intégralement étendues dans ces territoires .

Par ailleurs, cette ordonnance procède également à la refonte des articles du livre VII du code monétaire et financier qu'elle modifie afin de les présenter selon la technique dite des tableaux « compteurs Lifou », conformément aux recommandations de la section de l'intérieur du Conseil d'État en matière de codification à des fins d'accessibilité de la norme 907 ( * ) .

II. Le projet de loi initial

Le I du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2014-696 du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance vie au financement de l'économie.

Le II du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2015-558 du 21 mai 2015 relative aux succursales établies sur le territoire français d'établissements de crédit ayant leur siège social dans un État qui n'est pas membre de l'Union européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

Le III du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2016-312 du 17 mars 2016 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs.

Le IV du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse.

Le V du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers.

Le VI du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2016-1575 du 24 novembre 2016 portant réforme du dispositif de gel des avoirs. Il procède à une seule modification , à l'article L. 562-3 du code monétaire et financier, visant à étendre aux cinq pays et territoires d'Outre-mer (PTOM) les mesures de gel prises en vertu de règlements européens (mesures de gels prises en application de l'article 75 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), qui n'y sont pas applicables directement.

Le VII du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il procède par ailleurs à diverses mesures de coordination supplémentaires et à la correction d'erreurs matérielles , en particulier concernant l'application de ces dispositions aux pays et territoires d'Outre-mer (PTOM).

Pour mémoire, l'article 69 bis du présent projet de loi, qui porte principalement à habiliter le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnances la cinquième directive anti-blanchiment 908 ( * ) , et à renforcer plus généralement le dispositif français en la matière, vise également à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures supplémentaires en matière de gel des avoirs ( voir ci-dessus ). Il s'agit notamment de permette l'accès aux bases FICOBA, FICOVIE, BNDP, dans la perspective de l'évaluation de la France par la Groupe d'action financière (GAFI) en janvier 2021.

Le VIII du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées.

Le IX du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale.

Le X du présent article prévoit, au A, de ratifier l'ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unité de rente.

En conséquence, les B, C et D procèdent à des mesures de coordination complémentaires au sein, respectivement, du code des assurances (alinéas 43 à 66) du code de la mutualité (alinéas 67 à 79), du code de la sécurité sociale (alinéas 80 à 91). Ces mesures visent à tenir compte de la création des nouveaux organismes de retraite complémentaire par l'ordonnance du 6 avril 2017 précitée en rendant davantage lisible les dispositions des différents codes mentionnés.

Le XI du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-734 du 4 mai 2017 portant modification des dispositions relatives aux organismes mutualistes.

Le XII du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés. Il reprend le projet de loi de ratification adopté en Conseil des ministres, après avis du Conseil d'État et déposé au Sénat le 28 juillet 2017, mais qui n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour.

Deux compléments sont également apportés au texte de l'ordonnance. D'une part, sont ajoutées à la liste des procédures d'insolvabilité pouvant affecter l'agent des sûretés la procédure de surendettement prévue par le code de la consommation (puisque l'agent des sûretés peut être une personne physique) et la procédure de résolution bancaire, introduite dans le code monétaire et financier par l'ordonnance du 20 août 2015 ayant transposé la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014.

En effet, la loi d'habilitation ne visait pas ces procédures, qui n'ont donc pu être visées dans l'ordonnance. Un tel manque est toutefois source d'insécurité juridique, ce qui fragilise le dispositif. Ces ajouts ont donc pur objet de renforcer l'efficacité des textes instaurés par l'ordonnance.

D'autre part, il est précisé que ces ajouts sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.

Le XIII du présent article prévoit, au A , de ratifier l'ordonnance n° 2017-970 du 10 mai 2017 tendant à favoriser le développement des émissions obligataires.

Le B du XIII vise à supprimer l'article 82 de la loi n° 46- 2914 du 23 décembre 1946 portant ouverture de crédits provisoires.

Cette suppression, conforme à l'avis du Conseil d'État, a pour objet de supprimer un texte obsolète qui n'est plus appliqué depuis plusieurs décennies, tant pour les entreprises privées que pour les collectivités publiques. En effet, ces dispositions sont tombées en désuétude au vu des libertés garanties par le droit de l'Union européenne, en particulier la liberté de circulation des capitaux et la liberté d'établissement, et seraient très certainement jugées contraires au droit de l'Union européenne si elles devaient être utilisées aujourd'hui.

Le XIV du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-1090 du 1 er juin 2017 relative aux offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l'emprunteur sur un compte de paiement.

Le XV du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissements.

Le XVI du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-1142 du 7 juillet 2017 portant simplification des obligations de dépôt des documents sociaux pour les sociétés établissant un document de référence.

Le XVII du présent article prévoit, au A , de ratifier l'ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés. Le B propose simplement de corriger une erreur de renvoi figurant à l'article L. 225-100 du code de commerce. Le second alinéa du II de cet article opérait en effet un renvoi à un dixième alinéa inexistant.

Le XVIII du présent article prévoit, au 1 du A, de ratifier l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette.

S'ajoutent des adaptations de dispositions du code monétaire et financier accompagnant les mesures de l'ordonnance précitée dans une double perspective : apporter une sécurité juridique aux acteurs et garantir la protection des investisseurs .

Dans le détail, le 2 du A précise les cas de dérogations possibles au nouveau régime du dépositaire pour les organismes de titrisation existants avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Le 1 du B prévoit d'étendre la possibilité de consentir des avances en compte courant aux fonds professionnels spécialisés sous certaines conditions en conformité avec les dispositions de la loi du 6 août 2015 dite « loi Macron » 909 ( * ) , autorisant les sociétés de libre partenariat (SLP) à consentir également de telles avances. Les avances en compte courant s'assimilent à des prêts, à durée indéterminée, consentis par un associé, un dirigeant ou un fonds à une société dans laquelle il détient une participation. Le 2 du B corrige une erreur de grammaire. Le 3 du B précise les conditions dans lesquelles se fait la réception des paiements, afin d'exclure l'organisme de titrisation du champ d'application des nullités de la période suspecte, à savoir des actes accomplis par le débiteur postérieurement à la date de cessation des paiements.

Les 4 et 5 du B procèdent à diverses mesures complémentaires de coordination au sein du code monétaire et financier.

Le XIX du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-1608 du 27 novembre 2017 relative à la création d'un régime de résolution pour le secteur de l'assurance. En complément, les B, C et D procèdent à des mesures de coordination complémentaires au sein respectivement du code des assurances, du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale.

Le XX du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-1609 du 27 novembre 2017.

Le XXI du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers.

Le XXII du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées.

Le XXIII du présent article prévoit de ratifier l'ordonnance n° 2018-95 du 14 février 2018 relative à l'extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, de diverses dispositions en matière bancaire et financière.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté peu de modifications au présent article. Au X de cet article, elle a adopté un amendement rédactionnel.

Au XII , relatif à l'ordonnance 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés, l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Adrien Taquet et plusieurs de ses collègues, a précisé dans l'article 2488-6 du code civil, que les qualités requises pour constituer une sûreté, s'apprécient en la personne du créancier de l'obligation garantie.

Au XV du présent article, relatif à l'ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de son rapporteur et du Gouvernement, un amendement introduit à l'initiative d'Adrien Taquet afin de rétablir l'obligation de désigner un commissaire aux comptes pour les sociétés de gestion de portefeuille, supprimée dans le cadre de la séparation de régime des entreprises d'investissement de celui applicable à la gestion collective.

IV. La position de votre commission

Les I à VII, XI, XIII, XV à XVII, XXI et XXIII du présent article n'appellent pas de commentaires particuliers.

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 (VIII) relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées, votre rapporteur estime qu'elle respecte bien le champ et le délai prévus par l'article d'habilitation de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016. Elle assure par ailleurs la pleine transposition de la directive. Votre commission est donc favorable à sa ratification sans modification.

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 (X) relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente , votre rapporteur note que la ratification de l'ordonnance 2017-484 du 6 avril 2017 précitée ne suffit toutefois pas à assurer la pleine effectivité des dispositions qu'elle prévoit.

En effet, plusieurs mesures réglementaires doivent encore intervenir afin de définir certaines modalités pratiques de la réforme, en particulier les règles prudentielles applicables aux organismes de retraite professionnelle supplémentaire.

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés (XII) , votre rapporteur considère qu'ainsi complété, le régime de l'agent des sûretés apparaît comme un régime solide et attractif, garantissant toute la sécurité nécessaire aux opérateurs économiques y ayant recours.

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-1090 du 1 er juin 2017 relative aux offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l'emprunteur sur un compte de paiement (XIV) , votre rapporteur rappelle que lors de l'examen de la loi « Sapin II » et de ses dispositions habilitant le gouvernement à prendre l'ordonnance, la commission des finances du Sénat avait souligné que les conditions dans lesquelles un établissement de crédit peut obliger l'emprunteur d'un crédit immobilier à domicilier ses comptes courants chez lui devaient être encadrées, sauf à remettre en cause le principe de mobilité bancaire issu des lois « Hamon » (qui instaure un service d'aide à la mobilité gratuit et sans condition 910 ( * ) ) et « Macron » (qui impose un changement automatisé des données bancaires, avec de nouvelles obligations pesant sur la banque d'accueil 911 ( * ) ).

Extrait du rapport de la commission des finances du Sénat
sur l'habilitation demandée dans le cadre de la loi « Sapin II »

« S'agissant de l'habilitation sollicitée pour encadrer les conditions dans lesquelles la souscription d'un contrat de crédit immobilier par un consommateur peut être associée à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation de ses revenus, votre rapporteur rappelle que les clauses abusives et offres groupées sont déjà encadrées par l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier, qui prévoit deux types d'interdictions :

- d'une part, pour la vente ou l'offre de vente de produits ou de prestations de services groupés, sauf lorsque leur achat séparé reste possible ou lorsqu'ils sont indissociables ;

- d'autre part, pour la vente ou l'offre de produits ou de prestations de services ouvrant le droit à une prime financière ou en nature, dont la valeur serait supérieur à un certain seuil.

Dans ces conditions, votre rapporteur considère que soumettre la souscription d'un contrat de crédit immobilier à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation des revenus rend plus difficile la mobilité bancaire. Encadrer les conditions dans lesquelles la souscription d'un contrat de crédit immobilier par un consommateur ainsi que le niveau de son taux d'intérêt peuvent être associés à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation de ses revenus s'inscrit donc dans l'objectif de renforcer la mobilité bancaire. Votre rapporteur souligne toutefois la nécessité de conduire une consultation préalable au sein du comité consultatif du secteur financier 912 ( * ) . »

Source : Avis n° 710 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier ,
fait au nom de la commission des finances

Votre commission est donc favorable à ces dispositions qui s'intègrent dans le dispositif de mobilité bancaire.

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette (XVIII) , la création des organismes de financement spécialisé par l'ordonnance du 4 octobre 2017 a complété la gamme des fonds d'investissement alternatif. En octroyant des prêts, ces organismes visent à consolider les financements extra-bancaires des entreprises. L'objectif est d'en faire un véhicule central de la gestion d'actifs .

Il a toutefois fallu plus d'un an pour la publication des mesures réglementaires et des règles comptables et du régime fiscal des organismes de financement spécialisé constitués sous forme de sociétés par l'article 114 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-1608 du 27 novembre 2017 relative à la création d'un régime de résolution pour le secteur de l'assurance (XIX) , votre rapporteur note que la mise en place d'un mécanisme national de résolution des entreprises d'assurance participe d'une mesure de sécurisation du marché français , au bénéfice des épargnants.

Toutefois, afin d'éviter que cette initiative isolée ne fasse peser un risque réglementaire sur les assureurs engendrant des arbitrages défavorables au maintien de certaines activités en France par le biais de la libre-prestation de services, votre rapporteur souligne la nécessité d'intervention harmonisée au niveau européen.

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-1609 du 27 novembre 2017 relative à la prise en charge des dommages en cas de retrait d'agrément d'une entreprise d'assurance (XX) , votre rapporteur est favorable à la ratification, dans la mesure où :

- d'une part, la modernisation des missions et des modalités du financement du FGAO apparaît appropriée et proportionnée pour stabiliser les comptes du FGAO ;

- d'autre part, les délais prévus par la loi d'habilitation ont été respectés, qu'il s'agisse du délai prévu pour prendre l'ordonnance (douze mois à compter de la promulgation de la loi) ou du délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance, imparti pour le dépôt du projet de loi de ratification, puisque ce projet a été enregistré à la présidence du Sénat le 21 février 2018 913 ( * ) .

En ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées (XII), votre rapporteur relève que, jusqu'à l'entrée en vigueur de cette ordonnance, le code du tourisme prévoyait expressément une dérogation à l'obligation d'immatriculation pour les associations et organismes sans but lucratif organisant sur le territoire national des accueils collectifs de mineurs (ACM) à caractère éducatif , conformément à l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles, ou ceux gérant des villages de vacances ou des maisons familiales agréées.

En droit français, la garantie financière est une condition de l'immatriculation des opérateurs de voyages et de séjours : l'absence d'obligation d'immatriculation dispensait donc par la même occasion de garantie financière, sauf mention explicite du contraire.

Or, la présente ordonnance a supprimé cette dérogation prévue par le code du tourisme en adoptant à son article 4 une nouvelle rédaction de l'article L. 211-18 du code du tourisme. De nombreuses associations organisant des ACM se sont manifestées pour demander le maintien de cette dérogation, au motif que le coût de la garantie financière menaçait leur modèle économique.

Toutefois, les dispositions prévues par l'ordonnance ont été amendées en séance, par des amendements identiques créant l'article 71 bis A du présent projet de loi et rétablissant la dérogation à l'obligation d'immatriculation pour les organismes d'accueil collectif de mineurs.

Sous cette réserve, votre rapporteur souligne que l'ordonnance permet d'adapter la protection des consommateurs au contexte de numérisation des services de voyage et de tourisme . L'ordonnance apparaît proportionnée, n'effectuant pas de surtransposition manifeste et restant dans le cadre défini par l'habilitation conférée par l'article 64 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. En outre, les délais prévus par l'habilitation ont bien été respectés, qu'il s'agisse du délai prévu pour prendre l'ordonnance (avant le 31 décembre 2017) ou du délai de trois mois pour le dépôt du projet de loi de ratification, ce dernier ayant été enregistré à la présidence du Sénat le 7 mars 2018 914 ( * ) .

En conséquence, votre commission a ratifié sans modification les sections ratifiant les ordonnances suivantes :

- n° 2014-696 du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance vie au financement de l'économie ;

- n° 2015-558 du 21 mai 2015 relative aux succursales établies sur le territoire français d'établissements de crédit ayant leur siège social dans un État qui n'est pas membre de l'Union européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

- n° 2016-312 du 17 mars 2016 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs ;

- n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse ;

- n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers ;

- n° 2016-1575 du 24 novembre 2016 portant réforme du dispositif de gel des avoirs ;

- n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;

- n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées ;

- n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente ;

- n° 2017-734 du 4 mai 2017 portant modification des dispositions relatives aux organismes mutualistes ;

- n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés ;

- n° 2017-970 du 10 mai 2017 tendant à favoriser le développement des émissions obligataires ;

- n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement ;

- n° 2017-1142 du 7 juillet 2017 portant simplification des obligations de dépôt des documents sociaux pour les sociétés établissant un document de référence ;

- n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés ;

- n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette ;

- n° 2017-1608 du 27 novembre 2017 relative à la création d'un régime de résolution pour le secteur de l'assurance ;

- n° 2017-1609 du 27 novembre 2017 relative à la prise en charge des dommages en cas de retrait d'agrément d'une entreprise d'assurance ;

- n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers ;

- n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées ;

- n° 2018-95 du 14 février 2018 relative à l'extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, de diverses dispositions en matière bancaire et financière.

Toutefois, en ce qui concerne l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale (IX) , votre rapporteur relève que cette ordonnance a d'ores et déjà été ratifiée par le III de l'article 56 de la loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance , dite « droit à l'erreur ».

Cette ratification avait été opérée par amendement du Gouvernement au stade de la nouvelle lecture, écartée par le Sénat au titre de la règle dite « de l'entonnoir », puis réintroduite par l'Assemblée nationale en lecture définitive.

Si l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 précitée n'avait certes pas encore été ratifiée à la date de publication du projet de loi initial, votre rapporteur s'étonne toutefois que le IX n'ait pas été supprimée par le Gouvernement ou par les députés lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

La commission a donc adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement COM-439 visant à : - supprimer ce doublon de ratification de l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ; - corriger une erreur de référence à l'article L. 229-38 du code de l'environnement résultant de l'ordonnance n° 2017-80 précitée. Alors même que l'ordonnance maintient un renvoi à l'article L. 512-4 du code de l'environnement existant au sein de l'article L. 229-38 du même code ( a du 20° de l'article 3 de l'ordonnance), elle abroge par ailleurs ledit article L. 512-4 (2° de l'article 5 de l'ordonnance), dont les dispositions sont transférées à l'article L. 181-28 du même code.

Votre commission a adopté l'article 71 ainsi modifié.

Article 71 bis A
(art. L. 227-6 du code de l'action sociale et des familles)
Rétablissement d'une dérogation à l'obligation d'immatriculation
des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages
et de séjours pour les organismes spécialisés
dans l'accueil collectif de mineurs

I. Le droit en vigueur

Les agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours sont soumis à une obligation d'immatriculation prévue à l'article L. 211-18 du code du tourisme . Cette obligation a été créée par l'article premier de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, afin de renforcer la protection, notamment financière, des voyageurs.

Redéfinis par l'ordonnance n° 2017-17 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive européenne du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées 915 ( * ) , les contours de cette obligation d'immatriculation concernent aujourd'hui :

- les personnes physiques ou morales qui élaborent et vendent ou offrent à la vente des forfaits touristiques ou des services de voyage portant sur le transport, le logement, la location d'un véhicule ou d'autres services de voyage qu'elles ne produisent pas elle-même ;

- les professionnels qui facilitent aux voyageurs l'achat de prestations de voyage liées ;

- les personnes physiques ou morales qui émettent des bons ou coffrets permettant d'acquitter le prix d'un forfait touristique ou d'un service de voyage portant sur le transport, le logement ou la location d'un véhicule .

Pour obtenir cette immatriculation, les agents de voyage et autres opérateurs doivent au préalable justifier :

- d'une garantie financière suffisante pour les remboursements des forfaits touristiques, prestations de voyage liées et services liés . Cette garantie vise à couvrir les imprévus potentiels relatifs à toute activité touristique, en particulier les frais de rapatriement éventuels vers le lieu de départ ;

- d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle .

Ces garanties peuvent provenir de l'engagement d'organismes partenaires de l'agent de voyage et autres opérateurs : un organisme de garantie collective, un établissement de crédit ou une entreprise d'assurance, établis sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou enfin d'une société de financement.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Introduit par des amendements identiques portés respectivement par nos collègues Sarah El Haïry, Laurent Furst, Bruno Studer et Sabine Rubin, l'article 71 bis A vise à modifier le champ d'application de l'obligation d'immatriculation prévue à l'article L. 211-18 du code du tourisme afin de rétablir la dérogation à cette obligation pour :

- les associations de jeunesse (organisant un accueil collectif de mineur - ACM) bénéficiant d'agréments de jeunesse et d'éducation populaire, d'agréments du secteur du sport ou d'agréments d'associations éducatives complémentaires de l'enseignement public ;

- l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics, lorsqu'ils organisent sur le territoire national l'accueil collectif de mineurs à caractère éducatif, à l'exception des établissements publics à caractère industriel et commercial.

Cette dérogation était auparavant prévue à l'article L. 211-18, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-17. Elle avait été supprimée par l'article 4 de l'ordonnance n° 2017-17, afin d'étendre l'obligation de garantie exigée aux chapitres VI et VII de la directive européenne n° 2015/2302.

Le texte proposé prévoit le rétablissement de cette dérogation dans un nouvel article L. 227-6 du code de l'action sociale et des familles. L'objectif de cette mesure est de réduire les obligations pour les organismes spécialisés dans l'accueil collectif de mineurs, alors même que ce secteur est fragile et marqué par une baisse continue du nombre de séjours et de mineurs accueillis (- 22 % en sept ans).

Deux principaux arguments ont été avancés par les auteurs des amendements adoptés. En premier lieu, l'intégration dans le code de l'action sociale et des familles de cette dérogation permettrait de formaliser l'interprétation selon laquelle une partie du champ des « colonies de vacances » n'est pas soumis aux dispositions de la directive . Selon cette interprétation, énoncée par le ministre de l'Éducation nationale 916 ( * ) , sont exclus du champ de l'obligation d'immatriculation tous les organisateurs d'ACM définis aux articles L. 227-4 et R.227-1 du code de l'action sociale et des familles.

L'objectif du texte adopté serait donc de confirmer ce statut dérogatoire pour l'ensemble des situations n'entrant pas dans le champ de la directive , à savoir :

- les associations agréées, qu'il s'agisse d'agréments de jeunesse et d'éducation populaire, du secteur du sport ou d'associations éducatives complémentaires de l'enseignement public, qui organisent des ACM sur le territoire national ;

- les personnes morales de droit public, qui n'interviennent pas dans le domaine industriel ou commercial, qui peuvent organiser des ACM sur le territoire national ;

- les ACM sans hébergement, dès lors que leur période de fonctionnement couvre moins de vingt-quatre heures et qu'ils ne comprennent pas de nuitées.

En second lieu, l'agrément dont doivent disposer les organismes d'ACM garantirait à lui seul une protection suffisante aux consommateurs , notamment en termes de respect de leurs droits.

Les organismes d'accueil collectif de mineurs font l'objet de contrôles par les services de l'État (directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations - DD(CS)PP), au titre de la qualité éducative et de la protection des mineurs en application de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles. Les conditions de ce contrôle sont fixées par voie réglementaire 917 ( * ) . Il est également prévu, à l'article L. 227-11 du même code, que le préfet du département prenne, avec la personne responsable de l'accueil, les mesures en vue de pourvoir au retour des mineurs dans leurs familles, dans l'hypothèse où ce dernier serait amené, pour préserver la sécurité des mineurs concernés, à interdire ou interrompre un accueil ou à prononcer la fermeture temporaire ou définitive des locaux dans lesquels il se déroule.

Eu égard à ces arguments, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a donné un avis favorable à ces amendements, tout comme le Gouvernement.

III. La position de votre commission

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale apparaît opportun au vu des considérations qui précèdent, et dans la mesure où l'encadrement législatif comme l'appui des pouvoirs publics apparaissent être des garanties suffisantes pour les organismes d'accueil collectif de mineurs.

Il eût sans doute trouver davantage sa place au sein de l'article 71 du présent projet de loi, puisqu'il modifie les dispositions introduites par l'ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, que le XXII de ce même article ratifie sans modification. Sous cette réserve purement formelle, votre commission ne peut qu'approuver le texte adopté par les députés.

Votre commission a adopté l'article 71 bis A sans modification.

Article 71 bis (supprimé)
Habilitation en vue de transposer la future directive visant à doter
les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre
en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir
le bon fonctionnement du marché intérieur et en vue de renforcer
l'efficacité des procédures suivies devant l'Autorité de la concurrence

L'article 71 bis du projet de loi sollicite une double habilitation sur le fondement de l'article 38 de la Constitution en vue, d'une part, de transposer la directive visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite « directive ECN+ » 918 ( * ) , et, d'autre part, de renforcer l'efficacité des procédures suivies devant l'Autorité de la concurrence et des enquêtes des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

I. Le dispositif proposé

Le Gouvernement serait autorisé à prendre par ordonnance « toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour rendre compatibles les dispositions du livre IV du code de commerce avec la directive en cours d'adoption visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur ».

Cette directive vise notamment à permettre aux autorités nationales de concurrence d'apprécier l'opportunité des poursuites en cas de pratique anti-concurrentielle, de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre des sanctions qu'elles infligent pour de telles pratiques et de prononcer d'office des mesures conservatoires avant de statuer au fond. Les prérogatives de l'Autorité de la concurrence s'en trouveraient accrues.

Cette directive a été présentée le 22 mars 2017 par la Commission européenne. Les négociations en vue de l'adoption d'un texte commun étaient encore en cours entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil lorsque nos collègues députés ont accepté une telle habilitation. Depuis, la directive a été adoptée définitivement. Elle vient à peine d'être publiée, le 14 janvier 2019, au Journal officiel de l'Union européenne 919 ( * ) .

Le Gouvernement serait aussi autorisé à prendre par ordonnance une série de mesures « permettant de renforcer l'efficacité des procédures mises en oeuvre par l'Autorité de la concurrence et des enquêtes conduites par les agents de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation », c'est-à-dire de la DGCCRF, lesquels peuvent participer aux enquêtes de l'Autorité.

Ces mesures visent à simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention pour autoriser les opérations de visite et saisie dans le cadre des enquêtes de l'Autorité sur des pratiques anti-concurrentielles, ainsi que d'alléger les obligations de présence des officiers de police judiciaire au cours de ces opérations. Une telle modification n'est pas anodine au regard des exigences en matière de procédure pénale.

Il s'agirait également de simplifier la procédure dite de clémence 920 ( * ) , qui permet à une entreprise dénonçant une pratique anti-concurrentielle à laquelle elle participe de bénéficier d'une atténuation de sa sanction, d'élargir les cas où l'Autorité pourrait statuer à un seul membre, pour les affaires les plus simples, de permettre à l'Autorité de rejeter des saisines pouvant être traitées par la DGCCRF en matière de pratiques anti-concurrentielles et d'élargir les cas de recours à la procédure simplifiée devant l'Autorité.

Il s'agirait également de clarifier les critères de fixation des sanctions des pratiques anti-concurrentielles prononcées par l'Autorité par référence à la durée et à la gravité de l'infraction, sujet qui a déjà donné lieu à des débats devant le Sénat, notamment lors de la première lecture de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 921 ( * ) .

Il s'agirait enfin de mettre en cohérence le code de la consommation avec le code de commerce s'agissant des pouvoirs d'enquête des agents de la DGCCRF et s'agissant des opérations de visite et saisie, ainsi que d'élargir les cas dans lesquels le ministre de l'économie peut faire usage de son pouvoir d'injonction ou de transaction en matière de concurrence.

