EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 78 decies (nouveau)
(Article L. 251 A du livre des procédures fiscales)

Extension des informations contenues dans le rapport du ministre chargé du budget sur la politique de remises et de transactions à titre gracieux
par l'administration fiscale

. Commentaire : le présent article étend les informations contenues dans le rapport sur la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l'administration fiscale aux règlements d'ensemble et aux conventions judiciaires d'intérêt public.

I. LE DROIT EXISTANT

Les informations qui doivent être contenues dans le rapport prévu à l'article L. 251 A du livre des procédures fiscales sur les remises et transactions à titre gracieux ont été précisées lors de l'examen de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. En effet, les informations doivent désormais mentionner « le nombre, le montant total, le montant médian et le montant moyen des remises accordées, répartis par type de remise accordée et par imposition concernée, pour les personnes morales et pour les personnes physiques ».

Ne sont cependant pas concernés par le rapport prévu à l'article L. 251 A du LPF les conventions judiciaires d'intérêt public et les règlements d'ensemble.

A. LES CONVENTIONS JUDICIAIRES D'INTÉRÊT PUBLIC

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », a créé, à l'article L. 41-1-2 du code de procédure pénale, la procédure de convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), qui permet au Procureur de la République et au justiciable mis en cause de solder leur litige par le biais d'une transaction homologuée par un juge.

Cette transaction implique le versement au Trésor public d'une amende d'intérêt public et la mise en oeuvre d'un plan de mise en conformité, sous l'égide de l'Agence française anticorruption.

Une telle transaction n'implique pas de reconnaissance de culpabilité mais la conclusion d'une CJIP est toujours rendue publique, avec un exposé des faits reprochés à la personne mise en cause et une indication du montant de l'amende versée.

La faculté de conclure une CJIP a été utilisée par le parquet national financier (PNF) dans des affaires de grande ampleur : les conventions conclues en 2017 et 2018 avec les banques HSBC et Société générale ont ainsi permis de recouvrer des amendes d'un montant, respectivement, de 300 millions et 250 millions d'euros. Plus récemment, la CJIP signée par Google le 3 septembre 2019 a représenté un demi-million d'euros 35 ( * ) .

L'article 25 de la loi relative à la lutte contre la fraude comprend une disposition introduite par un amendement du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui étend à l'ensemble des infractions fiscales, y compris celles n'ayant pas donné lieu à blanchiment, la possibilité de conclure une CIJP.

B. LES RÈGLEMENTS D'ENSEMBLE

La pratique du « règlement d'ensemble » permet à l'administration d'accorder au contribuable une minoration des droits dus et du montant des pénalités. Cette pratique est utilisée lors de redressements complexes, en matière de fiscalité internationale notamment. Elle vise à accélérer et à faciliter la conclusion des contrôles les plus complexes.

D'après le rapport annuel de la Cour des comptes de 2018 36 ( * ) , « cette pratique ne repose sur aucun fondement légal clairement établi ». Elle a été instituée par une note de la direction générale des impôts en date du 20 juin 2004 qui précise que « dans certaines situations, les services peuvent être conduits à conclure avec l'usager un accord global qui inclut une atténuation des droits. Cet accord ne constitue pas une transaction au sens de l'article L.247 du LPF mais un règlement d'ensemble du dossier. »

La Cour donne quelques exemples de cas complexes transmis par l'administration : évaluation du prix de cession ou estimation de la valeur d'une filiale au sein d'une holding, ou encore le règlement d'un point de droit nouveau et complexe lorsqu'il existe une incertitude forte pour l'administration et pour le contribuable sur l'issue d'un contentieux devant le juge de l'impôt. Cependant, cette procédure n'est pas assortie de garanties pour le contribuable et aucun suivi de ces transactions n'était assurée jusqu'en juillet dernier.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article est issu de l'adoption, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'un amendement de notre collègue Christine Pires Beaune, rapporteur spéciale de la mission « Remboursement et dégrèvements ».

Il prévoit d'insérer à l'article L. 251 A du livre des procédures fiscales, une obligation complémentaire d'informations concernant les règlements d'ensemble et les CJIP signées en matière fiscale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article permet d'obtenir un complément d'information bienvenu sur les règlements d'ensemble conclus par l'administration fiscale dans les contentieux complexes.

