Rapport n° 390 (2018-2019) de M. Henri CABANEL et Mme Anne-Catherine LOISIER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 20 mars 2019

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N° 390

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l' origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires et sur la proposition de loi tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée ,

Par M. Henri CABANEL et Mme Anne-Catherine LOISIER,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, M. Robert Navarro, Mme Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

231 , 322 et 391 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Tout au long des débats sur la loi EGALIM, les rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat, Michel Raison et Anne-Catherine Loisier, n'ont eu de cesse de dénoncer la substitution d'une loi « alimentaire » à une loi qui se voulait agricole.

Cette évolution, mise en oeuvre à l'Assemblée nationale dès la première lecture, s'était traduite par une multiplication par cinq de la taille du texte initial.

Sans nier le caractère essentiel de ces débats pour répondre aux attentes des consommateurs français, la profusion d'articles du projet de loi liés à des problématiques alimentaires éloignait les débats de ce qui aurait dû être le coeur du sujet : comment augmenter le revenu des agriculteurs ?

Au-delà de ces considérations, ce phénomène traduisait l'adoption d'un nombre important de cavaliers législatifs.

C'est ce qu'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018 sur la loi EGALIM quand il a estimé qu'au regard de l'article 45 de la Constitution, de nombreux articles de la loi dite EGALIM ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte initial déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale. Dans une décision d'une ampleur probablement inédite, le juge constitutionnel décida alors de censurer 23 articles de la loi, soit près d'un quart du texte adopté par le législateur.

Cette censure a conduit à l'impossibilité de faire appliquer rapidement de nombreuses dispositions pourtant pertinentes et faisant l'objet d'un large consensus tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

Dans le but d'intégrer le plus rapidement possible certaines de ces mesures consensuelles à notre arsenal juridique, plusieurs propositions de loi reprenant les dispositions censurées ont été, et seront probablement, dans un avenir proche, déposées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

C'est le cas des deux propositions de loi faisant l'objet de ce rapport, à savoir :

- la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et des membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires ;

- et la proposition de loi n° 231 (2018-2019) de M. Gilbert Bouchet et de plusieurs de ses collègues tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée.

La proposition de loi n° 322 de Mme Marie-Pierre Monier entend reprendre certaines mesures censurées relatives aux mentions valorisantes et à l'étiquetage des denrées alimentaires.

Le titre premier porte sur « les mentions valorisantes ».

À son article 1 er , la proposition de loi n° 322 entend permettre aux fromages sous signe d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) dont l'affinage a lieu en dehors de l'exploitation de mentionner leur caractère fermier dès lors que le consommateur est informé de cet affinage extérieur selon des modalités fixées par décret.

L'article 2 de la proposition de loi n° 322 de Mme Marie-Pierre Monier entend abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée.

Le titre II vise à « préciser la conformité des produits à leur description ». Il est composé de deux articles.

L'article 3 prévoit qu'en cas de mélange de miels en provenance de plusieurs pays, l'étiquette du miel indique la liste de l'ensemble des pays d'origine.

L'article 4 vise à renforcer l'obligation d'affichage du pays d'origine du vin, qui devrait figurer sur l'étiquette « en évidence » lorsque certains éléments sont susceptibles d'induire en erreur le consommateur sur le pays d'origine du vin.

Le titre III , intitulé : « entrée en vigueur », est composé de l'article 5 qui prévoit une entrée en vigueur différée des articles modifiant les règles d'étiquetage des miels et du vin.

L'article unique de la proposition de loi n° 231 de M. Gilbert Bouchet, qui a été annexée à la proposition de loi de Marie-Pierre Monier avec l'accord du groupe socialiste et républicain, est identique à l'article 2 de la proposition de loi n° 322 de Mme Marie-Pierre Monier.

Il entend, de même, abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée afin de permettre aux producteurs concernés de produire un vin mousseux qui ne serait pas de la « Clairette de Die ».

La proposition de loi n° 322 de Mme Marie-Pierre Monier et des membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires a été inscrite à l'ordre du jour réservé du groupe socialiste et républicain du 3 avril 2019.

Dans la perspective de cet examen en séance publique, vos deux rapporteurs - Anne-Catherine Loisier pour les articles 1 er , 3 et 5 et Henri Cabanel pour les articles 2 et 4 - ont travaillé dans l'esprit de ne pas modifier la nature même de la proposition de loi afin que le débat en séance publique ait lieu dans les termes voulus, au moment du dépôt, par les auteurs de la proposition de loi.

La commission n'a donc apporté, à l'initiative de vos rapporteurs, qu'une clarification à l'article 5 de la proposition de loi afin de pouvoir laisser le débat en séance publique avoir lieu sur le contenu du texte souhaité initialement par le groupe socialiste et républicain.

D'ici à la séance publique, vos rapporteurs poursuivront leurs travaux sur cette proposition de loi et pourront proposer des modifications qui seront débattues dans l'hémicycle.

Au cours de sa réunion du 20 mars 2019, votre commission a adopté la proposition de loi n° 322 de Marie-Pierre Monier dans la rédaction issue de ses travaux.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER
ADAPTER LES MENTIONS VALORISANTES
Article 1er de la proposition de loi n°322 de Mme Monier et des membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires
(article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime)

Étiquetage des fromages fermiers affinés en dehors de l'exploitation

Objet : cet article entend permettre aux fromages sous SIQO dont l'affinage a lieu en dehors de l'exploitation de mentionner leur caractère fermier dès lors que le consommateur est informé de cet affinage extérieur selon des modalités fixées par décret.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime liste les mentions valorisantes auxquelles peuvent prétendre des produits agricoles, forestiers ou alimentaires ainsi que des produits de la mer.

Le législateur a distingué, parmi les mentions valorisantes, l'usage du qualificatif « fermier » ou la mention « produit de la ferme » ou « produit à la ferme ».

L'article 9-1 du décret du 27 avril 2007 1 ( * ) , modifié en 2013 , précise que la mention « fromage fermier » ou « tout autre qualificatif laissant entendre une origine fermière » est réservée à un fromage fabriqué « selon les techniques traditionnelles » par un producteur traitant exclusivement les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci.

Le même article prévoyait jusqu'en 2015 une mention spéciale pour les fromages affinés à l'extérieur de l'exploitation. Pour ces fromages, l'étiquetage comporte, immédiatement après la mention « fromage fermier », la mention « fabriqué à la ferme puis affiné par l'établissement » suivie du nom de l'affineur. La taille des caractères de cette adjonction est identique à celle d'autres mentions obligatoires prévues dans le décret.

Il en résulte que l'affinage extérieur est autorisé et n'empêchait pas le recours à la mention « fromage fermier », si l'étiquetage était complété par une mention obligatoire précisant que cet affinage avait été réalisé à l'extérieur de l'exploitation agricole .

Considérant que la mention « fermier » évoquait, dans l'esprit du consommateur, une élaboration du produit, à ses différents stades, sous la responsabilité directe de l'exploitant et sans recours à des techniques industrielles , et jugeant que l'exception ainsi faite pour l'affinage extérieur ne garantissait pas que ces deux conditions - maintien de la responsabilité et techniques traditionnelles - soient respectées, le Conseil d'État a annulé l'autorisation d'utiliser la mention « fromage fermier » pour les fromages affinés en dehors de la ferme par un arrêt du 17 avril 2015, avec effet au 1 er septembre 2015.

Depuis cette date, les fromages fermiers affinés en dehors de l'exploitation ne sont plus encadrés par un étiquetage car cet usage pourtant courant est dépourvu de base réglementaire. Les fromages concernés ne devraient plus, en théorie, pouvoir se prévaloir de la mention « fromage fermier » même si, en pratique, les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne verbalisent manifestement pas les contrevenants.