Dans les deux cas, le délai d'habilitation est fixé à neuf mois.

II. La position de votre commission

Aucune disposition du texte initial du projet de loi ne traitant du droit de la concurrence ou des prérogatives de l'Autorité de la concurrence ou des agents de la DGCCRF, votre commission considère que le présent article ne présente aucun lien, même indirect, avec le projet de loi, en méconnaissance des exigences du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution.

En tout état de cause, le délai de transposition de la directive étant de deux ans, il n'est pas urgent d'accorder dès maintenant une habilitation à la transposer par ordonnance.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-395 de son rapporteur en vue de supprimer cet article, invitant le Gouvernement à présenter le moment venu un projet de loi de transposition.

Votre commission a supprimé l'article 71 bis .

Article 71 ter
(art. L. 111-88, L. 121-32, L. 121-46, L. 131-4 [nouveau], L. 441-4, L. 441-5, L. 442-4 [nouveau], L. 443-6, L. 443-9-1 et L. 443-9-2 [nouveaux], L. 445-1
à L. 445-4 du code de l'énergie, L. 224-3 du code de la consommation
et L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales)
Mise en conformité des tarifs réglementés de vente de l'électricité
et du gaz avec le droit européen

I. Le droit en vigueur

Jusqu'à la libéralisation des marchés de l'énergie mise en oeuvre dans le cadre des traités européens, le système énergétique français était structuré autour de deux grandes entreprises monopolistiques d'État 922 ( * ) , Électricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF), groupes verticalement intégrés exerçant l'ensemble des métiers de l'énergie (production, transport, distribution et fourniture) et desservant les consommateurs à des tarifs fixés par la puissance publique, les tarifs réglementés de vente (TRV).

Considérant que la constitution d'un marché intérieur de l'énergie et l'ouverture progressive à la concurrence du secteur étaient bénéfiques pour le consommateur, les directives européennes ont conduit, d'une part, à séparer juridiquement les activités de réseau constituant des monopoles naturels et les activités de production et de fourniture , où la concurrence devait pouvoir s'exercer librement, sauf exceptions 923 ( * ) , et, d'autre part, à ouvrir l'ensemble des segments de marché aux offres concurrentielles et à limiter les tarifs réglementés aux seuls cas où une intervention étatique apparaissait justifiée.

Selon les critères du droit européen tel qu'explicité par la jurisprudence 924 ( * ) , la réglementation des prix , qui constitue par nature une entrave à la concurrence, reste possible lorsqu'elle répond à un objectif d'intérêt économique général , qu'elle est nécessaire et proportionnée à l'atteinte de cet objectif et qu'elle est clairement définie, transparente, non discriminatoire et contrôlable .

Depuis le 1 er janvier 2007, tous les consommateurs français sont éligibles aux offres de marché proposées par les fournisseurs historiques (EDF, Engie et les ELD dans leur zone de desserte) ou par les fournisseurs alternatifs (Direct Énergie, Total Spring, Eni, etc.). Après la fermeture progressive 925 ( * ) des TRV d'électricité et de gaz pour les clients non domestiques à l'exception des plus petits d'entre eux, seuls les consommateurs résidentiels et les petits consommateurs professionnels dont la puissance n'excède pas 36 kVA en électricité ou dont la consommation de gaz ne dépasse pas 30 MWh par an peuvent encore les souscrire depuis le 1 er janvier 2016 926 ( * ) .

Les TRV sont aujourd'hui fixés ou proposés par le régulateur du secteur, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), le Gouvernement n'ayant en réalité par d'autre choix que de les avaliser 927 ( * ) ; ils doivent être calculés en fonction des coûts, ce qui assure leur contestabilité par les fournisseurs alternatifs 928 ( * ) . Les TRV d'électricité sont révisés, en règle générale, une fois par an, tandis que les TRV de gaz ont vocation à évoluer chaque mois.

En pratique, les offres de marché sont très souvent plus compétitives, voire parfois plus stables que les TRV ( cf. infra pour des éléments de comparaison) et leur part de marché , de même que celle des fournisseurs alternatifs, ne cesse de progresse r : au 30 septembre 2018, les offres de marché concernaient 24 % des sites (soit 8,8 millions de sites sur 37,6 millions) et 65 % de la consommation en électricité (avec une part de marché des fournisseurs alternatifs établie à 21 % des sites et 34 % de la consommation), et 60 % des sites (soit 4,5 millions sur 11,3 millions de sites) et 90 % de la consommation en gaz (dont 29 % des sites et 57 % de la consommation livrés par des fournisseurs alternatifs).

Malgré tout, les TRV restent un repère pour bon nombre de consommateurs qui les assimilent, à tort eu égard à leur mode de fixation, à des tarifs administrés par la puissance publique, garants d'une meilleure protection du consommateur.

La persistance des TRV pour certaines catégories de consommateurs a été contestée par les fournisseurs alternatifs à raison de son incompatibilité avec le droit européen. Par deux décisions en date des 19 juillet 2017 - pour le gaz - et 18 mai 2018 - pour l'électricité - 929 ( * ) , le Conseil d'État a fait droit à leurs arguments pour le gaz et pour certains sites pour l'électricité .

S'agissant du gaz , le Conseil d'État a ainsi jugé, après avoir saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle, que la réglementation des prix « ne poursuit aucun objectif d'intérêt économique général » dès lors qu'elle ne garantit pas, en elle-même, la sécurité d'approvisionnement des consommateurs, l'harmonisation du prix du gaz sur l'ensemble du territoire national, son caractère raisonnable ou sa stabilité. Il a donc jugé ces tarifs incompatibles avec le droit européen et annulé le décret incriminé, qui avait en réalité déjà cessé de s'appliquer, mais en consolidant ses effets passés au regard des graves conséquences qu'une annulation rétroactive aurait fait peser sur les 9 millions de consommateurs concernés à la date du décret attaqué (2013).

Depuis la décision du 19 juillet 2017, le Gouvernement doit donc, de fait, se conformer au droit européen en abrogeant les dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de tarifs réglementés de vente du gaz.

S'agissant de l'électricité en revanche, le Conseil d'État a jugé que l'objectif d'intérêt économique général permettant de justifier une intervention étatique est caractérisé à la fois par la nature particulière de l'électricité , « énergie non substituable constituant un bien de première nécessité » ainsi que par la « relative stabilité » garantie par la méthode de calcul des tarifs 930 ( * ) « dans un contexte de forte volatilité des prix du marché de gros de l'électricité ». Il a toutefois considéré que la réglementation était disproportionnée à l'objectif poursuivi sur deux points : l'absence de « révision périodique du principe ou, à tout le moins, des modalités de l'intervention publique en fonction de l'évolution » du marché, et l'application indifférenciée des tarifs « à tous les consommateurs finals, domestiques et non domestiques , pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA », y compris les sites non résidentiels appartenant à de grandes entreprises 931 ( * ) . C'est ce second point qui a conduit le Conseil d'État à annuler la décision tarifaire attaquée.

En application de cette décision, les grandes entreprises ne peuvent d'ores et déjà plus souscrire, à compter du 1 er août 2018, un nouveau contrat aux TRV ni modifier l'option ou la puissance souscrite de leurs contrats actuels 932 ( * ) . En revanche, les contrats en cours aux TRV se poursuivent normalement ; l'application de la décision du Conseil d'État, s'agissant des grandes entreprises, n'est donc que partielle.

Pour le gaz comme pour l'électricité , et bien que le Conseil d'État n'ait formellement fixé aucun délai au Gouvernement pour se conformer à ces décisions, le droit en vigueur, qui fait l'objet de plusieurs recours contentieux pendants, est donc susceptible d'être annulé à tout moment , avec un double risque : celui, pour les clients, de voir leur contrat disparaître, et donc leur fourniture interrompue, et celui, pour l'État, d'être exposé à des demandes de compensation financière importantes du fait de son inaction.

Enfin, le droit européen est lui-même en passe d'être modifié . Dans le cadre de sa proposition de directive réformant le marché européen de l'électricité présentée fin 2016 933 ( * ) , la Commission européenne avait plaidé pour « l'élimination progressive des tarifs réglementés au niveau des États membres », avant que diverses propositions, émanant notamment des présidences successives de l'Union et conduisant le plus souvent à fixer une date-butoir pour le maintien de prix réglementés, ne soient discutées ces deux dernières années.

Le 18 décembre 2018, le Parlement européen, le Conseil et la Commission sont finalement parvenus à un accord en trilogue qui , sous la pression notamment de la France et de plusieurs pays d'Europe centrale qui défendaient la possibilité de continuer à réglementer les prix, a abouti au compromis suivant :

- des tarifs réglementés de l'électricité pourront être maintenus pour tous les ménages , qu'ils soient ou non en situation de précarité énergétique, ainsi que pour les microentreprises , au sens du droit européen et de l'analyse statistique et économique française, soit les entreprises employant moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total de bilan n'excède pas 2 millions d'euros ;

- le principe de tels tarifs devra faire l'objet de réexamens périodiques par les États membres qui en disposent et la Commission européenne devra présenter d'ici 2025 « un rapport sur les progrès globaux au sein de l'UE, qui pourra inclure une proposition visant à mettre un terme à la règlementation des tarifs » 934 ( * ) .

Ce compromis doit désormais être approuvé définitivement. Selon le calendrier envisagé, la directive pourrait être définitivement adoptée pour la mi-2019 et prévoir un délai de transposition de dix-huit mois après son entrée en vigueur. La France devrait alors se conformer à ces nouvelles dispositions au plus tard fin 2020 .

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Alors que le Gouvernement avait d'abord envisagé de traiter ce sujet dans le texte initial du présent projet de loi puis l'en avait finalement retiré, le présent article a été introduit par un amendement gouvernemental déposé quarante-huit heures avant l'examen en commission.

En commission puis en séance, le Gouvernement a fait valoir la nécessité d' « agir vite » et d' éviter d'« exposer les clients à la disparition pure et simple de leur contrat , et donc de leur fourniture » en « ménage [ant] une transition la plus douce possible ». Quant au choix du véhicule législatif, le Gouvernement a rappelé que « la France a été enjointe de mettre son droit national en conformité avec le droit de l'Union européenne : cette disposition peut donc trouver sa place dans le chapitre IV du projet de loi, qui contient diverses dispositions d'adaptation de notre droit à celui de l'Union européenne ».

Dans la version adoptée en commission , le présent article habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans les six mois pour :

- « mettre en conformité » les tarifs réglementés avec le droit européen et « en tirer les conséquences » sur les contrats en cours, en prévoyant notamment les conditions de leur extinction et de la transition vers une offre de marché (1°).

À ce stade, le dispositif ne disait rien des modalités concrètes de cette mise en conformité, même si l'exposé des motifs faisait état de la « [mise] en extinction des tarifs réglementés du gaz » et des « tarifs réglementés de l'électricité pour les sites des grandes entreprises » et précisait que les échéances suivantes étaient envisagées :

• une transition progressive pour le gaz , avec une extinction un an après la promulgation de l'ordonnance pour les professionnels et au plus tard le 1 er juillet 2023 pour les clients résidentiels , les propriétaires uniques d'un immeuble à usage d'habitation et les syndicats de copropriétaires d'un tel immeuble ;

• et en électricité, une extinction un an après la promulgation de l'ordonnance pour les sites des grandes entreprises au sens de l'analyse statistique et économique, soit les entreprises de plus de 5 000 salariés ou ayant un chiffre d'affaires de plus de 1,5 milliard d'euros.

- « prévoir les conditions de mise en extinction » des deux dispositifs spécifiques créés lors des phases d'extinction précédentes des TRV pour traiter le cas des clients dits « dormants » car n'ayant pas basculé en offre de marché au terme de la période de transition soit, d'une part, l'« offre transitoire » proposée par leur fournisseur historique, à un prix majoré par rapport au dernier tarif en vigueur, prévue par la loi « Consommation » 935 ( * ) et, d'autre part, le « dispositif de continuité de fourniture » ratifié par la loi du 11 octobre 2016 936 ( * ) et qui a consisté à attribuer ces clients dormants à des fournisseurs mis en concurrence par la CRE, là aussi à des prix majorés pour les inciter à basculer en offre de marché (2°) ;

- créer « une offre de fourniture de dernier recours en gaz naturel » pour les consommateurs « qui ne trouvent pas » d'offre (3°), l'exposé des motifs évoquant « une offre de service universellement accessible pour des consommateurs ne parvenant pas à trouver d'offre de marché » ; en pratique, ce sont aujourd'hui les TRV qui jouent ce rôle de fournisseur de dernier recours ;

- créer pour le gaz, ou adapter pour l'électricité, « le dispositif de fourniture de secours » en cas de défaillance ou de manquement de son fournisseur (4°). Un tel dispositif existe en effet pour l'électricité 937 ( * ) mais pas pour le gaz alors que la multiplication des acteurs liée à la poursuite ou à l'achèvement de l'ouverture des marchés augmente d'autant les risques de défaillance ;

- « prévoir toutes mesures ou sanctions en cas de défaillance (...) ou de manquement » d'un fournisseur à ses obligations (5°) ;

- enfin, prévoir (6°) les mesures de :

§ coordination avec les dispositions précédentes,

§ accompagnement en matière d'information des consommateurs et de développement de la concurrence , notamment par l'accès des fournisseurs aux données des clients aux TRV,

§ « compensation ou sanction éventuelles » appliquées aux fournisseurs historiques « pour limiter » le nombre de clients qui n'auraient pas basculé en offre de marché au terme de la période de transition,

§ validation des effets juridiques des dispositions législatives antérieures relatives aux TRV.

En séance , outre trois amendements rédactionnels de la rapporteure, le dispositif n'a été retouché, sur le fond, que par un amendement du groupe Mouvement démocrate (Modem) sous-amendé par la rapporteure pour intégrer au dispositif le principe d'une extinction « progressive » ainsi que le calendrier envisagé par le Gouvernement pour la mettre en oeuvre, qui ne figurait jusqu'alors que dans l'exposé des motifs.

Il est désormais explicitement prévu :

- pour le gaz, l'impossibilité de souscrire de nouveaux contrats aux TRV à compter de la publication de l'ordonnance et la résiliation des contrats existants au plus tard au 1 er juillet 2023 ; le phasage n'est en revanche pas précisé ;

- pour l'électricité, la résiliation des contrats aux TRV pour les sites des grandes entreprises au plus tard un an après la publication de l'ordonnance.

III. La position de votre commission

Sur le fond , votre rapporteur observe que le présent article est nécessaire pour se conformer aux décisions du Conseil d'État et au droit européen .

Il ne mésestime pas l'attachement des Français au principe des tarifs réglementés mais se doit de rappeler quelques réalités.

Malgré ce qu'ont pu laisser penser les récentes annonces gouvernementales sur le gel des tarifs au cours de l'hiver 2018-2019 938 ( * ) , le mode de calcul des tarifs , établi sur des bases objectives de façon à permettre à la concurrence de s'exercer, ne permet d'ores et déjà plus au Gouvernement de les fixer librement . Le 19 décembre dernier, le ministre chargé de l'énergie rappelait ainsi que : « quand on parle de tarifs réglementés, beaucoup de nos concitoyens comprennent qu'il s'agit de tarifs fixés par l'autorité politique dans sa grande sagesse (...) . Si l'on décide autre chose [que ce que la CRE propose] , les recours sont immédiats et [le] ministre est assuré de perdre, avec un rattrapage de la hausse non appliquée », ce qui « revient à faire une fausse promesse aux Français, celle que les tarifs n'augmenteront jamais » 939 ( * ) .

Au surplus, les tarifs réglementés ne garantissent pas un prix nécessairement plus stable ou plus compétitif que les offres de marché. Comme l'observatoire des marchés de détail de la CRE le montre chaque trimestre, bon nombre d'offres de marché s'avèrent en effet plus compétitives que les TRV : fin septembre 2018, l'offre de marché indexée sur le TRV d'électricité la moins chère était inférieure de 11 % au TRV TTC pour un client au tarif base ; en gaz, l'offre de marché à prix variable la moins chère, proposée à Paris, était inférieure de 4 % à 8 % au TRV TTC selon que le gaz était utilisé uniquement pour la cuisson ou pour la cuisson et le chauffage.

En outre, comme le Conseil d'État l'a souligné, les TRV du gaz n'assurent pas une plus grande stabilité que les offres de marché dès lors qu'ils sont indexés sur l'évolution des prix sur les marchés de gros , avec des variations parfois fortes d'un mois sur l'autre, à la hausse comme à la baisse : +5,79 % en moyenne par exemple au 1 er novembre 2018 contre - 2,4 % au 1 er décembre 2018 et - 1,9 % en janvier 2019. Il existe du reste des offres de marché dont le prix, fixe sur plusieurs années, est plus stable que le tarif , tout en étant parfois plus compétitif que le tarif lui-même (- 6 % à près de - 13 % moins cher selon l'usage pour l'offre à prix fixe la plus compétitive) 940 ( * ) .

Ces données restant largement méconnues malgré l'information disponible, par exemple, sur le site energie-info.fr du Médiateur national de l'énergie, la suppression des TRV du gaz nécessitera un effort de communication et de pédagogie important pour rassurer les Français.

Mais au-delà de leurs qualités intrinsèques, réelles ou supposées, les TRV ont un effet indirect : ils constituent un point de repère pour le consommateur mais aussi pour le marché lui-même , qu'ils contribuent à éclairer, les opérateurs positionnant souvent leurs offres de marché en mieux-disant par rapport au TRV, exprimé en pourcentages de réduction, ou à l'inverse en mettant un surcoût éventuel en regard de bénéfices particuliers (tels que soutien à la production renouvelable et/ou locale).

Dès lors que les TRV reflètent fidèlement l'évolution des coûts, comme leur méthode de construction le garantit aujourd'hui, ce rôle apparaît bénéfique pour les consommateurs et doit être maintenu : c'est pourquoi votre rapporteur propose que, dans le cadre de la suppression des TRV du gaz, un prix de référence à vocation purement informative , calculé par la CRE de façon à garantir son objectivité, soit prévu pour aider les consommateurs dans leur choix d'une offre de gaz ; un tel repère n'empêchera ni la différenciation des offres , qui est déjà à l'oeuvre, ni la poursuite de l'innovation dans les modes de tarification proposés, les services associés, etc.

Au-delà de ce prix de référence, votre rapporteur juge indispensable d'accompagner la poursuite ou l'achèvement de l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie par des mesures d'information ou de protection du consommateur qu'il entend renforcer :

- mise en place d'une communication individualisée et multicanale par les fournisseurs (courriers, factures, sites internet, échanges téléphoniques), qui sera doublée de campagnes d'information nationales ;

- mise à disposition d'un outil de comparaison des offres par le Médiateur national de l'énergie ;

- analyse de l'évolution des prix de l'énergie et des marges des fournisseurs par la CRE, comme proposé à l'article 71 quater ;

- accès à un fournisseur de dernier recours (en cas d'impossibilité de trouver une offre de marché) ou à un fournisseur de secours (en cas de défaillance de son fournisseur ou de manquement à ses obligations), sélectionnés après mise en concurrence et en prévoyant un niveau maximal de majoration des offres ;

- encadrement, par un avis conforme de la CRE, des nouvelles conditions contractuelles applicables aux clients aux TRV qui n'auraient pas basculé en offre de marché aux échéances prévues et possibilité de résilier le nouveau contrat à tout moment et sans pénalité.

- encadrement de la communication des données de contact ou de consommation à d'autres fournisseurs.

S'agissant du champ des clients éligibles aux TRV d'électricité , votre rapporteur observe :

- d'une part, que, dans sa décision du 18 mai 2018, le Conseil d'État a explicitement admis l'éligibilité des consommateurs domestiques et « des professionnels ayant une faible consommation d'électricité, tels que les artisans, commerçants et professions libérales » et tout aussi explicitement exclu « les sites non résidentiels appartenant à de grandes entreprises » , mais sans statuer sur le sort des clients non domestiques qui ne relèveraient d'aucune de ces catégories ;

- d'autre part, que le droit européen , au regard duquel la légalité des TRV doit être appréciée, devrait très prochainement n'autoriser le maintien de prix réglementés que pour les clients particuliers et pour les microentreprises .

Au vu de ces éléments, votre rapporteur estime nécessaire de mener des réflexions complémentaires , en lien avec les différentes parties prenantes, afin de pouvoir proposer, d'ici à la séance publique, un dispositif parfaitement robuste sur le plan juridique qui garantisse la pérennité des TRV d'électricité .

Pour donner de la visibilité sur le devenir des tarifs, assurer la stabilité et la sécurité juridiques de la réglementation et, par là, garantir au mieux les intérêts des consommateurs, il importe en effet que la solution retenue ne puisse être contestée en justice, et le cas échéant annulée, et d' éviter que la France ne soit contrainte de revoir sa législation à peine quelques mois après l'avoir modifiée pour se conformer au nouvel état du droit européen.

Sur la forme , votre rapporteur estime que le sujet, connu depuis juillet 2017 au moins pour le gaz, aurait mérité un autre traitement que le dépôt d'un amendement tardif au présent projet de loi, par ailleurs non directement consacré à l'énergie, qui exonère le Gouvernement de la présentation d'une étude d'impact avant sa discussion.

S'agissant du lien avec le texte, l'existence d' un lien au moins indirect peut être admise dans la mesure où ces dispositions ont pour effet de transformer les entreprises du secteur de l'énergie, en adaptant leur régulation, et doivent favoriser la croissance et l'innovation, par le renforcement de la concurrence.

Au vu de l'importance du sujet , votre rapporteur juge toutefois qu'une habilitation à légiférer par ordonnance ne saurait être retenue et qu' il convient d'intégrer directement les dispositions considérées dans la loi , comme lors des étapes précédentes d'extinction des tarifs réglementés 941 ( * ) , afin que le Parlement débatte du détail de ces dispositions.

En conséquence, votre commission a adopté, sur la proposition de votre rapporteur, trois amendements COM-351 rect., COM-352 et COM-353 scindant le dispositif, par souci de clarification, en trois articles distincts consacrés respectivement au gaz (article 71 ter ), à l'électricité (article 71 quater AA) et aux dispositions communes aux deux énergies (article 71 quater AB).

Votre commission a adopté l'article 71 ter ainsi modifié .

Article 71 quater AA (nouveau)
(art. L. 121-5, L. 333-3 et L. 333-3-1 [nouveau] du code de l'énergie)
Adaptation du dispositif de fourniture de secours d'électricité

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-352 portant article additionnel qui intègre directement dans la loi certaines des dispositions relatives à l'électricité pour lesquelles l'article 71 ter habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance 942 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 71 quater AA (nouveau) ainsi rédigé .

Article 71 quater AB (nouveau)
(art. L. 122-3 et L. 134-15-1 [nouveaux] et L. 134-16 du code de l'énergie)
Information des consommateurs sur les offres de fourniture d'énergie
et mise en extinction des dispositifs transitoires prévus lors des étapes précédentes d'extinction des tarifs réglementés

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-353 portant article additionnel qui intègre directement dans la loi certaines des dispositions communes à l'électricité et au gaz pour lesquelles l'article 71 ter habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance 943 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 71 quater AB (nouveau) ainsi rédigé .

Article 71 quater A
Transposition de la directive révisant le système européen d'échange
de quotas d'émission de gaz à effet de serre

1. Le droit en vigueur

Créé en 2005, le système européen d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre dit « ETS » est l'instrument principal de l'Union européenne pour lutter contre le changement climatique au meilleur coût . Il repose à la fois sur une logique de plafonnement des émissions globales , avec une limite qui est abaissée chaque année, et sur un principe d'échange de quotas d'émissions - c'est-à-dire de « droits à polluer » - entre les entreprises concernées, auquel le système donne une valeur 944 ( * ) qui doit les inciter à réduire les émissions.

Premier grand marché mondial du carbone, le système ETS reste à ce jour le plus vaste, couvrant environ 11 000 installations 945 ( * ) et 45 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union . La législation européenne prévoit par ailleurs qu' au moins la moitié des recettes des enchères doit être utilisée pour lutter contre le changement climatique : en France, c'est l'Agence nationale de l'habitat (Anah) qui percevra, en 2019, 420 millions d'euros sur les 525 millions que devrait rapporter la mise aux enchères des quotas 946 ( * ) .

Afin d'en améliorer l'efficacité, et en particulier de résorber l'excédent de quotas disponibles 947 ( * ) qui avait fait chuter les cours, le marché ETS a fait l'objet d'une importante réforme concrétisée par l'adoption de la directive (UE) 2018/410 du 14 mars 2018 948 ( * ) .

Cette réforme consiste, pour l'essentiel, à porter de 1,74 % à 2,2 % la réduction annuelle de quotas mis sur le marché à partir de 2021 (ce qu'on appelle le « facteur de réduction linéaire »), avec une augmentation possible en 2023, à doubler le volume de la « réserve de stabilité » qui permet d'absorber les quotas excédentaires et à mettre en place deux fonds alimentés par des quotas, un fonds pour l'innovation dans le domaine des technologies à faible intensité carbone, le captage et le stockage du CO 2 , les énergies renouvelables et le stockage de l'énergie, et un fonds pour la modernisation des systèmes énergétiques et l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les États membres aux revenus les plus faibles.

Enfin, la directive prévoit que les États membres ont jusqu'au 9 octobre 2019 pour transposer ses dispositions en droit interne.

2. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit en séance publique par un amendement du Gouvernement, cet article l'autorise à légiférer par ordonnance , dans un délai de douze mois, pour :

- transposer la directive (UE) 2018/410 et les textes pris pour son application (1° du I) ;

- compléter et adapter le code de l'environnement, le code de l'énergie et le code des douanes pour assurer leur conformité avec la directive (2° du I) ;

- et modifier le chapitre IX (effet de serre) du titre II (air et atmosphère) du livre II (milieux physiques) du code de l'environnement pour harmoniser l'état du droit, assurer la cohérence des textes, améliorer le dispositif et corriger d'éventuelles erreurs (3° du I).

Le dépôt du projet de loi de ratification devrait intervenir dans les six mois suivant la publication de l'ordonnance (II).

Selon l'exposé des motifs et la présentation de l'amendement faite en séance, le recours à une ordonnance est justifié par le « délai contraint » prévu pour cette transposition ainsi que par le « caractère très technique » de la directive, qu'il est prévu de transposer « fidèlement » , le Gouvernement ayant précisé qu'il n'était « pas dans son intention de surtransposer la directive ».

