Rapport général n° 138 (2020-2021) de Mme Sylvie VERMEILLET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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N° 138

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 25

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS

Rapporteure spéciale : Mme Sylvie VERMEILLET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Régimes sociaux et de retraite

Observation n° 1 : La mission « Régime sociaux et de retraite » couvre tout ou partie des besoins de financement de régimes spéciaux de retraite qui diffèrent chacun par leurs spécificités. Certains régimes sont propres à une entreprise (SNCF, RATP), la plupart englobent un secteur économique (mines, marins). Certains régimes sont « fermés », leurs équilibres étant alors déterminés par le rythme d'extinction des droits, la plupart sont des régimes ouverts, mais, du fait de l'étroitesse de leur champ, ils subissent une dégradation de leurs conditions démographiques, le déséquilibre entre les cotisants et les prestataires tendant à s'accentuer.

Les règles des régimes ne suivent pas un modèle commun. Cependant, elles tendent à réserver des dispositions dérogatoires aux affiliés des régimes spéciaux par rapport à celles des autres régimes de retraite, même si une banalisation est intervenue ces dernières années. Les charges supportées par les régimes spéciaux portent encore la trace des engagements pris sous l'empire du droit préexistant à l'alignement encore partiel des règles des régimes spéciaux sur le droit commun.

Enfin, la diversité des régimes spéciaux concerne également leur généalogie. Certains d'entre eux ont répondu à des volontés identitaires fortes, reflétant une forme d'héritage culturel (SNCF, RATP, agriculteurs...), d'autres tout en n'étant pas exempts de ce substrat, ont été par ailleurs marqués par les crises économiques des secteurs concernés : marins, mines, routiers. Tous peuvent se réclamer de singularités accusées des conditions de travail d'une part plus ou moins importante des affiliés, qui justifient dans d'autres régimes l'application de dispositifs correcteurs, rompant avec un principe d'uniformité des rendements contributifs qui représenterait un bouleversement de l'économie du système de retraite et un défi pour les régimes spéciaux, qui seraient appelés à disparaître. La rapporteure spéciale observe toutefois qu'en réponse à toutes ses questions sur l'impact des projets de loi adoptés par l'Assemblée nationale pour réformer le système des retraites, il a été répondu qu'aucune précision ne pouvait lui être fournie, le Premier ministre ayant annoncé une nouvelle concertation, dont il y a lieu de se demander sur quelles informations elle pourra s'appuyer.

Observation n° 2 : Les crédits demandés, qui s'élèvent à 6,153 milliards d'euros pour 2021, sont en baisse minime (- 74,2 millions d'euros). Les subventions aux régimes fermés diminuent (- 54 millions d'euros dont - 52 millions d'euros pour le régime minier) tandis que les subventions prévues pour les régimes de la SNCF, de la RATP et des marins baissent de 34,4 millions d'euros. En revanche, un accroissement de charges est prévu du fait du régime de fin d'activité des conducteurs routiers (ceux employés par des entreprises de transport de marchandises). Les évolutions anticipées peuvent être considérées comme assez décevantes, compte tenu du contexte d'amplification des impacts des réformes des régimes spéciaux et de la hausse des taux de contribution des affiliés. Mais, il faut tenir compte de la revalorisation des pensions.

Observation n° 3 : La programmation budgétaire est soumise à de très forts aléas qui portent tant sur l'exercice en cours que sur l'année 2021. Du côté de ceux liés à la situation sanitaire, l'essentiel provient à ce stade des pertes de recettes (la surmortalité n'ayant qu'un assez faible impact et les pertes de droits résultant du freinage des salaires ne devant se matérialiser qu'avec retard), qui ne sont pas réellement provisionnées. Elles concernent les régimes ouverts. Pour la SNCF et la RATP, les enjeux liés à la période du confinement sont de l'ordre de 100 millions d'euros pour 2020 mais ils pourraient aller au-delà et se prolonger en 2021. Le régime des marins devrait également perdre des cotisations. D'autres incertitudes doivent être signalées : l'impact du Brexit sur ce dernier régime, l'issue donnée à la négociation relative au partage des cotisations des nouveaux embauchés de la SNCF entre leurs régimes d'accueil et le régime spécial de l'entreprise ferroviaire.

Observation n° 4 : À ces aléas « accidentels » s'en ajoutent d'autres plus usuels. La conjonction de l'entrée en vigueur du relèvement de l'âge de départ en retraite (2017), de l'augmentation de la durée d'affiliation conditionnant le taux plein (depuis 2019) et des perspectives d'instauration d'un régime universel de retraite crée une zone de flexibilité des comportements de départ en retraite, qui réduit la visibilité des gestionnaires. Dans ces conditions, l'hypothèse d'une réduction des flux de nouveaux pensionnés qui modère les dépenses en diminuant le stock des pensions (excepté pour la RATP) doit être considérée comme fragile. Une accélération des nouvelles liquidations conduirait à une progression des charges d'autant plus marquée que les pensions nouvellement liquidées sont significativement supérieures aux pensions en stock.

Observation n° 5 : La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques n'a pas été actualisée. Elle a été respectée pour la période 2018 à 2020. Cependant, l'essentiel est bien que, malgré des revalorisations de pension inférieures à celles envisagées, cette dernière est tout juste mise en oeuvre, cette tension étant le résultat d'une population de pensionnés un peu plus élevée que prévu et de recettes de cotisations et hors cotisations plus faibles qu'anticipé. Toute programmation des crédits de la mission repose sur des hypothèses dont la concrétisation échappe en partie au pilotage des gestionnaires.

Observation n° 6 : Comme les autres organismes de sécurité sociale, les caisses de retraite des régimes spéciaux sont incitées à participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Dans le cadre de conventions d'objectifs et de gestion (COG), les caisses se sont vues prescrire des économies de gestion différenciées. La Caisse de la SNCF doit, en application de la COG 2018-2021, réduire de 15 % ses dépenses avec une diminution des effectifs de 2 % par an. Cette COG n'est pas respectée en 2021, année au cours de laquelle les coûts de gestion augmenteraient à 26 millions d'euros. La caisse est censée participer à l'abondement de la trésorerie de la Caisse nationale d'assurance maladie du fait de l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour un montant de 176 millions d'euros versés à l'ACOSS, ce qui ne va pas sans susciter une certaine perplexité. La superposition de centres de gestion est sous-optimale. Les préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR) suivies par les projets de loi instaurant un système universel de retraite ne permettent pas de dessiner avec précision l'avenir de l'architecture organisationnelle des caisses, la création d'une caisse nationale de retraite universelle appelant des articulations nouvelles encore peu documentées.

Observation n° 7 : L'an dernier, la revalorisation différenciée des pensions (0,3 % au-delà de 2 000 euros ; 1 % pour les autres pensions), d'autant qu'elle se cumulait avec l'introduction d'un taux médian de contribution sociale généralisée sur les revenus de remplacement, conduisait à moduler le taux de rendement des contributions des retraités, dérogeant en cela aux orientations de la réforme des retraites. En 2021, une revalorisation uniforme des pensions serait appliquée au taux de 0,4 %, pour un supplément de charges de pensions de l'ordre de 40 millions d'euros. Compte tenu d'une prévision d'inflation de 0,6 %, évidemment très incertaine, l'économie procurée à la mission pourrait avoisiner 20 millions d'euros.

Observation n° 8 : Les subventions versées par l'État représentent 67 % des ressources des régimes spéciaux financés par la présente mission, une part considérable, qui demeure stable depuis 2015. Même si le ratio démographique des régimes spéciaux est nettement plus faible que dans les autres régimes (0,63 à la SNCF, 0,85 à la RATP contre près de 1,3 dans le régime général et 1,7 tous régimes), les règles spécifiques aux régimes spéciaux, qui ont largement contribué à cette situation, jouent un rôle important dans les déséquilibres financiers que l'État est appelé à combler. Selon une estimation de la Cour des comptes publiée en 2019, la subvention versée à la caisse de la SNCF serait due pour 570 millions d'euros à des avantages spécifiques, tandis que pour la RATP, où la surcotisation prévue pour financer ces derniers n'a pas été mise en oeuvre jusqu'à présent, elle couvrirait 400 millions d'euros d'avantages particuliers liés au statut, notamment les départs précoces. Les perspectives de renforcement de l'alignement des régimes spéciaux sur les règles communes inscrites dans la législation actuelle, mais surtout, l'extinction acquise du régime de la SNCF, devraient à très long terme réduire cette contribution, tout en renforçant les effets du déséquilibre démographique. Sans être négligeable, l'impact financier du projet de réforme des retraites en ce qui concerne les régimes spéciaux couverts par la mission doit être considéré comme plutôt mineur, l'essentiel des enjeux étant liés à une application juste du principe d'équité.

Observation n° 9 : Les âges de départ à la retraite dans les régimes spéciaux sont systématiquement supérieurs aux âges d'ouverture des droits, qui, légalement, sont plus précoces que dans le régime général ou dans les régimes de la fonction publique (hors agents des catégories actives). Les mesures de convergence, en particulier l'application progressive à compter de juillet 2019 de la plupart des mesures d'âge des réformes des retraites, devraient aboutir à réduire progressivement un écart qui s'est déjà, plus ou moins, atténué ces dernières années, constituant à terme un puissant facteur de rééquilibrage financier des régimes spéciaux financés par la mission, que ce soit en diminuant le nombre des retraités ou en abaissant le niveau des pensions servies. Il n'en reste pas moins que la durée de service d'une pension est en moyenne nettement plus élevée dans les régimes spéciaux, du fait de la situation particulière réservée à certains personnels, que pour l'ensemble de la population. Sous bénéfice d'un inventaire que la documentation budgétaire devrait entreprendre, les rapports entre durée de carrière et durée de service de la retraite ressortent alors comme plus favorables (mais, au total, légèrement) dans les régimes spéciaux. Si jusqu'à présent cette situation ne s'est accompagnée que de sacrifices modérés du niveau des pensions, elle est appelée à en exiger de plus en plus, en raison de la décote.

Observation n° 10 : Il faut toutefois remarquer que les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, qui retiennent globalement des règles de liquidation identiques à celles des régimes de la fonction publique, offrent une dynamique des pensions nouvelles plus forte que dans ces derniers régimes puisque les salaires sont assez loin d'être aussi contraints que dans la fonction publique. Cette situation vient d'ailleurs contrebalancer la légère réduction du volume des pensions en 2021.

Observation n° 11 : Soutenant la perspective d'une diminution tendancielle du montant des subventions nécessaires pour équilibrer les régimes spéciaux, le besoin de financement des régimes financés par la mission est estimé entre 129,7 milliards d'euros et 188,7 milliards d'euros à l'horizon 2050 selon le taux d'actualisation. Au-delà, le besoin de financement se creuserait mais moyennant des annuités divisées par deux. La création d'un nouveau régime fermé à la SNCF a creusé transitoirement le besoin de financement mais il réduit progressivement les engagements financiers de l'État.

Compte d'affectation spéciale « Pensions »

Observation n° 1 : Après une augmentation entre 1990 et 2012 résultant d'une combinaison de facteurs, en particulier des gains salariaux des agents publics et de l'augmentation du volume des pensionnés, les dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État tendent à ralentir sous l'effet d'une diminution des flux de pensionnés et du freinage de l'augmentation de la valeur unitaire des nouvelles pensions. Celui-ci est tel que la base de liquidation moyenne des pensions subit un décrochage par rapport à l'inflation observée ces dernières années. Entre 2017 et 2018, la valeur de liquidation des pensions a même baissé en valeur absolue, les effets de la politique salariale de l'État étant amplifiés par un durcissement des conditions de la décote, qui joue tout particulièrement pour les catégories actives de la fonction publique.

Observation n° 2 : En 2021, les dépenses de pensions progresseraient sur un rythme nettement ralenti par rapport à la tendance longue des pensions (1,2 % contre 4,1 % en moyenne au cours de la période 1990-2017), l'impact des dispositions prises par le Gouvernement en matière de revalorisation des pensions en 2021 (+ 0,4 % contre + 0,5 % au total en 2020) se soldant par des économies substantielles par rapport à une situation de revalorisation basée sur l'inflation prévue. La valeur unitaire des pensions nouvellement liquidées varie d'une année sur l'autre en plus ou en moins mais dans des proportions étroites, malgré une tendance à la hausse de l'indice moyen à la liquidation. Les taux de liquidation évoluent très modérément surtout lorsqu'on tient compte de l'impact des mécanismes de décote-surcote. La décote atteint un nombre stabilisé de liquidants mais ses implications sont de plus en plus sensibles.

Observation n° 3 : La situation actuelle n'exerce aucun effet sur les équilibres du compte d'affectation spéciale (une réduction des dépenses de pension de 49 millions d'euros est cependant attendue du fait de la surmortalité) mais elle se traduit par une légère augmentation du poids des dépenses de pensions des régimes de la fonction publique d'État dans le PIB, qui passerait de 2,4 à 2,7 points de PIB en 2020 pour refluer vers son niveau de 2019 sous réserve de la réalisation du scenario macroéconomique du Gouvernement. Dans la mesure où le système de contributions au CAS suppose l'équilibre permanent de celui-ci et puisque la masse salariale servant d'assiette n'est à court terme pas influencée par la situation, le solde n'est pas impacté. Cependant, à plus long terme, la crise économique, et celle annoncée des finances publiques, paraît rendre encore plus incertaine quelle n'est déjà l'hypothèse posée par le Conseil d'orientation des retraites d'une progression des rémunérations indiciaires.

Observation n° 4 : Le ralentissement de l'augmentation des dépenses du CAS, qui est le résultat des réformes passées (voir infra ) est renforcé par la politique salariale de l'État. L'absence de revalorisation du point d'indice induit un décrochage entre la base de liquidation des pensions et l'inflation qui, sans être équivalente à une absence de revalorisation des bases liquidatives, concourt à en freiner l'ampleur. Celle-ci tend à être déterminée par la seule progression des carrières qui suscite un effet de noria déterminant une augmentation de la valeur de la pension en stock. Ces dynamiques, très freinées ces dernières années, varient selon les affiliés. Compte tenu des conditions de liquidation des pensions, il en résulte une ouverture de l'éventail des valeurs liquidatives nettement plus forte que ce qui serait constaté avec une politique salariale de l'État reposant davantage sur des revalorisations générales.

Observation n° 5 : Une dépense nette des prélèvements opérés par l'État sur les pensions versées et leur consommation devrait être calculée pour mieux rendre compte des transferts entre l'État et ses retraités. Par rapport aux estimations passées, les constats rendus possibles par le passage au prélèvement à la source laissent supposer un prélèvement plus élevé au titre de l'impôt sur le revenu acquitté à partir des pensions servies par le Service des retraites de l'État. Au total, le cumul des prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu et de la CSG laisse supposer un total de « retour » fiscaux de 7,9 milliards d'euros, correspondant à 13,4 % des contributions employeurs versées pour financer les pensions civiles et militaires de l'État.

Observation n° 6 : Les ressources du CAS seraient en légère baisse, les cotisations sociales n'augmentant que très peu. Les contributions totales de l'État et de ses opérateurs au programme 741 du CAS « Pensions » s'élèvent à 49,7 milliards d'euros en 2021 (+ 0,13 % par rapport à 2020). Les contributions employeurs freinées par la réduction des cotisations en provenance des anciens monopoles (France Télécom et La Poste) sont prélevées à taux inchangés. En l'absence de revalorisation du point d'indice, seul joue l'effet GVT et, plus modérément, la poursuite du déroulement du PPCR. L'évolution des emplois est défavorable notamment du fait de la déformation de la structure d'emplois mobilisée par l'État qui recourt de plus en plus à des contractuels. Le poids des contractuels hors champ des régimes de retraite des fonctionnaires s'est renforcé de plus de 4,7 points en quelques années, passant à 17,8 % en 2018. Les recettes tirées des cotisations salariales sont atones dans un contexte où les taux de cotisation sont stabilisés au niveau de l'année en cours après avoir augmenté de 4,7 points depuis 1990.

Observation n° 7 : Le CAS dégagerait un excédent de 0,759 milliard d'euros en 2021, en baisse par rapport aux prévisions pour 2020. Le solde cumulé du CAS « Pensions » s'élèverait fin 2020 à 9,9 milliards d'euros, contre 3,2 milliards d'euros fin 2016. Les produits des cotisations retenues sur les salaires des fonctionnaires ont permis au cours des dernières années de couvrir les suppléments de charges du compte si bien que l'augmentation des contributions employeurs au demeurant contenue par la politique d'emploi de l'État n'a pas dégradé le solde du budget de l'État. La gestion financière du CAS reflète le choix du Gouvernement de privilégier la stabilisation des taux des contributions employeurs à moyen terme et de constituer un fonds de réserve utile dans une perspective très longue, qui est celle de tout régime de retraites, mais qui se traduit par l'application d'un mécanisme d'épargne forcée au terme duquel la logique du financement par répartition se mitige d'une logique de fonds de réserve. Cette orientation n'est pas nécessairement à condamner dans la mesure où elle peut permettre un pilotage plus souple du système si les hypothèses sur lesquelles repose la projection de ses équilibres devaient se trouver déjouées par les évolutions réelles. Par ailleurs, il faut tenir compte de la préoccupation d'accompagner les suppléments de cotisations perçus auprès des agents, d'assurer le financement des avantages non contributifs qui est l'un des objets de la contribution de l'État et de ne pas desserrer excessivement la contrainte que cette contribution exerce sur les recrutements.

Observation n° 8 : Les engagements financiers portés par l'État au titre des retraites de ses agents, sont estimés dans une fourchette large comprise entre 1 393 milliards d'euros (taux d'actualisation de 1,50 %) et 2 383 milliards d'euros (taux d'actualisation négatif, de - 0,92 %). Sous ce dernier taux, les conditions monétaires et financières exceptionnelles du moment conduisent à extérioriser une dette hors bilan d'un poids qui tendrait à se réduire considérablement en cas de retour à des conditions plus usuelles. Dans ces conditions, il serait aventureux de considérer que ces estimations puissent rendre compte des actifs patrimoniaux actualisés détenus par les affiliés du régime de retraite. En toute hypothèse, elles ne recouvrent pas les conditions prévisibles d'équilibre du système de retraite qui ressortent, en revanche, de la projection des besoins de financement (voir infra ).

Observation n° 9 : L'équilibre du régime de pensions des fonctionnaires civils et militaires n'est pas inatteignable à terme malgré la forte révision à la baisse de son excédent cumulé et un profil temporel évolutif. Dans trois des quatre scenarios de croissance proposés par le conseil d'orientation des retraites en 2017, le poids des dépenses totales de retraite dans le PIB baisse, conduisant dans deux de ces scenarios à un excédent du système de retraite à l'horizon de 2070. Pour le CAS « Pensions », le poids de ses dépenses dans le PIB baisserait dans tous les cas. Le résultat cumulé serait plus ou moins bénéficiaire. Ces estimations sont réalisées à législation constante. Celle-ci implique notamment un maintien du taux de contribution de l'État à son niveau de départ et un recul de l'âge effectif de liquidation des droits des fonctionnaires sous l'effet du durcissement des conditions posées pour l'acquisition d'une pension à taux plein. À court terme, l'âge de liquidation des droits devrait être de 64 ans avec toutefois de fortes disparités selon l'appartenance à la catégorie active (des départs plus précoces) ou sédentaire. La durée de vie en retraite dépendra des évolutions de l'espérance de vie, le scenario central de mortalité du COR impliquant un gain d'espérance de vie de 4 ans entre les générations 1960 (proche du départ à la retraite) et la génération née en 2000. Si l'espérance de vie a progressé sur un rythme ralenti ces dernières années, l'espérance de vie sans incapacité a plutôt stagné et se trouve à un niveau très inférieur à l'espérance de vie totale.

Observation n° 10 : Les équilibres du système des retraites passent par une réduction de la valeur de la pension moyenne relativement aux revenus d'activité, qui, de 67 % se replierait vers un niveau compris entre 40 % et 50 % du revenu moyen d'activité, conduisant à une baisse prononcée des taux de remplacement assurés par les pensions. Pour le régime de la fonction publique, le taux de remplacement déjà comparativement faible perdrait entre 5 et 8 points pour n'être plus que de l'ordre de 55 % en moyenne, selon les scenarios du Conseil d'orientation des retraites antérieurs à la crise actuelle. La décroissance du taux de remplacement est moins forte que dans le régime général où celui-ci est aujourd'hui plus élevé de près de 15 points. Ces différences sont largement dues à l'exclusion des primes des fonctionnaires de leur régime de retraite et aux différences dans les conditions de calcul des pensions. L'effet équilibrant de la règle d'une liquidation sur les 25 meilleures années de la carrière revalorisées à l'inflation qui entraîne une réduction forte du taux de remplacement en projection joue en théorie beaucoup moins pour les fonctionnaires, dont la base liquidative (les six derniers mois de salaires) bénéficie des revalorisations liées à la croissance économique sur une période plus longue. C'est du moins le cas quand les indices sont revalorisés. La situation s'inverse en période de gel indiciaire. Malgré une configuration déprimant les taux de remplacement offerts par les régimes de retraite, la valeur réelle des retraites serait croissante, du fait d'un effet de base de liquidation, les pensions n'étant revalorisées que comme l'inflation. Cependant, la baisse de la valeur moyenne de la pension liquidée en 2018 appelle l'attention sur un scenario moins favorable. Le niveau de vie relatif des retraités qui comprend aujourd'hui plus de 30 % de revenus autres que les retraites en moyenne baisserait par rapport à celui du reste de la population. Les retraités perdraient entre 10 et 20 points de niveau de vie relatif.

Observation n° 11 : Ni les niveaux très disparates des taux prélèvements nécessaires à la couverture des dépenses des différents régimes, ni l'hétérogénéité des avantages non contributifs au sein d'un même régime, ni les durées relatives de cotisations et de service de la pension - ces deux derniers éléments pouvant aboutir à des rendements contributifs très différents - ne peuvent à eux seuls établir le constat d'une rupture d'équité par les régimes de retraite, sauf à retenir une conception étroitement financière de ce critère, qui n'est pas celle des principes fondamentaux de la sécurité sociale. Au demeurant, la réforme en cours d'élaboration semble quelque peu en retrait de l'application d'un principe d'uniformité des rendements contributifs et d'universalisation du régime des retraites. Sur le premier point, si demain un euro de cotisation pourrait avoir la même valeur pour tous, le maintien d'un étage de solidarité devrait aboutir à un système de retraite présentant une certaine hétérogénéité des droits, comme c'est aujourd'hui le cas. Néanmoins, la détermination de l'empreinte de l'étage de solidarité devra être réenvisagée, perspective de nature à diviser les opinions et, en théorie, le financement des avantages correspondants ne pourra plus recourir à des péréquations internes aux régimes, si bien, notamment que des modifications devront être apportées à la structure de financement de la solidarité, au sein de laquelle l'appel à l'impôt devrait être renforcé, la totalité des revenus du travail devrait être intégrée au régime. Sur le second point, si l'annonce d'un régime prenant en compte ces revenus jusqu'à trois plafonds de la sécurité sociale paraît exclure, pour l'essentiel, la constitution d'un étage fourni de capitalisation, la possibilité offerte à certains régimes de rester à l'écart de la réforme mais également l'hypothèse de constitution de régimes supplémentaires d'entreprises tendent à réduire le degré d'universalisation du système des retraites, qui pourrait souffrir également du maintien de conditions spécifiques, non sans justifications, mais déjà à l'oeuvre dans le système actuel.

Observation n° 12 : À contrainte financière inchangée, l'intégration des primes des fonctionnaires dans la base de liquidation des pensions suppose une modification de la répartition des droits à retraite pénalisante pour les fonctionnaires disposant d'un taux de primes comparativement bas. Compte tenu de la hausse des cotisations qu'ils devraient supporter, le taux de rendement offert à ces fonctionnaires par le régime universel de retraite se réduira. Il en ira de même de leur pouvoir d'achat en tant qu'actifs. Sur ce point qui concerne tout particulièrement les personnels enseignants, des annonces ont été faites allant dans le sens d'une revalorisation des salaires, mais sans que les perspectives induites pour les personnels en cause et pour le budget de l'État ne soient clairement précisées.

Au 10 octobre 2020, date limite fixée par la LOLF, 97 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues au rapporteur spécial .

PREMIÈRE PARTIE
MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

Dotée de 6,153 milliards d'euros en 2021 (contre 6,228 milliards d'euros en 2020), la mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre versées par l'État à dix régimes spéciaux de retraite.

La mission est composée de trois programmes :

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui comporte principalement les crédits destinés à assurer l'équilibre des caisses autonomes de retraite de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la régie autonome des transports parisiens (RATP), mais aussi des dotations pour financer la fin d'activité des conducteurs routiers ;

- le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », qui vise à financer, via l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), le régime spécial de sécurité sociale des marins ;

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes ( SEITA ) et divers », qui regroupe plusieurs régimes en (plus ou moins) rapide déclin démographique (caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, régimes de retraite de la SEITA, des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF)).

La budgétisation proposée en 2021 est entourée d'un niveau élevé d'aléas, dus tant à l'année en cours qu'à des incertitudes concernant l'année 2021.

Elle se présente comme « au fil de l'eau » et illustre de cette manière des questions récurrentes sur lesquelles la rapporteure spéciale a eu l'occasion d'appeler l'attention ces dernières années. Pour les crédits d'une mission qui sont consacrés à combler les déficits de régimes de retraite aux équilibres évolutifs, il faut se projeter dans un temps inévitablement long, qui est celui de la soutenabilité des régimes de retraite. De ce point de vue, aux difficultés habituelles suscitées par toute projection, il faut ajouter naturellement celles consistant à intégrer les perspectives de modifications réglementaires, difficultés particulièrement lourdes depuis que la disparition des régimes spéciaux de retraite a été mise en tête, avec d'autres sujets, du projet d'instauration d'un système universel de retraite.

À cet égard, tout comme pour les régimes de retraite des fonctionnaires couverts par le compte d'affectation spéciale « Pensions », la rapporteure spéciale relève qu' interrogés sur plusieurs dimensions des impacts du projet de loi tendant à instaurer un système universel de retraite voté en première lecture par l'Assemblée nationale, mais non, ou insuffisamment exposés, par l'étude d'impact du projet de loi présenté par le précédent Gouvernement, les ministres ont régulièrement apporté la réponse suivante :

« Le Premier ministre a prononcé, le mercredi 15 juillet 2020, sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale.

S'il a rappelé l'objectif de créer un système universel de retraite qui « implique clairement la disparition à terme des régimes spéciaux tout en prenant pleinement en considération la situation des bénéficiaires actuels de ces régimes », il a également insisté sur la nécessité d'améliorer le contenu et la lisibilité de la réforme, via la reprise d'une concertation.

Ainsi, il est à ce stade encore impossible de présumer des résultats de cette concertation et par suite de ses impacts sur les régimes spéciaux ».

Cette réponse ne peut pas satisfaire la rapporteure spéciale qui fournit en annexe la liste et l'énoncé des questions ayant reçu cette réponse uniforme.

Les interrogations formulées par la rapporteure spéciale auraient dû recevoir une réponse à l'appui d'un débat parlementaire éclairé mais aussi lors de la phase de concertation avec les organisations syndicales et, enfin, à destination de l'opinion publique.

Ce déficit d'exploration des impacts d'un texte aussi essentiel (il touche la répartition du revenu national, la soutenabilité du système de retraite, son équité, mais également la situation des français au regard d'un dispositif très déterminant pour leur niveau de vie et leur rapport au travail) doit être considéré comme particulièrement regrettable. La réponse convenue, standard, apportée aux questions de la rapporteure spéciale montre que ce déficit n'a pas été comblé. Dans ces conditions, la représentation nationale se trouvant tenue dans l'ignorance des simulations nécessaires qui doivent éclairées la décision collective sur le prochain système de retraite, on voit mal comment la « concertation » alléguée pourrait reposer sur des bases plus saines.

I. UNE QUASI STABILISATION DES SUBVENTIONS D'ÉQUILIBRE AUX RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE DANS UN CONTEXTE INCERTAIN

La programmation de la mission prévoit une baisse (- 1,2 %) des crédits nécessaires à l'équilibre des régimes spéciaux qu'elle finance (- 74,2 millions d'euros), réduction qu'on peut qualifier de modérée compte tenu de la masse des dotations concernées (plus de six milliards d'euros).

La modestie du recul de la charge budgétaire de la mission peut s'apprécier au regard d'un contexte qui, venant s'ajouter aux effets des réformes des régimes spéciaux de ces dernières années, freine la progression des dépenses des caisses.

Néanmoins, dans un contexte de programmation budgétaire « au fil de l'eau 1 ( * ) », il faut également souligner l'ampleur des incertitudes sur les besoins réels d'équilibrage des régimes spéciaux pris en charge par la mission qui n'ont jamais été aussi forte, en particulier du fait de la situation sanitaire et économique.

A. UNE CHARGE BUDGÉTAIRE STABILISÉE ?

Le projet de loi de finances demande des crédits en légère diminution par rapport à ceux ouverts en 2020.

Cependant, par rapport à 2019, malgré une réduction du périmètre de la mission (pour 55 millions d'euros) du fait de l'extinction de la subvention d'équilibre versée au régime complémentaire de vieillesse des exploitants agricoles, les dotations sont en légère augmentation (+ 0,9%).

Ce dernier constat ne doit toutefois pas être considéré comme relevant de dynamiques structurelles. Ces derniers exercices, les évolutions d'une année à l'autre ont pu être attribuées à des accidents contentieux portant sur les taux de cotisation applicables dans le régime de la SNCF, accidents dont le dénouement a pu se révéler un peu erratique.

1. Les crises en cours, un aléa majeur

Les crises en cours sont susceptibles d'exercer un impact plus ou moins durable sur la situation des caisses de retraite couvertes par la mission.

Selon la réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale, en ce qui concerne les quelques mois de 2020 envisagés, la situation se présente comme suit pour les principaux régimes.

La crise sanitaire n'a eu qu'un effet relativement faible sur l'équilibre financier du régime d'assurance vieillesse des mineurs en 2020. Si une surmortalité des pensionnés a été constatée dans les zones particulièrement touchées par l'épidémie de Covid-19 (régions Grand-Est et Île-de-France), celle-ci est atténuée par la moindre mortalité des pensionnés durant les trois premiers mois de l'année ainsi que par celle des pensionnés résidant à l'étranger (20% des pensionnés du régime des mines). Pour ces différentes raisons, un effet financier de la covid-19 est difficilement identifiable sur le régime des mines.

La rapporteure spéciale prend acte des informations fournies tout en relevant le différentiel de mortalité allégué entre les résidents et les non-résidents. Sans doute demande-t-il quelques explications et quelques confirmations aussi dans la mesure où le suivi de personnes résidant à l'étranger comporte des difficultés évidentes.

Le principal effet de l'épidémie de covid-19 sur le régime des marins a été son incidence sur l'activité des secteurs maritimes (pêche, transport de marchandises et de personnes). Le taux de chômage partiel des marins au cours du 2 ème trimestre 2020 n'a été connu que tardivement ; il a finalement été moins important que celui anticipé (26 % au lieu de plus de 50 %).

La rapporteure spéciale s'interroge sur l'ampleur de l'écart entre la prévision et la réalisation.

À ce stade, il est difficile d'évaluer l'ampleur de la diminution des recettes de cotisations pour 2020 2 ( * ) , de même que le coût des exonérations. Au final, le montant des recettes perçues en 2020 dépendra notamment du niveau de défaillance des entreprises d'ici la fin de l'année (une augmentation du nombre de procédures collectives étant attendue par le ministère chargé de la mer).

Il apparaît ainsi clairement que la budgétisation de la subvention pour 2021, qui table sur une baisse des besoins d'équilibre, est affectée d'un fort aléa.

La crise sanitaire n'a pas eu d'effet notable sur les prestations servies par les caisses de la SNCF et de la RATP , en l'absence de surmortalité significative constatée. Il est par ailleurs encore trop tôt pour constater et analyser un éventuel impact de la crise sur les comportements de départ en retraite.

Les recettes des caisses n'ont pas non plus été affectées par la crise dès lors que les entreprises SNCF et RATP ont continué de verser à leurs caisses respectives l'intégralité des cotisations dues même pour les périodes d'activité partielle de leurs salariés, faute d'adaptation de leurs systèmes d'information de paie.

Cependant, compte tenu du fait que le dispositif d'activité partielle auquel elles ont été éligibles et dont une partie significative de leurs effectifs a pu bénéficier pendant les mois de confinement comprenait par construction une exonération des cotisations sociales pour la part de la rémunération remboursée par l'État (donc hors les compléments de salaires à la charge intégrale des entreprises, y compris cotisations afférentes), les entreprises SNCF et RATP ont demandé un remboursement de leurs indus de cotisation.

À ce stade, un travail des caisses, des entreprises, en lien avec les tutelles et les services administratifs compétents devrait aboutir à une régularisation de ces indus sur 2020, via un ajustement des cotisations dues sur les derniers mois de l'exercice.

La moindre recette correspondante pour les caisses de retraite sera compensée par l'État qui est garant de leur équilibre. Les montants concernés seraient de 78 millions d'euros pour la CPRP SNCF 3 ( * ) et de 16 millions d'euros pour la CRP RATP.

Dans ces conditions, une quatrième loi de finances rectificative pour 2020 devrait consacrer une augmentation de la subvention à verser à ces deux caisses de l'ordre de 94 millions d'euros, toutes choses égales d'ailleurs.

Par rapport à cette base rehaussée, les évolutions décrites ci-après tendraient à être amplifiées (une réduction plus forte des crédits en exécution 2020 que par rapport à la loi de finances initiale votée pour 2020), mais sous la réserve que d'autres perturbations ne doivent pas être prises en compte en lien avec les effets économiques de la situation sanitaire en 2021.

2. Une stabilité des subventions programmées à périmètre constant correspondant à des évolutions divergentes des besoins d'équilibre des régimes spéciaux

Les dotations baissent de 74,2 millions d'euros, moyennant des évolutions différentes selon le programme considéré.

Comme le montre le tableau ci-après, la répartition des crédits de la mission accorde une place primordiale aux contributions à l'équilibre des régimes constitués dans les entreprises de transport terrestre, qui mobilisent l'essentiel des crédits du programme 198 .

Ils représentent les deux tiers des crédits de la mission , la caisse de retraite du personnel de la SNCF absorbant à elle seule plus de la moitié des dotations .

Les crédits demandés se replient de l'ordre de 6 millions d'euros (- 0,14 %).

Le régime social des marins ( programme 197) pèse un peu plus de 13 % du total des crédits tandis que divers régimes regroupés dans le programme 195 , où prédomine largement la caisse autonome de sécurité sociale des mines , concentrent un peu moins de 20 % des dotations de la mission.

Les subventions aux régimes fermés du programme 195 baissent de 54,6 millions d'euros (- 4,5 %) tandis que les crédits nécessaires à l'équilibre du régime des marins accusent un repli de 13,6 millions d'euros (- 1,65 %).

Les différents régimes que financent ces dotations présentent, chacun, des caractéristiques propres , tant en raison des différences de régime juridique qui les singularisent, que du fait de leurs ratios démographiques ou des situations économiques rencontrées par des branches d'activité disparates.

Il faut distinguer les régimes ouverts des régimes fermés qui n'accueillent plus de cotisants (ils forment la majeure partie du programme 195).

Ce sont ces derniers qui, en raison de la réduction du nombre de leurs bénéficiaires, et même s'ils ne comptent que très peu de cotisants, voire aucun, enregistrent une réduction progressive de leurs déséquilibres structurellement plus marquée.

Ils permettent d'atténuer le recours des régimes spéciaux à la solidarité nationale et, ainsi, d'alléger les crédits de la mission.

Évolution des crédits par programme et action

(en millions d'euros)

Intitulé du programme et de l'action

Crédits de paiement

Variation

Exécution 2019

Ouverts en LFI pour 2020

Demandés pour 2021

PLF 2021 / Exécution 2019

PLF 2021 / LFI 2020

Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »

4 055

4 201

4 195

3,4

- 0,1%

03 - Régime de retraite du personnel de la SNCF

3 250

3 302

3 390

4,3%

- 0,4%

04 - Régime de retraite du personnel de la RATP

680

746,4

737

8,4%

-1,3%

05 - Autres régimes (2)

126

152,2

167,6

33 %

10,2%

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

826

823

810

-1,9 %

-1,7%

01 - Pensions de retraite des marins

826

823

810

-1,9 %

-1,7 %

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 305

1 203

1 149

-11,9%

-4,6%

01 - Versements au Fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

1 101

1 063

1 011

-8,2 %

-4,8%

02 - Régime de retraite de la SEITA

147

139

136

-7,5%

-2,1%

04 - Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

1,2

1,3

1,1

-8,3%

-18,1%

07 - Versements liés à la liquidation de l'ORTF

NS

NS

NS

NS

NS

Retraite complémentaire des exploitants agricoles

55

0

0

NS

0,0%

TOTAL

6 175

6 227,5

6 153,3

NS

-1,2%

(1) Les montants des crédits en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sont identiques.

(2) Congés de fin d'activité et compléments de retraite dans le secteur du transport routier et pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer.

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette année, il est prévu que les autres régimes contribuent également, même si c'est dans de moindres proportions, à l'allègement des charges budgétaires liées aux régimes spéciaux couverts par la mission.

On relève que celle-ci ne regroupe pas la totalité des régimes spéciaux de retraite auxquels l'État accorde des fonds pour assurer leur équilibre.

La Cour des comptes regrette régulièrement que la mission ne soit ainsi pas « universelle ». La rapporteure spéciale le regrette également et elle doit observer que, dans un avenir où un système universel de retraite, verrait le jour, les transferts financiers de l'État au bénéfice du système de retraite devraient utilement être regroupés dans une mission budgétaire , quitte à compléter l'information par l'exposé des taxes affectées aux différents régimes, la loi de finances ayant vocation à être le support de l'autorisation budgétaire de dépenser accordée à l'État.

Dans une programmation budgétaire marquée par un repli des crédits demandés, les dispositifs de fin d'activité des chauffeurs routiers font exception. Leurs coûts augmenteraient de plus de 17 millions d'euros, pour atteindre 143,7 millions d'euros auxquels s'ajoutent 2,1 millions d'euros au titre du financement intégral par l'État du régime complémentaire instauré pour porter les pensions au taux plein du régime général pour les salariés n'en réunissant pas les conditions.

Le régime de fin d'activité des conducteurs routiers, une préretraite qui coûterait près de 31 millions d'euros de plus en 2020 (126,1 millions d'euros au total)

Le congé de fin d'activité des conducteurs routiers est géré par deux organismes paritaires différents, le FONGECFA pour le transport routier de marchandises, l'AGECFA pour le transport routier de voyageurs.

Il permet d'assurer une transition entre la fin d'activité et la liquidation des pensions. La condition d'âge d'entrée dans le dispositif a été reculée pour être portée à 57 ans (contre 55 ans auparavant) mais le bénéfice du régime couvre désormais toute la période intercalaire jusqu'à la liquidation de la retraite.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a augmenté le nombre d'années d'activité requis pour bénéficier du régime (de 25 à 26 ans), plafonné l'allocation à 1 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (contre 1,5 fois auparavant) et introduit une condition d'embauches correspondant aux entrées en congé de fin d'activité.

Les conditions de financement sont fixées par un accord entre l'État et les partenaires sociaux, le taux de cotisation supporté par ces derniers étant de 2,8 % depuis 2014.

On a pu constater une hausse régulière du nombre de bénéficiaires des congés de fin d'activité marchandises et voyageurs de la création des deux dispositifs jusqu'en 2006 environ. Ensuite, le nombre de bénéficiaires d'un CFA marchandises a fluctué au-dessus de 7 000 dossiers avec un pic en 2014 (plus de 8 000 dossiers). Le nombre de bénéficiaires d'un CFA voyageurs, après une baisse en 2009 (environ 700 dossiers), s'est établi ensuite à plus de 900 pour se réduire par la suite. De 1997 à 2014, le montant unitaire moyen de l'allocation attribuée par le FONGECFA-Transport a progressé de près de 55 %. À titre de comparaison, de 1998 à 2014, le montant unitaire moyen de l'allocation attribuée par l'AGECFA-Voyageurs a progressé de 45,1 %.

Le ratio des conducteurs embauchés rapportés aux conducteurs entrant en CFA est inférieur à l'unité, ce qui traduit une difficulté à respecter les engagements de la profession.

Le ressaut des besoins dotés en 2020 correspondait à une augmentation assez sensible des bénéficiaires du CFA au titre du transport routier de marchandises, le nombre des bénéficiaires de l'allocation au titre du transport de voyageurs (769) devant être stabilisé. Pour 2021, le nombre des bénéficiaires du FONGECFA, transport routier de marchandises augmenterait à nouveau (+ 679) tandis qu'il diminuerait de 32 pour l'AGECFA, transport de voyageurs.

Ces prévisions sont tributaires de conditions d'âge mais également de comportements de départ en retraite qui peuvent être influencés par les conditions économiques, globalement très défavorables.

3. De quelques autres incertitudes

Si les contentieux sur les taux des cotisations employeur de la SNCF semblent désormais refermés, d'autres aléas que ceux liés à la situation sanitaire paraissent devoir être mentionnés.

a) Le dénouement financier des contentieux sur les taux de cotisations employeurs de la SNCF mais un problème à la RATP

L'analyse de la programmation budgétaire de la mission a été perturbée ces dernières années par l'impact sur les charges constatées d'un événement exceptionnel mais qui présente un réel intérêt au vu de la structuration des recettes des régimes spéciaux, résultant du dénouement d'un contentieux entre l'État et le groupe ferroviaire au terme duquel la mission a dû apurer une créance détenue par le groupe ferroviaire sur l'État.