D'après les éléments transmis à votre rapporteure, l'affinage en dehors de la ferme est pourtant une pratique courante qui aurait concerné 70 % des fromages fermiers en volume sous AOP et une part « significative sans être majoritaire » pour les filières hors AOP/IGP.

II. La proposition de loi initiale

Lors des débats de la loi EGALIM, le Sénat comme l'Assemblée nationale avaient adopté l'article 35, lequel disposait que : « Pour les fromages fermiers, lorsque le processus d'affinage est effectué en dehors de l'exploitation en conformité avec les usages traditionnels, l'information du consommateur doit être assurée en complément des mentions prévues au premier alinéa selon des modalités fixées par le décret mentionné au premier alinéa. »

Les auteurs de la proposition de loi ont donc repris l'esprit de cet article de la loi EGALIM censuré par le Conseil constitutionnel faute d'un lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi, sans en retenir la rédaction .

Alors que l'article 35 de la loi EGALIM rendait possible l'utilisation de la mention « fromage fermier » aux fromages affinés en dehors de l'exploitation « en conformité avec les usages traditionnels », l'article 2 de la proposition de loi de Mme Monier et des membres du groupe socialiste et républicain réserve cette possibilité aux seuls « fromages fermiers bénéficiant d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine au sens

de l'article L. 640-2 » du code rural et de la pêche maritime, à savoir :

- les appellations d'origine, les indications géographiques, les spécialités traditionnelles garanties ;

- les produits label rouge ;

- les produits portant la mention « agriculture biologique ».

Pour les auteurs de la proposition de loi, il apparaît en effet « incohérent d'empêcher l'affinage extérieur à la ferme pour des produits fermiers sous SIQO » dans la mesure où le cahier des charges permet le plus souvent de garantir l'origine des produits tout comme l'usage des pratiques d'affinage.

III. La position de votre commission

Votre rapporteure estime qu'en élevant au niveau de la loi les dispositions annulées par le Conseil d'État, le présent article apporte une réponse à cette insécurité juridique tout en assurant la bonne information des consommateurs , dès lors qu'il sera bien indiqué sur l'étiquette que l'affinage a eu lieu en dehors de la ferme.

À cet égard, le décret pourra alors reprendre les éléments annulés par le Conseil d'État qui auront désormais une base légale, pour prévoir qu'une mention du type « fabriqué à la ferme puis affiné par l'établissement » complétée par le nom de l'affineur, suivra immédiatement la dénomination « fromage fermier » et dans une taille de caractères identique. Ces éléments sont, aux yeux de votre rapporteure, du domaine réglementaire et non du domaine législatif.

Sur la question de réserver cette appellation aux seuls fromages sous SIQO, votre rapporteure rappelle que cela contredirait la position du Sénat exprimée lors des débats de la loi EGALIM .

La rédaction pourrait faire peser un risque juridique en créant une différence de traitement qui paraît peu justifiée par un motif d'intérêt général suffisant entre les producteurs de fromages sous SIQO et les autres.

Elle est également susceptible de créer des difficultés économiques à certains producteurs désirant valoriser leurs productions par un affinage à l'extérieur de leur ferme.

Cette pénalisation pourrait même se retourner in fine contre les producteurs sous SIQO qui, affinant leurs fromages hors de la ferme, pourraient apposer la mention « fromage fermier » pour les produits sous SIQO et ne pas le faire pour leurs autres produits pourtant affinés dans les mêmes conditions, notamment en cas de surproduction exceptionnelle dans l'année. Dans l'incapacité d'affiner cette partie de leur production, ils perdront une opportunité de valoriser des produits qui suivent pourtant le même affinage et des procédés de production très similaires à ceux des produits sous SIQO.

Dans ces conditions, il semblerait préférable de retenir la rédaction issue des débats de la loi EGALIM.

Votre rapporteure a toutefois bien entendu les craintes émises sur cette rédaction qui pourrait, selon certains, permettre aux industriels de prévoir un étiquetage trompeur de leurs fromages qui n'auraient rien de fermier.

Or l'article 9-1 du décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères encadre déjà très strictement ces pratiques en réservant l'usage de la mention aux fromages fabriqués « selon les techniques traditionnelles par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation ».

Deux conditions sont donc à remplir : d'une part, un lien direct avec le producteur agricole, l'affinage devant être en quelque sorte sous sa responsabilité, et d'autre part, un affinage réalisé selon le respect de « techniques traditionnelles » qui paraissent bien contraires à des techniques industrielles. En pratique, le caractère traditionnel est apprécié en fonction de l'ancienneté et de la régularité de la pratique par la DGCCRF, sous le contrôle du juge.

Si une loi est nécessaire pour permettre de nouveau l'affichage de la mention « fromage fermier » en cas d'affinage à l'extérieur de la ferme, les modalités techniques encadrant cet affichage sont à définir au niveau réglementaire. Ainsi, la modification de l'article 9-1 du décret en question pourrait mieux préciser ces éléments afin de durcir le dispositif et empêcher toute industrialisation des « fromages fermiers ».

Votre rapporteure poursuivra, d'ici à la séance, son travail pour trouver une relation équilibrée sur cet article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 de la proposition de loi n° 322 de Mme Monier et des membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires

et

Article 1er de la proposition de loi n° 231 de M. Gilbert Bouchet et de plusieurs de ses collègues tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée

Abrogation de la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée

Objet : cet article abroge la loi du 20 décembre 1957 protégeant les appellations « Clairette de Die » et « Crémant de Die ».

I. Le droit en vigueur

La loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée comporte deux articles :

- l'article 1 er dispose qu'à l'intérieur de l'aire géographique de production des appellations « Clairette de Die » et « Crémant de Die », il est interdit d'élaborer des vins mousseux autres que des vins mousseux à appellation d'origine contrôlée ;

- l'article 3 précise que cette infraction sera punie au plus d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 euros.

Afin de conquérir de nouveaux marchés et diversifier leurs sources de revenus, les producteurs de Clairette de Die ont souhaité produire des vins effervescents mousseux « rosés » sous appellation « AOC Clairette de Die », nécessitant une modification du cahier des charges de l'AOC qui ne prévoyait qu'une production de Clairette de Die « blanche ». La modification du cahier des charges a été homologuée par un arrêté 2 ( * ) du ministre chargé de l'agriculture en 2016.

La production de ces vins effervescents rosés a donc démarré en 2016.

Toutefois, le Conseil d'État, dans un arrêt de janvier 2018, a annulé cet arrêté au motif « qu'aucun élément historique ou factuel » ne justifie la présence historique de vins rosés dans la zone géographique de l'appellation et, qu'en tout état de cause, « cette production est interdite sur l'aire géographique de l'AOC depuis la loi du 20 décembre 1957 dont l'article 1 er ne réserve la possibilité d'élaborer des vins mousseux sur cette aire qu'à ceux bénéficiant de la reconnaissance de l'appellation à la date d'intervention de cette loi ».

Par conséquent, il apparaît impossible aujourd'hui :

- d'apposer la mention « Clairette de Die » à des vins mousseux rosés faute d'une production suffisamment ancienne démontrée ;

- de produire des vins mousseux autres que de la Clairette de Die dans la zone géographique de l'AOC, compte tenu de l'article 1 er de la loi de 1957.

II. La proposition de loi initiale

L'article 2 de la proposition de loi abroge la loi de 1957 protégeant les appellations « Clairette de Die » et « Crémant de Die ».