Le lien avec le présent projet de loi est quant à lui justifié par le fait qu'il s'agit, par le biais du système ETS, de « permettre une transformation en profondeur de l'industrie et de la production d'énergie , afin de les moderniser et de les rendre compatibles avec une économie bas-carbone ».

3. La position de votre commission

Votre rapporteur n'a pas d'objection au principe d'une transposition par voie d'ordonnance dès lors qu'il s'agit en effet d'une transposition « sèche » de dispositions très techniques .

Votre commission a adopté l'article 71 quater A sans modification .

Article 71 quater (supprimé)
(art. L. 131-4 [nouveau] du code de l'énergie)
Rapport de la Commission de régulation de l'énergie sur l'évolution
des prix du gaz et de l'électricité et sur les marges des fournisseurs

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) « concourt au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz naturel au bénéfice des consommateurs finals en cohérence avec les objectifs [de la politique énergétique] ».

Dans le cadre de ses missions, elle veille notamment à la bonne information des consommateurs et des opérateurs de marché en publiant un observatoire des marchés de gros et des marchés de détail de l'électricité et du gaz, qui est actualisé chaque trimestre. Ce rapport présente en particulier l'évolution des tarifs réglementés de vente et des parts de marché respectives de ces tarifs et des offres de marché, et compare les divers types d'offres disponibles sur le marché (à prix fixes ou variables, vertes ou non, selon les profils de consommation) à partir des données du comparateur d'offres du site du Médiateur national de l'énergie, energie-info.fr.

II. Le texte adopté à l'Assemblée nationale

Introduit par un amendement de la rapporteure en commission, cet article a pour objectif affiché d'accompagner l'extinction des tarifs réglementés proposée à l'article 71 ter par un renforcement de l'information des consommateurs .

Il prévoit, au sein d'un nouvel article L. 131-4 du code de l'énergie, la publication annuelle par la CRE d'un rapport sur l'évolution des prix du gaz et de l'électricité qui doit « analyser notamment l'évolution du prix moyen par les consommateurs, ménages et entreprises, ainsi que des marges réalisées par les fournisseurs ».

III. La position de votre commission

Comme rappelé plus haut, la CRE publie déjà , chaque trimestre, un rapport qui fait notamment état de l'évolution des prix de l'électricité et du gaz sur les marchés de détail.

Au-delà de la formalisation législative de l'exercice, l'apport du présent article consiste donc pour l'essentiel à élargir le champ du rapport à l'analyse des marges des fournisseurs .

Alors que la suppression ou la réduction du champ des tarifs réglementés de vente et la diversité croissante des offres de marchés peuvent inquiéter certains consommateurs, votre rapporteur considère qu' une telle disposition est bienvenue , même si elle devra s'accompagner d'autres mesures de protection et d'information du consommateur, comme proposé à l'article 71 ter.

Elle permettra en tous les cas au grand public de disposer d'un instrument supplémentaire pour mesurer l'évolution réelle des prix et de s'assurer que les niveaux des marges des fournisseurs - dont il conviendra simplement de présenter la moyenne pour éviter de divulguer des données commercialement sensibles et confidentielles - restent raisonnables.

Par souci de clarté, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a accepté, un amendement COM-354 pour intégrer ce rapport , publié chaque trimestre comme aujourd'hui, parmi les dispositions en lien avec la réforme des tarifs réglementés modifiées ou créées aux articles 71 ter et articles additionnels après l'article 71 ter .

En conséquence, votre commission a supprimé l'article 71 quater .

Article 71 quinquies
(art. L. 223-2 et L. 223-3 du code monétaire et financier)
Modification de dispositions relatives aux bons de caisse

I. Le droit en vigueur

Le bon de caisse est un titre remis par une entreprise en échange d'un crédit qui lui est accordé. Il s'agit d'un placement à terme dont la rémunération est versée à l'échéance , ce qui le distingue d'une obligation.

Le régime juridique des bons de caisse a été récemment remis à plat par une ordonnance de 2016 949 ( * ) , dans le but d'encourager le financement participatif des entreprises, notamment des plus petites, par cet instrument financier.

Aux termes de l'actuel article L. 223-1 du code monétaire et financier, le bon de caisse est désormais un titre nominatif 950 ( * ) et non négociable comportant engagement par un commerçant de payer à échéance déterminé, en contrepartie d'un prêt. L'échéance des bons de caisse est aujourd'hui plafonnée à cinq ans 951 ( * ) .

L'article L. 223-2 du même code prévoit que seules deux catégories de personnes peuvent émettre des bons de caisse :

1° les établissements de crédit ;

2° les personnes physiques et sociétés qui exercent en qualité de commerçant et ont établi le bilan de leur troisième exercice commercial.

Lorsqu'il n'est pas émis par une banque, le bon de caisse peut constituer pour l'entreprise un mode de financement dit « participatif » 952 ( * ) , désintermédié entre le prêteur et son créancier.

En pratique, il s'agit d'un placement presque sans risque lorsque l'émetteur est une banque. Il est un peu plus risqué lorsque l'émetteur est une entreprise, a fortiori une jeune entreprise : la faillite de cette dernière peut entraîner la perte du capital investi.

Le taux d'intérêt tient compte de ce risque. Il est fixé à l'émission du bon de caisse et est d'autant plus élevé que l'échéance du bon est lointaine (dans la limite des cinq ans prévus par le code monétaire et financier). Au terme du placement, le créancier est remboursé du nominal et perçoit le montant des intérêts fixés initialement.

Les revenus des bons de caisse sont soumis à l'impôt (barème de l'impôt sur le revenu, ou imposition forfaitaire sous conditions, et prélèvements sociaux).

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article résulte de l'adoption de deux amendements de nos collègues députés Catherine Osson et Laurent Saint-martinpar la commission spéciale, avec l'avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Le 1° du présent article (issu du premier amendement) modifie l'article L. 223-2 du code monétaire et financier pour élargir le champ des émetteurs de bons de caisse afin de permettre notamment aux start-ups les plus jeunes de recourir à ce mode de financement : désormais, les entreprises à l'issue de leur première (et non plus troisième) année d'exercice pourront émettre des bons de caisse.

Afin de donner également plus de souplesse aux bons de caisse et d'encourager leur émission, le 2° du présent article (issu du second amendement) fait passer l'échéance maximale des bons de caisse, prévue au L. 223-3 du même code, de cinq à sept ans.

En séance publique, l'Assemblée nationale n'a fait aucune modification.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à l'adoption du présent article. Elle met toutefois en garde contre un risque accru de défaillance sur un instrument financier qui avait jusqu'à présent la réputation d'être quasi sans risque, car aujourd'hui émis essentiellement par des banques. Pour mémoire, fin août 2018, le cumul sur 12 mois du nombre de défaillances d'entreprises en France s'élevait à 53 323 953 ( * ) , pour un peu moins de 600 000 entreprises créées chaque année 954 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 71 quinquies sans modification.

Article 72
(art. L. 312-1-1, L. 711-21, L. 713-4, L. 713-6, L. 713-7, L. 713-9, L. 725-3, L. 741-3, L. 742-1, L. 742-3, L. 742-6, L. 743-2, L. 743-9, L. 743-10, L. 744-1, L. 744-2, L. 744-3, L. 744-10, L. 744-11, L. 745-1-1, L. 745-6-1, L. 745-7, L. 745-8-3, L. 745-10, L. 745-11, L. 745-11-3, L. 745-11-7, L. 745-12, L. 745-13, L. 746-1, L. 746-2, L. 746-3, L. 746-5, L. 751-3, L. 752-1, L. 752-3, L. 752-6, L. 753-2, L. 753-9, L. 753-10, L. 754-1, L. 754-2, L. 754-3, L. 754-10, L. 754-11, L. 755-1-1, L. 755-6-1, L. 755-7, L. 755-8-3, L. 755-10, L. 755-11, L. 755-11-3, L. 755-11-7, L. 755-12, L. 755-13, L. 756-1, L. 756-2, L. 756-3, L. 756-5, L. 761-3, L. 762-1, L. 763-2, L. 762-3, L. 762-6, L. 763-9, L. 763-10, L. 764-1, L. 764-2, L. 764-3, L. 764-10, L. 764-11, L. L. 765-1-1, 765-6-1, L. 765-7, L. 765-8-3, L. 765-10, L. 765-11, L. 765-11-3, L. 765-11-7, L. 765-12, L. 765-13, L. 766-1, L. 766-2, L. 766-3, L. 766-5 du code monétaire et financier)
Extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et
dans les îles Wallis et Futuna des dispositions
de la présente loi modifiant le code monétaire et financier

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le dispositif proposé

Le présent article a pour objet de rendre les articles du code monétaire et financier modifiés par la présente loi applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie , collectivités ultramarines sur le territoire desquelles une mention expresse d'application est nécessaire 955 ( * ) .

Il procède, à cet effet, aux coordinations nécessaires au sein des dispositions relatives à l'application outre-mer du code monétaire et financier. Ainsi, il actualise des « compteurs outre-mer », cette technique du « compteur » consistant à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.

Le présent projet de loi ne procède pas à l'extension des dispositions relatives aux OPCVM, qui n'ont pas été rendues applicables dans ces collectivités, ni de celles relatives au régime des produits financiers liés à des avantages fiscaux (PEA-PME et plans épargne retraite) ou renvoyant à des dispositions du code du travail, qui ne relèvent pas des compétences de l'État.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le présent article a fait l'objet de 20 amendements ayant pour objet soit d'en améliorer la rédaction, soit de corriger des erreurs matérielles, soit de coordonner la numérotation d'articles cités et modifiés.

III. La position de votre commission

À l'initiative du Gouvernement, la commission a adopté l'amendement COM-570 qui complète le présent article par trois dispositions.

D'abord, il habilite le Gouvernement à étendre par ordonnance les modifications apportées au code monétaire et financier et au code du commerce par la présente loi respectivement dans les territoires du Pacifique soumis au principe de « spécialité législative » et à Wallis et Futuna.

Par ailleurs, il habilite le Gouvernement à refondre par ordonnance le livre VII du code monétaire et financier dédié à l'outre-mer.

Enfin, le présent amendement fixe les délais dans lesquels les projets de ratification des ordonnances précitées devront être déposés devant le Parlement : trois mois à compter de la publication de l'ordonnance relative à l'extension des dispositions du code monétaire et financier et du code de commerce aux collectivités ultramarines ; 24 mois à compter de la publication de l'ordonnance relative à la refonte du livre VII du code monétaire et financier.

Tout en approuvant cet amendement qui permettra de « balayer » les dispositions outre-mer à partir de la version définitive de la loi, votre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas supprimé les dispositions actuelles contenues dans l'article 72, dont certaines sont erronées ou devront être adaptées aux modifications apportées par le Sénat.

Votre commission a adopté l'article 72 ainsi modifié.

Article 72 bis (nouveau)
(art. L. 712-1, L. 712-2, L. 712-4 et L. 712-4-1
du code monétaire et financier)
Réforme de l'Institut d'émission d'outre-mer

I. Le dispositif proposé

À l'initiative du Gouvernement, votre commission a adopté l' amendement COM-566 qui modifie le code monétaire et financier afin de moderniser le cadre opérationnel de la politique monétaire de l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM).

Le contenu de la réforme proposée par cet article additionnel porte sur les modalités de financement des établissements de crédit, les garanties associées à ce refinancement et le dispositif des réserves obligatoires. Selon le Gouvernement, cette réforme devrait permettre de quadrupler le potentiel actuel de refinancement de l'IEOM et de le porter à près de 700 millions d'euros, dont 75 % pour la Nouvelle-Calédonie et 25 % pour la Polynésie française.

Le 3 ° du présent article additionnel modifie l'article L. 712-4 du code monétaire et financier afin de définir les objectifs de la politique monétaire de l'État dans la zone franc CFP, à savoir favoriser le développement économique et le financement de l'économie réelle des territoires, contribuer à la stabilité des prix et à la modération du coût du crédit dans la zone d'intervention, assurer la liquidité monétaire et la stabilité financière de la zone.

Par ailleurs, la gamme des instruments à la disposition du conseil de surveillance de l'IEOM pour la mise en oeuvre de la politique monétaire de l'État est élargie. Ainsi, l'IEOM peut escompter ou prendre en pension des effets représentatifs de crédits consentis. Il peut également accepter en garantie différentes catégories d'actifs éligibles remis par les établissements de crédit afin de garantir la fourniture de liquidité dans le cadre des opérations de politique monétaire.

L'IEOM peut en outre consentir aux établissements de crédit intervenant dans la zone CFP des réserves obligatoires.

Il est également autorisé à procéder à des contrôles sur pièces et sur place auprès des établissements de crédit dans le cadre de l'exercice de sa mission de mise en oeuvre de la politique monétaire de l'État.

Dans sa version actuelle, l'article L. 712-4 précité dispose que « L'institut d'émission d'outre-mer met en oeuvre, en liaison avec la Banque de France, la politique monétaire de l'Etat en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

Désormais, la nouvelle version de l'article L. 712-4 précise que les territoires mentionnés précédemment constituent la zone F CFP.

Le 4 ° complète l'article L. 712-4-1 afin d'imposer l'usage de la signature électronique qualifiée aux procédures et conventions conclues entre l'IEOM et l'ensemble des établissements de crédit, ainsi que pour tous les échanges d'information concernant la politique monétaire et les autres champs d'intervention de l'IEOM.

En outre, il permet la saisine du conseil de surveillance de l'IEOM par d'autres moyens de communication que la seule réunion en présentiel actuellement prévue, afin d'augmenter la réactivité de ce dernier en cas de nécessité pour la poursuite des objectifs de mise en oeuvre de la politique monétaire de l'État dans la zone franc CFP.

Le présent article additionnel modifie également la dénomination de la monnaie en circulation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Ainsi, le 1 ° et le 2 ° modifient respectivement les articles L. 712-1 et L. 712-2 afin de transformer le franc CFP, qui est, depuis le décret n ° 45-0136 du 25 décembre 1945, le « franc des colonies françaises du Pacifique », en « franc des collectivités françaises du Pacifique ».

II. La position de votre commission

Compte tenu du dépôt tardif de cet amendement, la commission n'a pas été en mesure de l'examiner au fond. En outre, elle a fait remarquer que son lien avec le projet de loi était particulièrement difficile à percevoir. Par conséquent, si la présente loi devait faire l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel, cet article risquerait d'être annulé par ce dernier.

Votre commission a adopté l'article 72 bis (nouveau) ainsi rédigé.

Article 73
(art. L. 921-3, L. 950-1 et L. 850-1-1 [abrogé] du code de commerce)
Extension aux îles Wallis et Futuna des dispositions
de la présente loi modifiant le code de commerce

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le dispositif adopté

Le présent article a pour objet de rendre les articles du code de commerce modifiés par la présente loi applicables dans les îles Wallis et Futuna, collectivité ultramarine sur le territoire desquelles une mention expresse d'application est nécessaire 956 ( * ) .

Sont notamment étendues aux îles Wallis et Futuna les dispositions de l'article 14 du présent projet de loi visant à supprimer le caractère systématique de la fixation de la rémunération du dirigeant par le juge-commissaire en cas de redressement judiciaire de l'entreprise. Elles ne sont en revanche pas rendues applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française où le droit des entreprises en difficulté est une compétence locale.

Le présent projet de loi ne procède pas à l'extension dans les îles Wallis et Futuna des dispositions relatives aux administrateurs salariés des entreprises privées, dès lors que le droit du travail, dont ces dispositions sociales ne sont pas détachables, ne relève pas des compétences de l'État.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement d'origine gouvernementale visant à rendre applicable aux îles Wallis et Futuna les dispositions concernant l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

III. La position de votre commission

Votre commission rappelle que dans son avis, le Conseil d'État a fait remarquer que l'extension des dispositions du code de commerce dans un article unique par collectivité, et qui ne repose pas sur le procédé dit du « compteur », ne contribue pas à l'amélioration de l'intelligibilité et de l'accessibilité de la loi.

Compte tenu du nombre très important d'articles contenus dans le présent projet de loi et des multiples coordinations à réaliser afin de rendre les articles du code du commerce modifiés par ce dernier applicables dans les îles Wallis et Futuna, votre commission a approuvé l' amendement COM-570 du gouvernement à l'article 72 qui habilite ce dernier à procéder, par ordonnance, à l'extension à Wallis et Futuna de toutes les modifications apportées au titre V du livre IX du code de commerce par la présente loi.

Pour autant, le gouvernement a souhaité maintenir les dispositions de l'article 73, bien que celles relatives au II, III et III bis de cet article devraient in fine figurer dans l'ordonnance précitée.

Votre commission a adopté l'article 73 sans modification .

CHAPITRE V
DISPOSITIF DE SUIVI ET D'ÉVALUATION

Article 74 (supprimé)
Création d'un comité d'évaluation auprès du Premier ministre

Article examiné dans le cadre de la procédure de législation en commission

I. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement de séance présenté par notre collègue député Roland Lescure, du groupe La République en marche, rapporteur général de la commission spéciale.

Le nouvel article 74 proposé prévoit la création d'un comité d'évaluation placé auprès du Premier ministre et chargé du suivi de l'application et de l'évaluation de la présente loi , trois mois après sa publication.

Ce comité devra réaliser et actualiser, d'une part, un tableau de bord de l'état d'avancement des ordonnances que le Gouvernement est habilité à prendre en application de la présente loi ; d'autre part, un échéancier des mesures réglementaires à prendre en application de ses principales dispositions ; enfin, un bilan des effets macroéconomiques des réformes conduites, de leur appropriation par les acteurs concernés, afin d'en déterminer les effets indésirables et de proposer d'éventuelles mesures correctives.

Les travaux de ce comité ont vocation à être transmis à un comité de pilotage associant les membres du Parlement, les experts issus du monde académique et les parties prenantes des différentes dispositions contenues dans la loi.

Le comité d'évaluation peut être auditionné, par les commissions permanentes estimées compétentes des deux assemblées sur un rythme d'abord semestriel puis annuel .

Le comité d'évaluation remet, en outre, « le cas échéant », soit dans le cadre de ses auditions avec les organes du Parlement, soit en association avec les travaux d'évaluation d'initiative parlementaire, un rapport sur chacune des quinze thématiques présentées comme relevant de la loi, au plus tard deux ans après sa publication 957 ( * ) .

Cet amendement a été complété par deux sous-amendements : le premier, présenté par notre collègue députée Laure de la Raudière, du groupe Les Républicains, prévoyant la transmission d'un rapport annuel sur les activités du Fonds pour l'innovation et l'industrie ; le second, présenté par notre collègue député Laurent Bolo, du groupe MODEM, insérant la création d'une base de données sur les délais de paiement des entités publiques parmi les thématiques concernées par ce nouveau dispositif.

II. La position de votre commission

Si ce mécanisme d'évaluation des dispositions présentées comme essentielles du projet de loi se veut ad hoc et ne vise pas, selon notre collègue Roland Lescure, à « remplacer les procédures d'évaluation classique de la loi 958 ( * ) », votre rapporteur ne peut qu'exprimer son inquiétude.

En effet, ce dispositif, présenté comme assurant le suivi, au plus près, de la mise en oeuvre des principales dispositions de la loi, lui semble contraire au bon fonctionnement de nos institutions, en brouillant la délimitation entre les actions d'évaluation et de contrôle du Gouvernement et du Parlement.

Si l'administration dispose de ses propres moyens pour conduire l'évaluation de la mise en oeuvre des différentes dispositions de la loi, le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques incombent au Parlement, conformément à l' article 24 de la Constitution 959 ( * ) .

Votre rapporteur rappelle qu'il n'appartient pas non plus au Gouvernement de proposer que le comité d'évaluation soit auditionné par les commissions permanentes qu'il considère comme compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ; les huit commissions permanentes de chacune des deux assemblées pouvant auditionner, de leur propre chef, toute instance qu'elles estiment importante pour le bon déroulement de leurs travaux.

Ainsi, la méthode retenue pour ce dispositif , qui consiste à associer les Parlementaires dans un comité de pilotage destiné à superviser le travail du comité d'évaluation, semble , pour votre rapporteur, porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs . De ce fait, ce dispositif remet ainsi le principe posé par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 selon lequel : « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

En outre, la complexité du dispositif proposé augure des difficultés de sa mise en oeuvre.

En raison du nombre de problématiques dont ce comité doit s'emparer, ses effectifs seraient nécessairement voués à être pléthoriques du fait de la représentation des « parties prenantes de la réforme » ; votre rapporteur ne peut ainsi qu'émettre des doutes quant à la viabilité du dispositif proposé.

Par ailleurs, sur les quinze thématiques présentées comme relevant de la loi Pacte, la création d'une base de données sur les délais de paiement des entités publiques 960 ( * ) n'est pas abordée, en tant que telle, dans le projet de loi .

Son ajout, suite à un sous-amendement de séance, aux différentes thématiques suivies par le comité d'évaluation ad hoc constitue un changement de périmètre , en contradiction avec la mission initialement confiée à cette nouvelle instance.

Enfin, le risque de vérifier le constat, selon lequel les rapports demandés par la loi ne sont que rarement remis au Parlement , comme le relevait le dernier bilan annuel de l'application des lois publié par le Sénat 961 ( * ) , semble devoir être, s'agissant non d'un seul, mais de quinze rapports distincts, très sérieusement envisagé.

En adoptant l' amendement COM-554 présenté par votre rapporteur, votre commission a supprimé l'article 74.

*

* *

Votre commission spéciale a adopté le projet de loi ainsi modifié.


* 1 Vingt articles ont été examinés selon la procédure de législation partielle en commission (articles 5 bis , 7 ter , 11, 15, 15 bis , 19 quater , 21 ter , 23 bis , 24, 24 ter , 25, 29 bis , 39, 39 bis , 61 quinquies , 63 bis , 66 bis , 72, 73 et 74).

* 2 Les assemblées parlementaires publient par principe depuis longtemps la liste des personnes auditionnées par leurs commissions et leurs rapporteurs (voir l'annexe du présent rapport).

* 3 De même pour l'évaluation de ses effets.

* 4 Le Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises a gardé son acronyme en devenant projet de loi.

* 5 Projet de loi n° 1088 (AN).

* 6 Texte n° 1237 (AN).

* 7 Texte n° 28 (Sénat).

* 8 Article 45 de la Constitution du 4 octobre 1958.

* 9 Disponibles sur le site Internet du Sénat.

* 10 La liste des personnes auditionnées figure en annexe du présent rapport et les comptes rendus des auditons plénières font l'objet d'une publication séparée. Ils sont également disponibles sur le site du Sénat à l'adresse : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/cs-transformation-entreprises.html

* 11 En 2016, quatre réseaux de CFE reçoivent chacun plus de 100 000 formalités de création : les URSSAF (290 000), les greffes des tribunaux (234 000) ainsi que les CCI (197 000) et les CMA (134 000).

* 12 Devenus opérationnels avec le décret n°2011-327 du 24 mars 2011.

* 13 Amendement de notre collègue députée Annie Genevard, du groupe LR.

* 14 Amendement du Gouvernement, I.

* 15 Amendement du Gouvernement, II.

* 16 L'étude d'impact précise que six cas sont envisagés (annonces relatives à la création d'entreprise, aux modifications diverses telles que celle du siège, aux ventes, cessions, procédures collectives, cessations d'activité).

* 17 Amendement de Maina Sage du groupe UDI, Agir et Indépendants, sous-amendé à l'initiative de Denis Sommer et Roland Lescure, du groupe LREM.

* 18 Amendement n°1930 d'Adrien Taquet, du groupe LREM.

* 19 Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

* 20 Et, en tant que de besoin, par des établissements publics d'enseignement ou par des centres conventionnés dans les conditions fixées par les articles L. 6122-1 et L. 6122-3 du code du travail.

* 21 En application du a du 2° de l'article L. 6331-48 du code du travail.

* 22 En application de l'avant dernier alinéa de l'article L. 6331-48 précité.

* 23 Référé du 7 mai 2013.

* 24 Voir les articles L. 632-1 à L. 632-11 du code rural et de la pêche maritime. Dans ce cadre, notamment, le conseil interprofessionnel des vins de Provence mène des actions de communication et promotion collectives des vins des trois appellations (côtes de Provence, Coteaux d'Aix-en-Provence, Coteaux varois de Provence), en France et à l'international. Il bénéficie d'une cotisation perçue sur l'hectolitre de vin rosé et prévue par un accord interprofessionnel étendu par un arrêté interministériel du 16 janvier 2018. De même, Interfel (Interprofession des fruits et légumes), qui a pour mission de développer le marché des fruits et légumes, de favoriser la croissance et la rentabilité des entreprises de la filière et de défendre leurs intérêts, perçoit une cotisation volontaire étendue (CVE) payée par toutes les entreprises de la filière dès la première mise en marché, et assise sur le montant des ventes hors taxe. Cette cotisation finance des actions de marketing, de publi-promotion, d'études et de recherche.

* 25 Aux termes de l'article L. 2152-6 du code du travail : « Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel. À cette fin, il vérifie que les critères définis au présent chapitre sont respectés et s'assure notamment que le montant des cotisations versées par les entreprises et, le cas échéant, les organisations professionnelles adhérentes est de nature à établir la réalité de leur adhésion . »

* 26 De façon symétrique, le patrimoine personnel restant est le seul gage général des créanciers personnels dont les créances sont nées postérieurement à la constitution du patrimoine professionnel.

* 27 Rapport n° 362 (2009-2010) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, déposé le 24 mars 2010. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l09-362/l09-362.html

* 28 Auparavant, l'insaisissabilité supposait d'effectuer une déclaration notariée.

* 29 On parle couramment de « seuil fiscal » lorsque le régime juridique en question concerne un prélèvement obligatoire et de « seuil social » pour le reste des obligations s'appliquant à l'entreprise, ces dernières concernant surtout les salariés.

* 30 Étude de l'effet sur l'emploi des seuils sociaux en France et en Allemagne, mai 2015, commandée par la délégation sénatoriale aux entreprises.

* 31 Article R. 130-1 du code de la sécurité sociale qui définit, sauf dispositions contraires, les modalités de calcul de l'effectif salarié annuel de l'employeur applicables pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales.

