EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 76 nonies (nouveau)

Abrogation de dispositions obsolètes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'aide au retour volontaire

. Commentaire : le présent article abroge le titre III du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'aide au retour volontaire.

I. LE DROIT EXISTANT

Le titre III du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) comporte un chapitre dédié à « l'aide au retour volontaire » (articles L. 331-1 et L. 331-2 et, dans la partie réglementaire, articles D. 331-1 à D. 331-14).

Ces dispositions s'adressent aux étrangers en situation régulière désireux de quitter le territoire national pour rentrer dans leur pays d'origine en restituant leur titre de séjour avant son terme normal. Ces articles ne soutiennent aucun dispositif depuis plus de deux décennies.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Jean-Noël Barrot, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », vise à abroger le titre III du livre III du CESEDA.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Comme le relève l'exposé sommaire de l'article, les dispositifs dont l'abrogation est proposée étant inopérants et sans application concrète depuis plus de 20 ans, leur maintien dans le CESEDA est source de confusion avec l'article L. 512-5 du même code, définissant le régime actuel des éloignements aidés à destination des étrangers en situation irrégulière.

En conséquence, votre rapporteur spécial vous propose d'adopter cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 76 decies (nouveau)

Décalage de l'entrée en vigueur du contrat d'intégration républicaine à Mayotte et autorisation d'adaptations particulières de ce dispositif dans ce territoire

. Commentaire : le présent article décale la date d'entrée en vigueur du contrat d'intégration républicaine à Mayotte du 1 er janvier 2020 au 1 er janvier 2022 et prévoit la possibilité d'adaptations particulières, par décret en Conseil d'État, au regard de la situation particulière de ce territoire.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA DATE DE MISE EN oeUVRE DU CONTRAT D'INTÉGRATION RÉPUBLICAINE À MAYOTTE

La loi du 7 mars 2016 26 ( * ) a remplacé le « contrat d'accueil et d'intégration », obligatoire depuis 2007, par un « contrat d'intégration républicaine », dont l'ambition était de créer un parcours davantage individualisé et mieux relié à la politique de délivrance des titres. Ce contrat, qui constitue le socle du dispositif d'intégration des étrangers primo-arrivants, comprend notamment l'obligation, pour tous les signataires, de suivre une formation civique et, pour ceux dont le niveau de langue est inférieur à A1, une formation en langue française. Les prestations prévues dans le cadre de ce contrat sont mises en oeuvre par, ou sous le contrôle de l'Ofii.

Dans un objectif de convergence, le IV de l'article 67 de cette loi prévoit d'étendre l'application de ce dispositif à Mayotte à partir du 1 er janvier 2018. La loi de finances initiale pour 2018 27 ( * ) a repoussé l'entrée en vigueur de ce dispositif au 1 er janvier 2020.

B. LA MISE EN oeUVRE PROGRESSIVE DE LA FORMATION LINGUISTIQUE ET DU NIVEAU DE LANGUE FRANÇAISE À MAYOTTE

Le 15° de l'article L. 832-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que « la formation linguistique mentionnée [...] et le niveau relatif à la connaissance de la langue française [requis pour l'obtention d'une carte de résident] font l'objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, d'une mise en oeuvre progressive ».

Pour rappel, en matière linguistique, la poursuite du parcours doit permettre à l'étranger d'atteindre le niveau A2 du CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues) de connaissance du français. L'atteinte de ce niveau est, depuis mars 2018, une des conditions de délivrance de la carte de résident 28 ( * ) . L'étranger peut ensuite progresser vers le niveau B1 notamment, s'il souhaite obtenir la nationalité française.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit :

- un décalage de l'entrée en vigueur du contrat d'intégration républicaine à Mayotte du 1 er janvier 2020 au 1 er janvier 2022 ;

- un remplacement de la « mise en oeuvre progressive » prévue pour la formation linguistique et du niveau en langue requis dans le cadre du parcours d'intégration par la possibilité « d'adaptations au regard de la situation particulière du département de Mayotte » fixées par décret en Conseil d'État. En outre, le champ des adaptations susceptibles d'être apportées au contenu du contrat d'intégration républicaine (CIR) serait élargi, et pourrait porter non seulement sur les formations linguistiques et le niveau de français requis pour l'obtention de la carte de résident, comme c'est le cas actuellement, mais également sur la teneur des autres formations et actions, notamment la formation civique et l'orientation générale et professionnelle .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le Gouvernement estime que la mise en oeuvre au 1 er janvier 2020 du contrat d'intégration républicaine « apparaît encore prématurée eu égard aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte ».

Votre rapporteur spécial relève, en effet, que la situation mahoraise se caractérise par une pression migratoire importante et croissante, liée en particulier à la proximité des Comores et au différentiel de niveau de vie entre cet archipel et le département de Mayotte. À cet égard, ce département connaît une croissance exponentielle du nombre de personnes immigrées auxquelles est délivré un premier titre de séjour chaque année. Entre 2011 (1 317 premiers titres délivrés) et 2015 (6 119 premiers titres délivrés), cette croissance était de 483 %. Par ailleurs, le territoire se trouve dans une situation particulière au regard de la maîtrise du français. Le taux d'illettrisme en français est estimé à hauteur de 35 à 40 % de la population résidant à Mayotte. Un habitant sur trois parmi les 15 ans et plus n'a jamais été scolarisé (59 % pour ceux nés à l'étranger, 39 % pour ceux nés à Mayotte).

Votre rapporteur spécial s'oppose toutefois à l'octroi d'un nouveau délai. Il relève en effet que la mise en oeuvre du CIR a d'ores et déjà fait l'objet, en 2017, d'un report de 2018 à 2020. Le Gouvernement indiquait alors que des difficultés techniques ne permettaient pas d'envisager sa mise en oeuvre dans les délais, faute notamment de « prestataires locaux capables d'assurer les missions afférentes au déploiement du dispositif », comme la formation linguistique. Par ailleurs, « le calibrage des cours de français destinés aux étrangers à Mayotte [aurait nécessité] un travail important en lien avec l'administration locale ». Le Gouvernement indiquait en outre vouloir tirer profit des Assises des outre-mer, lancées en octobre 2017, pour mener ces consultations. Ce délai, d'ores et déjà excessif, aurait dû permettre au Gouvernement, de prendre les dispositions nécessaires.

Sur le fond, un tel décalage revient à exclure l'équivalent de 6 000 primo-arrivants par an du bénéfice du dispositif d'intégration. Ceci apparait malvenu, alors même que l'intégration de l'étranger conditionne l'acceptabilité sociale de l'immigration.

De même, la possibilité, prévue par le présent article, « d'adapter » le CIR à Mayotte, constitue un inacceptable aveu d'abandon de la République envers ce territoire, qui, plus que les autres, doit disposer d'un parcours d'intégration ambitieux.

De manière générale, votre rapporteur spécial tient à rappeler que les difficultés d'application du CIR à Mayotte proviennent avant tout de l'incapacité de l'État à réguler le flux migratoire. Cette incapacité, qui doit impérativement se résorber, ne doit en aucun cas se traduire par un abaissement des exigences en matière d'intégration.

Décision de la commission des finances : votre commission vous propose de supprimer cet article.


* 26 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 27 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 28 Dans cette optique, en 2018, le volume des forfaits de formation linguistique prescrits, qui passent respectivement à 100, 200 et 400 heures. Les stagiaires non-lecteurs, non-scripteurs bénéficieront d'un module de formation spécifique de 600 heures.

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