Il est identique à l'article unique de la proposition de loi n° 231 de M. Gilbert Bouchet et de plusieurs de ses collègues tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée.

L'article reprend en cela l'article 39 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Cet article, inséré à l'Assemblée nationale en première lecture lors de l'examen de cette loi, avait fait l'objet d'un vote conforme au Sénat mais avait été censuré par le Conseil constitutionnel 3 ( * ) faute d'un lien, même indirect, avec le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Sur le fond, si la loi était nécessaire à l'époque pour protéger l'appellation contre la concurrence déloyale des vins étiquetés « clairette muscat », elle n'a aujourd'hui plus d'utilité dès lors que cette protection est assurée par d'autres textes.

À l'inverse, l'interdiction constitue désormais un frein pour adapter la production aux attentes des consommateurs.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur rappelle que lors des débats sur la loi EGALIM, le Sénat avait adopté l'article 39 qui procédait, de même, à l'abrogation de la loi de 1957.

Réclamée par les producteurs eux-mêmes de « Clairette de Die », l'abrogation de loi leur offrirait la possibilité de produire d'autres vins mousseux que ceux relevant de l'AOC « Clairette de Die », par exemple du vin effervescent rosé.

Toutefois, votre rapporteur rappelle que ces productions ne pourront bénéficier de l'appellation « Clairette de Die » dans la mesure où elles ne respecteront pas le cahier des charges de l'AOC.

Votre commission a ainsi adopté cet article sans modification.

Toutefois, pour votre rapporteur, l'abrogation de la loi ne règle pas le problème du stock de bouteilles de vin effervescent rosé produites entre l'approbation du cahier des charges de l'AOC « Clairette de Die » par le ministre chargé de l'agriculture et l'annulation de l'arrêté par le Conseil d'État, c'est-à-dire les productions des années 2016 et 2017.

Ces bouteilles étant illégalement produites compte tenu de la décision du Conseil d'État, trois solutions s'offrent aux producteurs :

- détruire la production ;

- en changer la destination (vinaigre par exemple) ;

- procéder à un nouvel étiquetage des bouteilles, par nature très onéreux.

Pour votre rapporteur, chacune de ces solutions ferait peser un risque économique important sur les producteurs de la région.

D'ici à la séance publique, il travaillera à un compromis pour ne pas faire peser sur les producteurs le coût d'une erreur manifeste commise par l'État en validant le cahier des charges proposé.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE II
PRÉCISER LA CONFORMITÉ DES PRODUITS À LEUR DESCRIPTION
Article 3 de la proposition de loi n°322 de Mme Monier et des membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires
(article L. 412-4 du code de la consommation)

Étiquetage des miels

Objet : cet article prévoit qu'en cas de mélange de miels en provenance de plusieurs pays, l'étiquette du miel indique la liste de l'ensemble des pays d'origine.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 412-1 du code de la consommation 4 ( * ) , un décret en Conseil d'État statue sur « les modes de présentation ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises elles-mêmes, les emballages, les factures, les documents commerciaux ou documents de promotion, en ce qui concerne notamment : le mode de production, la nature, les qualités substantielles, la composition y compris, pour les denrées alimentaires, la composition nutritionnelle, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, l'identité, la quantité, l'aptitude à l'emploi, les modes d'emploi ainsi que les marques spéciales facultatives ou obligatoires apposées sur les marchandises françaises exportées à l'étranger ».

L'article L. 412-4 du code de la consommation dispose par ailleurs que « sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires, l'indication du pays d'origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé ». Il précise que « la liste des produits concernés et les modalités d'application de l'indication de l'origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l'Union européenne l'obligation prévue au présent article ».

Les règles d'étiquetage spécifiques aux miels sont fixées par un décret du 30 juin 2003 5 ( * ) . Ce décret transpose en droit interne le droit européen résultant d'une directive du 20 décembre 2001 relative au miel 6 ( * ) .

Pour l'étiquetage du miel, la réglementation prévoit que « le ou les pays d'origine où le miel a été récolté sont indiqués sur l'étiquette ». Cette obligation s'applique donc à tous les pays d'origine du miel.

Toutefois, une dérogation est possible , si le miel est originaire de plus d'un État membre de l'Union européenne ou de plus d'un pays tiers . Dans ces cas, l'indication de tous les pays d'origine peut être remplacée par l'une des indications suivantes, selon le cas :

1° « Mélange de miels originaires de l'UE » ;

2° « Mélange de miels non originaires de l'UE » ;

3° « Mélange de miels originaires et non originaires de l'UE ».

II. La proposition de loi initiale

Avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel faute d'un lien, même indirect, avec le texte initial, l'article 43 de la loi EGALIM insérait un article dans le code de la consommation prévoyant que : « pour le miel composé d'un mélange de miels en provenance de plus d'un État membre de l'Union européenne ou d'un pays tiers, tous les pays d'origine de la récolte sont indiqués sur l'étiquette. »

En dépit de la nature réglementaire de la mesure 7 ( * ) , les parlementaires de l'Assemblée nationale comme du Sénat avaient estimé nécessaire de donner un caractère législatif à cette règle relative à l'étiquetage des mélanges de miels au profit d'une meilleure information des consommateurs.

Les auteurs de la proposition de loi ont ainsi repris la rédaction de l'article 43 de la loi EGALIM visant à rendre obligatoire l'affichage de tous les pays d'origine des miels composant un mélange de miels.

III. La position de votre commission

La réglementation actuelle apparaît clairement insuffisante pour assurer la bonne information du consommateur sur l'origine du miel lorsque celui-ci est composé d'un mélange de récoltes issues de plus d'un pays. Concrètement, il est possible de laisser penser que le miel est d'origine française alors qu'il est composé, en majorité, de miels issus de pays tiers.

La solution proposée ici a le mérite de répondre à ce manque de transparence sans pour autant méconnaître le droit de l'Union européenne qui laisse à la main des États membres la faculté de permettre un étiquetage simplifié pour les mélanges de miels provenant de l'Union européenne ou d'autres pays extracommunautaires. En outre, il ne sera donc pas nécessaire de notifier cette nouvelle règle d'étiquetage à la Commission européenne.

Toutefois, elle n'est pas pleinement satisfaisante puisqu'il sera toujours possible de ne pas révéler les origines majoritaires des miels composant le mélange. Avec la rédaction retenue, comment par exemple distinguer un mélange de miels composé à 98 % d'un miel hongrois et de 2 % d'un miel français d'un mélange composé à 98 % d'un miel français et de 2 % d'un miel hongrois ?

Certes, toute présentation biaisée qui survaloriserait artificiellement un pays d'origine est clairement qualifiable de pratique trompeuse et peut être pénalement sanctionnée. Mais ces pratiques sont devenues trop fréquentes et échappent aux contrôles.

Il importe d'agir. Or les marges de manoeuvre se trouvent au niveau européen. En effet, au niveau national, elles sont limitées en raison de l'article 5 de la directive n°2001/110/CE du Conseil du 20 décembre 2001 relative au miel qui précise que : « Les États membres n'adoptent pas [...] des dispositions nationales non prévues par la présente directive ».

La Commission a admis que la dérogation prévue pour permettre un étiquetage simplifié des mélanges de miel ne mentionnant pas tous les pays d'origine était laissée à l'appréciation des États-membres. En admettant l'utilisation de cet étiquetage simplifié, la France a « surtransposé » au détriment de la bonne information de ses consommateurs. Dès lors, il est possible de rendre obligatoire l'affichage de tous les pays d'origine d'un mélange de miel sans modifier la directive européenne.

En revanche, aller au-delà nécessite une modification de la norme européenne qui nécessite du temps . Il faut préciser qu'adopter une mesure qui ne correspond pas à la directive exposerait les nouveaux étiquetages à un risque de contentieux.