* 32 Outre la fusion des IRP au sein du comité social et économique de l'entreprise, l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 a en effet harmonisé la période de référence pour le calcul des effectifs salariés requis pour l'instauration de ce comité et l'élargissement de ses compétences : à partir de 11 salariés pour sa création (avec les compétences des anciens délégués du personnel) et de 50 pour le doter des compétences des anciens comités d'entreprise et d'hygiène et de sécurité.

* 33 C'est-à-dire les dirigeants de sociétés (sociétés anonymes, sociétés à actions simplifiées et gérant minoritaires des sociétés à responsabilité limitée).

* 34 Pour mettre en place un règlement intérieur ou employer un infirmier.

* 35 Ainsi que l'a remarqué la direction générale du Trésor dans une note récente (Trésor-éco, n° 226, septembre 2018).

* 36 Le seuil de 50 est particulièrement pointé. En 2008, le rapport de la commission « Attali » expliquait déjà que le passage à 50 salariés entraînait l'application de 34 nouvelles obligations pour les entreprises, dont le coût représente 4 % de la masse salariale. Ces obligations sont aujourd'hui 49 à en croire le tableau présenté dans l'étude d'impact...

* 37 Art. L. 2531-2 et L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales.

* 38 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 39 D'après les informations obtenues par votre rapporteure, la « dernière année connue »désigne, par opposition à l'année civile précédente en principe prise en compte pour le calcul des cotisations sociales, la dernière année civile connue. Lorsque les caisses calculent la cotisation AT-MP en début d'année n, elles tiennent compte des effectifs de l'année n-2 pour la détermination du mode de tarification (individuelle, mixte ou collective) et de la masse salariale des trois dernières années civiles connues pour le calcul du taux (art. D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale).

* 40 Elle en cite toutefois 14 seulement (pp. 104-105) alors que le tableau récapitulatif en recense 19 dans le code de la sécurité sociale...

* 41 Voir le commentaire de l'article 57, infra.

* 42 C'est-à-dire le salarié qui n'a pas bénéficié d'au moins deux des trois mesures suivantes : suivi d'une action de formation ; acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis ; le bénéfice d'une progression salariale ou professionnelle.

* 43 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 44 Soit au total 2,8 points de prélèvements sur la masse salariale... qui sont compris dans les 63,38 % de cotisations et contributions sociales (parts patronales et salariales comprises) pour un salarié ne bénéficiant pas de mesures d'allègements.

* 45 Étude d'impact.

* 46 Trésor-éco n° 226, op. cit.

* 47 Trésor-éco, n° 226, op. cit.

* 48 Outre l'article 6, les articles 6 bis , 15, 57 et 62 septies modifient des dispositifs de seuils dans le sens de l'harmonisation établie par le présent article.

* 49 L'application facultative, pour les entreprises de moins de 5 salariés, de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée (article 15 de ce projet de loi) ; l'exonération totale de cotisations sociales pour les apprentis sauf celles dues au titre du risque AT-MP dans les entreprises de moins de 11 salariés, généralisée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ; la possibilité dans les entreprises concernées de moins de 20 salariés de bénéficier du titre emploi service entreprise ou titre emploi service agricoles ; la possibilité de recourir, dans les entreprises de moins de 20 salariés, au statut de conjoint collaborateur dans les sociétés artisanales, commerciales ou libérales ; enfin l'obligation pour les entreprises de plus de 25 salariés d'avoir un compte bancaire dédié au versement des fonds perçus en contrepartie de la cession des titres restaurants.

* 50 On rappellera que le nombre de seuils identifiés dans le code de commerce s'élève à 39.

* 51 Rapport Attali, op. cit .

* 52 La réduction générale des cotisations et contributions sociales sur les bas salaires jusqu'à 1,6 Smic bénéficiant désormais aux entreprises jusqu'à 50 salariés ; l'assujettissement au Fnal et à la PEEC déjà évoqués, l'application du taux réduit aux entreprises de moins de 50 salariés (voir l'article 6 bis de ce projet de loi) de la taxe pour le développement des industries de l'ameublement ainsi que pour les industries du bois ; l'obligation d'un règlement intérieur au sein de chaque entreprise ou établissement de plus de 50 salariés ; l'obligation de mettre à disposition dans les entreprises de plus de 50 salariés un local de restauration.

* 53 Voir en particulier, le rapport Simplifier efficacement pour libérer les entreprises, E. Lamure et O. Cadic, février 2017.

* 54 Voir le compte rendu de l'audition du mercredi 7 novembre 2018.

* 55 Avis n° 707 (2015-2016), fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 22 juin 2016 (commentaire de l'article 43 ter).

* 56 Rapport de la commission pour la libération de la croissance française, sous la présidence de Jacques Attali, 2008.

* 57 Étude sur l'effet de l'emploi des seuils sociaux en France et en Allemagne, mai 2015, commandée par la délégation sénatoriale aux entreprises.

* 58 Voir le compte-rendu de l'audition du mercredi 7 novembre 2018.

* 59 Une stratégie PME pour la France, Jean-Paul Betbèze et Christian Saint-Etienne, conseil d'analyse économique, 2006.

* 60 Plusieurs seuils à 20 demeurent dans le domaine social, en lien avec l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

* 61 Impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu en fonction du régime fiscal de l'entreprise.

* 62 Société anonyme, société par actions simplifiées et société à responsabilité limitée.

* 63 Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificatives pour 2003.

* 64 Voir le commentaire de l'article 6.

* 65 Ordonnance prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 46 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives ; non ratifiée à ce jour.

* 66 UBIfrance était placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé du commerce extérieur.

* 67 Au titre de l'article 3 du décret n°2004-103 du 30 janvier 2004 relatif à UBIFRANCE, Agence française pour le développement international des entreprises.

* 68 Au titre de l'article 7 du décret n° 2014-1571 du 22 décembre 2014 relatif à l'agence Business France.

* 69 Étude d'impact du présent projet de loi, article 7.

* 70 Cette durée minimale était initialement prévue à l'article L. 122-5 du code du service national avant que l'article 15 de la loi n°2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique ne la transfère à l'article L. 122-3 du même code.

* 71 Au titre de l'article 5 de l'arrêté du 24 mars 2004, cent jours doivent être passés à l'étranger pour une mission de six mois. Pour toute mission d'une durée supérieure, chaque mois supplémentaire prolonge ces cent jours de dix-sept jours environ.

* 72 Par exemple, l'arrêté du 25 septembre 2018 fixant par pays et par groupe les taux de l'indemnité d'expatriation, de l'indemnité de résidence à l'étranger et de l'indemnité supplémentaire prévoit une revalorisation de l'indemnité supplémentaire de VIE de +6,27 % en Arabie Saoudite, contre -10,00 % pour les volontaires en Argentine.

* 73 Arrêté du 8 janvier 2015 fixant par pays les montants de l'indemnité supplémentaire pour les volontaires internationaux en entreprise à l'étranger.

* 74 Décret n° 2006-563 du 17 mai 2006 fixant les conditions et modalités d'application de l'article 119 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, relatif au régime de garantie de l'État en faveur des sociétés du secteur de la construction navale.

* 75 En raison de l'article 98 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 76 Du fait de l'article 62 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

* 77 Il s'agit : des Alpes-Maritimes, de la Corse du sud, de la Haute-Corse, de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse, de la Moselle, des Pyrénées orientales, des Vosges, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion ainsi que de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

* 78 Article L. 822-9 du code de commerce.

* 79 Article L. 822-10 du même code.

* 80 Article L. 823-3 du même code.

* 81 À cet égard, l'article L. 225-218 du code de commerce dispose que « le contrôle est exercé, dans chaque société, par un ou plusieurs commissaires aux comptes ».

* 82 Sauf exceptions, le régime de la société en commandite simple est aligné sur celui de la société en nom collectif.

* 83 Y compris entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, c'est-à-dire société à responsabilité limitée à associé unique.

* 84 Sauf exceptions, le régime de la société en commandite par actions est aligné sur celui de la société anonyme.

* 85 La désignation d'un commissaire aux comptes dans une société par actions simplifiée est obligatoire si la société en contrôle une autre ou est contrôlée par une autre : il s'agit d'une garantie.

* 86 Article L. 823-2 du code de commerce.

* 87 Article L. 233-16 du code de commerce.

* 88 Ce rapport a été publié par l'inspection des finances. Il est consultable à l'adresse suivante :

http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2018/2017-M-088-03.pdf

* 89 Ce livre blanc est consultable à l'adresse suivante :

https://cdn.cncc.fr/download/livre-blanc-de-la-profession-des-commissaires-aux-comptes.pdf

* 90 Articles L. 225-218 et L. 226-6 du code de commerce, respectivement pour les sociétés anonymes et pour les sociétés en commandite par actions.

* 91 Dans ce cas, le juge n'est pas tenu de procéder à la désignation, mais il en apprécie la nécessité au regard des arguments avancés par les actionnaires.

* 92 Chapitre V du titre II du livre II du code de commerce (articles L. 225-1 et suivants).

* 93 Chapitre VI du titre II du livre II du code de commerce (articles L. 226-1 et suivants).

* 94 Par exemple pour évaluer la valeur d'un bien appartenant à un actionnaire et acheté par la société dans les deux ans de son immatriculation (article L. 225-101 du code de commerce).

* 95 Ces conventions concernent, notamment, les rémunérations et les divers avantages accordés aux dirigeants, les engagements liés à la cessation des fonctions des dirigeants, l'achat d'un bien appartenant à un actionnaire, mais également, au sein des groupes, les cautions, avals et garanties au profit d'une filiale, les subventions et prêts sans intérêt, la prise en charge de certaines dépenses d'une filiale, les conventions de trésorerie, les engagements pris au bénéfice de dirigeants d'une autre société du groupe...

* 96 Article L. 225-228 du code de commerce.

* 97 L'article L. 225-105 du code de commerce dispose que des actionnaires représentant au moins 5 % du capital ou une association d'actionnaires ont la faculté de requérir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de points ou de projets de résolution.

* 98 En conséquence, le projet de loi supprime la règle selon laquelle la désignation d'un commissaire aux comptes dans une société par actions simplifiée est obligatoire si la société en contrôle une autre ou est contrôlée par une autre.

* 99 Les critères de définition de ces groupes consolidés, fixés par l'article L. 233-16 du code de commerce, sont plus exigeants que pour la notion de contrôle. Ils caractérisent une notion de contrôle dit exclusif.

* 100 Les « big four » sont tous anglo-saxons (Deloitte, KPMG, Ernst & Young, PricewaterhouseCoopers) et sur les « big seven » (outre les « big four », Grant Thornton, BDO, Mazars), seul Mazars est français.

* 101 Ces professionnels peuvent toutefois exercer en parallèle la profession d'expert-comptable.

* 102 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/2018/Rapport_Avenir_de_la_profession_des_CAC_-_20_juin_2018.pdf

* 103 L'article 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable autorise à « effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre statistique, économique, administratif, ainsi que tous travaux et études à caractère administratif ou technique, dans le domaine social et fiscal » et « donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre juridique, fiscal ou social (...), mais seulement s'il s'agit d'entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable ou d'accompagnement déclaratif et administratif de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdits consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés ».

* 104 Voir le commentaire de l'article 9 bis D du projet de loi.

* 105 Par exemple le contrôle des conventions réglementées, de certaines opérations d'augmentation de capital ou encore de certains rapports ou documents comptables.

* 106 Voir Conseil constitutionnel, décision n° 89-254 DC du 4 juillet 1989, loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations (considérant 24), et Conseil d'État, 14 janvier 1938, La Fleurette, 22 février 1963, commune de Gavarnie, et 9 mai 2012, Godet. Dans ce dernier arrêt, le Conseil d'État considère « qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en oeuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu'ainsi, en l'absence même de dispositions le prévoyant expressément, l'exploitant d'une installation dont la fermeture ou la suppression a été ordonnée sur le fondement de l'article L. 514-7 du code de l'environnement en raison des dangers ou inconvénients qu'elle représentait, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ».

* 107 Décret n° 2018-857 du 8 octobre 2018 prorogeant les mandats des élus des conseils régionaux des commissaires aux comptes et du Conseil national des commissaires aux comptes.

* 108 Les comptes combinés permettent de présenter de façon agrégée les comptes de plusieurs entités qui ne sont pas liées entre elles par des liens classiques de dépendance juridique, comme pour des comptes consolidés, mais par des liens opérationnels forts.

* 109 Articles L. 822-9 et suivants du code de commerce.

* 110 Rapport n° 370 (2014-2015) de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi-Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale, sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, déposé le 25 mars 2015. Ce rapport est consultable, sur ce point, à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-370-1/l14-370-17.html#toc123

* 111 Le projet de loi prend aussi en compte les personnes titulaires de l'examen d'aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes ou de l'épreuve d'aptitude, en vigueur avant le 27 mars 2007.

* 112 En particulier les URSSAF.

* 113 L'étude d'impact fait en effet référence à l'article R. 613-27-1 qui a été transféré par le décret n° 2018-174 du 9 mars 2018.

* 114 Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales.

* 115 Ou du directeur de la caisse générale de sécurité sociale dans les outre-mer concernés.

* 116 Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, les travailleurs indépendants non agricoles relèvent désormais du régime général de sécurité sociale et, sous certaines réserves concernant les professions libérales, de ses différentes branches (maladie, vieillesse) juridiquement distinctes.

* 117 Aux termes de l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

* 118 L'étude d'impact cite les registres suivants : le répertoire des entreprises et des établissements (géré par le Système d'information du répertoire des entreprises et des établissements-Sirene) établi par l'Insee, le répertoire des métiers tenu par les chambres des métiers et de l'artisanat, le registre du commerce et des sociétés, le registre spécial des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et le registre spécial des agents d'assurance tenus par les greffes des tribunaux de commerce, le registre des entreprises de la batellerie artisanale et celui des patrons et compagnons bateliers gérés par le Chambre nationale de la batellerie artisanale.

* 119 Pp. 151-152.

* 120 Étude d'impact p. 151.

* 121 Défini à l'article L. 613-7 du code de la sécurité sociale.

* 122 Article 94 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

* 123 Rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, Jean-Marie Vanlerenberghe, novembre 2014.

* 124 De l'ordre de 20 euros par mois en moyenne pour un compte professionnel (frais de tenue de compte, mise à disposition d'un terminal bancaire, accès à une plateforme pour les professionnels, carte bancaire professionnelle...) et de 5 à 8 euros par mois pour un compte non-professionnel. L'article L. 613-10 n'oblige pas à l'ouverture d'un compte professionnel.

* 125 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 126 Pour reprendre les termes de notre collègue Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis du projet de loi au Sénat au nom de la commission des finances.

* 127 Elles se bornent en particulier à la tenue d'un livre-journal des recettes professionnelles.

* 128 Rapport d'information fait sur le bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2018, par Mme Valérie Létard, Présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, n°510, enregistré à la Présidence le 29 mai 2018, session ordinaire de 2017-18, p.25.

* 129 Ibid , p. 26.

* 130 https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/dossiers/egalite-professionnelle/entrepreneuriat-des-femmes/.

* 131 https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/publications/droits-des-femmes/egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/vers-legalite-reelle-entre-les-femmes-et-les-hommes-chiffres-cles-edition-2018/.

* 132 Dont certaines, dans le ressort des métropoles, prennent le nom de chambres métropolitaines (CCIM).

* 133 Compte tenu de l'abaissement du plafond de taxe opéré par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 134 Revue des missions et scénarios d'évolutions des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers et de l'artisanat.

* 135 Par exemple, en septembre 2018, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a signé une convention avec la CCIT du Var afin que celle-ci agisse comme agence de développement économique à l'échelle du département du Var.

* 136 Rapport n° 310 (Sénat, 2015-2016) de M. Michel Houel, au nom de la commission des affaires économiques.

* 137 Rapport n° 1189 (A.N., XVème lég.) de Stella Dupont et Valérie Oppelt au nom de la mission d'information commune sur les chambres de commerce et d'industrie présidée par Valérie Lacroute, 24 juillet 2018.

* 138 Articles L. 123-12 et suivants du code de commerce.

* 139 Articles L. 232-1 et suivants du code de commerce.

* 140 Rapport n° 96 (2018-2019) de M. Olivier Cadic et Mme Marta de Cidrac, fait au nom de la commission spéciale, sur le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, déposé le 30 octobre 2018. Ce rapport est consultable, sur ce point, à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l18-096/l18-0968.html#toc127

* 141 Rapport n° 712 (2013-2014), fait au nom de la commission des affaires économiques et de la commission pour le contrôle de l'application des lois.

* 142 Le respect des valeurs républicaines ; l'indépendance ; la transparence financière ; une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, cette ancienneté s'appréciant à compter de la date de dépôt légal des statuts ; l'audience, établie selon les niveaux de négociation ; l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; les effectifs d'adhérents et les cotisations.

* 143 Instaurée en application de l'article 2 de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers.

* 144 Ces conditions ont été précisées par la circulaire du 15 juin 2015 relative aux activités commerciales sur le domaine public. Le Ministère de l'Économie et des Finances a également mis en place une « Foire aux questions » pour répondre aux interrogations des maires à ce sujet.

* 145 Le régime spécifique des activités agricoles est fondé sur la définition de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Celui-ci dispose que : « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal [...] ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ». Il prévoit aussi  que : « Les activités agricoles ainsi définies ont un caractère civil ».

* 146 Cotisation à la Mutualité sociale agricole.

* 147 La désignation d'un administrateur judiciaire est obligatoire pour les procédures concernant des entreprises d'au moins 20 salariés et 3 millions d'euros de chiffre d'affaires hors taxes. En-deçà de ces seuils, le tribunal peut désigner un administrateur judiciaire s'il le juge nécessaire.

* 148 Par une décision spécialement motivée, le tribunal peut proroger la durée de trois mois. En outre, par une décision spécialement motivée, le tribunal peut décider à tout moment le retour à la procédure normale.

* 149 Dont quasiment la moitié de procédures de liquidation judiciaire simplifiée.

* 150 Rapport n° 90 (2015-2016) de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives et sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1088 du 26 septembre 2014 complétant l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, déposé le 21 octobre 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l15-090/l15-090.html

* 151 Exemple : loi du 12 septembre 1940 sur le warrant industriel.

* 152 Le pacte commissoire est défini par l'article 2348 du code civil : il peut être convenu, soit lors de la constitution d'un gage, soit postérieurement, qu'à défaut d'exécution de l'obligation garantie, le créancier deviendra propriétaire du bien gagé.

* 153 La garantie autonome, définie à l'article 2321 du code civil, est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

* 154 La lettre d'intention, définie à l'article 2322 du code civil, est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier.

* 155 Cession « Dailly », définie à l'article L.313-23 du code monétaire et financier.

* 156 Document consultable à l'adresse suivante : http://henricapitant.org/storage/app/media/pdfs/travaux/avant-projet-de-reforme-du-droit-des-suretes.pdf

* 157 Selon l'étude d'impact, ce délai varie de trois à douze mois selon les tribunaux.

* 158 Le régime procédural de la procédure de redressement judiciaire renvoie largement à celui de la procédure de sauvegarde.

* 159 Articles L. 622-15 et L. 641-12 du code de commerce.

* 160 Le code du travail prévoit, en son article L. 3332-16, qu'« un plan d'épargne d'entreprise établi par accord avec le personnel peut prévoir l'affectation des sommes versées à un fonds dédié au rachat des titres de cette entreprise ou d'actions émises par des sociétés créées dans les conditions prévues à l'article 220 nonies du code général des impôts, ainsi que de titres d'une entreprise du même groupe au sens du deuxième alinéa de l'article L. 3344-1, dans le cadre d'une opération de rachat réservée aux salariés ».

* 161 Article L. 233-16 du code de commerce : « [...] II.- Le contrôle exclusif par une société résulte : 1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ; 2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ; 3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet. III.- Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord ».

* 162 Article L. 214-165 du code monétaire et financier : « IV. [...] Lorsque les titres émis par l'entreprise ou par toute entreprise qui lui est liée dans les conditions prévues aux articles L. 3344-1 et L. 3344-2 du code du travail ne sont pas admis aux négociations sur un marché mentionné aux articles L. 421-1, L. 422-1 ou L. 423-1 du présent code, le fonds commun de placement d'entreprise peut être partie à un pacte d'actionnaires afin de favoriser la transmission de l'entreprise, la stabilité de l'actionnariat ou la liquidité du fonds ».

* 163 Ces entreprises relèvent de l'article L. 241-1 du code des assurances : « Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. À l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité. Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance ».

* 164 Ces personnes relèvent, quant à elles, de l'article L. 241-2 du code des assurances : « Celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait. Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente ».

* 165 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 166 Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

* 167 Article 22-2 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat : « Les personnes immatriculées au répertoire des métiers ou au registre des entreprises mentionné au IV de l'article 19 de la présente loi relevant du secteur de l'artisanat ainsi que les entrepreneurs relevant du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale indiquent, sur chacun de leurs devis et sur chacune de leurs factures, l'assurance professionnelle, dans le cas où elle est obligatoire pour l'exercice de leur métier, qu'ils ont souscrite au titre de leur activité, les coordonnées de l'assureur ou du garant, ainsi que la couverture géographique de leur contrat ou de leur garantie ».

* 168 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 169 Arrêté du 5 janvier 2016 fixant un modèle d'attestation d'assurance comprenant des mentions minimales prévu par l'article L.243-2 du code des assurances.

* 170 Article L. 626-12 du code de commerce.

* 171 Article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime.

* 172 Le président du tribunal de grande instance pour les débiteurs ne relevant pas de la compétence du tribunal de commerce.

* 173 Article L. 611-2 du code de commerce.

* 174 Rappelons qu'un signal faible est  une information d'alerte précoce, de faible intensité, pouvant être annonciatrice d'une tendance ou d'un événement important. Cette notion, introduite en micro-économie par l'économiste russo-américain Harry-Igor Ansoff, a servi de base à une expérimentation, conduite en Région Bourgogne-Franche Comté sous l'égide de la Banque de France, du délégué interministériel aux restructurations d'entreprises et de la Start-up d'État « Signaux faibles » pour détecter en amont les premières difficultés des entreprises et les accompagner dans leur résolution. Les résultats de cette démarche - qui a concerné en 2017-2018 neuf entreprises (PME -TPE), ont permis de renforcer le dispositif de détection susceptible d'anticiper, jusqu'à trois années d'avance, les difficultés de fonctionnement des entreprises. Ce programme « Signaux Faibles » devrait prochainement être étendu à sept autres régions (Nouvelle Aquitaine, Occitanie, PACA, Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Centre Val de Loire).

* 175 Source : Statinfo Banque de France Eurosystème du 11 décembre 2018.

* 176 Article L.611-2 du code de commerce : «I.- Lorsqu'il résulte de tout acte, document ou procédure qu'une société commerciale, un groupement d'intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation. À l'issue de cet entretien ou si les dirigeants ne se sont pas rendus à sa convocation, le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur ».

* 177 Définition du Conseil d'orientation des retraites dans le rapport « Les retraités : un état des lieux et de leur situation en France », décembre 2015.

* 178 Par référence aux articles 39, 82 et 83 du code général des impôts.

* 179 Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017.

* 180 Conseil d'orientation des retraites, document de travail fourni pour la séance plénière du 24 janvier 2018.

* 181 Cf. BOFIP BOI-RSA-PENS-30-20-20170711 §1.

* 182 CE, 15 mai 1974, n° 88924.

* 183 Dans la rédaction de ce commentaire, les alinéas visés correspondent à ceux du texte transmis au Sénat en première lecture, et non du texte initial.

* 184 Le PER peut prévoir des versements obligatoires, à l'image des contrats dits « article 83 ».

* 185 Les provisions mathématiques correspondent à toutes les réserves constituées par les assureurs afin de respecter leurs engagements, tels que le capital décès, rentes ou capitaux garantis en cas de vie. Elles sont distinctes des provisions de diversification qui visent à investir une partie du capital placé pour le faire fructifier. Cf. commentaire de l'article 21.

* 186 Le statut des conseillers en investissements participatifs a été créé par l'article 1 de l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif et est codifié à l'article L. 547-1 du code monétaire et financier.

* 187 Article R. 144-21 du code des assurances.

* 188 Les versements obligatoires correspondent aux produits d'épargne retraite de type « article 83 » pour lesquels l'affiliation est obligatoire pour certaines catégories de salariés au sein de l'entreprise. Ces produits ne proposent actuellement que des sorties en rente viagère, et le projet de loi maintient cette exception.

* 189 Étude d'impact.

* 190 Étude d'impact.

* 191 DREES, Les retraités et les retraites, édition 2018.

* 192 Conseil d'orientation des retraites, Les retraités : un état des lieux de leur situation en France, 2015, p.177.

* 193 Étude d'impact.

* 194 Le droit au rachat de son contrat est une disposition d'ordre public (article L. 132-21 du code des assurances).

* 195 Décret n° 2017-1105 du 23 juin 2017 relatif au fonctionnement des contrats d'assurance sur la vie comportant des garanties exprimées en unités de compte.

* 196 Rapport sur l'épargne financière remis aux ministres de l'économie et des finances, et délégué au budget, Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, avril 2013.

* 197 Ordonnance n° 2014-696 du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance-vie au financement de l'économie, prise en application de l'article 17 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.

* 198 Article 9 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 199 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 200 Rapport n° 370 (2014-2015) fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, par Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone, et François Pillet, p.359.

* 201 Les articles L. 132-5-1 et L. 132-13 du code des assurances mentionnent d'ailleurs « les sommes versées ».

* 202 Directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie.

* 203 Étude d'impact.

* 204 Cass. 2 e civ. 19 mai 2016 n°15-13.606, R. c/ Sté Natixis Life.

* 205 Dans la rédaction de ce commentaire, les alinéas visés correspondent à ceux du texte transmis au Sénat en première lecture, et non du texte initial.

* 206 Les entreprises solidaires sont définies à l'article L. 3332-17-1 du code du travail.

* 207 Rapport relatif au financement des entreprises en France, remis au Ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire et la Secrétaire d'État auprès du Ministre, Delphine Geny-Stephann, décembre 2017.

* 208 Il s'agit des sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros.

* 209 Sous réserve de respecter un quota de 75 % de titres éligibles (cf. b du 2° du I de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier).

* 210 Contrairement au PEA, l'éligibilité est de droit (cf. d du 3 de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier).