Le taux de cotisation des établissements constituant le Groupe public ferroviaire (GPF) est égal à la somme d'un taux T1 représentant les cotisations qui seraient versées si les salariés relevaient des dispositions de droit commun et d'un taux T2 destiné à financer les droits spécifiques du régime spécial.

À plusieurs reprises, la SNCF a demandé l'annulation de l'arrêté de la direction du budget fixant le taux T1, remettant en cause l'assiette de calcul de ce taux au motif que la répartition des effectifs (entre cadres et non cadres) n'était pas conforme à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres.

Le Conseil d'État a annulé, par décisions du 20 mai 2016 et du 11 juillet 2016, les arrêtés ministériels du 16 juillet 2014 et du 27 juillet 2015 fixant les composantes T1 définitives pour 2013, 2014 et provisoire pour 2015.

À la suite des annulations prononcées par le Conseil d'État, le taux T1 des années 2013 à 2015 a été revu à la baisse comme le précise l'arrêté du 2 mai 2017 :

En conséquence, une régularisation de cotisations de la CPRPSNCF en faveur du GPF a été effectuée en juin 2017 pour 99,3 millions d'euros au titre de la période 2013 à 2016. La CPRPSNCF a compensé cette baisse de ressources par une nouvelle provision de 99,3 millions d'euros sur l'exercice 2017.

Par ailleurs, le taux T2 a été revu à la hausse à compter du 1 er mai 2017 de 11,81 % à 13,85 % (décret n° 2017-691 du 2 mai 2017), ce qui procurera un surcroît de recettes pour la caisse d'environ 90 millions d'euros en année pleine.

La SNCF ayant été déboutée de sa demande en annulation de ce décret par le Conseil d'État en juillet 2018, le taux de 13,85 % est donc effectif.

Ce dernier contentieux offre une perspective particulièrement intéressante dans la mesure où elle éclaire certaines dimensions techniques mais également politiques des régimes spéciaux.

D'un point de vue technique, il illustre le fait qu'il existe une marge d'appréciation assez large en ce qui concerne les avantages particuliers offerts aux salariés de la SNCF, marge d'autant plus large que la surcotisation en quoi consiste le taux T 2 est censée couvrir forfaitairement les avantages spécifiques dont s'agit.

D'un point de vue plus politique ou de gestion publique, on observera que l'entreprise est supposée financer à travers une surcotisation des avantages qui sont en réalité consacrés par la collectivité. Le projet de réforme des retraites semble sur ce point opérer un renversement de perspectives. Si le maintien d'avantages spécifiques ne paraît pas totalement exclu (avec toutefois quelques hésitations sur ce point), il est nettement affirmé que ceux-ci devraient être logés dans des régimes supplémentaires d'entreprises. Dans ces conditions, la surcotisation supportée par l'employeur pourra être « à meilleur droit mise à sa charge ».

Si le financement de la caisse de retraites de la SNCF inclut un taux spécifique destiné à couvrir - forfaitairement - le coût des avantages particuliers que réserve le régime spécial, il n'en va pas de même pour la RATP.

La réponse apportée à la question de la rapporteure spéciale sur les progrès réalisés pour remédier à ce qui, à ses yeux, représente une anomalie ne peut être considérée comme satisfaisante.

« Depuis la création de la CRPRATP en 2006, les cotisations patronales sont prélevées sur un taux unique. À ce jour la RATP n'a toujours pas isolé le coût des droits spécifiques, pour appliquer un équivalent T2.

Le taux unique pour la RATP, fixé à 19,20 % pour 2020, représente les montants qui seraient dus si ses salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires mentionnés à l'article L. 921-4 du code de la sécurité sociale (soit l'équivalent du T1 pour la SNCF).

L'absence de T2 repose historiquement sur le fait que les avantages spécifiques du régime spécial de retraite de la RATP sont moins importants que ceux du régime spécial de la SNCF, ce qui impose ainsi une contribution employeur beaucoup moins élevée ».

On ne peut qu'en souligner la légèreté. En effet, après avoir semblé déplorer l'absence d'avancées pour combler un déficit d'identification par l'entreprise des droits dérogatoires accordés aux affiliés du régime, la dernière section de la réponse donne le sentiment que les lacunes constatées ne sont finalement pas bien graves, la comparaison des avantages propres au régime de la RATP et de ceux du régime de la SNCF faisant, selon la réponse fournie, ressortir la relative banalité des avantages du premier régime.

Il est regrettable de devoir relever un tel « à peu près », qui devient réellement extravagant dans un contexte marqué par un projet de réforme des retraites où la volonté de mettre fin aux régimes spéciaux et de les fondre dans un régime universel de retraites n'a pas manqué d'être constamment au centre du problème.

Or, dans cet environnement, il importe tout particulièrement de pouvoir poser un diagnostic précis sur la capacité du système de financement actuel mais également projeté dans les termes de la réforme votée de couvrir les droits spécifiques accordés aux affiliés du régime de la RATP, même si ces droits devaient pour l'avenir se trouver banalisés.

b) Une incertitude entoure la programmation de la subvention au régime des marins

Les cotisations et contributions sociales revenant au régime social des marins, qui sont basées sur un salaire forfaitaire, ne représentent qu'une faible partie des charges sociales correspondantes (11 %). Néanmoins, elles apporteraient 113 millions d'euros au régime soit un niveau à peu près stabilisé par rapport à celui de l'exercice précédent.

Or, les perspectives liées au Brexit ne laissent d'être inquiétantes par leurs impacts sur le secteur de la pêche et pour le transport transmanche.

Une forte chute de l'activité peut être redoutée. Elle se traduirait inéluctablement par un creusement du besoin de financement du régime, perspective que la programmation budgétaire, peut-être imprudente sur ce point, et qui, en toute hypothèse contraste avec l'impact élevé associé à la perspective du Brexit dans d'autres programmes budgétaires 4 ( * ) , n'a pas pris en compte.

c) Une incertitude sur les besoins de financement de la caisse des retraites de la SNCF

Deux incertitudes concernant le besoin de financement de la caisse des retraites de la SNCF doivent être évoquées.

La première, qui touche également la caisse des retraites de la RATP, est en lien avec les pertes de recettes que pourraient entraîner les mouvements sociaux contre la réforme des retraites.

La commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2020 ne les évoque pas. Pourtant, le conflit a duré jusqu'en février. Et il semble avoir exercé des effets massifs sur les résultats de ces entreprises.

Les effets du conflit sur 2019 semblent s'être soldés par une perte d'exploitation de 614 millions d'euros pour la SNCF et de 330 millions d'euros pour 2020. Pour la RATP, les données communiquées à la rapporteure spéciale font état d'une perte du résultat d'exploitation de 150 millions d'euros.

Il est regrettable que les réponses transmises ne précisent pas les effets du conflit sur les recettes des caisses.

La seconde incertitude résulte de la fermeture du régime de la SNCF qui du fait du « pacte ferroviaire » n'accueille désormais plus d'assurés.

L'article 25 de la loi n° 2019-1446 de financement de la sécurité sociale pour 2020 pose le principe d'une obligation de compensation par les régimes de salariés, de base et complémentaires, de la perte de cotisations constatée par le régime de la SNCF du fait de la réforme ferroviaire qui a prévu l'arrêt des embauches au statut à partir du 1 er janvier 2020.

Cette compensation doit être précisée dans une convention entre les régimes concernés approuvée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Cette convention devait être conclue avant le 1 er juillet 2020, à défaut de quoi un décret interviendrait avant le 1 er janvier 2021 pour déterminer les conséquences de l'affiliation des nouveaux embauchés par la SNCF aux régimes de droit commun.

À la connaissance de la rapporteure spéciale, le processus n'a pas été conduit à son terme, le projet annuel de performances pour 2021 mentionnant, de son côté une « convention tripartite, en cours de conclusion entre la CPRP SNCF, la CNAV et l'Agirc-Arrco » .

Une situation complexe s'instaure.

En ce qui concerne le champ d'application des règles correspondant aux différents régimes d'affiliation des salariés de le SNCF, les salariés présents avant le 1 er janvier 2020 demeurent régis par les règles du régime spécial, les nouveaux embauchés étant appelés à suivre les règles de droit commun.

Sur le premier point, lors de la discussion de la loi sur le nouveau pacte ferroviaire, la neutralité des transferts de salariés au statut vers des entreprises tierces a encore été consacrée.

Sur le second point, il était envisagé que les salariés nouvellement embauchés soient affiliés aux régimes de droit commun auxquels ils cotisent avec leur employeur.

Apparemment, consécutivement à un rapport commun de l'Inspection générale des affaires sociales et du Conseil général de l'environnement et du développement durable, qui a exploré cinq scenarios possibles d'évolution de l'organisation de la protection sociale des salariés de la SNCF, les nouveaux embauchés continuent de relever de la CPRP SNCF, tout en étant assujettis aux règles des régimes ordinaires.

Cette option n'emporte pas de conséquence sur l'équation financière posée par la fermeture du régime mais peut évidemment modifier les conditions de sa résolution.

En ce qui concerne le premier point, la perte brute de cotisation correspondant à la fermeture du régime spécial était estimée pour ce dernier à 27 millions d'euros en 2020. Elle passerait à 141 millions d'euros dès 2023.

Ces estimations sont cependant tributaires de l'intervention de flux qui les compensent partiellement, au titre de la compensation démographique et des transferts entre régimes, de sorte que l'effet sur l'équilibre de la caisse serait moins fort : - 8 millions d'euros en 2020, - 18 millions d'euros en 2021 et - 30 millions d'euros en 2022.

Impact anticipé de la réforme ferroviaire sur le régime de la SNCF
et les régimes de droit commun

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, étude d'impact

Il est difficile de vérifier si cette anticipation, qui demande à être sécurisée juridiquement, est confirmée dans les documents budgétaires du fait de la présentation du projet annuel de performances qui ne spécifie pas les impacts de la fermeture du régime sur les comptes de la caisse. À ce stade, il semble que les transferts de compensation démographique soient plus élevés que prévu tandis que l'impact sur les cotisations vieillesse serait plus fort (- 4,9 %) soit environ 97,4 millions d'euros. Dans l'attente d'une confirmation des termes des transferts entre le régime général et les complémentaires et le régime de la SNCF, l'équation qui se dessine tend à faire peser le poids de la réforme ferroviaire davantage sur les régimes versants à la compensation démographique et économique tout en impliquant davantage l'État.

Il existe bien entendu des incertitudes sur le dénouement de la négociation mais cet épisode n'en illustre pas moins un problème général rencontré lors des réformes structurelles des régimes de retraite et appelé à prendre une consistance considérable dans l'hypothèse de l'instauration d'un système universel de retraites, celui de la transition entre deux « états du monde ».

4. Une stabilité des besoins de subventionnement alors que le contexte est globalement favorable à un rééquilibrage des caisses

Les évolutions retracées plus haut peuvent apparaître décevantes au vu des choix volontaristes effectués depuis 2018 relativement à la gestion des charges de retraite et des réformes des régimes spéciaux adoptées dans le passé.

On rappelle que les dépenses de la mission, qui avaient fortement augmenté entre 2006 et 2012 (41 %), avaient ensuite, sous l'effet d'économies ayant atteint 198,6 millions d'euros en 2015 et 2016 , connu une nette inflexion.

Ces dernières années sont plutôt marquées par un ralentissement des économies assimilable à une forme de statu quo de sorte que l'appel à la solidarité nationale des régimes en cause demeure très élevé malgré une légère réduction de son expression en point de PIB.

Évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports et projets annuels de performances pour 2006 à 2021)

Les crédits demandés pour 2021 s'expliquent par trois facteurs principaux.

a) La « modération des pensions » freine à nouveau le potentiel d'augmentation des dépenses de la mission (+ 40 millions d'euros)

En 2021, comme au cours des dernières années (excepté l'année en cours pour des raisons « involontaires » liées à un ralentissement exceptionnel de l'inflation), la revalorisation des pensions serait inférieure à l'augmentation des prix.

La prévision d'inflation, de 0,6 % est à comparer avec une revalorisation des pensions prévue à 0,4 %. 5 ( * )

L'année 2018 aura été une « année blanche » pour la revalorisation des pensions.

Après que, conformément aux dispositions combinées des articles L. 161-23-1 et L. 161-25 du code de la sécurité sociale, une revalorisation des pensions de + 0,8 % avait été appliquée au 1 er octobre 2017, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu qu'aucune revalorisation n'intervienne avant le 1 er janvier 2019.

Le gel des pensions alors mis en oeuvre a constitué une décision exceptionnelle.

Au cours des années antérieures, le jeu des indexations prévues par la loi avait pu se traduire par l'absence de revalorisation des pensions, ou par des revalorisations modérées du fait du ralentissement de l'inflation dans les années récentes. Celui-ci avait contenu les dépenses des régimes dans la mesure où les pensions de base n'ont fait l'objet de 2013 à 2017 que d'une revalorisation de 0,9 %, la revalorisation de 2017 comptant pour 0,8 % à elle seule.

Ce n'est pas l'application des règles d'indexation qui a guidé l'évolution de la valeur des pensions après 2017 mais bien le choix du Gouvernement de changer les règles.

L'indexation des pensions, un changement permanent
des règles du jeu mais une décision inédite en 2018

Aux termes de la loi du 21 août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions était égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N, corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013 , la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier . La revalorisation pour l'année N était égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (connue en avril N de manière définitive).

En application de la loi du 20 janvier 2014 « garantissant l'avenir et la justice du système de retraites », la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année 6 ( * ) .

Dans ces conditions, aucune revalorisation n'est intervenue en 2014 compte tenu de l'application du correctif destiné à compenser les effets d'une surestimation du rythme de l'inflation en 2012 (0,7 % effectif contre une prévision de 1,2 %) dans un contexte où cet écart s'était révélé juste égal à l'inflation prévue dans le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année (0,5 %).

Compte tenu des prévisions d'inflation, les pensions de retraite ont été revalorisées de 0,1 % au 1 er octobre 2015 , soit la prévision d'inflation pour 2015 telle que figurant dans le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2016, car le gel initialement prévu lors de l'élaboration de la loi de financement rectificative pour la sécurité sociale de juillet 2014 a conduit à ne pas appliquer le correctif entre l'inflation prévisionnelle de 2014 et l'inflation définitive constatée.

Compte tenu du nouveau calendrier d'application des revalorisations des pensions, l'effet en année pleine de la revalorisation des pensions en 2015 peut être estimé à un équivalent-revalorisation entre 0,015 % et 0,025 %.

Les articles 33 du projet de loi de finances et 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ont apporté de nouvelles évolutions. Ils prévoient d'harmoniser et de simplifier les règles de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales, y compris des pensions de retraite. Ainsi, les pensions de retraite demeurent revalorisées au 1 er octobre de chaque année mais cette revalorisation se fonde désormais sur l'évolution des prix hors tabac constatée en moyenne annuelle sur les douze derniers mois disponibles .

En cas d'évolution négative des prix, une règle de « bouclier » garantit le maintien des prestations à leur niveau antérieur. Compte tenu de ces nouvelles règles et de l'hypothèse d'inflation retenue dans le projet de loi de finances pour 2016, les pensions de retraite devaient être revalorisées de 0,6 % au 1 er octobre 2016 . Or, les évolutions réelles de l'indice des prix ont conduit à l'absence de toute revalorisation des pensions à cette échéance.

L'article 41 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a, à nouveau entrepris de décaler le calendrier de la revalorisation des pensions prévu par l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale du 1 er octobre 2018 au 1 er janvier 2019.

Les règles d'indexation auraient justifié une revalorisation en 2018 (en octobre) de 1,3 %, dont le gel a dispensé la mission de la charge supplémentaire à laquelle elle aurait été confrontée si elle avait été mise en oeuvre.

L'économie pour 2018 a été estimée à 23 millions d'euros pour la mission. En année pleine cette économie s'élève à 92 millions d'euros.

Le gel de l'indexation de 2018 prolonge ainsi ses effets en 2019 mais sur des bases légèrement modifiées par l'application d'une indexation de 0,3 % au 1 er janvier, qui implique un changement du calendrier d'indexation.

La revalorisation « maîtrisée » de 0,3 % des pensions de retraite au 1 er janvier 2019 a engendré une économie d'environ 81 millions d'euros en 2019 sur la mission RSR, estimation fondée sur une application au 1 er janvier d'une revalorisation en fonction de l'inflation inscrite au code de la sécurité sociale (1,2 %).

Au total, une fois corrigés les effets de calendrier, une indexation sur la base des règles ex ante aurait coûté à la mission RSR de l'ordre de 90 millions d'euros de plus en 2019.

La programmation et l'exécution budgétaire pour 2019 a ainsi profité des décisions du Gouvernement de s'affranchir de la préoccupation d'assurer une compensation à l'inflation, et d'« assumer » une réduction du pouvoir d'achat des retraites servies aux pensionnés.

Pour 2020, l'annonce par le président de la République d'une revalorisation au niveau de l'inflation des pensions de retraite réservée aux pensions égales ou inférieures à 2 000 euros, les pensions supérieures à ce seuil n'étant revalorisées que de 0,3 % devrait engendrer une économie d'environ 32 millions d'euros sur le périmètre de la mission.

Cette économie correspond au différentiel d'indexation de 0,7 % entre les pensions supérieures à 2 000 euros et les autres, de sorte que l'on peut estimer la part de la dépense de pension correspondant aux pensions supérieures à 2 000 euros à moins de la moitié.

Compte tenu de la structure des pensions d'un régime à l'autre, l'économie se concentre sur les régimes qui ont une proportion importante de pensionnés bénéficiant d'une pension supérieure à 2 000 euros, principalement les régimes de la SNCF et de la RATP.

La revalorisation annoncée pour 2021 se traduirait par une augmentation des charges de pension des caisses couvertes par la mission de l'ordre de 40 millions d'euros (20 millions de moins qu'une revalorisation parallèle à l'inflation).

b) La diminution du volume des pensionnés des régimes et des effets de composition jouent à la baisse sur les dépenses des régimes

Dans l'ensemble, les régimes spéciaux perdent des prestataires, en particulier du fait de l'extinction progressive des régimes fermés .

Par ailleurs, la structure des pensions servies se déforme dans le sens d'une réduction de la part des pensions de droit direct au profit d'un renforcement de celle des pensions de droit dérivé, dont la valeur est moindre .

Cet « effet de composition » freine la progression de la valeur unitaire des pensions servies, d'autant plus fortement que les pensions nouvellement liquidées sont peu nombreuses.

En 2020, si la baisse du nombre des prestataires toucherait principalement les régimes dits « fermés » 7 ( * ) - tels que les régimes des mines, de la SEITA et des régies ferroviaires d'outre-mer - sous l'effet de la décroissance de leurs effectifs de pensionnés, elle concernerait également d'autres régimes subventionnés par la mission.

Le régime des mines , principal régime rattaché au programme 195, devrait notamment perdre environ 9 020 pensionnés entre 2020 et 2021 (soit une baisse de 4,1 %), pour compter environ 220 000 pensionnés. Le nombre des pensions de droit direct ne serait plus que d'un peu moins de 111 000 contre 118 000 en 2020.

Quant à la SEITA, elle comptait 7 633 pensionnés en 2020, dont plus de 1 600 de droit dérivé et devrait perdre 4,5 % de ses effectifs pour atteindre un peu moins de 7 300 pensionnés.

Le total des subventions prévues en 2020 au titre du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » qui porte le financement de ce régime enregistrerait l'effet de ces évolutions. Il baisserait ainsi de l'ordre de 102 millions d'euros (- 4,5 %) par rapport à la prévision pour 2020. Pour ces régimes, les besoins de financement suivent étroitement l'évolution des pensionnés.

Si les économies offertes par l'évolution démographique de ces régimes sont un élément modérateur structurel des dotations consacrées au financement des régimes spéciaux, pour 2021, les autres régimes spéciaux verraient leurs bénéficiaires diminuer , connaissant également, pour certains d'entre eux, une recomposition de la population des prestataires, sans, pour autant que le lien entre variation des bénéficiaires et de la charge des pensions ne soit aussi serré que pour les régimes du programme 195.

Pour le régime des marins , le nombre des pensions servies baisserait de 1 133 (- 1%), la baisse étant relativement plus accusée pour les pensions de droit dérivé (- 1,4%) que pour les pensions de droit direct (- 0,78%).

La population des pensionnés par le régime des marins présente de fortes singularités.

Les pensions relèvent de deux catégories. Aux pensions pour ancienneté, il faut ajouter les « pensions spéciales ». Ces dernières correspondent aux allocations versées aux anciens marins qui ne réunissaient pas une condition de 15 ans de service au moment où est offerte par le régime la possibilité de liquider sa pension à un âge favorable.

Les nouvelles liquidations (droit direct et dérivé) atteignent un contingent de 4 256 en 2021.

Les pensions spéciales nouvellement liquidées seraient en baisse par rapport aux pensions correspondant aux carrières normales.

Cette situation n'est pas négligeable puisqu'elle tendrait à atténuer en 2021 une autre particularité du régime, celle qui voit les pensions nouvellement liquidées atteindre une valeur inférieure aux pensions en stock 8 ( * ) . Cependant, si pour ces dernières, la pension moyenne s'élève à 9 395 euros, elle serait seulement de 8 012 euros pour les nouvelles pensions.

Cet écart reflète l'impact du durcissement des règles de liquidation des pensions mis en oeuvre ces dernières années sur des trajectoires professionnelles heurtées, qui sont fréquentes dans le secteur de la marine.

Le régime de la SNCF perdrait 5 229 pensionnés (- 2,1 %) portant la baisse à plus de 8 % depuis 2015 (- 24 498 pensions).

Quant aux bénéficiaires du régime de la RATP , ils accuseraient une hausse modérée (+ 247) prolongeant la hausse observée depuis 2015 (+ 3 969, dont 3 089 pour la seule année 2017, échéance de mise en oeuvre de la réforme de 2010 relevant l'âge légal d'ouverture des droits).

Les évolutions décrites jouent à la baisse sur les dépenses du régime de la SNCF et, inversement, à la hausse pour la RATP.

Pour la SNCF, la diminution du nombre de retraités devrait se poursuivre, le nombre des retraités en 2050 étant inférieur de 93 747 par rapport à 2021, soit une réduction de 40 %.

La suppression du régime spécial de la SNCF est ainsi inscrite dans les faits (et le droit). Quant à la RATP, les perspectives sont plus incertaines, pouvant dépendre d'évolutions technologiques mais aussi du développement de l'offre de transports collectifs en Ile-de-France.

D'autres facteurs d'évolution des dépenses de la mission doivent être considérés ainsi, que du côté des recettes, les dynamiques enregistrées par les cotisations sociales.

c) L'impact des relèvements des taux de cotisation

La hausse des taux de cotisation découlant de la réforme de 2014 transposée aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP se poursuit 9 ( * ) .

La hausse des taux apparents de cotisations salariales et patronales entre 2014 et 2018 dans les régimes vieillesse de la SNCF et de la RATP , très contrastée entre les deux régimes, a permis de limiter l'impact de la réduction du nombre des cotisants sur les recettes de la SNCF et entraîne une légère hausse des cotisations sociales perçues par la caisse de la RATP avec une hypothèse de maintien du nombre des cotisants.

Pour 2020, ces dynamiques demeurent.

Dans le régime de la SNCF , une hausse des taux de cotisations salariales intervient. Le taux passe à 9,60 %, soit une augmentation assez forte (+ 2,9 % après les + 3% de 2020).

Évolution du taux des cotisations au régime vieillesse de la SNCF

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapport 2020

De leur côté, les taux de cotisations des employeurs extériorisent une réduction (- 0,7 %) : le T1 passe à 23,36 %, le T2 étant stable à 13,99 %.

Dans le régime de la RATP, le taux des cotisations salariales est stable, le taux des cotisations patronales étant légèrement réduit (- 0,09 point).

Évolution du taux des cotisations au régime vieillesse de la RATP

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapport 2020

Dans un contexte marqué par une réduction du nombre des cotisants, et par des dynamiques salariales réduites, les produits des cotisations sociales évoluent peu excepté pour les cotisations patronales versées à la caisse de la SNCF, qui se réduisent de 68 millions d'euros après les 101 millions d'euros de baisse prévus pour 2020.

Évolution des recettes de la caisse de retraite de la SNCF

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Évolution des recettes de la caisse de retraite de la RATP

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Évolution des recettes de la caisse de retraite des marins

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

5. Une augmentation spontanée de la valeur de la pension moyenne en stock

Si les pensions liquidées suivent les règles générales d'indexation, les pensions nouvellement liquidées tendent à augmenter, exerçant un effet à la hausse sur la valeur de la pension moyenne en stock.

L'amélioration des salaires à partir desquels les pensions des régimes sont déterminées exerce un effet autonome sur la valeur des pensions liquidées par ces régimes.

Cette évolution reflète les gains de revenus acquis dans un contexte de croissance économique générale qui exerce un impact sur les revenus d'activité des salariés, la question de la justification des gains salariaux de nature plus microéconomique étant ici réservée.

L'année 2020 pourrait offrir à l'évidence une exception dont les prolongements sur les salaires des entreprises et branches concernées par la mission ne peuvent être réellement évaluables à ce jour.

À ce propos, la rapporteure spéciale, qui a questionné les ministres de tutelle, s'étonne de l'apparent manque d'attention portée à ces évolutions de leur part, que paraît traduire la réponse suivante adressée à elle :

« La mission « Régimes sociaux et de retraite » (RSR) ne retrace pas de crédits destinés à l'intervention auprès des entreprises SNCF et RATP, ou auprès des transporteurs routiers ou des opérateurs économiques dans les branches d'activité couvertes par les régimes des marins et des mines.

Dès lors, la mission ne dispose pas d'indicateurs relatifs aux données d'activité de ces différents acteurs ou secteurs économiques ».

Cependant, la valeur des pensions nouvellement liquidées est susceptible d'être également influencée par l'application des règles de détermination des taux de liquidation .

Pour les régimes spéciaux, les conditions plus strictes de durée d'affiliation nécessaires pour obtenir une liquidation à taux plein sont relativement récentes et ne semblent pas avoir encore complètement « mordu » sur la valeur des pensions nouvellement liquidées, tout en commençant à exercer des effets non négligeables.

En ce qui concerne la SNCF, les nouvelles pensions de droit direct seraient liquidées sur des bases supérieures de 16,1 % en 2021 par rapport à 2010 . La progression est quasiment identique pour les pensions de réversion (+ 17,4 %).

Toutefois, le rythme de progression a ralenti en cours de période .

Il a été de 8 % entre 2010 et 2014, puis, entre 2017 et 2021, de seulement 3,1 %.

Valeur en euros des pensions nouvellement liquidées par année (SNCF)
(2010-2021)

Années

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Pension
moyenne de
droit direct

24 740

25 270

26 100

26 360

26 710

26 740

27 139

27 921

27 825

28 168

28 498

28 851

Pension
de réversion

9 800

10 140

10 490

10 720

10 807

10 934

10 942

11 015

11 019

11 271

11 386

11 511

Années

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Pour la RATP, la valeur liquidative des nouvelles pensions de droit direct avait davantage progressé qu'à la SNCF entre 2010 et 2015 (de 16,1 % contre 8,1 %) mais, depuis, la valeur moyenne des pensions nouvellement liquidées baisse (- 1,9 % en 2021 par rapport à 2015) avec toutefois une certaine volatilité qui suggère des évolutions principalement liées aux caractéristiques des nouveaux retraités. Pour 2021, la valeur moyenne des pensions nouvelles progresserait de 0,8 %.

Valeur en euros des pensions nouvellement liquidées par année
pour les pensions de droit direct (RATP) (2010-2021)

(en euros)

Années

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Pension moyenne de droit direct

29 388

30 060

32 250

31 853

32 981

34 119

33 666

34 835

34 964

35 281

33 204*

33 480*

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Pour les pensions de réversion, la progression a été de 3,4 % de 2014 à 2019 contre 6,8 % pour les pensions de droit direct.

Les raisons de ce décrochage peuvent être très diverses mais l'une d'entre elles présente un intérêt si l'on veut apprécier l'impact des mesures d'indexation mises en oeuvre sur les pensions de réversion. Si l'indexation des pensions principales est peu dynamique, un écart tend à se creuser entre les pensions de droit direct nouvellement liquidées (dans toute la mesure où ces dernières connaissent du fait de la progression des salaires une évolution favorable) et les pensions ouvertes au titre de la réversion qui, calculées sur des bases inertes (au mieux, majorées de l'inflation passée) tendent à ne pas suivre la croissance de la valeur des pensions de droit direct.

Valeur en euros des pensions nouvellement liquidées par année pour les pensions de réversion (RATP) (2014-2019)

(en euros)

Montant annuel moyen des pensions de réversion conjoint

Flux 2019

12 885

Flux 2018

12 799

Flux 2017

12 787

Flux 2016

12 518

Flux 2015

12 715

Flux 2014

12 462

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale (2020)

La rapporteure spéciale regrette qu'aucun des éléments d'analyse microéconomique demandés par elle ne lui ait été fourni.

L'influence de l'augmentation de la valeur liquidative des pensions nouvelles sur la valeur unitaire de la pension en stock dépend du renouvellement démographique de la population des pensionnés, qui modifie plus ou moins en fonction de son ampleur, la part des pensions anciennement liquidées, moins onéreuses et celle des nouvelles pensions plus coûteuses.

Pour la SNCF, pour les pensions de droit direct, la valeur moyenne de la pension en stock aurait progressé de 17,2 % entre 2010 et 2021. En 2021, la pension moyenne de droit direct en stock a augmenté de 1,2 %, rythme à mettre en relation avec l'indexation prévue de 0,4 %. Ces évolutions se retrouvent, légèrement atténuées, pour les pensions de réversion.

Évolution de la pension moyenne en stock à la CPRP SNCF
(2010-2021)

(en euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En ce qui concerne la RATP, la valeur moyenne de la pension en stock aurait progressé de 24,4 % depuis 2010 (pensions de droit direct) et de 6,6 % par rapport à 2017. En 2021, la revalorisation atteindrait 1,6 %.

Évolution de la pension moyenne en stock à la CRP RATP
(2010-2021)

(en euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Aucune nouvelle information n'a été communiquée s'agissant du régime des mines. On se reportera donc aux données mises à jour à fin 2019.

Évolution de la pension moyenne en stock et de la valeur des pensions nouvellement liquidées à la Caisse des Mines (2015-2019)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale (2020)

La valeur de la pension moyenne des liquidants a baissé entre 2015 et 2019 tandis que la valeur de la pension moyenne en stock a suivi un rythme d'évolution modérée principalement influencé par les indexations intervenues au cours de la période.

Ces données peuvent être mises au regard des évolutions suivantes constatées dans la fonction publique au cours de la même période.

Valeur des pensions nouvellement liquidées
dans les différents volets de la fonction publique

(valeur mensuelle en euros)

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2021

De 2010 à 2019, la pension moyenne nouvellement liquidée dans la fonction publique d'État n'a progressé que de 6,5 %.

La progression a été encore plus modeste pour les fonctionnaires territoriaux (3,2 %). Seuls les fonctionnaires hospitaliers (+ 9,5 %) et les ouvriers de l'État (+ 28 %) ont connu une augmentation d'un ordre comparable (ou supérieur) à celle des salariés de la SNCF et de la RATP.

Ces discordances traduisent pour l'essentiel des différentiels d'évolutions salariales entre les fonctionnaires et les salariés des entreprises sous régime spécial et des impacts plus forts des réformes de retraite dans la fonction publique.

Du point de vue de la gestion publique on peut relever qu'au contraire des régimes pris en charge par le compte d'affectation spéciale « Pensions », le pilotage des salaires n'est pas assuré par la caisse versante, les caisses de retraites des régimes spéciaux sont essentiellement autonomes. Une partie des augmentations relevées peut être attribuée aux arrangements salariaux conclus dans le cadre des réformes visant à reporter les âges de départ en retraite (voir infra ) des salariés des régimes spéciaux.

Les écarts observés entre ces régimes et ceux de la fonction publique se traduisent par des évolutions très différentes de la valeur de la pension moyenne en stock.

Valeur des pensions du stock dans les différents volets
de la fonction publique

(valeur mensuelle en euros)

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2021

La progression en valeur réelle, appréciée sur la période 2000- 2019 a été très mesurée (+0,23 % pour la fonction publique d'État ; +0,05 % pour la fonction publique territoriale).

On relève incidemment que les niveaux des pensions moyennes liquidées par les deux régimes de transport couverts par la mission ressortent comme très différents.

La pension moyenne liquidée par la caisse de retraites de la RATP est supérieure de plus de 16,3 % (prévision pour 2021) à celle de la caisse de la SNCF.

En outre, les valeurs liquidatives des pensions des deux régimes spéciaux sont plus ou moins largement supérieures à celles des régimes de la fonction publique.

Par rapport à la fonction publique civile d'État qui occupe de ce point de vue le premier rang, l'écart est de 0,5 % en plus à la SNCF (mais de 68 % par rapport aux fonctionnaires territoriaux) et va jusqu'à 17 % à la RATP.

Il en résulte des taux de remplacement comparativement plus élevés que dans le secteur privé et la fonction publique d'État, même s'ils sont relativement dispersés.

Distribution des taux de remplacement dans les régimes spéciaux
SNCF et RATP et le régime général

NB : Moyenne, médiane et quartiles du taux de remplacement du salaire moyen des cinq avant-dernières années à temps complet.

Source : DREES

B. LA PARTICIPATION DE LA MISSION ET DES CAISSES DES RÉGIMES SPÉCIAUX AUX EFFORTS DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE

Le dispositif de performances de la mission intègre des objectifs de maîtrise des coûts de gestion des deux principales caisses financées, la caisse de la SNCF et celle de la RATP, reflets des objectifs contractualisés dans le cadre des « conventions d'objectifs et de gestion » conclues entre l'État et les caisses.

Les résultats obtenus sont en-deçà des attentes correspondantes, ce qui ne manque pas de susciter quelques interrogations. Mais c`est au-delà que celles-ci doivent désormais porter.

La perspective de construction d'un système universel intégrant les régimes spéciaux, si elle est de nature à permettre d'anticiper des économies d'échelle à terme sur les coûts de gestion des prestations, n'en ouvre pas moins une période de grande incertitude sur les conditions d'organisation de caisses avec lesquelles l'État a poursuivi son dialogue de contractualisation en 2018 au point de conclure enfin avec la caisse de la SNCF une nouvelle COG valant pour la période 2018-2021.

1. Des objectifs de diminution des frais de fonctionnement et des effectifs

En contrepartie du financement par la solidarité nationale des déficits structurels des régimes spéciaux, le Gouvernement a renforcé l'encadrement des frais de gestion des différentes caisses dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion (COG).

Il a été ainsi demandé à l'ensemble des organismes de sécurité sociale, dont les caisses gestionnaires de régimes spéciaux, de réduire de 15 % leurs frais de fonctionnement sur quatre ans et de 2 % à 2,5 % leurs effectifs par an .

S'agissant de la caisse de retraite du personnel de la SNCF , la COG 2014-2017 prévoyait une baisse d'environ 2 millions d'euros des dépenses de fonctionnement (hors personnel) sur la période. Ces objectifs n'ont pas été tenus. Les dépenses de gestion ont augmenté de 2,1 millions d'euros entre 2016 et 2017.

La nouvelle COG pour la période de 2018 à 2021 prescrit à la caisse un effort d'économie sur les dépenses de fonctionnement de 15 % accompagné par une réduction des effectifs de 2 % par an. Une rénovation du siège marseillais de la caisse est également prévue.

Le projet annuel de performances pour 2021 ne traduit pas moins une perspective d'augmentation des coûts de gestion, qui passeraient de 24,7 millions d'euros en 2019 à 26 millions d'euros en 2021.

Après l'augmentation des coûts de gestion de la caisse de retraite du personnel de la RATP intervenue sous le régime de la précédente COG (2013-2016), du fait des investissements (informatiques, plateforme téléphonique...) l'année 2017 a matérialisé des économies, mais qui, étant essentiellement attribuables à des inscriptions comptables, n'ont pas été durables.

Coûts de gestion de la caisse de retraite de la RATP

(en millions d'euros)

Source : projet annuel de performances pour 2021

En tant qu'opérateur de l'État, l' ENIM est également soumis à un encadrement de ses dépenses de fonctionnement, matérialisé notamment par un plafond d'emplois . Ces dernières années, ses effectifs ont nettement diminué.

Ils sont passés de 399 ETP en 2011 à 350 en 2016 (- 12,3 %) et ont connu de nouvelles baisses en 2017 (335 ETP, soit - 2,6 %) et en 2018 (319 ETP, soit - 4,8 %).

Une nouvelle convention d'objectifs et de gestion a été conclue, qui couvre les années 2016 à 2020. Elle a été prolongée pour inclure 2021.

Elle implique une diminution des dépenses de personnel de 11 % et des dépenses de logistique de 15 %.

Le projet annuel de performances fait état d'une réduction des emplois de 1 ETPT pour 2021 (de 294 à 293).

Or, malgré les importants ajustements subis par les emplois, les coûts de gestion seraient plus élevés en 2021 qu'en 2017 (9,7 millions d'euros contre 8,57 millions d'euros).

Encore convient-il d'observer que la subvention ne couvre pas les charges de gestion de l'ENIM si bien que le fonds de roulement de l'établissement est amplement sollicité. Il était encore de 205,5 millions d'euros en 2010.

Évolution du fonds de roulement de l'ENIM entre 2010 et 2019

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Fin 2019, le fonds de roulement n'atteignait plus que la moitié de cette somme (102,3 millions d'euros).

Compte tenu des éléments qualitatifs disponibles il baisserait en 2020, un chiffre de 98,3 millions d'euros étant avancé. S'agissant de la seule branche vieillesse, le fonds de roulement ne serait plus que de 23 millions d'euros, soit à peine 2,2 % des prestations versées annuellement (à peu près une semaine de charges). Ce niveau est inférieur à ce qui serait nécessaire, d'autant que des risques de moindres recettes très importants existent.

Par ailleurs, la question de l'adéquation des effectifs à certains objectifs risque de se poser avec davantage d'acuité. Le taux de recouvrement des cotisations, calculé sur des bases plutôt flatteuses puisqu'elles excluent les situations localement les plus difficiles, extériorise fréquemment des moins-values de recettes, l'écart pouvant atteindre 5 % par rapport à une situation théorique.

2. Quel avenir pour les caisses après l'adoption d'un régime universel ?

L'adoption d'une réforme du régime de retraite passant par la constitution d'un régime unique conduit naturellement à s'interroger sur la pérennité des organes de gestion des régimes spéciaux, qui, par définition, sont appelés à se trouver fondus dans le nouveau régime unique.

Cette question est en réalité double. Elle porte sur les infrastructures techniques qui permettent de gérer les pensions. Elle est aussi celle des organes de gouvernance des régimes.

Sur le premier point, les préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR) et à son tour les projets de loi portant la réforme envisagent la création d'une caisse nationale de retraite universelle, établissement public appelé à coiffer une « recomposition de l'architecture organisationnelle de la retraite ».

Il est prévu que « la caisse créée dès 2020 ( après le vote de la loi...) absorbe dès sa création les équipes des structures existantes nécessaires à sa mission de piloter tous les chantiers ouverts par la réforme.

Pour le reste, les caisses des régimes spéciaux subsisteraient.

Les prolongements concrets de ces annonces sont évidemment différés. Ils mériteraient d'être explicités, s'agissant de la première d'entre elles, et justifiés s'agissant de la seconde.

En outre, le calibrage des moyens nécessaires au fonctionnement d'un tel organisme appellent quelques estimations au vu des coûts sans doute très élevés qu'il supposera et des obsolescences que le projet programme en ce qui concerne les équipements des caisses actuelles.

3. Une ponction sur les réserves de la CPRP SNCF

L'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit que la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) reprend au plus tard le 31 juillet 2021 les réserves constituées par la CPRP SNCF au 31 décembre 2020. L'exposé des motifs de l'article justifie cette reprise par le fait que l'ACOSS a repris la trésorerie de l'assurance vieillesse de la CPRP SNCF. Mais, outre que cette reprise n'implique pas de transfert de propriété entre la CPRP SNCF et l'ACOSS, il faut relever que l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale opère une diversion des réserves constituées, celles-ci étant appelées non plus à financer le risque vieillesse mais bien les besoins de trésorerie de la CNAM.

L'ampleur des enjeux est élevée puisqu'il s'agit de 176,6 millions d'euros (estimation au 31 décembre 2019).

4. Une réserve de précaution au taux de 4 %

Les crédits de la mission, à défaut d'actualisation des plafonds de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, seraient affectés par une réserve de précaution au taux de 4 %.

Réserve de précaution sur les crédits
des différents programmes de la mission

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La pertinence d'une mise en réserve pour des dispositifs de « quasi-guichet », qui offrent peu de possibilité de redéploiements peut se poser. La réserve de précaution a été mise en oeuvre dans la mesure où il a été jugé préférable de ne pas introduire d'exceptions dans la pratique de la mise en réserve.

Par ailleurs, des évolutions importantes de comportements de départs en retraite peuvent se réaliser en quelques mois et rendre nécessaires des réajustements des moyens budgétaires.

C. UNE CONTRIBUTION DE 6,153 MILLIARDS D'EUROS POUR FINANCER LES DEUX TIERS DES PRESTATIONS DE RETRAITE PRÉVUES EN 2021

1. Une subvention de l'État qui assure en moyenne plus de 67 % des ressources des régimes spéciaux

La participation de l'État continue d'assurer une part prépondérante de leurs ressources aux régimes spéciaux de la présente mission.

Pour les quatre régimes les plus significatifs dont les dépenses devraient totaliser 8,671 milliards d'euros en 2021 (contre 8,793 milliards d'euros en 2020), les subventions de l'État atteindront 5,849 milliards d'euros en 2021 (contre 5,934 milliards d'euros en 2020) , soit 67,4 % des charges .