Lors des débats de la loi EGALIM, le Sénat avait appelé à une négociation européenne sur le sujet en adoptant une rédaction équilibrée qui prévoyait que l'étiquette devait mentionner tous les pays d'origine de la récolte « par ordre décroissant d'importance de la part prise dans la composition du miel » . Puisque l'ordre de ces pays n'évolue pas radicalement entre les mélanges, cela ne ferait porter qu'une charge supplémentaire limitée aux conditionneurs. C'est une solution minimale que la France pourrait défendre au niveau européen. Toutefois, elle pourrait se révéler manifestement contraire à la directive européenne sur les miels.

En définitive, la rédaction de l'article 3 de la proposition de loi qui oblige à afficher tous les pays d'origine des miels apparaît un compromis acceptable pour que l'étiquetage des miels soit renforcé rapidement.

Toutefois, mandat pourrait être donné au Gouvernement d'aller plaider pour un meilleur étiquetage des produits mellifères au niveau européen, le tout au profit du consommateur européen. L'affichage des pays d'origine des miels par ordre décroissant doit être un minimum.

Et cette négociation devra d'ailleurs inéluctablement avoir lieu. D'une part, l'Espagne a annoncé souhaiter une révision de ses étiquetages des miels à court-terme. D'autre part, afin que les entreprises françaises ne soient pas pénalisées par l'application d'une règle dont seraient dispensées leurs concurrentes européennes, il est nécessaire d'obtenir une harmonisation européenne.

Votre rapporteure appelle donc le ministre à tenir son engagement de « porter cette question au niveau européen pour obtenir un cadre réglementaire harmonisé et protecteur », comme son prédécesseur l'a annoncé en commission à l'Assemblée nationale lors des débats sur la loi EGALIM.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 de la proposition de loi n°322 de Mme Monier et des membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires
(article L. 412-7 [nouveau] du code de la consommation)

Étiquetage de l'origine des vins

Objet : cet article vise à renforcer l'obligation d'affichage du pays d'origine du vin, qui devrait figurer sur l'étiquette « en évidence » lorsque certains éléments sont susceptibles d'induire en erreur le consommateur sur le pays d'origine du vin.

I. Le droit en vigueur

L'étiquetage du vin est régi avant tout par des dispositions européennes.

L'article 119 du règlement n° 1308/2013 8 ( * ) précise les indications obligatoires à faire figurer sur les étiquetages des produits viticoles à savoir :

- la dénomination de la catégorie de produits de la vigne ;

- les appellations d'origine protégée ou les indications géographiques protégées lorsque cela est nécessaire ;

- le titre alcoométrique volumique acquis ;

- la provenance ;

- l'identité de l'embouteilleur ;

- pour les vins importés, l'identité de l'importateur.

L'article 120 du même règlement prévoit des indications facultatives.

Enfin, l'article 122 précise que la Commission est habilitée à prendre des actes délégués pour préciser les indications obligatoires, notamment permettre aux États membres « d'établir des règles supplémentaires concernant les indications obligatoires ».

En vertu de cet article, le règlement délégué (UE) n° 2019/33 de la commission du 17 octobre 2018 9 ( * ) a précisé les demandes de protection des appellations d'origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole 10 ( * ) .

La provenance doit donc être précisée selon des formules précisées à l'article 45 de ce règlement : « vin de » ou « produit de » suivi du nom de l'État membre où les raisins sont « récoltés et transformés en vin ».

L'article 40 de ce règlement précise que les « indications obligatoires visées à l'article 119 du règlement (UE) n° 1308/2013 apparaissent dans le même champ visuel sur le récipient de façon à être lisibles simultanément sans qu'il soit nécessaire de tourner le récipient, en caractères indélébiles, et se distinguent clairement des textes ou illustrations voisines », sauf, par dérogation, les mentions des produits provoquant des allergies ou des intolérances et le numéro de lot.

En outre, « la taille des caractères des indications [...] doit être égale ou supérieure à 1,2 mm, quel que soit le format de caractères utilisé. »

La règlementation européenne prévoit donc une obligation d'indiquer la provenance du vin, au même endroit que les autres mentions obligatoires, et dans une taille suffisante de manière à ce que l'information soit visible.

II. La proposition de loi initiale

Toutefois, certaines pratiques commerciales, tout en respectant cette réglementation très stricte, tendent à créer une confusion dans l'esprit du consommateur au sujet de l'origine des produits qu'il achète.

Pour les auteurs de la proposition de loi, il s'agit de répondre aux pratiques visant à tromper les consommateurs sur l'origine du vin par un étiquetage intelligent des bouteilles qui constitue un « cas de tromperie » consistant le plus souvent « à se servir de la renommée et de l'image des vins français pour induire le consommateur en erreur . »

Par exemple, la présentation de l'étiquette peut laisser penser que le vin est français en recourant à un nom typiquement français du domaine et du producteur ainsi qu'à une imagerie faisant référence à l'architecture et aux paysages français, alors même que les bouteilles sont issues d'Espagne ou d'autres pays de la Communauté européenne.

Or cet étiquetage n'est pas illégal dans la mesure où le pays d'origine est alors indiqué, soit au dos de la bouteille, de manière moins lisible pour le consommateur, soit sur une face non visible du « bag in box » avec les autres mentions obligatoires.

Pour contourner cette pratique, l'article 4 de la proposition de loi crée un article L. 412-7 au sein du code de la consommation prévoyant un affichage « en évidence » du pays d'origine du vin « de manière ne pas induire en erreur le consommateur ». Le non-respect de ces dispositions serait apprécié notamment au regard du nom et de l'imagerie du contenant.

L'article reprend mot pour mot la rédaction de l'article 36 de la loi EGALIM.

III. La position de votre commission

Cette disposition est déjà entièrement satisfaite par le droit existant. Au mieux, elle ne règlera donc en rien le problème . Dans le pire des cas, elle est de nature, compte tenu de sa rédaction, à faire peser une incertitude juridique supplémentaire sur les producteurs français et à aggraver le différentiel de compétitivité.

L'enjeu se trouve plutôt au niveau des contrôles. Ils doivent être plus nombreux et coercitifs, ce qui ne manque pas d'inquiéter au regard des moyens alloués à la DGCCRF.

C'est pourquoi le Sénat avait supprimé cette disposition lors des débats sur la loi EGALIM. Si le Gouvernement avait finalement, en nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale, accepté une rédaction de compromis, il faut souligner qu'en première lecture, devant l'Assemblée nationale, le ministre chargé de l'agriculture avait désapprouvé l'amendement, rappelant que « la mention du pays d'origine figure déjà sur l'emballage » et qu'un travail est mené dans le cadre du comité mixte franco-espagnol ainsi qu'au Conseil national de l'alimentation sur le sujet.

D'ici à la séance publique, vos rapporteurs poursuivront leur travail sur le sujet. Le maintien de l'article dans la proposition de loi permet, a minima , d'interpeler le ministre en séance publique sur le sujet et les actions qu'il compte entreprendre pour renforcer les contrôles.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III
ENTRÉE EN VIGUEUR
Article 5 de la proposition de loi n°322 de Mme Monier et des membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires

Dates d'entrée en vigueur

Objet : cet article prévoit une entrée en vigueur différée des articles modifiant les règles d'étiquetage des miels et du vin

I. La proposition de loi initiale

L'article prévoit une entrée en vigueur différée des articles 3 sur l'étiquetage des mélanges de miels et 4 sur l'étiquetage de la provenance des vins au 1 er septembre 2020 « afin de permettre aux producteurs et aux vendeurs l'écoulement des stocks de leurs produits légalement fabriqués ou commercialisés avant l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi et dont l'étiquetage n'est pas conforme à ces dispositions ».

