B. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE : UNE BAISSE DU NOMBRE DE PLACES EN CRA CRÉÉES ET UNE STAGNATION DES CRÉDITS D'ÉLOIGNEMENT

L'action 03 du programme 303 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière finance trois principaux postes :

- les dépenses de fonctionnement des centres et locaux de rétention administrative et zones d'attente ;

- les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière ;

- diverses subventions aux associations chargées du suivi sanitaire, social et juridique des étrangers retenus .

Elle voit ses crédits diminuer de 26,39 % en AE et de 9,98 % en CP. Cette diminution s'explique en partie par le niveau particulièrement élevé des crédits d'investissement prévus en 2019 afin de financer l''augmentation de places en CRA.

1. Une baisse des crédits d'investissement relatifs aux CRA, malgré un niveau d'occupation proche de la saturation

Le contexte migratoire requiert en effet une augmentation des placements en rétention. La loi pour une immigration contrôlée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a prévu en outre une augmentation de la durée légale de placement en rétention, qui est passée de 45 à 90 jours, entrainant également une augmentation des besoins. En 2019, 56,3 millions d'euros en AE et 39,23 millions d'euros étaient prévus afin de financer la construction de places de CRA supplémentaires. Cet effort est plus modéré en 2020, les crédits d'investissement demandés ne s'élevant qu'à 20,7 millions d'euros en CP.

Ainsi, entre début 2018 et le 1 er semestre 2019, la capacité d'accueil en rétention a été portée de 1 544 à 1 814 places, soit 271 places supplémentaires, soit 1 400 à 1 587 places en métropole (+ 187) et de 144 à 227 places en outre-mer (+ 83). Au 30 juin 2019, le parc des centres de rétention administrative (CRA) est constitué de 25 centres dont 21 en métropole et 4 en outre-mer. L'augmentation du nombre de places depuis 2017 est donc de 35 %.

Créations de places en CRA prévues en 2020

Coquelles

25

Lille

30

Total

55

Source : ministère de l'intérieur

Malgré ces créations de place, votre rapporteur spécial relève que le taux d'occupation des CRA de métropole est en constante augmentation depuis l'automne 2018, puisqu'il s'élève en moyenne à 86,7 % sur le premier semestre 2019 contre 78,8 % sur l'ensemble de l'année 2018 18 ( * ) . Si l'on mesure le seul taux d'occupation des zones réservées aux hommes isolés, qui représentent la grande majorité des places, celui-ci est passé de 89 % en 2018 à 92,3 % en moyenne sur le premier semestre 2019, correspondant en pratique à un fonctionnement à pleine capacité 19 ( * ) . Les créations de places sont donc bienvenues, mais apparaissent insuffisantes. Une poursuite de l'effort amorcé l'an dernier aurait été nécessaire afin d'atteindre un niveau de capacité conforme aux besoins.

Les crédits prévus pour le fonctionnement hôtelier des centres de rétention administrative (CRA) augmentent également, et s'élèveront à 41,15 millions d'euros en AE et 36,3 millions d'euros en CP (contre 35,6 millions d'euros en AE et en CP en 2019). Ces dépenses concernent le fonctionnement courant des 27 centres de rétention administrative (CRA) et des 4 locaux de rétention administrative (LRA), ainsi que la zone d'attente des personnes en instance (ZAPI) de Roissy. Elles regroupent l'ensemble des prestations (restauration, blanchisserie, maintenance préventive et curative des locaux, sécurité incendie) et des autres contrats nécessaires au fonctionnement des structures, y compris l'entretien immobilier des lieux de rétention.

Une stagnation des crédits affectés à l'éloignement des migrants en situation irrégulière, témoignant de l'absence de volonté du Gouvernement en la matière.

Les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière vont poursuivre leur stagnation à un niveau proche de 30 millions d'euros, comme c'est le cas depuis 4 ans, et s'élèveront à 32,84 millions d'euros en AE/CP. Ce volet porte sur l'organisation des procédures d'éloignement par voie aérienne et maritime des étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement dont la mise en oeuvre revient à la police aux frontières (PAF).

Évolution du nombre et des crédits affectés aux reconduites à la frontière

(1) Pour 2012, le nombre de reconduites à frontière comprend également les retours volontaires, qui ne sont plus comptabilisés à compter de 2013.

Source : commission des finances, d'après les projets annuels de performances

Ce maintien à un niveau dérisoire est d'autant plus préoccupant que le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui constituent la quasi-totalité des mesures d'éloignement prononcées 20 ( * ) , a lui aussi baissé ces dernières années (cf. supra ). Après avoir atteint 22 % en 2012, il a connu une forte baisse, ne dépassant plus les 15 % depuis 2016. Sur les six premiers mois de 2018, il s'élève à 12,6 %, ce qui constitue un niveau historiquement bas.

Évolution du nombre d'obligations de quitter le territoire français prononcées (OQTF), exécutées et de leur taux d'exécution

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur

De manière générale, le niveau particulièrement bas des crédits témoigne de l'absence de volonté du Gouvernement d'exécuter les mesures d'éloignement prononcées. Entre 2014 et 2019, les crédits affectés aux mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ont ainsi connu une progression de 37,5 %, alors que la demande d'asile a quasiment doublé (+ 92,5 %). Certes, ces deux chiffres ne peuvent être mis sur le même plan. Néanmoins, le taux d'admission s'élevant toujours à un niveau proche de 35 % sur la période, et le nombre de déboutés quittant le territoire suite à leur non-admission étant proche de 10 %, il serait normal que l'évolution de la demande d'asile et des crédits affectés à l'éloignement soient corrélés.


* 18 Les places réservées aux femmes isolées et aux adultes accompagnés de mineurs ont un taux d'occupation plus faible.

* 19 À la date du 1 er septembre 2019, 1 186 personnes étaient placées en rétention au sein des CRA de métropole (1 132 hommes, 44 femmes, 10 personnes en zone famille dont 8 majeurs et 2 mineurs) et 141 au sein des CRA d'outre-mer (92 hommes, 24 femmes et 25 personnes en zone famille dont 10 adultes et 15 enfants). De même, 1 213 personnes ont été placées en local de rétention administrative (LRA) dont 980 en métropole et 233 en outre-mer.

* 20 Les autres mesures sont les interdictions de territoire et les expulsions, qui connaissent des taux d'exécution bien supérieurs que les OQTF.

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