B. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EST AUJOURD'HUI PEU EFFICIENT POUR SOUTENIR LES PRIORITÉS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

1. La rénovation énergétique, un enjeu budgétaire « mineur » à l'échelle du CAS

Le CAS n'est plus aujourd'hui le support premier des opérations menées par l'État-propriétaire, et notamment en matière de rénovation énergétique et de transition écologique .

L'action 01 du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », sur laquelle 6,30 milliards d'euros ont été ouverts en autorisation d'engagement et 2,83 milliards d'euros en crédits de paiement en 2021, porte ainsi des crédits alloués à la rénovation énergétique des bâtiments . Ce plan cible quatre catégories de bâtiments : les locaux des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises, les logements privés, le logement social et, pour 4 milliards d'euros, les bâtiments publics. 2,7 milliards d'euros seraient plus précisément consacrés aux bâtiments de l'État, dont la moitié réservée aux universités .

Afin de mobiliser rapidement les crédits, une partie des projets sélectionnés appartient à la catégorie dite des « actions à gains rapides » , soit des projets de plus faible ampleur mais présentant un fort retour sur investissement. Les autres opérations concerneront des travaux de rénovation énergétique relevant du gros entretien et des opérations immobilières de réhabilitation lourde 16 ( * ) .

Cette action s'inscrit en parallèle du programme 348 « Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants » , créé dans le cadre de la mission « Action et transformation publiques » en 2018 et doté de près d' 1 milliard d'euros . Il ne porte que des projets structurants : la rénovation lourde de 35 sites et la reconstruction de quatre autres.

En comparaison, sur le programme 723 du CAS, deux enveloppes de 15 et 19 millions d'euros ont également été attribuées au financement de projets à « gains rapides » , dans le cadre du programme TIGRE (travaux immobiliers à gains rapides énergétiques). Selon les données transmises dans le rapport annuel de performance du CAS 17 ( * ) , il s'agissait de préfinancer des dépenses ayant vocation à contribuer au plan de relance , mais qui ne disposaient pas encore d'un support budgétaire dédié. Toutefois, seule la première enveloppe s'est effectivement traduite par des crédits de paiement en 2020, pour soutenir 541 projets.

En 2020, 36 % des crédits du CAS devaient contribuer au grand plan d'investissement (GPI), dans son objectif « accélérer la transition énergétique ». La contribution au GPI ne se traduit pas par l'ouverture de crédits supplémentaires mais plutôt par un étiquetage de crédits existants, jugé opportuniste par le rapporteur spécial, d'autant que le montant des crédits labellisés « GPI » s'appuie sur une enquête réalisée auprès des responsables de budget opérationnel de programme (BOP).

Le résultat est toutefois en deçà de la prévision puisque seulement 16,1 % du CAS ont contribué à cet objectif : non seulement la part des dépenses labellisées s'est avérée plus faible qu'anticipée (161 contre 84 millions d'euros, pour 595 opérations), mais le montant total des dépenses s'est fortement accru (447 contre 522 millions d'euros). Ce résultat décevant illustre la double difficulté de tenir compte de cette dimension dans les objectifs de la politique immobilière de l'État et d'en suivre précisément la mise en oeuvre . Seuls 23 responsables de BOP sur 38 ont répondu à l'enquête de la DIE et, parmi eux, 16 étaient en mesure d'indiquer les gains énergétiques attendus des projets financés en 2020.

À l'enjeu de pilotage et de mobilisation des crédits s'ajoute donc celui de la bonne connaissance du parc immobilier , essentielle pour toute politique de réduction des consommations énergétiques. Or, selon les données du Conseil de l'immobilier de l'État, les consommations énergétiques de seulement 54 % des bâtiments potentiellement couverts par le dispositif « éco-énergie-tertiaire » 18 ( * ) sont bien retracées dans l'outil interministériel de suivi des fluides (OSFi), avec de surcroît un taux de fiabilité de moins de 50 % 19 ( * ) . C'est insuffisant pour mener à bien une politique globale de suivi et de réduction des consommations énergétiques.

2. Une réflexion à tenir sur l'évolution des besoins immobiliers de demain

La crise sanitaire, et le recours massif au télétravail qui en a découlé, ont relancé les réflexions sur ce que pourrait et devrait être « l'immobilier de demain » pour les administrations . Ces réflexions, qui portent tant sur l'organisation du travail que sur l'aménagement des bureaux, s'inscrivent par ailleurs dans un contexte de forte dégradation de l'indicateur de performance de rendement d'occupation des surfaces de bureaux en 2020. Supposé atteindre 13,4 m² en 2022, il stagne depuis plusieurs années au-delà de 14,5 m², les progrès réalisés chaque année étant extrêmement faibles.

Toutefois, cet indicateur semble désormais avoir perdu une partie de sa pertinence pour apprécier les efforts de rationalisation et de mutualisation du parc : les suppressions de poste conduisent mécaniquement à une augmentation de l'indicateur et celui-ci est mal adapté à une éventuelle évolution de l'organisation des espaces de travail dans les administrations (télétravail, espaces partagés, flex-office ). Il dépend également fortement des données disponibles sur le parc : ainsi, le reflux constaté en 2020 (15,73 m²) serait en partie dû aux variations observées dans la qualité et dans la complétude des données utilisées pour le calcul de ce ratio 20 ( * ) .

Il est donc primordial, et le Conseil de l'immobilier de l'État y est attentif, que les ministères occupants, lors de la présentation de leurs schémas directeurs immobiliers, tiennent compte des évolutions des modes de travail dans leurs objectifs de réduction de la surface utile nette par poste et de mutualisation des emprises.

De manière générale, sur les emprises comme sur l'entretien des bâtiments et la rénovation énergétique, le rapporteur spécial ne peut que constater, à nouveau, l'absence de réels mécanismes incitatifs pour les ministères occupants . Le dispositif imparfait des loyers budgétaires, supprimé à compter de 2019, n'a pas encore trouvé de substitut. Seule une procédure de labellisation des projets les plus onéreux a été mise en place, pour les opérations au-delà d'un certain seuil (5 millions d'euros ou 8 millions d'euros en Ile-de-France). Elle ne peut suffire en l'état à inciter les ministères et les administrations à concourir aux objectifs de la politique immobilière de l'État.


* 16 Pour une description détaillée de cette action, se reporter au rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020, au titre de la contribution sur les missions Plan de relance-Plan d'urgence face à la crise sanitaire.

* 17 Rapport annuel de performances 2020 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

* 18 Dans le parc tertiaire public et privé, les objectifs définis par voie législative et règlementaire fixent un taux de réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments de 40 % en 2030, de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050 par rapport à 2010.

* 19 Selon les informations figurant dans l'avis de suite du Conseil de l'immobilier de l'État sur l'amélioration de la performance énergétique du parc immobilier occupé par l'État et ses opérateurs (24 septembre 2020).

* 20 Selon les informations figurant dans le rapport annuel de performances 2020 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

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