II. La position de votre commission

En accord avec l'auteure et les autres signataires de la proposition de loi, votre rapporteur a proposé à la commission, qui l'a accepté, un amendement COM-16 visant à clarifier les dates d'entrée en vigueur : les produits légalement commercialisés et fabriqués avant le 1 er septembre 2020 pourront être vendus jusqu'à épuisement des stocks, même si leur étiquetage n'est pas conforme aux articles 3 et 4 de la proposition de loi.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 mars 2019, la commission a examiné le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier et M. Henri Cabanel sur la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous passons à l'examen commun de deux propositions de loi. La première, celle de Marie-Pierre Monier et des membres du groupe socialiste, porte diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires. La seconde, celle de M. Gilbert Bouchet, tend à abroger la loi du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée.

Avant l'examen de ces deux propositions de loi, je vous rappelle que, conformément au gentlemen's agreement conclu en 2009 entre les présidents de groupe et de commission et validé par la conférence des présidents, la commission ne peut en modifier le texte, sauf accord du groupe auteur de la demande d'inscription à l'ordre du jour de la séance publique. Nos rapporteurs eux-mêmes ont les mains liées : ils ne peuvent présenter à la commission pour discussion des amendements qui ont l'accord des auteurs des textes. L'esprit de cet accord est de faire en sorte que le texte de la proposition de loi qui est discuté en séance publique réservée aux groupes minoritaires soit le plus proche des intentions des auteurs et des groupes à l'initiative de la proposition de loi. En revanche, la commission retrouvera sa pleine liberté en séance publique, lors de laquelle nos rapporteurs défendront la position que nous aurons adoptée le 3 avril prochain. En dehors des amendements sur lesquels le groupe socialiste, et éventuellement notre collègue Bouchet, ont donné leur accord pour être discutés en commission, qui seront soumis à discussion, nous ne débattrons ni n'adopterons d'autres amendements. Nous pourrons éventuellement en discuter d'autres lors de notre réunion du 3 avril prochain lors de l'examen des amendements de séance.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Comme vient de le rappeler Madame la Présidente, notre exercice est aujourd'hui régi par les termes du gentlemen's agreement .

Nous vous proposons la démarche suivante : après vous avoir présenté le contenu du texte, nous vous exposerons l'orientation de nos travaux que nous affinerons, par voie d'amendement, d'ici à la séance publique du 3 avril. Nous analyserons ensuite en commission les amendements dont la discussion a reçu l'accord du groupe ayant demandé l'inscription à l'ordre du jour de la séance.

Les deux propositions de loi de Marie-Pierre Monier et de Gilbert Bouchet ont un objet commun : rétablir un certain nombre d'articles adoptés par le Parlement dans la loi EGALIM, puis censurés par le Conseil constitutionnel faute d'un lien, même indirect, avec le texte initial du Gouvernement.

Lorsque nous rapportions cette loi en première lecture, Michel Raison et moi-même avions déploré l'adoption de ces très nombreux articles, qui avaient transformé une loi « agricole » en une loi « alimentaire ». De fait, le débat sur la question du revenu des agriculteurs s'est déporté vers un débat plus global relatif à l'alimentation ; les discussions ont donné le sentiment aux agriculteurs qu'ils étaient les « oubliés » de leur propre projet de loi.

D'un point de vue juridique, le Conseil constitutionnel a censuré vingt-trois articles. S'ils ne faisaient pas tous l'objet d'un consensus partagé entre l'Assemblée nationale et le Sénat, certains d'entre eux résultaient d'un travail approfondi et répondaient à des attentes tout à fait légitimes et justifiées.

La proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Monier reprend l'esprit de quatre de ces articles. L'article 1 er vise de nouveau à autoriser l'étiquetage de certains fromages fermiers même s'ils ont été affinés en dehors de la ferme, pratique répandue qui ne peut plus être valorisée depuis un arrêt du Conseil d'État de 2015. L'article 2 tend à abroger la loi de 1957 qui empêche les vignerons du Diois de produire autre chose que de la Clairette de Die, notamment des vins mousseux effervescents. L'article 3 a pour objet de renforcer la transparence des étiquetages des mélanges de miels, constitués de miels originaires de pays tiers. Enfin, l'article 4 vise à lutter contre les pratiques trompeuses constatées sur certains étiquetages des vins, laissant penser que des vins sont français, alors qu'ils sont espagnols.

Je précise que l'article unique de la proposition de loi de Gilbert Bouchet est en tout point identique à l'article 2 de la proposition de loi de Mme Monier, ce qui permet un examen commun des deux textes.

D'autres articles censurés mériteraient d'être repris : je pense notamment à l'obligation de déclaration de récolte ou au dispositif de compromis proposé par le Sénat afin de faciliter la commercialisation de certaines semences dans le respect des règles sanitaires. J'espère que prochainement une proposition de loi sera déposée sur ces sujets.

Ces deux propositions de loi sont un premier pas important. Permettez-moi ainsi de remercier la démarche et l'initiative de nos deux collègues.

Avec Henri Cabanel, nous avons travaillé de concert sur ces deux propositions de loi et avons procédé à huit auditions sur tous les articles concernés.

S'agissant de l'article 1 er sur les fromages fermiers, il est important de rappeler le contexte. L'article 9-1 du décret du 27 avril 2007 encadrant l'étiquetage des fromages précise que la mention « fromage fermier » ou « tout autre qualificatif laissant entendre une origine fermière » est réservée à un fromage fabriqué sous deux conditions : d'abord, le fromage doit être fabriqué selon des techniques traditionnelles ; ensuite, le producteur doit traiter exclusivement les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci. Il est donc exclu qu'un industriel puisse étiqueter un produit « fromager fermier », car il ne remplit de fait aucune de ces deux conditions.

Le décret prévoyait une dérogation pour certains petits producteurs qui ne pouvaient pas affiner chez eux ou pour certaines coopératives, à condition que l'étiquetage soit complété d'une mention obligatoire précisant que l'affinage avait été réalisé en dehors de l'exploitation agricole, et spécifiant le nom de l'affineur. En avril 2015, le Conseil d'État a censuré cette disposition. Pour que cette pratique d'affinage continue de s'appliquer, il faut donc qu'elle soit élevée au niveau de la loi.

Lors des débats sur la loi EGALIM, les deux assemblées s'étaient entendues sur une rédaction qui permettait à tous les fromages fermiers, dont le processus d'affinage était réalisé en dehors de la ferme en totale conformité avec les usages traditionnels, de bénéficier de la mention « fromage fermier ». Cette disposition permettait d'écarter le dévoiement de cette mention par l'industrie. En outre, l'information des consommateurs devait être assurée par le rappel explicite du fait que l'affinage avait bien été réalisé à l'extérieur de la ferme. Il était prévu que le pouvoir réglementaire précise les conditions de cet affichage. Cette rédaction consensuelle permettait de revenir à la situation qui prévalait avant 2015.

L'article 1 er retient toutefois une rédaction différente, puisqu'il réserve la mention « fromage fermier » aux seuls fromages sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, ou SIQO. Ce dispositif revient à exclure certains petits producteurs, qui ne pourront pas valoriser leurs produits. En outre, elle crée une différence de traitement entre les producteurs. Pour les produits sous appellation d'origine contrôlée - AOC -, ou sous indication géographique protégée - IGP -, le cahier des charges encadre déjà les pratiques d'affinage. En revanche, pourquoi les producteurs de fromage bio auraient-ils le droit, contrairement aux autres, d'afficher la mention « fromage fermier » en cas d'affinage hors de la ferme ? Enfin, la rédaction supprime la référence aux « méthodes traditionnelles », qui était pourtant le seul moyen d'éviter que les industriels ne dévoient cette appellation.