La remise d'un tel rapport suivrait donc sur ce point les recommandations de la Cour des comptes, qui mettait en cause l'opacité de la procédure. De plus, la nécessité d'informer le Parlement contraindrait l'administration à approfondir son suivi des règlements d'ensemble, dont le recensement n'a été mis en place que récemment par l'administration. Cette méthode est par ailleurs utilisée dans la résolution de grands contentieux fiscaux.

Cependant, concernant les conventions judiciaires d'intérêt public, la demande apparaît moins justifiée, les conventions doivent impérativement être rendues publiques sur le site de l'agence Française anticorruption (AFA) et celles-ci ne relèvent pas directement de l'administration fiscale mais du Procureur de la République et sont validées par le juge lors d'une audience publique. Dès lors il pourrait apparaître superflu de les inclure dans le champ du rapport. Cependant, le rapport pourrait permettre d'offrir une synthèse utile aux parlementaires sur les CJIP et la position de l'administration à leur endroit.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 78 undecies (nouveau)
(Article 104 de la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013
de finances pour 2014)

Remise d'un rapport semestriel sur l'état des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux ou non fiscaux

. Commentaire : le présent article prévoit la transmission aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de chacune des deux assemblées d'un rapport semestriel sur l'état des risques budgétaires supérieurs à 200 millions d'euros associés aux contentieux fiscaux ou non fiscaux en cours.

I. LE DROIT EXISTANT

Les contentieux fiscaux causent des dépassements importants sur les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Pour exemple, en 2018, les restitutions de sommes indûment perçues d'impôt sur les sociétés ont représenté près de quatre fois les montants estimés en loi de finances initiale pour la sous-action 13-02 . Ce dépassement a correspondu à un coût total de 3,23 milliards d'euros au lieu des 839 millions d'euros initialement prévus.

Ce surcroît de dépenses est d'autant plus inquiétant que le Gouvernement n'est pas en mesure d'apporter au Parlement les éléments d'information permettant de l'expliquer. La direction générale des finances publiques (DGFiP) ne précise en effet ni la nature des contentieux individuels relatifs à l'impôt sur les sociétés à l'origine de ce surcoût, ni les raisons de la hausse du nombre de contentieux sur l'impôt sur les sociétés .

Pour remédier à cette difficulté, la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2018, recommandait de mettre en place une analyse des causes des contentieux unitaires relatifs à l'IS portant sur des montants supérieurs à 50 millions d'euros .

Pour rappel, les principaux contentieux européens soldés à ce jour représentent des montants considérables pour nos finances publiques.

Les principaux contentieux européens

(en millions d'euros)

Type de contentieux

Montants

« OPCVM »

3 997,5

« Précompte mobilier »

2 261,4

« Steria »

793,7

« De Ruyter »

216,5

Taxe sur les dividendes

9 518,6

« Sofina »

115,7

Source : commission des finances du Sénat

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article est issu de l'adoption, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'un amendement de notre collègue Christine Pires Beaune, rapporteur spéciale de la mission « Remboursement et dégrèvements. »

Il prévoit la remise d'un rapport semestriel non public aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions permanentes chargées des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat présentant l'état des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux en cours.

Ce rapport devrait comprendre un grand nombre d'informations sensibles, soit l'ensemble des informations concernant les grands contentieux, avec l'évaluation des risques budgétaires associés. La transmission exclusivement aux rapporteurs généraux et aux présidents des commissions des finances des deux assemblées doit permettre de garantir le maintien de cette confidentialité.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article doit permettre aux parlementaires d'assurer le suivi des risques budgétaires associés aux grands contentieux, notamment fiscaux.

Il est en effet indispensable de permettre à la représentation nationale d'assurer un contrôle efficace des crédits retracés au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements » et votre rapporteur spécial considère qu'un tel rapport permettra en partie de pallier les manques dans l'information fournie aux parlementaires concernant les contentieux fiscaux.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 35 CJIP, signée avec Google le 3 septembre 2019.

* 36 Cour des comptes, rapport annuel 2018.

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