C. TIRER LES CONSÉQUENCES DE CE REPORT SUR LES CONSEILS COMMUNAUTAIRES

1. Plus de la moitié des conseils communautaires incomplètement renouvelés à l'issue du premier tour

Le report du second tour des élections municipales soulève également la question de la composition de l'organe délibérant et du bureau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre auxquels appartiennent la quasi-totalité des communes françaises, pendant la période qui s'écoulera jusqu'à ce second tour.

Aux termes de la loi, la première réunion du conseil communautaire, consacrée notamment à la désignation des membres du bureau, doit avoir lieu « au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l'élection des maires 22 ( * ) ». Si le second tour des élections municipales avait été maintenu le 22 mars et l'élection des maires des communes concernées la semaine suivante, la date butoir aurait été fixée au vendredi 24 avril. Dans l'intervalle, le président et les vice-présidents précédemment élus auraient été maintenus dans leurs fonctions, y compris dans le cas où ils n'auraient plus été membres du conseil 23 ( * ) .

Le report du second tour des élections municipales et communautaires bouleverse ce calendrier. Selon les informations fournies par le Gouvernement, 44 % seulement des conseils communautaires seraient au complet à l'issue du premier tour 24 ( * ) et pourraient donc tenir leur réunion d'installation et élire le bureau de l'établissement.

2. La solution proposée par le Gouvernement : un conseil communautaire hybride et un exécutif provisoire

Afin d'assurer la continuité du fonctionnement des 56 % d'EPCI à fiscalité propre restants jusqu'à ce second tour, le projet de loi prévoit qu'ils soient administrés par un conseil « hybride », composé de conseillers nouvellement élus ou non. Plus précisément :

1° dans les communes de 1 000 habitants et plus, dont les conseillers communautaires sont élus par « fléchage » au suffrage universel direct et au scrutin de liste en même temps que les conseillers municipaux, deux cas de figure se présentent :

• soit les conseillers communautaires ont été élus dès le premier tour, auquel cas il faut considérer que leur mandat a commencé depuis la proclamation de leur élection, ce que le projet de loi conforme en prévoyant qu'ils entrent en fonctions immédiatement ;

• soit un second tour est nécessaire : dans ce cas, le projet de loi prévoit que les conseillers communautaires en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu'au second tour ;

2° dans les communes de moins de 1 000 habitants, dont les conseillers communautaires sont les conseillers municipaux désignés dans l'ordre du tableau, plusieurs cas de figure se présentent également 25 ( * ) :

• soit le conseil municipal a été intégralement constitué à l'issue du premier tour et peut donc procéder à l'élection du maire et des adjoints, arrêter ainsi l'ordre du tableau et désigner de ce fait les conseillers communautaires ;

• soit le conseil municipal n'est pas intégralement constitué à l'issue du premier tour, de sorte qu'il ne peut en principe ni être installé ni établir l'ordre du tableau et la liste des conseillers communautaires. Toutefois, le projet de loi opère ici un distinguo entre :

- les communes où au moins la moitié des sièges au conseil municipal ont été pourvus à l'issue du premier tour, dont le nouveau conseil municipal pourrait être installé dans cet effectif réduit et procéder, à titre transitoire, à l'élection d'un maire et des adjoints ;

- et celles où moins de la moitié des sièges au conseil municipal ont été pourvus, auquel cas le mandat des conseillers municipaux et communautaires en exercice à la date du premier tour serait prorogé jusqu'au second tour 26 ( * ) .

S'agissant des communes de toute taille dont les conseillers communautaires en exercice à la date du premier tour verraient leur mandat prorogé, le projet de loi pourvoit au cas où le nombre de sièges attribués à la commune a évolué entre l'ancienne composition du conseil communautaire et la nouvelle (c'est-à-dire celle applicable à compter du renouvellement général des conseils municipaux de 2020). Dans une telle configuration, il est prévu de reproduire les règles applicables en cas de création ou de modification du périmètre d'un EPCI à fiscalité propre entre deux renouvellements généraux :

- si le nombre de sièges attribués à la commune a augmenté, les conseillers communautaires « sortants » ne suffisant pas à assurer sa représentation, le conseil municipal devrait élire en son sein un ou plusieurs conseillers communautaires supplémentaires ;

- si le nombre de sièges attribués à la commune a diminué, le conseil municipal devrait opérer un choix entre les conseillers communautaires « sortants ».

Quant au bureau de l'EPCI à fiscalité propre, un président et des vice-présidents seraient élus à titre provisoire, lors d'une réunion devant avoir lieu au plus tard le cinquième vendredi suivant l'entrée en vigueur de la loi. L'élection définitive du président et des vice-présidents aurait lieu une fois le conseil communautaire intégralement renouvelé, au plus tard le troisième vendredi suivant le second tour de scrutin, c'est-à-dire dans un délai légèrement réduit par rapport au droit commun.