Ce débat, nous l'aurons en séance publique. D'ici là, je pense qu'il serait préférable de revenir à la rédaction consensuelle issue de nos débats sur la loi EGALIM.

L'article 3 concerne l'étiquetage du miel. Comme vous le savez, il est possible aujourd'hui de n'afficher sur l'étiquette d'un mélange de miels que la mention « miels originaires de l'Union européenne », « miels non originaires de l'Union européenne » ou « miels originaires et non originaires de l'Union européenne ». Cette rédaction résulte d'une directive européenne de 2001, transposée dans le droit français au niveau réglementaire.

La situation est insatisfaisante au regard de l'information due au consommateur. Comment justifier qu'un miel constitué à 98 % de miel chinois ou hongrois soit étiqueté de la même manière qu'un miel composé à 98 % de miel français ? Dans un contexte où la production de miel en France a été divisée par deux en quinze ans, cela n'est plus tenable. C'est pourquoi l'article 3 rétablit l'obligation d'afficher l'ensemble des pays d'origine des miels contenus dans le pot. C'est un minimum.

La position du Sénat lors des débats sur la loi EGALIM était d'aller plus loin et de déclencher une négociation européenne pour favoriser l'affichage de la liste des pays d'origine par ordre décroissant d'importance. Le consommateur pourrait ainsi mieux distinguer le mélange provenant majoritairement d'un pays d'un autre mélange, sans pour autant que la mesure constitue un surcoût exorbitant pour les conditionneurs de miel. Cette position nous tenait à coeur, tant elle apparaissait plus opérationnelle et équilibrée.

Toutefois, de nouveaux éléments ont changé la donne depuis la promulgation de la loi EGALIM.

D'une part, les instances européennes nous ont indiqué qu'il faudrait modifier la directive de 2001 pour imposer un affichage de l'ordre décroissant des pays d'origine, mais pas pour tous les pays, dans la mesure où l'affichage « miel UE/hors UE » est une faculté laissée à chaque État membre. La France a en quelque sorte surtransposé cette directive au détriment de la bonne information de ses consommateurs.

La solution consistant à afficher les pays d'origine des miels, sans les classer par ordre d'importance, apparaît comme la solution juridique la plus fiable à très court terme ; elle devra cependant s'accompagner d'une négociation européenne pour que l'information soit à l'avenir plus complète : affichage des pays par ordre décroissant d'importance et, pourquoi pas, pourcentage que représente chaque miel dans le mélange final et affichage des noms complets des pays, le sigle « RPC » étant obscur pour les consommateurs. Aussi, il me semble essentiel d'interpeler le ministre sur la nécessité d'obtenir davantage au niveau européen.

D'autre part, la nouvelle interprofession du miel soutient l'affichage des pays d'origine, peu importe leur ordre d'importance. Je rappelle que cet accord doit être unanime au sein de l'interprofession, ce qui n'était pas acquis lors des débats sur la loi EGALIM.

Dès lors, je vous propose de conserver la rédaction de cet article, à la demande de l'interprofession apicole et dans un souci de sécurité juridique. Cela permettra de changer les étiquetages rapidement sans nécessiter de négocier au niveau européen. Je vous propose ensuite d'interpeler le ministre en séance publique afin que nous obtenions des engagements pour aller plus loin.

Mme Sophie Primas , présidente. - Merci Anne-Catherine. Je tenais également à remercier le groupe socialiste et républicain d'avoir accepté l'examen conjoint des deux propositions de loi aujourd'hui.

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Nous travaillons toujours dans un esprit constructif au Sénat. Je tenais également à remercier nos collègues Bouchet et Monier pour leur travail.

En préambule, je souhaiterais rappeler que l'étiquetage des denrées alimentaires fait l'objet d'une harmonisation maximale dans l'Union européenne, à la suite notamment du règlement européen INCO de 2011. Les États membres peuvent compléter ce règlement dans des conditions très strictes, si bien que nous disposons de marges de manoeuvres étroites, notamment dans le domaine viticole.

Les propositions de loi que nous examinons traitent de viticulture. L'article 2 de la proposition de loi de Mme Monier et la proposition de loi de Gilbert Bouchet portent sur la « Clairette de Die » ; l'article 4 du texte de Mme Monier concerne l'étiquetage du vin.

L'article 2 de la proposition de loi de Mme Monier est en tout point identique à l'article unique du texte de M. Bouchet. Je suis sûr que M. Buis soutient cette disposition. Reste maintenant à convaincre le ministre, et nous aurons obtenu l'unanimité drômoise ! (Sourires.) Il vise à abroger une loi de 1957 qui interdit aux viticulteurs de produire d'autres vins mousseux que de la Clairette de Die au sein de l'AOC du même nom. Il reprend le principe voté par les deux assemblées dans la loi EGALIM.

Aujourd'hui, cette loi de 1957 comporte deux articles. Son article 1 er dispose que toute élaboration de vins mousseux, autres que des vins mousseux à appellation d'origine contrôlée « Clairette de Die », est interdite dans l'aire géographique de production concernée. L'article 3 inflige des sanctions en cas de méconnaissance de cette interdiction.

Dès lors, abroger la loi n'aura qu'un seul effet : permettre la production de vins mousseux autres que de la Clairette de Die dans cette zone. L'abrogation de la loi ne provoquera pas la disparition de l'AOC « Clairette de Die » ou le changement de son cahier des charges. Elle ne vise qu'à permettre aux producteurs concernés de se diversifier dans une autre production, les vins mousseux rosés notamment, afin d'améliorer leurs revenus. Toutefois, ils ne pourront pas nommer ce vin « Clairette de Die » dans la mesure où le cahier des charges de l'AOC ne le prévoit pas. Ce sera un vin mousseux rosé, produit dans la Drôme, qui pourrait bénéficier d'une IGP ou d'une appellation spécifique dans cinq, dix voire vingt ans.

Certes, le ministère de l'agriculture avait validé la modification du cahier des charges de l'AOC « Clairette de Die » en 2016, afin de reconnaître la Clairette de Die rosée. Mais, constatant l'absence d'antériorité suffisante, le Conseil d'État a annulé cet arrêté, c'est-à-dire qu'il est réputé n'avoir jamais existé. Concrètement, cela signifie deux choses. D'une part, le cahier des charges de l'AOC ne pourra pas prévoir l'appellation Clairette de Die rosée avant de nombreuses années. D'autre part, les bouteilles produites sous cette appellation entre l'arrêté du ministre en 2016 et la décision du Conseil d'État en 2018 sont illégales. Sauf à les détruire ou à imposer un nouvel étiquetage très coûteux, nous devons trouver une solution pour les producteurs concernés, car ils paient pour une erreur commise par l'État.

D'ici à la séance publique, je vous propose de travailler sur le sujet pour essayer de régler le problème. Pour le reste, je suis favorable à l'abrogation de la loi. Pourquoi les producteurs d'une zone pourraient faire du vin mousseux blanc ou rosé selon leur choix et pas les producteurs de la zone de Die ? En revanche, je le rappelle, les producteurs du Diois feront du vin mousseux rosé sans appellation et, comme aujourd'hui, de la Clairette de Die qui restera blanche ! J'espère avoir été clair ...