Le poids de la subvention de l'État diffère d'un régime à l'autre : en ce qui concerne les régimes fermés la subvention couvre quasiment la totalité des pensions, pour les régimes ouverts elle assure 80 % des dépenses de l'établissement national de la marine et 63 % et 62 % des dépenses des caisses de retraite de la SNCF et de la RATP.

En ce qui concerne le régime minier, qui est fermé depuis le 30 août 2010, les cotisations sociales ne représentent plus que 7 millions d'euros (moins de 1 % des charges 10 ( * ) ). La subvention versée par la mission ne représente qu'une partie de l'impasse de financement. Pour être élevée (84 % en prévision pour 2020), elle se trouve allégée par la contribution reçue par le régime au titre de la compensation démographique (206 millions d'euros anticipés en 2021).

Caisse autonome nationale de sécurité sociale des mines
(2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le régime spécial des marins devrait bénéficier en 2020 d'une subvention d'équilibre de 810 millions d'euros, en baisse de 13 millions d'euros par rapport à 2020. La subvention couvre 80 % des dépenses de pension (1 011 millions d'euros de prestations légales) à la charge de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM).

Les cotisations et contributions perçues auprès des armateurs se limitent à 113 millions d'euros.

Pour ce régime, des ressources additionnelles viennent limiter la subvention de l'État : compensations d'exonération sociales pour 29 millions d'euros ; compensation démographique pour 75 millions d'euros.

Établissement national de la marine
(2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les deux régimes des transports terrestres couverts par la mission bénéficient d'un taux de subvention identique, qui leur apporte 61 à 63 % de leurs ressources.

Régime de la SNCF
(2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Régime de la RATP
(2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

2. Une justification par l'état des équilibres démographiques des régimes spéciaux mais qui est loin d'épuiser les raisons des soutiens nécessaires à leur financement

Le taux élevé de la contribution de l'État aux dépenses des régimes spéciaux peut se justifier par la situation démographique de ces régimes, particulièrement défavorable.

Ratios cotisants sur retraités par groupe de régimes

Source : étude d'impact annexée aux projets de loi de réforme des retraites

Cependant, une partie des subventions couvre des avantages particuliers en plus de ces déséquilibres démographiques, déséquilibres auxquels les règles dérogatoires appliquées dans les régimes spéciaux ne sont du reste pas étrangères.

a) Un rapport démographique dégradé

Les régimes spéciaux financés par la présente mission connaissent une situation démographique incontestablement dégradée , qui se manifeste par un ratio entre cotisants et retraités plus faible que dans le régime général d'assurance vieillesse et dans celui de la fonction publique d'État et par une baisse du rapport démographique.

Parmi les régimes encore ouverts, le régime des marins compte seulement 0,28 cotisant pour un retraité , le régime de la SNCF 0,50 cotisant pour un pensionné et le régime de la RATP 0,80 cotisant pour un pensionné tandis que le rapport démographique est de l'ordre de 1,33 dans le régime général, toutes données qui sont évidemment d'une portée relative dans le contexte de catastrophe sanitaire prévalant.

Une fois corrigés pour tenir compte de la pondération des pensions de réversion, qui sont prises pour la moitié d'une pension de droit direct, les rapports démographiques des régimes spéciaux, qui accueillent une proportion de pensions dérivées plus fortes que le régime général, sont un peu moins dégradés mais ils accusent toutefois un fort déficit par rapport au régime général.

Les projections à 2040 mettent en évidence la perspective d'une nouvelle baisse des rapports démographiques.

Projection du rapport démographique corrigé de la SNCF (2016-2040)

Source : « Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières » ; Cour des comptes ; 2019

Projection du rapport démographique corrigé de la RATP (2016-2040)

Source : « Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières » ; Cour des comptes ; 2019

Ces évolutions prolongent une tendance plus ancienne.

Évolution du rapport démographique *
dans les principaux régimes de retraite

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2018, du rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2017, du recueil statistique de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2018)

Le rapport démographique de la RATP, qui s'est beaucoup dégradé ces dernières années, passant sous l'unité en 2019, subirait une nouvelle période de baisse à partir de 2030 après un plateau au cours des 2020. En 2040, il n'y aurait plus que 0,92 cotisant pour un pensionné.

Quant au régime de la SNCF, le rapport démographique resterait à son bas niveau actuel jusqu'en 2030, année après laquelle il déclinerait à nouveau pour atteindre 0,45 cotisant pour un retraité, le passage des nouveaux embauchés à un régime ordinaire de retraite jouant un grand rôle.

On ne manquera pas de souligner les incertitudes entourant ces perspectives qui doivent être prises pour des projections plutôt que des prévisions.

b) Le poids des singularités des régimes spéciaux

En toute hypothèse, le besoin de financement de ces régimes ne s'explique pas uniquement par leur situation démographique .

Des facteurs institutionnels jouent encore un grand rôle dans les déséquilibres financiers que la solidarité nationale est appelée à combler.

Ce n'est qu'au terme de la montée en charge des réformes du système de retraite intervenues à partir de 2008 que la pression des particularités de ces régimes sur le budget de l'État s'atténuera (voir ci-dessous).

Le taux de couverture des avantages spécifiques du régime de la SNCF par le taux T2 n'est pas connu des services chargés de la programmation de la mission RSR. C'est du moins ce qu'indique la réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale concernant les avantages spécifiques de la SNCF.

« Les charges supportées par la caisse de retraite au titre des droits spécifiques des affiliés du régime ne sont pas disponibles. C'est pourquoi il n'est pas possible de les comparer aux produits de la cotisation au taux T2 ».

Ce déficit d'information est d'autant plus regrettable que le régime de la SNCF repose sur une surcotisation, le taux T2, théoriquement prélevée pour financer lesdits avantages spécifiques 11 ( * ) .

Ainsi que le rappelle le conseil d'orientation des retraites (COR), la cotisation patronale de la SNCF est constituée de deux composantes T1 et T2 :

- la composante T1 représente le montant des cotisations qui seraient dues si les salariés de la SNCF relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire des salariés. Plus précisément, elle vient compléter les cotisations salariales des agents de la SNCF, de façon à ce que le total des cotisations salariales et de la composante T1 soit égal au total des cotisations salariales et patronales qui seraient dues avec les régimes de droit commun ;

- la composante T2 est destinée à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial.

Ce dernier taux avait été fixé à 11,26 % en 2011. Devant évoluer comme le taux global des régimes de droit commun pour un salarié non cadre, il a été porté à 11,81 % pour 2016 puis à 13,85 % depuis le 1 er mai 2017. Il est de 13,99 % en 2021 comme les deux années précédentes, la stabilité du taux T2 pouvant paraître discordante par rapport au processus de banalisation des charges tenant aux avantages statutaires, mais pouvant s'expliquer par une forme d'inertie des charges actuelles portées par la caisse du fait de ces avantages.

Si les réformes intervenues depuis 2003 ont tendu à faire converger les règles applicables à ces régimes avec celles du régime général et celui de la fonction publique (voir ci-après), des différences subsistent du fait des situations de départ, de l'exclusion des régimes fermés et du régime des marins du mouvement d'harmonisation entrepris, et du calendrier d'application des réformes aux régimes spéciaux.

Elle a été différée de quatre ans par rapport au rythme imprimé à la convergence entre les règles de la fonction publique et celles du régime général ce qui explique que ses effets sont encore largement à venir (voir ci-après).

Les principales règles dérogatoires applicables
aux régimes spéciaux de retraite

Les trois principaux régimes de retraite « ouverts » subventionnés par la mission, à savoir les régimes des retraites des personnels de la SNCF, de la RATP et des marins se caractérisent par des règles plus avantageuses que celles du régime général en matière d'âge de départ à la retraite et de liquidation.

Parmi les règles dérogatoires applicables au régime des marins , on peut citer :

- l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite fixé à 55 ans (contre 62 ans pour le régime général) ;

- la liquidation de la pension de retraite sur la base des 3 dernières années (en fonction du salaire forfaitaire) ;

- l' absence de mécanisme de décote et de surcote .

Les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se distinguent, quant à eux, du régime général par :

- un âge légal d'ouverture des droits de 50 ans progressivement porté à 52 ans pour le personnel roulant des deux entreprises. L'âge légal d'ouverture des droits est de 55 ans pour les autres catégories de personnels de la SNCF, devant être porté progressivement à 57 ans et de 55 ans ou 60 ans respectivement (progressivement porté à 57 ans ou 62 ans) pour les personnels de la RATP appartenant à la catégorie A active ou aux autres catégories ;

- un mécanisme de bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les personnels recrutés avant la réforme de 2008 ;

- une liquidation de la pension sur la base des six derniers mois de salaires .

Par conséquent, l'âge effectif de départ à la retraite des assurés des régimes spéciaux est sensiblement inférieur à celui observé dans le régime général .

3. Une évaluation par la Cour des comptes

Sur la base d'une méthode consistant à décomposer les charges des régimes de la SNCF et de la RATP en trois composantes (les dépenses qui seraient supportées si les régimes étaient conduits dans les termes juridiques et démographiques du régime général, les charges spécifiquement attribuables à la situation démographique dégradée de ces régimes, le coût des départs précoces et les suppléments de pensions accessibles dans ces régimes), la Cour des comptes est conduite à chiffrer à 900 millions d'euros le coût des départs précoces (300 millions d'euros pour la RATP, 600 millions d'euros pour la SNCF) et à 2,3 milliards d'euros l'impact du rapport démographique (principalement pour la SNCF).

Les suppléments de pensions représenteraient une somme plus modeste (400 millions d'euros) mais significative.

Pour le régime de la RATP, le surcroît de pension n'a pas pu être estimé. Son montant est réparti entre les dépenses en référence aux régimes de salariés du secteur privé et le coût démographique.

Les pensions totales ne diffèrent de la somme des différentes catégories de dépenses que du fait des règles d'arrondi.

À la RATP, l'absence de surcotisation conduit à laisser l'État prendre en charge les coûts démographiques du régime mais surtout les départs précoces.

Pour la SNCF, si les cotisations T2 prennent en charge une part des spécificités du régime dues aux départs précoces (260 millions d'euros), l'État en financerait la majeure partie (340 millions d'euros).

En outre, il financerait l'impasse de financement par le T2 des surcroîts de pension à hauteur de 230 millions d'euros, soit un total de 570 millions d'euros représentant 18 % de la subvention prévue en 2020.

Cette évaluation très utile conduit à conclure que la collectivité nationale est appelée en l'état à contribuer à hauteur de près de 0,9 milliard d'euros pour financer les avantages spécifiques des affiliés des deux régimes couverts par la mission.

Une projection à plus long terme indiquerait que cet apport se réduira significativement.

En ce qui concerne la SNCF, en appliquant le taux de réduction des pensionnés au régime spécial prévu (40 % à l'horizon 2050), la charge des avantages spécifiques, qui sont appelés à se réduire, passerait de 1 milliard d'euros à 600 millions d'euros, la dépense collective, à taux de couverture inchangé par le T2, devrait être ramenée à 282 millions d'euros.

II. DES RÉGIMES SPÉCIAUX « OUVERTS » EN VOIE DE « BANALISATION », DES PERSPECTIVES DE RÉDUCTION DES DÉFICITS À MOYEN ET À LONG TERME BOULEVERSÉES PAR LE PASSAGE DU RÉGIME DE LA SNCF AU STATUT DE RÉGIME FERMÉ

Les régimes spéciaux ont fait l'objet de réformes successives depuis 2008 tendant à atténuer leurs spécificités dans un environnement législatif marqué par la succession de plusieurs réformes des retraites.

Si l'impact des modifications intervenues en 2008 a suscité des estimations qui en soulignent l'efficacité, cependant modérée par l'incidence des mesures d'accompagnement salarial alors décidées, pour les réformes ultérieures, leurs effets, hors ceux liés à la hausse des cotisations, ne sont encore que partiellement saisis mais devraient se renforcer à l'avenir.

Les projections disponibles laissent présager un impact favorable des modifications paramétriques apportées aux régimes spéciaux concernés par les réformes qui devrait réduire nettement les besoins de financement et, ainsi soulager fortement la mission, dans les exercices budgétaires à venir.

Toutefois, à législation courante, un besoin de financement, même réduit, subsisterait, obligeant la solidarité nationale à continuer de s'exprimer en faveur des régimes spéciaux.

Sur ce point, une évolution majeure est intervenue avec l'adoption de la réforme ferroviaire. Elle devrait se traduire par un alourdissement transitoire des besoins de financement du nouveau régime fermé qu'elle a institué.

A. UN RAPPROCHEMENT AVEC LES RÈGLES DE DROIT COMMUN QUI LAISSE DES DIFFÉRENCES SIGNIFICATIVES AUXQUELLES IL FAUT NÉANMOINS APPORTER DES NUANCES

Les réformes des régimes spéciaux 12 ( * ) ont tendu à les faire converger vers les règles de droit commun mais moyennant des nuances marquées.

Certains régimes ont été exclus d'une partie des réformes pour des raisons tenant à leur situation particulière. Il en est allé ainsi des régimes fermés et du régime des marins.

En outre, l'entrée en vigueur des réformes les plus récentes a été décalée et devait être progressive si bien que les réformes n'étaient appelées à exercer leurs effets que dans le temps.

Ce n'est qu'à partir de 2017 que s'est appliquée la réforme de 2010 marquée par le relèvement progressif de 2 ans de l'âge de départ en retraite (selon un rythme de quatre mois par génération).

Ses effets sont difficilement perceptibles dans le présent projet de loi de finances mais ils monteront en puissance à moyen terme à mesure que les relèvements annuels des bornes d'âge se cumuleront. D'ores et déjà, les âges d'ouverture des droits sont supérieurs en 2021 à une situation sans réforme (un peu plus d'un an de plus).

À l'horizon 2024, l'âge de départ à la retraite aura été relevé de deux ans dans tous les régimes spéciaux.

Quant à la réforme de 2014 , si ses dispositions financières ont été appliquées immédiatement, l'autre volet important, concernant la durée de cotisations nécessaires pour disposer d'une retraite à taux plein , n'est entrée en application qu'à partir de juillet 2019. On se reportera au tableau infra qui rend compte du durcissement des conditions de durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein ainsi que des conditions d'âge permettant l'annulation de la décote.

1. Même si elle n'a pas modifié les conditions d'âge pour liquider une retraite spécifiques aux régimes spéciaux, la réforme de 2008 a poursuivi un objectif principal de prolongation de la durée d'activité en introduisant de nouveaux paramètres de liquidation

La réforme de 2008 des régimes spéciaux a été inspirée par le principe d'une harmonisation progressive de leur réglementation avec celle de la fonction publique d'État (les principes de la décote et la surcote, l'allongement de la durée de cotisation, l'indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires, la suppression de la mise à la retraite d'office, la possibilité de rachat d'années d'études, de départ pour les agents handicapés, etc.), tout en maintenant pour chacun le principe d'un régime spécifique ainsi que les conditions d'âge permettant de liquider une retraite.

Les contreparties salariales négociées accompagnant la réforme de 2008 des régimes spéciaux de retraite se sont concrétisées à la SNCF et à la RATP par les mesures suivantes : création d'un échelon supplémentaire pour les agents prolongeant leur activité, élargissement de l'assiette du salaire brut liquidable, majorations de traitement liées à la prolongation d'activité, diverses mesures d'accompagnement de fin de carrière et prise en compte de la pénibilité. Coûteuses d'un point de vue salariale, elles compensent, au moins partiellement, l'effet de la réforme pour les personnels appelés à en bénéficier et infléchissent, mais à terme seulement, l'ampleur des économies attendues.

Les principaux droits des assurés avant et après la réforme des régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP de 2008 figurent ci-après.

Principales composantes de la réforme
des régimes spéciaux de 2008

La durée de cotisation

La durée de cotisation nécessaire pour atteindre un taux plein de liquidation a été augmentée si bien que le rendement des cotisations a, toutes choses égales par ailleurs, été réduit. Cette mesure est appelée à entrer en vigueur progressivement.

- Avant réforme : 37 ans et demi

- Après réforme : augmentation progressive de la durée de cotisation pour une pension à taux plein (75 % du salaire de référence) depuis le 1 er juillet 2008 : elle passe de 150 à 166 trimestres en 2018 (suppression des bonifications). Le nombre de trimestres nécessaires varie selon la date de naissance et la nature de l'emploi, sédentaire ou agent de conduite. La bonification de 5 ans d'annuités maximum est supprimée pour les agents d'exploitation et de maintenance recrutés après le 1 er janvier 2009.

Le choix de l'âge de départ en retraite

- Avant réforme : à l'initiative de l'agent ou de l'entreprise.

- Après réforme : à l'initiative de l'agent seulement (la clause « couperet » autorisant l'employeur à recourir à la mise à la retraite d'office a été supprimée).

L'instauration d'une décote et d'une surcote

- Avant réforme : ni décote si surcote.

- Après réforme : décote à partir du 1 er juillet 2010 et surcote à partir du 1 er juillet 2008 ; les assurés qui cotiseront au-delà de la durée nécessaire pour obtenir le taux plein de 75 % verront leur pension majorée et, à l'inverse, ceux qui cesseront leurs fonctions avant de remplir ces conditions verront leur pension minorée.

L'indexation des pensions

- Avant réforme : les pensions évoluent comme les salaires.

- Après réforme : les pensions évoluent comme l'indice des prix à la consommation hors tabac à compter du 1 er janvier 2009.

2. Les réformes de 2010 et 2014 ont à nouveau modifié les paramètres des régimes spéciaux concernés

Marquées par une progressivité de leur mise en oeuvre, les réformes de 2010 et de 2014 supposent un report de l'âge légal de la retraite et un alignement des conditions de durée d'affiliation nécessaire à l'obtention d'une retraite à taux plein sans décote.

À la SNCF, pour les agents nés à partir de 1962 (1967 pour les agents de conduite), l'âge d'ouverture de droit à pension augmente progressivement de 4 mois par an à compter de 2017 jusqu'à atteindre 57 ans (52 ans pour les agents de conduite).

Paramètres du régime SNCF pour les agents (hors agents de conduite)
selon la génération à la suite de la réforme de 2010

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Paramètres du régime SNCF pour les agents (hors agents de conduite)
selon la génération à la suite de la réforme de 2014

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

a) L'application à compter de 2017 du relèvement de l'âge de départ à la retraite prévu par la réforme de 2010

Les régimes de retraite des mines, de la SEITA ainsi que les autres régimes de retraite « fermés » ont été exclus des récentes réformes des retraites dans la mesure où la réforme des droits des affiliés cotisants aurait eu un impact très faible voire nul.

Le régime de retraite des marins est également resté, globalement, à l'écart de cette réforme, compte tenu de la forte pénibilité d'une large part des professions affiliées et des difficultés économiques touchant particulièrement le secteur de la pêche.

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, transposée par voie réglementaire aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP 13 ( * ) , a mis en oeuvre un processus de convergence avec le régime de la fonction publique.

À partir de 2017 , l'âge légal de départ à la retraite est progressivement relevé de quatre mois par an.

Pour la RATP , il sera de 52 ans pour le personnel roulant de catégorie B et de 57 ans (catégorie A active) ou de 62 ans pour les autres catégories de personnel à l'horizon 2024.

En 2020, l'âge de départ à la retraite est majoré de un an et quatre mois par rapport à la situation ex ante (51 ans et quatre mois pour le personnel roulant, 56 ans et quatre mois pour la catégorie A active, 61 ans et quatre mois pour les autres salariés).

Pour la SNCF , le relèvement des bornes d'âge laissera subsister un écart significatif avec le droit commun (52 ans pour les personnels roulants et 57 ans pour les sédentaires).

b) L'augmentation de la durée d'assurance conditionnant le « taux plein » à partir de 2019

Les principales mesures de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système des retraites ont également été transposées par décret aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP 14 ( * ) .

Outre les mesures déjà mises en oeuvre, en particulier le relèvement des taux de cotisation et le décalage de la date de revalorisation des retraites, sont appelées à entrer en application progressive :

- une nouvelle augmentation graduelle de la durée d'affiliation requise pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein (après celle résultant de la réforme de 2008) qui n'est entrée en vigueur qu'à compter du 1 er juillet 2019.

Elle passera de 167 trimestres (soit 41 ans et trois trimestres) pour les agents de la SNCF nés entre 1964 et 1965 et pour ceux de la RATP nés entre 1959 et 1960, à 172 trimestres (43 ans) pour les assurés nés à partir du 1 er janvier 1978 à la SNCF et à partir du 1 er janvier 1973 à la RATP. La durée d'assurance sera ainsi identique à celle en vigueur dans le régime général, même si son application sera plus tardive dans le régime de la SNCF ;

- la poursuite de l'alignement des cotisations sur le régime général, dont les conditions pour 2017 ont été exposées, mais qui devrait conduire à des augmentations futures. Le taux de cotisation salariale à la SNCF passerait ainsi progressivement de 8,52 % en 2017 à 10,95 % en janvier 2026.

3. Des réformes qui laissent des différences significatives

Les réformes des régimes de retraite spéciaux, une fois complètement mises en oeuvre, laisseront subsister des écarts institutionnels significatifs.

C'est tout particulièrement le cas pour les agents de la SNCF , qui bénéficient d'un âge de départ nettement plus précoce que pour les autres régimes.

Contrairement aux conditions prévalant dans les régimes de retraite des salariés ou des fonctionnaires et à celles posées à la RATP, les personnels sédentaires continuent à bénéficier d'une possibilité de départ en retraite dès 57 ans.

Ils peuvent même partir plus tôt (52 ans) à condition d'avoir exercé des métiers d'agents de conduite durant une certaine durée. Pour les agents de conduite, l'âge d'ouverture des droits y est uniformément de 52 ans.

Âges d'ouverture des droits à la SNCF et à la RATP et comparaisons avec les fonctionnaires selon les différentes catégories

Source : « Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières » ; Cour des comptes ; 2019

4. Des différences qui colorent fortement les comportements de départ avec des effets importants sur les durées de service des pensions...

Jusqu'à présent, le relèvement de l'âge effectif de départ en retraite est resté limité de sorte que l'âge de départ à la retraite observé dans les régimes spéciaux demeure significativement inférieur à celui observé dans le régime général et dans la fonction publique de l'État.

Évolution des âges conjoncturels de départ à la retraite entre 2007 et 2017
dans différents régimes de retraite

Source : « Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières » ; Cour des comptes ; 2019

Un grand nombre des nouveaux pensionnés des régimes spéciaux ayant liquidé leurs pensions en 2018 avaient moins de 56 ans mais ils sont moins nombreux qu'en 2017 (46 % contre 53 % pour la RATP, 13 % contre 14 % pour la SNCF où 65 % des liquidations interviennent entre 57 et 59 ans).

Il faut relever néanmoins qu'il apparaît proche de l'âge de liquidation observé chez les fonctionnaires appartenant aux catégories dites « actives » de la fonction publique d'État ou, même si c'est dans de moindres proportions, relevant de la CNRACL (par exemple, les policiers, les surveillants de l'administration pénitentiaire, des douanes ou encore les infirmiers n'ayant pas opté pour la catégorie A) qui, en raison de leurs conditions spécifiques de travail, bénéficient de règles d'âge plus favorables.

Répartition des nouveaux retraités selon leur âge
au 31 décembre 2018

(en pourcentage)

Source : DREES, Panorama des pensions 2020

Au total, le taux de retraités à 60 ans est particulièrement élevé dans les deux régimes de transport routier, qui contrastent nettement avec la fonction publique d'État civile malgré l'existence dans cette dernière de catégories jouissant de possibilités de départ précoce. Il en va de même du taux de retraités à 55 ans.

Taux de retraités par âge dans différents régimes

Source : « Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières » ; Cour des comptes ; 2019

Ces écarts déterminent de fortes différences dans le nombre d'années de service des pensions.

Le nombre d'années de service moyen d'une pension est appelé à évoluer en fonction des gains d'espérance de vie et des modulations des comportements de liquidation.

À ce jour, il est en moyenne d'un peu plus de 25 ans , les générations futures devant profiter d'un allongement de leur durée de vie en pension (sous l'hypothèse d'un maintien d'une condition de durée d'affiliation de 43 ans pour obtenir un taux plein).

Durée moyenne de service de la pension par génération

Source : rapport du Cor, 2019

Par comparaison avec la situation actuelle, les régimes spéciaux présentent un avantage avec une durée moyenne de service de la pension de 28,9 ans à la SNCF et de 27,7 années à la RATP.

5. ... sans pour autant induire des carrières plus courtes du moins pour les pensions liquidées à l'ancienneté

Les données publiées sur les durées d'activité dans les régimes spéciaux des transports terrestres couverts par la mission mériteraient d'être accompagnées de plus de précisions sur les modes de calcul. Il conviendrait en particulier que le champ des retraités considérés soit mieux cerné.

Il semble que les données fournies ne concernent que les pensionnés liquidant leur retraite pour ancienneté, c'est-à-dire qu'elles excluent les nouveaux pensionnés ayant mobilisé un départ précoce, ce qui est de nature à élever la durée d'activité.

Par ailleurs, les clefs de passage entre durées d'activité, durées cotisées et durées validées devraient être décrites. Cela apparaîtrait d'autant plus pertinent que les conditions d'estimation des durées d'activité et celles déliant les trimestres cotisés des trimestres validés suivent des spécificités propres à chaque régime.

On sait, par exemple, à ce propos que les durées d'activité suivent un régime spécifique dans la fonction publique et dans les régimes spéciaux. Elles sont calculées par référence à un nombre de jours calendaires travaillés permettant de valider un trimestre quand dans le régime général la durée d'activité est calculée sur la base d'un nombre d'heures travaillées, 150 heures travaillées permettant de valider un trimestre d'activité.

Il existe de surcroît des discordances entre les données publiées dans le projet annuel de performances et celles communiquées à la rapporteure spéciale. Ainsi la durée d'activité ressort à 32,7 ans pour la SNCF dans le projet annuel de performances mais à 36,7 ans dans la réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.

C'est donc avec précaution qu'il faut prendre les constats qui suivent.

Selon ceux-ci, les différences dans les conditions d'âge à la faveur des régimes spéciaux n'empêchent pas que les durées moyennes de carrière et les durées cotisées soient proches, voire supérieures dans ces deux régimes par rapport à ce qu'elles sont en général, avec cependant des différences marquées entre la SNCF et la RATP.

Si, pour la génération 1950, la durée cotisée est de l'ordre de 36 ans en moyenne pour les salariés ne percevant pas de minima de pensions -33,1 ans pour l'ensemble, elle serait de 37,1 ans à la SNCF 15 ( * ) (pour les départs à l'ancienneté) et de 31,5 ans à la RATP 16 ( * ) .

Comme pour d'autres régimes, il existe des écarts entre la durée d'activité, la durée cotisée et la durée validée par les régimes sous revue.

Pour l'ensemble des régimes l'écart entre la durée cotisée et la durée validée serait de plus de six ans, notamment du fait de la situation des femmes (pour lesquelles l'écart atteint plus de neuf ans).

Écarts entre les durées cotisées et les durées validées pour la génération ayant 66 ans en 2016

Source : DREES, 2020

Pour les régimes spéciaux ici examinés, ces écarts apparaissent nettement plus faibles à la SNCF et du même ordre à la RATP, avec des différences très sensibles selon la catégorie d'emplois considérée.

Comparaison des durées cotisées et validées CPRP SNCF

Source : projet annuel de performances de la mission 2021

Comparaison des durées cotisées et validées RATP

Opérateurs

Maitrises

Cadres

Ensemble

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Effectif

467

130

597

252

66

318

89

23

112

808

219

1027

Age moyen au départ

55,73

54,33

55,42

56,46

55,65

56,29

59,42

58,48

59,23

56,36

55,16

56,11

Trimestres cotisés

120,02

114,92

118,91

133,32

129,36

132,50

145,89

143,13

145,32

127,02

122,24

126,00

Trimestres liquidables

138,40

134,14

137,47

150,44

144,09

149,12

154,73

147,00

153,14

143,95

138,49

142,79

Trimestres d'assurance totale

164,53

164,36

164,49

167,30

163,55

166,52

167,06

161,09

165,83

165,67

163,77

165,27

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Cependant, on doit à bon droit s'interroger sur les données publiées dans le cadre de la documentation budgétaire. Elles semblent hétérogènes, et appellent ainsi une harmonisation. En particulier, pour la SNCF, il semble que ne soient pris en compte que les avantages de durée propres au régime.

Finalement, le rapport entre la durée moyenne d'activité et la durée moyenne de service de la pension s'établissent comme suit dans les deux régimes.

Durée moyenne d'activité et durée moyenne de service de la pension SNCF

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021

Durée moyenne d'activité et durée moyenne de service de la pension RATP

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021

Dans les deux régimes, la durée d'activité est supérieure à la durée de service de la pension, mais d'assez peu.

À la SNCF, elle n'est supérieure que de 13 % quand, à la RATP, elle excède la durée de service de la pension de 27 %.

Ces rapports sont marqués par une certaine stabilité, même si pour la RATP le rapport a tendance à baisser. Dans ce régime, un allongement de la durée de carrière est intervenu, qui, globalement, ne s'est pas observé à la SNCF. Dans les deux cas, la durée de service de la pension (ici exprimée pour les pensions de droit direct) est de plus en plus longue. Cette évolution reflète des gains d'espérance de vie, mais cet allongement tend à se réduire à mesure que les carrières s'allongent et dans un contexte où les gains d'espérance de vie semblent se réduire.

Pour mémoire, on rappelle que la durée moyenne de service d'une pension serait de 26 ans et 6 mois, soit moins que dans les régimes spéciaux.

Des écarts importants existent toutefois entre les catégories.

Les durées cotisées sont systématiquement plus courtes pour les personnels roulants.

La durée cotisée est de 126,9 trimestres pour les conducteurs de la SNCF mais de 150,8 trimestres pour les autres agents. Ces derniers valident à peu près autant de trimestres qu'ils n'en cotisent tandis que les personnels roulants valident 18,9 trimestres de plus (c'est-à-dire plus de 4 ans) qu'ils n'en cotisent.

Durées d'activité et durées cotisées et validées
pour les différentes catégories de salariés de la SNCF

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les durées de service de la pension sont plus longues pour les « roulants », de 11,5 % (soit 13,2 trimestres, un peu plus de 3 ans).

6. Des différences atténuées en pratique par l'alignement des conditions de durée d'assurance pour obtenir une pension sans décote

L'existence de possibilités de départ plus précoces que l'âge de droit commun n'est pas propre aux personnels des régimes spéciaux.

De telles dispositions sont prévues pour certaines catégories de personnel de la fonction publique, les catégories actives et superactives ou des salariés, en lien avec les mesures liées à la prise en compte de la pénibilité.

Mais, surtout, doit être tenu compte de ce que les limites d'âge relatives à l'ouverture des droits vont devenir assez théoriques du fait des autres modifications apportées aux régimes et tout particulièrement de l'allongement progressif et très significatif des conditions tenant à la durée d'affiliation requise pour bénéficier d'un taux sans décote.

Au demeurant, d'ores et déjà, la montée en charge des réformes a conduit à une augmentation progressive de l'âge moyen de départ à la retraite.

L'âge moyen de départ qui était de 55 ans et 8 mois en 2012 à la SNCF est passé en 2018 à 57 ans et 9 mois, soit un décalage de 2 ans et 1 mois. Il serait de 58 ans en 2019 et pourrait s'élever de l'ordre de 2 mois en 2021.

Pour les agents sédentaires , l'âge de départ était en 2012 de 56 ans et 2 mois contre 58 ans et 2 mois en 2018, soit 2 ans et 4 mois de plus que les conditions légales . Il serait de 58 ans et 6 mois en 2019. Avec 4 mois de plus par an, il atteindrait 59 ans et 2 mois en 2021.

Quant aux agents de conduite, ils partaient à 51 ans et 4 mois en 2012 et liquidaient leur retraite à 53 ans et 7 mois en 2018 comme en 2019, soit 2 ans et 9 mois de plus que les conditions légales.

Pour la RATP , alors que les conditions générales sont plus rigoureuses, l'âge de départ moyen est plus précoce qu'à la SNCF : 56 ans et 11 mois, mais il a augmenté depuis 2012 où il était de 54 ans et 5 mois.

Cette situation paraît attribuable à un effet de composition, les personnels roulants de la RATP étant proportionnellement plus nombreux qu'à la SNCF.

Proportion de conducteurs et des personnels roulants
parmi les pensionnés de la SNCF et de la RATP

Entreprise

SNCF

RATP

Année

2015

2016

2015

2016

Proportion de conducteurs
et de personnel roulant
parmi les pensionnés (1)

13%

12 %

32,06%

31,82 %

(1) cette proportion est calculée par rapport aux pensions directes

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le niveau plus élevé des pensions liquidées peut également jouer en donnant plus de latitude aux salariés de la RATP dans le choix de leur date de liquidation.

Il n'en reste pas moins qu'un écart considérable se constate encore entre les durées d'assurance au moment de la liquidation dans ces régimes et les durées d'assurance devant à l'avenir être requises pour éviter le jeu combiné de la proratisation des pensions et de la décote.

Ce dernier est déjà particulièrement fort pour les régimes sous revue tandis que les assurés bénéficiant de la surcote sont en proportion limitée.

Proportion des pensions décotées dans différents régimes

Source : « Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières » ; Cour des comptes ; 2019

Les perspectives de comportement d'âge publiées par le COR prévoient ainsi une « normalisation » dans l'avenir.

Projections des âges de liquidation SNCF

Projections des âges de liquidation RATP

Si les projections ouvrent à la perspective d'un recul de l'âge de liquidation des pensions, elles s'accompagnent de différences entre les catégories, l'âge d'annulation de la décote étant atteint plus tôt pour les personnels roulants mais aussi du maintien d'un écart avec le régime général et celui appliqué aux fonctionnaires sédentaires.

B. LA BAISSE GRADUELLE DU BESOIN DE FINANCEMENT DES RÉGIMES SPÉCIAUX REMISE EN CAUSE PAR L'ADOPTION DU « PACTE FERROVIAIRE »

Les différentes réformes touchant les régimes spéciaux ont fait l'objet d'évaluations.

Elles attribuent aux réformes un résultat positif en termes de contribution à une meilleure soutenabilité des régimes concernés tout en laissant subsister un besoin d'expression de la solidarité nationale, les régimes n'arrivant pas à l'équilibre.

Les perspectives d'amélioration des soldes financiers des régimes à l'horizon 2050 ressortent bouleversées par l'effet de l'adoption du « pacte ferroviaire ».

La « fermeture » du régime de retraite de la SNCF a pour effet d'installer celui-ci sur une trajectoire d'aggravation de son déficit.

Il est vrai que celle-ci illustre davantage l'impact de la fermeture d'un régime que des équilibres fondamentaux.

La dégradation du solde devrait se retourner à terme, mais au-delà de la période de projection.

Pour la commodité de l'exposé, on retrace les effets des réformes passées tels qu'ils pouvaient être estimés avant l'adoption du « pacte ferroviaire » puis les estimations consécutives à cette réforme.

1. Une réduction tendancielle du besoin de financement des régimes de retraite spéciaux une fois pris en compte tous les effets des réformes des régimes, mais un besoin de financement complémentaire par l'État

Les réformes du régime spécial de la SNCF ont jeté les bases d'une amélioration de ses équilibres financiers appelée à s'amplifier en projection, une fois que ces réformes auront déployé tous leurs effets.

Cependant, les projections paraissent avoir quelque peu surestimé les effets des réformes, du moins jusqu'à présent.

Pour la SNCF , le graphique ci-dessous permet de visualiser la projection des effets des réformes sur la situation actuelle du régime et leur impact en projection, jusqu'en 2050, sur les soldes du régime avant et après les différentes réformes (obtenus par la différence entre la masse des pensions et celle des cotisations hors frais de gestion administrative et de compensations démographiques).

L'impact de début de période devait permettre d'améliorer l'équilibre du régime de l'ordre de 500 millions d'euros (2021), le déficit étant ramené en 2021 à 3,1 milliards d'euros. Le projet de loi de finances l'estime quant à lui à 3,3 milliards d'euros.

Un effet de rééquilibrage est bien intervenu mais dans des proportions un peu moins importantes que prévu. Cependant, il devrait perdurer et s'amplifier, la réforme de 2014, avec le durcissement des conditions d'obtention d'une retraite à taux plein et du régime de la décote prenant le relais très efficacement des réformes antérieures.

Projections antérieures à 2018 des soldes du régime
dans différentes situations

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La réforme de 2008 s'est traduite jusqu'à présent par une amélioration du solde proche de 400 millions d'euros. Ses effets devraient s'amplifier jusqu'au milieu des années 2020 pour se réduire dans les années 2034-2045 et reprendre un peu de volume au-delà.

La réforme de 2010 exerce des effets plus modérés à l'inverse de la dernière réforme en date, celle de 2014 qui, peu économe en début de période, fait gagner au régime de 200 millions à 350 millions d'euros à partir des années 2030.

Dans la situation antérieure à l'adoption du « pacte ferroviaire », l'impact des réformes résultait de la combinaison d'une hausse des prélèvements obligatoires, et, ainsi, de l'effort contributif des affiliés au régime, et d'une réduction du taux de remplacement et de la durée en pensions qui infléchissait la tendance des dépenses.

Au total, il était plus fort en dépenses qu'en recettes.

Impact des réformes des retraites sur les dépenses de pensions
du régime de pensions de la SNCF

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La réduction des dépenses provient d'un report de l'âge de liquidation des pensions qui se traduit par une baisse du volume des pensionnés (et par une durée réduite du service des pensions). Le décalage de l'âge de liquidation atteint près de 7 ans en 2034.

Les réformes ont également amélioré les perspectives de recettes du régime, en particulier la réforme de 2014.

Impact des réformes des retraites sur les recettes
du régime de pensions de la SNCF

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les gains de recettes sont toutefois un peu moins forts que les économies de charges.

Ils résultent d'une élévation de l'effort contributif du fait de l'augmentation de la pression des prélèvements obligatoires mais aussi d'une hypothèse d'extension de la base de cotisations du fait d'un maintien plus long en activité et de concessions salariales.

Au total, l'effet des réformes avant adoption du « pacte ferroviaire » sur le besoin de financement du régime de la SNCF, et par conséquent de subventionnement du régime par la mission, pouvait se résumer dans un allègement du besoin de financement de l'ordre de 600 millions d'euros à un horizon de 8 ans (2025), de 1,2 milliard d'euros en 2035, de 1 milliard d'euro en 2040 et de 1,5 milliard d'euros en 2050.

Il est intéressant d'observer que l'amélioration du solde du régime résultant des réformes, un temps essentiellement dûe aux mesures accompagnant la réforme de 2008 qui, ainsi qu'indiqué par le COR, ont exercé un effet prépondérant dans les années immédiatement postérieures à la réforme sur le maintien en activité des agents, se prolongerait en dépit d'un renversement de l'impact de ces mesures sur la caisse des retraites.

Le bilan de ces mesures pour le régime est illustré par les graphiques ci-après. Le gain en cotisations a été fort et immédiat, le niveau des cotisations étant relevé de près de 75 millions d'euros à l'horizon 2015.

Gains en cotisations

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En revanche, l'impact sur les dépenses a été plus progressif en raison de l'extension séquencée des mesures de revalorisation aux différentes générations partant en retraite.

Coût sur les pensions

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Dans ces conditions, les mesures d'accompagnement alors mises en oeuvre qui avaient soulagé le besoin de financement du régime jusqu'en 2015 commenceraient à le dégrader au-delà.

Coût net

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

À l'horizon 2020, le déficit résultant de ces mesures atteindrait 50 millions d'euros. Il serait porté à 200 millions d'euros en 2040.

Cette séquence mérite d'être gardée à l'esprit à l'heure où le projet d'instauration d'un système universel de retraite pourrait passer par une amélioration du traitement de certaines catégories de fonctionnaires peu bénéficiaires de primes. Un mécanisme semblable à celui décrit ici et parallèle à celui lié à la mise en oeuvre du protocole sur l'amélioration des carrières et des rémunérations (PPCR) déploierait ses effets.

2. Un contexte totalement différent du fait de l'adoption du « pacte ferroviaire »
a) Le « pacte ferroviaire » réinstalle le régime sur une trajectoire de progression du déficit

L'adoption du « pacte ferroviaire » modifie radicalement les perspectives des équilibres du régime de la SNCF, qui est désormais « fermé ».

Cette évolution ne modifie qu'à la marge les estimations de l'impact des réformes passées, mais celles-ci, plutôt que de contribuer à amplifier la réduction du déficit, se traduisent dorénavant par une limitation de son aggravation, cette dernière étant due à l'extinction progressive des cotisants au régime.

Projections actualisées en 2018 des soldes du régime
dans différentes situations

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans les projections antérieures à l'actualisation réalisée en 2018, on observait que, tendanciellement, en dehors de toute réforme du régime, son déséquilibre se serait réduit, conduisant à une détente progressive du besoin d'ajustement financé par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

De l'ordre de 3,2 milliards d'euros en 2020 (soit la prévision du projet de budget pour 2020) , il serait passé à 2,5 milliards d'euros en 2026, pour se situer aux alentours de 1,9 milliard d'euros en 2050.

Les projections actualisées en cours d'année afin de prendre en compte l'adoption du pacte ferroviaire et la fermeture à brève échéance du régime spécial, qui en résulte, modifient très significativement ces perspectives.

Le déficit du régime se creuserait à l'horizon de la projection.

Les réformes passées continueraient à exercer leur impact en dépenses.

Leur impact en recettes serait toutefois moins important compte tenu de l'étiolement de la masse des cotisants.

Mais, l'essentiel est bien que les perspectives de solde du régime s'inversent totalement à l'horizon de la projection.

La réduction du nombre des affiliés entraîne une chute des recettes.

Évolution des recettes du régime à la suite de l'adoption
du « pacte ferroviaire »

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Évolution des recettes du régime avant l'adoption
du « pacte ferroviaire »

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La moins-value de recettes à l'horizon de la projection atteint 2 milliards d'euros.