3. La position de la commission : gérer la transition en limitant le nombre des réunions obligatoires
a) Maintenir en fonctions l'ancien exécutif lorsque le conseil communautaire n'a pas été intégralement renouvelé

La solution proposée par le Gouvernement, juridiquement solide, n'en présente pas moins de lourds inconvénients.

Le caractère hybride de la composition du conseil communautaire de certains EPCI à fiscalité propre pendant une période transitoire peut difficilement être évité, car il est nécessaire de prendre en compte l'élection acquise de certains conseillers communautaires, et de proroger le mandat de ceux des autres communes.

En revanche, il est malvenu que ces conseils communautaires aient à désigner dans les prochaines semaines un président et des vice-présidents provisoires. D'une part, il est loin d'être certain que le contexte sanitaire permettra, pendant cette période, de réunir les conseils en toute sécurité pour procéder à l'élection. N'oublions pas que certains conseils communautaires comptent plus d'une centaine de membres et se réunissent dans des salles exiguës. D'autre part, il serait étrange que des conseillers puissent être élus aux fonctions exécutives, même à titre transitoire, par une assemblée dont la composition hybride serait elle-même provisoire.

Sur proposition de son rapporteur, la commission a donc adopté un amendement COM-6 rectifié qui prévoit que le président et les vice-présidents en exercice à la date du premier tour sont maintenus dans leurs fonctions s'ils conservent le mandat de conseiller communautaire , leurs indemnités restant inchangées. Dans le cas contraire, le président serait remplacé par l'un des vice-présidents dans l'ordre de leur nomination ou, à défaut, par le conseiller communautaire le plus âgé ; les vice-présidents ne seraient pas remplacés. L'amendement institue également une règle de remplacement provisoire du président en cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, en s'inspirant des dispositions actuellement applicables aux maires.

Une fois le conseil communautaire intégralement renouvelé à l'issue du second tour, il procèderait à l'élection du président et des vice-présidents au plus tard le troisième vendredi suivant le second tour de scrutin.

b) Régler par la loi les difficultés provoquées par la variation du nombre de conseillers communautaires d'une commune, au lieu d'imposer la réunion du conseil municipal

Par ailleurs, en ce qui concerne les communes dont les conseillers communautaires « sortants » verraient leur mandat prorogé jusqu'au second tour, et dans le cas où le nombre de sièges attribués à la commune aurait évolué entre l'ancienne et la nouvelle composition du conseil communautaire, il serait très inopportun que le conseil municipal soit dans l'obligation de se réunir pour élire des conseillers communautaires supplémentaires ou choisir parmi les « sortants ». Par le même amendement COM-6 rectifié, la commission a donc décidé que ces cas seraient réglés directement par la loi :

- les éventuels conseillers communautaires supplémentaires seraient désignés de plein droit parmi les conseillers municipaux qui n'exerçaient pas le mandat de conseiller communautaire, dans l'ordre du tableau du conseil municipal ;

- l'éventuelle sélection parmi les « sortants » s'opérerait également en fonction de leur rang au tableau du conseil municipal ;

- que tout conseiller communautaire désigné en application des dispositions précédentes serait remplacé, le cas échéant, par un autre conseiller municipal de la commune, pris dans l'ordre du tableau.

c) Autoriser le report de la réunion d'installation des conseils communautaires intégralement renouvelés

Quant aux EPCI à fiscalité propre dont le conseil communautaire est déjà ou sera bientôt intégralement renouvelé , à l'issue du premier tour des élections municipales et communautaires et de l'élection subséquente du maire et des adjoints, la commission a jugé utile, pour les mêmes raisons, de les dispenser de l'obligation de tenir leur première réunion au plus tard le vendredi de la quatrième semaine suivant l'élection des maires. Aux termes de l' amendement COM-7 du rapporteur, ils devraient se réunir dès que la situation sanitaire le permettrait et au plus tard à une date fixée par décret . Dans l'intervalle, le président et les vice-présidents en exercice à la date du premier tour resteraient en fonctions , conformément au droit commun, y compris dans le cas où ils ne seraient plus membres du conseil communautaire.


* 22 Article L. 5211-6 du même code.

* 23 Article L. 2122-15 du même code, applicable aux EPCI en application de l'article L. 5211-2 dudit code. En revanche, aucune disposition légale ne prévoit le remplacement du président en cas d'empêchement, contrairement au maire.

* 24 Selon toute vraisemblance, bien que ce point n'ait pas été confirmé au rapporteur, il faut comprendre dans ce chiffre les conseils communautaires comprenant des communes de moins de 1 000 habitants dont les conseillers communautaires ne seront désignés que par l'élection du maire et des adjoints, à la fin de cette semaine.

* 25 Après le maire, prennent rang, dans l'ordre du tableau, les adjoints puis les autres conseillers municipaux dans l'ordre défini à l'article L. 2121-1 du code général des collectivités territoriales.

* 26 Voir ci-dessus.

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