M. Michel Raison . - Sur le fond, le sujet n'était pas si « clairette » que cela ! (Sourires)

M. Henri Cabanel , rapporteur . - L'article 4 traite d'un problème qui me tient particulièrement à coeur. Aujourd'hui, en grande surface, surtout pour les bag in box , on laisse croire aux consommateurs que certains vins sont français en utilisant des imageries, un nom français, en mettant en valeur un cépage, alors que ces vins sont étrangers. Les cas de tromperie sont nombreux : la DGCCRF estime que l'arnaque a porté sur plus de 10 millions de bouteilles.

L'article 4 prévoit d'indiquer clairement le pays d'origine sur l'étiquetage du produit, reprenant un article adopté dans la loi EGALIM mais qui avait déjà à l'époque été refusé par le Sénat.

Anne-Catherine Loisier et moi-même avons auditionné les producteurs, les professionnels du négoce et l'interprofession nationale. Leur réaction a été quasi unanime : le droit existant est suffisant, mises à part les demandes de grossissement des caractères indiquant le pays, notamment sur les bag in box. Le droit européen, modifié d'ailleurs au tout début de l'année 2019, prévoit déjà que le pays d'origine doit obligatoirement figurer sur la bouteille à côté des autres mentions obligatoires, de sorte à être lisible simultanément, sans qu'il soit nécessaire de tourner le récipient. La taille des caractères est définie pour être suffisamment grande.

Le problème n'est donc pas le droit mais la pratique. Presque tous les acteurs auditionnés estiment que cette mesure n'apportera pas grand-chose et qu'elle pourrait créer un risque juridique pour les acteurs de la filière. La véritable solution réside dans les moyens alloués aux contrôles de la DGCCRF. Il s'agit d'un point essentiel, abordé chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances dans notre assemblée. Ce sujet est en tout cas digne d'être débattu en séance publique. Je vous propose d'interpeller le ministre sur l'étiquetage des vins, ce qui implique de maintenir l'article dans la proposition de loi à ce stade.

Enfin, l'article 5 porte sur les dates d'entrée en vigueur des dispositifs relatifs aux étiquetages de produits pouvant se conserver, comme le vin ou le miel. Vous le savez, faire étiqueter de nouveau les bouteilles a un coût. L'article prévoit donc un délai d'entrée en vigueur différé au 1 er septembre 2020 pour l'étiquetage du miel et du vin, ce qui laissera le temps aux opérateurs de modifier leurs procédés. Je proposerai, en accord avec Marie-Pierre Monier, un amendement rédactionnel sur cet article.

En définitive, les chances de réussite de la proposition de loi résident dans sa concision. Les débats sur ce texte auront lieu en séance publique et devraient être nourris et constructifs.

D'ici là, avec Anne-Catherine, nous vous proposons de :

- valider le principe de l'abrogation de la loi de 1957 sur la Clairette de Die tout en essayant de trouver une solution pratique pour régler le problème du stock de bouteilles produites entre 2016 et 2017 ;

- maintenir la rédaction de la proposition de loi sur l'étiquetage du miel, rédaction qui je le rappelle est voulue par l'interprofession apicole pour régler rapidement le problème et qui est entièrement conforme avec le droit de l'Union européenne mais d'obtenir un engagement du ministre en séance pour l'amener à porter au niveau européen la position du Sénat sur l'étiquetage par ordre décroissant a minima ;

- étudier l'opportunité de la suppression de l'article 4 sur l'étiquetage du vin dans la mesure où les mesures sont déjà présentes dans le droit existant et profiter de cet article pour interpeler le ministre en séance sur le sujet des tromperies dont le consommateur et le producteur de vin français sont victimes afin qu'il prenne des engagements pour renforcer les contrôles.

Mme Marie-Pierre Monier . - Vous avez rappelé le contexte dans lequel ces textes ont été élaborés. À l'approche des élections européennes, nous avons l'opportunité de défendre notre vision de l'agriculture française, une agriculture qualitative, plus transparente et respectueuse des consommateurs et des producteurs. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à ces questions : ils ont envie d'authenticité et de saveurs nouvelles.

Les articles de ma proposition de loi concernent l'ensemble du territoire national, hormis l'article 2 qui porte sur la Clairette de Die, production emblématique du département de la Drôme. Il est important de trouver un consensus sur ce texte, très attendu sur le terrain.

M. Gilbert Bouchet . - La Clairette de Die est emblématique du patrimoine drômois. Pourquoi interdire la production de mousseux rosé dans cette zone, alors que nos amis espagnols et italiens ne nous attendent pas pour vendre du vin pétillant rosé ?

M. Daniel Laurent . - En tant que président du groupe d'études « Vigne et vin » et en tant que viticulteur, je propose la suppression de l'article 4 du texte de Mme Monier. Cette disposition, introduite à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, a en effet déjà été rejetée par le Sénat au motif qu'elle est déjà satisfaite par le droit européen. Notre arsenal législatif et réglementaire offre les outils nécessaires pour lutter efficacement contre les pratiques trompeuses en matière d'étiquetage d'origine. Il faut simplement que les services de l'État et la DGCCRF puissent mener leurs missions avec efficacité.

Si l'intention de défendre notre filière vitivinicole et le droit à l'information des consommateurs est louable, nous devons veiller à ne pas surcharger notre droit, car cela va à l'encontre de nos efforts de simplification normative. En outre, l'article 4 risque de créer un flou juridique et une discrimination à rebours, qui conduirait les distributeurs à s'approvisionner chez nos voisins de l'Union européenne.

M. Daniel Gremillet . - Je serai bref, puisque le débat se déroulera pour l'essentiel en séance publique. Le travail de nos rapporteurs sur la loi EGALIM ayant déjà permis de trouver un compromis sur les points clés du texte, je souhaite vraiment que nous nous en tenions à une rédaction consensuelle de l'article 1er, qui permette de ne pas exclure certains producteurs de fromages fermiers, tout en garantissant la pleine information des consommateurs.

Mme Noëlle Rauscent . - La proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Monier comporte des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel. Elle va surtout dans le sens de la traçabilité des produits alimentaires que souhaitent les consommateurs aujourd'hui. Mon groupe est favorable à ce texte et le votera en l'état.

M. Laurent Duplomb . - Les deux propositions de loi vont dans le bon sens. Les articles 2 à 5 du texte de Mme Monier apportent des réponses aux difficultés rencontrées sur le terrain, en particulier par la filière apicole française. On assiste à un imbroglio phénoménal sur l'étiquetage du miel. J'ajoute que ce n'est pas en laissant s'installer n'importe qui n'importe comment que l'on arrive à faire un produit de qualité répondant aux attentes du consommateur.

En revanche, l'article 1 er pose question : limiter la mention « fromage fermier » aux seuls fromages de qualité montre une méconnaissance totale de l'agriculture française. Faute d'argent, certains agriculteurs sont contraints de s'associer au sein d'une coopérative pour fabriquer leur fromage, ce qui les exclut de fait du dispositif. L'article méconnaît aussi la multitude des fromages hors SIQO, comme le fromage aux artisons produit dans mon département. J'envisage par conséquent de déposer un amendement en séance publique.

M. Pierre Louault . - Nous avons en Touraine, avec le Sainte-Maure, la première AOC de France. Tout un chacun peut en produire ailleurs, sans bénéficier toutefois de l'appellation. Il me semble essentiel de préserver les coutumes et, dans ce cadre, le rôle des affineurs. Que la loi permette d'associer un producteur à un affineur apportera de la clarté sur l'origine du fromage et permettra de conserver les traditions locales de partenariat.