Les conditions dans lesquelles elle pourrait être partiellement comblée ne sont pas encore précisées et l'impact de la réforme sur l'équilibre du régime pourrait en être minoré. Cependant, l'ampleur des effets sur les recettes de cotisations de l'arrêt des embauches au statut dès 2021 illustre l'étendue des impacts de la dégradation du rapport démographique du régime. D'une valeur de 0,61 cotisant pour un pensionné, le rapport démographique devrait s'effondrer passant sous 40 % à partir de 2038 et n'étant plus que de 0,13 en 2050.

b) Une projection tributaire d'hypothèses lourdes

Parmi les variables majeures commandant l'évolution prévisible du besoin de financement de la caisse figure la masse salariale. Les hypothèses posées en ce domaine sont les suivantes. L'évolution annuelle du salaire moyen par tête est fonction de l'âge des individus.

Les hypothèses suivantes ont été retenues.

Avant réforme

Réformes de 2008, 2010 et 2014

On relève que les réformes se traduiraient par une progression plus forte des salaires par tête que dans une situation sans réforme, du fait des mesures d'accompagnement prises alors.

Par ailleurs, le salaire par tête suivrait une tendance assez dynamique, favorable à l'équilibre du régime.

En toute hypothèse, la vérification des hypothèses selon lesquelles les équilibres de la caisse, et par conséquent, la sollicitation de l'État sont calculées, est suspendue à la capacité du groupe ferroviaire de dégager un chiffre d'affaires suffisant . Or, à l'évidence, la perspective d'une ouverture à la concurrence du transport de voyageurs constitue un défi de ce point de vue. L'ouverture à concurrence en Europe liée au processus de mise en oeuvre du quatrième paquet ferroviaire va s'accompagner de la cessation du monopole légal pour le transport de voyageurs.

Interrogé sur les perspectives ouvertes par ces évolutions, le Gouvernement a reconnu que « l'ouverture prochaine à la concurrence... modifiera profondément le contexte dans lequel SNCF Mobilités réalise ses activités de transport de voyageurs et a indiqué que, d'ores et déjà, face à l'exacerbation de la concurrence intermodale, SNCF Mobilités est incitée à améliorer son efficacité industrielle et, par conséquent, met en oeuvre différents plans de performance visant à augmenter sa compétitivité et son efficience : réduction des frais de structure, accroissement de la productivité, meilleure allocation de ses ressources... C'est également dans cette perspective de concurrence intermodale accrue que SNCF Mobilités développe de nouveaux services lowcost , tels qu'Ouigo, qui lui permettent de proposer à ses clients une offre plus attractive en matière de prix. L'ensemble de ces efforts devraient lui permettre, à terme, d'être préparée pour faire face à l'ouverture à la concurrence intra-modale ».

La rapporteure spéciale ne peut que souligner la cohérence de la réponse ministérielle, dont la mise en oeuvre pratique conditionnera la validité des projections de besoin de financement de la CPRP-SNCF.

3. L'impact des réformes sur le régime de la RATP

Quant à la RATP , le tableau ci-dessous 17 ( * ) montre que les effets de la réforme de 2010 du régime de retraite spécial de la RATP applicable à partir du 1 er janvier 2017 ne commenceraient à se produire qu'à partir de 2019, date à laquelle le montant des prestations serait inférieur à son niveau sans réforme.

Simulation des réformes de 2008 et 2010
sur les prestations versées par CRP-RATP

(en millions d'euros constants 2011)

Année

Avant réforme des droits 2008 (1)

Après réforme des droits 2008 (2)

Écart
(2) - (1)

Après réforme des droits 2010 (3)

Écart
(3) - (2)

Écart
(3) - (1)

2016

1 094

1 089

-5

1 089

0

-5

2017

1 124

1 110

-14

1 109

-1

-14

2018

1 150

1 125

-24

1 125

-1

-25

2019

1 167

1 137

-30

1 136

0

-30

2020

1 179

1 144

-35

1 135

-10

-45

2021

1 191

1 147

-44

1 134

-12

-56

2022

1 205

1 155

-50

1 133

-22

-73

2023

1 214

1 161

-53

1 133

-28

-81

2024

1 221

1 165

-56

1 133

-32

-88

2025

1 229

1 171

-58

1 133

-38

-96

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

4. Une confirmation par les évolutions du compte général de l'État

L'impact de la réforme du Groupe ferroviaire peut être illustré par les deux graphiques infra .

Le premier graphique présente l'évolution des cotisations salariales et patronales à droit constant et le besoin de financement supplémentaire annuel, compte tenu de l'évolution des prestations.

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés
(hors SEITA) avant la réforme ferroviaire

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2017

On observe une diminution de plus de 2 milliards d'euros du besoin de financement des régimes spéciaux à l'horizon 2060 . Le besoin de financement continuerait à se réduire jusqu'en 2070 pour ensuite se stabiliser.

En dépit de la diminution progressive du besoin de financement annuel, les engagements implicites de l'État au titre de l'équilibrage financier de ces régimes spéciaux de retraite demeuraient importants puisque ces régimes n'atteignaient pas l'équilibre sur la période de projection.

Le graphique suivant (ci-dessous) intègre l'impact de la réforme de la SNCF sur les engagements de l'État.

A législation inchangée, la fermeture du régime de la SNCF se traduit à l'horizon de la projection par une moins-value de recettes de 2 milliards d'euros pour la caisse de retraites de l'entreprise, augmentant d'autant les besoins financiers de couverture des régimes spéciaux par l'État.

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés
(hors SEITA) après la réforme ferroviaire

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

On observe que la réforme du pacte ferroviaire se traduit non seulement par une reprise de dette au bilan de l'entreprise, mais également par une augmentation des engagements hors bilan de l'entreprise appelés à être couverts par des subventions de l'État.

Pour les régimes spéciaux subventionnés (SNCF, RATP, CANSSM, ENIM et SEITA), le besoin de financement global à horizon 2119 s'élève entre 207,2 milliards d'euros et 475,5 milliards d'euros selon le taux d'actualisation choisi. Il serait compris entre 129,7 milliards d'euros et 188,7 milliards d'euros à l'horizon 2050.

Ces projections cumulent, les unes cent ans, les autres, 30 ans de besoins de financement si bien que dans l'hypothèse la moins favorable, la valeur moyenne des subventions portées par la mission serait réduite d'un tiers (deux tiers avec un taux d'actualisation à 1,5 %) en prenant l'horizon 2119 et serait stable ou diminuée de moitié à l'horizon 2050.

Besoin de financement de cinq des régimes spéciaux
couverts par la mission

Source : compte général de l'État 2019

Ces estimations, qui ne tiennent pas compte d'une éventuelle réforme des retraites, font ressortir l'impact de la croissance économique sur les estimations du poids des engagements de l'État, mais également la perspective à législation inchangée d'une maîtrise relative de ces engagements.

En effet si apprécié sur les 30 ans à venir le besoin de financement cumulé atteint dans le pire scenario 188,3 milliards d'euros, dans les 70 ans suivants, il ne s'alourdit que de 287 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle apparente de 6,3 milliards d'euros dans la première période mais de 4,1 milliards d'euros dans la seconde.

Il faut ajouter que ces perspectives sont essentiellement dues à des déséquilibres du rapport démographique des régimes, principalement celui de la SNCF, les régimes de la SEITA et des Mines étant déjà dans une situation très défavorable de ce point de vue.

Globalement, même si un alignement des régimes spéciaux sur les autres régimes devrait minorer la charge de l'équilibrage des comptes de ces régimes, son apport financier serait sans doute assez modeste. L'effet le plus important d'une intégration des régimes spéciaux dans un système général parait devoir passer par un supplément des transferts de compensation démographique entre les régimes.

DEUXIÈME PARTIE
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État .

Doté de 60,2 milliards d'euros de crédits en 2021 contre 59,6 milliards d'euros en 2020, ses dépenses, en équivalents points de PIB, diminueraient très significativement sous l'effet de la reprise, anticipée, de l'activité économique.

L'année en cours (2020) verrait le poids des dépenses du compte s'alourdir de 0,3 point de PIB (de 2,4 % du PIB en 2019 à 2,7 % du PIB en 2020). En 2021, sous les conditions économiques mentionnées, le poids des dépenses du compte dans le PIB reculerait, sans pour autant retrouver le niveau de 2019. Il lui serait supérieur de 0,1 point de PIB, à 2,5 points de PIB.

Dans l'hypothèse d'une croissance nulle les dépenses du compte renforceraient très légèrement leur niveau relatif.

Ces évolutions, sans être négligeables, témoignent que l'ampleur nominale des dépenses couvertes par le compte d'affectation spéciale ne doit pas conduire à surestimer l'importance relative, d'un strict point de vue macroéconomique, des charges de pension qu'il finance. Elles témoignent aussi que la dynamique des dépenses de pensions inscrites au compte d'affectation spéciale est, globalement, maîtrisée.

Le CAS est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » (56,7 milliards d'euros contre 56 milliards d'euros en 2020) est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État ( SRE ), créé en 2009. Il représente l'essentiel des enjeux financiers du CAS (94,2 % des crédits) ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » (1,94 milliard d'euros contre 1,93 milliard d'euros en 2020) retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ils représentent 3,22 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » (1,54 milliard d'euros contre 1,62 milliard d'euros en 2020) regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ainsi que les pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Programme-miroir avec les crédits correspondant ouverts dans le programme 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sa part dans les crédits du CAS « Pensions » tend à diminuer (2,5 % des crédits contre 3,2 % en 2018).

Les dépenses portées au compte, auquel ne devraient pas être imputées les dépenses prévues au titre de la retraite du combattant et les allocations de reconnaissance versées aux anciens supplétifs (soit au total, 645,6 millions d'euros de crédits), puisqu'il ne s'agit de dépenses de retraite stricto sensu mais des allocations de reconnaissance, représentent près de 18,7 % des dépenses totales de retraite (estimation à fin 2018).

La programmation des équilibres du compte pour 2020 prévoit un nouvel excédent de recettes, le solde positif du compte étant prévu à 759 millions d'euros, contre 1,4 milliard d'euros l'an dernier, si bien que le solde cumulé du compte serait de 9,8 milliards d'euros en fin d'exercice.

Le solde prévu en 2021 représente 1,3 % des dépenses prévues tandis que la solde cumulé atteint 16,3 % des charges prévues en 2021, soit presque deux mois de dépenses. Cependant, ce solde ne peut être considéré comme accroissant au solde public de l'État dans la mesure où il est tributaire de charges supportées par le budget général à travers les contributions employeurs versées par les ministères et les opérateurs.

Néanmoins, la progression des cotisations sociales retenues sur les salaires des affiliés apporte une forte contribution aux équilibres financiers des retraites versées par l'État.

I. DES CHARGES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES EN FAIBLE AUGMENTATION

A. UN RYTHME MODÉRÉ D'AUGMENTATION DES DÉPENSES DANS LA LIGNÉE DU RALENTISSEMENT OBSERVÉ DEPUIS 2008

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État et de ses opérateurs ont très fortement augmenté jusqu'en 2008, sous l'effet des départs à la retraite des générations issues du baby-boom mais aussi du fait de l'amélioration de la valeur de la pension moyenne.

Les réformes apportées au système de retraite ont sensiblement freiné cette progression à partir de la fin des années 2000, la décélération étant particulièrement nette depuis 2014.

1. À long terme, une augmentation des dépenses de pensions des fonctionnaires de l'État

Au total, en tenant compte des pensions de retraite des ouvriers d'État, les prestations versées sont passées de 19,1 milliards d'euros en 1990 à 54 milliards d'euros en 2014 . Elles ont été multipliées par 2,8.

Depuis 2014 , les charges de pensions ont encore augmenté de 4,6 milliards d'euros, soit de 8,5 % en sept ans, mais sur un rythme annuel nettement inférieur à la moyenne annuelle de longue période (de l'ordre de 1 %, soit une progression inférieure à l'inflation et à la croissance économique).

S'agissant des seules dépenses de pensions civiles et militaires de l'État, leur taux de croissance annuel avait été en moyenne de 3,9 % entre 1990 et 2019.

Évolution des dépenses de pensions
de la fonction publique d'État

Source : projet annuel de performances du compte d'affectation spécial pour 2021

Les effectifs de pensionnés ont augmenté de 1,6 % en moyenne annuelle tandis que la pension moyenne en stock a connu une revalorisation de 2,3 % par an. La contribution du volume des pensions à l'augmentation des dépenses a été de l'ordre d'un tiers, le renchérissement de la valeur de la pension en stock expliquant les deux tiers de l'augmentation des dépenses.

Quant aux dépenses liées aux pensions servies aux ouvriers de l'État , leur augmentation a été inférieure, avec + 2 % par an.

La pension moyenne du stock a également progressé, de 2,4 % soit un peu plus que pour les pensions civiles et militaires, mais il faut compter avec la réduction du nombre des bénéficiaires (- 0,4 % en moyenne annuelle).

Évolution des dépenses de pensions
des ouvriers de l'État

Source : projet annuel de performances du compte d'affectation spécial pour 2021

2. Une décélération confirmée par le projet de loi de finances pour 2021

Ainsi que le montrent les graphiques ci-dessus, la courbe ascendante des dépenses de pensions de la fonction publique d'État est allée s'aplatissant.

Les dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions » programmées dans le projet de loi de finances pour 2021 confirment cette dernière évolution.

Au total, les crédits demandés progressent de 1 % (autour de + 612 millions d'euros).

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires ( programme 741 ) augmenteraient de 1,2 % , avec + 0 ,5 % pour les pensions des militaires et + 1,4 % pour les pensions civiles , soit un rythme constant par rapport à l'an dernier mais un ralentissement beaucoup plus net par rapport aux évolutions de longue période décrites ci-dessus.

De fait, le rythme de croissance des dépenses de pensions des régimes concernés a été divisé par quatre.

Les dépenses du programme 742, correspondant aux pensions des ouvriers de l'État n'augmenteraient que de 0,2 % du fait de l'alourdissement des rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires, dont la base pour 2020 serait revue à la hausse par rapport aux prévisions initiales, du fait notamment d'un certain dynamisme des rentes dues à raison des préjudices subis du fait de l'amiante.

Quant aux dépenses du programme 743 , elles reculeraient de 4,7 %, contre 5,8 % l'an dernier, année durant laquelle la trésorerie du CAS avait été sollicitée. Elles s'inscrivent dans une tendance naturelle à la décrue, qui n'est que suspendue à peu près tous les cinq ans, au gré de revalorisations ponctuelles.

On rappelle que l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 fixe l'objectif de dépenses des régimes de base obligatoires de la branche vieillesse à 251,9 milliards d'euros contre 247 milliards d'euros pour 2020, en progression de 2 %, dont 144,7 milliards d'euros contre 140,6 milliards d'euros en 2020 pour les seuls régime général et fond de solidarité vieillesse (+ 3 %).

La faible progression des charges du CAS explique la majeure partie du différentiel entre l'objectif de dépenses du régime général et celui de l'ensemble des régimes de base.

3. Des dépenses inférieures à celles prévues par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022

En 2017, les dépenses du compte avaient été légèrement supérieures à celles programmées dans le cadre de la précédente loi de programmation des finances publiques (2014-2019).

Comparaison entre les dépenses du compte et les dépenses prévues
par les lois de programmation des finances publiques 2014-2019 et 2018-2022

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La nouvelle loi de programmation (2018-2022) avait été à son tour légèrement dépassée en 2018 (+ 94,1 millions d'euros).

Depuis, les crédits nécessaires à la couverture des dépenses de pension sont significativement inférieurs à ceux fixés par la loi de programmation. Cette dernière n'avait pas été construite sur l'hypothèse mise en pratique d'un gel de l'indexation des pensions qui a dégagé des économies, en particulier sur les charges de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Pour 2021, les crédits demandés sont inférieurs de 1,6 milliard d'euros par rapport à la norme de dépense.

Du côté des recettes du compte, des moins-values doivent être constatées par rapport aux prévisions. Elles tendent à se creuser, atteignant 383,8 millions d'euros en 2020 et 635,5 millions d'euros en 2021.

Comparaison entre les recettes du compte et les dépenses prévues
par les lois de programmation des finances publiques 2014-2018 et 2018-2022

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le ministère n'en détaille pas les ressorts mais il s'agit d'une révision de la masse cotisable plutôt que du taux des cotisations employeurs et salariés. Elle peut tenir à la combinaison d'une série de facteurs parmi lesquels une moindre progression de la masse indiciaire et une déformation de la structure des emplois assujettis à cotisation.

Au total, la conjonction des moindres dépenses et des moins-values de recettes constatées aboutit à une amélioration du solde par rapport aux prévisions (environ 1 milliard d'euros de plus en 2021).

B. LA HAUSSE DES DÉPENSES DE PENSIONS N'EQUIVAUT PAS NÉCESSAIREMENT À UNE HAUSSE DU POUVOIR D'ACHAT DES PENSIONNÉS

La hausse de long terme des dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État est attribuée pour environ 60 % à l'augmentation de la valeur moyenne de la pension (+ 2,3 % par an).

L'autre facteur d'augmentation des dépenses réside dans la croissance des effectifs de pensionnés. Ils ont progressé de 1,6 % par an si bien qu'en 2018 le nombre des pensionnés civils atteignait à peu près 1,9 fois le niveau de 1990.

Ces données appellent des analyses complémentaires afin de cerner plus précisément les composantes de la dynamique des dépenses de pensions et d'en suggérer quelques conclusions sur la politique implicitement suivie en la matière.

1. La progression du nombre des pensionnés a fortement ralenti ces dernières années

Le nombre des bénéficiaires de pensions civiles (hors pensions d'Orange et de La Poste) a enregistré une augmentation de l'ordre de 300 000 depuis 2000 dans un contexte de baisse du nombre des pensions militaires.

La population des retraités de la CNRACL a, de son côté, fortement augmenté.

Évolution du nombre des pensionnés depuis 1990

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2021

À part pour les pensions servies par la CNRACL, on constate un net ralentissement de la croissance du nombre des pensionnés à partir de 2008, notamment en raison d'évolutions réglementaires, qui joueraient encore sur la dynamique du volume des pensions l'an prochain et à l'avenir.

Taux de variation du stock de pensionnés par an
(1990--2019)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2021

Depuis 2010, l'ensemble des pensions civiles de droits directs et de droits dérivés n'a progressé que de 12,5 %, contre une augmentation de 60 % lors de la décennie précédente, les pensions de droit direct augmentant d'un peu plus de 14 %.

Dans la fonction publique militaire , la progression a été encore plus limitée, notamment du fait des évolutions touchant les droits dérivés.

Dans un contexte où les sorties de pension sont en légère augmentation, ces évolutions sont largement le résultat d'une baisse du nombre des entrées en pension au cours de la période.

Elles ont chuté après 2010 pour se stabiliser au-delà sur un plateau inférieur de l'ordre de 15 000 unités par an pour les pensions civiles (autour de 55 000 liquidations annuelles désormais).

Évolution des entrées en pensions de droit direct
(1990-2019)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2021

Pour les pensions de droit dérivé, les entrées en pension progressent de l'ordre de 1,3 % par an.

Évolution des entrées en pensions de droit dérivé
(1990-2019)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2021

2. La hausse de la valeur moyenne des pensions est tributaire d'un effet de noria dont l'impact en valeur réelle est affaibli ces dernières années du fait du décrochage des bases de liquidation de l'inflation

Sur longue période, la pension moyenne servie aux différentes catégories de retraités de la fonction publique a connu des augmentations en valeur plus ou moins fortes selon les types d'emplois concernés.

Évolution de la pension mensuelle moyenne en stock dans les différents volets de la fonction publique et comparaison avec l'inflation

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2021

Entre 2000 et 2019, la valeur réelle de la pension moyenne en stock a progressé modérément, de 0,23 % par an en moyenne pour les fonctionnaires civils de l'État et de 0,51 % pour les fonctionnaires hospitaliers. Cette variation s'est traduite par une augmentation de la valeur réelle de la pension moyenne de 78 euros en dix-huit ans pour les fonctionnaires civils de l'État et de 10 euros pour les fonctionnaires territoriaux (119 euros pour les fonctionnaires hospitaliers).

On relève un net ralentissement de la progression de la valeur de la pension moyenne en stock au long de la période si bien que ces dernières années, la valeur réelle de la pension moyenne du stock baisse.

En euros 2019, la pension moyenne du stock était de 2 266 euros pour les fonctionnaires civils en 2000 ; en 2019, elle n'est plus que de 2 167 euros.

Évolution de la valeur de la pension moyenne en stock
par catégorie et de l'inflation (2000-2019)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2021

Dans la mesure où les pensions en stock sont, au mieux, revalorisées sur l'inflation, ces évolutions sont tributaires de deux facteurs très différents, parmi lesquels il y a lieu de mentionner ici un effet de noria.

Les pensions nouvellement liquidées sont supérieures aux pensions du stock en raison, en particulier, de la hausse des rémunérations servant de bases liquidatives aux pensions au fil des générations qui conduisent à élever la valeur moyenne de la pension.

Cette hausse est elle-même, avant tout, le résultat d'une recomposition de la population des pensionnés qui implique une élévation de l'indice de liquidation des pensions.

Ainsi pour les fonctionnaires civils de l'État (hommes), l'indice moyen de liquidation est passé de 498 en 1992 à 612 en 2010. Il était de de 675,1 en 2017 et de 690,4 en 2019 18 ( * ) .

Le graphique ci-après qui recense la valeur des pensions liquidées au cours de chacune des années de 2000 à 2018, et les évolutions au cours de la période concernée, montre, par exemple, qu'en 2018 la valeur moyenne d'une pension nouvellement liquidée au titre de la fonction publique civile de l'État était supérieure à la valeur moyenne des pensions de cette catégorie de 230 euros (soit un montant supérieur de plus de 12 %).

Évolution de la valeur de la pension moyenne des nouveaux pensionnés
par catégorie et inflation (2000-2019)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2021

Néanmoins, il montre également que la progression de la valeur des pensions nouvellement liquidées au cours de la période, après avoir à peu près suivi l'inflation, a pu parfois décrocher de celle-ci à partir de 2010.

Ce décrochage, qui est intervenu malgré l'élévation de la base indiciaire des liquidations relevée plus haut, et en dépit de l'augmentation de l'âge de liquidation des droits, témoigne notamment de l'impact de la perte de valeur réelle du point d'indice de la fonction publique au cours de la période et d'une baisse des taux de liquidation qui se traduit par une baisse des taux de remplacement des pensions.

Le taux de liquidation des pensions nouvellement liquidées tend en effet à baisser.

Les taux de liquidation sont très variables selon la catégorie à laquelle appartiennent les fonctionnaires. Ils sont supérieurs pour les agents relevant des catégories actives à ce qu'ils sont pour les sédentaires. Ils diffèrent selon qu'on prend en compte le mécanisme de la décote-surcoté ou non. Ils sont également très influencés par des effets de composition les agents des différentes catégories de fonctionnaires étant plus ou moins nombreux à obtenir un taux plein. Par exemple, les agents de la fonction publique civile de l'État sédentaire ne sont que 27,5 % à obtenir un taux plein contre 45,1 % pour les agents des catégories superactives qui bénéficient d'un âge de départ à 52 ans.

Entre 2013 et 2019, le taux de liquidation est passé de 70,1 % à 67,8 %. En 2017, le taux de liquidation moyen était encore de 69,3 % pour cette catégorie de fonctionnaires. Une baisse des taux de liquidation moyens intervient aussi pour les différentes catégories de militaires.

Au total, c'est même la valeur liquidative absolue des pensions qui diminue passant, par exemple, pour les pensions civiles de 2 264 euros (avantage principal) en 2017 à 2 232 euros en 2019.

Le durcissement des règles de proratisation et l'impact asymétrique du mécanisme de la décote-surcote induisent des effets très significatifs et asymétriques selon l'appartenance catégorielle. La décote-surcote permet aux fonctionnaires de catégorie A et A+ de compenser les effets de la proratisation, au prix d'un décalage très sensible de l'âge de liquidation de la retraite, mais aussi d'un vieillissement des catégories de conception et d'encadrement de la fonction publique, catégories pour lesquelles la distinction du grade et de l'emploi, liée à la volonté de développer un modèle de gestion de la fonction publique reposant sur le choix, réserve parfois des fins de carrière sans grand relief.

Cette évolution implique une réduction des taux de remplacement qui devrait de prolonger.

Évolution des taux de remplacement par génération
(1936-1946)

Source : DREES, panorama des retraites 2019

II. UN CAS « PENSIONS » AU SOLDE À NOUVEAU POSITIF EN 2021

Le II de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances 19 ( * ) fixe une obligation d'équilibre pour tout compte d'affectation spéciale. Par conséquent, les dépenses du CAS « Pensions » doivent être strictement équilibrées par ses ressources.

Dans chaque projet de loi de finances, celles-ci sont déterminées, d'une part, par le solde disponible en fonds de roulement résultant du cumul des soldes des exercices passés auquel s'ajoute le solde prévisionnel de l'exercice en cours et celui de l'exercice prévisionnel couvert par le projet de loi de finances.

Le projet de loi de finances pour 2021 respecte amplement ce principe d'équilibre.

Le solde prévisionnel dégagerait un nouvel excédent. Cependant, dans le cadre d'une légère réduction des recettes et d'une faible augmentation des charges, le solde anticipé, pour rester positif, le serait un peu moins qu'en 2020.

Ces perspectives tranchent avec la dégradation de l'équilibre financier de la branche vieillesse, particulièrement forte dans les circonstances actuelles. Pour 2020, le déficit du système de retraite serait de 25,4 milliards d'euros ; en 2021, malgré une amélioration encore incertaine, il serait encore de 10,2 milliards d'euros.

Par ailleurs, les projections à long terme du besoin de financement extériorisent dans la plupart des cas une situation relative favorable.

A. UN NOUVEL EXCÉDENT (759 MILLIONS D'EUROS) SANS MODIFICATION DES TAUX DE CONTRIBUTION EMPLOYEURS

En 2020, l'excédent du compte atteindrait 1,2 milliard d'euros (contre 1,4 milliard d'euros en prévision, ce qui devrait susciter un léger ajustement à la baisse des recettes dans une prochaine loi de finances rectificative) et ne subirait pas les effets de la chute de l'activité économique.

Toute prévision de solde est évidemment entourée d'incertitudes. Sensible aux aléas sur les recettes et les dépenses, qu'il faut cumuler, il existe systématiquement un écart entre les prévisions et les réalisations, en plus ou en moins.

Cependant, la tendance au ralentissement des dépenses est installée à long terme si bien que hors rupture avec la structuration actuelle des recettes du compte, le maintien d'un solde positif est structurellement inscrit dans les équilibres de long terme du compte.

1. Des dépenses totales en progression de 1 %, une dynamique des dépenses de pensions civiles et militaires un peu plus forte (+ 1,22 %)

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une progression de 1 % des dépenses du CAS « Pensions » toutefois un peu plus forte (+ 1,22 %) pour les dépenses du programme 741 consacré aux retraites civiles et militaires de l'État, de droit direct et de droit dérivé.

Parmi ces dernières dépenses, la progression des charges de pensions civiles (+ 1,4 %) serait plus dynamique que celles des pensions militaires (+ 0,5 %).

Les crédits demandés à ces deux titres s'élèvent ainsi à 56,743 milliards d'euros contre 56 milliards d'euros en 2020 .

Le poids de ces dépenses dans le PIB s'alourdirait en 2020 (2,5 points de PIB, contre 2,3 points de PIB en 2019), puis, du fait de la reprise anticipée il déclinerait en 2021 pour rejoindre à peu près son niveau de 2019.

Années après années, se cumulent des réductions, minimes, du poids des charges de retraite des fonctionnaires dans le PIB, mais aussi dans le total des dépenses publiques.

Même si la flexibilité de ces dépenses n'est pas considérable, ces évolutions témoignent cependant qu'elle n'est pas nulle, provenant à la fois des conditions d'indexation des pensions en stock, d'un ralentissement du rythme d'augmentation des pensionnés, d'une évolution ralentie de la progression des assiettes de liquidation des pensions et d'une baisse des taux de liquidation.

La prévision pour 2021 repose sur les principales hypothèses résumées dans l'encadré ci-après.

Principales hypothèses retenues pour la prévision
de la dépense du CAS « Pensions » dans le PLF 2021 (programme 741 seul)

2020

2021

Entrées de pensions de droit direct

Civils

53 500

54 800

Militaires

12 500

12 000

Entrées de pensions de droit dérivé

Civils

21 300

21 600

Militaires

8 200

8 000

Sorties de pensions de droit direct

Civils

40 000

39 100

Militaires

9 300

8 900

Sorties de pensions de droit dérivé

Civils

19 800

19 600

Militaires

9 800

9 600

Revalorisation des pensions (hors invalidité)

1 er janvier

0,3% ou 1 %*

0,4 %

Revalorisation des pensions invalidité

1 er avril

0,3% ou 1 %*

0,1%

Point de la fonction publique

0,0%

0,0%

* revalorisation différenciée à + 1 % pour les pensions inférieures à 2 000 euros tous régimes confondus.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

a) Une revalorisation conduisant à une indexation tronquée des retraites

L'indexation des pensions a connu ces dernières années des évolutions constantes et marquées, l'indexation n'ayant respecté aucune norme fixée d'avance, au point que l'année 2018 fut une année blanche.

Après cette année blanche, la revalorisation des pensions de 0,3 % au 1 er janvier 2019 devait produire une augmentation de la dépense du programme 741 de 147 millions d'euros en 2019 , dont 120 millions d'euros pour les pensions civiles et 27 millions d'euros pour les pensions militaires. La revalorisation des pensions de 0,3 % au 1 er janvier 2019 aurait, en réalité, produit une augmentation de la dépense du programme 741 un peu supérieure à la prévision, de 153 millions d'euros , dont 126 millions d'euros pour les pensions civiles et 27 millions d'euros pour les pensions militaires.

En 2020, un mécanisme d'indexation différenciée que le Sénat avait rejeté, a été mis en oeuvre. L'indexation a été de 1 % pour les pensions inférieures à 2 000 euros, contre + 0,3 % pour les pensions supérieures à 2 000 euros. Globalement, compte tenu de la revalorisation de + 0,3 % des pensions dont le montant tous régimes est supérieur à 2 000 euros, la revalorisation entreprise revient à appliquer un coefficient de revalorisation globale des pensions de l'ordre de 0,5 %.

Cette indexation « à la carte » a incarné un choix d'emblée alternatif par rapport aux préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR) d'une indexation des pensions sur les prix sans considération du niveau des pensions. Elle a contribué à une différenciation des rendements contributifs à l'issue de laquelle, si 1 euro cotisé vaudra bien les mêmes droits au moment de la liquidation, cette dernière équation cédera au-delà.

En termes budgétaires, la traduction de la revalorisation projetée conduit à une progression modérée des charges de pensions et de la valeur des pensions individuelles.

Un peu plus de la moitié des pensionnés de la fonction publique d'État ont été concernés par la revalorisation de +1 %. Au final, le coût annuel de la revalorisation différenciée appliquée au 1 er janvier 2020 et au 1 er avril est estimé à 268 millions d'euros en 2020, dont 220 millions d'euros pour les civils et 48 millions d'euros pour les militaires. Elle se décompose en 249 millions d'euros pour la revalorisation appliquée au 1 er janvier, et 19 millions d'euros pour celle appliquée au 1 er avril (pensions d'invalidité).

Cette dernière contribue à augmenter la dépense de 6 millions d'euros en 2021 (effet d'année pleine).

Pour l'année 2021, l'indexation serait de 0,4 % au 1 er janvier et de 0,1 % au 1 er avril (invalidité). L'indexation est donc moins favorable en réalité qu'en 2020 alors qu'en affichage elle pourrait sembler plus dynamique. Il est vrai que le différentiel est étroit (0,1 point d'indexation).

Le surcroît de dépense résultant de ces indexations atteindrait 203 millions d'euros, dont 167 millions d'euros pour les civils et 36 millions d'euros pour les militaires (auxquels il faut ajouter les 6 millions d'euros mentionnés plus haut).

En soi, l'indexation des pensions depuis 2018 (sur quatre ans donc) se serait traduite par un supplément de charges budgétaires de 438 millions d'euros (les effets en année pleine de l'indexation des pensions de 2017 n'étant pas pris en compte).

Cet alourdissement des dépenses de pension doit être apprécié à partir d'un contrefactuel basé sur une application des conditions de revalorisation des pensions « au fil de l'eau ».

Celui-ci se caractérise notamment par une indexation annuelle des pensions (prévue par les articles L. 341-6 et L. 161-23-1 et L. 161-25 du code de la sécurité sociale) basée sur l'inflation « passée » et non sur l'inflation annuelle moyenne.

Par ailleurs, il faut tenir compte du décalage intervenu en 2018 de la date de d'indexation des pensions passée d'octobre de l'année n à janvier de l'année n+1 (à savoir janvier 2019 au lieu d'octobre 2018). Ce décalage n'est d'ailleurs pas inédit puisque, en 2009 la date d'indexation avait été fixée au 1 er avril plutôt qu'au 1 er janvier tandis qu'en 2014, un nouveau glissement avait eu lieu (d'avril à octobre).

L'inflation mesurée pour les années d'intérêt 2017, 2018, 2019 et 2020 a été respectivement de 1 %, 1,6 %, 0,9% et 0,2 %. Elle correspond à peu de chose près au coefficient de revalorisation des pensions qui auraient dû être appliqués en 2018, 2019, 2020 et 2021.

Par rapport aux revalorisations mises en oeuvre qui se traduisent par une revalorisation de 1,2 % entre 2018 (1 er janvier) et 2021 (1 er janvier), une indexation basée sur les prix aurait conduit à revaloriser les pensions de 3,7 %. Le différentiel se monte à 2,5 %. Sur la base d'un équivalent dépenses de pension de 49,7 millions d'euros (dont 40,8 millions d'euros pour les pensions civiles et 8,9 millions d'euros pour les pensions militaires) pour chaque 0,1 point de revalorisation des pensions, l'économie budgétaire procurée en 2021 par rapport à une indexation des pensions respectueuse de la préservation de la valeur réelle des s'élève à 1,242 milliard d'euros auquel il faut ajouter l'impact de la sous-indexation des pensions d'invalidité.

D'un point de vue plus individuel, compte tenu de la valeur approchée des pensions en stock 20 ( * ) , la sous-indexation ainsi constatée se traduit par une perte annuelle de 633 euros pour une pension directe de fonctionnaire civil, et de 513 euros pour une pension directe de militaire. Pour les pensions de droit dérivé la perte annuelle de revenu est de 279,6 euros pour les pensions dérivés d'un droit à pension civile et de 230 euros pour une pension dérivée d'une pension militaire.

L'impact individuel de la sous-indexation des pensions est ainsi conséquent. Il faut ajouter qu'il s'agit là d'estimations moyennes de sorte que l'impact relatif d'une sous-indexation peut être nettement plus fort, raison pour laquelle, du reste, un mécanisme de revalorisation différencié a été mis en oeuvre en 2020, mais sans suite, ni pour 2021, ni, plus structurellement, si l'on se réfère au projet de réforme des retraites du Gouvernement.

b) Un peu moins de départs en retraite du fait de l'épuisement du relèvement de l'âge légal, dont les effets ont été très significatifs et devraient être relayés par le durcissement des conditions d'obtention d'une pension sans décote

Rappels sur les conditions d'âge en vigueur dans le régime
de la fonction publique civile d'État

(1) Un effet volume de l'ordre de 0,8 % en 2021

L'effet de volume résultant des entrées nettes en pension serait un peu moins fort qu'en 2020, tout en restant modéré, de l'ordre de 0,8 %.

Les entrées en pension seraient légèrement supérieures à 2020 (+ 1 100) du fait des liquidations des pensions civiles de droit direct et de droit dérivé, les liquidations de pensions militaires étant légèrement inférieures.

Ces dernières années, le volume des entrées en pension nouvelles a tendu à ralentir malgré une augmentation des pensions servies au titre des droits dérivés, du fait notamment d'un relèvement de l'âge effectif de départ en retraite.

Retour sur 2019

En 2019, pour la deuxième année consécutive, le nombre de nouvelles pensions dans la fonction publique d'État a baissé (- 1,2 % par rapport à 2018) malgré la forte hausse des nouvelles pensions de droit direct des militaires (+ 9,5 %) et plus particulièrement des pensions d'invalidité (+ 24,3 % par rapport à 2018). La baisse des pensions civiles (- 2,9 % tous droits confondus) est liée à une diminution du nombre de départs à la retraite du ministère de l'Éducation nationale, notamment pour les instituteurs et professeurs des écoles, et une baisse des départs au titre des carrières longues.

Évolution des liquidations de pensions civiles et militaires
de droit direct et de droit dérivé (années 2015 à 2021)

Type de pension

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Pensions civiles

71 415

73 239

80 436

78 248

75 998

74 800

76 500

Droits directs

51 153

53 140

59 518

56 804

55 770

53 500

54 800

Droits dérivés

20 262

20 099

20 918

21 444

20 228

21 300

21 700

Pensions militaires

19 142

19 452

20 333

19 775

20 884

20 700

20 000

Droits directs

11 236

11 412

11 621

11 936

13 070

12 500

12 000

Droits dérivés

7 906

8 040

8 712

7 839

7 814

8 200

8 000

Ensemble

90 557

92 691

100 769

98 023

96 882

95 500

96 500

Droits directs

62 389

64 552

71 139

68 740

68 840

66 000

66 800

Droits dérivés

28 168

28 139

29 630

29 283

28 042

29 500

29 700

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les départs devraient ensuite décroître les années suivantes, principalement sous l'effet de la baisse des départs des fonctionnaires d'Orange et de la Poste qui sont des populations « fermées », sans nouveaux cotisants et dont les effectifs sous statut de fonctionnaire diminuent.

Pour les militaires , les départs à la retraite diminueraient en 2021 avec 12 000 départs estimés contre 12 500 départs prévus en 2020.

Les sorties de pensions de droit direct seraient un peu supérieures à la prévision en 2020 (49 300 contre 47 300 prévues), sur la base d'une surmortalité difficile à préciser complètement.

L'impact de la situation sanitaire sur les sorties de pensions

S'agissant de l'impact de la crise sanitaire, les interruptions de pensions de droit direct liées aux décès s'inscrivent en très forte hausse aux mois de mars et avril 2020, évaluée respectivement à + 15 % et + 39 % par rapport aux anticipations réalisées à partir de quotients de mortalité de la fonction publique d'État. Sans nouvelle dégradation de la situation sanitaire, l'impact global pourrait toutefois être limité dans l'année, avec une hausse globale de la mortalité, droit direct et droit dérivé, de l'ordre de + 3 % sur l'année par rapport à une situation normale, ceci en raison de la sous-mortalité observée sur les mois de janvier et février.

Sur la base des données observées à fin août, l'impact de la crise sanitaire sur les décès conduirait à une baisse des dépenses de retraite estimée à 32 millions d'euros pour 2020, et à 49 millions d'euros pour 2021, ce qui représente à peu près un quart de l'effet de la revalorisation des pensions pour 2021.

Elles diminueraient un peu en 2021 tant pour les civils (39 100 sorties sont prévues contre 40 000 en 2020) que pour les militaires (8 900 contre 9 300).

Au total, pour les fonctionnaires civils , le stock des entrées nettes augmenterait de 17 700 unités dont 15 700 au titre des pensions de droit direct et 2 000 au titre des droits dérivés.

Cela représente une progression de l'ordre de 0,9 % du nombre des pensionnés inférieure à l'évolution historique (1,6 % l'an depuis 1990 sur l'ensemble de la fonction publique d'État).

Quant aux militaires , le stock des pensions augmenterait de 3 100 pour les pensions de droit direct mais il diminuerait pour les pensions de droit dérivé (- 900). Au total, le stock des pensions s'accroîtrait très modérément (de l'ordre de 0,3 %).

(2) Le relèvement de l'âge légal à 62 ans a produit des effets qui tendent à s'épuiser, ce seuil étant plus faible pour les actifs et dépassé par les sédentaires mais le durcissement des durées d'assurance a pris le relais

Ces prévisions sont tributaires de données démographiques lourdes, mais affectées d'incertitude du fait de la situation sanitaire, mais aussi d'anticipations concernant les comportements de départ en retraite.

Ces derniers sont influencés par le cadre réglementaire des régimes mais également par des considérations économiques portant sur les retraites elles-mêmes, en particulier, sur les taux de remplacement et la confiance qu'inspirent les gouvernements, et sur la situation économique d'ensemble, ne serait-ce que parce que les personnes aux abords de l'âge de la retraite sont de plus en plus conscientes des charges qu'elles devront supporter. De nombreux proches retraités soutiennent leurs descendants et leurs ascendants, ce qui tend à modifier leur perception des ressources que leur ouvrent les régimes de retraite et est susceptible d'exercer en soi une torsion des comportements de départ, sans même que celle-ci appelle des modifications des règles d'âge.

Le volume des flux de départ, une prévision difficile

Dans le régime des pensions civiles et militaires comme dans le régime général, les flux de départs à la retraite sont heurtés et difficiles à anticiper. Les évolutions réglementaires, comme la montée en charge du relèvement de l'âge légal, ainsi que les perspectives d'amélioration des fins de carrière, conduisent à des changements de comportement. Il faut également tenir compte du climat économique général. La croissance lente de ces dernières années et la montée du taux de chômage des jeunes, qui s'en est suivie, constituent des incitations à demeurer plus longuement dans l'emploi public. Ces dernières années, des reports importants de départ à la retraite d'une année sur l'autre ont pu être observés.

En ce qui concerne ces règles, pour les civils, le relèvement de l'âge légal à 62 ans est désormais acquis et entré dans les comportements de départ.