* 211 Sous réserve que l'encours ne dépasse pas 10 % de l'ensemble de l'encours du contrat (cf. 1° du II de l'article R. 131-1 du code des assurances).

* 212 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 213 Géraldine Bruguière-Fontenille, « Le lent démarrage des unités de compte en private equity », L'argus de l'assurance, 8 mars 2018.

* 214 Ce registre unique, prévu à l'article L. 546-1 du code monétaire et financier, est tenu par l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias).

* 215 Deuxième et troisième alinéas du b du 3° de l'article R. 548-5 du code monétaire et financier.

* 216 ACPR, « Position de l'ACPR relative aux taux de défaillance que doivent publier les intermédiaires en financement participatif », 2017-P-02, 22 décembre 2017.

* 217 « Financement participatif : face aux dérives persistantes, une régulation s'impose », UFC-Que Choisir, 5 novembre 2018.

* 218 Mais également toute admission de titres financiers aux négociations sur un marché réglementé.

* 219 Qui donnent lieu à l'émission d'une quotité de titres inférieure à 50 % du capital de l'émetteur.

* 220 « et que l'opération porte sur des titres de capital ou des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7 ou sur des titres de créance dont la valeur nominale est inférieure à 1 000 euros et qui ne sont pas des instruments du marché monétaire au sens de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers, dont l'échéance est inférieure à douze mois ».

* 221 Articles L. 411-2 et D.411-2 du code monétaire et financier.

* 222 Dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État-membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

* 223 Directement ou indirectement.

* 224 Directement ou indirectement.

* 225 Ces dispositions sont également applicables, dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'AMF, aux instruments financiers négociés sur tout marché d'instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé d'un État-membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande auprès de l'AMF.

* 226 Dont le siège social est établi en France et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État-membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

* 227 Les actionnaires minoritaires sont indemnisés selon un mode de calcul décrit à l'article L. 433-4 : « l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité. L'indemnisation est égale, par titre, au résultat de l'évaluation précitée ou, s'il est plus élevé, au prix proposé lors de l'offre ou la demande de retrait ».

* 228 Directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

* 229 La commission des finances du Sénat, par la voix de son rapporteur Philippe Marini, avait cependant plaidé pour porter ce taux à 90 % (rapport n° 20, 2005-2006).

* 230 Données de l'étude d'impact annexée au présent projet de loi

* 231 Règlement 2017/1129 du 14 juin 2017 qui entrera en vigueur complète le 21 juillet 2019

* 232 Alinéa 3 de l'article 1 er du règlement

* 233 Considérant 12 du règlement précité

* 234 Article 3 du règlement

* 235 La première du 24 janvier au 21 février 2018 ; la seconde du 6 au 29 juin 2018

* 236 Arrêté du 11 juillet 2018 du ministre de l'économie et des finances

* 237 Le considérant 13 du règlement précité prévoit qu'en-dessous du seuil retenu pour l'obligation de prospectus, « les États-membres devraient pouvoir imposer d'autres obligations d'information au niveau national, dès lors que de telles obligations ne constituent pas une charge disproportionnée ou inutile par rapport à ces offres au public de valeurs mobilières qui sont exemptées » ; des précisions similaires sont également contenues au considérant 12 du règlement précité.

* 238 VIII de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier.

* 239 Document d'information synthétique.

* 240 Document d'information réglementaire synthétique.

* 241 Article L. 621-8-2.

* 242 Voir article 26 du présent projet de loi.

* 243 L'article L. 621-15 vise plus précisément « toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à la diffusion d'une fausse information ou s'est livrée à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 621-14 ».

* 244 Exposé des motifs du projet de loi.

* 245 L'étude d'impact mentionne notamment l'action de certains fonds dits « activistes » qui ont acquis plus de 5 % du capital d'entreprises françaises pour empêcher la procédure de retrait obligatoire et exiger des primes de sortie plus élevées.

* 246 Données de l'étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 247 Étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 248 Étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 249 Article 49 du règlement précité.

* 250 Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact.

* 251 Conformément à la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers.

* 252 Un amendement identique avait été défendu puis retiré en commission spéciale par Mme Valérie Faure-Muntian, la ministre ayant expliqué qu'il était difficile de donner une définition à l'expression d'usage courant « sociétés cotées » mais que le Gouvernement entendait y procéder dans le cadre de l'habilitation demandée au présent article.

* 253 On estime le coût d'établissement du prospectus à environ 2 % du montant levé (voir étude d'impact annexée au présent projet de loi).

* 254 Article 15 de la directive précitée.

* 255 Rapport précité : « les seuils (...) seraient exprimés en capital et en droit de vote ».

* 256 Markets in financial instruments directive.

* 257 Markets in financial instruments regulation.

* 258 Cass. com. 18-11-1986 : Rev. Sociétés 1987 p. 581 note I. Urbain-Parleani.

* 259 Rép. de Cuttoli : Sén. 23-10-1980 p. 4001, http://www.senat.fr/comptes-rendus-seances/5eme/pdf/1980/10/s19801022_3983_4006.pdf.

* 260 Unidroit, « Principes concernant l'applicabilité des clauses de résiliation-compensation », 15 novembre 2013.

* 261 Voir sur ce point le commentaire de l'article 22 du présent projet de loi.

* 262 Voir les articles L. 214-7-4 (OPCVM prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-24-33 (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de sociétés d'investissement à capital variable), L. 214-8-7 (OPCVM prenant la forme de fonds communs de placement) et L. 214-24-41 du code monétaire et financier (fonds d'investissement à vocation générale et assimilés prenant la forme de fonds communs de placement).

* 263 Voir par exemple les articles D. 214-32-12 et D. 214-5 du code monétaire et financier.

* 264 AFG, « Code AFG de bonnes pratiques concernant la gestion du risque de liquidité dans les organismes de placement collectif », janvier 2016, p. 22.

* 265 Pour une description détaillée, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 71 du présent projet de loi, qui ratifie l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette, qui a créé les OFS.

* 266 Pour une description détaillée des différences entre les OT et les OFS, voir par exemple : Olivier Moriceau, Antoine Reboulot et Leslie Ginape, « L'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 : une nouvelle voie pour le financement de l'économie », August Debouzy, 19 octobre 2017.

* 267 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.

* 268 AMF, « La régulation des marchés de dérivés sur matières premières », 19 octobre 2017.

* 269 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE.

* 270 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

* 271 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

* 272 Règlement (UE) n ° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.

* 273 Ce dispositif avait été mis en place par l'article 123 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 274 Cette exigence est transposée à l'article 411-3 du règlement général de l'AMF.

* 275 Article 159 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 276 À titre de rappel, les organismes de financement spécialisé peuvent prendre soit la forme de fonds de financement spécialisé, soit de sociétés de financement spécialisé.

* 277 À titre de rappel, la radiation emporte non seulement le retrait de l'agrément mais également la liquidation de la personne morale.

* 278 « Places financières : quelle stratégie française face au Brexit ? », rapport d'information n° 574 (2016-2017) d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 7 juin 2017.

* 279 Un écart du même ordre est constaté par rapport aux autres places financières concurrentes (Pays-Bas, Luxembourg, Irlande).

* 280 Ce dispositif avait été mis en place par l'article 123 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 281 Il a été supprimé par l'article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 282 Agirc-Arrco, « Affiliation des salariés en position de détachement en France », circulaire commune 2009-6-DRE, 9 février 2009.

* 283 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 315.

* 284 Conseil d'État, avis sur le présent projet de loi, p. 15.

* 285 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, cons. 112.

* 286 Un « warrant » est un titre représentant un lot de marchandises placées dans un entrepôt public dit « magasin général ». Cette opération est destinée à permettre la mise en gage de marchandises dans le cadre d'un contrat de crédit. Le dépôt dans un magasin général donne lieu à la délivrance d'un récépissé qui est remis au déposant et d'un « warrant ». Les récépissés et les warrants sont des documents commerciaux endossables. À l'échéance du crédit, à défaut de paiement de la créance gagée, le porteur du warrant peut faire réaliser son gage.

* 287 Article L. 522-25 du code de commerce : « À chaque récépissé de marchandise est annexé, sous la dénomination de warrant, un bulletin de gage contenant les mêmes mentions que le récépissé. Les récépissés de marchandises et les warrants y annexés sont extraits d'un registre à souches ».

* 288 Article L. 522-26 du code de commerce : « Les récépissés et les warrants peuvent être transférés par voie d'endossement, ensemble ou séparément » et article L. 522-27 du code de commerce : « Tout cessionnaire du récépissé ou du warrant peut exiger la transcription sur les registres à souches dont ils sont extraits de l'endossement fait à son profit, avec indication de son domicile ».

* 289 Article L. 522-5 du code de commerce : « Il est interdit aux exploitants des magasins généraux de se livrer, soit directement, soit indirectement, que ce soit pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, à titre de commissionnaire ou à tout autre titre, à aucun commerce ou spéculation ayant pour objet les marchandises pour lesquelles ils sont habilités à délivrer des récépissés-warrants ».

* 290 Près de 60000 lots de blé meunier y sont échangés quotidiennement via des contrats à terme.

* 291 Pour la France, il s'agit de la société LCH SA.

* 292 Yves Simon et Didier Marteau, Marchés dérivés de matières premières (2017), p. 391.

* 293 Les 156 coopératives agricoles de collecte-vente de grains et leurs filiales ont collecté, durant ces cinq dernières campagnes, quelque 70 % des céréales et ole'o-prote'agineux produits en France ; les 30 % restant étant collectés par des sociétés de négoce agricole ou marginalement par des industriels. Près de sites, appartenant a` une dizaine de coopératives et situés sur l'ensemble du territoire national, pourraient potentiellement s'inscrire dans le processus de livraison du marché' a` terme.

* 294 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017, cons. 9.

* 295 Article 74 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 296 Article 61 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 297 Article 97 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 298 AMF, « Forex, options binaires : l'AMF a obtenu la fermeture de 138 adresses internet de sites en 3 ans », 3 mai 2018.

* 299 Voir par exemple la liste noire des sites proposant d'investir dans des biens divers publiée sur le site internet de l'AMF.

* 300 Article 2238 du code civil : « La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ou à compter de l'accord du débiteur constaté par l'huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l'article L.125-1 du code des procédures civiles d'exécution. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. En cas d'échec de la procédure prévue au même article, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l'huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. »

* 301 Banque de France, « Présentation des infrastructures des marchés financiers », 7 juin 2018.

* 302 Directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres.

* 303 Voir notamment l`avant-dernier alinéa du II de l'article L. 330-1 du code monétaire et financier : « Lorsqu`une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte à l`encontre d`un participant à un système de règlement interbancaire ou de règlement et de livraison d`instruments financiers de l`Espace économique européen, les droits et obligations découlant de sa participation ou liés à cette participation audit système sont déterminés par la loi qui régit le système, sous réserve que cette loi soit celle d`un État partie à l`accord sur l`Espace économique européen ».

* 304 Étude d`impact annexée au présent projet de loi, p. 332.

* 305 Règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.

* 306 Étude d`impact annexée au présent projet de loi, p. 337.

* 307 Ibid ., p. 338.

* 308 Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (n° 1088, tome I), p. 486.

* 309 Ibid .

* 310 Étude d `impact annexée au présent projet de loi, p. 335.

* 311 Ibid .

* 312 Données Coinmarketcap, 5 janvier 2019.

* 313 Le terme de « dispositif d'enregistrement électronique partagé » (DEEP) correspond à la manière dont la technologie blockchain a déjà désignée en droit français par les dispositions de l'article L. 223-12 du code monétaire et financier relatives aux minibons, introduites par l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse.

* 314 La validation est susceptible d'être effectuée par tous les acteurs du réseau (« consensus décentralisé ») et est fondée sur la résolution d'un problème cryptographique.

* 315 Ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

* 316 Article 41 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 317 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, novembre 2018, p. 2.

* 318 Jacques Favier, Adli Takkal Bataille et Benoît Huguet, « Bitcoin - Métamorphoses - De l'or des fous à l'or numérique ? », Dunod , 24 octobre 2018.

* 319 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, précité, p. 2.

* 320 Ibid .

* 321 Pour une description détaillée, voir : AMF, Document de consultation sur les initial coin offerings (ICOs), 26 octobre 2017, pp. 7-9.

* 322 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, précité, p. 11.

* 323 Tracfin, « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : tendances et analyse en 2017-2018 », 28 novembre 2018, p. 60.

* 324 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, précité, p. 20.

* 325 Ibid .

* 326 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 41.

* 327 AMF, Document de consultation sur les initial coin offerings (ICOs), 26 octobre 2017, pp. 3-4.

* 328 AMF, Document de consultation sur les initial coin offerings (ICOs), 26 octobre 2017, p. 3.

* 329 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

* 330 Google, « Financial Services: New restricted financial products policy », juin 2018 ; Facebook, « Updates to Our Prohibited Financial Products and Services Policy », juin 2018.

* 331 Pour une description détaillée, voir par exemple : Asha McLean, « ?Facebook holds ICO ban but allows 'approved' cryptocurrency ads », ZDNet, 27 juin 2018.

* 332 Voir par exemple, pour une description des difficultés rencontrées : Grégory Raymond, « Bitcoin : la grande méfiance des banques face à leurs cryptoclients », Capital, 13 février 2018.

* 333 Pour une description détaillée de l'ensemble de l'écosystème, voir : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, pp. 33-39 .

* 334 Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

* 335 Voir la nouvelle rédaction du paragraphe 1 de l'article 47 de la directive (UE) 2015/849 précitée.

* 336 Pour une description détaillée, voir : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 53.

* 337 ACPR, « Position de l'ACPR relative aux opérations sur Bitcoins en France », 2014-P-01, 29 janvier 2014.

* 338 Ibid .

* 339 CA Paris, 26 sept. 2013, n° 12/00161.

* 340 Réponses de l'ACPR au questionnaire adressé par votre rapporteur.

* 341 Ibid .

* 342 Pour une description détaillée, voir notamment : Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018 ; Tracfin, « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : tendances et analyse en 2017-2018 », novembre 2018.

* 343 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 33 .

* 344 Traduction réalisée par les services de la commission spéciale du Sénat, à partir de la version anglaise de la recommandation n° 15.

* 345 Tracfin, « Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : tendances et analyse en 2017-2018 », novembre 2018, p. 57.

* 346 Données Coinmarketcap, 7 janvier 2019.

* 347 Dans ce dernier cas, des exceptions sont prévues, notamment pour les parts de certains fonds ainsi que pour les titres financiers offerts au public après établissement d'un document d'information.

* 348 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 349 AMF, « Forex, options binaires, arnaques financières en ligne : l'AMF, le Parquet de Paris, la DGCCRF et l'ACPR se mobilisent », jeudi 31 mars 2016, p. 5.

* 350 Voir sur ce point : avis n° 710 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 22 juin 2016, p. 211 et s.

* 351 Caroline Le Moign, « ICO françaises : un nouveau mode de financement », AMF, novembre 2018.

* 352 Google, « Financial Services: New restricted financial products policy », juin 2018 ; Facebook, « Updates to Our Prohibited Financial Products and Services Policy », juin 2018.

* 353 Pour une description détaillée, voir par exemple : Asha McLean, « Facebook holds ICO ban but allows `approved' cryptocurrency ads », ZDNet, 27 juin 2018.

* 354 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018.

* 355 Autorité des marchés financiers, « Les fonds professionnels spécialisés », 9 octobre 2015.

* 356 Article 423-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 357 Jean-Pierre Landau, « Les crypto-monnaies », rapport au ministre de l'économie et des finances, 4 juillet 2018, p. 45.

* 358 Ibid ., p. 14.

* 359 Pwc, «Lettre d'actualité Asset Management », numéro 4, juin 2018, p. 6.

* 360 Pour une analyse détaillée, voir par exemple : Medium, « La création d'un fonds d'investissement en crypto-actifs est-elle possible en droit français ? », mai 2018.

* 361 Article 70 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 362 Par exception, les plans ouverts auprès d'une entreprise d'assurance donnent lieu à signature d'un contrat de capitalisation.

* 363 En cas de retrait ou de rachat avant cinq ans, le gain net réalisé est désormais taxé au prélèvement forfaitaire unique, au taux global de 30 % (12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu, 17,2 % au titre des prélèvements sociaux).

* 364 Sont également admises les entreprises dont le siège social se situe dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 365 Il s'agit de bons de caisse faisant l'objet d'une offre proposée par l'intermédiaire d'un prestataire de services d'investissement ou d'un conseiller en investissements participatifs, au moyen d'un site internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 366 Actuellement, l'éligibilité est réservée aux sociétés de petite capitalisation boursière dont aucune personne morale ne détient plus de 25 % du capital.

* 367 Banque de France, « Les PEA enregistrent des retraits nets de la clientèle », 21 septembre 2018.

* 368 Ibid .

* 369 L'an passé, l'immobilier aurait représenté 40 % des sommes collectées par les plateformes de financement participatif, selon une étude de KPMG. Cf. Johan Deschamps, « Le crowdfunding immobilier explose », Capital, 21 novembre 2018.

* 370 Banque de France, « Les PEA enregistrent des retraits nets de la clientèle », 21 septembre 2018.

* 371 Loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au plan d'épargne en actions.

* 372 Pour une description détaillée, le lecteur est ainsi invité à se reporter au commentaire de l'article 27 du présent projet de loi.

* 373 Pour le PEA, voir : Bofip-Impôts, BOI-RPPM-RCM-40-50-10-20150210, paragraphe 10.

* 374 Voir notamment le comparatif des différentes tarifications appliquées par les banques publié par la plateforme Anaxago.

* 375 Sur le droit au rachat, voir notamment l'article L. 132-23 du code des assurances.

* 376 Article 423-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 377 Article 423-27 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

* 378 Pour une illustration simplifiée, voir : « Les obligations remboursables en actions, un moyen méconnu de faciliter la recapitalisation des PME », Les Échos, 30 septembre 2014.

* 379 Articles L. 3333-1 à L. 3333-8 du code du travail.

* 380 Articles L. 3334-1 à L. 3334-16 du code du travail.

* 381 Article L. 3323-2 du code du travail.

* 382 Pour davantage de détails sur les dérogations ouvertes au monopole bancaire par l'article L. 511-6, se référer au commentaire de l'article 27 quinquies du présent rapport.

* 383 Site internet de l'ADIE, page dédiée à l'ADIE Mayotte.

* 384 Dossier de presse France Expérimentation « Expérimenter pour innover », 23 mars 2017.

* 385 Livre blanc de l'ADIE pour améliorer l'environnement juridique et financier de la création d'entreprise et du microcrédit, mars 2012.

* 386 Tous les chiffres du présent encadré sont issus du rapport d'activité 2017 d'ADIE Mayotte.

* 387 Votre rapporteur note à ce titre que toutes les coordinations règlementaires nécessaires ont été effectuées suite à la suppression des conditions de délai, l'article 1 er du décret n° 2018-950 du 31 octobre 2018 précité ayant supprimé la dérogation de l'article 1 er du décret n° 2017-563 du 18 avril 2017 qui permettait aux entreprises mahoraises de bénéficier de microcrédits jusqu'à dix ans après leur création ou reprise.

* 388 Communiqué du ministère de l'économie relatif aux « Premiers résultats de l'appel à projets France Expérimentation ».

* 389 Pour davantage de précisions, se référer au commentaire de l'article 27 sexies du présent projet de loi.

* 390 Rapport annuel 2017 de l'ORIAS, disponible sur leur site internet.

* 391 Opérations de crédit relevant du chapitre II du titre I er du livre III du code de la consommation.

* 392 Exigences prévues aux articles L. 312-18 à L. 312-30 du code de la consommation.

* 393 Obligations prévues aux sections 2 à 7 du chapitre I er du titre VI du livre V du code monétaire et financier.

* 394 Voir en particulier les enquêtes typologiques annuelles de la Banque de France sur le surendettement des ménages : en 2017 , près de 68 % des situations de dépôt d'un dossier de surendettement sont concernées par un ou plusieurs crédits renouvelables.

* 395 Selon les données de l'institut national de la statistique et des études économiques publiées dans les « Tableaux de l'économie française » le 27 février 2018 pour l'année 2015.

* 396 Loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

* 397 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 398 Selon les données de l'association des sociétés financières (ASF).

* 399 Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif.

* 400 « Financement participatif : face aux dérives persistantes, une régulation s'impose », UFC-Que Choisir, 5 novembre 2018.

* 401 Les actions de préférence se sont substituées aux anciennes actions de priorité, qui pouvaient jouir d'avantages par rapport aux actions ordinaires.

* 402 Le dossier législatif de cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl13-790.html

* 403 Les métaux précieux (l'or, l'argent et le platine), extrêmement malléables, doivent être associés à des métaux dits communs, comme le cuivre et le fer, dans des proportions variables en fonction de la couleur recherchée de l'alliage. Ainsi, l'or rose 18 carats s'obtient par un alliage de 75 % d'or, 20 % de cuivre et de 5 % d'argent. Rappelons cependant que les ouvrages d'or ou en platine d'un poids inférieur à trois grammes et les ouvrages en argent d'un poids inférieur à 30 grammes sont dispensés du poinçon de titre ou de garantie, mais doivent être aux titres légaux et marqués du poinçon de maître ou de responsabilité.

* 404 Paris, Lyon, Nice, Saumur, Toulouse, Strasbourg, Fort de France, Point-à-Pitre, Saint-Denis de la Réunion et Cayenne.

* 405 Loi n° 94-6 du 4 janvier 1994 portant aménagement de la législation relative à la garantie des métaux précieux et aux pouvoirs de contrôle des agents des douanes sur la situation administrative de certaines personnes.

* 406 Décret n° 95-212 du 21 février 1995 portant application de l'article 535 du code général des impôts relatif aux conventions d'habilitation entre l'administration des douanes et les fabricants d'ouvrages en métaux précieux.

* 407 Définie à l'article 527 du code général des impôts, cette taxe était auparavant fixée à 8 euros par ouvrage en or ou platine (2 euros en Outremer) et 4 euros par ouvrage en argent (1 euro en Outremer). Le rendement de cette taxe était ainsi estimé à 580 000 euros annuels dans l'annexe « Voies et moyens » (tome I) du projet de loi de finances pour 2019.

* 408 Projet de loi de finances pour 2019 : les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances, rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, p.214.

* 409 L'Inspection générale des finances évoquait, déjà en 2014, l'abandon de la délivrance de poinçons de maître ou de responsabilité : « dans l'hypothèse où la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) craindrait une augmentation de la demande de poinçonnage du fait d'un effet report depuis la garantie aujourd'hui effectuée par des prestataires privés, elle pourrait soit poursuivre le mouvement de concentration des bureaux de la garantie déjà engagé , soit abandonner cette mission. La DGDDI garderait, par ailleurs, un contrôle sur les prestataires » d'après l'Annexe III, p.30, du rapport de l'Inspection générale des Finances sur les taxes à faible rendement, tome 1, février 2014.

* 410 Il estime cependant que, lorsqu'il a recours à l'affacturage inversé, les gains de trésorerie pour les fournisseurs sont de l'ordre de 20 à 25 jours.

* 411 Le CHU de Nice ou le centre hospitalier intercommunal de Créteil par exemple.

* 412 Prescrits au 2° de l'article 19 et à l'article 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 413 On rappellera toutefois que la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière et le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ont transposé la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales : l'ensemble des contrats de la commande publique est désormais soumis à un régime juridique unique pour le paiement des sommes dues, plus contraignant que les dispositions applicables aux entreprises et les sanctions en cas de retard de paiement ont été renforcées.

* 414 Il s'agit des personnes morales de droit public ; des personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur, soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ; et des organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun.

* 415 Le présent article vise en effet les « pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ». Or cet article est abrogé par le V de l'article 18 de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique et codifié à l'article L. 1211-1 dudit code à compter du 1 er avril 2019. Cette ordonnance n'a pas encore été ratifiée par le Parlement.

* 416 CE, 1947, Société de secours mutuel en cas de décès des fonctionnaires et employés de l'Institut d'assurances sociales d'Alsace et de Lorraine.

* 417 Décision n° 83-167 DC du 19 janvier 1984.

* 418 Article 151 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 419 Résultats 2017 communiqués en avril 2018 au Parlement.

* 420 Cf . commentaire de l'article 37 relatif aux mandats de gestion de la CDC.

* 421 Panorama du groupe Caisse des dépôts, 2017, p.15.

* 422 Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement.

* 423 Source documentaire disponible à l'adresse suivante : https://www.caissedesdepots.fr/les-textes-fondateurs.

* 424 Décision n° 83-167 DC du 19 janvier 1984.

* 425 Cf . commentaire de l'article 31 relatif aux prérogatives de la commission de surveillance

* 426 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 427 Article 72 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.

* 428 Étude d'impact p.383.

* 429 Cf. commentaires des articles 31 et 35 du présent projet de loi

* 430 Conseil d'État, avis n° 394599 et 395021, 14 juin 2018, projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, p.19.

* 431 À titre d'exemple, le conseil d'administration de Bpifrance comprend trois personnalités qualifiées pour quinze administrateurs.

* 432 Cf . commentaire de l'article 35 relatif à la supervision prudentielle.

* 433 Article 3 du règlement intérieur de la commission de surveillance.

* 434 Pour rappel, les règles prudentielles applicables à la CDC ne sont pas les mêmes que celles applicables à un établissement de crédit traditionnel. En effet, ses investissements, majoritairement en actions et en obligations, revêtent un caractère de long terme, et son activité de prêts occupe dans son bilan une part moindre que dans celui d'un établissement de crédit. En 2014, le législateur a modifié les règles prudentielles applicables à la CDC afin de tenir compte des évolutions récentes des normes prudentielles bancaires, en particulier avec l'adoption de « Bâle III » par le Comité de Bâle, et sa traduction en droit européen avec le paquet dit « CRD IV ».

* 435 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 436 L'article 31 du règlement prévoit que le comité des investissements soit saisi des investissements ou cession dont le montant dépasse les 150 millions d'euros. Il est également saisi des opérations de prêts dont l'exposition en fonds propres prudentiels dépasse ce même montant. Toutefois, le directeur général peut saisir le comité des investissements pour toute opération dès lors qu'il le juge nécessaire.

* 437 Le comité d'examen des comptes et des risques et le comité des fonds d'épargne.

* 438 Avis du Conseil d'État n° 394.599 et 395.021 sur le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, p. 20.

