II. LA POURSUITE DU SOUTIEN DE L'UE AU DÉVELOPPEMENT DE L'AFGHANISTAN ET LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE POLITIQUE

L'Union européenne est présente en Afghanistan depuis le milieu des années 1980 avec la création d'un bureau de soutien de la Commission européenne à Kaboul, puis d'un bureau de la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (DG ECHO) en 1993.

Depuis décembre 2001, l'Union européenne a apporté un soutien à l'Afghanistan de 3,7 milliards d'euros. Il s'agit de l'aide au développement la plus importante jamais attribuée par l'UE à un pays :

- 2002-2006 : 1 milliard d'euros dont développement rural, sécurité alimentaire (236 millions d'euros) ; infrastructures économiques (106 millions d'euros) ; réforme du secteur public (393 millions d'euros) ; secteur de la santé (94 millions d'euros) ; déminage (66 millions d'euros) ; droits de l'Homme et société civile (21 millions d'euros) ; coopération régionale (53 millions d'euros) ;

- 2007-2010 : 700 millions d'euros dont développement rural, sécurité alimentaire (183 millions d'euros); gouvernance, y compris police et justice (244 millions d'euros) ; santé (122 millions d'euros) ;

- 2011-2013 : 586 millions d'euros dont développement rural et agriculture (188 millions d'euros) ; santé (125 millions d'euros) ; gouvernance et Etat de droit (245 millions d'euros).

Lors de la conférence ministérielle des donateurs sur l'Afghanistan qui s'est déroulée à Bruxelles en octobre 2016 (Voir Supra) , l'UE a annoncé un engagement de 1,39 milliard d'euros au titre de l'Instrument de coopération au développement (ICD).

Le programme indicatif pluriannuel 2014-2020 de l'UE, adopté avec les autorités afghanes, distingue quatre secteurs de concentration de l'aide : l'agriculture et le développement rural, pour un montant de 337 millions d'euros ; la santé, pour un montant de 274 millions d'euros ; la professionnalisation de la police et l'Etat de droit, pour un montant de 319 millions d'euros ; et la responsabilisation de l'Etat via un encouragement au processus de démocratisation, pour un montant de 163 millions d'euros. 300 millions seront par ailleurs versés en fonction des résultats et des progrès effectués par les autorités afghanes, conformément à ce qui a été agréé dans le « Cadre de responsabilité mutuelle de Tokyo ».

En totalisant l'aide de l'UE et l'aide accordée à titre bilatéral par les Etats membres, l'Union européenne est le second donateur en Afghanistan après les Etats-Unis (5,6 milliards de dollars entre 2017 et 2020). La majorité des fonds européens sont canalisés via les deux principaux fonds fiduciaires présents en Afghanistan : le fonds fiduciaire de reconstruction de l'Afghanistan (ARTF), administré par la Banque mondiale et le fonds d'affectation spéciale pour l'ordre public (LOTFA) administré par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Durant la conférence de Genève sur l'Afghanistan des 27 et 28 novembre 2018, le commissaire européen à la Coopération internationale et au développement Neven Mimica a signé, avec le ministre des Finances afghan Mohammad Humayon Qayoumi, un paquet d'aides pour un montant total de 474M€, constitué des programmes suivants :

- un programme de consolidation de l'Etat ( state-building contract ) , sous forme d'appui budgétaire, visant à soutenir la réforme du secteur public, la lutte contre la corruption, les services publics ou encore la gestion des finances publiques (311 millions d'euros) ;

- un programme de réforme du secteur de la justice pour soutenir le bureau du procureur général afghan (31 millions d'euros) ;

- un programme dans le domaine de la santé et de l'alimentation , cohérent avec les priorités du gouvernement afghan (80 millions d'euros) ;

- un instrument ad hoc dédié à soutenir le processus électoral , et notamment les élections présidentielle et provinciales en 2019 (15,5 millions d'euros) ;

- et d'un programme dans le domaine migratoire , destiné à favoriser la réintégration des personnes retournées en Afghanistan, portant le total de l'action de l'Union européenne en matière migratoire dans la région à près de 230 millions d'euros (37 millions d'euros).