Cependant, les relèvements des autres bornes d'âge (âge d'annulation de la décote, mécanisme de la surcote, et limite d'âge) continuent à limiter le nombre de départs. Il en va de même des modifications apportées au jeu de la proratisation.

Le relèvement des limites d'âge par la réforme de 2010

La loi du 9 novembre 2010 a augmenté progressivement les trois bornes d'âge légal : l'âge légal d'ouverture des droits et la limite d'âge à partir de la génération 1951, l'âge d'annulation de la décote à partir de la génération 1947.

L'âge légal d'ouverture des droits passe de 60 ans à 62 ans pour les agents de catégorie sédentaire, de 55 ans à 57 ans pour les actifs, et de 50 ans à 52 ans pour les personnels actifs de la police nationale et les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire. Ce processus est désormais achevé.

La limite d'âge est également reculée pour atteindre 67 ans pour les sédentaires et 62 ans pour les actifs (57 ans pour la police nationale et l'administration pénitentiaire) .

Ces limites d'âge ne sont pas sans poser de problèmes pour les affiliés qu'elles rendent insusceptibles de réunir les conditions de durée de cotisation pour obtenir une liquidation à taux plein. Par ailleurs, dans certains cas, elles sont incompatibles avec tout projet qui, comme la réforme des retraites en cours, entend appliquer un mécanisme de décote et de surcote autour d'un âge pivot supérieur à la limite d'âge de la catégorie.

Dans les faits, l'âge d'annulation de la décote converge vers la limite d'âge et la rejoint à partir de la génération 1958 pour les sédentaires, 1963 pour les actifs et 1968 pour la police nationale et l'administration pénitentiaire.

Les bornes d'âge des actifs se déduisent de celles des sédentaires en effectuant un décalage générationnel de 5 ans. Par exemple, les bornes d'âge d'un actif de la génération 1960 sont celles d'un sédentaire de la génération 1955 desquelles on retranche 5 années. L'âge légal de départ d'un actif de la génération 1960 est donc de 57 ans, et sa limite d'âge de 62 ans, donnée qui n'est pas compatible avec l'instauration d'un âge pivot autour de 64 ans, comme préconisé dans le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites.

Concernant les personnels actifs de la police nationale et les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire, les bornes d'âge se déduisent de celles des sédentaires en effectuant un décalage générationnel de 10 ans. Pour la génération 1965, les bornes d'âge sont celles d'un sédentaire de la génération 1955 auxquelles on déduit 10 années. L'âge légal de départ de cette génération est donc de 52 ans, et sa limite d'âge de 57 ans.

On peut trouver dans ces différents calendriers une sorte de préfiguration des transitions entre des régimes de retraite suivant des paramètres différents.

i. Les sédentaires de la fonction publique partent en retraite au-delà de l'âge légal, les actifs en-deçà

Depuis 2010, l'âge conjoncturel de départ à la retraite des fonctionnaires de l'État progresse tous les ans, en lien avec le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite mais également du fait d'une recomposition de la population concernée qui compte de moins en moins de personnels susceptibles de partir précocement en retraite et en raison du durcissement des durées nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein sans application de la décote 21 ( * ) .

Il s'élève en 2019 à 62 ans et 5 mois pour les sédentaires, et 59 ans et 6 mois pour les actifs. Pour les militaires, l'âge conjoncturel est quasiment stable depuis 2010 (en augmentation de 5 à 6 mois) et atteint 47 ans et 8 mois en 2019.

La hausse de l'âge conjoncturel entre 2010 et 2019 est plus importante chez les actifs que chez les sédentaires : pour les actifs elle est de 3 ans et 5 mois contre 1 an et 8 mois chez les sédentaires.

Relèvement de l'âge de départ à la retraite depuis 2010

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite a eu pour effet de décaler les pics de départs constatés à la date d'ouverture des droits.

La génération 1950, dernière génération non impactée par la réforme de 2010, a connu un pic de départs à 60 ans, alors que la génération 1957, qui pouvait partir en retraite en 2019, subit un décalage de 2 ans et connaît son pic de départs à 62 ans.

Répartition selon l'âge de liquidation des pensions de droit direct
entrées en paiement en 2019

Source : Jaune « Pensions » 2021

Désormais les sédentaires liquident leurs pensions au-delà de l'âge légal (63 ans et six mois en 2019, en hausse d'un mois), les actifs continuant à partir avant 60 ans (59 ans et six mois en 2019 en hausse de deux mois).

Âges moyens de départ en retraite pour les fonctionnaires civils selon la catégorie et le volet de la fonction publique

Source : Jaune « Pensions » 2021

Au total, les âges de départ en retraite dans la fonction publique et dans le secteur privé se sont nettement rapprochés entre 1990 et 2019.

Comparaison des âges de départ en retraite entre la fonction publique
d'État civile et le secteur privé

Source : Jaune « Pensions » 2021

L'écart restant est dû aux catégories actives de la fonction publique civile d'État, les sédentaires partant en retraite après les salariés du secteur privé, en particulier du fait d'une entrée dans la fonction publique plus tardive.

Depuis 2011, le relèvement des bornes d'âge a contribué à freiner le nombre de départs à la retraite.

L'impact net maximal a été atteint en 2016 avec - 16 800 départs.

À partir de 2017, année marquant la fin de la période de transition du décalage des âges d'ouverture des droits, l'impact net se réduit. Il devrait cependant être de - 2 963 départs en 2022.

Effet du relèvement de l'âge légal du départ en retraite à 62 ans

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

L'impact sur les dépenses aurait été faible en 2012 mais il aurait progressé tous les ans pour atteindre 1,41 milliard d'euros en 2016. À partir de 2017, il continue d'augmenter mais de façon dégressive pour se stabiliser aux alentours de 2,5 milliards d'euros à compter de 2021.

Économies liées au recul de l'âge de départ en retraite résultant
de la réforme de 2010

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

ii. Le durcissement des conditions de durée d'affiliation pour échapper à la proratisation des droits et à la décote prend le relais

L'importance des départs à la date d'ouverture des droits a tendance à baisser au fil des générations.

Parmi les fonctionnaires de catégorie sédentaire, la génération 1950 a eu 46 % de départs l'année d'ouverture des droits, tandis que la génération 1955 a eu seulement 31 % de départ à l'âge d'ouverture des droits.

Répartition par âge de départ des sédentaires
de différentes générations

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La durée moyenne de cotisation au sein du régime de retraite de la fonction publique a, de son côté, progressé.

Ces évolutions résultent de déterminants complexes qui tiennent au relèvement des conditions de durée d'assurance pour obtenir une retraite à taux plein sans décote ni sans effet excessif de la proratisation (un moyen d'obvier à ceux-ci étant de bénéficier d'une surcote).

Les durées retenues impliquent toutefois des déficits d'annuités par rapport aux exigences de l'obtention d'un taux plein , plus ou moins accusés selon la catégorie de fonctionnaires, malgré l'octroi de bonifications, dont les trois plus importantes sont présentées ci-après.

Les trois principales bonifications applicables
aux fonctionnaires civils de l'État

Parmi les bonifications de durée de services prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), trois dispositifs représentent le plus grand nombre de bonifications attribuées :

- Bonifications spécifiques appelées respectivement « bonification du 5e des policiers » (art. 1er et s. de la loi n°57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police) et « bonification du 5e des surveillants pénitentiaires » (art. 24 de la loi n°96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire). Ces dispositifs leur permettent, sous certaines conditions, de bénéficier de bonifications en années, équivalentes à 1/5e du temps effectivement passé en position d'activité dans leur corps d'emploi dans la limite de 5 ans.

- « Bonification pour enfant né ou adoptés avant le 1er janvier 2004 » prévu à l'art. L12b du CPCMR : entre 62 % et 79 %. Cet avantage permet, sous certaines conditions, de bénéficier d'un an de bonification par enfant né ou adopté avant 2004.

- « Bonification de dépaysement pour services civils rendus hors d'Europe » prévu à l'art. L12a du CPCMR : entre 20 % et 30 %. Ce dispositif permet, sous certaines conditions, la prise en compte sous forme de bonifications d'une certaine proportion des services civils continus effectués hors de l'Europe continentale.

On relève que les durées de service retenues sont les plus élevées dans la catégorie B, qui bénéficie de surcroît de davantage de bonifications et les plus faibles dans la catégorie C.

Durées moyennes en trimestres des services et bonifications retenues
dans la fonction publique d'État civile pour quelques cas-types

Catégorie statutaire et

grades intermédiaires

Effectif

Part

en %

Durée moyenne des services

retenus

Durée moyenne des bonifications retenues

Catégorie A

29 039

52,07

142,7

5,21

dont professeur des écoles

6 728

12,06

139,6

6,73

dont cadre et chef d'établissement PTT

4 255

7,63

157,4

2,37

dont attaché et inspecteur

2 522

4,52

148,6

4,48

dont encadrement et direction

899

1,61

153,9

4,33

dont commandement de la police nationale

446

0,80

140,6

17,38

Catégorie B

12 935

23,19

143,6

5,98

dont contrôleur

2 868

5,14

146,7

5,84

dont collaborateur PTT

2 829

5,07

155,0

2,39

dont secrétaire administratif

2 429

4,36

139,7

5,61

dont encadrement et application de la

police nationale

1 466

2,63

136,6

19,57

Catégorie C

13 796

24,74

131,1

5,24

dont autre adjoint administratif

4 845

8,69

131,2

6,27

dont autre adjoint technique

3 941

7,07

141,7

3,50

dont agent professionnel qualifié PTT

1 799

3,23

137,6

2,72

dont agent de la pénitentiaire

471

0,84

122,4

21,70

Ensemble des pensions civiles

55 770

100,00

140,1

5,40

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans la fonction publique militaire, de fortes singularités sont à relever. Les durées de service retenues pour la liquidation des pensions sont basses en moyenne, cette caractéristique tenant aux carrières courtes des fonctionnaires du rang et ne se retrouvant pas pour les officiers. Des bonifications importantes compensent partiellement cette situation ou, pour certains militaires, ouvrent à des taux de liquidation inusuellement élevés.

Durées moyennes en trimestres des services et bonifications retenues
dans la fonction publique d'État militaire pour quelques cas-types

Armée et

catégorie militaire

Effectif

Part en %

Durée moyenne

des services retenus

Durée moyenne

des bonifications retenues

Militaires Armée

10 081

77,13

84,64

25,94

Général

155

1,19

140,77

21,29

Officier supérieur

733

5,61

124,78

30,36

Officier subalterne

363

2,78

102,55

38,32

Sous-officier

5 140

39,33

98,39

30,5

Militaire du rang

3 690

28,23

53,4

17,69

Gendarmes

2 989

22,87

127,43

20,91

Officier

375

2,87

144,72

18,11

Sous-officier

2 614

20,00

124,95

21,31

Ensemble

13 070

100,00

94,43

24,79

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Quoi qu'il en soit, les évolutions passées laissent augurer une poursuite du recul de l'âge de départ en retraite afin d'éviter la forte baisse du taux de remplacement qui résulte de la proratisation et du mécanisme de la décote.

En ce qui concerne la décote , la part des pensions nouvellement liquidées auxquelles elle est appliquée est encore élevée (14, 6 % au total) et particulièrement forte pour les actifs (24,6 %) du fait de départs plus précoces en lien avec les dispositions spécifiques qui leur sont appliquées à raison de la nature de leurs fonctions 22 ( * ) .

Or ces derniers disposent des pensions les plus basses et la décote qui retranche 10 % à la valeur de la pension liquidée est supérieure pour eux.

Part des pensions nouvelles avec décote

Part en % des nouvelles pensions civiles avec décote

2015

2016

2017

2018

2019

Catégorie A

Tous motifs

16,91

16,66

18,87

18,17

18,90

dont ancienneté sédentaire

16,37

15,41

17,81

17,80

18,41

dont ancienneté actif

32,68

31,88

33,85

30,85

31,72

Catégorie B

Tous motifs

6,73

5,96

6,67

6,74

6,52

dont ancienneté sédentaire

9,03

8,03

9,15

8,57

8,07

dont ancienneté actif

9,80

9,40

9,75

10,08

9,54

Catégorie C

Tous motifs

10,70

9,81

11,01

10,97

11,32

dont ancienneté sédentaire

11,36

11,52

13,05

12,74

13,66

dont ancienneté actif

25,16

22,20

23,41

23,65

23,16

Civils

Tous motifs

13,06

12,52

14,12

13,72

14,16

dont ancienneté sédentaire

13,87

13,09

14,87

14,65

15,08

dont ancienneté actif

25,12

24,18

26,22

24,46

24,60

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Si le taux des pensions affectées par la décote reste à peu près stable, l'augmentation du taux de la décote elle-même ainsi que la durée d'application de la décote (passée de 4 trimestres en 2006 à 20 trimestres en 2020) ont emporté une majoration très nette du montant de la décote (de 140,8 euros par mois à 187,3 euros). La décote est particulièrement élevée pour les actifs malgré un recul plus net de leur âge de liquidation et elle est très forte pour les fonctionnaires de catégorie A.

Évolution du montant moyen mensuel de la décote pour différentes catégories de la fonction publique d'État civile

Montant mensuel moyen de décote

2015

2016

2017

2018

2019

Catégorie A

Tous motifs

153,6

173,7

182,6

205,6

210,3

dont ancienneté sédentaire

160,5

176,4

182,6

196,8

198,9

dont ancienneté actif

136,0

158,6

166,8

202,6

209,9

Catégorie B

Tous motifs

114,6

119,7

129,6

133,8

142,2

dont ancienneté sédentaire

105,4

118,1

123,9

125,8

134,4

dont ancienneté actif

122,6

120,4

136,0

144,9

157,3

Catégorie C

Tous motifs

113,7

115,0

112,4

120,0

130,8

dont ancienneté sédentaire

97,4

98,1

104,5

107,4

109,6

dont ancienneté actif

125,5

126,8

116,4

131,3

158,2

Civils

Tous motifs

140,8

156,5

163,2

180,2

187,3

dont ancienneté sédentaire

142,7

155,2

159,9

170,4

174,0

dont ancienneté actif

132,0

148,0

153,6

180,8

193,9

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Elle exerce ainsi des effets asymétriques, dont certains redistributifs et d'autres contre redistributifs.

Quant aux liquidations avec surcote , après une baisse de leur nombre relatif dans un contexte de renforcement des conditions de durée d'assurance leur proportion tend à réaugmenter pour se situer à un niveau élevé (32,3 % en 2019 contre 30,6 % en 2018).

Part des pensions nouvelles avec surcote

Part en % des nouvelles pensions civiles avec surcote

2015

2016

2017

2018

2019

Catégorie A

Tous motifs

37,14

35,23

30,96

33,97

36,07

dont ancienneté sédentaire

55,43

54,66

50,04

49,79

52,44

dont ancienneté actif

12,94

11,58

10,09

12,58

14,31

Catégorie B

Tous motifs

28,49

26,52

27,74

31,12

34,00

dont ancienneté sédentaire

55,53

52,17

51,98

52,34

56,24

dont ancienneté actif

5,92

6,79

7,40

10,12

11,09

Catégorie C

Tous motifs

22,30

21,44

20,40

23,18

22,85

dont ancienneté sédentaire

44,00

40,98

38,00

38,64

37,58

dont ancienneté actif

10,41

12,38

10,62

12,39

14,64

Civils

Tous motifs

31,44

29,83

27,59

30,58

32,32

dont ancienneté sédentaire

53,12

51,40

47,89

47,87

50,13

dont ancienneté actif

10,56

10,62

9,65

11,98

13,64

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les actifs en bénéficient nettement moins que les sédentaires et les fonctionnaires de catégorie C moins que les fonctionnaires de catégorie A.

La surcote permet de corriger une partie des effets du durcissement des conditions de durée de cotisation pour obtenir un taux plein.

Le montant mensuel moyen de la surcote est en nette réduction (237,2 euros en 2019 contre 247,7 euros en 2018 et 317,3 euros en 2015). Il est également fortement dispersé, beaucoup plus fort pour les fonctionnaires de catégorie auxquels il permet de largement compenser les impacts de la proratisation que pour les fonctionnaires de catégorie C, surtout si ces derniers sont actifs.

Évolution du montant mensuel moyen de la surcote pour différentes catégories de la fonction publique civile d'État

Montant mensuel moyen surcote

2015

2016

2017

2018

2019

Catégorie A

Tous motifs

393,7

357,3

335,6

309,4

292,3

dont ancienneté sédentaires

396,3

355,1

333,7

301,3

283,0

dont ancienneté actif

354,9

335,8

316,2

303,2

273,2

Catégorie B

Tous motifs

205,3

193,7

190,0

171,4

165,6

dont ancienneté sédentaires

202,8

187,6

186,6

165,1

158,1

dont ancienneté actif

209,7

223,8

199,5

207,1

197,9

Catégorie C

Tous motifs

181,4

168,5

167,9

155,6

154,1

dont ancienneté sédentaires

178,4

162,0

161,8

147,7

141,9

dont ancienneté actif

187,4

177,0

185,9

151,3

172,0

Civils

Tous motifs

317,3

290,5

271,2

247,7

237,2

dont ancienneté sédentaires

318,7

288,9

269,1

241,1

229,1

dont ancienneté actif

292,2

274,4

262,8

247,4

233,9

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans l'ensemble, le « couple décote-surcote » exerce des effets redistributifs très ambivalents de sorte que les conditions d'âge (en englobant les bonifications) qui sont un instrument majeur du pilotage financier des régimes imposent des ajustements très hétéroclites et souvent contre redistributifs.

c) Ces dernières années, une dynamique de dépenses sensiblement plus faible que celle des prélèvements directs sur les retraités de la fonction publique du fait de la hausse de la contribution sociale généralisée, mais une évolution notable en 2019

Si les transferts sociaux versés par le compte « Pensions » ont un poids élevé, il serait cependant justifié de tenir compte des « retours » qu'ils suscitent en termes de recettes publiques afin d'identifier une charge des pensions nette des prélèvements qui leur sont appliqués.

À la question posée sur ce point par la rapporteure spéciale, il était traditionnellement répondu qu'en raison d'un certain nombre d'obstacles techniques, parmi lesquels la familialisation de l'imposition sur le revenu, il n'était pas possible d'estimer à l'heure actuelle les produits fiscaux engendrés par les pensions servies aux fonctionnaires civils et militaires, seules les informations relatives aux contributions sociales prélevées étant disponibles.

Néanmoins l'introduction du prélèvement à la source a permis d'enrichir l'information sur ce point.

Toutes les pensions ne sont pas imposables, notamment les pensions d'invalidité, qui ne sont également pas assujetties aux cotisations sociales généralisées (CSG, CRDS et CASA).

Pour les pensions imposables, l'impôt sur le revenu est prélevé à la source (PAS) depuis janvier 2019 avec application des taux de prélèvement individuels éventuellement actualisés par les redevables.

Le taux de CSG à appliquer est fourni par l'administration fiscale. La répartition des taux de CSG des 2,2 millions de pensionnés payés est la suivante (année 2019) :

- 6,68 % sont exonérés de CSG,

- 9,97 % bénéficient d'un taux réduit,

- 27,43 % sont au nouveau taux médian,

- et 55,92 % sont à taux plein.

Au total, en 2019, les prélèvements obligatoires, liés à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, sur les retraites servies par le Service des retraites de l'État sont estimés à 7,9 milliards d'euros.

Les recettes correspondantes pour le premier semestre 2020 sont de 3,753 milliards d'euros, en baisse significative par rapport au premier semestre 2019 (- 264,3 millions d'euros, soit - 6,6 %).

Montant semestriel des prélèvements fiscaux et sociaux sur les pensions

(en millions d'euros)

Période

PAS

PLVTS SOCIAUX

CSG

dont taux plein

dont taux réduit

CRDS

CASA et autres

1 er semestre 2018

0,00

2 184,19

1 976,23

1 937,55

38,68

126,40

81,56

2 nd semestre 2018

0,00

2 265,49

2 058,87

2 013,13

45,73

127,22

79,40

1 er semestre 2019

1 770,78

2 247,36

2 038,94

1 977,11

61,83

128,19

80,23

2 nd semestre 2019

1 738,19

2 098,19

1 889,11

1 823,20

65,91

128,69

80,39

1 er semestre 2020

1 575,83

2 178,06

1 967,55

1 896,56

70,99

129,84

80,67

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les prélèvements obligatoires sur les pensions ont connu une évolution « hésitante » ces dernières années.

Si, pour l'impôt sur le revenu, les variations ont été assez modérées, le niveau annuel de recettes étant de l'ordre de 3,5 milliards d'euros, pour la contribution sociale généralisée (CSG), les évolutions ont été plus « mouvementées ».

La hausse du taux de la CSG appliqué en 2018 (+1 ,7 point pour le taux normal, soit un alourdissement de près de 25 %) s'est traduite par un supplément de prélèvement de l'ordre de 818 millions d'euros en 2018.

Les recettes ainsi dégagées ont été légèrement supérieures à l'augmentation des dépenses du compte entre 2017 et 2018.

La création d'un taux médian de 6,6 % à compter du 1 er janvier 2019 dans le cadre d'une disposition rétroactive décidée à la suite du mouvement des « gilets jaunes » concerne 658 000 pensionnés sur un total de 2 445 000 pensions (droits directs et droits dérivés).

Pour les trois quarts des retraités, les pensions sont inférieures à 2 000 euros.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Alors que les recettes mensuelles au titre de la CSG prélevée sur les pensions servies par le service des retraites de l'État (SRE) se sont élevées à 327 millions d'euros (pour un total de 2 038 millions d'euros au premier semestre), l'introduction d'un taux médian a conduit au remboursement de 71,9 millions d'euros au titre de la période de janvier à avril 2019 (27 euros par mois pour les 658 000 pensionnés concernés).

Sur une base annuelle, la moins-value de recettes due à la mesure aurait atteint 287,6 millions d'euros pour un montant total de produits de CSG de plus de 3,9 milliards d'euros en 2019.

Sur les sept premiers mois de l'année 2020, le montant mensuel moyen de la CSG s'est élevé à 327 millions d'euros de sorte que le produit attendu en 2020 devrait être à peu près inchangé par rapport à 2019.

En toute hypothèse le cumul des prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu et de la CSG laisse supposer un total de « retour » fiscaux de 7,9 milliards d'euros, correspondant à 13,4 % des dépenses des deux premières sections du CAS « Pensions » et 16 % des contributions employeurs versées pour financer les pensions correspondantes.

2. Des recettes marquées par un contexte de modération salariale
a) Une très légère réduction des recettes dans un contexte de forte modération salariale

La dynamique des recettes ne suivrait pas celle des dépenses.

Au total, les recettes diminueraient de 45 millions d'euros, l'évolution des cotisations sociales étant de son côté légèrement positive (+ 70 millions d'euros).

Un peu plus de cotisations mais moins de recettes
en provenance des autres régimes

La faible dynamique des cotisations serait compensée par une réduction des transferts entre régimes.

Ils apporteraient moins de recettes qu'en 2019 du fait des relations entre les régimes couverts par le compte d'affectation spéciale et la CNRACL et du jeu de la compensation inter-régimes.

La loi de finances pour 2010 n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 a prévu la prise en charge par l'État des dépenses des pensions des agents transférés aux collectivités territoriales à charge pour ces dernières de transférer à l'État les cotisations sociales et contributions prélevées sur les salaires correspondants.

La réduction du nombre des cotisants du fait des départs en retraite des agents concernés entraîne une baisse des recettes transférées à l'État de 33 millions d'euros entre 2019 et 2020 (elles passent de 521 millions d'euros en 2020 à 488 millions d'euros en 2021).

En ce qui concerne la compensation démographique et économique, l'impact de la situation sanitaire ayant entraîné une nette réduction de la masse salariale cotisable dans le secteur privé, malgré un rapport démographique et des différences de dynamique salariale, devenues structurelles, qui devrait installer les régimes de la fonction publique d'État dans une position d'être parties prenantes à la compensation, entraîne une suppression des recettes perçues à ce titre (- 5 millions d'euros), les régimes supportant des dépenses de compensation en 2021 (54 millions d'euros pour les civils ; 180 millions d'euros pour les militaires).

Évolution des recettes du CAS entre 2018 et 2021

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les recettes du compte sont théoriquement corrélées à la masse salariale, du moins pour ce qui concerne leurs composantes principales, les cotisations salariales et la contribution de l'État au financement du compte d'affectation spéciale. Mais la masse salariale peut comporter des éléments de dynamique qui ne profitent pas aux recettes du CAS (en particulier, les primes des fonctionnaires). Par ailleurs, il faut tenir compte de l'évolution des taux de prélèvements (contributions patronales et cotisations salariales - les retenues pour pensions) prévus pour financer les régimes.

L'année 2021 verrait, à nouveau, une décorrélation entre les progressions de la masse salariale et des recettes du compte.

Ce phénomène devient structurel dans un contexte de gel du point d'indice accompagné par une progression des rémunérations indemnitaires.

Les cotisations qui alimentent le CAS « Pensions » ne sont assises que sur la seule fraction des rémunérations correspondant à leur composante indiciaire, sauf quelques exceptions.

D'après la base paie 2019 de la DGFiP, la masse salariale des fonctionnaires civils de la FPE employés par l' État s'est élevée en 2019 à 52,6 milliards d'euros, dont 81 % de traitements indiciaires cotisés au régime de la FPE et 19 % de primes et indemnités non cotisées au régime de la FPE.

Dans la fonction publique d'État (FPE) civile, l'assiette des cotisations ne recouvre ainsi qu'environ 81 % de la masse salariale totale de l'État.

Dans ces conditions, l'assiette est sensible aux choix de politique de rémunération et notamment du partage entre revalorisation indiciaire et indemnitaire.

De ce point de vue, le gel du point d'indice conduit à geler la masse cotisée, toutes choses égales par ailleurs.

Une augmentation de 1 point de la valeur du point d'indice représente environ 544 millions d'euros de recettes pour le CAS.

Compte tenu des perspectives d'inflation de 0,6 % en 2021, la non-indexation du point d'indice réduit les recettes du CAS de l'ordre de 326 millions d'euros en 2021.

Néanmoins, il y a lieu de tenir compte de l'impact spontané du glissement-vieillesse-technicité (GVT solde) sur les recettes du CAS mais aussi de l'application du protocole « PPCR ».

Leur chiffrage n'apparaît pas dans la documentation budgétaire, les prévisions de recettes laissant supposer que ces mécanismes ne joueraient pas en 2021.

Pour mémoire, en 2019, le GVT solde de l'État employeur (budget général et budgets annexes) avait été estimé à 358 millions d'euros dont 336 millions d'euros pour les fonctionnaires civils et 22 millions d'euros pour les militaires, l'impact du GVT solde sur les recettes du CAS étant estimé à 317 millions d'euros.

Impact du GVT solde sur les recettes du CAS en 2019

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Quant au PPCR, suspendu en 2018, il a repris son rythme de mise en oeuvre et devrait encore produire quelques réaménagements des grilles indiciaires en 2021, dont l'effet ne paraît pas pris en compte dans la budgétisation du compte.

Des estimations des effets à court terme du PPCR avaient été réalisées, à la demande de la commission des finances du Sénat, qui avait rendu un rapport sur ce point.

N'isolant pas l'impact du protocole sur les recettes du régime de retraite de la fonction publique d'État, elles aboutissaient à un supplément de recettes de 1,5 milliard d'euros en 2019 pour l'ensemble des régimes de la fonction publique, avec un ressaut de recettes de 30 millions d'euros en 2020 23 ( * ) .

La majeure partie serait attribuée au régime de la fonction publique d'État.

Impact du PPCR sur les éléments de l'équilibre des régimes de retraite
de la fonction publique

(en millions d'euros)

Impact en recettes ensemble FP

2016

2017

2018

2019

2020

Hausse des cotisations salariales

13

122

156

216

221

Hausse des cotisations patronales

56

666

876

1 299

1 324

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La rapporteure spéciale souhaite que les conditions de l'estimation des recettes des régimes inclus dans le compte d'affectation spéciale soient mieux explicitées à l'avenir.

Par ailleurs, il est très regrettable que et le projet d'instauration d'un système universel de retraite supposant un bouleversement des assiettes et des taux de cotisation appliqués aux fonctionnaires, avec, au demeurant, la perspective de revalorisations salariales destinées à combler les déficits de primes de certaines catégories de fonctionnaires (voir infra ), et l'étude d'impact annexée aux projets de loi présentés dans le cadre de cette réforme, et la documentation budgétaire annexée au projet de loi de finances, qui devrait dépasser le cadre de l'annualité budgétaire et comporter des éléments d'appréciation de la soutenabilité des régimes des fonctionnaires, manquent complètement d'éléments permettant d'apprécier les effets des dispositions envisagées sur les recettes apportées par les régimes de fonctionnaires au système qu'on ambitionne de mettre en place.

b) Une pause dans le processus de renforcement du taux de contribution directe des salariés suspend la tendance à l'augmentation des recettes du compte

Le programme 743 mis à part, dans la mesure où ses ressources sont assurées quasi exclusivement par des crédits en provenance de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », les recettes du compte d'affectation spéciale sont principalement 24 ( * ) constituées de contributions des employeurs (État et opérateurs) et des agents (retenues sur traitement, qui sont l'équivalent de cotisations salariales).

(1) Une stagnation des recettes du programme 741

Les recettes du programme 741 s'élèveraient à 57,5 milliards d'euros en 2021 (+ 30 millions d'euros), dont 56,6 milliards d'euros de contributions sociales (hors invalidité).

Pour le seul programme 741 , ces dernières augmenteraient très modérément par rapport à 2020 (+ 70 millions d'euros).

Évolution des recettes du CAS entre 2018 et 2021

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les contributions patronales 25 ( * ) s'élèveraient à 49,7 milliards d'euros (42,5 milliards d'euros pour les contributions de l'État ; 7,2 milliards d'euros pour les autres contributions essentiellement issues des opérateurs Orange et La Poste ; 39,4 milliards d'euros pour les contributions au titre des personnels civils ; 10,1 milliards d'euros pour les contributions au titre des personnels militaires).

Les cotisations salariales apporteraient 7,3 milliards d'euros (dont 6 milliards d'euros pour les seuls employés de l'État).

Les dynamiques des recettes de cotisations salariales et de contributions employeurs seraient analogues alors qu'elles ont été assez nettement différenciées dans un passé récent.

En outre, les contributions liées aux personnels transférés à Orange et à La Poste seraient en baisse assez nette, en particulier pour les contributions patronales.

Les cotisations issues des personnels transférés à Orange et à La Poste,
une forte baisse en 2020

Les recettes affectées au compte en provenance d'Orange et La Poste diminueraient fortement. En 2020, elles s'élèveraient à 1 266 millions d'euros pour passer à 1 196 millions d'euros en 2021 (- 70 millions d'euros). Les cotisations patronales reculeraient plus que les cotisations salariales à - 50 millions d'euros, dont 19 millions d'euros pour Orange et 31 millions d'euros pour La Poste.

Le différentiel entre les produits des contributions employeurs et des cotisations salariales observé ces dernières années qui avait entraîné un renforcement de la contribution des cotisations salariales aux équilibres du compte serait ainsi suspendu en 2021.

Pour le seul programme 741, les cotisations salariales représentaient 10,7 % des cotisations sociales en 2013 ; en 2021 elles en représentent 12,8 % (+ 2,1 points).

Évolution de la structure de financement
du CAS « Pensions » (2013-2019)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ce différentiel n'avait pas empêché la contribution de l'État au financement du CAS de représenter une part très nettement croissante des dépenses de l'État. Cette dernière a « gagné » 4,7 points de pourcentage entre 1990 et 2019.

Évolution à long terme de la part de la contribution de l' É tat au CAS
dans le budget général de l'
É tat

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les événements budgétaires en cours devraient toutefois se traduire par une baisse très significative de ce rapport.

(2) Un taux de contribution employeur inchangé

En 2021, les taux des contributions employeurs devraient rester inchangés ce qui se traduirait par une progression des cotisations employeurs du programme 741 de 0,1 %, soit + 62 millions d'euros (dans un contexte marqué par la réduction des contributions en provenance des anciens monopoles - -70 millions d'euros - qui divise par deux la croissance des contributions employeurs).

Il existe trois taux de contributions employeurs de l'État : un taux pour les pensions civiles, un pour les pensions militaires et un autre pour les allocations temporaires d'invalidité (ATI).

En outre, les taux des cotisations employeurs à la charge des deux anciens monopoles publics (Orange et La poste) sont définis sur la base d'un taux d'équité concurrentiel. Ce dernier serait stable à 48,9 % pour Orange contre 52,4 % en 2018 et 26,9 % pour La Poste contre 32,5 % en 2018.

Ces deux derniers taux sont sujets à de régulières contestations et les prévisions pour 2021 sont assez conventionnelles au regard du besoin de réestimer les avantages que ces employeurs peuvent tirer de la politique d'allègements de cotisations sociales.

De 2006 à 2014, les besoins nés de la couverture des dépenses ont suscité une augmentation des taux de contribution employeur. Le taux a progressé de 48,9 % dans la fonction publique d'État civile et de 26,07 % dans la fonction publique militaire.

Mais, depuis 2014 la stabilité l'emporte, ce qui n'a pas empêché le CAS de dégager des excédents croissants au cours de cette période.

Évolution des taux des contributions employeurs de l'État

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ces taux de contributions employeurs sont appliqués à la masse salariale de chaque ministère et imputés sur les programmes des ministères employeurs en tant que dépenses de titre 2 .

Le produit de la contribution employeur aura augmenté de 9,2 % entre 2013 et 2021 (+ 4,2 milliards d'euros).

On observera, à ce stade, que l'augmentation des contributions des employeurs enregistrée depuis 2014, si elle a contribué à augmenter les dépenses du budget général, ne peut être jugée comme équivalant à une dégradation du solde public (voir infra ).

(3) Une stabilisation du taux de cotisation salariale dont la hausse avait été un facteur de progression de la contribution des retenues sur salaires des fonctionnaires au financement des dépenses de pension

Quant aux cotisations salariales , retenues sur le traitement indiciaire brut des fonctionnaires civils, militaires et des ouvriers de l'État 26 ( * ) , elles ont également suivi une trajectoire d'augmentation consécutive aux différentes réformes des régimes de retraite, malgré la baisse continue du nombre des cotisants 27 ( * ) et une politique de modération salariale qui limitent la progression de la masse salariale indiciaire.

Une baisse du nombre des cotisants et une dégradation
du rapport démographique

Le nombre des cotisants au régime de la fonction publique civile de l'État a baissé de 11,8 % entre 2008 et 2018 28 ( * ) quand le nombre des pensionnés a augmenté de 17,5 %.

La dégradation du ratio démographique a été nette, passant de 1,19 cotisant pour un pensionné en 2008 à 0,89 cotisant pour un pensionné (0,98 pour les seuls pensionnés de droit direct), soit une détérioration de 25 %.

Le produit des cotisations salariales des fonctionnaires civils et militaires de l'État qui devrait augmenter de près de 332 millions d'euros en 2020, ne progresserait plus que de 73 millions d'euros en 2021 (8 millions d'euros seulement en comptant les cotisations d'Orange et de La Poste, dont le nombre des cotisants chute à mesure de l'extinction des emplois de fonctionnaires dans ces deux entités).

Pour le seul programme 741, l'augmentation, qui serait de 4,3 % en 2020, serait réduite à 0,1 % en 2021.

La hausse des taux de cotisations salariales, amorcée en 2010 29 ( * ) afin de converger vers les taux de droit commun des cotisants du régime général (CNAV et régime complémentaire de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés - Arrco), s'est achevée en 2020 avec un dernier saut de 0,27 point de taux, soit une augmentation du taux de cotisation salariale de 2,8 %.

La convergence des efforts contributifs entre le secteur privé et le secteur public a été très importante au point d'effacer presque toute différence. Le rattrapage prévu est désormais achevé mais, compte tenu de l'augmentation du taux d'appel des cotisations aux régimes complémentaires, un écart s'est créé (0,21 point de taux).

Évolution du taux de cotisation salariale
dans la fonction publique d'État et dans les régimes de droit commun

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2021

En 2010 , l'écart entre le taux de cotisation salariale dans les régimes de droit commun et dans le régime des fonctionnaires et ouvriers de l'État s'élevait à 2,70 points de cotisations. Le taux apparent de cotisation des régimes de droit commun était supérieur de plus de 30 % à celui du régime des fonctionnaires.

De son côté, le décret du 2 juillet 2012 élargissant les droits au départ anticipé pour carrière longue 30 ( * ) qui a conduit à un relèvement supplémentaire de 0,25 point entre 2012 et 2016 a épuisé son calendrier.

Enfin, une hausse de 0,3 point entre 2014 et 2017 a été mise en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites de 2014 31 ( * ) .

Pour avoir été constante depuis 2010, l'augmentation de la contribution individuelle directe des agents peut avoir été plus ou moins freinée dans ses effets au cours de la période par les évolutions démographiques, la modération salariale et une politique des rémunérations qui a privilégié l'attribution de primes non soumises à cotisations.

Au total, si le taux des cotisations vieillesse sur les rémunérations des fonctionnaires serait sans changement en 2021, la hausse du taux de retenue agent résultant de ces différentes augmentations passées dégagerait des recettes supplémentaires comme exposé dans le tableau ci-dessous.

Suppléments de recettes résultant des augmentations des prélèvements
dus aux différentes réformes des retraites (2016 à 2022)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

3. L'État emploie de plus en plus de personnels non affiliés aux régimes de retraite couverts par le CAS « Pensions » ce qui contribue à réduire les recettes avec des économies à plus long terme

L'augmentation des recettes de cotisations est structurellement freinée du fait de la politique d'emploi des ministères et des opérateurs, en particulier le recours à des agents non couverts par le régime, ainsi que leur politique salariale, peuvent jouer.

La déformation de la structure d'emploi de la fonction publique d'État a été très significative depuis 2006, entraînant une forte réduction de l'empreinte des régimes de retraite de la fonction publique sur les agents employés par l'État.

Le CAS Pensions finance trois régimes de pensions distincts :

- le régime des pensions civiles et militaires de retraite , qui concerne :

1° les fonctionnaires civils auxquels s'appliquent les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, relatives aux titres I er et II du statut général des fonctionnaires ;

2° les magistrats de l'ordre judiciaire ;

3° les militaires de tous grades possédant le statut de militaires de carrière ou servant au-delà de la durée légale en vertu d'un contrat et les militaires servant au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité ;

4° Leurs conjoints survivants et leurs orphelins.

- le régime de retraite des ouvriers d'État , composé de deux fonds, le fonds spécial de pension des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et le fonds pour les rentes d'accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;

- le régime des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) .

Les autres agents publics ne sont donc pas affiliés aux régimes de pension retracés dans le CAS Pensions.

Il s'agit essentiellement d'agents contractuels, qui sont affiliés au régime général, à l'Ircantec, pour les agents contractuels de droit public à l'Agirc-Arrco, pour les agents contractuels de droit privé.

Évolution des effectifs physiques par statut dans les trois versants
de la fonction publique d'État

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

De 2008 à 2018, le nombre des fonctionnaires civils a baissé de 0,6 % par an en moyenne, à peu près comme pour les militaires (- 0,8 %) tandis que ce taux atteignait 6,8 % pour les ouvriers de l'État.

En sens inverse, les contractuels ne ressortissant pas des régimes de retraite de la fonction publique ont augmenté de 2,8 % par an.

Si, en 2006, la part des non titulaires était de 11,8 %, elle est de 17,8 % en 2018.

Cette recomposition de la structure statutaire de l'emploi de l'État limite à court terme la dynamique des recettes des régimes, et donc du CAS « Pensions », constituant à plus long terme un facteur de freinage de la progression des charges de pensions de ces régimes.

B. APERÇUS SUR QUELQUES ÉLÉMENTS RELATIFS À L'ÉQUITÉ DU RÉGIME

La problématique de l'équité des régimes de retraite est au coeur de la réforme appelée à établir un système de retraite universel fondé sur une uniformité des rendements contributifs, le principe « un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous » .

Les discussions ont tendu à se polariser sur les différences entre les régimes. Il convient d'y ajouter l'examen de différences internes à chaque régime, pouvant ne pas se trouver justifiées par des motifs d'équité.

D'emblée, il y a lieu de considérer que toute différence de situation n'équivaut pas à une rupture d'équité. Au demeurant, le principe de justice recommande, au contraire, d'introduire des différences de traitement proportionnées aux compensations qu'on souhaite mettre en oeuvre pour rétablir une certaine justice.

C'est sans doute la raison pour laquelle l e principe « 1 euro cotisé vaut les mêmes droits pour tous » n'est pas compris à cet instant du processus d'élaboration de la réforme comme pouvant être inversé. Il ne signifie pas « 1 euro de prestation égale les mêmes cotisations pour tous » .

Au demeurant, alors qu'en application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, le comité de suivi des retraites (CSR) est chargé chaque année d'émettre des recommandations au Gouvernement, au Parlement, et aux gestionnaires des régimes de retraite afin d'assurer le respect d'un traitement équitable des assurés « au regard de la durée de leur retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent », et suit, de ce fait, des indicateurs diversifiés , le comité a régulièrement insisté sur le fait que la mesure de l'équité du système de retraite entre les différents régimes est sans doute la plus délicate à mener .

En effet, elle conduit à comparer des régimes qui présentent des différences importantes aussi bien au regard de leurs paramètres (les règles de cotisation et de liquidation différent parfois sensiblement) qu'au regard des déroulements de carrière de leurs assurés .

Sans surprise, il existe bien une interdépendance entre les conditions particulières de l'activité professionnelle et de sa rémunération et les conditions prévues pour régler les droits à retraite.

De façon générale, les rendements intra-générationnels sont dispersés.

Des écarts importants existent entre les assurés, le graphique ci-dessous en illustrant l'ampleur pour un critère particulier, à savoir le sexe.