* 439 Décret n° 59-587 du 29 avril 1959 relatif aux nominations aux emplois de direction de certains établissements publics, entreprises publiques et sociétés nationales.

* 440 Décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique.

* 441 Article 831 du décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique.

* 442 Article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 443 Article R. 131-7 du code des juridictions financières.

* 444 Référé de la Cour des comptes n° 2005-304-0.

* 445 Décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.

* 446 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 447 Référé de la Cour des comptes n° S2016-4091.

* 448 Les coordinations dans le code des juridictions financières sont réalisées par l'article 38 du présent projet de loi.

* 449 Article 13 du décret n° 2015-1498 du 18 novembre portant statuts de l'établissement public Bpifrance et définissant les modalités particulières du contrôle de l'État

* 450 Article R. 515-23 du code monétaire et financier

* 451 Conseil d'État, rapport public sur les établissements publics, 2009, p.100

* 452 Article 26 de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition.

* 453 Article 151 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 454 Rapport n° 413 (2007-2008) fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de modernisation de l'économie, par Laurent Béteille, Élisabeth Lamure et Philippe Marini, p. 561.

* 455 Article 151 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 456 Décret n° 2016-1983 du 30 décembre 2016 relatifs au contrôle externe de la Caisse des dépôts et consignations.

* 457 Cf . commentaire de l'article 30 A.

* 458 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CRD IV), et le règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.

* 459 Article 2 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CRD IV).

* 460 En application de l'article L. 518-7 du code monétaire et financier. Cf. commentaire de l'article 31 du présent projet de loi.

* 461 Rapport n° 413 (2007-2008) fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de modernisation de l'économie, par Laurent Beteille, Élisabeth Lamure et Philippe Marini, p571.

* 462 Article 37 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012

* 463 Article 9 de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence

* 464 Étude d'impact p. 385

* 465 Article R. 221-11 du code monétaire et financier.

* 466 Article 41 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990.

* 467 Article 79 de la loi n° 2001-1279 de finances rectificative pour 2001.

* 468 Cf . commentaire de l'article 30 A .

* 469 En application de l'article L. 312-20 du code monétaire et financier. Cf . commentaire de l'article 27 quater.

* 470 Article 40 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

* 471 Article 40 de la loi n° 2014-1545 précitée.

* 472 La mise en oeuvre de la responsabilité du caissier général devant la Cour des comptes est précisée au commentaire de l'article 33 du présent projet de loi.

* 473 Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

* 474 Arrêté du 1er septembre 2014 relatif à la convention de compte de dépôt pour les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels.

* 475 Des taxes sont demandées au déposant du certificat d'utilité lors du dépôt (36 € ou 26 € selon le format du dépôt) et de la délivrance (86 €). En outre, des annuités doivent être payées pour maintenir le certificat en vigueur ; elles s'échelonnent de 36 € la deuxième année à 72 € la sixième et dernière année. Dans le cas d'un brevet, l'annuité à verser est de 38 € de la deuxième à la cinquième année puis augmente progressivement jusqu'à atteindre 790 € la vingtième année.

* 476 Article L. 612-15 du code de la propriété intellectuelle.

* 477 Selon les chiffres annoncés par le ministre devant l'Assemblée nationale, le coût moyen d'un certificat d'utilité serait de 200 euros contre 2 000 euros pour un brevet d'invention.

* 478 Allemagne, Brésil, Chine, Espagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Russie.

* 479 Étude d'impact.

* 480 Initialement prévue dans le présent article, cette disposition en a été retirée à la demande du Conseil d'État qui a considéré qu'elle relevait du domaine réglementaire.

* 481 Sont concernés les fonctionnaires civils participant à la recherche publique, notamment dans les établissements publics d'enseignement supérieur, de recherche, de santé et dans les entreprises publiques. Il s'agit des personnels ingénieurs, techniciens et administratifs de la recherche et de l'enseignement supérieur, des chercheurs dépendant des établissements publics scientifiques et technologiques et des enseignants-chercheurs. Sous réserve d'être employés de manière continue depuis au moins un an, les personnels non fonctionnaires chargés de fonction d'enseignement ou de recherche peuvent bénéficier des deux premiers dispositifs instaurés par la loi Allègre (création d'entreprise et concours scientifique).

* 482 Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin : La création d'entreprise par les chercheurs et l'intéressement des inventeurs : propositions de modernisation de la loi Allègre et de simplification de l'intéressement.

* 483 L'autorisation peut être refusée dans les trois cas suivants : si elle est préjudiciable au fonctionnement normal du service public ; si la participation du fonctionnaire porte atteinte à la dignité de ses fonctions ou risque de compromettre l'indépendance ou la neutralité du service ; si la prise d'intérêt dans l'entreprise est de nature à porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche ou à remettre en cause les conditions d'exercice de la mission d'expertise qu'il exerce auprès des pouvoirs publics.

* 484 La différence entre les deux procédures porte sur la dénomination (opposition pour les brevets et annulation pour les marques) mais elles concernent toutes les deux l'annulation de titres délivrés ou enregistrés.

* 485 Bertrand Warusfel : « Pour un véritable examen au fond des demandes de brevet français », Propriétés intellectuelles, avril 2012, n ° 43.

* 486 Anne-Marie Idrac : Développement des véhicules autonomes : orientations stratégiques pour l'action publique, mai 2018.

* 487 L'article 12 autorise le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures permettant de définir le cadre législatif pour la circulation des voitures autonomes et l'article 13 porte sur la mise à disposition des données des véhicules connectés et des assistants de conduite aux forces de police et aux services d'incendie et de secours.

* 488 Considérant que les courbes de charge des autoconsommateurs individuels ne se différencient pas fondamentalement des autres consommateurs et ne justifient donc pas, en l'état actuel des connaissances, un traitement tarifaire spécifique.

* 489 En distinguant les soutirages « autoproduits » et « alloproduits » (correspondant à l'énergie fournie par un fournisseur, et non autoproduite), il s'agit d'« envoyer un signal positif aux autoconsommateurs qui sont capables de maximiser leur autoproduction aux heures critiques pour les réseaux, et [de les inciter] à diminuer leurs soutirages “alloproduits” en général, et plus particulièrement durant ces périodes ».

* 490 Et 94 opérations en projet ; source : Enedis.

* 491 « Place au soleil » : mobilisation pour accélérer le déploiement de l'énergie solaire, dossier de presse du ministère de la transition écologique et solidaire, 28 juin 2018.

* 492 La personne morale organisatrice d'une opération d'autoconsommation collective n'est ainsi pas soumise aux obligations spécifiques d'informations précontractuelles, à l'obligation de proposer un contrat d'une durée d'un an, au respect des dispositions relatives à la facture, à l'obligation de vendre l'électricité à un prix identique à tous les participants (ce qui déroge au principe de péréquation tarifaire) ou aux obligations liées au maintien de l'équilibre entre l'offre et la demande dans le système électrique, tandis que les participants ne disposent pas, notamment, du droit de résilier leur contrat à tout moment et sans frais.

* 493 Délibération de la CRE du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les domaines de tension HTA et BT.

* 494 Rapport n° 720 (2017-2018), article 21 bis AA, proposition commune de rédaction n° 65.

* 495 Les dispositions issues du Protocole de Nagoya sont couramment dénommées dispositions sur l'APA (Accès aux ressources génétiques et Partage des Avantages).

* 496 La métropole compte environ 4 900 plantes supérieures indigènes, ce qui la classe au quatrième rang européen. La zone méditerranéenne fait partie des 34 points chauds mondiaux de la biodiversité caractérisés par une biodiversité riche mais fragilisée et un très fort taux d'endémisme. En outre-mer, la France abrite un patrimoine biologique exceptionnel, sur plusieurs continents et zones bioclimatiques. Enfin, le milieu marin français représente le deuxième domaine maritime du monde.

* 497 Le Muséum national d'histoire naturelle par exemple gère une centaine de collections comprenant plus de 60 millions de spécimens de matériel génétique ou minéral et dont certaines ont été initiées dès la fin du XVIIIème siècle.

* 498 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 499 À cet égard, de nombreux intervenants ont regretté que le portail géré par le ministère chargé de l'écologie soit exclusivement en français alors même qu'il est susceptible d'être utilisé par de nombreux organismes de recherche ou entreprises étrangères.

* 500 Les difficultés rencontrées sont très diverses. Il faut par exemple définir l'organisme responsable de la déclaration. Or, au CNRS, 80 % des unités de recherche sont des unités mixtes, il a donc fallu définir des critères en collaboration avec les autres organismes de recherche puis arrêter une procédure. Ensuite, le questionnaire n'est pas forcément adapté à la réalité du terrain en dépit de son apparente simplicité (nombre d'échantillons, date du prélèvement, définition des ressources prélevées). Plusieurs chercheurs ont fait remarquer qu'il était par exemple souvent difficile de prévoir à l'avance le nombre d'échantillons qu'ils prélèveront réellement.

* 501 Cette part s'élève à 46,12 % depuis juillet 2017.

* 502 Hors effet périmètre de la consolidation de TAV intervenue en 2017.

* 503 L'EBITDA a pour sa part atteint 1 567 millions d'euros en 2017, en hausse de 1 195 millions d'euros par rapport à 2016.

* 504 Il s'agit des redevances passagers (653 millions d'euros), des redevances d'atterrissage (243 millions d'euros) et des redevances de stationnement (159 millions d'euros).

* 505 Les loyers des boutiques côté pistes s'établissent à 303 millions d'euros (+1,6 %), ceux des boutiques côté ville à 19 millions d'euros (+5,4 %) et ceux des bars et restaurants à 42 millions d'euros (+10,2 %).

* 506 À l'exception de l'aéroport de Beauvais-Tillé, qui a accueilli 4 millions de passagers en 2016.

* 507 Le groupe ADP dispose à Paris d'environ 58 100 mètres carrés de surfaces commerciales côté ville et côté piste.

* 508 Deux gares de la ligne 17 devraient être implantées sur le site de Paris-Charles de Gaulle : l'une au niveau du Terminal 2 et l'autre au niveau du futur Terminal 4.

* 509 « Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus ».

* 510 Ces biens du domaine public d'ADP qui n'ont pas été déclassés ont été attribués à l'État. Une convention a déterminé les sommes dues et remboursées par l'État à ADP en conséquence des investissements qu'ADP avait engagés en faveur de ces biens.

* 511 En droit public, les ouvrages publics sont des immeubles aménagés affectés à une mission de service public ou d'intérêt général.

* 512 Cette plus-value correspond à la différence existant entre, d'une part, la valeur vénale à cette date des immeubles situés dans l'enceinte de cet aérodrome qui ne sont plus affectés au service public aéroportuaire et, d'autre part, la valeur de ces immeubles au moment de la transformation d'ADP en SA, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires.

* 513 Au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

* 514 Régie par le livre VI du code de commerce.

* 515 Cette entreprise est détenue à 51 % par le groupe Eiffage et à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations.

* 516 Il s'agit des articles L. 6323-2-1, L. 6323-4, L. 6323-6 et L. 6325-2 du code des transports.

* 517 Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice, Cour des comptes, novembre 2018.

* 518 Ladite agence de notation devra être enregistrée conformément au règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédits.

* 519 Prévues respectivement aux articles L. 611-3 et L. 611-6 du code de commerce.

* 520 En droit public, les ouvrages publics sont des immeubles aménagés affectés à une mission de service public ou d'intérêt général.

* 521 Cette plus-value correspond à la différence existant entre, d'une part, la valeur vénale à cette date des immeubles situés dans l'enceinte de cet aérodrome qui ne sont plus affectés au service public aéroportuaire et, d'autre part, la valeur de ces immeubles au moment de la transformation d'ADP en SA, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires.

* 522 Cette définition des services publics aéroportuaires est précisée par l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile.

* 523 Il s'agit de la redevance pour mise à disposition de banques d'enregistrement et d'embarquement et traitement des bagages locaux ; de la redevance pour mise à disposition des installations de traitement des bagages en correspondance ; des redevances informatiques d'enregistrement et d'embarquement (système CREWS) ; de la redevance pour mise à disposition des installations fixes de fourniture d'énergie électrique pour les aéronefs ; de la redevance pour mise à disposition des installations pour le dégivrage des avions ; de la redevance d'assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite ; de la redevance de titre de circulation aéroportuaire ; de la redevance pour les services d'eau et vidanges des avions (dilacération).

* 524 Entre les terminaux Sud et Ouest de Paris-Orly, entre les terminaux 2B et 2D de Paris-Charles de Gaulle, etc.

* 525 Disponibilité des électromécaniques, des tapis de livraison bagages, des postes avions, des passerelles, du 400 Hz, satisfaction vis-à-vis de la propreté.

* 526 Décret n° 2011-1965 du 23 décembre 2011 modifiant certaines dispositions relatives aux redevances pour services rendus sur les aérodromes.

* 527 Décret n° 2016-825 du 23 juin 2016 relatif aux redevances aéroportuaires et modifiant le code de l'aviation civile.

* 528 Décret n° 2017-1516 du 30 octobre 2017 relatif à l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires.

* 529 Le CGEDD est une instance consultative placée sous l'autorité directe du ministre chargé de l'environnement et du développement durable qui le préside. Il est composé, outre de personnalités qualifiées nommées pour trois ans par le ministre chargé de l'environnement et du développement durable, de membres permanents, notamment les inspecteurs généraux de l'administration du développement durable et les anciens directeurs d'administration centrale. Il informe et conseille les ministres dans les domaines dont les ministres chargés respectivement de l'environnement et du développement durable, de la transition énergétique, du logement, de l'urbanisme, de la politique de la ville, de l'aménagement du territoire, des transports et de la mer ont la responsabilité.

* 530 Il s'agit des aéroports de Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d'Azur, Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Toulouse-Blagnac.

* 531 Trois systèmes d'aérodromes relèvent ainsi des compétences de l'ASI : les aérodromes de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget ; les aérodromes de Nice-Côte d'Azur et Cannes-Mandelieu ; les aérodromes de Lyon-Saint-Exupéry et Lyon-Bron.

* 532 Lorsqu'il existe un contrat de régulation économique (CRE), comme c'est le cas actuellement pour ADP, les nouveaux tarifs de redevance doivent être soumis pour homologation à l'ASI au moins deux mois avant de le début de la période tarifaire concernée.

* 533 À l'exception des redevances d'assistance aux personnes handicapées et à mobilité réduite pour les aéroports de Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle.

* 534 Ce texte a remplacé la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

* 535 Ces méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession d'actifs de société tiennent compte des conditions de marché à la date de l'opération et, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l'existence des filiales et des perspectives d'avenir et, le cas échéant, de la valeur boursière des titres.

* 536 A l'instar de la délégation qui peut lui être consentie en matière de commande publique aux termes de l'article L. 3221-11 du code général des collectivités territoriales.

* 537 Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice, Cour des comptes, novembre 2018.

* 538 Selon la définition proposée par la Cour des comptes dans son rapport « La régulation des jeux d'argent et de hasard », octobre 2016, page 19.

* 539 Article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933.

* 540 Loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

* 541 Article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

* 542 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture, à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 543 Il s'agit des jeux d'argent et de hasard faisant également appel au savoir-faire des joueurs, considérant qu'ils présentent des risques d'addiction moindres, par comparaison avec des jeux de hasard pur tels que les machines à sous par exemple.

* 544 Près de 80 % des recettes du centre national pour le développement du sport (CNDS) sont issus d'affectation de prélèvements sur les mises des jeux de la Française des jeux. Cet établissement public administratif devrait être absorbé par la future agence nationale du sport, dont la création devrait intervenir au cours du premier semestre de l'année 2019, qui sera alors bénéficiaire de cette affectation en application de l'article 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 545 Voir l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes « Her Majesty's Customs and Excise contre Gerhart Schindler et Jörg Schindler » du 24 mars 1994, aff. C-275/92.

* 546 Voir l'arrêt Schindler précité, 24 mars 1994, cons. 61.

* 547 CJCE, « Markku Juhani Läärä, Cotswold Microsystems Ltd et Oy Transatlantic Software Ltd contre Kihlakunnansyyttäjä (Jyväskylä) et Suomen valtio (État finlandais) », 21 octobre 1999, aff. C-124/97.

* 548 Voir l'arrêt Schindler précité, 24 mars 1994.

* 549 CJCE, « Questore di Verona contre Diego Zenatti », 21 octobre 1999, aff. C-67/98.

* 550 CJCE (grande chambre), « Massimiliano Placanica », 6 mars 2007, aff. C-338/04.

* 551 CJUE, sixième chambre, « Sporting Odds Ltd contre Nemzeti Adó- és Vámhivatal Központi Irányítása [administration fiscale hongroise] », 28 février 2018.

* 552 Voir rapport précité, Cour des comptes, octobre 2016, page 109.

* 553 Les attributions de la COJEX sont précisées par le décret n° 2011-952 du 9 mars 2011 ; elle compte cinq représentants des administrations centrales, quatre personnalités qualifiées, un représentant des associations de consommateurs ou des associations familiales ainsi qu'un représentant du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.

* 554 Article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933.

* 555 Article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

* 556 Décret n°78-1067 du 9 novembre 1978 relatif à l'organisation et à l'exploitation des jeux de loterie autorisés par l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 et de l'article 48 de la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994.

* 557 Voir l'arrêté du 30 avril 2012 relatif à la limitation et à l'encadrement de l'offre et de la consommation des jeux de La Française des jeux et au contrôle de leur exploitation.

* 558 Le taux de retour aux joueurs, ou taux de retour aux parieurs, est la proportion des mises que les opérateurs de jeux restituent aux joueurs, sous forme de gains.

* 559 Arrêté du 30 avril 2012 relatif à la limitation et à l'encadrement de l'offre et de la consommation des jeux de La Française des jeux et au contrôle de leur exploitation.

* 560 Voir rapport précité, Cour des comptes, octobre 2016, p. 125.

* 561 Selon les données de la direction du budget.

* 562 Article 88 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 563 Arrêté du 9 mars 2006 fixant la répartition des sommes misées sur les jeux exploités par la Française des jeux.

* 564 Selon la réponse de l'APE au questionnaire de votre rapporteur, « le régime fiscal actuel n'est pas adapté à une Française des jeux privatisée. Dans la mesure où la rémunération de l'entreprise est fixée par un arrêté du ministre chargé du budget, ce système n'offrirait pas suffisamment de stabilité et prévisibilité aux investisseurs. Par ailleurs, il ne permet pas d'assurer un partage de sorts pleinement satisfaisant entre l'entreprise et l'État. C'est pourquoi la cession ne pourra pas intervenir à régime fiscal constant ».

* 565 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 442.

* 566 Assemblée nationale, compte-rendu de la première séance du jeudi 4 octobre 2018.

* 567 Réponse de l'APE au questionnaire de votre rapporteur.

* 568 L'article 22 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique prévoit que les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société ne peuvent être décidées par décret qu'après avoir été autorisées par la loi lorsque l'État détient directement, depuis plus de cinq ans, plus de la moitié du capital social de la société et que son chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 75 millions d'euros à la date de clôture de l'exercice précédant le transfert.

* 569 En l'état actuel du droit, ce monopole peut toutefois, comme il l'a été vu précédemment, être dénoncé par l'État avec un préavis de six mois.

* 570 Voir l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (deuxième chambre) du 3 juin 2010, C-203/08 « Sporting Exchange », cons. 59.

* 571 Selon les indications de Martin Vial, commissaire aux participations de l'État, lors de l'audition avec votre rapporteur.

* 572 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 573 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 574 En août 2018, environ 40 000 personnes sont inscrites sur ce fichier, dont 97 % ont opéré une démarche volontaire d'inscription.

* 575 Voir les débats en commission spéciale, pages 809 à 812 du rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018. Selon les informations transmises à votre rapporteur par l'Agence des participations de l'État (APE), « l'utilisation d'une définition fondée sur les jeux de tirage et jeux de grattage [en remplacement des jeux de loterie] omettrait toutes les mécaniques mixtes, faisant intervenir le hasard concomitamment à la mise à disposition des jeux par exemple, pour un total de 21 jeux actuellement autorisés concernant en particulier l'offre en ligne ». Les exemples suivants sont concernés : « Boom Base », « Coco' trio », « Crosingo », « Golden animals », etc.

* 576 Réponse de l'Agence des participations de l'État (APE) au questionnaire de votre rapporteur.

* 577 En particulier, au regard du neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

* 578 Voir l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi, p. 30.

* 579 Sept États ont accordé des licences d'exploitation de loterie à des opérateurs privés, parmi lesquels cinq États ont octroyé des droits exclusifs (Autriche, Grèce, Irlande, Malte, Royaume-Uni).

* 580 CJUE (8 e chambre), 30 juin 2011, Zeturf Ltd c/ Premier ministre, aff. C-212/08.

* 581 Voir la décision CE n° 385934 du 9 décembre 2016. Parmi le faisceau d'indices, le Conseil d'État a relevé les éléments suivants : « le PMU est constitué sous la forme d'un groupe d'intérêt économique à but non lucratif entre les sociétés de courses, lesquelles sont soumises à un contrôle étroit du ministère de l'agriculture ; [...] le ministre chargé de l'agriculture désigne auprès du groupement un commissaire du gouvernement qui assiste à ses assemblées générales ; que ce ministre, conjointement avec le ministre chargé du budget, agréé les nominations du président-directeur général et du directeur général délégué du PMU ; [...] le PMU est soumis au contrôle économique et financier de l'État et au contrôle de l'inspection générale des finances ; [...] son budget et son règlement sont approuvés par les ministres chargés de l'agriculture et du budget ».

* 582 Voir le rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018, p. 808.

* 583 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 584 Voir le rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018, p. 812.

* 585 Assemblée nationale, compte-rendu de la première séance du jeudi 4 octobre 2018.

* 586 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 587 Selon le rapport annuel 2017-2018 de la Gambling commission , p. 5.

* 588 Selon les données transmises par la Française des jeux.

* 589 Réponse de l'Agence des participations de l'État au questionnaire de votre rapporteur.

* 590 Hors impôt sur les sociétés et TVA.

* 591 Voir le rapport n° 1237 (tome I), Assemblée nationale, 15 septembre 2018, p. 805.

* 592 À l'occasion de ses voeux à la presse, le 14 janvier 2019, le ministre de l'économie et des finances a indiqué que « Le calendrier des cessions d'actifs ne changera pas, nous avons besoin de céder des actifs pour financer l'innovation de rupture et permettre à notre pays de rester dans la course aux nouvelles technologies », voir « Les privatisations prévues en 2019 auront bien lieu, confirme Bruno Le Maire », Le Figaro, 14 janvier 2019 .

* 593 Voir le commentaire de l'article 53 du présent projet de loi.

* 594 Sénat, compte-rendu de la séance du 14 novembre 2017.

* 595 Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, art. 24.

* 596 Devenue par la suite GDF-Suez puis Engie.

* 597 Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, art. 39.

* 598 Loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, art. 38. Cette dernière modification est intervenue à l'occasion de la ratification de l'ordonnance portant codification de la partie législative du code de l'énergie sans autre motivation, dans l'étude d'impact, que celle d'une « rectification de codification », alors que cette dernière avait été faite, comme c'est l'usage, à droit constant.

* 599 Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, art. 7, VI.

* 600 Décret n° 2007-1790 du 20 décembre 2007 instituant une action spécifique de l'État au capital de Gaz de France SA.

* 601 Canalisations de transport de gaz naturel situées sur le territoire national, actifs liés à la distribution de gaz naturel situés sur le territoire national, stockages souterrains de gaz naturel situés sur le territoire national et installations de gaz naturel liquéfié situés sur le territoire national.

* 602 Un second gestionnaire, Teréga (ex-TIGF), couvre le quart sud-ouest de la France. Le capital de Teréga est aujourd'hui réparti entre le transporteur de gaz italien Snam (40,5 %), le fonds souverain singapourien GIC (31,5 %), EDF (18 %) et la compagnie d'assurance Predica (10 %).

* 603 Étude d'impact, p. 445.

* 604 Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, art. 12.

* 605 Étude d'impact, p. 448.

* 606 La réglementation est ici entendue au sens large, qu'elle soit d'ordre législatif ou réglementaire.

* 607 Il est renvoyé aux missions de la CRE fixées à l'article L. 134-1 du code de l'énergie ainsi qu'à la répartition des attributions de l'autorité administrative et de la CRE dans la mise en oeuvre des codes de réseau visée à l'article L. 342-5.

* 608 Il est renvoyé à l'article L. 100-1 qui fixe des objectifs très généraux en termes de compétitivité, création d'emplois, sécurité d'approvisionnement, préservation de la santé humaine et de l'environnement, cohésion sociale, lutte contre la précarité énergétique et mise en place d'une Union européenne de l'énergie.

* 609 Pour une présentation du système ETS, se reporter au commentaire de l'article 71 quater A.

* 610 Dont une obligation spécifique à destination des ménages en situation de précarité énergétique.

* 611 Sont cités, dans l'exposé des motifs de l'amendement, les « catégories d'installations ETS éligibles, [le] pré-requis relatif à un système de management de l'énergie, [la] nature des opérations, [le] mesurage ex post des économies d'énergie, etc. ».

* 612 Les CEE ont parfois fait l'objet de pratiques frauduleuses mais les contrôles ont depuis été renforcés, même si la question d'une réforme plus vaste, consistant par exemple à les transformer en véritable taxe (ce qu'ils sont déjà de fait) contrôlée par le Parlement, devra se poser à terme ; le marché ETS a quant à lui été critiqué pour l'insuffisance du signal prix donné au carbone en raison de la surabondance de quotas d'émission disponibles mais a été réformé par une directive de mars 2018 que l'article 71 ter du présent projet de loi prévoit de transposer en droit interne.

* 613 En 2018, selon les documents budgétaires, la dépense fiscale associée à l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts est estimée à 277 millions d'euros pour le livret A, à 127 millions d'euros pour le livret de développement durable et solidaire, 31 millions d'euros pour le livret d'épargne populaire et 11 millions d'euros pour le livret jeune.

* 614 La Caisse d'Épargne, La Poste et le Crédit mutuel.

* 615 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 616 Loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle.

* 617 Arrêté du 27 juillet 2017 relatif aux taux mentionnés dans le règlement du Comité de la réglementation bancaire n° 86-13 du 14 mai 1986 relatif à la rémunération des fonds reçus par les établissements de crédit.