S'agissant des enjeux de paix et de sécurité, la mission de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) civile EUPOL Afghanistan - seule mission de PSDC en Asie - a appuyé les efforts de professionnalisation de la police nationale afghane, la réforme institutionnelle du ministère de l'intérieur afghan et le développement des liens entre la police et la justice (liens avec le procureur général, promotion des droits de l'Homme et des questions de genre dans le travail de la police notamment), depuis son lancement le 15 juin 2007. Prolongée à plusieurs reprises, la mission disposait d'un budget de 57,75 millions d'euros en 2015.

Depuis la fin de cette mission le 31 décembre 2016, l'action de l'Union européenne auprès de la police afghane se poursuit au travers de l'Instrument contribuant à la Stabilité et à la Paix (IcSP), qui finance également des actions de réconciliation, ainsi que par l'instrument de coopération au développement (ICD).

La Direction de l'UE du MEAE 6 ( * ) dresse un bilan mitigé de cette mission. En effet, si la mission a participé à l'émergence en Afghanistan d'une force de police (formation de plus de 10 000 officiers supérieurs et formateurs, création d'une police de proximité, promotion des questions de genre etc.), les résultats semblent bien fragiles (taux d'attrition élevé, difficultés pour les instructeurs d'exercer leur mission dans les conditions de sécurité dégradées etc.).

L'Union européenne apporte également un soutien financier aux initiatives afghanes en matière de réconciliation. Elle a ainsi octroyé 3 millions d'euros en application de l'accord de septembre 2016 conclu entre le gouvernement afghan et le groupe Hezb-e-Islami pour que ledit groupe abandonne la lutte armée et s'intègre dans la vie politique afghane.

Plus récemment, l'Union européenne a adopté une nouvelle stratégie à l'égard de l'Afghanistan pour la période postérieure à 2016. Cette stratégie est fondée sur la communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité publiée le 24 juillet 2017, ainsi que sur les conclusions du Conseil adoptées le 16 octobre 2017. Elle repose sur les quatre piliers suivants :

- la promotion de la paix, de la stabilité et de la sécurité régionale : la stratégie rappelle le soutien de l'UE à un processus de réconciliation « Afghan-led et Afghan-owned » visant un règlement politique dans le respect des droits de l'Homme et le rejet du terrorisme, notamment sur la base du Processus de Kaboul lancé par le gouvernement afghan en juin 2017. Elle marque également la volonté de l'UE de soutenir, y compris financièrement, le gouvernement afghan, dans le cadre des négociations de réconciliation. La dimension régionale du processus de paix est également soulignée, tout comme le soutien aux efforts afghans en matière de lutte contre la production et le trafic de stupéfiants, ainsi que le soutien à la réforme du secteur de la sécurité ;

- le renforcement de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'Homme, la promotion de la bonne gouvernance et de l'émancipation des femmes : les actions de l'UE visent notamment à renforcer la crédibilité, l'inclusivité et la transparence des élections en Afghanistan ainsi que le soutien à la liberté d'expression, par le biais du renforcement des capacités des institutions afghanes et d'un dialogue formalisé sur les droits de l'Homme, en particulier les droits des femmes ;

- le soutien au développement économique et humain de l'Afghanistan : l'objectif de l'UE est de contribuer à la mise en place d'un climat économique transparent et favorable au secteur privé et à l'investissement mais aussi de favoriser les rentrées fiscales du gouvernement afghan. L'efficacité de l'aide - destinée en priorité au secteur agricole - et une meilleure gestion des finances publiques constituent deux des principales priorités de l'UE ;

- et la prise en compte des défis liés aux enjeux migratoires : S'il s'agit d'un enjeu de longue date avec l'Afghanistan, il est pour la première fois identifié comme l'un des piliers de la stratégie de l'UE vis-à-vis de l'Afghanistan (deuxième nationalité en termes de nombre de personnes arrivées illégalement en Europe en 2015 et 2016). L'UE cherche à répondre aux causes profondes des migrations et à favoriser la réintégration durable des ressortissants afghans de retour dans leur pays d'origine. La relation entre l'UE et l'Afghanistan dans le domaine migratoire est désormais régie par un accord politique juridiquement non contraignant, intitulé « Projet d'action conjointe pour le futur sur les questions migratoires UE-Afghanistan » (« Joint Way Forward on Migration Issues »), signé à Kaboul le 4 octobre 2016, dont l'objet principal est de clarifier les procédures et les délais en matière de réadmission.