On relève ainsi l'existence d'écarts par sexe considérables, qui, couplés avec le constat de la faiblesse des niveaux de pensions servies aux femmes sont certainement un obstacle à une égalisation complète des taux notionnels des régimes de retraite

Taux de rendement interne
par génération quinquennale et par sexe

Champ : générations 1950 à 1985, salariés du secteur privé vivants à 60 ans. Législation 2014

Source : Destinie 2 (Insee)

Mais, ce qui est observé pour le critère du sexe l'est aussi pour d'autres critères, sans toutefois que l'hétérogénéité des rendements contributifs ne soit documentée avec toute la précision qu'il faudrait.

Cette situation de pénurie informationnelle déjà regrettable en régime de croisière est particulièrement anormale dans une période de réforme poursuivant un objectif d'égalisation des rendements contributifs.

Il ne devrait pas être hors de portée de construire une information statistique sur ce point et l'on n'imagine pas que les simulations qui ont été effectuées dans le cadre de la réforme n'y aient pas pourvu. Quoi qu'il en soit, elles n'ont pas été mises à la disposition de l'opinion publique, ni de la rapporteure spéciale, ce qui tend à égaliser le traitement des différentes modalités de la démocratie, qu'elles soient participative ou représentative.

Incidemment, le graphique ci-dessus illustre également les écarts de rendement entre générations.

Les données passées étant plus robustes que celles correspondant à des prévisions, on observera qu'après une réduction significative des taux de rendement interne des contributions sociales de retraite, une stabilisation des taux implicites servis par le régime des salariés privés s'est installée pour les générations les plus récentes sur un niveau peu éloigné du taux de croissance économique potentiel, conduisant à réduire l'urgence d'une réforme radicale des régimes.

De fait, le taux de rendement interne est assez proche du taux de croissance potentiel de l'économie, critère non suffisant mais fondamental de l'appréciation de la soutenabilité d'un régime.

1. Les forts contrastes apparents entre les taux de contribution nécessaires au financement des différents régimes de retraite et ceux couverts par le CAS « Pensions » ne sont pas équivalents à des écarts de générosité entre les régimes

La comparaison entre les régimes couverts par le CAS « Pensions » et les autres régimes tend fréquemment à se fonder sur le constat d'écart entre les contributions permettant de financer les dépenses des régimes de la fonction publique d'État et ce qui est constaté dans les autres régimes.

On en infère trop hâtivement des différences de « générosité ».

Or, il convient pour rendre comparables les taux de contribution de procéder à différentes corrections.

La comparaison des contributions d'équilibre entre régimes révèle souvent l'impact de particularités concernant les régimes eux-mêmes (certains sont intégrés, prenant en charge la totalité des revenus de remplacement servis aux retraités, d'autres n'en assumant qu'une partie), leurs situations démographiques respectives marquées par des différences très significatives des rapports démographiques, ou encore des structures de financement très différenciées recourant plus ou moins à des transferts entre caisses ou à des affectations de taxes.

Ces facteurs de différenciation méritent attention particulièrement dans le cadre d'un processus de réforme des retraites qui repose sur l'annonce d'une uniformisation des contributions prélevées pour financer les dépenses de retraite et qui, constituerait, de surcroît, le cadre dans lequel les points de retraite, variables importantes d'un futur régime en points, seraient désormais acquis.

Il est regrettable que la publication d'un exposé systématique analysant les différences de situation entre les régimes n'ait pas accompagné le processus de réforme à ce stade.

En ce qui concerne la comparaison entre les régimes, il y a lieu de renvoyer ici au rapport de la Cour des comptes sur les pensions publiques, rapport publié en octobre 2016, qui malgré des données déjà un peu anciennes, propose des analyses globales encore valides.

À ce stade, il offre l'un des rares documents permettant d'apprécier les efforts contributifs comparés entre le régime des fonctionnaires et le régime général.

On relèvera encore que le conseil d'orientation des retraites est revenu sur cette question en 2017.

À l'issue des corrections appliquées, les écarts apparents entre les taux de contribution nécessaires pour équilibrer les régimes, qui dessinent le panorama de régimes très diversement « généreux », sont considérablement réduits, de sorte que l'image d'une forte hétérogénéité des régimes sous l'angle des droits ouverts tend à laisser la place à celle de régimes assez proches entre eux de ce point de vue.

D'un écart apparent de plus de 40 % pour la fonction publique civile, on passe à un écart compris entre 2,9 et 4 points selon les estimations.

Écarts des taux d'effort contributif des régimes de la fonction publique
avec ceux du secteur privé selon l'indicateur considéré

Source : COR, réunion du Conseil du 31 mai 2017

Le taux de cotisation permettant d'équilibrer les prestations versées par les régimes de retraite s'élevait à 23,1 % en 2016 selon les calculs du COR avec des écarts à cette moyenne par régime nettement plus modérés que les écarts, très marqués de leur côté, entre les taux apparents correspondants pour chaque régime, qui ne rendent pas compte de la pression financière exercée par les différents régimes de retraite.

Taux de cotisation harmonisés et taux de prélèvement
d'équilibre des régimes en 2016

Le détail des corrections nécessaires est récapitulé ci-dessous.

Détail des corrections nécessaires pour rendre les efforts contributifs
des régimes de fonctionnaires et de salariés plus comparables

La première contribution à la réduction des écarts apparents est attribuable à la neutralisation des différences d'assiette de cotisation . Plus l'assiette est étroite, plus le taux de cotisation doit être élevé. La réduction de l'écart entre taux apparent des salariés privés et taux des fonctionnaires civils atteint alors 30 points. C'est ici principalement la question des primes exclues de l'assiette de cotisation dans la fonction publique qui est en cause.

Une deuxième opération conduit à neutraliser les effets des financements nécessités par les avantages non contributifs des régimes autres que ceux de la fonction publique, pour lesquels les taux de contribution sont fixés, dans les régimes de la fonction publique, à un niveau permettant de les financer. On aboutit à un taux de prélèvement d'équilibre qui rapporte les masses de dépenses des régimes à la masse des rémunérations des affiliés. Cette correction permet de réduire l'écart apparent des taux de contribution d'équilibre des salariés et des fonctionnaires civils pour le porter à 15 points. Les cotisations des salariés devraient être augmentées si elles étaient appelées à financer ces avantages tandis que les contributions nécessaires à l'équilibre du régime des fonctionnaires civils de l'État seraient légèrement réduites.

Enfin, les différences de situation démographique des régimes peuvent expliquer des écarts de taux de contribution. Des différences dans les ratios de cotisants sur les prestataires supposent qu'un régime où ce ratio est comparativement faible doit avoir un taux de contribution supérieur.

La correction démographique peut emprunter deux voies selon qu'on souhaite prendre en compte les écarts provenant de conditions d'ouverture des droits différentes (que ce soit pour des raisons institutionnelles ou du fait de choix personnels des pensionnés). Le niveau encore relativement élevé des départs précoces dans la fonction publique aboutit à estimer un taux d'équilibre corrigé du fait démographique plus important quand on impute à ces régimes les charges correspondantes.

Sans correction des conditions particulières d'ouverture des droits, la différence entre les taux d'équilibre des salariés et des fonctionnaires civils n'est plus que de 4,2 points. Le nombre plus élevé de fonctionnaires à la retraite précoce porte cet écart à 4,3 points. Le besoin de financement des pensions précoces aboutit dans les deux cas à relever le taux de contribution d'équilibre, de 3,1 points pour les salariés du privé et de 3,2 points pour les fonctionnaires civils.

Ces corrections ne sont pas parfaites 32 ( * ) , mais elles offrent une image plus fidèle que celle dessinée à partir des taux de contribution apparents des efforts contributifs comparés dans les régimes.

Selon l'actualisation proposée par le rapport du COR en 2019, le taux de prélèvement d'équilibre corrigé du ratio démographique était de 21,9 % en 2017 (en baisse par rapport aux estimations antérieures), celui nécessaire à l'équilibre du régime des fonctionnaires civils de 19,6 % assez proche de la situation du secteur privé salarié (16,7 %).

Taux de cotisation harmonisés et taux de prélèvement d'équilibre
en 2017

Source : rapport du COR, 2019

Il demeure un écart de l'ordre de 2,9 points, qui pour n'être pas négligeable, correspond à un peu moins de 2 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires.

Celui-ci suggère que si les prélèvements au profit des régimes de retraite des fonctionnaires devaient être calés sur ceux du régime général, les pensions des fonctionnaires civils de l'État devraient être réduites de l'ordre de 2 milliards d'euros.

Cependant, cette conclusion conserve quelques fragilités, dans la mesure où les différences structurelles entre les emplois des deux régimes peuvent contribuer à des écarts résiduels à l'ampleur aujourd'hui mal appréhendable.

2. Malgré une révision de la méthode d'estimation, le poids des dépenses de solidarité est comparable entre les régimes de fonctionnaires et ceux des salariés mais leur structure est très différente, les départs précoces jouant beaucoup plus dans la fonction publique

Il est intéressant de cerner les dépenses non contributives des régimes couverts par le CAS « Pensions » afin de mesurer leur degré de « solidarité » et dans la perspective de comparaisons entre régimes, ces comparaisons ne devant toutefois pas être considérées indépendamment des conditions de toutes natures qui peuvent intervenir lorsqu'on ambitionne d'étalonner l'équité d'un système de retraite.

L'estimation des avantages non contributifs et plus encore celle des droits ouverts aux affiliés d'un régime de retraite au titre de la solidarité est plus difficile qu'on n'est tenté de l'imaginer de prime abord.

Les évolutions intervenues sur ce point en témoignent.

Une nouvelle analyse de la part des dépenses de solidarité, qui ne concerne que les dépenses de solidarité explicites et non les dépenses de solidarité implicites logées dans le coeur même des régimes de retraite, débouchant sur des révisions importantes, a été proposée par la DREES au début de 2020 après une précédente analyse datant de 2012.

Dans celle-ci, la part des dépenses de pension relevant de transferts de solidarité 33 ( * ) apparaissait légèrement supérieure dans les régimes de la fonction publique, constat partagé par le COR.

Part des dispositifs de solidarité dans les montants de pension de droit direct servies par les régimes de retraite de la fonction publique et des salariés
(régimes de base et complémentaires)

Source : rapport du COR, 2019

On renvoie au rapport présenté l'an dernier par la rapporteure spéciale.

Dans la nouvelle publication de la DREES, les avantages de solidarité ressortent comme beaucoup plus important dans les régimes de la fonction publique que dans ceux du secteur privé.

Cependant, des nuances doivent être apportées, en particulier pour le principal des régimes couverts par le CAS « Pensions », celui des fonctionnaires civils de l'État.

L'étude évalue à 43,8 milliards d'euros les droits de solidarité « au sens strict » versés par le système de retraite en 2016 et à 60,9 milliards d'euros une fois adoptée une approche plus « large ».

Structure des dépenses de retraite en 2016

Source : DREES, 2020

Évolution de la composition du poids des dispositifs de solidarité
dans les prestations de droit direct entre 2012 et 2016

Source : DREES, 2020

Dans ce contexte, la part des dispositifs explicites de solidarité serait de 22,1 % dans les régimes de la fonction publique et de 13,3 % dans les régimes de salariés lorsque l'on ne prend en compte que les droits de solidarité « au sens strict ».

Il existerait toutefois des différences prononcées entre les régimes de la fonction publique. La fonction publique civile d'État apparaît comme offrant des droits de solidarité proches du secteur privé.

Répartition des masses financières des pensions de retraite
dans le régime de la fonction publique d'État

Source : DREES, 2020

Le régime des militaires serait nettement plus favorable sous cet angle.

Les droits de solidarité dans différents régimes

Source : DREES, 2020

La révision des estimations entre les deux études de la DREES apparaît très significative.

Mais, elle passe largement par une convention qui consiste à scinder les dispositifs de solidarité explicites en deux catégories (« stricte » et « large »).

Il faut reconnaître que la détermination de ce qui relève de la solidarité est en partie conventionnelle.

On observe qu'une fois pris en compte l'impact sur le taux de liquidation de la pension de trimestres non cotisés (solidarité « au sens large »), les écarts entre le secteur privé et le secteur public, tout particulièrement pour la fonction publique d'État civile, tendent à se refermer.

En toute hypothèse, il n'y a pas d'équivalence évidente entre ces avantages de solidarité, les uns permettant de compenser des trajectoires professionnelles « heurtées », les autres de compenser des conditions de travail considérées comme particulièrement difficiles.

La composition des avantages de solidarité diffère entre les deux catégories , les avantages au titre des départs anticipés représentant 11,2 % des pensions directes dans la fonction publique contre une part nettement plus modeste dans le secteur privé pour lequel prédominent les validations de trimestre au titre de l'inactivité.

Les régimes de la fonction publique réservent ainsi davantage de droits au titre de la pénibilité du travail à travers les statuts réservés aux personnels de la catégorie active que les régimes de salariés ainsi que le confirment les données ci-dessous transmises à la rapporteure spéciale.

Selon ces données, les dépenses de solidarité auraient été de 14,34 milliards d'euros en 2018 (9,23 milliards d'euros pour les civils ; 5,11 milliards d'euros pour les militaires) , soit environ 26 % des dépenses du programme 741 ( 9,6 milliards d'euros hors réversion , la réversion représentant un tiers des dépenses de solidarité).

Ces données auxquelles il faudrait ajouter la considération des engagements constitués au titre des dépenses de solidarité (non encore mises en paiement 34 ( * ) ) doivent être gardées à l'esprit dans la perspective de l'analyse des impacts de la réforme des retraites envisagée par le Gouvernement.

Dépenses non contributives des régimes des fonctions publiques d' É tat
civile et militaire en 2018

(en milliards d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans son rapport précité, la Cour des comptes avait exploré l'impact d'un alignement des statuts actif et sédentaire sur ce dernier, ce scenario recouvrant en partie les préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites et les perspectives ouvertes par le projet de loi instaurant un système universel de retraite.

Il est donc justifié de s'intéresser à ces populations.

Le nombre des pensions servies à des personnels actifs de la fonction publique civile d'État est de 461 543 à fin 2019 ; il peut être mis en regard du nombre des pensions civiles sédentaires, de 787 750 unités à la même date.

Effectif des pensions par catégorie d'emploi des actifs

Catégorie d'emploi

Nouvelles pensions civiles de droit direct avec un départ d'actif en 2019

Effectif des pensions en stock au 31 décembre 2019 avec un départ pour actif

Instituteur

4 988

236 902

Ex-PTT

2 807

96 168

Police

1 834

80 188

Pénitentiaire

468

11 153

Équipement

362

20 122

Douane

295

6 747

Agriculture

165

3 466

ICNA

75

2 212

Finance hors douane

73

1 952

Justice hors pénitentiaire

68

1 734

Autres actifs

29

899

Total

11 164

461 543

Champ : Nouvelles pensions civiles de droit direct de l'année 2019 et pensions civiles de droit direct en stock au 31 décembre 2019, départ à la retraite pour actif.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les pensions servies à d'anciens actifs représentent ainsi 37 % du total des pensions en stock issues de la fonction publique d'État civile. Au 31 décembre 2018, les femmes représentaient 39 % des pensions au titre de la catégorie active, et plus de 9 femmes sur 10 de la catégorie active sont des institutrices ou des professeures des écoles.

La proportion des pensions servies à des actifs devrait diminuer à législation constante dans les années à venir.

Le nombre d'affiliés au régime de retraite de la fonction publique d'État civile ayant constitué des droits au titre de la catégorie active est de 277 723, dont moins de 100 000 ont atteint la durée nécessaire à la liquidation d'une pension au titre des catégories actives.

Effectif des affiliés non retraités civils ayant acquis des droits d'actifs
au 1 er janvier 2020

Catégorie d'actif

Affiliés ayant des droits d'actifs

Dont ayant atteint leur durée d'actif

Police

115 144

19 796

Instituteur

72 881

49 723

Pénitentiaire

30 970

3 876

Ex-PTT

22 924

10 593

Douane

11 486

3 567

Équipement

11 193

4 793

Justice hors pénitentiaire

5 802

931

ICNA

3 730

1 980

Agriculture

2 720

1 179

Finances hors douane

826

229

Autres actifs

47

19

Total

277 723

96 686

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le nombre des fonctionnaires civils occupant des emplois entrant dans la catégorie active est, quant à lui, de 158 184 personnes.

Effectif des affiliés non retraités civils occupant un emploi d'actif
au 1 er janvier 2020

Catégorie d'actif

Affiliés occupant un emploi d'actif

Dont ayant atteint leur durée d'actif

Police

109 963

19 565

Pénitentiaire

26 881

3 812

Douane

8 071

2 872

Équipement

7 192

3 272

ICNA

3 651

1 969

Instituteur

1 325

1 188

Ex-PTT

1 068

991

Justice hors pénitentiaire

18

3

Agriculture

9

9

Autres actifs

6

5

Total

158 184

33 686

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ces éléments permettent de cerner l'horizon des possibles en ce qui concerne les liquidations de pensions d'actifs à l'avenir, un seuil minimum d'une centaine de milliers de liquidation représentant une forte réduction de la part des pensionnés ex actifs dans la fonction publique.

Quant aux personnes ayant constitué des droits dans la catégorie active, les 277 723 personnes identifiées représentent 15 % des fonctionnaires civils.

Plus des deux tiers des civils ayant acquis des droits actifs relèvent des effectifs de police et de l'enseignement scolaire. Quant aux fonctionnaires exerçant des activités leur donnant accès à la catégorie active, ils sont principalement policiers (69 %) et personnels de la pénitentiaire (17,1 %). Il reste assez peu d'instituteurs en ce cas, la plupart ayant opté pour l'intégration au corps des professeurs des écoles. Il n'en demeure pas moins que de l'ordre de 50 000 fonctionnaires avaient acquis une ancienneté d'actif suffisante au moment de leur intégration dans ce corps de sorte qu'aux personnels ayant conservé le statut actif, relativement résiduels, il faut les ajouter quand on envisage les perspectives de liquidation des retraites en tant qu'actifs.

Les conditions de liquidation de pensions des fonctionnaires actifs peuvent être comparées avec celles des sédentaires et il en ressort un bilan très positif pour les actifs à la retraite par rapport aux sédentaires.

Comparaison entre les départs pour motif « actif » et « sédentaire »
des nouvelles pensions civiles de droit direct de 2019 (flux)

Indicateurs

Actif

Sédentaire

Effectif de pensions

11 164

30 508

Âge moyen à la date d'effet de la pension initiale

59,7

63,5

Montant mensuel brut moyen en euros courants

2 252

2 240

Taux de liquidation en % après décote ou surcote (1)

70,3

68,6

Part en % des pensions ayant un taux de liquidation après décote ou surcote supérieur ou égal à 75 % (1)

41

44

Indice moyen de liquidation (1)

669

683

Durée moyenne en trimestres des services retenus pour la liquidation

147

139

Durée moyenne en trimestres des bonifications retenues pour la liquidation

7,7

4,5

Durée moyenne en trimestres d'assurance tous régimes

170

173

Part en % des pensions avec décote (1)

24,6

15,1

Taux moyen de décote en % (1)

10

11

Perte mensuelle moyenne en euros liée à la décote (1)

194

174

Part en % des pensions avec surcote (1)

14

50

Taux moyen de surcote en % (1)

9,7

9,3

Gain mensuel moyen en euros lié à la surcote (1)

234

229

Effectif des pensions portées au minimum garanti

160

1307

Part en % des pensions portées au minimum garanti

1

4

Montant mensuel brut moyen en euros courants des pensions portées au minimum garanti

985

889

Champ : Nouvelles pensions civiles de droit direct de l'année 2019 ayant un départ d'actif ou de sédentaire.

(1) : hors pensions élevées au minimum garanti.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Non seulement les actifs liquident-ils leur retraite plus précocement que les sédentaires (trois ans et huit mois plus tôt) mais encore, malgré un indice de liquidation inférieur et des pensions plus fréquemment décotées et moins souvent surcotées, obtiennent-ils une pension en moyenne supérieure à celle des sédentaires.

Si, par certains côtés, leur situation s'est dégradée, elle s'est moins détériorée que pour les sédentaires et a connu, globalement, une certaine amélioration alors que, pour les fonctionnaires ne relevant pas des catégories actives, la situation moyenne est devenue moins bonne, le niveau des nouvelles pensions étant plus faible que pour la pension moyenne du stock, malgré des bases liquidatives liées à la carrière professionnelle théoriquement meilleures.

Comparaison entre les départs pour motif « actif » et « sédentaire » des pensions civiles de droit direct en stock en 2019

Indicateurs

Actif

Sédentaire

Effectif de pensions

461 543

787 750

Âge moyen à la date d'effet de la pension initiale

56,6

61,5

Montant mensuel brut moyen en euros courants

2 130

2 270

Taux de liquidation en % après décote ou surcote (1)

71,8

71,6

Part en % des pensions ayant un taux de liquidation après décote ou surcote supérieur ou égal à 75 % (1)

44,0

53,8

Indice moyen de liquidation (1)

581

655

Durée moyenne en trimestres des services retenus pour la liquidation

137,8

135,2

Durée moyenne en trimestres des bonifications retenues pour la liquidation

8,1

5,0

Durée moyenne en trimestres d'assurance tous régimes

159,8

167,4

Part en % des pensions avec décote (1)

12,1

8,1

Taux moyen de décote en % (1)

4,9

5,4

Perte mensuelle moyenne en euros liée à la décote (1)

91

96

Part en % des pensions avec surcote (1)

3,9

30,8

Taux moyen de surcote en % (1)

9,0

7,8

Gain mensuel moyen en euros lié à la surcote (1)

220

203

Effectif des pensions portées au minimum garanti

16 661

78 165

Part en % des pensions portées au minimum garanti

3,6

9,9

Montant mensuel brut moyen en euros courants des pensions portées au minimum garanti

1 079

962

Champ : Pensions civiles de droit direct en stock au 31 décembre 2019 ayant un départ d'actif ou de sédentaire.

(1) : hors pensions élevées au minimum garanti

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En 2019, la pension mensuelle moyenne (montant principal et accessoires) s'élève à 2 130 euros pour un actif parti au titre de l'ancienneté contre 2 270 euros pour un sédentaire parti au titre de l'ancienneté.

La part des dépenses correspondant aux pensionnés ex-actifs en retraite avant 63 ans (âge moyen des liquidations des sédentaires et des salariés) n'est pas identifiable mais la majeure partie des 60 000 pensions versées à des titulaires de pensions civiles de droit direct de moins de 60 ans provient sans doute des catégories actives, contingent auquel il faut ajouter une partie de 227 578 pensions versées à des fonctionnaires civils entre 60 et 64 ans.

Ainsi sur la base de la valeur unitaire des nouvelles pensions liquidées à ce titre en 2019 et d'une estimation selon laquelle la moitié des pensionnés d'un âge compris entre 60 et 64 ans seraient d'anciens fonctionnaires de la catégorie active, le montant des pensions de droit direct correspondant aux fonctionnaires de ces catégories serait de l'ordre de 5 milliards d'euros (estimation qui semble confirmée par les données supra ) pour les civils et les militaires confondus.

Une estimation complémentaire, qui ne porte que sur les pensions des actifs touchées perçues avant l'âge de 62 ans avait pu être avancée, le service des retraites de l'État proposant un chiffrage à 2,3 milliards d'euros pour les gains en 2020 d'une suppression de la possibilité de départ anticipé en 2015, dont 1,4 milliard d'euros pour la fonction publique d'État et 900 millions d'euros pour la CNRACL.

Caractéristiques comparées des pensions en stock
pour les actifs et pour les sédentaires

Pension avec un motif de départ pour ancienneté

Actif

Sédentaire

Durée moyenne en trimestre des services retenus

137,5

134,9

Durée moyenne en trimestre des services acquis

138,4

137,8

Durée moyenne en trimestre des bonifications retenues

8,1

5,0

Durée moyenne en trimestre des bonifications acquises

9,4

5,9

Part en % des pensions avec décote

11,5

7,7

Part en % des pensions avec surcote

3,6

29,5

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Au cours de l'année 2019, il y a eu 11 164 pensions nouvelles au titre de la catégorie active avec un motif de départ pour ancienneté. La catégorie active représente ainsi 27 % des départs au titre de l'ancienneté. Les instituteurs et professeurs des écoles concentrent 44 % des départs des actifs en 2018, le personnel d'Orange et la Poste 26 % et les policiers 15 %. Les femmes représentent 37 % des départs du flux d'actifs en 2018.

Pour les pensions nouvelles de 2019, le montant mensuel moyen (montant principal et accessoires) s'élève à 2 252 euros pour un actif parti au titre de l'ancienneté, montant moyen légèrement supérieur à celui d'un sédentaire parti au titre de l'ancienneté (2 240 euros).

L'importance relative des pensions d'actifs liquidées provient à la fois d'un taux de liquidation relatif élevé (du fait de diverses bonifications) et d'une durée de service supérieure en moyenne à celle des sédentaires.

Ainsi les actifs cumulent une durée de service de la pension et un niveau de pension supérieurs à ces derniers, qui ne peut être expliqué par un effort contributif supérieur.

Caractéristiques comparées des pensions nouvellement liquidées en 2018
pour les actifs et pour les sédentaires

Pension avec un motif de départ pour ancienneté

Actif

Sédentaire

Durée moyenne en trimestre des services retenus

147,1

139,0

Durée moyenne en trimestre des services acquis

148,4

140,6

Durée moyenne en trimestre des bonifications retenues

7,7

4,4

Durée moyenne en trimestre des bonifications acquises

9,2

5,3

Part en % des pensions avec décote

24,5

14,7

Part en % des pensions avec surcote

12,0

47,9

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les caractéristiques des populations concernées offrent davantage d'explications de même que la particulière difficulté des métiers exercés est appelée à renforcer son pouvoir explicatif.

Au 31 décembre 2019, il y avait près de 277 723 assurés ayant réuni des droits d'actifs, mais seulement 158 184 assurés en situation d'actifs.

Cette proportion est nettement inférieure à celle constatée pour les retraités (29 %), traduisant le fait notamment que deux corps d'actifs, les instituteurs/professeurs des écoles d'une part et les actifs de la Poste et Orange d'autre part, sont en extinction. Au demeurant, les nouvelles liquidations au titre du motif « actif » actuellement de 20 % du total des liquidations annuelles devraient être ramenées à 16 % en 2025.

Pour les instituteurs et professeurs des écoles, c'est à partir de la génération 1972 que ce corps va entrer en extinction. Les actifs d'Orange et la Poste vont fortement décroître à partir de la génération 1965 et vont entrer en extinction à partir de la génération 1971. La part des actifs parmi les affiliés non retraités civils, culmine avec la génération 1963 (20 %) avant de se situer autour de 11 % avec la génération 1970 et 15 % pour la génération 1975. Au 31 décembre 2018, les policiers représentent la première population des actifs (46 %), devant les instituteurs et professeurs des écoles (24 %) et les surveillants de la pénitentiaire (11 %).

La recomposition de la population des actifs de la fonction publique laisse présager une réduction progressive des engagements financiers de l'État à ce titre.

Les engagements de retraite de l'État au 31 décembre à l'égard de la catégorie active sont estimés à 414 milliards d'euros, soit un quart des engagements civils de droit direct. Ils se répartissent pour 64 % en engagements auprès des retraités actuels et 36 % envers les affiliés non-retraités ayant acquis des droits dans le régime.

Détail des engagements de retraite de l' É tat au regard des actifs
au 31 décembre 2019

Population

Engagements au 31/12/2019 en milliards d'euros

Montant

Répartition

Civils de droit direct

1 672

69 %

dont catégorie active

414

17 %

dont retraités

267

11 %

dont catégorie sédentaire

1 258

52 %

dont retraités

515

21 %

Civils de droit dérivé

189

8 %

Militaires

544

23 %

Ensemble

2 405

100 %

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En se limitant à considérer les engagements déjà constatés, sans acquisition de nouveaux droits , la catégorie active engendrerait des dépenses jusqu'à l'année 2100 environ. Si pour les sédentaires les dépenses continueraient d'augmenter jusqu'en 2034 (32,7 milliards d'euros) avant de diminuer sous l'effet du papy boom, le recul des dépenses pour la catégorie active interviendrait plus rapidement : quasi-stables dans les prochaines années, les sommes engagées en faveur de cette catégorie amorceraient leur baisse dès 2024 avec un maximum à 13,9 milliards d'euros.

Évolution des engagements de retraite de l'État selon l'appartenance à la catégorie active ou sédentaire

(en milliards d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Actuellement, les actifs avec une date d'ouverture des droits à 52 ans sont majoritaires parmi les actifs et ce phénomène va se renforcer au fil du temps .

À partir de la génération 1974, plus de 90 % des actifs seront des actifs avec une date d'ouverture des droits à 52 ans, c'est-à-dire des personnels exerçant des missions particulièrement difficiles.

Dans ces conditions, il peut apparaître quelque peu réducteur de fonder une appréciation du caractère équitable du statut réservé aux effectifs de la catégorie active sur des critères exclusivement financiers.

Au demeurant, ces derniers mériteraient d'être identifiés.

Si la jouissance d'une pension précoce est un avantage qui tend à offrir aux personnels dont s'agit un taux de rendement de leurs contributions sur le cycle de vie 35 ( * ) relativement élevé par rapport à d'autres situations, appréhender le supplément de pension retiré sur le cycle de vie du fait de l'âge plus précoce de liquidation pour un actif, imposerait de comparer la situation constatée avec une hypothèse alternative en considérant que la personne concernée parte à la retraite en tant que sédentaire.

Le ministère de l'action et des comptes publics ne dispose pas d'éléments tangibles sur ce point.

Il estime qu'il faudrait construire un scénario alternatif, avec une nouvelle date de départ à la retraite mais aussi avec un nouveau montant de pension à la liquidation.

Il est très regrettable que ce scenario ne soit pas disponible alors même que la réforme des retraites en cours d'élaboration repose dans ses équilibres sur une banalisation du statut reconnu aux catégories actives et superactives.

Ce nouveau montant de pension à la liquidation tiendrait compte d'une durée de services plus importante et, éventuellement, de la suppression de certaines bonifications liées à la catégorie active, bonification du cinquième notamment.

Les économies seraient moindres que celles estimées comptablement.

On peut cependant mentionner ici que, selon une étude de la DREES 36 ( * ) publiée en 2014 comportant une simulation de l'affiliation des fonctionnaires de différentes générations aux régimes du secteur privé , les impacts de cette dernière sur la pension des fonctionnaires, qui seraient globalement limités et non univoques , affecteraient profondément les fonctionnaires des catégories actives comme le montre le tableau ci-dessous.

Écart de pension pour les fonctionnaires de trois générations après application des règles du secteur privé (par rapport à la pension moyenne)

Sources : échantillon inter-régimes des cotisants 2009, Trajectoire, CALIPER, DREES

En outre, comme selon le ministère de l'action et des comptes publics, il n'est actuellement pas possible d'établir une ventilation des cotisations versées entre la catégorie active et la catégorie sédentaire, une difficulté sérieuse existe pour appréhender les équilibres finaux d'une réforme de ces catégories.

3. Un taux de remplacement proche de celui des salariés, une grande variabilité selon les fonctionnaires
a) Des différences de conditions de liquidation entre les régimes de la fonction publique et les régimes des salariés qui se compensent les unes les autres

Les conditions de liquidation des pensions dans la fonction publique diffèrent de celles du régime général des salariés, mais sans que cette différence souvent présentée comme favorable aux fonctionnaires ne leur offre, en réalité, des avantages en soi. Cette propriété du mécanisme de liquidation ne se vérifie que sous réserve de conditions qui ne sont globalement plus réunies ces dernières années, ce qui n'empêche pas certains affiliés pour lesquelles elles sont vérifiées de tirer un bénéfice du système de liquidation.

Au sein de la fonction publique, la base liquidative correspond à la valeur moyenne des six derniers mois de traitement indiciaire ; pour le régime de base des salariés, la CNAV applique le taux de liquidation aux 25 meilleures années de la carrière mais moyennant une revalorisation « des salaires portés au compte » comme l'inflation. Par ailleurs, les salariés du privé sont affiliés à des régimes complémentaires en points, qui englobent jusqu'à 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale les salaires assurables, cette assiette n'étant accessible qu'à peu de salariés mais à encore moins de fonctionnaires (l'exclusion des primes pouvant alors compter).

A priori la différence entre les régimes de liquidation des salariés au régime général et des fonctionnaires de l'État (les liquidations de pensions des régimes spéciaux suivant également ce dernier mécanisme) offre aux fonctionnaires une plus forte protection contre les effets du décrochage des assiettes de liquidation par rapport à la croissance économique, appelé à jouer plus fortement dans le régime général où l'assiette de cotisation sur les 25 meilleures années de la carrière, revalorisée comme l'inflation et non comme la croissance économique, implique un décrochage plus fort de l'assiette de liquidation.

Au demeurant, des simulations réalisées sur des données anciennes montrent que plus la période de référence utilisée pour calculer les pensions est longue, moins la base liquidative de ces dernières est élevée.

Ainsi, le passage d'une référence à la moyenne salariale des 10 meilleures années à celle des 25 meilleures années dans le régime général s'est traduit par une réduction de la valeur relative de la base de liquidation des pensions qu'illustrent les deux graphiques ci-dessous.

Si dans tous les cas, un revenu estimé sur une partie seulement de la carrière considérée comme la plus favorable est supérieur à un revenu moyen de carrière, cette propriété est normalement d'autant plus vérifiée que la fraction de la carrière retenue est plus sélective.

Ainsi, entre un mécanisme de détermination du revenu moyen calculé sur les 10 meilleures années d'activité et un mécanisme basé sur les 25 meilleures années d'activité, le rapport entre le revenu moyen et le revenu moyen d'activité estimé sur les 40 meilleures années, s'il demeure positif, se trouve considérablement réduit.

Ratios du revenu d'activité moyen calculé sur les 10 ou 25 meilleures années d'activité par rapport au revenu d'activité moyen des 40 meilleures années

Source : « Les conséquences des profils individuels des revenus d'activité au long de la carrière sur les niveaux des pensions de retraite », Patrick Aubert, Cindy Duc, Économie et statistique, n°441-442-2011, INSEE

Cependant, le différentiel des dynamiques du salaire moyen servant à la base liquidative dans la fonction publique et dans les régimes de salariés ne joue à la faveur des premiers que si les revenus indiciaires des fonctionnaires connaissent sur la dernière partie de leurs carrières (pour simplifier sur les 12,5 dernières années de celle-ci) une revalorisation supérieure à l'inflation, qui, dans le régime général fait l'objet d'une correction 37 ( * ) .

Or, le gel de la valeur du point d'indice tend à neutraliser les impacts de la meilleure prise en compte des progressions salariales des fonctionnaires, d'ailleurs ralenties en moyenne dans les fins de carrière, de sorte que les différences règlementaires concernant la base liquidative des pensions exercent alors des effets mineurs, voire paradoxaux.

Évolution du point d'indice de la fonction publique
et des prix à la consommation depuis 1970

Source : Rapport annuel sur l'état de la fonction publique 2018, DGAFP

Dans ces conditions, le taux de remplacement instantané (en pourcentage du salaire de fin de carrière) offert par les régimes des salariés tend à être supérieur à celui des régimes de la fonction publique.

Taux de remplacement médian par génération pour les carrières complètes
pour différents champs d'assurance vieillesse

b) Dans la fonction publique, des taux de rendement des contributions plus élevés pour les carrières ascendantes

Au sein même de la fonction publique, la règle de calcul de la base liquidative sur les six derniers mois de traitement indiciaire est susceptible d'impliquer des effets asymétriques, dynamisant le taux de rendement des cotisants bénéficiant de rémunérations ascendantes, que cela provienne de « coups de pouce » ou du déroulement normal des carrières.

Or, les pentes des carrières sont fortement différenciées comme une étude distribuée lors de la séance plénière du COR du 12 avril 2018 le confirme globalement, qui permet, en outre d'observer, à partir de quatre cas-types de fonctionnaires (fonctionnaires de la génération 1950), que l'influence des primes sur les profils salariaux 38 ( * ) est assez nettement contrastée selon les appartenances catégorielles et fonctionnelles des fonctionnaires.

Les quatre cas-types de fonctionnaires

Les quatre cas-types envisagés par le COR se distinguent par l'appartenance catégorielle des fonctionnaires et par le taux de prime :

- le cas-type n° 5 est celui d'un fonctionnaire sédentaire de catégorie B avec un taux de prime moyen ;

- le cas-type n° 6 est celui d'un fonctionnaire de catégorie A (enseignant) avec une part de primes relativement faible ;

- le cas-type n° 7 est celui d'un fonctionnaire de catégorie A + pour lequel le taux de prime est comparativement élevé ;

- le cas-type n° 8 est celui d'un fonctionnaire de catégorie active (policier) avec un taux de prime relativement élevé.

Au total, la différenciation des taux de rendement des cotisations associée aux profils de carrière joue à l'avantage des catégories supérieures de la fonction publique excepté pour certains personnels de l'enseignement.

La règle de liquidation tend ainsi à exercer des effets contre redistributifs.

Cas-type n° 5 (catégorie B)

Source : COR

Cas-type n° 6 (catégorie A- professeur)

Source : COR

Cas-type n° 7 (catégorie A +)

Source : COR

Cas-type n° 8 (Catégorie active - policier)

Source : COR

Il existe ainsi une grande variété des pentes salariales entre les catégories étudiées. En outre, la part des primes dans la rémunération totale évolue assez sensiblement mais différemment selon les personnels.

Les fonctionnaires de catégorie A connaissent une progression de leur carrière beaucoup plus nette que ceux des autres catégories.

Toutefois, les cas-types confirment également tous que les carrières salariales relatives ne progressent pas en fin de carrière, s'aplatissant au mieux (cas -types 7 et 8) et allant même jusqu'à décliner pour les cas-types 5 et 6. Pour les cas-type 5 (B sédentaire) cette inflexion serait encore plus forte si les taux de prime suivaient les évolutions indiciaires.

Pour les professeurs, c'est, au contraire, la baisse du taux de prime après 45 ans (à partir d'un taux de prime déjà comparativement faible) qui induit une réduction du salaire relatif de fin de carrière.

À l'inverse, la forte élévation du taux de prime permet de consolider la progression du salaire relatif des personnels de catégorie A+, le salaire relatif des policiers suivant un profil plat assez précocement dans leur carrière, à l'image du profil de leur taux de prime, comparativement fort.

Les deux caractéristiques mises en évidence ci-dessus (part des primes et profil de versement des primes pendant la carrière) doivent être gardées à l'esprit à l'heure où la réforme des retraites en cours d'élaboration prévoit l'intégration des primes des fonctionnaires dans l'assiette des pensions.

Cette intégration produira des effets asymétriques dès lors que la réforme entend s'inscrire sous une contrainte budgétaire inchangée.

Pour ce qui est de la différenciation des taux de primes ses propriétés asymétriques sont évidentes.

Mais il faut également tenir compte de la séquence temporelle, et de la pente coïncidente, suivies par les primes dans la rémunération des agents. En effet, compte tenu de l'indexation des points, servant de base au futur système universel de retraites sur le salaire moyen par tête, le profil temporel des primes, variable selon les agents, conduira à différencier leur profil d'accumulation de droits.

Il serait souhaitable de disposer, comme sur de nombreuses autres dimensions de la réforme, d'éléments d'appréciation sur ce point.

c) L'exclusion des primes de la base liquidative des pensions modère le « sur rendement » associé aux carrières ascendantes et réduit le taux de remplacement offert par leurs régimes aux fonctionnaires par rapport aux salariés du secteur privé

Les évolutions contrastées exposées ci-dessus tendent à suggérer que dans de nombreux cas, c'est la progression des primes qui assure un certain dynamisme aux revenus de fin d'activité.

La non intégration des primes dans le traitement de liquidation conduit ainsi à réduire l'avantage tiré de la pente des carrières propre aux fonctionnaires des catégories supérieures.

De ce point de vue, la situation des enseignants pour lesquels la baisse de la part des primes, déjà faible, réduit les salaires relatifs en fin de carrière, apparaît atypique.

Cumulée avec un taux de primes moins élevé que dans le reste de la fonction publique (voir infra), cette caractéristique devrait tendre à réduire les pensions des personnels de l'éducation nationale.

C'est la raison pour laquelle, le Gouvernement a annoncé son intention de revaloriser les primes de ces personnels

Quoi qu'il en soit, en l'état, l'empreinte du régime de retraite est plus ou moins forte selon la structure des rémunérations.

Sur la période récente, la part des primes dans les rémunérations perçues par les fonctionnaires n'a cessé de s'alourdir. Elle a gagné 1,6 point depuis 2009, l'année 2016 marquant une pause du fait de la revalorisation du point d'indice intervenue au 1 er juillet de l'année.

La situation des fonctionnaires au regard de la structure de leurs rémunérations est très hétérogène en fonction de quelques critères discriminants.

La part des primes varie assez nettement selon le sexe . Les hommes employés dans la fonction publique d'État occupent des fonctions qui ouvrent à des primes proportionnellement plus élevées que les femmes. L'écart est très net puisqu'il atteint 5,5 points.

Un autre facteur discriminant très accusé réside dans l'appartenance catégorielle. Les catégories supérieures de la fonction publique d'État disposent d'un taux de prime plus fort que les autres et particulièrement élevé en général. Les fonctionnaires de catégorie A+ ont un taux de prime de 42,3 %, soit 22,3 points de plus que la moyenne.

Parmi les fonctionnaires des catégories supérieures, les enseignants représentent une exception. Leur taux de prime est plus faible que pour la moyenne de la fonction publique (de 7,4 points) .

Enfin, le tableau ci-dessous montre l'influence des fonctions opérationnelles.

Les catégories actives et superactives bénéficient généralement de plus de primes que les fonctionnaires sédentaires.

Part moyenne des primes dans la fonction publique de l'État de 2009 à 2016

Source : COR, rapport 2019

Ces différences jouent en soi sur les taux de remplacement des fonctionnaires, qui sont plus faibles que dans le privé et varient selon les fonctionnaires.