* 618 Voir l'article L. 221-35 du code monétaire et financier.

* 619 Selon le rapport de l'observatoire de l'épargne réglementée, 26 juin 2018.

* 620 Article 145 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 621 Article 80 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 622 Article 2 de l'arrêté du 4 décembre 2008 relatif aux règles d'emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu'aux informations permettant le suivi de ces emplois.

* 623 Rapport de l'observatoire de l'épargne réglementée, 26 juin 2018, page 51.

* 624 L'article 4 de l'arrêté du 4 décembre 2008 précité détaille cette exigence, en fixant une liste minimale de données devant être transmises par l'établissement de crédit, comme l'encours total des financements accordés à des micro, petites et moyennes entreprises ou l'encours total des prêts destinés à financer des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens.

* 625 L'observatoire de l'épargne réglementée, dont la composition est précisée à l'article R. 221-12 du code monétaire et financier, dépend du ministre chargé de l'économie. Présidé par le gouverneur de la Banque de France, l'observatoire comprend onze membres.

* 626 Selon les informations transmises à votre rapporteur par la direction générale du Trésor.

* 627 Les produits de taux désignent tous les produits dont les revenus et la valorisation dépendent d'un taux et qui fluctuent donc en fonction de la courbe des taux de marché, par opposition aux produits de fonds propres, qui représentent une part du capital d'une entreprise.

* 628 Voir la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007 au titre de l'article 86, paragraphe 3, du traité CE relative aux droits spéciaux octroyés à la Banque Postale, aux Caisses d'épargne et au Crédit mutuel pour la distribution des livrets A et bleu, C (2007) 2110 final. Par cette décision, la Commission européenne a jugé que le monopole de la distribution du livret A et du livret bleu constituait une restriction à la liberté d'établissement et de prestation de services et a enjoint aux autorités françaises d'y mettre fin dans un délai de neuf mois.

* 629 Article 145 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 630 À l'occasion du premier « Climate finance day », ou journée de la finance climatique, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a annoncé que dorénavant « chaque euro placé dans un LDDS centralisé à la Caisse des dépôts [et consignations] sera associé à un projet contribuant effectivement à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique de notre modèle économique ».

* 631 Dans sa délibération du 25 mars 2015, la Commission de régulation de l'énergie avait demandé « à GRTgaz d'étudier des solutions lui permettant de renforcer son indépendance vis-à-vis de la maison-mère sur le long terme, comme par exemple la création d'une structure qui permettrait à GRTgaz de renforcer son rôle dans la gouvernance de ses activités de recherche et développement ou le recours à des solutions alternatives aux prestations fournies par GDF SUEZ ».

* 632 CRE, délibération n° 2017-268 du 30 novembre 2017.

* 633 GRTgaz, communiqué de presse du 3 janvier 2018.

* 634 Pour « Research & Innovation center for Energy ».

* 635 Par des participations ou des filiales.

* 636 Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 modifiant l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création de l'établissement public OSEO et de la SA OSEO.

* 637 Décret n° 2015-1498 du 18 novembre 2015 portant statuts de l'établissement public Bpifrance et définissant les modalités particulières du contrôle de l'État.

* 638 La première description de ce projet par le ministre de l'économie et des finances a été faite devant le Sénat lors de la séance du 6 juillet 2017.

* 639 Voir l'arrêté du 15 janvier 2018 approuvant une dotation de l'établissement public Bpifrance.

* 640 Via la holding de portage TSA entièrement détenue par l'État.

* 641 Selon les informations transmises par l'Agence des participations de l'État.

* 642 Voir l'arrêté du 7 août 2018 relatif à l'ouverture d'un compte rémunéré au nom de l'établissement public Bpifrance, dans le cadre de la constitution du Fonds pour l'innovation et l'industrie.

* 643 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 644 La dotation en numéraire s'élevant à 1,6 milliard d'euros, rémunérée à 2,5 % de l'an, au prorata de son placement à compter du 7 août 2018 pour l'exercice 2018.

* 645 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 646 Le transfert au secteur privé des sociétés Aéroports de Paris (ADP) et La Française des jeux font respectivement l'objet des articles 49 et 51 du présent projet de loi, tandis que le fonds est déjà doté à hauteur de 1,6 milliard d'euros issu de cessions de titres déjà opérées.

* 647 Propos tenus par le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire à l'occasion de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 19 juillet 2017.

* 648 Rapport d'information de la mission d'information commune sur la Banque publique d'investissement Bpifrance, Assemblée nationale, 30 septembre 2015, pages 127 et 128.

* 649 Voir rapport général n° 147 (2018-2019) de Victorin Lurel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, pages 19-20.

* 650 Rapport n° 1088 de la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi « PACTE », pages 729 et 736.

* 651 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 652 Voir l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, page 453.

* 653 Assemblée nationale, compte rendu de la deuxième séance du 3 octobre 2018.

* 654 Réponse de l'Agence France Trésor (AFT) au questionnaire de votre rapporteur.

* 655 Selon les données de la Banque de France pour les OAT à 30 ans - les données pour les OAT à 50 ans n'étant pas disponibles.

* 656 En majorant de 13 % le taux de 1,75 % de l'OAT 25 mai 2066.

* 657 Voir « Le fonds pour l'innovation générera 200 millions d'euros par an, dit Bruno Le Maire », Reuters, 21 septembre 2017.

* 658 « Les aides à l'innovation », rapport de Jacques Lewiner, Ronan Stephan, Stéphane Distinguin et Julien Dubertret, mars 2018.

* 659 Selon le rapport précité, page 20.

* 660 Rapport n° 1088 de la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi « PACTE », page 737.

* 661 Les titres prêtés, représentant environ 8,4 milliards d'euros, devraient produire un dividende supérieur à 200 millions d'euros en 2018.

* 662 « Les aides à l'innovation », rapport de Jacques Lewiner, Ronan Stephan, Stéphane Distinguin et Julien Dubertret, mars 2018.

* 663 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 664 Six administrateurs représentant le réseau de Bpifrance, cinq administrateurs représentant les régions, deux censeurs issus des régions et un commissaire du gouvernement.

* 665 L'article 53 ter du présent projet de loi propose de porter ce nombre à seize membres.

* 666 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 667 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 668 Mécanisme de supervision unique (MSU) au niveau européen et Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) au niveau national.

* 669 Voir en particulier l'article 88 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, dite « CRD IV », transposé à l'article L. 511-51 du code monétaire et financier.

* 670 La Caisse est entrée en 2010 au capital de la société, à la faveur d'un apport de capital de 1,5 milliard d'euros.

* 671 Avant l'entrée de la Caisse des dépôts au capital de La Poste en 2010, l'État était seul actionnaire de la société anonyme : la composition du CA était alors différente, prévue par la loi, et comprenait des représentants de l'État, des personnalités qualifiées dont un représentant des communes et un représentant des usagers, et des représentants du personnel.

* 672 Communiqué commun du groupe La Poste, de la Caisse des Dépôts et consignations et de La Banque Postale du 31 août 2018.

* 673 Données tirées du « Rapport sur l'internationalisation de l'économie française », Business France, 2018.

* 674 Disposition prévue au c du 1° de l'article 3 de la loi n°66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger, désormais codifiée à l'article L. 151-2 du code monétaire et financier.

* 675 Il a été codifié par le décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 réglementant les relations financières avec l'étranger et portant application de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier.

* 676 Articles R. 153-4 à R. 153-5-2 du code monétaire et financier.

* 677 À l'exception des modifications relatives à l'avis, qui sont entrées en vigueur au lendemain de la publication du décret.

* 678 Procédure 2017/0224/COD, COM (2017) 487: Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne.

* 679 Résolution européenne du Sénat n°42 du 7 janvier 2018 sur le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union européenne.

* 680 Communiqué de presse de la Commission européenne du 14 septembre 2017 : « État de l'Union en 2017 - Paquet « commerce » : la Commission européenne propose un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers ».

* 681 Rapport d'information n°4082 du 5 octobre 2016 de la commission des Affaires étrangères et de la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur l'extraterritorialité de la législation américaine, présenté par Mme Karine Berger.

* 682 Pour une présentation détaillée du régime d'autorisation préalable des investissements étrangers dans les activités stratégiques, se référer au commentaire de l'article 55 du présent projet de loi.

* 683 Loi n°83-609 du 8 juillet 1983 portant création d'une délégation parlementaire dénommée office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

* 684 Loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement.

* 685 Loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

* 686 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 687 Proposition de loi tendant à modifier l'ordonnance n° 58 1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative devenue loi n° 2009-689 du 15 juin 2009.

* 688 Rapport d'enquête de M. Guillaume Kasbarian chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'Alstom, d'Alcatel et de STX, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé. Assemblée nationale n° 897 rect. Avril 2018. Ce rapport préconise la création d'un « comité parlementaire chargé du suivi du contrôle des investissements stratégiques commun à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans lequel chaque groupe serait représenté, et chaque membre serait habilité à recevoir des informations du gouvernement, une fois l'autorisation délivrée à l'investisseur étranger. Ce comité pourrait avoir accès aux lettres d'engagements signées par l'investisseur étranger. Ses travaux seraient couverts par le secret de la défense nationale. Chaque année, il établirait un rapport public dressant le bilan de ses activités. Il pourrait également adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ».

* 689 La liste des entreprises concernées étant annexée à la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

* 690 Voir le décret n°99-97 du 15 février 1999 instituant une action spécifique de l'État au capital de la société Aerospatiale, société nationale industrielle et le décret n°2000-630 du 7 juillet 2000 transformant l'action spécifique de l'État au capital d'Aerospatiale Matra en action ordinaire.

* 691 Voir le décret n°93-1298 du 13 décembre 1993 instituant une action spécifique de l'État dans la Société nationale Elf-Aquitaine et le décret n°2002-1231 du 3 octobre 2002 abrogeant le décret n°93-1298 du 13 décembre 1993 instituant une action spécifique de l'État dans la Société nationale Elf-Aquitaine.

* 692 Arrêt de la Cour du 4 juin 2002, Commission des Communautés européennes contre République française.

* 693 Il s'agit des activités participant à l'exercice de l'autorité publique, celles dans lesquelles un investissement étranger est de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique, la sécurité publique ou la défense nationale, et les activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre. Le présent projet de loi propose, à l'article 55, de renforcer ce régime d'autorisation, et le décret n°2018-1057 du 29 novembre 2018 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable a récemment étendu le champ des secteurs concernés.

* 694 Décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l'État, dans sa version en vigueur au 1 er janvier 2018.

* 695 Les dispositions en vigueur au III concernent l'applicabilité de l'action spécifique en cas de transfert de plus de 50 % du capital d'une entreprise du secteur public au secteur privé. Cette condition étant plus restrictive que la rédaction globale proposée, il est prévu de les supprimer.

* 696 Voir le commentaire de l'article 55 du présent projet de loi.

* 697 Intitulé du livre III de la troisième partie (Durée du travail, salaire, intéressement, participation et épargne salariale) du code du travail.

* 698 Quatre catégories d'indicateurs sont le plus souvent fixées : les résultats de l'entreprise (liés aux résultats nets, à la marge, à la valeur ajoutée) ; l'activité (coûts de production, seuil de rentabilité, absentéisme, prix de vente, stock moyen...), la qualité (satisfaction clients, réclamations, ratio de qualité, propreté ou rangement, respect de l'environnement) ou la sécurité (accidents du travail, respect des normes de sécurité). ( Les formules de calcul de l'intéressement , rapport du centre de recherche et d'études en gestion des organisations-Crego, mars 2003).

* 699 Ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises.

* 700 Où RSP correspond à la réserve de participation, B au bénéfice net d'impôt de l'entreprise, C aux capitaux propres de l'entreprise, S aux salaires versés dans l'entreprise et VA à la valeur ajourée dégagée par l'entreprise.

* 701 Des taux dérogatoires existent pour certaines catégories d'entreprises. Voir infra.

* 702 Loi n° 2018-1203 du 23 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 703 Voir le commentaire de l'article 11 ter dans le rapport du Sénat n° 111 (2018-2019), tome II (examen des articles) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, Jean-Marie Vanlerenberghe, novembre 2018.

* 704 Voir le commentaire de l'article 6 du présent projet de loi dans ce rapport.

* 705 40 524 euros en 2019 soit 30 393 euros maximum.

* 706 En particulier une mission des inspections générales des finances et des affaires sociales.

* 707 Le coût de la tenue d'un compte bancaire dans le cadre d'un PEE s'élève entre 20 et 25 euros par an et par salarié. Cette charge supplémentaire doit être mise en comparaison avec l'exonération de forfait social dans les entreprises de moins de 50 salariés qui sont les moins concernées par l'épargne salariale.

* 708 En 2019, le PASS est fixé à 40 524 euros limitant à 20 262 euros le montant maximum des primes d'intéressement versées à un salarié (50 %).

* 709 En 2019, le PASS s'élève à 40 524 soit 162 096 euros de salaires annuels maximum pris en compte.

* 710 Soit 121 572 euros maximum.

* 711 Si la participation doit obligatoirement être mise en place dans les entreprises de plus de 50 salariés, les entreprises de moins de 50 salariés sont libres de négocier un accord de participation pour associer leurs salariés à leurs résultats.

* 712 Source : Dares, en réponse à une question de votre rapporteur.

* 713 10 euros pour les rémunérations inférieures au PASS et 37 euros pour des rémunérations entre 2 et 3 PASS.

* 714 L'article R. 3324-22 du code du travail en fixe neuf : le mariage ou la conclusion d'un Pacs ;
la naissance ou l'adoption d'un troisième enfant ; le divorce, la séparation ou la dissolution de Pacs ; l'invalidité de l'intéressé, de ses enfants ou de son conjoint ; le décès de l'intéressé ou de son conjoint ; la rupture du contrat de travail ; l'affectation des sommes à la création ou la reprise
d'une entreprise par l'intéressé, ses enfants ou son conjoint.

* 715 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 716 À l'exception de quelques cas de déblocages anticipés, plus restreints toutefois que pour un PEE.

* 717 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 relative à la croissance, à l'activité et à l'égalité des chances économiques, dite loi « Macron ».

* 718 Voir le rapport n° 370 (Sénat, 2014-2015) sur le projet de loi « Macron » et plus particulièrement les commentaires des articles 34 (aménagement du dispositif d'attribution d'actions gratuites-AGA) et 35 (aménagement du cadre fiscal applicable aux bons de souscription de part de créateur d'entreprise-BSPCE) devenus respectivement les articles 135 et 141 de la loi promulguée.

* 719 D'après l'étude d'impact, la France est le pays dans lequel les dispositifs d'actionnariat salarié sont les plus développés. Ainsi en France, 75 % des entreprises cotées ont des plans d'actionnariat salarié pour l'ensemble de leurs salariés contre moins de la moitié en moyenne en Europe et plus de 35 % des salariés sont des actionnaires contre 22 % en Europe.

* 720 Définies en référence à l'article L. 441-1 du code monétaire et financier.

* 721 Rapport de juin 2018, non publié.

* 722 Les statuts de la société peuvent prévoir l'inaliénabilité des actions pour une durée n'excédant pas 10 ans.

* 723 Ces mêmes statuts peuvent soumettre toute cession d'actions à l'agrément préalable de la société.

* 724 Ils peuvent également imposer à un actionnaire de céder ses actions dans les conditions qu'ils fixent.

* 725 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 726 Peuvent être concernés : les salariés de la société émettrice, le président du conseil d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire et le gérant (art. L. 225-197-1 du code de commerce). Sous certaines réserves, le dispositif peut être étendu aux sociétés filiales, aux sociétés mères et soeurs de la société émettrice.

* 727 Sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés en commandite par actions.

* 728 Gains d'acquisition, plus-value de cessions, dividendes, indemnité de renonciation ou de perte d'AGA.

* 729 Loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités de privatisation.

* 730 Ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.

* 731 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 732 Section 4 du chapitre II du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail.

* 733 Auparavant, la conception de la société comme contrat prévalait dans la rédaction du code : « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ».

* 734 Rapport n° 74 (2015-2016) de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, déposé le 14 octobre 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l15-074/l15-0742.html#toc13

* 735 De même que, par envoi au sein du code, aux sociétés en commandite par actions.

* 736 Article L. 225-102-1 du code de commerce.

* 737 Dénomination résultant de la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.

* 738 Article L. 225-102-4 du code de commerce.

* 739 Articles L. 225-35 et L. 225-64 du code de commerce.

* 740 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/184000133/index.shtml

* 741 Article L. 225-96 du code de commerce.

* 742 Rapport d'information n° 627 (2016-2017) de Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 12 juillet 2017.

* 743 Amendement de Dominique Potier du groupe socialiste.

* 744 Amendement des rapporteurs Coralie Dubost et Roland Lescure.

* 745 Le seuil initial de 250 salariés a été modifié par l'amendement de Stanislas Guérini, du groupe LaREM.

* 746 I de l'article 910 du code civil : « Les dispositions entre vifs ou par testament au profit des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux ou d'établissement d'utilité publique n'ont leur effet qu'autant qu'elles sont autorisées par arrêté du représentant de l'État dans le département. »

* 747 « [Le juge] peut autoriser l'aliénation de tout ou partie des biens faisant l'objet de la libéralité en ordonnant que le prix en sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant ».

* 748 On note ici une erreur de coordination puisque c'est la seule occurrence où l'ancienne appellation « fonds de pérennisation » n'a pas été modifiée. En effet, l'un des amendements adoptés en séance publique à l'Assemblée, mais qui a été ensuite sous-amendé, prévoyait l'appellation « fonds de pérennisation ».

* 749 Rapport « Le rôle économique des fondations », avril 2017.

* 750 Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement Européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

* 751 Rapport n° 403 (2017-2018), de Mme Sophie Primas et M. Alain Milon, fait au nom des commissions des affaires économiques et des affaires sociales.

* 752 Ibid , p.5.

* 753 Rapport et Avis du CNC « Amélioration de l'efficacité des procédures de retrait-rappel des produits de consommation courante » adoptés le 13 juillet 2018.

* 754 Voir le commentaire de l'article 61 duodecies infra.

* 755 « SCPI 2018, un support résilient d'investissement immobilier », 5 ème édition, novembre 2017, PWC.

* 756 Article 534 du code civil : Les mots « meubles meublants » ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature. Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières. Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d'un appartement sont comprises sous la dénomination de « meubles meublants ».

* 757 Les droits réels correspondent, par exemple, à la propriété, nue-propriété et à l'usufruit, à l'emphytéose, aux servitudes, aux droits du preneur d'un bail à construction ou d'un bail à réhabilitation, etc.

* 758 Voir le commentaire de l'article 61 duodecies supra.

* 759 https://www.universalis.fr/encyclopedie/jeton-de-presence/

* 760 Cf . le rappel du droit en vigueur dans le commentaire de l'article 62 du présent projet de loi.

* 761 « Des options peuvent être consenties, dans les mêmes conditions qu'aux articles L. 225-177 à L. 225-179 ci-dessus : 1° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique dont 10 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société consentant les options ; 2° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique détenant, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote de la société consentant les options ; 3° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique dont 50 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par une société détenant elle-même, directement ou indirectement, au moins 50 % du capital de la société consentant les options. II. - L'assemblée générale ordinaire de la société contrôlant majoritairement, directement ou indirectement, celle qui consent les options est informée dans les conditions prévues à l'article L. 225-184.III.-Des options peuvent également être consenties dans les mêmes conditions qu'aux articles L. 225-177 à L. 225-179 par une entreprise contrôlée, directement ou indirectement, exclusivement ou conjointement, par un organe central, des organes centraux ou les établissements de crédit ou les sociétés de financement qui lui ou leur sont affiliés au sens des articles L. 511-30 à L. 511-32 du code monétaire et financier, aux salariés desdites sociétés ainsi qu'à ceux des entités dont le capital est détenu pour plus de 50 %, directement ou indirectement, exclusivement ou conjointement, par cet organe central, ces organes centraux ou des établissements ou sociétés affiliés. »

* 762 Il peut être stipulé dans les statuts que le conseil d'administration comprend, outre les administrateurs dont le nombre et le mode de désignation sont prévus aux articles L. 225-17 et L. 225-18, des administrateurs élus soit par le personnel de la société, soit par le personnel de la société et celui de ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français. Le nombre de ces administrateurs ne peut être supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le tiers du nombre des autres administrateurs. Lorsque le nombre des administrateurs élus par les salariés est égal ou supérieur à deux, les ingénieurs, cadres et assimilés ont un siège au moins.

Les administrateurs élus par les salariés ne sont pas pris en compte pour la détermination du nombre minimal et du nombre maximal d'administrateurs prévus à l'article L. 225-17, ni pour l'application du premier alinéa de l'article L. 225-18-1. »

* 763 Extrait de l'exposé sommaire de l'amendement.

* 764 Amendement de Daniel Fasquelle, du groupe LR.

* 765 « Les droits particuliers mentionnés à l'article L. 228-11 peuvent être exercés dans la société qui possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital de l'émettrice ou dans la société dont l'émettrice possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital . ». L'article L.228-11 fait référence aux actions de préférence, assorties de droits particuliers de toute nature.

* 766 « Une société par actions peut émettre des valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre par la société qui possède directement ou indirectement plus de la moitié de son capital ou par la société dont elle possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital . »

* 767 Sont concernées les entreprises cotées et les entreprises ayant, pour le troisième exercice consécutif, 500 salariés et plus et un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan supérieur à 50 millions d'euros. La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a fixé, à compter du 1 er janvier 2020, un nouveau seuil à 250 salariés.

* 768 Amendement de M. Roland Lescure, rapporteur général et membre du groupe LREM.

* 769 Arrêt Bosch du 6 avril 1962 de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) ; Conseil constitutionnel, décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 ; Conseil d'État, décision du 24 mars 2006 Société KPMG et autres.

* 770 Cf. discours de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, lors du colloque du 21 novembre 2014 organisé par la Société de législation comparée sur « L'entreprise et la sécurité juridique ».

* 771 Ibid.

* 772 Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

* 773 Section 3 : De l'instauration d'un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de revente d'un fonds de commerce dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise.

* 774 Section 4 : De l'information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre en cas de vente d'un fonds de commerce dans les entreprises soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise.

* 775 Section 1 : De l'instauration d'un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de vente des parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital dans les sociétés qui ne pas soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise.

* 776 Section 2 : De l'information des salariés leur permettant de présenter une offre en cas de vente des parts sociales ou actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital dans les sociétés soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise.

* 777 Pour un commentaire détaillé de ces dispositions, voir le rapport n° 514 (2017-2018) pour avis de la commission des affaires sociale de notre collègue Pascale Gruny, 29 mai 2018 et le compte-rendu de la séance publique du Sénat du 7 juin 2018, en particulier les débats sur les articles 15 et 16.

* 778 Ordonnance non ratifiée à la date de rédaction du présent rapport.

* 779 La définition du contenu et du format de la facture électronique ne relèvent pas de la loi mais du règlement. Il est donc nécessaire de prévoir une mesure d'application, qui devra reprendre les éléments essentiels contenus dans la directive et renvoyer à la norme de facturation électronique européenne.

* 780 Cet arrêté doit aussi préciser les modalités de paiement des factures ainsi que les délais de remboursement et les conditions de report des trop-perçus. L'article L. 224-12 prévoit par ailleurs que les consommations estimées doivent refléter les consommations probables, que le client doit pouvoir transmettre sa consommation réelle par tous moyens et qu'il doit pouvoir régler sa facture par mandat compte.

* 781 Arrêté du 18 avril 2012 relatif aux factures de fourniture d'électricité ou de gaz naturel à leurs modalités de paiement et aux conditions de report ou de remboursement des trop-perçus.

* 782 Mme Nadia Hai, séance publique, 5 octobre 2018.

* 783 Directive 2010/45/UE du Conseil du 13 juillet 2010 modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles de facturation.

* 784 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 785 Ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017 relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier, prise sur le fondement de l'article 104 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 786 Actuellement fixées par voie réglementaire.

* 787 Voir l'article 14 du CCAG-Travaux (arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux).

* 788 Sans toutefois qu'une volumétrie précise puisse être indiquée.

* 789 Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, non encore ratifiée par le Parlement.

* 790 Le plan doit également être soumis à l'assemblée des obligataires, s'il en existe.

* 791 La procédure de sauvegarde a été instituée par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

* 792 Source : Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

* 793 Il y a cessation des paiements lorsque le passif exigible excède l'actif disponible.

* 794 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, considérants 6 à 8.

* 795 Ordonnances n° 2014-326 du 12 mars 2014 et n° 2014-1088 du 26 septembre 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives et ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté.

* 796 Article premier de ladite directive.

* 797 Elle ne s'applique pas à l'acquisition et à la préservation des droits à pension complémentaire des travailleurs qui se déplacent à l'intérieur d'un même État-membre.

* 798 Sont également exclus du champ d'application de la directive : les régimes de retraite supplémentaires régis par l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale qui, à la date d'entrée en vigueur de la directive (mai 2014), ont cessé d'accueillir de nouveaux affiliés et restent fermés à de nouvelles affiliations ; les versements uniques effectués par l'employeur à la fin de la relation de travail non liés avec un régime de retraite ; les régimes de retraite supplémentaire soumis à des mesures de protection ou de redressement judiciaire impliquant des interventions administratives, pendant le délai de ces interventions ; les régimes de garantie en cas d'insolvabilité, les régimes de compensation, les fonds nationaux de réserve pour les retraites ; les périodes d'emploi accomplies avant la transposition de la directive.

* 799 Article 4 de ladite directive.

* 800 Article 5 de la directive précitée.

* 801 Article 6 de la directive précitée.

* 802 Ce délai, initialement fixé à douze mois dans l'avant-projet de loi, a été raccourci à six mois à la demande du Conseil d'État compte tenu de l'expiration du délai de transposition de la directive.

* 803 Le IV de l'article 20 habilite en effet le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance et dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi, des mesures d'harmonisation de l'ensemble des produits, des mesures spécifiques aux produits collectifs, des mesures spécifiques aux produits individuels, des mesures propres aux produits assurantiels ainsi que toutes les mesures de coordination nécessaires.