Actuellement, l'UE s'interroge sur le rôle qu'elle pourrait jouer en Afghanistan, compte tenu de l'importance de la stabilité de l'Afghanistan pour la sécurité de l'UE (importance de l'immigration afghane en Europe, émergence de Daech au Nangarhar). Elle ne veut plus se contenter d'occuper le rôle traditionnel de bailleur de fonds d'aide au développement mais entend jouer aussi un rôle politique. Pour autant, l'UE maintient son engagement en faveur de l'aide au développement et de la promotion des droits de l'Homme, en particulier des droits des femmes et des enfants.

Enfin, on notera qu'alors que l'UE était représentée, depuis 2001, par un Représentant spécial de l'UE (RSUE) pour l'Afghanistan occupant également le poste de chef de la délégation européenne à Kaboul, ce poste a été scindé en deux, le 1 er septembre 2017. La France était opposée à cette scission.

Depuis cette date, il y a donc, d'une part, un chef de délégation européenne basé à Kaboul, M. Mayaudon, de nationalité française, chargé des aspects bilatéraux de la relation UE-Afghanistan, notamment des échanges avec les autorités et les groupes politiques afghans sur place et, d'autre part, un envoyé spécial de l'UE (ESUE) pour l'Afghanistan, M. Kobia de nationalité belge, basé à Bruxelles (département Asie du Service européen pour l'action extérieure, SEAE), qui a la responsabilité de la dimension internationale et régionale de la situation dans le pays, du processus de paix et des contacts avec le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l'Afghanistan.

Selon les informations transmises par les services du MEAE 7 ( * ) , l'ESUE mène une diplomatie active, en vue d'accroître la visibilité de l'UE. Sa stratégie porte notamment sur une approche politique et non plus seulement axée sur le développement en vue de traduire, au niveau politique, l'investissement financier de l'Union européenne dans le pays. Sa stratégie vise à :

- rehausser les liens avec les pays d'Asie centrale qui jouent un rôle marginal dans le processus de paix ;

- renforcer la coopération entre l'Afghanistan et les puissances de la région (Russie, Inde, Chine) et travailler davantage sur les convergences existantes avec ces Etats (lutte contre le terrorisme et trafic de stupéfiants avec la Russie par exemple).

- ainsi qu'à accentuer le rôle de l'UE dans les processus de paix en cours.

Enfin s'agissant des relations commerciales entre l'Union européenne et l'Afghanistan, il faut noter que l'Afghanistan est le 147e partenaire commercial de l'Union européenne. Ces relations commerciales représentaient, en 2016, 294 millions d'euros, un montant en baisse régulière depuis 2012 (un milliard d'euros d'échanges en 2012, 537 millions en 2014). L'Union européenne est structurellement bénéficiaire . En 2016, les exportations européennes vers l'Afghanistan ont représenté, 269 millions d'euros ( principalement des machines, des équipements de transports et de la nourriture ), tandis que les importations en provenance d'Afghanistan se chiffraient à 25 millions d'euros (pour l'essentiel des matières premières et des produits manufacturés).

Il est nécessaire de rappeler que l'Afghanistan, faisant partie des pays les moins avancés (PMA), bénéficie du régime « tout sauf les armes » (TSA) du système de préférences généralisées (SPG) de l'Union européenne, qui lui accorde un accès en franchise de droits au marché européen, à l'exception du commerce d'armes et de munitions au titre du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 978/201247 du 25 octobre 2012. Toutefois, ces préférences TSA peuvent être suspendues dans des circonstances exceptionnelles, notamment dans le cas de violations graves et systématiques des principes définis dans les conventions fondamentales relatives aux droits de l'Homme et au droit du travail.


* 6 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

* 7 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

Page mise à jour le

Partager cette page