C. QUELQUES ÉLÉMENTS SUR LES ÉQUILIBRES FINANCIERS DANS UNE PERSPECTIVE D'INSTAURATION D'UN RÉGIME EN POINTS

Le rapport du HCRR et l'étude d'impact associée aux projets de loi instaurant un système universel de retraite ne proposent que des éléments de cadrage financier des préconisations qu'il formule.

Il s'agit ici de proposer des éléments prospectifs, principalement qualitatifs, permettant d'apprécier les arbitrages sur lesquels repose le système quant aux fonctionnaires plutôt que de proposer une stricte modélisation quantitative de la réforme, que la rapporteure spéciale appelle de ses voeux.

Les préconisations du rapport du HCRR relatives à l'architecture financière du régime universel de retraite, qui ont été reprises dans les projets de loi de réforme, reposent sur un taux de prélèvement de 28,12 % partagé entre les cotisations employeurs (60 %) et les cotisations salariés (40 %).

Une partie serait assise sur une assiette correspondant à 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, fraction à partir de laquelle seraient calculés les points acquis, une autre (2,81 %) serait assise sur des rémunérations déplafonnées.

Ce projet se distingue des fondements sur lesquels le financement des régimes est assuré.

Pour la partie des cotisations salariales, on en rappelle ci-dessous les termes.

Assiette et taux de cotisations salariales des affiliés aux régimes
de la fonction publique

Source : étude d'impact associée aux projets de loi de réforme des retraites

Pour la fonction publique, le dispositif implique un changement important avec l'intégration des primes dans l'assiette cotisée avec pour conséquence une intégration au mécanisme de détermination de la pension. Les cotisations sur les primes permettront d'acquérir des points et, après conversion, influeront sur le niveau des pensions.

Le barème proposé distingue une partie correspondant à un taux d'appel (28,12 %) des cotisations en excès (2,81 points) par rapport au taux de perception des cotisations appelées à déterminer les droits à retraite (25,31 %).

L'on comprend que, moyennant ces recettes, et compte tenu de la valeur des autres paramètres proposée par le rapport, une croissance de 1,3 % par an doit permettre, une fois les comportements de départ en retraite ajustés dans le sens d'un âge de retraite proche de l'âge-pivot (64 ans) d'assurer la soutenabilité du régime, c'est-à-dire sa capacité à extérioriser un équilibre permanent.

1. Les points acquis dans le système universel ouvriraient moins de droits aux fonctionnaires, l'exemple des pensions civiles de l'État

Il est particulièrement complexe de comparer les droits des assurés aux régimes des fonctionnaires tels qu'ils sont et ceux qui résulteraient de l'application du système de retraite universel envisagé.

Des simulations ont été réalisées sur un champ très large incluant les régimes de base (et donc sans discrimination des régimes de la fonction publique) qui montrent que certains assurés gagneraient au nouveau système (en général, les assurés du bas de l'échelle de la distribution des revenus d'activité) quand d'autres seraient perdants.

Impact du calcul du salaire de référence sur le montant annuel de la pension
par cas-type

Source : étude d'impact annexée aux projets de loi de réforme des retraites

Source : Institut des politiques publiques, 2019

Il est regrettable que ces simulations n'aient pas pris en compte de façon spécifique les fonctionnaires puisque ces derniers présentent des caractéristiques singulières susceptibles de les exposer de façon très particulière à la réforme projetée.

Quelques éléments (voir infra ) suggèrent une forte asymétrie des effets de la réforme selon la composition des rémunérations entre éléments indiciaires et indemnitaires, mais aussi selon la pente des rémunérations perçues au cours de la carrière du fait des règles particulières de liquidation (les six derniers mois de traitement indiciaire pouvant exercer un effet de levier plus ou moins fort).

La question ici envisagée est plus globale. C'est celle de la capacité des fonctionnaires de l'Etat à se constituer des droits dans le système universel envisagé et de leur niveau.

L'étude d'impact associée aux projets de loi de réforme du système des retraites contient des simulations peu détaillées sur ce point. Cependant, pour ce qui concerne les seuls fonctionnaires civils le graphique ci-dessous suggère des impacts très asymétriques et, globalement, plutôt négatifs.

Pensions moyennes par génération dans la fonction publique civile d'État
avant et après la réforme

Source : étude d'impact annexée aux projets de loi de réforme des retraites

La perte de pensions des personnels enseignants compte tenu de leur proportion dans les pensionnés de la fonction publique laisse envisager une réduction des droits unitaires et des dépenses globales de pension des fonctionnaires civils.

Encore faut-il observer que les hypothèses posées - qui ne sont qu'incomplètement exposées - notamment en matière d'indexation du point d'indice sont nettement plus favorables que la pratique suivie. En contrepartie, la simulation n'inclut pas de revalorisation particulière accordée aux enseignants (ces derniers n'étant pas les seuls à perdre des droits avec le futur système).

Il faut donc suggérer au Gouvernement d'expliciter mieux les hypothèses de ses simulations. En l'état, il conviendrait de réaliser une simulation moyenne avec des variantes qui pourraient exposer l'ensemble des points cruciaux pour la détermination des droits à pension dans le futur système, que ces droits soient contributifs ou non.

Par exemple, pour la détermination de la dynamique des dépenses du compte d'affectation spéciale liées aux droits contributifs il faudrait calculer le nombre de points accessibles sur la base des carrières anticipées en tenant compte des paramètres du futur système tels qu'ils sont envisagés et en dégageant les effets sur le niveau instantané de la pension mais aussi sur les cumuls de pensions sur le cycle de vie des nouveaux paramètres.

2. Les recettes instantanées découvrent un déficit de financement

L'étude d'impact associée aux projets de loi de réforme du système des retraites contient des informations peu utilisables sur les effets de la réforme sur les recettes du CAS.

En effet, le tableau ci-dessous en témoigne, les produits des cotisations sociales sont présentés en sommant la partie correspondant aux différentes contributions d'équilibre versées aux différents volants de la fonction publique.

Impact de la réforme des retraites sur les recettes des régimes
de la fonction publique

Source : étude d'impact associée aux projets de loi de réforme des retraites

En ce qui concerne les cotisations salariales, cette agrégation ne pose pas de problème et l'on constate que le système proposé se traduira par une forte hausse des prélèvements obligatoires correspondant aux retenues sur traitement sur les salaires des fonctionnaires.

Pour la fonction publique d'État, les cotisations salariales se situeraient à 9,8 milliards d'euros, soit une surcharge de 22,5 % par rapport à une situation sans réforme.

C'est le résultat de l'élargissement de l'assiette de cotisations aux primes dans la limite d'une assiette globale de 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) et d'une élévation du taux de cotisations sociales, qui passerait à 11,25 % contre 11,1 % (+1,3 %). L'effet d'intégration des primes est ainsi compté pour plus de 960 % de l'augmentation des cotisations salariales, soit environ 1,7 milliard d'euros.

L'analyse est plus complexe pour la partie des recettes correspondant à la contribution employeur à l'équilibre des régimes couverts par le CAS en raison de la méthode suivie.

L'an dernier, avant la présentation de l'étude d'impact, la rapporteure spéciale avait proposé une estimation des effets de la réforme, à l'issue de laquelle elle avait mis en relief les conclusions suivantes :

« Quant au produit des cotisations, (24,4 milliards d'euros, soit 80 milliards multipliés par le taux de la cotisation appelé de 28,31 %) affectées au financement du régime dans le futur système universel, il extériorise un déficit de financement de 27,4 milliards d'euros par rapport à la situation observée en 2020, malgré un léger relèvement du taux de cotisations salariales et une extension de l'assiette de cotisations aux primes.

Ce déficit révèle la nature mixte de la contribution employeur qui finance le régime des pensions civiles des fonctionnaires, à la fois cotisation employeur et contribution d'équilibre ».

Elle avait indiqué qu'alors, la question posée était d'identifier les déséquilibres et leur contrepartie financière ainsi financées.

Au total, la surcotisation employeur s'élève à 56,2 point de taux par rapport à la cotisation évoquée par le rapport du HCRR et par les projets de loi instaurant un système universel de retraite. L'intégration des primes permet d'alléger le taux apparent de cotisation de 20 % de sorte que l'écart est réduit de 14,9 points. Il passe à 41,3 points de taux.

Soit un impact du déséquilibre démographique de 15 points de taux, l'écart n'est plus que de 26,3 points de taux de contribution, soit environ 16 milliards d'euros .

Cette estimation peut être mise en regard des avantages non contributifs du régime des fonctionnaires civils qu'on peut estimer, à partir des dernières publications de la DREES autour de 22 % des dépenses de pension, soit de l'ordre de 9,6 milliards d'euros (hors réversion) et 14,3 milliards d'euros (y compris les réversions).

Le taux envisagé permettrait ainsi, du moins instantanément, de financer la plus grande partie du coeur contributif du système en supposant tous les avantages non contributifs pris en charge par la solidarité nationale.

Mais, outre qu'il faudrait tout de même combler un déficit de recettes de l'ordre de 1,7 milliard d'euros, il conviendra de trouver les financements pour compenser la situation démographique des régimes de fonctionnaires et, dans l'hypothèse où certains avantages non contributifs seraient maintenus, les montants de pension correspondants.

3. L'impact de l'intégration des primes des fonctionnaires

Moyennant les contraintes financières envisagées ci-dessus, l'intégration des primes dans les assiettes de liquidation des pensions est l'une des contreparties d'un changement de système d'unités de compte qui se traduirait en théorie (sans gel indiciaire) par un avantage accordé au régime des fonctionnaires.

Cependant, l'intégration des primes conduirait également à atténuer la redistributivité du nouveau système, qui serait marqué par moins d'avantages pour les fonctionnaires à carrières ascendantes.

En effet, ces fonctionnaires ont généralement des taux de primes supérieurs et devraient avec l'intégration des primes obtenir un soutien au rendement de leurs contributions.

Néanmoins, la masse indemnitaire dans la fonction publique est très inégalement partagée.

Quelques éléments sur la composition
des rémunérations des fonctionnaires

Dans son édition 2019, le rapport annuel sur l'état de la fonction publique réalisé par la DGAFP dresse une analyse de la rémunération des agents de la fonction publique en 2017.

En 2017, la part moyenne des primes dans la rémunération des fonctionnaires civils de l'État s'élève à 21,7% en 2017, en comptant l'indemnité de résidence (IR) et le supplément familial de traitement (SFT) dans le salaire brut.

L'importance de la rémunération indemnitaire est très variable d'un corps ou emploi à l'autre. Ainsi, la part des primes pour les agents de catégorie A s'élève à 18,9%, contre 30,1% et 26,2% respectivement pour les agents de catégorie B et ceux de catégorie C.

De même, les primes hors IR et SFT représentent en moyenne 11,9% de la rémunération d'un enseignant contre 43,2% pour un cadre de catégorie A+ et 33,7% pour un attaché de catégorie A.

Dans une moindre ampleur, une répartition hétérogène s'observe également au sein de la catégorie B : part de primes équivalente à 20,3% pour un greffier et 33,4% pour un gardien de la paix.

En parallèle, l'Observatoire économique de la défense évalue à 38,0% la part moyenne des primes dans la solde brute des militaires en 2016.

L'impact de l'intégration des primes sera donc concentré sur certaines catégories de fonctionnaires, dont sont exclus les effectifs de l'enseignement.

C'est ce que montre, à sa manière, la proximité du taux de contribution théorique et du taux de contribution effectif des enseignants, qui contraste avec d'autres situations

De fait, les contributions des employeurs et les retenues sur salaires sont relativement hétérogènes ainsi que le montre le tableau ci-dessous.

Estimations, pour l'année 2016, des cotisations et contributions versées au CAS « Pensions » rapportées à la rémunération brute totale, par ministère

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La structure des rémunérations très disparates en fonction du ministère d'exercice de l'activité et du revenu perçu par les agents se prolonge dans une forte dispersion des taux de contribution considérés sous ces deux angles.

Pour un taux moyen de cotisations salariales rapportées à l'ensemble des rémunérations de 7,3 %, on relève que ce taux atteint 9,1 % pour les agents du ministère de l'intérieur et 8,73 % pour ceux évoluant dans l'éducation mais seulement 6,3 % au ministère des affaires étrangères ou encore 5,57 % dans les services ministériels de l'outre-mer. Cette hiérarchie se vérifie également pour les cotisations employeurs. La moyenne de la contribution implicite s'élève à 56,7 % (à comparer avec un taux de contribution patronale de 74,8 %) mais elle dépasse largement ce niveau dans le champ couvert par le ministère de l'éducation (65,2 %) et, hors budget annexe contrôle et exploitation aérien (BACEA) qui bénéficie des dispositions propres aux catégories actives, atteint un point bas dans les services de l'outre-mer, des affaires étrangères et du Premier ministre.

Ces données reflètent un certain nombre d'avantages statutaires et catégoriels mais aussi le partage très variable entre rémunérations indiciaires et primes des rémunérations versées par les différents ministères.

Les taux implicites de cotisation sur la totalité des rémunérations versées par les ministères sont largement différenciés. Dans leur dispersion, ils reflètent des structures de rémunération marquées par d'importants particularismes qui justifient les tentatives d'harmonisation. Dans le passé, elles se sont heurtées à des contraintes financières et ont été limitées par l'invocation de principes de gestion des rémunérations inspirés par la performance.

Or, le tableau ci-après illustre la part prépondérante des personnels de l'enseignement dans le nombre des pensionnés.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans ces conditions, ces personnels supporteront le poids du financement des droits supérieurs ouverts aux titulaires de taux de primes élevés.

Ils partageront cette situation avec les fonctionnaires les moins rémunérés.

Le taux moyen des contributions au régime de pensions décroît à mesure que le revenu d'activité augmente.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Pour un taux moyen de 8,5 % pour les cotisations salariales, on relève que les sept déciles de rémunération les plus bas cotisent au-delà, le taux maximum (8,8 %) étant appliqué jusqu'au cinquième décile de la distribution des rémunérations. Pour le décile supérieur, le taux décroche nettement et se situe près de 2 points plus bas que la moyenne. Des remarques analogues s'appliquent pour les cotisations des employeurs.

Plus la rémunération est élevée, moins elle est « cotisée ». Cette situation est largement liée à la composition des rémunérations. Plus on monte dans l'échelle des rémunérations, plus les indemnités, auxquelles les cotisations ne sont pas appliquées, prennent de place dans le total des rémunérations.

La réforme crée donc un risque financier si le critère d'équité affiché (unifier les rendements contributifs) devait être appliqué.

La solution consistant à abaisser les taux de cotisation sur les revenus indiciaires et à élever ceux perçus sur les primes afin de neutraliser les effets de péréquation associés au changement de système pourrait restituer une forme d'équité mais moyennant certaines difficultés.

D. UN SOLDE CUMULÉ RECORD DE 9,9 MILLIARDS D'EUROS FIN 2021

Lors de sa création par la loi de finances initiale pour 2006, le CAS « Pensions » a été doté d'un fonds de roulement de 1 milliard d'euros.

À la fin de l'exercice 2020, il atteindrait 9,1 milliards d'euros, ce qui suppose, rappelons-le, un excédent des opérations réalisées en 2020 de 1,2 milliard d'euros (contre 1,4 milliard d'euros initialement envisagé).

Ces dernières années, le solde constamment positif du compte a abouti à la constitution d'un « fonds de réserve » en expansion.

Solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

Source : projet annuel de performances pour 2021

Depuis 2014, de fait, le solde cumulé du compte ne cesse de croître, passant de 1,6 milliard d'euros alors à 9,9 milliards d'euros, en prévision pour 2021.

Cette dernière prévision inclut la révision de la prévision réalisée l'an dernier pour 2020 corrigée à la baisse, du fait, en particulier de recettes moins favorables qu'envisagé initialement (voir supra ).

Une amélioration du solde du CAS ne contribue pas nécessairement
à améliorer le solde budgétaire

L'existence d'un excédent du CAS « Pensions » n'est pas équivalente à une amélioration du solde budgétaire.

Le financement du CAS est assuré par un système mixte combinant des prélèvements sur les salaires des fonctionnaires et des transferts entre administrations publiques (notamment dans le cadre des relations entre l'État et la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales CNRACL) et entre le budget général et le compte. Afin de neutraliser des doubles comptes, seules les dépenses de pensions du CAS sont prises en compte pour apprécier les charges de pensions de l'État, application d'un principe élémentaire de consolidation comptable. Dans l'hypothèse où la variation positive de ces charges est inférieure à celle des cotisations salariales, le CAS participe à une amélioration du solde public quelle que soit l'évolution des transferts entre administrations publiques et entre le budget général et le CAS.

Au total, entre 2014 et 2021, les recettes du CAS auront été supérieures à ses charges, améliorant le solde du compte de 8,3 milliards d'euros.

Au cours de cette période, pour le programme 741, l'augmentation du produit de la contribution employeur (2,9 milliards d'euros) a ainsi été employée à augmenter le « fonds de roulement » du CAS et non à financer des dépenses supplémentaires, que la progression des cotisations salariales a suffi à couvrir.

Le supplément de charges résultant pour le budget général de l'alourdissement des contributions au CAS « Pensions » ne s'est pas traduit par une hausse des dépenses nettes de l'État, non plus que par une dégradation du solde public.

Le relèvement des prélèvements obligatoires perçus auprès des actifs de la fonction publique a excédé les besoins de financement si bien que les opérations du CAS sur la période ont contribué à améliorer le solde public.

En toute hypothèse, le solde cumulé du compte ressort comme de plus en plus éloigné des préconisations de la Cour des comptes qui, déjà, le jugeait trop élevé quand il atteignait 1,6 milliard d'euros.

En raison des aléas de dépenses et de recettes (évolution des comportements de départ à la retraite, variation de l'inflation, évolution des assiettes des contributions et cotisations), le compte a besoin d'une trésorerie suffisante pour couvrir les éventuels écarts par rapport à la programmation initiale, en plus de la réserve minimale pour faire face au décalage temporel entre les décaissements et les encaissements. Il est évident que cette préoccupation qui est largement satisfaite - la Cour des comptes avait pu juger qu'avec 1,6 milliard d'euros d'excédent, le solde du compte dépassait le niveau prudentiel requis - et que la politique de solde conduite par les Gouvernement répond à d'autres préoccupations que celles fondées sur de simples impératifs de trésorerie.

La justification du solde du compte a d'ailleurs beaucoup évolué au fil des années.

Le projet annuel de performances pour 2016 indiquait encore « il n'apparaît pas souhaitable de modifier, par à-coups, le niveau des taux de contribution au CAS « Pensions » en budgétisation ou en cours d'année , dans la mesure où la dynamique spontanée des dépenses de pension ramènera mécaniquement le niveau du solde cumulé du CAS « Pensions » autour de 1 milliard d'euros . Une stabilisation des taux est donc privilégiée, de manière à atteindre ce niveau à moyen terme sachant que le solde d'exercice du CAS « Pensions » repassera en négatif à compter de 2020, en l'état actuel des dernières prévisions, sous l'effet de la croissance tendancielle de la dépense de pensions ».

En principe, au regard de la forte augmentation du solde cumulé, les taux des contributions pourraient être abaissés.

Une telle opération, appliquée aux contributions employeurs, permettrait au Gouvernement d'alléger temporairement les dépenses de personnel des ministères et des opérateurs.

Elle présenterait certains inconvénients compte tenu de l'augmentation des prélèvements directement supportés par les fonctionnaires.

En outre, la constitution de réserves n'est pas nécessairement illogique dans une perspective de long terme même si ces dernières extériorisent globalement une situation d'équilibre.

Enfin, force est de reconnaître que le solde positif du CAS a pour effet d'améliorer le compte consolidé de la branche vieillesse.

III. DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE MOYEN ET LONG TERME PLUTÔT RASSURANTES MAIS QUI REPOSENT SUR DES HYPOTHÈSES DONT LA SOUTENABILITÉ EST DISCUTABLE

A. LE RÉGIME DE LA FONCTION PUBLIQUE D'ÉTAT : UNE CONTRIBUTION POSITIVE À L'ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE VIEILLESSE

À long terme, les dépenses publiques de retraites sont inscrites sur une trajectoire de réduction des prélèvements opérés par les retraites sur le produit intérieur brut, inscription à laquelle les dépenses de retraite des fonctionnaires contribueraient fortement.

Les projections réalisées sur ce point par le COR dans son premier rapport de 2019 faisaient apparaître, dans tous les scénarios macroéconomiques, une réduction plus ou moins forte du poids des dépenses publiques de retraite dans le PIB.

Projections des dépenses de retraites à l'horizon 2070
selon diverses hypothèses de croissance économique

Source : COR, rapport 2019

Sur ce point, les projections du COR publiées en novembre 2019 à la demande du Premier Ministre , qui se caractérisaient à court terme par une dynamique des dépenses de retraite un peu plus rapide que dans les projections antérieures, décrivaient à l'inverse, une situation plus favorable à long terme puisque, même dans l'hypothèse la plus atone de croissance économique (+ 1 %), le poids des dépenses de retraite dans le PIB se réduirait.

Néanmoins, d'un niveau de 13,8 % du PIB en 2022, les dépenses de retraite pourraient s'accroître légèrement jusqu'en 2040 (14,1 %), mais dans le seul scénario de croissance basse, tandis qu'elles atteindraient entre 11,8 % du PIB dans l'hypothèse de croissance la plus forte (une croissance de 1,8 % l'an), soit une réduction de 2 points de PIB, (de l'ordre de la progression enregistrée entre 2002 et 2017) et 13,8 % du PIB dans le scenario de croissance le moins dynamique (une croissance annuelle de 1 %).

Dans les scénarios intermédiaires (1,3 % et 1,5 % de croissance) les dépenses publiques de retraite dans le PIB passeraient respectivement à 13 % du PIB et 12,5 % du PIB (soit un recul de 0,8 point de PIB et de 1,3 point de PIB).

La situation sanitaire et économique actuelle ne changerait guère les choses en ce qui concerne le niveau des dépenses de retraite, la surmortalité conduisant cependant à une baisse des effectifs de retraités de 0,15 %, soit 22 500 retraités de moins que prévu en 2020.

Cependant, elle aurait des effets importants certains à court terme et d'autres à plus long terme. Pour les premiers, la chute de l'activité économique entraînerait une hausse prononcée du poids des dépenses de retraite dans le PIB (qui traduit une inertie des dépenses de retraite dans un contexte très troublé et peut être vu comme une forme de stabilisateur automatique en supposant une demande des retraités peu flexibilisée).

Comparaison des perspectives d'évolution des dépenses de retraite
avant et après les événements sanitaires et économiques

(milliards d'euros et points de PIB)

Source : COR, octobre 2020

Le poids des dépenses de retraite dans le PIB prévu à un peu moins de 14 % atteindrait 15,2 % en 2020. Au-delà, sous l'effet d'une moindre progression des dépenses nominales et d'une reprise économique qui, sans effacer l'écart de production, le résorberait largement, le poids des dépenses de retraite dans le PIB rejoindrait progressivement son niveau escompté avant les événements en 2024 (avec toutefois un niveau supérieur de 0,2 point de PIB).

À plus long terme, les effets défavorables de la chute de l'activité économique, qui se traduisent instantanément par davantage de chômage et moins de salaires mais aussi sans doute par des dynamiques salariales durablement plus modérées, pèseraient sur les droits à retraite constitués par les assurés. Le COR en déduit que la part des dépenses de retraite dans le PIB serait à terme inférieure de l'ordre de 0,1 point ((13,9 % contre 13,8 % en 2030 et 12,6 % contre 12,7 % en 2070).

Une comparaison des impacts de la situation actuelle sur les droits des assurés entre le système en vigueur et l'éventuel système universel de retraite a pu être mise sur la table, le nouveau système protégeant mieux les assurés, en particulier, ceux qui ont continué à travailler pendant la période.

Une telle comparaison semble assez incertaine. En premier lieu, la plupart des salariés ont continué à travailler, même s'il faut déplorer un nombre considérable de suppression d'emplois. En second lieu, pour les salariés ayant été maintenu en emploi du fait des dispositifs mis en oeuvre, notamment le chômage partiel, il est très difficile d'établir des comparaisons. Un constat se détache toutefois. Dans la mesure où le système universel de retraite resserre les liens entre les cotisations vieillesse et les droits acquis par les assurés, les reports et allègements de cotisations auraient pu accentuer les effets négatifs de la crise économique, que la considération d'une assiette de liquidation sur une fraction de la carrière (qu'on peut supposer moins impactée par les événements en cours) permet de minimiser. Enfin, si l'on peut attendre de la réforme du système des retraites une amélioration de la situation de retraite de fonctionnaires hospitaliers aujourd'hui relativement défavorisés par les mécanismes en vigueur, c'est plus généralement, dans tous les systèmes de retraite, que les fonctionnaires sont moins affectés par des chocs économiques, cet « effet d'assurance » étant « payé » par une dynamique de leurs droits à pension devenue particulièrement peu favorable du fait de règles de durée de service qui touchent plus particulièrement les personnels dont s'agit et que la réforme envisagée ne devrait pas assouplir pour eux.

Les perspectives usuelles explorées par le COR ne sont pas suivies dans tous les scenarios par une amélioration des soldes financiers telle que le système de retraite atteindrait l'équilibre, même à long terme.

Après des perspectives de très court terme prévoyant une détérioration du solde, au-delà des premières années de la décennie 2020, dans les deux scenarios de croissance relativement forte, le solde s'améliore. Néanmoins, dans les deux scenarios de croissance économique plus modérée, le système demeure en déficit et il ne retrouve l'excédent dans l'hypothèse d'une croissance économique de 1,5 % l'an que beaucoup plus tardivement que si la croissance économique se situe à 1,8 %. Dans les deux plus mauvais scenarios économiques, le déficit, pour être continu, se réduit cependant dans le scenario d'une croissance à 1,3 %.

Soldes financiers projetés du système de retraite
(2000-2070)

Source : rapport du COR Juin 2019

Les perspectives financières des régimes sont affectées, à législation constante, par le vieillissement de la population.

Le rapport démographique en ressort dégradé.

Rapport du nombre des cotisants au nombre des pensionnés

Source : rapport du COR Juin 2019

Le rapport du nombre de cotisants au nombre des retraités passe de 1,7 à 1,3 entre 2020 et 2070.

Dans deux scenarios correspondant aux taux de croissance économique les plus élevés, les besoins de financement supplémentaires seraient « financés », à législation constante, mais selon des modalités différentes.

Dans le scenario à 1,8 % de croissance, la couverture est réalisée à plus des deux tiers par la diminution de la pension moyenne relative due au différentiel entre des revenus d'activité, base des contributions aux régimes, qui augmentent parallèlement au revenu national, et l'augmentation de la valeur moyenne des pensions affectée par un double décrochage (celui de l'assiette de liquidation limitée par les règles de calcul d'une assiette revalorisées en fonction de l'inflation et freinée par une référence historique non actualisée, celui de la revalorisation des pensions limitée à l'inflation). Le reste de l'équilibrage est attribuable pour 31 % à la hausse de l'âge de départ à la retraite et pour 12 % à la hausse du taux de prélèvement global.

Ces deux derniers facteurs de rééquilibrage jouent à peu près de la même manière dans les trois autres scenarios.

En revanche, le décrochage de la pension en valeur moyenne même s'il survient dans tous les cas est plus faible et implique une moindre limitation des dépenses de pensions, dont les poids dans le PIB sont alors plus importants (voir supra ).

Le différentiel d'évolution des charges de pensions avec les recettes du système n'est plus suffisant pour en assurer l'équilibre dans deux scenarios sur quatre.

Contributions des trois leviers à la couverture des besoins de financement
liés au vieillissement (cumul 2003-2070)

Source : rapport du COR Juin 2019

Les événements en cours conduisent à modifier les perspectives de solde financier du système de retraite.

Les ressources du système de retraite qui avaient atteint 328,7 milliards d'euros en 2019 (13,6 % du PIB) baisseraient en 2020 de 5,4 % en termes réels pour se situer près de 310 milliards d'euros, sous l'effet d'une réduction de la masse salariale du secteur privé de 8,4 %. Néanmoins du fait d'une hausse de la part des revenus d'activité dans le PIB (de 44,2 % à 46 %) avec, en particulier, une augmentation de la part des traitements indiciaires de la fonction publique dans le PIB (de 10,6 % à 11,2 %), la masse salariale cotisable exprimée en proportion du PIB augmenterait de sorte que le poids des recettes des régimes de vieillesse dans le PIB s'accroîtrait de 0,5 points de PIB (à 14,1 % du PIB).

Comparaison des perspectives d'évolution des recettes de retraite
avant et après les événements sanitaires et économiques

(milliards d'euros et points de PIB)

Source : COR, octobre 2020

Par la suite, les ressources du système de retraite progresseraient nettement mais moins que l'activité de sorte qu'elles retrouveraient un niveau anticipé de 13,4 % du PIB en 2024.

Au total, le solde du système de retraite après la très forte dégradation de 2020 se rétablirait mais partiellement.

Dépenses, recettes et soldes du système de retraite entre 2019 et 2024

Source : COR, octobre 2020

Ces estimations correspondent à une révision des perspectives financières, du fait de la situation qui prévaut, d'ampleur à terme assez modeste.

Écarts entre les soldes du système de retraite projetés avant
et après les événements en cours

Source : COR, octobre 2020

Dans les éléments de cadrage usuels, le régime de la fonction publique d'État contribue à l'allègement du poids des pensions dans le PIB et connaît un solde positif dans tous les cas.

Ce solde contribue à réduire le besoin de financement du système de retraite dans son ensemble. Il correspond à un raisonnement à législation inchangé mais également à des conventions parmi lesquelles figure la convention dite « EPR » pour « équilibre permanent des régimes », qui suppose que le régime de la fonction publique d'État est systématiquement équilibré par une contribution de l'État.

Entre un scenario de croissance à 1 % et un scenario de croissance à 1,8 %, l'écart spontané de recettes atteint environ 35 milliards d'euros en 2050.

Pour les pensions directes, le recul atteindrait 1 point de PIB en 2070, pour les pensions de droit dérivé, de 0,6 point de PIB.

Au total, les pensions de l'État baisseraient de 1,6 point de PIB, contribuant pour près des trois quarts à la baisse du niveau relatif des pensions totales dans le PIB.

Ce dernier résultat est sensible à l'évolution de la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires.

Les projections du COR étaient assises sur une hypothèse de stabilité confrontée au constat d'une élévation tendancielle de la part des primes dans la masse salariale de la fonction publique.

Évolution de la part des primes dans les rémunérations de la fonction publique

Source : rapport du COR, 2019

Une prolongation de la déformation des salaires correspondante se traduirait en un premier temps par de moindres recettes, puis, à terme par de moindres dépenses que celles envisagées dans les projections à long terme du COR.

Le taux de remplacement obtenu par les fonctionnaires se réduirait.

Évolution du poids des pensions de droit direct du régime
de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

Évolution du poids des pensions de droit dérivé du régime
de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

Les événements en cours ne conduisent pas à bouleverser ces perspectives ni à court terme, ni à long terme.

Si le poids des dépenses de retraite de la fonction publique dans le PIB est en hausse à court terme (voir supra), il en va de même pour le poids des recettes des régimes dans le PIB. Le solde du CAS « Pensions » est certes moins positif, mais cela n'est pas dû aux événements en cours.

À plus long terme, les équilibres sont également peu modifiés par la situation actuelle, seule la perspective d'une moindre réduction du nombre de fonctionnaires, qui reste à confirmer, pouvant exercer un certain impact, avec une masse de recettes un peu supérieure et ainsi un solde plus favorablement orienté.

Ces constats illustrent l'inertie des régimes de la fonction publique couverts par le CAS « Pensions » par rapport à une situation de volatilité forte des autres régimes de retraite (à la baisse comme à la hausse) du fait de la volatilité de leurs sous-jacents, particulièrement du fait de la masse salariale, dans des situations aussi exceptionnelles que la situation actuelle (voir le tableau ci-dessous).

Croissance réelle des rémunérations en France selon les secteurs
et les volets de la fonction publique

Source : COR, octobre 2020

B. DES ENGAGEMENTS DE RETRAITE DE L'ÉTAT ESTIMÉS DANS UNE FOURCHETTE LARGE COMPRISE ENTRE 1 410 MILLIARDS D'EUROS ET 2 212 MILLIARDS D'EUROS

L'article 54 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 précise que « le compte général de l'État (...) comprend (...) une évaluation des engagements hors bilan de l'État » dans son annexe. Au-delà de l'appréciation de la charge annuelle que représentent des pensions civiles et militaires de retraite dans le budget général, l'évaluation des engagements en matière de retraite permet de se représenter l'effort financier 39 ( * ) associé aux droits à retraite déjà constitués (au titre des pensionnés mais aussi au titre des actifs affiliés au régime dans les conditions de droits qu'ils ont d'ores et déjà acquis).

1. Une évaluation des engagements correspondant aux droits acquis des assurés réalisée sur la base d'une valorisation complète des droits que les préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites conduiraient à réduire indûment
a) Une évaluation au prorata de droits acquis pleinement valorisés remise en cause par les préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites

Les conditions selon lesquelles les engagements de l'État sont évalués appellent une attention particulière dans le contexte actuel de réforme des régimes de retraite.

Dans l'hypothèse d'un basculement des fonctionnaires en activité 40 ( * ) vers le nouveau régime, il conviendra, en effet, si l'on veut convertir les droits acquis dans les points appelés à cristalliser les droits de retraite des assurés, d'estimer la valeur de ces droits.

Le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites avait indiqué que les droits constitués au titre de la carrière professionnelle effectuée avant le 1 er janvier 2025 « seraient garantis à 100 %, sur la base d'une photographie de ces droits réalisée au 31 décembre 2024 » .

Mais, il faut avoir à l'esprit que cette photographie est susceptible d'être prise selon différents angles plus ou moins ouverts, plusieurs méthodes étant envisageables pour valoriser les droits acquis .

Or, la méthode préconisée par le rapport précité diffère du tout au tout de la méthode suivie pour estimer les engagements de l'État au titre des retraites des fonctionnaires dans le cadre de la comptabilité patrimoniale de l'État , qui n'étant que l'inverse des droits patrimoniaux des assurés, reflètent les droits acquis par ces derniers au moment où l'évaluation intervient.

Le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites annonce que « pour les régimes de retraite calculés en annuités et dépendant de la détermination d'un salaire de référence et d'une durée d'assurance requise, la photographie des droits constitués au 31 décembre 2024 conduira à faire comme si les assurés liquidaient leur retraite à cette date » .

Les régimes de fonctionnaires, comme le régime de base des salariés, entrent dans le champ des régimes pour lesquels serait mise en oeuvre la méthode d'évaluation préconisée.

Cette dernière suppose donc de s'écarter des conditions de l'estimation des droits à retraite par les comptables nationaux.

Dans le compte général de l'État, les engagements de retraite de l'État sont évalués à ce titre sur la base d'une méthode dite des « unités de crédits projetées », cette méthode étant conforme à la norme comptable internationale IAS 19.

Une « réflexion en cours » sur les méthodes d'estimation des engagements de l'État

Le compte général de l'État pour 2018 inclut une observation qu'il convient de relever au vu du contexte de réforme des retraites.

Il y est en effet indiqué que « la question de la comptabilisation des engagements de l'État au titre des retraites des fonctionnaires de l'État et des militaires continue à faire l'objet de réflexions » .

Ces dernières sont présentées comme étant motivées par l'inadéquation de la norme IAS 39 à la situation des régimes de retraite de l'État qui fonctionnent en répartition, la norme IAS étant jugée alors moins adaptée que pour des régimes supplémentaires d'entreprises ne supportant pas la charge intégrale des retraites des agents et disposant d'actifs inscrits au bilan.

Le sens de cette observation mériterait une certaine clarification.

À ce stade, elle semble correspondre à la préoccupation de restituer les engagements financiers de l'État au titre des retraites sur des bases plus à même d'en indiquer la soutenabilité. Il pourrait, en effet, paraître utile d'intégrer au calcul les créances des régimes sur les actifs, c'est-à-dire les gains futurs correspondant à leurs contributions, qui sont une sorte d'équivalent aux produits des actifs des régimes en capitalisation.

C'est le sens des démarches qui visent à identifier des écarts de financement plutôt que des engagements bruts à la signification relative dans des régimes par répartition.

Ainsi, en soi, les réflexions en cours ne semblent pas impliquer de modifications de la méthode d'estimation des droits acquis, c'est-à-dire de leur valorisation sur une base actualisée fondée sur les règles en vigueur des régimes.

La méthode des « unités de crédits projetés » conduit à raisonner en groupe fermé 41 ( * ) , comme si les régimes étaient clos, situation analogue à celle offerte en perspective par la réforme.

Les droits acquis au moment de l'évaluation sont seuls estimés, comme ce devrait être le cas lors du basculement vers le nouveau régime universel des retraites.

L'évaluation des droits conduit à estimer les droits acquis à partir de la valeur actualisée des pensions qui seront versées aux retraités et aux actifs présents à la date d'évaluation, l'actualisation étant réalisée à législation constante.

Si les pensions futures des actifs sont prises en compte au prorata des années de service effectuées à la date de l'évaluation, la valeur des pensions n'est pas calculée à partir d'une liquidation des droits sur la base des paramètres liquidatifs constatés lors de la fermeture du régime , mais sur la base d'assiettes projetées , qui prennent en compte les déroulements de carrière jusqu'au terme de celle-ci.

On conçoit que l'écart entre la comptabilisation des droits de retraite destinée à en apprécier les valeurs patrimoniales pour les assurés (leurs créances) et pour les régimes (leurs engagements) telle qu'elle est effectuée par les comptables nationaux et la méthode préconisée par le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites est considérable .

Dans le premier cas, l'évaluation intègre une valorisation complète des droits dans les termes du régime appelé à être fermé.

Dans le second cas, cette valorisation est réduite de la plage des rendements futurs des cotisations acquittées au moment de la bascule dans le régime universel découlant des projections des carrières complètes des affiliés.

b) Une question majeure d'équité

La rapporteure spéciale avait l'an dernier estimé que la préconisation du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites soulèvait des problèmes juridiques et d'équité majeurs dans des termes rappelés ci-après :

« La logique d'un régime en répartition veut que les espérances de retours des cotisants soient déterminables dans les termes des pensions au financement desquelles ils contribuent par leurs cotisations.

Cette exigence d'équité s'impose à la composante juridique des droits. Elle ne peut aller au-delà et immuniser les cotisants contre les évolutions non juridiques relevant de la valeur économique des paramètres d'équilibre du régime. Mais, pour ce qui concerne les propriétés juridiques du système, elles ne sauraient être transgressées sans que ne se pose des problèmes juridiques majeurs.

Cette limite n'empêche en rien la modification des règles juridiques du régime pour l'avenir mais elle impose que, pour les contributions passées, les règles appliquées soient celles gouvernant le régime jusqu'à sa réforme, sauf à ce que les règles nouvelles soient plus avantageuses.

Par ailleurs, les impacts de la conversion des droits acquis préconisée dans le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites suscitent de sérieuses réserves quant à d'autres dimensions de l'équité.

La situation qu'elle réserve aux droits constitués dans les régimes actuels revient à les décapitaliser de toute l'espérance de rendement associée à des carrières complètes avec des effets très asymétriques entre les assurés en fonction du moment de la carrière des individus où la conversion intervient.

En outre, un problème d'articulation avec les règles du régime universel envisagé se pose. Le passage des régimes actuels au régime universel suppose une modification des modes de valorisation des contributions des affiliés, les valeurs des paramètres du nouveau régime et les dynamiques qu'elles induisent sur la constitution des droits à retraite devant se substituer aux conditions actuelles de valorisation. Cette substitution s'accompagnera d'une modification de la distribution des droits entre les affiliés, mais une compensation intervient, la réduction de l'impact favorable des règles actuelles, qui réside essentiellement dans la progression de la valeur de l'assiette liquidative des pensions, étant équilibrée, partiellement pour certains assurés, par les gains associés au nouveau système. Ces derniers proviennent notamment d'une indexation continue des points en fonction de la croissance du salaire moyen par tête.

Pour les cotisations converties en points sur la base des préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites, elles ne bénéficieraient pas de l'accélérateur de rendement intégré aux paramètres actuels des régimes et se trouveraient, en outre, exclues du bénéfice de l'actualisation des points en fonction de l'évolution du salaire moyen pour toute la période antérieure à la conversion.

En fonction du moment de la carrière professionnelle des assurés, cette atteinte à l'équité serait plus ou moins forte ».

La rapporteure spéciale trouve dans les avis du Conseil d'État sur les projets de loi destinés à instituer un système universel de retraite une consécration de sa position.

Le Conseil d'État a, en effet, été conduit à rappeler que le législateur ne saurait sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent être légitimement attendus de telles situations, ce qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

2. Une réduction des engagements de l'État au titre des retraites des fonctionnaires

Le régime de retraite de la fonction publique de l'État (civile et militaire), qui représente l'essentiel des engagements du compte d'affectation spéciale, doté d'un excès de financement en 2019 semble également doté, du moins aux conditions actuelles de financement, d'un excédent structurel à moyen et, surtout, à long terme.

Ce résultat permet (aux réserves près développées dans la section suivante) de tempérer l'impression exercée par le niveau élevé des engagements de retraite portés par l'État publiés dans le hors-bilan du compte général de l'État .

Des engagements de retraites élevés correspondant à un patrimoine important pour les ménages

Ces engagements 42 ( * ) , qui totalisent l'ensemble des prestations que l'État devrait servir aux retraités actuels et, en fonction des droits acquis au moment où ils sont évalués, aux personnes en activité, étaient estimés à 2 080,4 milliards d'euros à la fin de l'année 2018, en retenant la pire hypothèse de taux actuariel (un taux négatif de 0,3 %) . Avec un taux de 0 %, les engagements étaient chiffrés à la fin de 2018 à 1 938,2 milliards d'euros.