M. Bernard Buis . - Je remercie nos collègues Marie-Pierre Monier et Gilbert Bouchet de leur initiative qui autorisera la production de rosé pétillant dans le Diois. Je viens du pays de Die et je peux vous affirmer que cette interdiction pèse sur notre territoire. En 2016, nous avions espéré un assouplissement de la réglementation et produit de la Clairette rosée. Nous avons, hélas, été déçus par la décision du Conseil d'État et, plus récemment, par la censure de la loi EGALIM. Depuis, 4,5 millions de bouteilles sont stockées, sans compter la dernière production encore en cuve, sans qu'il soit possible de les commercialiser alors que les vins effervescents rosés étrangers sont autorisés. Je soutiendrai la proposition de loi pour offrir une nécessaire bouffée d'oxygène à nos viticulteurs.

M. Roland Courteau . - Je remercie à mon tour les auteurs des propositions de loi. Sur l'article 4, je comprends la position de notre rapporteur Henri Cabanel. Les tromperies à l'égard des consommateurs continuent ! Dans mon département, des bouteilles identiques sont vendues en supermarché, qu'elles contiennent du vin du pays d'Oc ou du vin espagnol. Il faut regarder à la loupe pour apercevoir la discrète mention de l'origine du produit ! Quel dommage que la loi EGALIM ait souffert des changements de cap du Gouvernement et d'une censure du Conseil constitutionnel... L'intensification des contrôles est indispensable, mais les services déconcentrés de la DGCCRF, notamment dans les départements de l'Aude et de l'Hérault, manquent de personnels pour les réaliser. L'objectif de 5 % de contrôle ne peut, dès lors, être atteint. Par ailleurs, certains négociants préfèrent payer une amende plutôt que de se conformer à la réglementation. Il faut donc sans tarder saisir le Gouvernement sur la nécessité de renforcer les contrôles et, à cet effet, augmenter les effectifs de la DGCCRF.

M. Joël Labbé . - Ces propositions de loi représentent une excellente initiative de nos collègues. Le fromage fermier n'écarte certes pas les autres productions de fromages, mais sa labellisation doit demeurer exigeante. L'Association nationale des producteurs de laitiers fermier défend les produits fermiers, mais plusieurs affineurs ont été rachetés par de grands groupes comme Lactalis, dès lors en mesure de bénéficier de l'appellation. Il convient donc de resserrer les conditions de son obtention. S'agissant du miel, il faudrait interdire les mélanges. À défaut, les consommateurs doivent être informés des pourcentages et des pays d'origine des miels ayant servi à la fabrication du produit. Je présenterai enfin en séance un amendement relatif à l'étiquetage des huitres. Je signale que, dans les dégustations, les huîtres traditionnelles ont été les premières à être terminées...

M. Jean-Claude Tissot . - J'adresse mes félicitations à nos deux rapporteurs pour le travail réalisé. Le miel est fabriqué par les abeilles, que nous devons protéger des pesticides comme du frelon asiatique, même s'il est plus difficile d'avoir prise sur ce second danger.

M. Michel Raison . - Je m'associe aux propos de Joël Labbé sur le miel. Les magouilles en matière de production, d'importation et de vente entachent le secteur du miel. Il me semble incroyable qu'un lobby ait pu obtenir de Bruxelles une réglementation si souple ! Mais j'ajoute que la profession apparaît peu organisée, ce qui ne favorise pas les producteurs dans la négociation et ce qui conduit également à la raréfaction des abeilles dans la mesure où de nombreux petits producteurs ne suivent pas la prophylaxie avec suffisamment d'exigence.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Sophie Primas , présidente .  - Nous débutons donc l'examen du texte ainsi que des amendements déposés dont la discussion a reçu l'accord du groupe socialiste et républicain. Pour les auteurs des autres amendements, je vous invite à les redéposer dans la perspective de la séance publique et nous les examinerons naturellement le 3 avril en commission et en séance. Je vous propose donc de les rejeter en application du gentlemen's agreement. Est-ce que cela vous convient ?

Les amendements COM-9 , COM-13 , COM-4 , COM-1 , COM-7 rect ., COM-3 , COM-8 , COM-15 , COM-2 et COM-5 ne sont pas adoptés.

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure. - L'amendement COM-10 prévoit un affichage des pays d'origine du miel par ordre décroissant en indiquant la part de chacun de la composition du produit. Compte tenu des échanges que nous venons d'avoir, et malgré la prise de conscience qui émerge au niveau européen sur cette problématique, comme l'illustre la position espagnole, mon avis est défavorable. Mais nous attirerons l'attention du ministre sur l'étiquetage du miel en séance publique. Pour les raisons évoquées à l'amendement précédent, je suis également défavorable aux amendements COM-14 et COM-6 . Je vous propose en conséquence de ne pas les adopter.

M. Laurent Duplomb . - Notre commission, si elle souhaite interpeller le ministre plus efficacement, devrait adopter l'amendement. Certes, on n'ira pas au bout car on sait que la Commission européenne est contre mais donner un avis défavorable cela envoie un mauvais signal.

Mme Sophie Primas , présidente. - Si nous adoptons l'amendement maintenant, cela modifierait tout de suite le texte. Cela n'empêche pas que ces amendements pourront être redéposés afin que nous ayons un débat en séance publique.

Les amendements COM-10 , COM-14 et COM-6 ne sont pas adoptés.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-12 renvoie à un arrêté des ministres de la consommation et de l'agriculture la définition des modalités de l'affichage du miel. L'adoption de la proposition de loi entraînera une modification de l'arrêté donc l'amendement est déjà satisfait. Avis défavorable.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Henri Cabanel , rapporteur. - Notre amendement COM-16 clarifie les dates d'entrée en vigueur des dispositions du titre II relatives au vin et au miel. Il est rédactionnel.

L'amendement COM-16 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure. - L'amendement COM-11 limite la dérogation aux obligations d'étiquetage pour les miels. Il complexifie inutilement la procédure, d'autant qu'il semble peu probable que les dispositions de l'article 5 conduisent à une quelconque surproduction. Mon avis est donc défavorable.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté ainsi amendé.

La proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 12 mars 2019

- Confédération des Vins IGP de France : M. Gérard BANCILLON , Mme Christelle JACQUEMOT , Directrice.

- Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées : M. Eric TESSON , Directeur.

- Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique : M. Jérôme AGOSTINI , Directeur.

Jeudi 14 mars 2019

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : M. Emmanuel KOEN , Adjoint à la sous-directrice produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires.

- Conseil national des appellations d'origine laitières : M. Sébastien BRETON , Délégué général.

- Interprofession abeilles (INTERAPI) : M. Eric LELONG , Président.

- Union des maisons et marques de vin : M. Nicolas OZANAM , Délégué général.

- Vignerons indépendants : M. Jean-Marie FABRE , Secrétaire général.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois ;

- Association Nationale des Producteurs Laitiers Fermiers ;

- Institut national de l'origine et de la qualité.


* 1 Décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères.

* 2 Arrêté du 16 novembre 2016 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée « Clairette de Die ».

* 3 Décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018

* 4 Anciennement article L. 214-1 du code de la consommation.

* 5 Décret n° 2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l'application de l'article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel.

* 6 Directive 2001/110/CE du Conseil du 20 décembre 2001 relative au miel.

* 7 Il suffirait en effet que le Gouvernement modifie l'article 2 du décret n°2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l'application de l'article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel.

* 8 Règlement (UE) n ° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil

* 9 Règlement délégué (UE) 2019/33 de la Commission du 17 octobre 2018 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les demandes de protection des appellations d'origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole, la procédure d'opposition, les restrictions d'utilisation, les modifications du cahier des charges, l'annulation de la protection, l'étiquetage et la présentation.

* 10 Il remplace le règlement (CE) n° 607/2009 de la Commission du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole.

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