D. DES PERSPECTIVES QUI DEMEURENT LIÉES À L'ACCEPTATION SOCIALE DES SCENARIOS SUR LESQUELS ELLES REPOSENT

Les projections des régimes reposent sur des scenarios économiques et démographiques.

Sur ce dernier point, les projections anticipent, à législation constante, un âge de départ en retraite supérieur à 64 ans, avec des effets volumes favorables pour l'équilibre des régimes mais plus équivoques une fois prises en compte les revalorisations des bases liquidatives que suppose, du moins pour les personnes en emploi, l'allongement des carrières professionnelles.

L'espérance de vie devrait gagner 4 ans entre la génération 1960 et la génération 2000, prolongeant un rythme affaibli d'amélioration.

Toutefois, l'espérance de vie en bonne santé stagne à un bas niveau.

Données sur l'espérance de vie et l'espérance de vie sans incapacité

Source : « Etudes et résultats », DREES, n° 1046, janvier 2018

Du point de vue économique, à législation constante, une des clefs de compréhension de l'équilibre du régime réside dans la perspective d'une baisse constante des taux de remplacement offerts par les pensions ainsi que des taux de rendement des contributions.

Au-delà des lourdes incertitudes sur l'impact de modifications démographiques pouvant toucher les différents âges de la vie (entrée sur le marché du travail, mortalité, espérance de vie en bonne santé, effets de la natalité), il reste à évaluer la soutenabilité d'un système de base de pensions qui offre une perspective de réduction du niveau de vie relatif des retraités par rapport à la situation actuelle.

Dans les scenarios portant sur l'ensemble du système de retraite , la pension nette moyenne relative au revenu moyen d'activité se réduit. Cette évolution est une condition majeure pour l'équilibre financier du système de retraite.

C'est logiquement dans le scénario de croissance économique la plus forte que la pension moyenne relative au revenu d'activité moyen serait la plus faible à législation constante.

Pension nette moyenne par rapport au revenu d'activité net moyen

Source : rapport du COR Juin 2018

D'un peu plus de 60 % du revenu moyen d'activité, la pension moyenne passerait à 40 % dans ce scenario (50 % dans le scenario de plus faible croissance économique).

Pour autant, la valeur de la pension moyenne serait croissante dans tous les scenarios.

Pension nette moyenne en euros constants de 2017

Source : rapport du COR Juin 2018

Logiquement, la croissance de la valeur de la pension serait la plus forte dans le scenario de croissance économique le plus dynamique. Elle atteindrait plus de 50 % entre l'année de départ et 2070.

Le niveau de vie absolu assuré par la pension moyenne augmenterait donc, mais le niveau de vie relatif des retraités chuterait.

Niveau de vie des retraités rapporté
à celui de l'ensemble de la population

Source : rapport du COR Juin 2018

À législation constante, il perdrait plus de 25 points à l'horizon de la projection, sous l'hypothèse d'un maintien des autres revenus des retraités dans le PIB. Cette dernière hypothèse peut évidemment être discutée dans la mesure où le décrochage du revenu des retraités par rapport à celui des personnes en activité peut s'accompagner d'un renforcement du patrimoine des actifs plus important que pour celui des retraités (une partie de ce différentiel se retrouvant toutefois dans les revenus des retraités à mesure que les actifs partent en retraite).

Dans cette configuration, les taux de remplacement assurés par les retraites se replieraient nettement.

La situation actuelle est caractérisée par un taux de remplacement plus fort dans le régime général que dans la fonction publique d'État.

Le taux de remplacement offert par sa pension à un salarié non cadre sur son cycle de vie par rapport à son salaire moyen de carrière est de près de 75 % (génération 1950). Pour un fonctionnaire de catégorie B appartenant à la catégorie sédentaire (même génération), qui offre un cas-type théoriquement proche de celui du salarié non cadre, le taux de remplacement n'est actuellement que de 62 %. L'écart est considérable (12 points).

Pour ces deux salariés, les projections construites par le COR ouvrent la perspective d'une forte réduction des taux de remplacement appréciés sur le cycle de vie, évolution dont rend compte la baisse des taux de remplacement par génération.

Pour le salarié non cadre du privé, la diminution du taux de remplacement de la génération 1950 à la génération 1980 (elle prendra sa retraite vers 2044) est en moyenne de 7 points, le taux de remplacement se repliant plus encore avec application du coefficient de solidarité prévu dans l'accord sur les régimes complémentaires (une dizaine de points de moins en moyenne).