Le compte général de l'État retient des chiffres entre 2 383 milliards d'euros et 1 393 milliards d'euros, selon le taux d'actualisation choisi.

Engagements de retraites de l'État

Source : compte général de l'État pour 2019

La fourchette d'estimation est large.

Le passage entre l'estimation de 2018 et l'évaluation de 2019 met en évidence la sensibilité des estimations au taux d'actualisation de référence. Du taux de - 0,3 % utilisé l'an dernier à un taux de - 0,72 %, qui représente une dégradation de 42 points de base du nouveau compte général de l'État, l'estimation des engagements de retraite augmente de 222 millions d'euros. 1 point de rendement supplémentaire allège les contraintes liées aux engagement de pension de l'État d'un niveau de l'ordre de 370 millions d'euros.

Passage de l'évaluation des engagements de retraite de l'État
de 2018 à celle de 2019

Source : compte général de l'État pour 2019

En sens inverse des effets de la baisse du taux d'actualisation retenu, on relève que la séquence des droits éteints en 2019 (49,8 milliards d'euros) excède celle des droits acquis en cours d'année (32,8 milliards d'euros), malgré une légère augmentation de ces acquis par rapport à l'exercice précédent (28,4 milliards d'euros), cette dernière évolution étant attibuable à la réactivation du protocole PPCR, qui a élevé les bases de liquidation projetées.

Comme la rapporteure spéciale a l'habitude de l'indiquer l'indicateur des engagements de pension du hors-bilan de l'État permet d'apprécier l'équivalent patrimonial des droits à la retraite des fonctionnaires couverts par le régime, information utile à toute analyse de la richesse patrimoniale des ménages et de leurs comportements d'épargne.

C. UN BESOIN DE FINANCEMENT SUR LE LONG TERME QUI TRADUIT LA SOUTENABILITÉ DU RÉGIME ?

Dans les évaluations publiées jusqu'à présent, le besoin de financement 43 ( * ) actualisé à l'horizon de 2050 était plus ou moins négatif en fonction des perspectives de croissance économique, mais il était toujours négatif, ce qui signifie que le régime dégage une capacité de financement.

L'estimation des besoins de financement actualisés pour 2050 présentée dans le compte général de l'État pour 2018 était venu nuancer, mais légèrement, ce panorama.

Dans l'hypothèse d'un taux d'actualisation négatif (- 0,33 %), les nouvelles estimations des besoins de financement actualisés à l'horizon 2050 extériorisaient un besoin de financement net très modéré au vu des masses financières en jeu, de 1 milliard d'euros.

En 2019, compte tenu d'hypothèses conventionnelles différentes 44 ( * ) , le besoin de financement actualisé redevient systématiquement négatif.

Projection du besoin de financement à l'horizon 2050

Source : compte général de l'État pour 2019

Cependant, il vaut d'être relevé que :

- par rapport à l'estimation produite l'an dernier, une dégradation du besoin de financement se produirait à l'horizon 2050 au taux d'actualisation de 0,3 % employé l'an dernier ; la dégradation est spectaculaire puisqu'elle approche 19 milliards d'euros en cumulé. Elle provient d'une actualisation des prévisions d'assiette des cotisations, la valeur de la masse indiciaire étant revue à la baisse pour la période 2020-2022 par rapport au compte général de l'État de l'an dernier ;

- les projections sont réalisées à taux de contribution employeurs inchangés, ce taux étant très supérieur à celui relevé dans le régime des salariés, pour des raisons diverses, explicitées dans le rapport de la rapporteure spéciale sur le projet de loi de finances pour 2020. Or, ce taux devrait considérablement baisser, du moins en apparence, dans le cadre du projet d'instauration d'un régime universel de retraite, puisque ce projet table sur une harmonisation des cotisations sociales salariales et employeurs dues par la grande majorité des affiliés (l'alignement des taux nominaux n'est toutefois pas équivalent à celle des taux effectifs dans la mesure où pour les fonctionnaires il s'accompagnerait d'un élargissement de l'assiette aux éléments indemnitaires -les primes -actuellement non cotisées).

Les perspectives à 2070 sont l'aboutissement d'une séquence de soldes financiers des régimes que présente le graphique ci-dessous.

Projection des soldes financiers des régimes de retraite
de la fonction publique d'État (2019-2050)

Source : compte général de l'État pour 2019

Le solde cumulé des régimes de fonctionnaires augmenterait jusqu'à atteindre un pic en 2027, soit un peu plus tôt que prévu jusqu'à présent. Au-delà une longue période de déficits modérés viendrait entamer les « réserves » accumulées au point que le solde actualisé cumulé du régime passerait quelques années dans le rouge avant de se redresser en fin de période. Entre 2063 et 2070, sous l'effet de l'extinction des pensions des classes nombreuses de fonctionnaires retraités (la fin du « papy boom » consécutif au baby boom de l'après-guerre) le solde positif du compte ne cesserait de s'accroître.

Ainsi, malgré la résurgence de déficit après 2031, les charges de pensions pourraient être acquittées sans nouvelle augmentation des taux de prélèvements obligatoires jusqu'en 2050.

Après une période intercalaire délicate, à plus long terme, le système de pensions de l'État serait plus que financé.

La rapporteure spéciale souhaiterait que, pour la visibilité des choses, les informations publiées jusqu'au compte général de l'État pour 2015 45 ( * ) soient reprises.

On les rappelle à titre de simple illustration.

La courbe verte du graphique ci-dessous cumule les barres en bleu foncé à l'horizon de la projection (2111), l'excédent cumulé atteignait 437 milliards d'euros .

Les résultats de la projection publiée en 2015, qui reposait sur la législation en vigueur, montraient qu'en l'état actuel des financements et des projections portant sur les dépenses de pensions civiles et militaires correspondant aux engagements de retraite les régimes concernés étaient équilibrés structurellement.

Besoin de financement actualisé des retraites du régime
des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015

On doit cependant insister sur les incertitudes que comportent les projections à long terme d'équilibre du régime des pensions civiles et militaires de l'État, le solde projeté étant sensible à des erreurs portant à la fois sur les recettes et les charges projetées.

Les projections publiées par le COR, dans son rapport de novembre 2017 consacré aux pensions de la fonction publique, mises en regard de la projection présentée ci-dessus, illustrent les écarts pouvant apparaître en fonction des hypothèses posées sur les différents paramètres gouvernant l'équilibre des régimes de retraite de la fonction publique.

Dans les projections du COR, le solde de ces régimes est moins bien orienté en début de période et s'il se redresse par la suite, cette amélioration est plus ou moins forte selon le scenario envisagé.

Projection du solde technique du régime de retraite
des fonctionnaires de l'État à l'horizon 2070

(en milliards d'euros)

Source : rapport du COR, novembre 2017

D. DES PERSPECTIVES QUI DEMEURENT LIÉES À L'ACCEPTATION SOCIALE DES SCENARIOS SUR LESQUELS ELLES REPOSENT

Les projections des régimes reposent sur des scenarios économiques et démographiques.

Sur ce dernier point, les projections anticipent, à législation constante, un âge de départ en retraite supérieur à 64 ans, avec des effets volumes favorables pour l'équilibre des régimes mais plus équivoques une fois prises en compte les revalorisations des bases liquidatives que suppose, du moins pour les personnes en emploi, l'allongement des carrières professionnelles.

L'espérance de vie devrait gagner 4 ans entre la génération 1960 et la génération 2000, prolongeant un rythme affaibli d'amélioration.

Toutefois, l'espérance de vie en bonne santé stagne à un bas niveau.

Données sur l'espérance de vie et l'espérance de vie sans incapacité

Source : « Etudes et résultats », DREES, n° 1046, janvier 2018

Du point de vue économique, à législation constante, une des clefs de compréhension de l'équilibre du régime réside dans la perspective d'une baisse constante des taux de remplacement offerts par les pensions ainsi que des taux de rendement des contributions.

Au-delà des lourdes incertitudes sur l'impact de modifications démographiques pouvant toucher les différents âges de la vie (entrée sur le marché du travail, mortalité, espérance de vie en bonne santé, effets de la natalité), il reste à évaluer la soutenabilité d'un système de base de pensions qui offre une perspective de réduction du niveau de vie relatif des retraités par rapport à la situation actuelle.

Dans les scenarios portant sur l'ensemble du système de retraite , la pension nette moyenne relative au revenu moyen d'activité se réduit. Cette évolution est une condition majeure pour l'équilibre financier du système de retraite.

C'est logiquement dans le scénario de croissance économique la plus forte que la pension moyenne relative au revenu d'activité moyen serait la plus faible à législation constante.

Pension nette moyenne par rapport au revenu d'activité net moyen

Source : rapport du COR Juin 2018

D'un peu plus de 60 % du revenu moyen d'activité, la pension moyenne passerait à 40 % dans ce scenario (50 % dans le scenario de plus faible croissance économique).

Pour autant, la valeur de la pension moyenne serait croissante dans tous les scenarios.

Pension nette moyenne en euros constants de 2017

Source : rapport du COR Juin 2018

Logiquement, la croissance de la valeur de la pension serait la plus forte dans le scenario de croissance économique le plus dynamique. Elle atteindrait plus de 50 % entre l'année de départ et 2070.

Le niveau de vie absolu assuré par la pension moyenne augmenterait donc, mais le niveau de vie relatif des retraités chuterait.

Niveau de vie des retraités rapporté
à celui de l'ensemble de la population

Source : rapport du COR Juin 2018

À législation constante, il perdrait plus de 25 points à l'horizon de la projection, sous l'hypothèse d'un maintien des autres revenus des retraités dans le PIB. Cette dernière hypothèse peut évidemment être discutée dans la mesure où le décrochage du revenu des retraités par rapport à celui des personnes en activité peut s'accompagner d'un renforcement du patrimoine des actifs plus important que pour celui des retraités (une partie de ce différentiel se retrouvant toutefois dans les revenus des retraités à mesure que les actifs partent en retraite).

Dans cette configuration, les taux de remplacement assurés par les retraites se replieraient nettement.

La situation actuelle est caractérisée par un taux de remplacement plus fort dans le régime général que dans la fonction publique d'État.

Le taux de remplacement offert par sa pension à un salarié non cadre sur son cycle de vie par rapport à son salaire moyen de carrière est de près de 75 % (génération 1950). Pour un fonctionnaire de catégorie B appartenant à la catégorie sédentaire (même génération), qui offre un cas-type théoriquement proche de celui du salarié non cadre, le taux de remplacement n'est actuellement que de 62 %. L'écart est considérable (12 points).

Pour ces deux salariés, les projections construites par le COR ouvrent la perspective d'une forte réduction des taux de remplacement appréciés sur le cycle de vie, évolution dont rend compte la baisse des taux de remplacement par génération.

Pour le salarié non cadre du privé, la diminution du taux de remplacement de la génération 1950 à la génération 1980 (elle prendra sa retraite vers 2044) est en moyenne de 7 points, le taux de remplacement se repliant plus encore avec application du coefficient de solidarité prévu dans l'accord sur les régimes complémentaires (une dizaine de points de moins en moyenne).

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un salarié non cadre y compris coefficient de solidarité ARRCO (graphique de gauche) ou hors coefficient de solidarité ARRCO (graphique de droite)

Source : rapport du COR Juin 2019

Ce dernier mécanisme ne joue pas dans la fonction publique, dans laquelle les projections du COR ouvrent la perspective d'une légère amélioration du taux de remplacement entre la génération 1950 et les générations postérieures (de l'ordre de +3 points).

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un fonctionnaire sédentaire de catégorie B

Source : rapport du COR Juin 2019

Cependant, cette perspective suppose une rupture par rapport à la tendance suivie par la politique salariale de l'État, qui du fait du quasi-gel de la valeur du point d'indice et de mesures catégorielles passant prioritairement par l'attribution d'indemnités, conduit à une déformation de la structure des rémunérations, de plus en plus composée de primes (non prises en compte lors de la liquidation des pensions, du moins à ce jour).

Ainsi, dans une projection plus tendancielle, le taux de remplacement d'un fonctionnaire de catégorie B sédentaire se réduirait fortement pour se rapprocher en fin de période de projection pour la génération née en 2000 de 50 % seulement (contre 65 % dans le régime général).

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un fonctionnaire sédentaire de catégorie B

Source : COR, rapport 2019

Sur fond de décrochage des conditions de liquidation des pensions de la croissance économique, ces projections ne font qu'illustrer l'ampleur plus forte qu'elle prend dans la fonction publique d'État.

Ce constat paradoxal au vu de conditions théoriques de liquidation plus favorables est la résultante des conditions pratiques de conduite de la politique salariale dans la fonction publique.

L'étude d'impact associée aux projets de loi instaurant un système de retraite universel comporte quelques simulations sur cas-types, des perspectives de taux de remplacement à l'issue de la réforme.

Elles mettent en évidence un effet quasi-systématiquement favorable, dont l'ampleur dépend toutefois de l'âge de liquidation, suggérant que le poids des dépenses de retraite des fonctionnaires dans la PIB sortirait alourdi de la réforme.

Ces simulations présentent la faiblesse majeure de ne pas exposer leurs hypothèses avec précision, mais également celle de ne pas couvrir l'ensemble des situations, les cadres supérieurs de la fonction publique et les actifs n'étant pas inclus dans la liste des cas-types.

C'est pour cette raison que la rapporteure spéciale a interrogé les ministres concernés sur « les questions particulières posées par la mise en oeuvre d'un régime en points pour les fonctionnaires disposant d'un taux de prime comparativement faible, en demandant de faire ressortir la réduction du taux de remplacement offert à ces fonctionnaires et de faire une note spécifique sur la situation des personnels de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur » Elle souhaitait encore que lui soient indiquées les pertes de droit prévisibles et que soient justifiées les mesures annoncées (en les précisant) pour y remédier en estimant leur impact individuel et leur impact sur le budget de l'État ».

La réponse transmise à la rapporteure spéciale est exposée littéralement ci-dessous :

« Le projet de loi instituant un système universel de retraite prévoyait l'harmonisation des efforts contributifs de tous les régimes, avec des cotisations assises sur l'ensemble de la rémunération. Dans ce cadre, l'assiette de cotisation des fonctionnaires devait être élargie aux primes. Dès lors que pour une même rémunération indiciaire, les niveaux de primes sont différents et partant les rémunérations totales, la mise en oeuvre d'un système fondé sur un principe d'équité contributive (« un euro cotisé rapporte la même chose ») conduit mécaniquement à des pensions différenciées pour les différentes populations de fonctionnaires. L'un des enjeux des périodes transitoires en discussion au moment de la suspension de la réforme était justement d'atténuer pour les populations disposant d'un taux de prime comparativement faible les impacts liés au changement de système de retraite.

Depuis, lors de son discours de politique générale du 15 juillet 2020 puis à l'occasion de la Conférence du dialogue social du 17 juillet 2020, le Premier Ministre a proposé aux partenaires sociaux comme aux parlementaires que la concertation relative au projet de loi instaurant un système universel de retraite reprenne « afin d'améliorer le contenu comme la lisibilité » de la réforme des retraites. Dans l'attente de cette concertation et des arbitrages qui seront retenus, aucun élément nouveau n'est disponible ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 56 nonies (nouveau)

Demande de rapport sur certaines pensions agricoles

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Cet article additionnel adopté lors de l'examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » par l'Assemblée nationale, après adoption d'un amendement de Mme Jacqueline Dubois (LREM) ayant reçu un avis favorable du rapporteur spécial suppléant de la commission des finances et contre l'avis du Gouvernement, prescrit la remise d'un rapport dans les trois mois après la promulgation de la loi de finances destiné à « évaluer  les conclusions : d'un alignement progressif des majorations de pension pour les conjoins collaborateurs d'exploitants agricoles, ; de la majoration du point de retraite complémentaire obligatoire pour les conjoints collaborateurs d'exploitants agricoles ; de la hausse du complément différentiel de retraite des pension des conjoints collaborateurs d'exploitants agricoles pour atteindre 985 % du SMIC ».

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

La situation de retraite des exploitants agricoles devrait être améliorée à partir de 2022 du fait de l'adoption de la loi n° 2020-839 du 4 juillet 2020 qui porte le minimum de pension de retraite à 85 % du SMIC sous certaines conditions. La situation des conjoints collaborateurs reste à consolider.

Le vote intervenu à l'Assemblée nationale peut se recommander de justes motifs de fond. Néanmoins, le rattachement de cet article additionnel à la loi de finances, et plus encore à la mission « régimes sociaux et de retraite », ainsi que l'objet de l'article, qui prescrit un rapport, rendent le dispositif contraire à la Constitution.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 74 (nouveau)

Modification des règles de cumul de pensions
de retraite des fonctionnaires

I. LE DROIT EN VIGUEUR

L'article L 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite traite du cumul de plusieurs pensions par les fonctionnaires détachés dans un organisme international ou dans un organisme implanté à l'étranger en précisant que, dans le cas où il levé l'option consistant à cotiser au régime national durant son détachement, et si ces cotisations ne lui ont pas été remboursées, le montant de la pension acquise en application de son régime français ajouté à la pension acquise dans son organisme de détachement ne peut être supérieur à la pension qu'il aurait acquise en l'absence de détachement. Si tel est le cas, la pension nationale est écrêtée à hauteur de la pension acquise lors du détachement.

L'article 53-2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 applique un principe identique pour les fonctionnaires territoriaux affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

C'est également l'objet de l'article 65-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, tandis que l'article 46 ter de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 prévoit la possibilité pour un fonctionnaire détaché d'une double affiliation en même temps que la faculté offerte au fonctionnaire placé en ce cas de demander le remboursement des cotisations versées au régime français pendant la période de détachement en cas de liquidation d'une pension au titre de la fonction occupée pendant son détachement.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Introduit sur amendement du Gouvernement, ayant reçu un avis favorable de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'article vise à ouvrir aux fonctionnaires, militaires ou magistrats détachés dans une administration ou un organisme implanté sur le territoire d'un État étranger ou auprès d'un organisme international , l'option d'être affilié et de cotiser au régime de retraite national dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, tout en modifiant les règles d'articulation des droits ainsi constitués.

A. L'ASSIETTE ET LE TAUX DE LA COTISATION AU RÉGIME NATIONAL

L'assiette de la cotisation salariale au régime national est constituée par le traitement ou la solde correspondant au grade détenu par le bénéficiaire de l'option dans l'administration dont il est détaché, le taux de la cotisation étant fixé par décret.

L'affiliation ainsi mise en oeuvre est exclusive de toute autre affiliation à un régime de retraite français au titre de l'emploi ou de la fonction de détachement.

B. LES DROITS ACQUIS

Les périodes cotisées sont prises en compte pour la constitution et la liquidation de la pension du régime national.

Les dispositions relatives à l'écrêtement disparaissent du code des pensions civiles et militaires et des lois susmentionnées.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

Le Gouvernement a justifié son amendement par une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 6 octobre 2016, Adrien, aff C-466/) par laquelle cette dernière a jugé qu'un dispositif privant un travailleur d'un droit à pension pour lequel il a cotisé, même volontairement, est incompatible avec le texte des traités européens.

Le Gouvernement indique, en outre, que le droit à pension étant constitué sur la base de la seule cotisation salariée les dispositions à venir relatives au taux de la cotisation exigée des bénéficiaires du dispositif ayant levé l'option de double affiliation seront ajustées pour tenir compte que dans les régimes obligatoires des fonctionnaires, les droits à pension sont constitués et financés par une double cotisation : salariée et employeur.

Cette perspective, qui manque de précision, annonce un durcissement du taux des cotisations dues par les bénéficiaires effectifs de l'option, durcissement qui est censé se substituer à la règle régulatrice de l'écrêtement.

Les conditions de la constitutionnalité du décret appelé à fixer le taux de la cotisation salarié devront être examinées avec attention. Elles sont d'autant plus cruciales que dans un éventuel système universel de retraite fondé sur une identité des rendements contributifs les intentions exprimées par le Gouvernement sont susceptibles d'apporter une nouvelle entorse à ce principe même.

Plus généralement, la question de l'existence même d'une option de double affiliation pourrait être évoquée.

Compte tenu de l'exigence de mise en conformité avec nos engagements européens, il est proposé d'adopter sous ces réserves l'article additionnel.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 3 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - La mission « Régimes sociaux et de retraite » couvre tout ou partie des besoins de financement de dix régimes spéciaux de retraite déficitaires du fait de leur déséquilibre démographique, rendant la contribution de l'État solidaire obligatoire. Pour 2021, cette contribution de l'État sera de 6,153 milliards d'euros, en baisse de 74,2 millions d'euros par rapport à 2020.

Les deux tiers des crédits sont consacrés à la SNCF, à la RATP et au financement du congé de fin d'activité des conducteurs routiers, soit 4,195 milliards d'euros. 810 millions d'euros sont prévus pour financer le régime des marins. Enfin, 1,149 milliard d'euros est alloué aux régimes fermés des mines, de la SEITA -  Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes -, de l'ORTF - Office de radiodiffusion-télévision française - et des régies ferroviaires d'outre-mer.

Je rappelle que le projet de loi instituant un système universel de retraite a été voté, en première lecture à l'Assemblée nationale, le 5 mars 2020. Depuis, il a été mis en sommeil par le Président de la République. Toutefois, le 15 juillet 2020, le Premier ministre Jean Castex a rappelé que l'objectif était « de créer un système universel de retraite qui implique clairement la disparition à terme des régimes spéciaux, tout en prenant pleinement en considération la situation des bénéficiaires actuels de ces régimes ». Il a également insisté sur la nécessité d'améliorer le contenu et la lisibilité de la réforme via la reprise d'une concertation.

Les parlementaires seront-ils associés à cette étape ? Obtiendrons-nous tous les éléments chiffrés qui faisaient cruellement défaut dans le projet de loi initial, lequel nous renvoyait à de multiples ordonnances ? Je ne dispose à cet instant d'aucun élément supplémentaire, car les réponses à mes questionnaires sur le sujet sont vides. Je n'ai donc pas plus d'éléments concernant l'équité ou la soutenabilité de la réforme, ce qui nous pose pourtant bien des questions.

Enfin, je précise que les crises sanitaires en cours sont susceptibles d'avoir un impact sur les comptes de la mission.

Parmi mes constats, une surmortalité parmi les pensionnés des régimes des mines a été observée dans les régions Île-de-France et Grand Est ; le régime des marins doit faire face à une baisse de cotisations, et je m'inquiète toujours de l'impact du Brexit ; on n'observe pas de surmortalité significative à la SNCF et à la RATP : les cotisations ont été versées normalement, mais elles seront en partie remboursées par l'État, car celui-ci les a rendues éligibles au dispositif d'activité partielle, soit 78 millions d'euros pour la SNCF et 16 millions d'euros pour la RATP en l'état des estimations.

Depuis l'an dernier, la SNCF bénéficie d'un régime fermé, puisque les nouveaux entrants cotisent à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). En outre, une convention prévoyant la compensation des cotisations à la SNCF devait être signée en juillet 2020, mais on l'attend toujours, ce qui fragilise d'autant le financement du régime spécial. Par ailleurs, les pertes d'exploitation liées aux mouvements sociaux qu'a connus la SNCF sont estimées à 614 millions d'euros en 2019 et 330 millions d'euros en 2020, contre 150 millions d'euros à la RATP.

Le premier défi auquel doit faire face la SNCF, dans un contexte de crise et d'ouverture à la concurrence, est le maintien de son chiffre d'affaires et l'amélioration de sa rentabilité.

Concernant la performance de gestion des retraites, la caisse de retraite de la SNCF, qui a signé la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2021, doit réduire ses frais de 15 % sur quatre ans et réduire ses effectifs de gestion de 2 à 2,5 % par an. Résultat : de 2014 à 2017, au lieu de réaliser 2 millions d'euros d'économies, on constate un surcoût de 2,1 millions d'euros ; et pour 2020, encore de 1,5 million d'euros supplémentaires.

Dernier mot sur la contribution solidaire et nécessaire de l'État à l'ensemble de ces régimes spéciaux déficitaires : si son fondement est indiscutable, il se trouve quand même que l'État contribue au financement d'avantages spécifiques qui, eux, sont parfaitement discutables. Pour la SNCF et la RATP, le coût supporté par l'État serait de 970 millions d'euros annuels - 570 millions pour la SNCF et 400 millions pour la RATP selon la Cour des comptes. Une réforme sur ce point serait la bienvenue. C'est une grande partie de l'objet de la réforme projetée.

À titre personnel, je relève que le régime de la SNCF est fermé, ce qui fait que l'un des régimes spéciaux les plus importants est de toute façon voué à disparaître.

Je vous présente maintenant les crédits du compte d'affection spéciale (CAS) « Pensions ». Celui-ci retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État : 60,2 milliards d'euros sont prévus pour 2021, dont 56,7 milliards d'euros pour les seules pensions civiles et militaires, 1,94 milliard d'euros pour les ouvriers des établissements industriels de l'État, et 1,54 milliard d'euros pour les pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre.

Le CAS « Pensions » devrait générer des excédents - c'est une bonne nouvelle ! - grâce à la contribution employeur de l'État toujours supérieure aux dépenses. Pour mémoire, le taux de la cotisation patronale est de 74,28 % pour les civils et de 126,07 % pour les militaires. Ces taux sont appliqués à la masse salariale cotisable de chaque ministère, puis imputés sur les programmes des ministères employeurs.

L'excédent prévisionnel est de 759 millions d'euros en 2021, soit un peu moins qu'en 2020, exercice lors duquel celui-ci atteindrait 1,2 milliard d'euros après révision de la prévision initiale. Le solde cumulé du CAS « Pensions » atteindrait donc 9,9 milliards d'euros fin 2021. Notez la substantielle contribution du CAS à l'équilibre général du système de retraite, puisque le déficit de la branche vieillesse s'élèverait à 25,4 milliards d'euros !

Le solde cumulé du compte d'affection spéciale devrait continuer de croître jusqu'en 2027, puis devenir légèrement négatif jusqu'en 2050, puis 2063, ce qui correspond à la fin de la génération du papy-boom.

Notons cependant que l'État emploie de plus en plus de contractuels, qui n'alimentent pas le CAS « Pensions », mais la CNAV, ce qui se traduit par une baisse de recettes immédiate, mais par des économies sur le long terme, puisque les pensions seront moins nombreuses.

Je ferai un point sur le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) du 15 octobre 2020 concernant l'impact de la crise sanitaire. Nous ne disposons pour l'instant que des effets de la crise d'ici 2024.

Selon Santé publique France, la surmortalité entre le 1 er mars et le 31 juillet dernier a été de 30 224 morts, dont 19 750 en hôpital et 10 474 dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Pour la population générale, on constate 88,5 % de surmortalité chez les plus de soixante-cinq ans. Si, entre 2013 et 2019, l'espérance de vie a augmenté de un mois par an, la crise sanitaire induirait une baisse de l'espérance de vie à soixante ans de 0,3 an.

Mais, en l'absence de résurgence significative en 2021 - je crains d'être très optimiste -, l'espérance de vie devrait reprendre sa hausse tendancielle. Il pourrait même y avoir un rebond en 2021 s'expliquant par le fait que l'épidémie a accéléré le décès de certaines personnes âgées qui, sans le virus, seraient peut-être décédées en 2021.

L'effectif des retraités baisserait de 22 500 en 2020 soit 0,15 %. Celui des agents hospitaliers devrait progresser de 15 000 selon le Ségur de la santé. D'après les projections, le déficit du système de retraite augmenterait de 1 % du PIB en 2020, puis baisserait jusqu'à 0,2% du PIB en 2024.

Je parle là de l'ensemble du système de retraite et non spécifiquement des régimes des fonctionnaires pour lesquels l'équilibre pour l'année 2021 est marqué par des caractéristiques intéressantes : la baisse de l'excédent dans un contexte de progression - faible - des dépenses prévues, mais de légères baisses des recettes. La progression des dépenses aurait été plus significative que prévu si les taux de liquidation effectifs ne baissaient pas dans un contexte pourtant marqué par un faible effet volume et une faible indexation. Dans ces conditions, à taux de cotisation salariale inchangé, le solde du compte ne reste positif que grâce à la réduction du taux de liquidation des pensions.

Pour conclure, je réaffirme être très impatiente qu'une réforme des retraites puisse être engagée. Toutefois, en attendant qu'elle voie le jour, il faut bien verser les pensions. Je préconise donc l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - En matière de retraite, il existe de grandes différences entre les fonctionnaires et les salariés du privé, notamment pour ce qui concerne le taux des cotisations patronales - plus de 74 % pour les fonctionnaires, moins de 20 % pour le privé. Dans le cadre de l'élaboration d'un système universel, le seul rapprochement de ces régimes pourrait prendre des années.

Les régimes spéciaux dits « fermés » sont des acquis. Il est toujours très compliqué de les remettre en cause. C'est pourquoi la commission des affaires sociales a tendance à proposer des mesures paramétriques. D'ailleurs, une réforme des retraites en tant que telle ne peut se concevoir que si le solde est équilibré. Or le projet de loi instituant un système universel de retraite, dans sa version initiale, augurait déjà d'un déficit structurel en 2024 - 10 à 12 milliards d'euros selon les critères retenus, le taux de croissance et le taux de chômage notamment.

Nous préconisons à la fois des mesures d'âge - nous pensons à une réforme Touraine accélérée  et à un décalage de l'âge de départ à la retraite. La France est en effet le seul pays de l'OCDE où cet âge légal est encore fixé à 62 ans.

Pour finir, je remarque que des mesures contradictoires affectent l'équilibre du système de retraite des fonctionnaires : d'une part, on embauche moins de fonctionnaires - je rappelle que le Gouvernement voulait supprimer 50 000 postes sur le quinquennat -, ce qui déséquilibre les régimes de retraite ; d'autre part, les mesures du Ségur de la santé, qui prévoit une hausse des salaires, et donc des cotisations supplémentaires, améliorent le solde de ces régimes.

Mes conclusions rejoignent celle de la rapporteure. Dès lors qu'il faut assurer le financement des régimes, je suis favorable à l'adoption des crédits de cette mission et du CAS.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je partage évidemment l'analyse de la rapporteure et du rapporteur pour avis. Compte tenu du contexte actuel, je suis assez surpris de la réponse du Gouvernement, d'autant qu'il doit, en tout état de cause, fournir les éléments d'information demandés par le Parlement pour évaluer correctement la situation financière de nos régimes de retraite.

Par ailleurs, je partage le constat de la nécessité de s'attaquer au dossier des retraites, qui est difficile, mais sur lequel il faut se pencher sérieusement et rapidement pour aboutir à une issue différente de celle que l'on a connue au début de l'année.

M. Arnaud Bazin . - Dans les collectivités locales, on emploie parfois des fonctionnaires d'État en détachement, pour lesquels on verse des cotisations sociales. J'ai pu constater que la variation de ce taux de cotisations pouvait être très brutale et imprévisible d'une année sur l'autre. Quelle sera l'évolution de ce taux entre 2020 et 2021 ?

M. Roger Karoutchi . - Je suis consterné que des organismes publics aient osé écrire que les personnes qui sont mortes du virus en 2020 l'auraient probablement été en 2021 d'autre chose. Il aurait pu faire preuve d'un peu plus de décence.

Concernant les comptes de la RATP et de la SNCF, il faut reconnaître que ces sociétés sont confrontées à un problème fondamental : elles ont moins besoin qu'avant de cheminots ou d'agents en raison de la modernisation et des progrès de l'automatisation et des technologies. Il y aura de toute façon de moins en moins d'actifs et de plus en plus en plus de retraités : l'équilibre est impossible.

Pour autant, il faut essayer de réduire le déficit de ces deux régimes. On peut encore progresser dans ce domaine en faisant reculer davantage l'âge de départ à la retraite. Ce n'est pas simple : la preuve, c'est que le Sénat, dans sa grande sagesse, a accepté d'adopter le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, en contrepartie de l'assurance du Gouvernement que l'on ne toucherait pas aux régimes de retraite pour rassurer les syndicats. Il est donc trop tard aujourd'hui pour revenir sur cet engagement.

Pour ma part, j'aurais préféré que le Gouvernement commence par réformer les régimes spéciaux avant d'envisager une réforme globale du système.

M. Marc Laménie . - Je partage l'analyse de Roger Karoutchi sur la situation de la RATP et de la SNCF.

Madame la rapporteure, vous avez parlé de régime « fermé » : dans ces conditions, quelles sont les perspectives à court et moyen terme pour cette mission et le CAS ?

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - Comme le rapporteur général, je déplore que le Gouvernement ne nous ait pas transmis d'éléments d'information. Nous manquons de beaucoup trop de données aujourd'hui.

Arnaud Bazin, le taux des cotisations sociales patronales ne variera pas en 2021, mais le différentiel de taux est en effet important.

Roger Karoutchi, je me doutais que l'analyse de la mortalité ne vous laisserait pas indifférent. Cela étant, cette observation étaie la probabilité d'un rebond de l'espérance de vie en 2021, information à la fois étonnante et sérieuse qui doit figurer dans mon rapport.

S'agissant de l'avenir du régime spécial de retraite de la SNCF, je précise qu'il y a 122 000 cotisants pour 242 000 pensionnés, soit 0,5 cotisant pour un pensionné. Ce ratio est de 0,8 à la RATP.

Pour réduire les déficits, il faudra probablement jouer sur la durée d'extinction du régime. Certes, le régime de retraite de la SNCF est fermé aujourd'hui, mais ce qui fonde une partie de la contestation face à la réforme, ce sont justement les régimes spéciaux : la solidarité de l'État est-elle légitime ? Deux solutions existent : soit on attend tranquillement l'extinction du régime, soit on l'accélère. En tout cas, le déficit sera impossible à compenser complètement par des mesures paramétriques.

Marc Laménie, le devenir de cette mission et de ce compte d'affection spéciale est de s'éteindre si l'on tend vers un régime universel. Il n'y aura plus de régimes spéciaux ni de régime propre aux fonctionnaires. Cela étant, il faut relativiser ce constat : il semblerait que la réforme ne soit pas pour tout de suite et que l'on examinera encore longtemps les crédits de cette mission et de ce compte d'affectation spéciale.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », ainsi que l'article 74. Elle a également décidé de proposer au Sénat de supprimer l'article 56 nonies par son amendement n° II-17 .


* 1 C'est-à-dire sans correction apportée à ce stade aux prévisions d'exécution de 2020 et moyennant la réalisation du scenario de reprise du Gouvernement pour 2021.

* 2 Cependant, le rapport sur les comptes de la sécurité sociale dernièrement publié mentionne une baisse des cotisations sociales de 30 %, soit un niveau de 82 millions d'euros contre 117 millions d'euros en 2019.

* 3 Le rapport sur les comptes de la sécurité sociale récemment publié mentionne une baisse de plus de 100 millions d'euros des cotisations patronales dont une partie est attribuable au « pacte ferroviaire ».

* 4 Voir en particulier le programme 206 de la mission AAFAR.

* 5 Dans les réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale, on fait état étrangement d'une revalorisation des pensions de la SNCF de 1,1 % et de la RATP de 1 %.

* 6 En pratique, compte tenu des délais de paiement, le versement effectif de la pension revalorisée n'intervient qu'en novembre, dans la plupart des cas.

* 7 Un régime de retraite est dit « fermé » lorsqu'il n'accueille plus aucun nouvel affilié.

* 8 Soit un « effet de noria » négatif.

* 9 Décrets n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite de la RATP et n° 2014-772 du 27 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

* 10 Un certain nombre de charges liées aux retraites des mineurs sont comptabilisées dans d'autres régimes ou sont financées à partir de l'agence nationale pour la garantie du droit des mineurs financée à partir du programme 174 (pour 17,1 millions d'euros).

* 11 Un mécanisme analogue est prévu pour la RATP, mais sous la condition que les effectifs de l'entreprise dépassent un seuil qui n'a jamais été atteint. En conséquence, le mécanisme de surcotisation n'est pas mis en oeuvre ce qui conduit à reporter sur le contribuable national le déficit de recettes constaté pour couvrir ces avantages.

* 12 Voir l'annexe n° 1 pour une présentation détaillée des mesures concernant la RATP et la SNCF

* 13 Décrets n° 2011-292 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la RATP et n° 2011-291 du 18 mars 2011 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

* 14 Décret n° 2014-712 du 27 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF et décret n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la RATP.

* 15 Pour une durée moyenne d'activité de 32,7 ans à la SNCF et de 35,3 ans à la RATP.

* 16 L'écart entre les informations portant sur les années cotisées et les durées d'activité à la RATP fait ressortir une incohérence qu'il conviendrait d'élucider clairement. Peut-être faut-il y voir l'effet d'une différence de champ dans le décompte des durées, les unes propres au régime, les autres portant sur l'ensemble des carrières à la RATP ou dans d'autres entités.

* 17 Les données sont issues d'une évaluation réalisée en 2012, qui aurait mérité une actualisation.

* 18 Pour les fonctionnaires territoriaux, l'indice moyen est passé de 352 en 1992 à 440 en 2010 et 466 en 2018.

* 19 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 20 La valeur moyenne des pensions en stock publiée dans les jaunes budgétaires correspond à des années déjà « anciennes ». C'est ainsi que le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2021 se réfère à des valeurs correspondant à l'année 2019.

* 21 D'autres évolutions des droits peuvent être en cause comme l'atténuation des avantages familiaux.

* 22 Il existe couramment un biais de présentation selon « l'opinion » des uns ou des autres, les avantages relatifs de certaines catégories étant mis au compte de la réglementation par ceux qui les critiquent ou des particularités de la situation professionnelle par ceux qui les considèrent comme des compensations de nature indemnitaire.

* 23 Ce dernier est probablement surestimé du fait du gel du point d'indice.

* 24 Des recettes peuvent également être comptabilisées à d'autres titres mais elles représentent un apport relativement mineur aux ressources du compte.

* 25 Contributions aux seules pensions.

* 26 Hors cotisations salariales des agents d'Orange société anonyme (SA) et de La Poste.

* 27 Le nombre des cotisants civils a baissé de 48 000 entre 2011 et 2017. Pour les ouvriers de l'État, la baisse est d'à peu près 16 000 au cours de la même période.

* 28 Le remplacement de fonctionnaires par des contractuels explique l'essentiel de la baisse du nombre des cotisants qui est également venue de la réduction tendancielle du nombre des fonctionnaires employés par Orange SA et La Poste.

* 29 Article 42 de la loi n° 210-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et décret d'application n° 2010-1749 du 30 décembre 2010.

* 30 Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.

* 31 Décret n° 2013-1290 du 27 décembre 2013 modifiant les taux des cotisations d'assurance vieillesse de divers régimes de sécurité sociale et des cotisations d'allocations familiales.

* 32 En particulier, la neutralisation des différences entre les assiettes de cotisation aboutit à des résultats sans doute un peu excessifs dans la mesure où la limitation des assiettes de cotisation aux éléments indiciaires dans le secteur public a son pendant dans des règles de liquidation des pensions sur la base des seuls traitements indiciaires. Il est vrai qu'au total les taux de remplacement offerts par les régimes sont analogues mais au terme de mécanismes complexes qui incluent le jeu de l'ensemble des paramètres des régimes de retraite accessibles aux différentes populations d'affiliés.

* 33 Hors pensions de réversion qui pour représenter des avantages non contributifs ne sont généralement pas considérées comme relevant de droits de solidarité, cette exclusion étant contestable.

* 34 Ces engagements n'ont été rendus accessibles que pour les dépenses correspondant aux fonctionnaires civils de catégorie active (voir infra).

* 35 Il convient de distinguer le taux de rendement instantané, appréhendé au moment de la liquidation de la pension et un taux de rendement sur le cycle de vie, qui, notamment, conduit à tenir compte de la duration de service des pensions.

* 36 Note DREES n° 14-22, simulation des règles CNAV-AGIRC-ARRCO sur les carrières de fonctionnaires, COR séance plénière du 10 avril 2014 sur « les carrières salariales et retraites dans les secteurs privé et public ».

* 37 Elle se cumule avec les gains salariaux acquis au cours de la carrière, gains auxquels on peut assimiler les progressions sur les échelles indiciaires des fonctionnaires.

* 38 Les profils salariaux sont dessinés à partir des salaires relatifs des individus rapportés au salaire moyen par tête.

* 39 Cet effort recouvre les prélèvements obligatoires nécessaires pour couvrir les engagements quelle que soit la forme qu'ils doivent prendre.

* 40 Cette opération concernera également les autres assurés sociaux et à quelques nuances près, soulèvera pour ces derniers des problèmes analogues.

* 41 Pour le calcul des engagements de retraite de l'État en « groupe fermé », le champ retenu a été restreint aux seules charges de pensions des fonctionnaires titulaires et des militaires, à l'exclusion d'autres fonctionnaires (ceux employés par La Poste, par exemple) dont les droits font l'objet d'une évaluation distincte.

* 42 Les différentes évaluations des engagements de retraite de l'État pour ses fonctionnaires civils et militaires correspondent au montant des réserves dont devrait disposer l'État pour financer l'ensemble des prestations de retraite actuellement portées en engagements par l'État, tout au long de la retraite des pensionnés.

* 43 Le besoin de financement intègre les perspectives de recettes des régimes des fonctionnaires de l'État et décompose les engagements de retraite exposés plus haut par année. Un besoin de financement négatif correspond à une capacité de financement c'est-à-dire à une situation d'excès des recettes par rapport aux dépenses.

* 44 L'horizon de la projection est décalé de 2050 à 2070 tandis que les taux d'actualisation sont globalement inférieurs ce qui implique des revalorisations des pensions moins dynamiques.

* 45 Depuis l'édition 2016, le compte général de l'État pour 2016 ne reprend plus la projection à très long terme (horizon de 100 ans) des besoins de financement actualisés cumulés du compte, ce qu'il faut regretter compte tenu de la durée pertinente d'appréciation des équilibres des régimes de retraite.

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