* 804 Étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 805 Ce délai, initialement fixé à six mois dans l'avant-projet de loi, a été raccourci à trois mois à la demande du Conseil d'État compte tenu de l'expiration du délai de transposition de la directive.

* 806 On parle de convention intragroupe.

* 807 Articles L. 225-38 à L. 225-42 et L. 225-86 à L. 225-90 du code de commerce.

* 808 Ainsi, relèvent du régime des conventions réglementées, notamment, les rémunérations et les divers avantages accordés aux dirigeants, les engagements liés à la cessation des fonctions des dirigeants, l'achat d'un bien appartenant à un actionnaire, mais également, au sein des groupes, les cautions, avals et garanties au profit d'une filiale, les subventions et prêts sans intérêt, la prise en charge de certaines dépenses d'une filiale, les conventions de trésorerie, les engagements pris au bénéfice de dirigeants d'une autre société du groupe...

* 809 L'article L. 211-3 du code monétaire et financier dispose que « les titres financiers, émis en territoire français et soumis à la législation française, sont inscrits soit dans un compte-titres tenu par l'émetteur ou par l'un des intermédiaires mentionnés aux 2° à 7° de l'article L. 542-1, soit, dans le cas prévu au second alinéa de l'article L. 211-7, dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé ». Ces intermédiaires sont notamment les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les personnes morales ayant pour objet l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers.

* 810 Articles L. 225-37-2 du code de commerce. Il existe une disposition analogue à l'article L. 225-82-2 pour les sociétés à directoire et conseil de surveillance.

* 811 Par exemple la prise en compte du conseil de surveillance, qui n'a pas de fonction exécutive.

* 812 Rapport n° 712 (2015-2016) de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, déposé le 22 juin 2016. Ce rapport est consultable, sur ce point, à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l15-712-1/l15-712-120.html#toc248

* 813 La Compagnie nationale des commissaires aux comptes a d'ailleurs publié des lignes directrices en la matière dans une étude de 2014 sur les conventions réglementées et courantes. Cette étude est consultable à l'adresse suivante : https://cdn.cncc.fr/download/CNCC_ConvRegl_fev2014.pdf

* 814 Les contrats dits « article 83 » ou « article 39 » du code général des impôts, les plans d'épargne retraite en entreprise (PÈRE), les plans d'épargne pour la retraite collective (PERCO) constituent des contrats de retraite professionnelle supplémentaire par exemple.

* 815 En raison de la possibilité de sortir en capital offerte au PERCO, contrairement aux autres produits d'épargne retraite, et de l'absence de garantie en capital à l'échéance, contrairement aux produits assurantiels.

* 816 Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice.

* 817 Directive européenne 2003/41/CE du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle dite « IORP ».

* 818 Ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites professionnelles supplémentaires.

* 819 Ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente.

* 820 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 821 Directive 2016/2341/UE du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP).

* 822 Ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites professionnelles supplémentaires.

* 823 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 824 Afrique du Sud, Arabie-Saoudite, Allemagne, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Espagne, États-Unis, France, Hong-Kong, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Suisse et Turquie.

* 825 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

* 826 Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.

* 827 Ces banques sont communément désignées sous le terme de « global systemically important banks » ou G-SIBs.

* 828 Directive 2014/59/UE du Parlement et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

* 829 Ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière.

* 830 Depuis le 1 er janvier 2016, le Conseil de résolution unique (CRU) est directement responsable des établissements les plus importants de la zone euro, tandis que les autorités nationales de résolution restent responsables de la résolution des autres établissements - l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en France. Cependant, le CRU devient automatiquement responsable si le plan de résolution de l'établissement prévoit l'utilisation du fonds de résolution unique (FRU). En outre, en vertu de son pouvoir d'évocation, il peut toujours décider de prendre en charge une procédure de résolution.

* 831 Les dépôts sont garantis dans la limite de 100 000 euros par client et par établissement, en application de l'article 6 de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts.

* 832 Il s'agit de la fraction des dépôts des personnes physiques et des PME qui excède le niveau de garantie de 100 000 euros par client et par établissement.

* 833 Directive (UE) 2017/2399 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne le rang des instruments de dette non garantie dans la hiérarchie en cas d'insolvabilité.

* 834 Article 151 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 835 Selon la définition donnée par le décret n° 2018-710 du 3 août 2018 précisant les conditions dans lesquelles un titre, une créance, un instrument ou un droit est considéré comme non structuré au sens du 4° du I de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier.

* 836 « Vers l'achèvement de l'union bancaire », communication de la Commission européenne COM(2015) 587 final du 24 novembre 2015.

* 837 Voir le communiqué de presse de la Commission européenne « Achèvement de l'union bancaire : la Commission salue un accord politique qui permettra de réduire encore les risques dans le secteur bancaire de l'Union européenne », 4 décembre 2018, IP/18/6659.

* 838 Directive (UE) 2017/2399 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne le rang des instruments de dette non garantie dans la hiérarchie en cas d'insolvabilité.

* 839 À savoir l'article du code monétaire et financier précisant les personnes à l'égard desquelles les dispositions qu'il prévoit en matière de prévention et de gestion des crises bancaires, figurant à la section 4 du chapitre III du titre I er du livre IV dudit code, s'appliquent.

* 840 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 841 Directive 2014/59/UE du Parlement et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

* 842 Directive (UE) 2017/2399 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne le rang des instruments de dette non garantie dans la hiérarchie en cas d'insolvabilité.

* 843 Conseil constitutionnel, Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

* 844 Voir la communication de la Commission européenne intitulée « Third progress report on the reduction of non-performing loans and further risk reduction in the Banking Union », SWD(2018) 472 final, 28 novembre 2018 (https://ec.europa.eu/info/banking-and-finance-website-notice-users_en).

* 845 Article L. 712-1 du code de la propriété intellectuelle.

* 846 Conformément à l'article 54 de la directive qui prévoit toutefois une exception s'agissant des dispositions de l'article 45 relatives à la procédure administrative de déchéance et de nullité, qui doivent être transposées avant le 14 janvier 2023.

* 847 En effet, ces collectivités sous soumises au principe dit de spécialité législative, en vertu duquel les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse d'un texte législatif.

* 848 Ces collectivités relèvent du régime législatif et réglementaire dit d'identité législative : les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais, le cas échéant, des mesures d'adaptation peuvent être prises pour tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

* 849 Voir les 1. et 6. de l'article 39 : « 1. Les produits et les services pour lesquels l'enregistrement d'une marque est demandé sont classés conformément au système de classification établi par l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques du 15 juin 1957 (...) » ; « 6.  Lorsque le demandeur sollicite l'enregistrement pour plus d'une classe, il regroupe les produits et les services selon les classes de la classification de Nice, chaque groupe de produits ou de services étant précédé du numéro de la classe dont il relève, et il présente les différents groupes dans l'ordre des classes. », ainsi que l'article 42 : « Les États membres peuvent prévoir que la demande d'enregistrement et le renouvellement d'une marque donnent lieu au paiement d'une taxe supplémentaire pour chaque nouvelle classe de produits et de services au-delà de la première classe ».

* 850 L'article 3 de la directive prévoit que « peuvent constituer des marques tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, ou les dessins, les lettres, les chiffres, les couleurs, la forme d'un produit ou de son conditionnement, ou les sons (...) ».

* 851 Articles 43 et suivants de la directive

* 852 En droit français, « la marque est dite collective lorsqu'elle peut être exploitée par toute personne respectant un règlement d'usage établi par le titulaire de l'enregistrement » (premier alinéa de l'article L. 715-1). Au sens de la directive, la marque collective est « une marque ainsi désignée lors du dépôt de la demande et propre à distinguer les produits ou les services des membres de l'association qui en est le titulaire de ceux d'autres entreprises » ( b) de l'article 27).

* 853 En droit français, « la marque collective de certification est appliquée au produit ou au service qui présente notamment, quant à sa nature ses propriétés ou ses qualités, des caractères précisés dans son règlement » (second alinéa de l'article L.715-1). Au sens de la directive, la marque de garantie ou de certification est « une marque ainsi désignée lors du dépôt de la demande et propre à distinguer les produits ou les services qui sont certifiés par le titulaire de la marque en ce qui concerne la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques par rapport aux produits et aux services qui ne sont pas certifiés de la sorte » ( a) de l'article 27).

* 854 Article 45 de la directive.

* 855 L'article 11 de la directive prévoit le droit d'interdire les actes préparatoires portant sur l'utilisation du conditionnement ou d'autres moyens.

* 856 Codifié à droit constant par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne et entré en vigueur le 1 er octobre 2017.

* 857 Données issues de l'étude d'impact annexée au présent projet de loi.

* 858 Arrêt CJUE du 1 er décembre 2011, dit Nokia Philips.

* 859 Rapport d'information n° 207 fait par M. Jean-François Rapin au nom de la commission des affaires européennes, « Observations sur le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises » (dépôt le 13 décembre 2018).

* 860 Les décisions ministérielles des 11 août 1942 et 27 avril 1943 ont été rendues dans un contexte politique, social et économique spécifique, afin de faciliter la reconstitution des installations portuaires détruites par la guerre. Cette exonération concerne, de manière générale, « tous les immeubles et services nécessaires à l'exploitation des ports ou qui dépendent directement de cett exploitation ».

* 861 La loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a transformé sept ports autonomes situés en métropole - Marseille, Le Havre, Dunkerque, Rouen, Nantes-Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux - en grands ports maritimes, auxquels s'ajoutent quatre ports ultramarins (la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion).

* 862 Décision de la Commission européenne du 27 juillet 2017 n° SA38398 (2016/C, ex 2015/E).

* 863 Un « aide existante » désigne un type d'aide dont la Commission ne peut qu'exiger la suppression pour l'avenir, sans pouvoir exiger leur récupération.

* 864 Selon la Cour de justice de l'Union européenne, « la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement [...] constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. » Affaire C-118/85, Commission contre Italie, Rec. 1987 et Affaire C-35/96, Commission contre Italie, Rec. 1998.

* 865 Article 107§1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et (44) de la décision du 27 juillet 2017 susmentionnée : « Un port sera dès lors considéré comme une entreprise si et dans la mesure où il exerce effectivement une ou plusieurs activités économiques ».

* 866 Article 107§2 du TFUE.

* 867 Bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFIP) du 6 décembre 2017 : « [...]Ainsi, les ports autonomes, les chambres de commerce maritimes, les chambres de commerce de l'intérieur gérant des installations portuaires, des municipalités concessionnaires d'outillage public propriété de l'État dans les ports maritimes ainsi que les entreprises qu'elles ont pu substituer pour l'exploitation de cet outillage ne pourront plus se prévaloir des commentaires doctrinaux prévoyant cette exonération d'impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2018 ». Les ports visés par cette instruction administrative relèvent des prescriptions du plan comptable général, qui autorise la réévaluation comptable de leurs actifs. En effet, conformément à l'article L. 123-18 du code de commerce, ils peuvent ainsi procéder à une réévaluation libre de l'ensemble de leurs immobilisations corporelles et financières.

* 868 Conformément à l'article R.5312-67 du code des transports pour les grands ports maritimes, de l'article R.4322-48 du même code pour le port autonome de Paris, et de l'article 21 du décret du 27 septembre 1925 relatif à la constitution du port autonome de Strasbourg modifié par le décret n° 2007-38 du 9 janvier 2007, ces établissements portuaires relèvent des titres I er et III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique que modifie l'arrêté du 1 er juillet 2015 portant adoption du recueil des normes comptables applicables aux organismes visés aux alinéas 4 à 6 de l'article 1 er du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 869 Arrêté du 1 er juillet 2015 susmentionné.

* 870 Article L.5312-8 du code des transports : « [...] Une fois par trimestre au moins, le directoire présente un rapport au conseil de surveillance. Après la clôture de chaque exercice et dans un délai de six mois, le directoire lui présente, aux fins de vérification et de contrôle, les comptes annuels avant leur certification par au moins un commissaire aux comptes et, le cas échéant, les comptes consolidés accompagnés du rapport de gestion y afférant» .

* 871 Cet amendement rédactionnel substitue à la notion « d'entrée en vigueur » celle de « publication » de la loi.

* 872 Il s'agit des ports relevant des articles L.5314-1 et L.5314-2 du code des transports.

* 873 Question orale n° 526 du 15/11/18 M. Michel Canévet adressée à la Ministre placée auprès du Ministère de la transition écologique et solidaire.

* 874 Pour les nouveaux comptes de l'exercice 2017, le présent article dispose que le conseil de surveillance délibère au plus tard le 31 mai 2019, avant transmission au juge des comptes au plus tard le 30 juin 2019. Ainsi, concernant la procédure de réévaluation, c'est la date d'entrée en vigueur de la loi qui conditionnera le délai entre l'adoption des comptes révisés et leur transmission à la Cour des comptes. De ce fait, la publication de la loi au début du mois de mars permettrait un vote par le conseil de surveillance en avril prochain et garantirait ainsi la transmission à la Cour des comptes des comptes révisés dans les délais impartis.

* 875 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

* 876 Ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière.

* 877 Loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

* 878 Ordonnance n° 2015-558 du 21 mai 2015 relative aux succursales établies sur le territoire français d'établissements de crédit ayant leur siège social dans un État qui n'est pas membre de l'Union européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

* 879 Il s'agit des succursales suivantes : First Abu Dhabi, MUFG Bank, Bank of China et Qatar National Bank.

* 880 Directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 modifiant la directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), pour ce qui est des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions.

* 881 Compte rendu du Conseil des ministres du 22 juin 2016.

* 882 Voir notamment le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d'instruments financiers.

* 883 Ainsi qu'aux articles L. 84 D et L. 228 A du livre des procédures fiscales (LPF), 1649 AB du code général des impôts (CGI) et 824-3 du code de commerce.

* 884 Au titre de l'ordonnance n° 2014-355 précitée, il s'agissait des régions de Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais et de Picardie.

* 885 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 886 Voir le rapport pour avis n° 710 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, 22 juin 2016, page 243.

* 887 Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite « Solvabilité II ».

* 888 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 889 La technique du trust permet de désigner un agent des sûretés, appelé « security trustee » ou « security agent », qui est le bénéficiaire légal des sûretés tandis que le bénéfice économique en revient aux créanciers.

* 890 Qui permet la création par le débiteur, au profit de l'agent des sûretés d'une dette parallèle fictive, identique à l'obligation principale, mais seule garantie par les sûretés.

* 891 Projet de loi n° 710 déposé le 30 août 2017.

* 892 Article R. 313-21-1 du code de la consommation, issu du décret n° 2017-1099 du 14 juin 2017 fixant la durée pendant laquelle le prêteur peut imposer à l'emprunteur la domiciliation de ses salaires ou revenus assimilés sur un compte de paiement.

* 893 Comptes individuels annuels (art. L. 232-23) ; le cas échéant, comptes consolidés (art. L. 232-23) ; rapport de gestion (art. L. 232-23. Il est toutefois fait exception à cette obligation pour les sociétés autres que celles dont les titres sont admis sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociations) ; le cas échéant, rapport sur la gestion du groupe (art. L. 232-23) ; rapport du conseil de surveillance (observations jointes) (art. L. 232-23) ; rapport des commissaires aux comptes sur les comptes annuels, éventuellement complété de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée aux comptes annuels ainsi que, le cas échéant, comptes consolidés (art. L. 232-23) ; proposition d'affectation du résultat soumise à l'assemblée et résolution d'affectation votée (art. L. 232-23) ; rapport d'expertise (établi à la demande d'associés minoritaires par exemple) (art. L. 225-231); dans les sociétés cotées, rapport sur le gouvernement d'entreprise et le contrôle interne (art. L. 225-37 ou L. 225-68).

* 894 Sont des petites entreprises au sens de l'article L 123-16 les commerçants, personnes physiques ou personnes morales, pour lesquels, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils suivants, dont le niveau et les modalités de calcul sont fixés par décret, ne sont pas dépassés : le total du bilan, le montant net du chiffre d'affaires ou le nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice. Lorsqu'une entreprise dépasse ou cesse de dépasser deux de ces trois seuils, cette circonstance n'a d'incidence que si elle se produit pendant deux exercices consécutifs.

* 895 Ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette.

* 896 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 897 Pour une description complète du cadre juridique et des modalités de la procédure de résolution applicable aux établissements de crédit, voir le commentaire de l'article 68 du présent projet de loi.

* 898 Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

* 899 Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

* 900 Art. 15 de la loi n°51-1508 du 31 décembre 1951 relative aux comptes spéciaux du Trésor pour l'année 1952

* 901 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers.

* 902 Ibid .

* 903 Décret n° 2018-1226 du 24 décembre 2018 relatif à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers et pour l'émission et la cession de minibons.

* 904 En particulier, l'article 43 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 905 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

* 906 Ordonnance n° 2018-95 du 14 février 2018 relative à l'extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, de diverses dispositions en matière bancaire et financière.

* 907 Le procédé consiste à, lors de la première extension d'une législation dans une collectivité d'outre-mer régie par le principe de la spécialité législative, insérer dans cette législation une disposition la déclarant applicable « dans sa rédaction résultant de la loi n° ... du ... » avec une référence au texte opérant cette extension, ainsi que, lors de chaque modification ultérieure, remplacer cette référence par la référence au texte modificatif. La référence joue alors en quelque sorte le rôle de « compteur ».

* 908 Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

* 909 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 910 Article 53 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation qui introduit un article L. 312-1-7 dans le code monétaire et financier.

* 911 Article 43 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 6 février 2017.

* 912 Le comité consultatif de la législation et de la réglementation financière a rendu un avis en date du 4 avril 2017.

* 913 Texte n° 324 (Sénat, 2017-2018).

* 914 Texte n° 342 (Sénat, 2017-2018).

* 915 Directive (UE) 2015/2302 du Parlement Européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées.

* 916 Question au Gouvernement AN n° 15-325, de M. Boris Vallaud, réponse publiée au Journal officiel le 16 mai 2018.

* 917 Articles R. 227-1 à R. 227-30 du code de l'action sociale et des familles.

* 918 ECN signifie « European Competition Network ».

* 919 Cette directive est consultable à l'adresse suivante :

https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2019/1/oj?locale=fr

* 920 Instituée par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, cette procédure a donné lieu à plusieurs communiqués de procédure de l'Autorité de la concurrence à destination des entreprises en vue d'en fixer les lignes directrices et conditions d'éligibilité. À ce jour, 13 décisions de sanction ont été rendues en faisant application de cette procédure de clémence.

* 921 Une modification de ces critères avait été adoptée par le Sénat. Le rapport de nouvelle lecture sur ce point est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l14-541-1/l14-541-113.html#toc148

* 922 Hors entreprises locales de distribution (ELD), dans leurs zones de desserte.

* 923 En particulier s'agissant de la production d'électricité d'origine nucléaire, l'absence d'ouverture à la concurrence étant compensée par la création d'un mécanisme de partage de la « rente nucléaire », l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

* 924 Arrêt « Federutility » de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 20 avril 2010.

* 925 Réalisée en une fois pour l'électricité, au 1 er janvier 2016, et en trois fois pour le gaz, du 19 juin 2014 au 31 décembre 2015.

* 926 Les TRV d'électricité restent cependant ouverts à tous les consommateurs dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain.

* 927 Le code de l'énergie prévoit que les TRV d'électricité sont établis par la CRE sauf opposition du Gouvernement (art. L. 337-4) et que les TRV de gaz sont fixés par le Gouvernement sur avis de la CRE (art. L. 445-2). Mais, de fait, si le Gouvernement décidait de s'écarter de la proposition de la CRE, et donc de ne pas couvrir les coûts par le tarif, sa décision serait attaquée devant le juge administratif et vraisemblablement annulée, avec un rattrapage rétroactif des hausses non appliquées, comme cela fut le cas à plusieurs reprises par le passé.

* 928 Les tarifs sont dits « contestables » lorsque leur construction, établie par empilement des coûts, permet aux fournisseurs alternatifs de les concurrencer.

* 929 Conseil d'État, 19 juillet 2017, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode) et Conseil d'État, 18 mai 2018, Société Engie et Anode.

* 930 Méthode dite « par empilement » des coûts qui permet, selon le Conseil d'État, de « maîtriser chacune des composantes du prix » : prix de l'Arenh inchangé depuis plusieurs années, coût d'approvisionnement du complément de fourniture lissé sur deux ans, coûts de commercialisation stables et rémunération normale de l'activité de fourniture.

* 931 « La similarité des profils de consommation et des enjeux justifie seulement que les consommateurs domestiques et les professionnels ayant une faible consommation d'électricité, tels que les artisans, commerçants et professions libérales, soient traités de manière identique. Le critère de la puissance électrique retenu n'apparaît en revanche pas pertinent pour les sites non résidentiels appartenant à des grandes entreprises qui sont éligibles aux tarifs réglementés de vente lorsqu'ils souscrivent une puissance inférieure ou égale à 36 kVA », CE, 18 mai 2018, Engie et Anode.

* 932 Décision du 27 juillet 2018 relative aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale.

* 933 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité (refonte), COM/2016/0864 final/2.

* 934 Parlement européen, communiqué de presse du 19 décembre 2018.

* 935 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dont les dispositions ont été introduites à l'article L. 445-4 du code de l'énergie.

* 936 Loi n° 2016-1341 du 11 octobre 2016 ratifiant l'ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d'électricité.

* 937 Art. L. 321-15 et L. 333-3 du code de l'énergie : la fourniture de secours intervient en cas d'interdiction de l'activité d'achat pour revente du fournisseur ou de dénonciation du contrat liant un responsable d'équilibre avec le gestionnaire du réseau de transport, lorsque les écarts entre les injections et les soutirages ne sont plus couverts, lorsque les tarifs d'utilisation des réseaux ne sont plus acquittés ou en cas de liquidation judiciaire.

* 938 Qui consistent en réalité à reporter de quelques mois une probable révision à la hausse du tarif de l'électricité, non officialisée mais initialement attendue pour le mois de février, ainsi qu'à suspendre entre février et juin 2019 l'évolution mensuelle des tarifs du gaz, ce qui a conduit Engie à procéder à une opération de couverture sur les marchés de ses volumes de vente aux tarifs règlementés, opération dont le coût sera in fine répercuté dans le tarif.

* 939 Réponse du ministre devant les commissions des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, 19 décembre 2018.

* 940 Tous les chiffres présentés sont tirés de l'Observatoire des marchés de détail de la CRE, 3 e trimestre 2018, sur la base des données du comparateur d'offres energie-info.fr.

* 941 Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité et loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 précitée, à l'exception de l'ordonnance relative au dispositif de continuité de fourniture prise sur le fondement d'une interprétation très extensive d'une habilitation prévue dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 942 Pour un commentaire complet du dispositif proposé pour mettre en conformité les tarifs réglementés du gaz et de l'électricité avec le droit européen, se reporter au commentaire de l'article 71 ter .

* 943 Pour un commentaire complet du dispositif proposé pour mettre en conformité les tarifs réglementés du gaz et de l'électricité avec le droit européen, se reporter au commentaire de l'article 71 ter .

* 944 Par le biais de mises aux enchères, même si certains quotas restent alloués à titre gratuit, en particulier dans l'industrie manufacturière et dans le secteur de l'aviation.

* 945 Dans les 28 États membres plus l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

* 946 Source : Voies et moyens, tome I, annexé au projet de loi de finances pour 2019.

* 947 Cet excédent étant lui-même lié pour une large part à la crise économique. D'ores et déjà, les premières décisions prises - report de mise aux enchères puis création de la réserve de stabilité - ont permis de faire remonter les cours par rapport à leur point bas.

* 948 Directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2018 modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d'émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone, et la décision (UE) 2015/1814.

* 949 Ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse, prise en application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

* 950 Auparavant, les bons de caisse pouvaient être anonymes. En contrepartie, la fiscalité qui leur était applicable était plus lourde (avec un prélèvement forfaitaire de 60 %). Depuis 2016, les bons de caisse sont obligatoirement nominatifs, c'est-à-dire qu'ils portent le nom de l'acheteur et ne peuvent être payés, à l'échéance, qu'à celui-ci ou une personne désignée par ses soins.

* 951 Article L. 223-3 du même code.

* 952 Sur le modèle du credit crowdfunding anglo-saxon.

* 953 Donnée Banque de France.

* 954 En 2017, 591 000 entreprises ont été créées en France (INSEE).

* 955 Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 pour les îles Wallis et Futuna, loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 pour la Polynésie française, loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie.

* 956 Cf. loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 pour les îles Wallis et Futuna.

* 957 Les thématiques sont les suivantes : la création d'un organe et d'un registre unique des formalités administratives ; l'impact des modifications apportées au régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ; les seuils légaux applicables aux entreprises ; la réforme du droit des sûretés ; la réforme de l'épargne retraite sur les encours ; l'obligation de présentation d'unités de compte investis dans la finance verte ou solidaire dans les contrats d'épargne retraite et d'assurance-vie ; le visa optionnel des émissions de jetons et la capacité des émetteurs d'ouverture de comptes bancaires ; la réforme du PEA-PME ; la gouvernance du Fonds pour l'innovation et l'industrie ; le cadre juridique de la protection des secteurs stratégiques français ; l'assouplissement des régimes d'intéressement et participation ; les sociétés à mission ; les fonds de pérennité économique ; la représentation des salariés au sein des conseils d'administration ou de surveillance et, enfin, la mise en oeuvre d'une base de données sur les délais de paiement des entités publiques. L'un des quinze rapports, qui concerne le Fonds pour l'innovation et l'industrie, est cependant rendu, « par dérogation », annuellement.

* 958 Entretien dans le quotidien les Échos, « la loi Pacte est un nouveau modèle économique pour la France », paru le 9 octobre 2018. On observera, d'ailleurs, que l'échéancier des mesures réglementaires figure déjà, pour chaque loi, sur le site legifrance.fr.

* 959 Article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques [...] ».

* 960 Article 74, dernier alinéa : «15° Les modalités de mise en oeuvre d'une base de données sur les délais de paiement des entités publiques, consultable et téléchargeable gratuitement sur le site internet du ministère chargé de l'économie, destinée à servir de référence pour l'information des entreprises quant au respect des dispositions relatives aux délais de paiement ».

* 961 Rapport d'information fait sur le bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2018, par Mme Valérie Létard, Présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, n°510, enregistré à la Présidence le 29 mai 2018, session ordinaire de 2017-18, p.25.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page