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un salarié non cadre y compris coefficient de solidarité ARRCO (graphique de gauche) ou hors coefficient de solidarité ARRCO (graphique de droite)

Source : rapport du COR Juin 2019

Ce dernier mécanisme ne joue pas dans la fonction publique, dans laquelle les projections du COR ouvrent la perspective d'une légère amélioration du taux de remplacement entre la génération 1950 et les générations postérieures (de l'ordre de +3 points).

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un fonctionnaire sédentaire de catégorie B

Source : rapport du COR Juin 2019

Cependant, cette perspective suppose une rupture par rapport à la tendance suivie par la politique salariale de l'État, qui du fait du quasi-gel de la valeur du point d'indice et de mesures catégorielles passant prioritairement par l'attribution d'indemnités, conduit à une déformation de la structure des rémunérations, de plus en plus composée de primes (non prises en compte lors de la liquidation des pensions, du moins à ce jour).

Ainsi, dans une projection plus tendancielle, le taux de remplacement d'un fonctionnaire de catégorie B sédentaire se réduirait fortement pour se rapprocher en fin de période de projection pour la génération née en 2000 de 50 % seulement (contre 65 % dans le régime général).

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un fonctionnaire sédentaire de catégorie B

Source : COR, rapport 2019

Sur fond de décrochage des conditions de liquidation des pensions de la croissance économique, ces projections ne font qu'illustrer l'ampleur plus forte qu'elle prend dans la fonction publique d'État.

Ce constat paradoxal au vu de conditions théoriques de liquidation plus favorables est la résultante des conditions pratiques de conduite de la politique salariale dans la fonction publique.

L'étude d'impact associée aux projets de loi instaurant un système de retraite universel comporte quelques simulations sur cas-types, des perspectives de taux de remplacement à l'issue de la réforme.

Elles mettent en évidence un effet quasi-systématiquement favorable, dont l'ampleur dépend toutefois de l'âge de liquidation, suggérant que le poids des dépenses de retraite des fonctionnaires dans la PIB sortirait alourdi de la réforme.

Ces simulations présentent la faiblesse majeure de ne pas exposer leurs hypothèses avec précision, mais également celle de ne pas couvrir l'ensemble des situations, les cadres supérieurs de la fonction publique et les actifs n'étant pas inclus dans la liste des cas-types.

C'est pour cette raison que la rapporteure spéciale a interrogé les ministres concernés sur « les questions particulières posées par la mise en oeuvre d'un régime en points pour les fonctionnaires disposant d'un taux de prime comparativement faible, en demandant de faire ressortir la réduction du taux de remplacement offert à ces fonctionnaires et de faire une note spécifique sur la situation des personnels de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur » Elle souhaitait encore que lui soient indiquées les pertes de droit prévisibles et que soient justifiées les mesures annoncées (en les précisant) pour y remédier en estimant leur impact individuel et leur impact sur le budget de l'État ».

La réponse transmise à la rapporteure spéciale est exposée littéralement ci-dessous :

« Le projet de loi instituant un système universel de retraite prévoyait l'harmonisation des efforts contributifs de tous les régimes, avec des cotisations assises sur l'ensemble de la rémunération. Dans ce cadre, l'assiette de cotisation des fonctionnaires devait être élargie aux primes. Dès lors que pour une même rémunération indiciaire, les niveaux de primes sont différents et partant les rémunérations totales, la mise en oeuvre d'un système fondé sur un principe d'équité contributive (« un euro cotisé rapporte la même chose ») conduit mécaniquement à des pensions différenciées pour les différentes populations de fonctionnaires. L'un des enjeux des périodes transitoires en discussion au moment de la suspension de la réforme était justement d'atténuer pour les populations disposant d'un taux de prime comparativement faible les impacts liés au changement de système de retraite.

Depuis, lors de son discours de politique générale du 15 juillet 2020 puis à l'occasion de la Conférence du dialogue social du 17 juillet 2020, le Premier Ministre a proposé aux partenaires sociaux comme aux parlementaires que la concertation relative au projet de loi instaurant un système universel de retraite reprenne « afin d'améliorer le contenu comme la lisibilité » de la réforme des retraites. Dans l'attente de cette concertation et des arbitrages qui seront retenus, aucun élément nouveau n'est disponible ».

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