C. UN TEXTE « VIRTUEL » : LES DIFFICULTÉS INDUITES PAR LA MÉTHODE EMPLOYÉE PAR LE GOUVERNEMENT

Dans sa version initiale, le projet de loi organique entrait en contradiction avec la décision prise par le Gouvernement de convoquer les électeurs pour le second tour des élections municipales le 28 juin prochain .

Cette décision s'est appuyée sur les avis du comité de scientifiques, qui a émis plusieurs recommandations pour assurer la sécurité sanitaire du scrutin.

Si les élections municipales ne sont pas reportées, le corps électoral de 172 sénateurs élus sur territoire national pourra être renouvelé en temps utile pour maintenir les élections sénatoriales de septembre 2020 . Les délégués des conseils municipaux pourront ainsi être désignés six semaines avant le scrutin, comme le prévoit l'article L. 283 du code électoral.

Dans l'attente, le Parlement était donc appelé à statuer sur un texte « virtuel », inscrit à l'ordre du jour prioritaire du Gouvernement et construit à partir d'hypothèses de moins en moins crédibles .

Une telle situation reste inédite dans l'histoire parlementaire .

Seule la loi du 19 janvier 2019 10 ( * ) peut constituer un précédent approchant, quoique non identique : elle permettait de tirer les conséquences d'un Brexit sans accord, alors que les négociations se poursuivaient entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Il s'agissait toutefois d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour s'adapter, dans l'urgence, à l'évolution de négociations internationales aux résultats incertains.

Or, la situation est tout autre aujourd'hui, car la méthode retenue par le Gouvernement ne se justifie par aucune contrainte calendaire réelle .

Conformément à l'article 46 de la Constitution, la procédure accélérée ne présente qu'une seule contrainte pour l'exécutif : il doit déposer son projet de loi organique au moins quinze jours avant l'examen en séance dans la première assemblée saisie.

En l'espèce, il était donc tout à fait possible pour le Gouvernement de déposer un texte à la fin du mois de mai et de ne demander son inscription à l'ordre du jour du Parlement qu'à la mi-juin, dans l'hypothèse où le second tour des élections municipales serait effectivement annulé.

Ce calendrier aurait permis au Conseil d'État de se prononcer en toute connaissance de cause et au Parlement de statuer au regard d'une situation de fait avérée .


* 10 Loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

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